VII) Présentation d'un cas concret.
La jeune fille avec laquelle j'ai réalisé
l'entretien est âgée de 16 ans, et issue d'une famille
monoparentale. Son père a quitté le domicile familial il y a 5
ans et n'a plus donné aucune nouvelle. Quant à sa mère,
elle est alcoolique et ne quitte plus son lit à part pour aller faire
les courses. L'adolescente est donc livrée à elle-même
depuis l'âge de 11 ans. Elle a deux demi-soeurs âgées de 18
ans qui sont le fruit d'une relation que la mère a eu avec un autre
homme. Ces deux jeunes filles vivent avec leur père depuis qu'elles ont
2 ans. Elles ont toujours gardés contact toutes les trois.
Voici l'examen mental de la jeune
fille :
Melle XX âgée de 16 ans, entrée à
l'institution après avoir mis le feu à son école et pour
agression sur personne âgée. Lors de mon entretien, son apparence
vestimentaire était appropriée à la saison. Elle avait une
bonne hygiène corporelle : pas d'acné, pas de cicatrice. La
jeune fille avait un contact visuelle fuyant, était ouverte à la
communication mais manifestait cependant une réticence à se
confier (hésitation, bégaiement...). XX tenait un discours
cohérent. N'avait ni hallucinations, ni illusions et ni
dépersonnalisation. Il lui manquait du vocabulaire pour s'exprimer et
elle faisait quelques fautes de langage. Elle avait une bonne mémoire,
car quand je lui parlais, elle savait me raconter certains
évènements qui s'étaient déroulés alors
qu'elle n'avait que 5 ans et également ce qui s'était
passé la semaine dernière.
a) ENTRETIEN N°1
Contexte : Cet entretien s'est
déroulé dans la chambre de la patiente . C'est moi qui le lui ai
proposé vu que j'effectuais un soin auprès d'elle. Voici comment
il s'est déroulé :
- « Bonjour Melle X ».
- « Bonjour Mme ».
- « Comment allez-vous ? ».
- « Ca n'va pas ! ».
- « Ca n'va pas, que veux-tu dire
par-là ? ».
- « J'en ai marre d'ici, ça m'fais chier de
rester là ».
- « Tu en a marre, que veux-tu dire par
là ? ».
- « Ben je viens de vous l'dire ça me fais
chier d'être ici ».( avec un ton sec)
- « Silence ». (la regardant dans les
yeux en hochant la tête)
- « Ma famille me manque...pas ma mère, ni
mon père, mais mes soeurs ».
- « Tu as reçu une visite,
non ? ».
- « Si c'était mes deux soeurs,
j'étais contente ».
- « Comment cela s'est-il
passé ? ».
- « Bien, elles m'ont ramené du
chocolat ».
- « Qu'as-tu ressentis quand elles étaient
la ? ».
- « Ben, j'étais heureuse ca faisait
longtemps qu'elles n'étaient pas venues ».
- « Il y a quelques minutes tu m'as dit que tes
parents ne te manquaient pas, c'est bien cela ? ».
- « Ouais, ils n'ont jamais été
présents pour moi, ça n'va pas changer
aujourd'hui ! ».
- « Qu'est-ce-que cela suscite en
toi ? ».
- « De la rage, de la haine, et je m'en fous
d'ailleurs ».
- « De la rage, de la haine, que veux-tu dire
par-là ? ».
- « Ils m'ont abandonné tous les deux et
à cause d'eux, je suis enfermée ici ».
- « Silence ».
- « Depuis que j'ai 12 ans je suis livrée
à moi-même, je me suis débrouillée seule
jusqu' `à maintenant, ; aujourd'hui je suis enfermée
ici alors que ce sont mes parents qui devraient être punis pour m'avoir
abandonné !!».
- « Je sens beaucoup de ressentiments en toi, mais
sache que cette institution n'est pas une prison, mais un lieu servant à
t'encadrer et qui t'apprend les règles de bases permettant de
s'insérer dans la société. Tu es encore mineure et tu es
sous la responsabilité de l'Etat. Nous sommes là pour veiller sur
toi et t'aider à choisir de bonnes voies. ».
- « C'est ce que tout le monde me
dit ».
- « Tout le monde ? ».
- « Les éducs, l'assistante sociale, le
psychiatre... »
- « En tout cas, si tu souhaite en reparler, saches
que je reste à ta disposition ».
- « Merci Mme ».
- « Au revoir X ».
- « Au revoir Mme ».
1) Analyse personnelle
Ce que je peux dire sur mon entretien, c'est que j'ai
utilisé beaucoup d'investigations.
Pourquoi ? Tout simplement parce que je souhaitais recueillir des
informations sur le ressentis de la jeune fille. C'est le but de la relation
d'aide puisque c'est en faisant part de ses ressentis que l'adolescente pourra
avoir accès à ses processus internes, apprendre à se
connaitre et ainsi prendre des décisions la menant vers de bons choix de
vie.
