UNIVERS ITE DE POITIERS
Sciences Humaines et Arts
DU MOUVEMENT DE REVOLUTION CIRCULAIRE DANS LA PENSEE DE PLATON
Guillaume RIVET
Master 1 philosophie 2007/2008
Sous la direction de Sylvain ROUX Jury: Jean-Christophe
GODDARD, Sylvain ROUX (18 juin 2008)
Remerciements
À Sylvain ROUX (Maître de conférences en
philosophie ancienne à l'Université de Poitiers) pour
avoir pris en charge, aiguillé et rectifié ce
mémoire
Au jury, Jean-Christophe GOD DARD (Professeur à
l'Université de Toulouse Le Mirail)
À la médiathèque François Mitterrand
et à la bibliothèque universitaire (BU) de Poitiers, pour m'avoir
permis d'accéder à des livres difficilement accessibles sans
leurs services
Introduction
La pensée de Platon1 peut s'étudier
en de nombreux thèmes, tels l'éducation et le
politique2, qui méritent chacun que l'on s'y attarde, de par
l'enseignement que le lecteur peut en tirer. Le sujet qui est exposé
dans ce mémoire ne porte pas quant à lui sur un aspect
particulier, mais plutôt sur un principe transversal, principe à
l'origine de tous les changements particuliers ayant cours dans l'univers. Il
unit la réalité, en la liant grâce à son mouvement,
établissant une rotation commune aux astres et aux vivants. En un sens,
lier l'origine de l'univers à celle de l'homme, ainsi qu'à celle
de la société, fait partie de l'ambition de ceux que l'on nomme
philosophes et dont les poètes grecs furent les
prédécesseurs. Un lien naturel est établi par eux entre le
macrocosme et l'homme, lequel est considéré comme un univers
miniature, un microcosme3. L'univers, de par son harmonie, devient
le modèle auquel l'homme et la société doivent le plus
possible se conformer, sous peine d'être voués à la
destruction. Le principe évoqué est celui du mouvement, dont la
forme est circulaire et dont la modalité est l'inversion
périodique du sens de sa rotation. C'est pourquoi Platon le nomme «
mouvement de révolution circulaire4 »
(anakuklesis), expression qui donne en partie sens au titre de ce
travail.
Il est intéressant de constater que l'expression en
question n'est pas fréquemment clairement évoquée dans le
corpus platonicien. La réalité de son action n'en est pas moins
présente, et c'est pourquoi il convient de décortiquer les
relations et les enchaînements implicites, afin de mettre à jour
une logique d'ensemble. Le mouvement de révolution circulaire s'applique
au mouvement des astres, comme chacun le sait, mais l'hypothèse de
travail ici est qu'il s'applique également au monde sublunaire, que ce
soit pour les plantes, les animaux, mais aussi pour les hommes, les
cités et les âmes. Il est donc convenu que ce mouvement existe
1 Voir biographie de Platon, Annexe, p. 63.
2 Mouze Létitia, Éducation et
politique chez Platon. Étude des livres II et VII des
Lois», Thèse soutenue le 13 décembre 2001 à
l'Université de Lille 3. Composition du jury: L. Brisson (CNRS, Paris),
M. Crubellier (Lille3), A. Laks (Lille 3, directeur de thèse), M. Narcy
(CNRS, Paris), C. Rowe (University of Durham).
3 BRISSON Luc, Platon Timée-Critias,
Paris, GF Flammarion, 2001, Introduction, pp. 9-10.
4 BRISSON Luc, PRADEAU Jean-François,
Platon Le Politique, Paris, GF Flammarion, 2003, p. 108 (Le
Politique 269 e). Voir aussi : « elle se meut en cercle
elle-même en revenant sur elle-même », op. cit., p.
126 (Timée 37 a).
dans la pensée de Platon, mais son rayon d'action est
d'habitude mésestimé ; il est réduit à la rotation
des corps célestes, alors qu'il exprime son mouvement dans bien d'autres
domaines, comme le développement de ce mémoire a pour tâche
de le démontrer. L'idée directrice ici est donc que le mouvement
n'est pas un concept marginal dans la pensée de Platon, mais qu'il est
au contraire lié à l'immortalité de l'âme, au
nombre, au devenir cyclique des vivants ; en un mot, il est un acteur majeur
dans l'univers. Le mouvement en question est de type cyclique. Il s'agit d'un
mouvement général, qui s'applique aux choses
particulières. La problématique consiste donc à voir et
comprendre quelles sont les manifestations du mouvement de révolution
circulaire dans l'oeuvre de Platon. Il n'est pas besoin d'inventer la
présence du mouvement de révolutions périodiques, il
suffit de lire le texte et de rapprocher des éléments souvent
disséminés dans les divers dialogues. Les plus utiles à ce
propos sont sans doute La République, Le Politique,
Timée et les Lois. Les mythes évoqués
par Platon sont souvent pourvoyeurs d'une conception cyclique du temps,
d'où leur intérêt dans le cas présent.
Excepté pour souligner parfois l'influence d'autres auteurs sur la
pensée de Platon, nous nous concentrerons sur les écrits de ce
dernier, afin de délimiter strictement l'espace de la recherche. La
compréhension de l'exposé n'en sera que plus aisée.
Le plan du mémoire se compose de deux chapitres, le
premier correspondant à la première démiurgie -- univers
engendré par le démiurge --, le second à la seconde
démiurgie -- vivants engendrés par les dieux issus des dieux --.
En plus de faciliter l'analyse, cette décomposition à l'avantage
de respecter la bipartition Idées/sensible, chère à
l'antique philosophe. La différence entre la première
démiurgie, associée à l'intelligible, et la seconde
démiurgie, associée au sensible, tient essentiellement en une
différence de degrés entre les deux, la première
étant supérieure à la seconde ; car dans les deux cas, ce
qui meut est le mouvement de révolutions périodiques. Chaque
chapitre est divisé en trois parties, chaque partie étant
elle-même divisée en deux points. Le chapitre premier a pour but
d'exposer la volonté bonne du démiurge et les règles
mathématiques qui sont à la base de la génération
et de la perduration du monde. Les axiomes de l'harmonie posés, nous
verrons leurs applications sur les mouvements des astres, ainsi que les
règles qui régissent le ciel. Enfin, la fonction motrice de
l'âme du monde sera développée et servira
d'intermédiaire entre l'intelligible et le monde sublunaire.
De la rotation divine nous descendrons à celle des
vivants. Car si les astres ont des âmes divines, les vivants et les
hommes en particulier, doivent leur vie à l'âme qui les anime,
âme qui, quand elle est celle du monde, est au principe du mouvement.
Dès lors, il n'est pas étonnant de distinguer des cycles
politiques, qui commencent avec les gouvernements les plus vertueux pour
sombrer vers la tyrannie, elle-même source du renouveau. Si la
décadence est une fatalité dans le monde sensible, l'assurance du
retour d'une bonne gouvernance va de pair avec elle. Le mythe de Kronos viendra
appuyer l'hypothèse selon laquelle le politique est lié aux
cycles de révolutions périodiques. Enfin, nous suivrons le cycle
de transmigration des âmes, métaphore de la justice divine.
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