Assurer un accès à l'eau et à l'assainissement par la coopération décentralisée, le cas de Villa El Salvador et Rezé( Télécharger le fichier original )par Claire Gaillardou Sciences Po Bordeaux - DESS Coopération Internationale et Développement 2005 |
1.2. Du quartier spontané à la planification, infrastructures et conditions de vie d'un « asentamientos humanos »Le schéma le plus classique de la création des « asentamientos humanos » est donc celui des invasions massives autour de Lima à la fin des années 40 et au début des années 50. Ces invasions étaient soigneusement préparées, presque planifiées, avec parfois la complicité d'étudiants et d'ingénieurs pour établir la taille des parcelles, l'alignement des rues et l'esquisse sommaire d'un plan masse. Une zone particulière était choisie à l'avance parmi les terrains publics puis l'invasion se produisait durant la nuit puisque le jour les forces de l'ordre s'y seraient opposées. Le lendemain, les autorités ne peuvent que constater le fait accompli, l'éviction ne pouvant se faire que dans un bain de sang. Cette croissance urbaine désordonnée et persistante est la raison d'un ensemble de déficiences, et avant tout dans le secteur des services vitaux. Le lot commun de toutes les zones d'habitats spontanés est la pauvreté, le manque d'hygiène, un toit fragile, une surpopulation, bref des conditions de vie extrêmement difficiles. 64% de la population de Lima Métropolitaine bénéficie de l'accès à l'eau potable personnel et seulement 60%, de services hygiéniques basiques. Néanmoins il semble que l'on peut distinguer deux types de regroupement d'habitats précaires. Le premier que l'on nommera « taudis » est un lieu de décrépitude où les désoeuvrés s'entassent sans une réelle conscience de groupe et sans beaucoup d'espoir. La misère y est d'autant plus grande qu'un laisser-aller règne partout. Le deuxième type d'habitat précaire est celui de Villa El Salvador ; habité par une population qui a une conscience de groupe, qui a la volonté de vivre et d'améliorer son quotidien. L'homme du bidonville s'insère dans une certaine dynamique sociale, avec la conscience d'appartenir à une culture, à un mouvement. Il sera par conséquent bien plus facile d'engager des relations de coopération et des projets de développement dans ce cas car la population peut fournir un engagement bien plus important. Ce qui différencie beaucoup les quartiers d'habitat spontané de la ville, c'est qu'ils ne sont pas, ou peu, dotés d'équipements et services urbains qui permettent à la ville d'être un lieu confortable. Pas d'égout, pas de raccordement à l'eau, pas d'électricité, pas de voie carrossable, pas de ramassage d'ordures, pas de police, pas d'équipements sanitaires, pas d'équipement éducatif, etc.... Ce sont pourtant des équipements élémentaires. Ces carences font du bidonville un lieu inconfortable au quotidien, et le rendent de jour en jour, de plus en plus insalubre. Les barrières qui séparent le bidonville de la ville sont de plusieurs types mais toutes participent à l'isolement des habitants des bidonvilles. On trouve tout d'abord des limites physiques telles qu'une autoroute, une voie ferrée, une rivière ou même un mur. Elles sont rendues d'autant plus pénalisantes par le fait qu'il n'existe pas d'infrastructure permettant de les franchir. Il n'y a pas de pont ni de passerelle suffisamment nombreux pour permettre un lien entre bidonville et ville. En fait, réseaux et infrastructures ne desservent pas le bidonville, ce qui isole ce dernier de son environnement. Les habitants des bidonvilles, qui doivent se rendre en ville pour le travail, souffrent aussi d'un manque de transports en commun. En effet, les zones d'habitat spontané sont toujours peu ou très mal desservies, éloignant encore plus le bidonville des centres d'activités. D'autre part, le bidonville est psychologiquement écarté de la ville dans la mesure où il n'a pas du tout le même langage qu'elle. Même s'il se situe contre la ville, il n'est pas construit avec la même logique, le tissu urbain est extrêmement différent, les équipements et le mobilier urbain sont inexistants, il y a peu d'éclairage la nuit, etc. Le bidonville se démarque visuellement9(*), on sait immédiatement lorsqu'on s'y trouve et ses frontières sont très nettes. La société qui y vit ne peut donc que se sentir marginalisée, le bidonville étant à la fois placé "loin" de la ville et stigmatisé. Les conséquences urbaines sont très nettes. Le bidonville est devenu un îlot dans la ville et pourtant il semble complètement hors de la ville, il ne peut plus s'accroître, il est comme enkysté dans le tissu urbain. Cette zone très défavorisée concentre une grande part des problèmes que connaît l'agglomération de Lima. * 9 Cf. en annexe les photos 1 et 2 : première étape d'invasion au bord de la Panaméricaine Sud, abris d'esteras et de tôle. |
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