ANNEXES
Annexe 1 : TÉMOIGNAGE D'UN HOMME SAUVE DE
L'INFANTICIDE
L'infanticide est le fait de tuer son enfant pour une raison
ou pour une autre. Mais quelle qu'en soit la raison, cet acte est un crime et
de ce fait réprimé par la loi. Depuis des temps très
reculés, chez les Boo et les Baatombu du Bénin, du Nigeria et des
Peulhs du Bénin, l'infanticide a contribué à
décimer un nombre important d'enfants.
Cet acte odieux continue encore de nos jours. Le seul tort de
ces enfants est de sortir du ventre de leur mère à plat ventre ou
de naître avec des dents dans la bouche ou encore de sortir leurs
premières dents par la gencive supérieure.
Pour ces gens qui pratiquent l'infanticide, un enfant
né dans ces conditions est un «démon» qui a pris la
forme humaine pour nuire à la société. Il faut donc
l'éliminer physiquement.
C'est ce que je devais subir, quand Dieu m'a sauvé.
Ce témoignage que vous allez suivre, m'a
été fait par mon propre père et ses proches.
En effet, je suis né chez ma mère à
Kouguizi, dans un petit village de Kayama au Nigeria, vers 1942. De
père, je suis du Canton de Kidaroumpérou, subdivision de Nikki -
Dahomey, sous le drapeau français.
A ma naissance à Kouguizi, je suis sorti à plat
ventre. Les vieilles qui assistaient ma mère se regardèrent et
quittèrent une à une notre case, laissant maman et enfant dans le
sang alors que je criais. Un «sorcier» est né. Après un
temps, informés, des «spécialistes» de l'infanticide
sont arrivés faire certaines cérémonies rituelles et me
prirent. Pendant qu'on me faisait la toilette j'ai commencé par crier,
c'est alors qu'une vieille fut surprise de voir une dent pointée
à ma mâchoire supérieure. Prise de peur, elle me
déposa et alla informer d'autres vieilles.
Les évènements ne tardèrent pas à
se répandre dans la région. N'étant pas paternellement du
Nigeria, mon élimination ne pouvait se faire tout de suite. Il fallait
d'abord informer mon grand-père, chef Canton au Dahomey
(Français). Mais en entendant, on ne cesse de me laver avec des produits
et de m'en en faire boire d'autres. Selon eux, c'était pour
atténuer les effets de malheurs avant le jour de l'opération. Des
mois ont passé. Et comme si ces deux signes de «malheurs» ne
suffisaient pas, une autre dent sortait par la mâchoire
supérieure, secondant celle qui était là au premier jour
de ma naissance.
Face à ce chapelet de mauvais signes que je porte, il
fallait vite agir, avant que le pire n'arriva. Alors, la décision fut
enfin prise pour me «réparer» c'est-à-dire me tuer.
Mais il fallait attendre l'avis de mon grand-père, chef Canton en
territoire français. Un de mes oncles maternels s'était donc
dépêché au Dahomey pour parler à mon grand
père de l'enfant «sorcier» qui est né et avoir son
point de vue sur son élimination.
Par le messager, mon grand-père adresse une lettre au
chef de Kayama, lui confiant ma totale protection. Alors, tous les membres de
ma famille maternelle sont mis en garde contre mon élimination. C'est ce
qui m'a donné la vie sauve.
J'ai actuellement 58 ans après 30 ans de
carrière dans la santé publique ; un foyer heureux, avec de
beaux enfants filles et garçons.
Mon père devenu chef Canton de Kidaroumpérou
à la mort de mon grand père avait pris l'habitude de
récupérer dans sa maison tout enfant traité de
«sorcier» par les leurs. Il les élevait comme ses propres
fils. Dès que l'enfant atteignait un certain âge, il demandait
à la famille de venir reprendre leur progéniture. Il arrivait
même que certains parents venaient reprendre spontanément leurs
enfants. Il ne cesse de donner à qui veut l'entendre l'exemple de son
propre fils pour sensibiliser les gens.
Et pour tous ceux qui veulent savoir son secret
(c'est-à-dire celui de dompter «un sorcier», il leur
répond qu'il n'avait ni feuille ni décoction et que cela
relève d'une pure ignorance.
Comme vous le voyer, la superstition tue notre
société. Il n'y a jamais eu d'enfants «sorciers».
Gardez et élevez tous vos enfants qu'ils soient nés la tête
première ou le tronc à plat ventre ou encore avec 20 dents. Ce
sont des enfants comme les autres et à ce titre ils doivent être
considérés comme des enfants et ont droit à la vie. Celui
ou celle qui tue un enfant né avec ces caractéristiques commet un
homicide et est puni par la loi.
Monsieur Farouk KISSIRA
Correspondant ORTB
N'Dali BORGOU
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