J'ai également utilisé le silence car
c'était une façon d'inviter la jeune fille à poursuivre et
c'est ce qu'elle à fait. Je n'ai pas voulu utiliser trop de silence, car
je me suis rappelé que dans la relation d'aide il est utilisé
mais qu'il est conseillé de ne pas trop « en
abuser » de peur que l'adolescente ne croie que je n'ai rien à
dire ou que je ne l'écoute pas.
Quand j'ai utilisé le
silence, je l'accompagnais d'un hochement de la tête :
c'est de la communication non verbale et c'est très important de
l'utiliser quand on se sert de la relation d'aide. Car que je ne le veuille ou
non, mes gestes et mes mimiques sont une façon de communiquer avec
autrui : Si j'avais froncé les sourcils, je suis persuadée
que la jeune fille l'aurais perçu comme de l'inquiétude ou une
désapprobation.
Je trouve que l'entretien aurait pu mieux se dérouler, car
à un moment donné je me suis éloignée du but, qui
était de savoir ce que ressentait la jeune fille. Elle m'a parlé
du fait que ses parents ne lui manquaient pas et je ne lui ai pas
demandé la raison tout-de -suite. J'ai lui ai demandé ce qu'elle
ressentait quand ses soeurs sont venues la voir.
Toutefois, je me suis rattrapée, en lui posant la question
à la prochaine interaction. Grace à cette interrogation j'ai pu
me rendre compte qu'elle leurs en voulait de l'avoir abandonné et
qu'elle désirait qu'ils soient emprisonnés pour cet acte. Elle
voyait l'institution comme une sorte de prison et trouvait injuste le fait
d'y résider. J'ai trouvé important le fait de lui rappeler le but
de cet établissement. Malheureusement, à la fin de l'entretien
elle m'a confiée que toute l'équipe pluridisciplinaire lui disait
que l'institution était un lieu d'apprentissage des normes et des
valeurs afin de s'insérer dans la société. J'aurai pu lui
demander à ce moment la : »Et qu'en
penses-tu ? ».
Cela m'aurait permis de savoir si elle était d'accord
avec les professionnels de la santé ou pas.
Si c'était le fait d'en vouloir à ses parents
qui l'ont poussé à considérer l'I.P.P.J comme une
prison.
Enfin, j'ai utilisé l'aspect
fonctionnel en lui rappelant que je reste à sa disposition
si elle désire en reparler plus tard.
2) Conclusion.
Je ne suis pas trop satisfaite de cette entretien comme je
vous l'ai dis auparavant, car, je ne lui ai pas demandé si elle
était d'accord avec l'équipe pluridisciplinaire, sur le fait que
l'institution est un lieu d'apprentissage des moeurs er des valeurs de la
société, et non une prison. A part cela, j'au utilisé les
différentes techniques de communication de la relation d'aide :
investigation, reflet, silence. Grace à ces différentes
techniques, j'ai pu constater que l'entretien a été
facilité, que j'ai établit une relation de confiance avec la
jeune fille et qu'à un moment donné elle a su me dire les
sentiments exacts qu'elle ressentait. C'est un bon point de départ car
c'est en ayant accès à ses propres sentiments que XX pourra
ensuite apprendre à se connaitre et prendre des décisions
justes.
Je pense que la relation d'aide est utile dans l'aide des
adolescentes en difficulté. Ceci-dit, ce n'est pas évident de
l'utiliser à bon escient. Il y a toujours des difficultés, comme
celle que j'ai rencontré dans cet entretien. C'est au fur et à
mesure de l'utiliser qu'on arrive un peu à éviter les
« entorses ».
b) Entretien
n°2 :
Contexte : Melle XX est venue me voir à
l'infirmerie car elle désirait avoir un entretien avec moi, concernant
son mode de vie actuel ainsi que sa vie future. N'étant pas disponible,
je lui proposai qu'on se revoit à un autre moment de la journée.
Elle a donc accepté. Voici la façon dont il s'est
déroulé :
- « Bonjour Melle XX ».
- « Bonjour Mme ».
- « Comment vas-tu ? » (avec un
léger sourire)
- « Ca va, un peu ».
- « Ca va un peu, que veux-tu dire
par-là ? ».
- « Dans le corps, ca va... mais pas dans la
tête ».
- « Ce que tu veux dire, c'est que physiquement
ça va, mais pas psychologiquement , c'est bien
cela ?».
- « Oui ».
- « silence » (tout en la
regardant).
- « J'arrête pas de penser à ma vie
de maintenant, et à ma vie de plus tard ».
- « Quand tu y penses, que ressens-tu à
ce moment-là ? ».
- « Je suis triste, tracassée et en
colère ».
- « Tu es triste, tracassée et en
colère, que veux-tu dire par-là ? ».
- « Quand je dis triste, c'est parce que je vois
que j'ai fais rien du tout jusqu'à maintenant, à part des
conneries ; quand je dis la colère, c'est parce que je m'en veux
beaucoup d'avoir fait les choses que j'ai fais quand j'étais dehors et
j'ai peur pour demain parce que je sais pas ce que je vais faire plus tard dans
ma vie ».
