2.2.2 Désormais, il est
possible de travailler à temps perdu :
Comme toute bonne idée, celle-ci est d'une
simplicité biblique. Elle repose sur le fait que le web, s'il permet
d'échanger des messages et des fichiers à la vitesse de la
lumière, d'ordinateur à ordinateur, n'utilise qu'une très
faible partie des capacités de ces derniers. Pourquoi, alors, ne pas
tirer parti de leur mémoire et de leur potentiel de calcul, en les
faisant travailler à temps perdu pour la science ?
Rien d'étonnant à ce que le temple de la physique
des hautes énergies qu'est le CERN soit à la pointe du projet.
"Pour les physiciens l'enjeu est vital, assure le responsable du programme
DataGrid. D'ici quelques années nous aurons à traiter des volumes
de données d'une telle complexité qu'un centre de calcul
traditionnel n'y suffirait pas. Il en va ni plus ni moins de la
possibilité de continuer à faire de la physique des particules,
par exemple.
Les chercheurs genevois ont en ligne de mire la mise en service
en 2005 si tout se déroule comme prévu, du Large Hadron Collider
LHC : un anneau géant qui prendra le relais du Large Electron- Positon
Collider en cours de fermeture, et qui constituera alors le plus puissant
accélérateur de particules du monde. Ils espèrent y mettre
en évidence l'existence de l'énigmatique boson de Higgs, à
l'origine de la masse des autres particules de l'Univers, et percer le secret
des particules antisymétriques.
Les quantités phénoménales de
résultats expérimentaux qu'ils auront à gérer
donnent le vertige : "Au LHC des paquets de protons entreront en collision 40
millions de fois par seconde au coeur d'énormes détecteurs
engendrant le déluge de données équivalent à celui
de vingt conversations téléphoniques simultanées de chaque
habitant de la planète", compare le CERN.
On entre grâce au réseau dans un autre univers, ici,
celui de l'infiniment petit. Le réseau- technologie de l'esprit nous
sert à tâter l'inconnu, à l'organiser à notre
connaissance, comme outil à bâtir le futur. De cet infiniment
petit comme de celui de son infiniment grand, variation- oscillation des
échelles, zooming minutieux dirigé par la science.
2.2.3 C'est l'avènement
des "Pétaoctets" :
Chaque année la moisson de données nouvelles se
chiffrera ainsi en "pétaoctets", millions de milliards d'octets, un
octet étant un ensemble de huit informations élémentaires,
dont le traitement exigera la puissance cumulée de calcul de 100 000
ordinateurs personnels et dont le stockage nécessiterait s'il
était centralisé une montagne de cd-rom haute comme 40 Tours
Eiffel.
D'où le souhait des physiciens européens de
répartir l'exploitation et la conservation de ces données entre
une multiplicité de centres de recherche interconnectés.
"La Grille offrira une puissance de calcul et des
capacités de stockage quasiment illimitées puisque toutes ses
disponibilités pourront être mobilisées en cas de besoin",
décrivent les concepteurs du projet.
"De plus l'utilisateur accèdera à ces ressources
aussi facilement qu'il se branche sur le réseau électrique". Le
chercheur qui lancera un calcul depuis Genève, Cambridge, Karlsruhe ou
Orsay n'aura même pas à savoir où est localisé
l'ordinateur qui l'exécute (a- territorialité du
réseau).
L'idée d'une telle distribution des tâches n'est en
réalité pas tout à fait nouvelle. Si elle prend corps
aujourd'hui, c'est parce que les besoins scientifiques explosent, mais aussi
parce que le support technique existe ou est en bonne voie (hauts
débits). En outre, la recherche semble s'être mise à l'abri
d'une commercialisation à outrance telle que celle qui est reconnue
à Internet après ses développements dans le grand
public.
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