Le droit à la justice au cameroun (à l'origine de l'accélération de la modernisation du code pénal camerounais)( Télécharger le fichier original )par Amadou Mbeyap Kutnjem Chaire Unesco des Droits de la personne et de la démocratie,Université d'ABOMEY-CALAVI - DEA Droits de la personne et de la démocratie 2005 |
B- Les mesures d'incitation de l'administration au respect de la chose jugée.Vis-à-vis de l'Administration, l'obligation du ministère public est plus grande dans l'incitation de celle-ci à exécuter les décisions de justice. Mais il se heurte à de multiples entraves. Selon M. SOCKENG Roger, il se pose un problème de « développement incompréhensible d'immunités judiciaires de fait »252(*). Ce sont de véritables obstacles à l'exécution des décisions de justice. Pour déclencher une procédure d'exécution, le Ministère public doit s'assurer qu'il n'y a pas d'immunités, qui sont des prérogatives reconnues à certaines personnes ou à certains biens, les mettant ainsi à l'abri de toute exécution. L'obéissance de l'Etat à la chose jugée implique la redéfinition de l'immunité d'exécution dont bénéficie l'administration (1). Elle doit être complétée par le renforcement des voies de contrainte (2). 1- La redéfinition des immunités d'exécution.Les immunités d'exécution sont des obstacles juridiques et politiques dont la pratique est constante. La contrainte sur l'Etat et l'administration fait presque partout l'objet de réserve, de réticence.253(*) .De ce fait l'exécution forcée est difficilement envisageable au Cameroun le principe découle de l'interprétation de l'article13 de la loi de 16-24 Août 1970 qui interdit au juge de troubler de quelque manière, que ce soit, les opérations du corps administratif, le Cameroun ayant en grande partie un droit d'obédience française. Les règles de domanialité publique ont donc consacré le principe d'insaisissabilité des biens de l'Etat254(*), dont la méconnaissance aurait pour conséquence d'introduire le trouble, le désordre, dans le fonctionnement des organismes publics. C'est ainsi que dans l'affaire SACIAC \ SOEM et SCCE, 255(*)« ces deux dernières sociétés ont été condamnées à payer à la SACIA la somme de deux cent millions (2 00 000 000) de francs F CFA. La décision qui était assortie de l'exécution provisoire n'a pas été exécutée. La SOAEM était énergiquement opposée à l'exécution menaçant de mettre en chômage un millier d'employés. Le ministère public pour des raisons d'ordre public, n'a pas prêté main forte à l'exécution de la dite décision. Le législateur a même pris l'ordonnance 74\6 du 16 Juillet 1974 pour paralyser l'exécution ». 2-Le renforcement des mécanismes de pression pour le respect des décisions de justice par l'administration.L'Administration ne pouvant être contrainte par des voies ordinaires, d'autres voies peuvent être envisagées. L'on doit dégager des mécanismes souples et efficaces, qui obligent l'Etat à se montrer respectueux des textes législatifs et réglementaires, parce que jusqu'ici, l'exécution forcée et l'injonction des obligations sont difficiles. Pour M. Paul LEWALLE, il faut s'orienter « vers la recherche de moyens de pression à des degrés variés en vue de contourner l'obstacle » 256(*) On peut imaginer des moyens de pression douce. Si les autorités publiques ont tendance à s'immiscer dans les organes législatifs et judiciaires malgré la séparation des pouvoirs, elles sont en même temps jalouses du respect de leur autonomie. Selon M. Ghislain OTIS, « l'impératif d'efficacité dicterait aussi au juge de laisser aux autorités publiques la possibilité de définir autant que possible le plan d `action qu'elle devront exécuter dans la mesure où elles acceptent de le faire de bonne foi »257(*) Ainsi dans le cas de la sanction à l'encontre d'un fonctionnaire, l'administration doit, même si ce n'est