III.2.1.2.3- Les enjeux
L'appréhension des enjeux est nécessaire pour
rendre compte de l'implication des acteurs, tout au moins si l'on se place dans
la perspective d'un changement à accompagner.
Nous opérerons d'entrée de jeu une distinction
nette entre les enjeux « affichés », relevant de
l'organisation RESOF, et les enjeux spécifiques propres à ses
membres, que révèle leur décision de matérialiser
leur appartenance à travers leur adhésion.
S'agissant des seconds, l'exercice n'est pas aisé car
nous pourrions assez facilement répartir l'ensemble des organisations
membres en une douzaine au moins de catégories d'acteurs selon les buts
qu'ils poursuivent (au moins de par leur statut).
Privés (bureaux d'études, conseil)
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Associations de dév. local
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Dispositifs de formations paysannes
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Ecoles et CF publics
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Organisations professionnelles
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projets
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Centres de formation privés
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Services étatiques d'appui
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Centres de formation interprofessionnels
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ONG
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Sociétés régionales de
dévt
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Réseaux thématiques
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Là également, des entretiens de
compréhension permettront dans un avenir proche de cerner plus
précisément leurs attentes et stratégies respectives,
à court terme et à long terme.
Enfin, il n'est pas interdit de penser que les enjeux
généraux affichés et les enjeux particuliers plus ou moins
cachés puissent se recouper selon les acteurs, et selon les
périodes.
La difficulté de démêler l'écheveau
des interrelations, des interactions et des stratégies émanant de
quarante cinq organisations aux profils très variés s'apparente
à un casse-tête chinois (les plus compliqués), sans compter
les stratégies individuelles qui peuvent différer au sein de ces
mêmes organisations.
Au plan de la première catégorie d'enjeux, ceux
pour lesquels l'entité RESOF oeuvre au quotidien, la visibilité
n'est pas aussi parfaite que nous pourrions l'espérer de prime abord.
Nous avons eu à en faire cas lorsque nous nous sommes
attachés à montrer la diversité des finalités et
objectifs poursuivis, et leur relative fluctuation dans le temps.
Entre :
· la mise en réseau de compétences, pour
faire jouer les complémentarités et proposer une
réponse-formation globale,
· un cadre de concertation, de réflexion et
d'échanges entre professionnels de la formation,
· la régulation, pour assainir le secteur, piloter
la rationalisation de l'allocation des financements qui le drainent et tendre
vers une meilleure adéquation de l'offre à la demande de
formation des ruraux,
...le grand écart semble difficilement contournable.
Il est tentant (et sans doute trop facile) de faire le
parallèle avec le jeu des chaises musicales : nul ne sait quand
s'arrêtera la musique, mais chacun n'a qu'une préoccupation en
tête, celle de batailler ferme pour trouver au final une place assise
afin de ne pas se faire éliminer prématurément.
Cette stratégie de positionnement produit
nécessairement une dynamique ; en revanche, elle peut
représenter une masse d'inertie redoutable dès lors que certains
termes apparaissent porteurs de danger, à tort ou à raison.
Il en va ainsi de la régulation, surtout lorsqu'on lui
accole les expressions « certification » ou
« agrément », qui peuvent à juste titre
provoquer la crainte d'un bureau d'études ou d'un consultant, dont la
vente de prestation formation est son gagne-pain.
Cette inquiétude peut également peser sur des
enseignants du secteur public, nombreux à intervenir en
« freelance » au gré des opportunités.
Dans un autre registre, la recherche de synergies entre des
compétences (publiques et privées, qui plus est) jusque là
en situation de concurrence sur le marché relève d'un
équilibre subtil et instable ; tant que sa réalité
n'a pas été éprouvée, l'espoir d'une relation
gagnant-gagnant cède le pas au statu quo, par crainte d'y perdre.
La satisfaction du statu quo ne représente certes pas
la panacée, mais elle nous semble cependant traduire un consensus dont
s'accommodent bon nombre des membres du réseau.
L'approche douce annihile la défiance, produit de la
confiance et du dialogue, et à terme de la transparence ;
l'appartenance à un réseau d'envergure peut être source de
légitimité voire de prestige pour les organisations les plus
petites, elle procure dans tous les cas une « carte de
visite ».
Les relations développées et le carnet
d'adresses mis en commun peuvent être source d'opportunités, tant
pour les offreurs de services que pour les acteurs situés du
côté de la demande, ou encore pour certaines structures
d'intermédiation ou d'appui dans le développement rural, comme
dans le développement local.
La demande enfin, en côtoyant l'offre de services
plurielle, peut parfaire son information et opérer une
présélection discrète en vue de futures
décisions.
Ces aspects positifs ne sont pas négligeables, on peut
seulement leur reprocher d'être difficilement mesurables. Finalement,
chacun y trouve, peu ou prou, ce qu'il est venu chercher mais
l'intérêt collectif, sur un plan plus
« macro », reste mal quantifiable car le pas de temps gomme
les avancées, comme le ferait une fonction de lissage pour une
courbe.
