I.1.2- AGRICULTURE,
PAUVRETÉ ET SOUS-ALIMENTATION
Sous ce titre, nous souhaitons attirer l'attention sur la
permanence des maux dont souffrent les ruraux. Nous ne pouvons nous
empêcher d'établir un parallèle entre les agriculteurs
sénégalais et leurs voisins de Guinée, pays que nous
connaissons bien pour y avoir séjourné plusieurs
années.
Le Sénégal bénéficie d'une manne
financière considérable à travers l'aide publique au
développement bi et multilatérale, sa transition vers
l'Indépendance a été réalisée en douceur,
sans soubresauts, et sa démocratie est encore aujourd'hui plutôt
considérée comme un modèle de réussite dans cette
partie du monde.
A l'inverse, la Guinée « Sékou
Touré » comme l'appelle l'homme de la rue, a été
saignée à blanc dès le lendemain du
« Non » de Sékou Touré au
général de Gaulle ; l'administration coloniale est partie en
quelques jours, en emportant avec elle sa connaissance et toutes ses
archives.
L'isolement diplomatique qui s'en est suivi, assez mal
compensé par l'aide des pays du bloc soviétique et de Cuba, a
marqué le début d'une longue descente aux enfers sur le plan
économique où la pénurie est devenue la règle
commune, et qui s'est accompagnée de la montée en puissance d'un
régime dictatorial et passablement sanguinaire (exécution de
milliers d'opposants, ainsi que du secrétaire général de
l'OUA, DIALLO Telly, exposition fréquente plusieurs jours durant des
pendus sous le pont désormais tristement célèbre à
l'entrée de la ville, persécution des Peulhs du Fouta-Djalon,
plus nombreux à l'extérieur que dans le pays, etc.).
Dans ce contexte, l'aide international se situe à un
niveau infiniment inférieur à celle que reçoit le
Sénégal depuis 45 ans.
Malgré tout, nous sommes frappés par une
observation simple, à la portée immédiate de quiconque
s'aventure dans le territoire rural de ces deux pays : la condition des
paysans est exactement la même.
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Même niveau de revenus, mêmes méthodes et
outils de travail, même inconfort de l'habitat (peu de constructions en
dur, accès à l'eau et à l'électricité
problématique), même indigence des services sociaux de base, taux
d'analphabétisme comparable, sous-nutrition à certaines
périodes de l'année, taux de mortalité néo-natale
et infantile élevés et comparables.
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Tout se passe en fait comme si l'aide au développement,
pourtant massivement orientée vers le secteur rural au cours des
premières décennies post-indépendance, avait
été détourné au seul profit des communautés
urbaines ; il n'est pour s'en convaincre qu'à comparer
l'architecture de Dakar et celle de Conakry, ancienne perle de l'Afrique de
l'Ouest au temps des colonies.
A tel point qu'aujourd'hui, ce sont près de 30% des
sénégalais qui vivent dans la capitale et sa banlieue.
Nous sommes tentés face à ce constat de
dénoncer ce cercle vicieux, où la pauvreté
concentrée en milieu rural ne peut guère produire autre chose que
des pauvres de plus en plus pauvres, qu'il convient de briser au plus vite,
pour éviter autant que possible des catastrophes humanitaires de grande
ampleur lors d'une prochaine et inévitable sécheresse.
Le développement du monde rural ne pourra nous semble
t-il s'asseoir durablement que s'il est réellement pris en charge et
porté par les principaux intéressés, au quotidien sur le
plan local, mais aussi au plan national et sous-régional, à
travers la construction d'un poids d'influence significatif pour peser sur la
définition des politiques macro-économiques.
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