I.4.2- UN FOISONNEMENT
D'ACTEURS ET D'INITIATIVES
De ce point de vue, le contraste est flagrant entre la
région septentrionale de Saint Louis et la Casamance au sud, de
Ziguinchor à Kolda.
Dans cette dernière, la pluviométrie importante
du climat soudano-guinéen, à l'origine d'une
végétation luxuriante et de la forêt riche en produits de
cueillette, et l'abondance des terres agricoles ont pour beaucoup
contribué à l'autarcie très marquée qui
caractérise encore cette région et ses habitants. Aujourd'hui
encore, il est socialement très mal vu de vendre ou d'acheter du riz
(pour un rural s'entend), cette culture à la base de l'alimentation
devant être produite par la famille, pour la famille.
Aux facteurs naturels, il convient bien évidemment
d'ajouter l'isolement de cette région, lié d'une part à
l'enclave Gambienne issue du tracé des frontières par la France
et l'Angleterre, et d'autre part au conflit casamançais qui
s'éternise ; l'origine de ce dernier a du reste beaucoup à
voir avec l'isolement géographique de cette région agro
écologique, et le sentiment que le pouvoir central de Dakar n'a pas
consenti, loin s'en faut, les mêmes efforts qu'ailleurs pour en assurer
le développement économique et social.
A l'inverse, la bande la plus septentrionale du
Sénégal st caractérisée par un
écosystème sahélien, à la frontière du
Sahara dont seul le fleuve Sénégal la sépare par endroit.
Les conditions de survie y sont naturellement plus rudes pour l'homme et, en
l'absence d'investissements hydro-agricoles massifs, le milieu se prête
peu au développement d'une agriculture pluviale intensive et
performante.
Ces conditions hostiles, l'histoire de sa colonisation et de
ses échecs agraires, l'omniprésence du fleuve et la culture Maure
proche ont donc été propices au développement du commerce,
générateur d'échanges multiples, et de brassage de flux
monétaires assez importants pour générer de multiples
dynamiques (les dynamiques organisationnelles n'étant pas des moindres,
nous y reviendrons plus loin).
En l'absence de tissu industriel, avec un secteur primaire peu
développé au début, ce sont donc les services qui ont
porté durablement l'économie régionale : petit
commerce, artisanat, puis progressivement des services plus
« intellectuels », tels que le conseil et la formation.
Les tentatives de la puissance coloniale pour y
développer l'agriculture, avec le succès que l'on sait, à
l'aide d'apports financiers très importants ont contribué
à accentuer ce phénomène, en permettant à de
multiples acteurs économiques de graviter autour de l'environnement de
la production, laquelle s'apparente presque à un prétexte. Il est
ainsi frappant de constater aujourd'hui à quel point la rive gauche du
Fleuve Sénégal est une zone de concentration de bureaux
d'études et de conseil, de consultants de tout poil et autres
formateurs.
Dans l'histoire contemporaine, les ressources
financières mobilisées pour le développement de cette
région, qui n'ont pas d'équivalent dans le reste du pays, ont
été à l'origine de modes d'organisation
évolués et très répandus ; les interventions
sont multiples, du barrage aux casiers rizicoles aménagés, e
passant par le foisonnement de micro-actions générées par
la coopération décentralisée, plus présente
qu'ailleurs.
C'est dans la Vallée du fleuve Sénégal
qu'on dénombre le plus d'organisations professionnelles et
d'associations de toute sortes, dont l'origine peut être attribuée
à deux causes principales et généralement
liées :
- n Les nombreuses actions de renforcement de capacités, qui ont
montré et vulgarisé l'intérêt de se regrouper pour
défendre les intérêts de groupes sociaux ou professionnels
particuliers,
- n Les modes d'intervention des partenaires au développement et de
l'Etat, qui font en règle générale du regroupement des
futurs bénéficiaires un préalable à leur appui.
De fait ces organisations, dont bon nombre ont
été suscitées pour bénéficier d'appuis
externes, se pérennisent en cherchant à développer non
seulement des services en direction de leurs membres, mais aussi et de plus en
plus en développant des prestations à l'externe, pour
générer davantage de revenus.
Ainsi chaque organisation, et chaque détenteur d'une
compétence particulière en leur sein, est donc un prestataire de
services en puissance. Il s'en suit un secteur très concurrentiel, et
une marchandisation parfois exacerbée de toutes formes de prestation.
C'est dans ce contexte particulier que nous observerons
comment fonctionne le Réseau des acteurs de la Formation de la
vallée du Fleuve Sénégal (RESOF), qui fut
créé pour permettre à ses membres de contribuer à
la régulation des pratiques dans le domaine des prestations de
formation, et à l'assainissement du secteur.
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