pas dans l'immédiat, proposer un plan de réintégration du fonctionnaire, accepter par le juge, qui évitera le bouleversement soudain de l'ordre public Sur un tout autre plan, on peut aussi faire recours au Médiateur de la République258(*). En France par exemple, l'administration récalcitrante s'expose à la réprobation publique si elle n'exécute pas les jugements prononcés contre elle, car l'opinion sera informée de son mauvais vouloir par un rapport spécial du Médiateur259(*) publié au journal officiel en vertu de la loi du 3 janvier 1973. Cependant, ce procédé aura t-il un effet dans un pays « autocratique » où les dirigeants sont certains malgré tout sûrs d'être réélus ? En attendant que la situation s'améliore, plaidons au moins pour que l'administration s'acquitte de ses dettes pécuniaires. En ce qui concerne la passivité de l'administration dans le paiement des condamnations pécuniaires, l'Etat ou les collectivités publiques ne pouvant aller en prison, sont astreints au paiement des amendes. Les bénéficiaires de ce genre de jugement ont très souvent des difficultés à rentrer dans leurs créances, malgré le prononcé de l'astreinte. La loi française du 16 juillet 1980, complétée par la loi du 22 juin 1994 ainsi que les décrets du 11 avril 1988 et du 22 juin 1994, a rappelé l'administration française à l'ordre. Elle prescrit que « la somme dont le bénéficiaire du jugement est créancier doit être mandatée dans le délai de principe de ce mois à compter de la notification du jugement. Le bénéficiaire peut dès lors obtenir le paiement de sa créance au trésor public. Il faut que le jugement soit passé en force de la chose jugée et que le bénéficiaire donne effectivement le montant à payer260(*) . La solution est très séduisante. Cependant on ne manquerait pas de signaler l'hypothèse d'insuffisance de crédit dans une Afrique où la plupart des Etats se trouvent dans une conjoncture économique difficile. La solution semble encore en Afrique en général et au Cameroun en particulier sinon introuvable du moins inefficace.Il existe cependant d'autres obstacles internes à l'exécution des décisions de la justice camerounaise. Paragraphe 2 : D'autres obstacles internes à l'exécution des décisions de la justice camerounaise. L'Etat de droit, défini au sens large comme une situation résultant, pour une société de sa soumission à un ordre juridique excluant l'anarchie et la justice privée, et au sens restreint comme le nom que mérite seul un ordre juridique dans lequel le respect du droit est réellement garanti aux sujets de droit, notamment contre l'arbitraire261(*), se caractérise par la reconnaissance des libertés publiques et l'énoncé des droits fondamentaux262(*). Cette reconnaissance ne s'affirme pas seulement pendant le procès, mais aussi après la sentence. Les lois ont cependant prévu des mécanismes libéraux qui retardent l'exécution (A). D'autres obstacles sont liés à la mauvaise foi des particuliers. (B). * 252 SOCKENG Roger, op cit., p. 178 * 253 SOCKENG Roger, ibid. p.179. * 254 L'article 537 alinéa 2 du code civil justifie l'insaisissabilité des biens du domaine public. * 255 TGI de Yaoundé, jugement n° 471 du 27/7 1972 Affaire. SACIA C\ SOAEM et SCCE. * 256 LEWALLE Paul, op cit. , p610. * 257 OTIS Ghislain op cit. , p 576. * 258 Médiateur de la république : organe indépendant chargé de la protection des droits de l'homme il ne donne que des avis et ne rend pas des décisions ayant force exécutoire. * 259 LEWALLE Paul, op cit. ,p 599. * 260 CHAPUIS René, op cit. , p848, selon lui, le délai est porte à 6 mois * 261 GERARD CORNU , op. cit. , p326. * 262 LEWALLE Paul, les voies d'exécution à l'encontre des personnes publiques, in l'effectivité des droits fondamentaux dans l'espace francophone, op.cit. , p.595. |
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