- « Ce que tu essaies de me dire, c'est que
d'une part, tu regrettes d'avis commis de mauvais actes quand tu étais
à l'extérieur, et que d'autre part, tu souhaites aujourd'hui te
comporter différemment, car ton avenir t'inquiète, c'est bien
cela ? ».
- « Ouais, c'est ça ».
- « Que penses-tu des cours que tu suis ici au
pavillon ? ».
- « C'est cool, on fait les maths, la lecture,
ça va quoi ».
- « Et dans la vie future, que souhaites-tu faire
comme métier ? ».
- « Coiffeuse ».
- « Pourquoi souhaites-tu faire
coiffeuse ? ».
- « Parce que je trouve que c'est un beau
métier et c'est ce que je voudrais faire ».
- « En as-tu déjà discuté avec
quelqu'un d'autre ? ».
- « Avec les profs et l'assistante
sociale ».
- « Et qu'en pensent-ils ? ».
- « Que j'ai mes capacités d'apprendre et de
le réussir ».
- « silence ». (tout en hochant la
tête).
- « Ils m'ont dit qu'y a moyen d'aller faire la
formation dehors, mais j'ai peur ».
- « Tu as peur, que veux-tu dire
par-là ? ».
- « Ben, de rater » ? (en
fronçant les sourcils)
- « Ecoute, il faudrait que tu évites de
penser au fait que tu pourrais rater avant même d'avoir commencé
formation. Je sais que la peur est un sentiment humain mais il ne faut surtout
pas de décourager. L'équipe professionnelle est là pour
te soutenir et t'aider à aller de l'avant, ai aussi confiance en toi,
n'abandonne pas ».
- « Ah Mme c'est ce que je voulais
entendre ». (sourire)
- « Que voulais-tu entendre ? ».
- « Que je peux y arriver, de ne pas
abandonner ».
- « Silence ».
- « Je suis contente, ca me donne des forces. Plus
je l'entends, plus je suis courageuse. ».
- « Je suis également contente pour toi, dans
tous les cas, si tu souhaites en reparler, saches que je reste à ta
disposition, ok ? ».
- « Merci Mme ».
- « Au revoir Melle ».
- « Au revoir Mme ».
1) Analyse personnelle
Je suis satisfaite de mes entretiens. En effet j'ai pu
déceler ce qui rendais triste l'adolescente, et ceci en utilisant des
investigations : « que veux-tu dire
par la ? », mais également des questions ouvertes :
« Que ressens-tu à ce moment-là ? ».
J'ai également réitéré
ses propos afin d'en dégager les aspects essentiels :
elle regrette d'avoir commis de mauvais actes et s'inquiète pour son
avenir.
La jeune fille a pu se rendre compte de ce qu'elle ressentait
et a su expliquer ses sentiments. C'est le but crucial de la relation d'aide,
car comme elle a eu accès à ses processus internes, elle a
découvert une partie d'elle qu'elle ne connaissait pas. Dans cette
entretien, j'ai également utilisé la communication
non verbale (léger sourire.. le regard). C'était
une marque de soutien de ma part et je suis convaincu que la jeune fille l'a
ressenti, car à un moment précis j'ai vu un sourire sur ses
lèvres : la communication non verbale va dans les deux sens. J'ai
aussi manifesté mon soutien quand je lui ai
conseillé d'éviter de penser à l'échec avant
même d'avoir commencer la formation, et lorsque je lui ai dit que nous
sommes là pour l'aider. J'ai terminé mon entretien avec un
aspect fonctionnel en rappelant à XX que je
restais à sa disposition si elle désirait en reparler.
2) Conclusion.
Je suis satisfaite de cet entretien car comme je l'ai dit
auparavant , il a eu un impact positif sur l'adolescente. Il a
été perçu par elle comme une marque de soutien, de
réconfort.
Elle est arrivée avec de l'inquiétude et de la
tristesse, et est repartie avec un sourire et un remerciement. Je ne dis pas
que cet entretien a pu changer la façon dont elle se comportait, ni ce
qu'elle pensait. Mais sur le coup il y a quand même eu un changement
d'attitude. Je m'explique : XX était triste et manquait de
confiance en elle. Mon rôle premier était de lui demander pourquoi
elle ressentait de la tristesse et de l'inquiétude. Elle a su
m'expliquer parfaitement ce qu'elle ressentait ainsi que les raisons. Quel
point positif !!
N'oublions pas que le but de la relation d'aide est
d'instaurer la confiance, le respect et un soutien chaleureux. Qu'elle permet
à l'adolescent de s'exprimer, de se rendre compte de son comportement et
de l'aider à une prise de décision menant à une solution.
Dans cet entretien elle m'a confié qu'elle se rendait compte qu'elle
avait fait pas mal d'erreur et qu'elle souhaitais repartir d'un bon pieds,
faire une formation. Elle m'a remercié pour mon soutien et je pense que
ses remerciements étaient sincères. En résumé en
utilisant la relation d'aide à bon escient, on peux aider la jeune fille
à se comprendre et mieux résonner.
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