2 La formation à distance
nécessite pédagogie et implication accrues :
Enseignement et apprentissage à distance
nécessitent de nouveaux modèles.
Françoise Thibault, chargée de mission à la
Sous-Direction de la technologie du ministère de la Recherche
français, estime que l'intérêt de la formation à
distance est de répondre à une demande sociale et de transformer
l'université en termes d'ingénierie éducative. On assiste
de fait au changement de perspective où le vocabulaire de
l'ingénieur remplace celui du pédagogue et où le lexique
libéral remplace celui du service public. Le "marché de
l'éducation" est estimé à 90 milliards de dollars en 2005
et le premier "World Education Market WEM" qui s'est tenu à Vancouver du
24 au 27 mai 2000 a réuni trois mille professionnels".
Comme le dit crûment le responsable de formation de
l'Université de technologie Compiègne UTC, Claude Moreau, en
parlant de l'enseignement à distance : "Nous sommes actifs, mais nous
restons marqués par notre culture de service public. Nous n'avons pas
admis que la formation est un business".
L'archaïsme des lieux de formation doit céder la
place à la promesse qu'offrent les réseaux, plus de savoir,
à la condition de nous séparer et de renoncer à ces
institutions de la rencontre.
Cette révolution ne concernera pas uniquement les lieux
d'où est dispensé le savoir, mais les savoirs eux-mêmes,
transformés du fait d'être en ligne, à moins que cette mise
sur le réseau ne soit le prétexte à des changements plus
profonds. Les représentations du savoir, ainsi conditionné et
formaté au sein d'une unique dimension informationnelle, le rapprochent
d'un idéal encyclopédique, où des unités
séparées sont combinables et recomposables à l'infini.
Exprimant et théorisant à merveille le point de vue
des "nouveaux marchés de l'éducation" qui prônent le
développement tous azimuts du "savoir en ligne", Pierre Lévy
annonce pour bientôt "de plus en plus de concurrence entre les
universités en ligne et les locales, puis entre les universités
en ligne quand beaucoup d'universités locales auront été
obligées de fermer (...). Il est également possible que les
universités planétaires, après une série de rachats
et de fusions, ne se retrouvent plus que quatre ou cinq dans le monde, comme
les groupes de communication, d'automobiles ou d'assurance (...). Elles
automatiseront leurs systèmes de passage d'examen".
Entre le producteur de savoir de plus en plus multiple et
éclaté, obéissant aux règles de la "conscience
collective" et le consommateur nul besoin d'intermédiaire.
L'école en ligne dispense de la nécessité de la rencontre
avec un médiateur désormais inutile et également avec
d'autres apprenants. Le côte- à- côte devant l'ordinateur,
après le face-à-face traditionnel cède la place au seul-
à- seul avec l'écran.
L'Union Européenne et le Conseil de l'Europe ont
déclaré 2001 "année européenne des langues" dans le
but d'encourager le plurilinguisme, notamment au travers d'un apprentissage
diversifié des langues tout au long de la vie.
Avec le multimédia cependant, le plus souvent encore aucun
professeur n'est disponible pour répondre aux questions, et on est loin
de l'échange spontané et riche d'un véritable dialogue en
tête- à- tête.
Cependant Internet a le défaut de ses qualités. A
ce jour la principale méthode de communication est le courrier
électronique qui peut paraître trop lent lorsque l'on bute sur une
question. La visioconférence avec le professeur présente en
revanche des problèmes techniques liés au débit de la
connexion, et à la nécessité de posséder une
webcam. De plus, elle réintroduit des problèmes de
disponibilité puisqu'il faut comme pour un cours traditionnel fixer un
rendez-vous et s'y tenir...
"Le principal intérêt d'Internet est de pouvoir
parler avec des gens d'autres cultures. Notre projet, par exemple, est une
façon de fédérer l'Europe. Pour le reste Internet est un
outil nouveau comme l'étaient en leur temps le magnétophone ou la
vidéo. Il faut encore des résultats." estime B. Cord
spécialisée dans la formation permanente à la cellule
Ingénierie et Multimédia de l'université de Paris 6.
M. Pothier, maître de conférence à
l'université Blaise-Pascal de Clermont-2 fait écho aux propos de
sa collègue : " Le côté ludique est très motivant.
Communiquer avec les tuteurs et ses pairs replace l'apprentissage d'une langue
dans son véritable contexte. Cela doit partir des gens". Cependant,
surfer dans tous les sens ce n'est pas apprendre une langue. Il ne suffit
même pas d'avoir un projet, comme la constitution d'un dossier
thématique, pour donner du sens à cette utilisation. Car qu'en
reste-t-il finalement ?
Les deux enseignantes ne peuvent dissocier l'apprentissage d'une
langue du rôle du professeur, qu'il soit physiquement présent ou
qu'il exerce sa tutelle à distance : sur un réseau comme
Internet, le professeur est encore plus central car la demande devient
individuelle et elle est encore plus forte.
La motivation est ici encore la clé du succès
puisque l'assiduité relève d'un choix personnel.
En la matière de nombreux problèmes peuvent
intéresser les sciences humaines.
D'une part, l'acclimatation des nouvelles technologies de
communication dans une culture donnée, par exemple la culture
européenne pose la question, sous-jacente, de l'assimilation effective
de ces nouveaux dispositifs.
Ensuite, l'industrialisation qui s'impose des formations. On
parle là déjà de "knowledge industry" ou industrie de la
connaissance. Non seulement il existe des impératifs quantitatifs car
certaines formations s'adressent à des dizaines de milliers
d'étudiants, mais encore il y a bien des impératifs qualitatifs.
D'où la nécessité de processus industriels de fabrication
et de distribution particulièrement bien réfléchis,
réflexion complexifiée par l'usage des technologies de mise en
oeuvre au travers des réseaux de télécommunications.
Enfin, la question se pose du devenir de l'espace public et du
service public dans un contexte d'interactivité
généralisée, et également de savoir comment on
apprend avec les médias, comment on apprend à apprendre etc.
"J'aime la possibilité de pratiquer en rencontrant des
gens du monde entier. Ce sentiment d'appartenir à une communauté
est unique au réseau".
En général, les étudiants apprécient
d'avoir un professeur à portée de clic de souris, c'est
plutôt la valeur de ce professeur et son résultat qui
peut-être sont discutables.
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