2. Des proportions au mouvement des astres.
a. Un mouvement réglé
Platon explique les mouvements de la nature à partir de
considérations mathématiques. C'est à partir de
règles géométriques que naissent les mouvements du ciel.
En effet, la suite des nombres positifs représente la distance entre la
Terre et les six autres planètes en rotation autour de celle-ci ; elle
correspond aussi au rayon de leurs orbites, à leur disposition et enfin
la vitesse de leur révolution, qui varient en fonction de la longueur du
cercle que ce dernier décrit. Comme nous l'avons déjà vu
un peu plus tôt, la qualité principale de la symétrie est
de rester semblable à elle-même lors de transformations
liées à une rotation autour d'un axe ou à une translation
parallèle. Or, de toutes les figures, le cercle est la figure qui reste
la plus identique à elle-même, quelles que soient les rotations
appliquées à elle. La symétrie s'applique aussi aux
révolutions circulaires des astres, qui reviennent immuablement à
leur point de départ initial : « c'est la course circulaire qui est
uniforme et la mieux réglée35 ». La
régularité du mouvement des astres permet, grâce à
leur constance, de servir de mesure (metron,
ìçðï), d'étalon pour mesurer le temps ; les
astres sont donc des étalons temporels : le jour et la nuit sont
engendrés par le cercle du Même, la succession des mois est
engendrée par le mouvement de la Lune, la succession des années
par le mouvement du Soleil. Enfin, la grande année? de Platon,
c'est-à-dire le retour de tous les corps célestes à leur
position initiale, est engendrée par le mouvement des cinq autres
planètes. La durée de la grande année? dans la vie du
monde est de 12 960 000 ans, soit exprimé géométriquement,
un carré de 3600 de côtés36. Il existe des
périodes dont les astres sont la mesure, et une grande année? qui
marque l'avènement d'un autre cycle. Les mouvements de tous les cercles
de l'âme du monde et le mouvement des révolutions des astres
engendrent le temps. Le monde sensible engendre le temps, et non l'inverse. Il
existe donc pour mesurer le temps, les temps divers des planètes dont
les mesures sont les mouvements du Soleil et de la Lune, et un temps commun qui
domine tous les autres -- nommé grande année? -- qui est un
étalon de mesure primordial lié à la perfection du cercle
du Même. Le temps de la grande année? domine les
35 Op. cit., p. 130 (Timée 39
c).
36 Op. cit., p. 696, Notes (La
République, VIII, 546 b-546 d).
temps relatifs au Soleil et à la Lune, puisque le
mouvement de la sphère des fixes domine les mouvements
sidéraux37.
Rappelons comment le démiurge en arrive à
créer le mouvement du Même et celui de l'Autre. Le
découpage exécuté sur « toute cette plaque, il la
découpa en deux morceaux, dans le sens de la longueur ; et les deux
bandes ainsi obtenues, il les appliqua l'une sur l'autre en faisant
coïncider leur milieu à la façon d'un khi ».
Autrement dit, il partage le mélange en deux bandes et les fait se
couper de manière à former un X.
« ... puis il les courba en cercle pour former un seul
arrangement, soudant l'une à l'autre leurs extrémités au
point opposé à leur intersection. Ensuite, les dotant du
mouvement circulaire uniforme qui se produit au même endroit, il prit ces
deux cercles et il fit l'un extérieur, l'autre intérieur. Or, le
mouvement extérieur il le désigna comme étant celui du
Même, le mouvement intérieur, comme celui de l'Autre38
». En joignant les deux bandes nous obtenons deux sphères, une
sphère du Même englobant le mouvement de la sphère de
l'Autre.
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Le premier cercle du Même entraîne les
étoiles fixes de la gauche vers la droite -c'est-à- dire d'est en
ouest- dans le plan de l'Équateur. Ce cercle contient toute la
réalité sensible et rien ne perturbe son mouvement, car il n'y a
rien en dehors de lui. Le mouvement de la sphère et celui des astres est
le même, les astres étant pour ainsi dire fixés sur la face
interne du cercle du Même; le second cercle entraîne les sept
planètes de la droite vers la gauche -- c'est-à-dire d'ouest en
est -- dans le plan de l'Écliptique (AB : tropique du Cancer CD :
tropique du Capricorne ED : plan de l'Équateur CB : plan de
l'Écliptique).
37 Op. cit., p. 131 (Timée 39
d).
38 Ibid., p. 124 (Timée 36
c).
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Les orbites des sept planètes sont placées sur
la révolution intérieure que le démiurge divise six fois.
Le centre des orbites est le même pour tous, c'est la Terre : « la
révolution intérieure, il la divisa à six reprises, pour
former sept cercles inégaux, correspondant chacun à un intervalle
double ou à un intervalle triple, de telle sorte qu'il y ait trois
intervalles de chaque sorte. Il prescrivit que ces cercles aillent en sens
inverse les uns des autres, trois avec des vitesses semblables, et les quatre
autres avec des vitesses différentes les unes par rapport aux autres et
différentes de celles des trois autres, mais suivant un mouvement
réglé39 ». La révolution intérieure
de l'Autre est divisée six fois pour obtenir sept cercles correspondant
aux orbites des planètes40 (voir schéma ci-contre).
Le centre de cette révolution est ajusté
à celle du corps du monde afin que ce milieu corresponde parfaitement
aux deux révolutions. Ainsi, les cercles sont tous homocentriques. Le
monde sensible est doté par le démiurge d'un principe qui rend
compte à la fois du mouvement ordonné astronomique, qui est
physique, et du mouvement ordonné du monde sensible, qui est celui de la
connaissance. Le cercle du Même permet à l'âme du monde un
contact direct avec les Formes intelligibles, tandis que le cercle de l'Autre
permet un contact avec le sensible. Une fois l'ajustement accompli, peut
commencer « en tournant en cercle sur elle- même, une vie
inextinguible et raisonnable pour toute la durée des temps41
». Ce système astronomique repose donc uniquement sur une
combinaison de mouvements circulaires. La raison de l'âme du monde
résulte quant à elle de son illumination par les formes
intelligibles.
39 Ibid., p. 126 (Timée 36
d).
40 Voir illustration 2, Annexe, p. 65.
41 Ibid., p. 126 (Timée 36
e).
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