Un des champs d'action les plus fédérateurs, et
le plus facile à mettre en oeuvre, consisterait dans ce contexte
particulier à mobiliser des ressources (ce qui ne signifie pas ses
ressources propres, issues des adhésions) pour développer des
actions de renforcement de capacités au service de ses propres
organisations membres ; les avantages sont quadruples :
1) - Satisfaction des bénéficiaires directs,
2) - Consensus général (une formation
ponctuelle ne représente pas un danger pour l'avenir),
3) - Génération d'activités,
mobilisatrice : il se passe quelque chose,
4) - Justification « visible » de la
pertinence de la structure, qui est en mesure d'offrir des services à
ses membres.
Nous verrons un peu plus tard l'application concrète de
ce principe, sous la forme de plans minimaux de formation des producteurs
(notamment).
Nous terminerons ce tour d'horizon relatif aux enjeux
multiples, nous avons tenté d'en rendre compte, en nous
intéressant aux acteurs extérieurs au RESOF, mais occupant une
position institutionnelle privilégiée ; nous aborderons
notamment le cas des Conseils régionaux (quatre sont directement
concernés par la zone d'action du réseau) et des services
déconcentrés des ministères sectoriels en charge du
développement rural et de l'éducation.
Le conseil régional a vocation à élaborer
et conduire une politique de formation, à l'échelle de la
région administrative. Or, si la
« mécanique » très centralisée du
dispositif Education Nationale lui échappe en grande partie pour la
dimension éducative, en revanche la formation professionnelle,
très éclatée entre de multiples acteurs institutionnels et
non institutionnels, n'apparaît pas être mieux prise en charge
à son niveau.
Au cours d'un entretien récent auquel participait
l'animateur du RESOF, le Secrétaire général du conseil
régional de Saint-Louis nous a fait part de l'intérêt qu'il
portait à l'élaboration d'une future « carte
scolaire » de la formation professionnelle, notamment dans sa
composante rurale, la plus dispersée et donc la moins connue.
Ce cadre paraissait désireux de travailler avec le
réseau dans ce sens, au moins pour un début de collaboration.
Nous avions noté que cet acteur clé ne connaissait pas le RESOF,
bien que ses services aient été démarchés à
plusieurs reprises au cours des années précédentes (de
même que l'Agence Régionale de Développement).
Nous avons également souvenir du discours
prononcé par le vice-président de celle collectivité,
à l'occasion d'un atelier sur la mise en place d'un pilotage
régional de la FAR dans la Vallée organisé par le RESOF en
décembre 2004.
Au cours de l'entretien évoqué plus haut, il
nous avait semblé symptomatique que nos interlocuteurs confondent
à plusieurs reprises le RESOF et le CIFA (qui l'héberge) ;
nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir sur ce point.
Les relations entre l'organisation et les trois autres
conseils régionaux ne paraissent pas davantage suivies ; pourtant,
l'objectif d'impliquer fortement les élus locaux dans le pilotage et le
financement de la FAR, grâce à l'action du RESOF, est
déjà ancien.
Ainsi, au chapitre Perspectives, qui conclut le bilan
réalisé par le Bureau d'Appui à la Coopération
sénégalo-suisse, pour la phase 1999-2002, on peut lire que les
conseils régionaux de Saint-Louis et de Ziguinchor sont impliqués
dans la mise en place des pôles régionaux de formation.
S'agissant des services étatiques
déconcentrés, ou même des chambres consulaires, la
situation est comparable ; citons parmi ceux-ci les Directions
Régionales du Développement Rural, les Inspections
Régionales des Services Vétérinaires, les Services
Régionaux des Eaux et Forêts, et l'Inspection
d'académie.
La logique d'un réseau de ce type, par essence souple
et informel, nous empêche de leur reprocher de rester à
l'écart, c'est à dire de ne pas intégrer le réseau.
Cependant les interactions pourraient être nombreuses dans le champ des
formations rurales, et plus largement dans le domaine du renforcement de
capacités.
En réalité les moments de dialogue sont rares
et, au quotidien, ces services ignorent superbement la présence du RESOF
en tant qu'acteur du territoire, même s'il leur arrive de répondre
ponctuellement à une invitation ; nous notons d'ailleurs que
l'initiative des contacts est souvent à sens unique.
Deux explications peuvent être avancées ;
ces différents services doivent déjà gérer leurs
propres contraintes de fonctionnement et de positionnement dans la logique de
recentrage de l'Etat sur ses missions
« régaliennes ».
La seconde hypothèse tient peut être à ce
que l'intérêt de développer un nouveau partenariat ne leur
apparaît pas évident.
Même si l'ambition du RESOF se limitait aux
échanges de pratiques entre ses membres (ce qui n'est pas le cas) pour
permettre à chacun de progresser, nous ne pourrions malgré tout
que nous étonner du caractère aussi ténu du tissu
relationnel développé par le RESOF avec les autres
systèmes de son environnement qui sont sources d'interdépendances
fortes dans le territoire : financements, aspects réglementaires,
orientations politiques.
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