La place des concepts dans la géographie scolaire ivoirienne : analyse des pratiques enseignantes dans la construction du concept d'espace urbain en classe de premièrepar Armand Emmanuel Bohoussou Université Paris Cité - Master 2 2023 |
ANNEE UNIVERSITAIRE : 2022-2023 MEMOIRE DE RECHERCHE -MASTER 2 DIDACTIQUE DE L'HISTOIRE ET DE LA GEOGRAPHIE LA PLACE DES CONCEPTS DANS LA GEOGRAPHIE
SCOLAIRE Présenté par Armand Emmanuel Bohoussou Sous la direction de Professeur des Universités en géographie 1 REMERCIEMENTS Je tiens à remercier les enseignants de l'Université de Paris Cité qui ont contribué à ma formation. Je remercie particulièrement la responsable du MASTER, Caroline Leininger-Frezal , Maitre de conférence HDR qui a bien voulu m'accepter dans ce master de recherche. j'exprime également ma profonde gratitude à Monsieur Pascal Clerc, Professeur des universités, pour sa patience, sa disponibilié, ses conseils et d'avoir dirigé ce travail de recherche. Je remercie Boly Doba Yves qui m'a encouragé à faire ce Master et pour ses conseils avisés. A tous mes camarades de la promotion avec qui nous avons partagé tous ces moments, je vous remercie : Thiaré, Aude, Fanny, Stéphanie, Sophie, Alice, Tidiane Bâ... A tous mes collègues en Côte d'Ivoire qui ont donné de leur temps pour me permettre de faire mes recherches , je tiens à vous dire merci. Je remercie mon épouse et mes enfants pour leur soutien moral. 2 «La plupart des savoirs qu'on apprend à l'école sont des concepts, il faudrait donc également les apprendre en les conceptualisant afin de leur donner sens »(Barth, 2012a, p. 19) 3 IntroductionSelon la Banque Mondiale1, le taux d'urbanisation de la Côte d'Ivoire est passée de 17,7 % en 1960 à plus de 52 % en 2023. Et la capitale Abidjan abrite plus de 6 321 017 habitants sur 28 millions que compte le pays. L'urbanisation est un phénomène global et ce processus n'est pas prêt à s'estomper. La question urbaine est un sujet d'actualité tant ce phénomène est devenu général et touche tous les espaces géographiques. À Agboville, ville située à moins de 60 km de la capitale économique ivoirienne, les changements de tous ordres liés à l'urbanisation de la ville d'Abidjan sont perceptibles sur le quotidien de la population de la ville et des élèves en particulier (augmentation des loyers, étalement urbain, développement du transport...). Enseignant d'histoire-géographie dans cette ville depuis plus de sept ans, cette réalité m'interpelle, car comprendre la ville permettrait de « comprendre la société dans toutes ses dimensions, y compris affective et idéologique. »(Louiset, 2011, p. 9). En effet, Pour Racine « le phénomène urbain est l'un des traits les plus frappants de notre civilisation contemporaine, dont la ville est le creuset. Son importance est telle qu'il devrait être au premier plan des préoccupations de la géographie humaine » (2005, p. 247). À cet égard, j'ai décidé de mener une réflexion sur le sujet suivant : « la place des concepts dans la géographie scolaire ivoirienne : analyse des pratiques enseignantes dans la construction du concept d'espace urbain ». Le concept d'espace urbain apparait au début des années 1970. Pour Nédélec (2018), le passage de l'étude de la ville à l'urbain s'explique par les difficultés des géographes à appréhender et à donner une définition de la ville dont les critères varient dans le temps et l'espace du fait de l'augmentation rapide de la population urbaine et de la généralisation de l'urbanisation à l'échelle mondiale. La ville est un terme courant et générique alors que l'urbain traduit une généralisation des modes d'habiter urbain sur les sociétés (Nédélec, 2018). La ville est définie par « une association du couple densité (de population et de bâti)/diversité (de population et de fonction) sur une portion restreinte de l'espace (Nédélec, 2018, p. 23). Stébé souscrit à la définition de Nédélec et soutient que ces critères quantitatifs de population varient dans le temps et selon les pays. Il ajoute qu'à l'échelle mondiale parler d'une définition de la ville relève d'une gageure puisqu'en plus de seuils quantitatifs de populations, des pays 4 intègrent d'autres critères d'ordre historique, administratif, honorifique...(Stébé, 2022). Ces définitions de la ville centrées sur les formes spatiales et la densité de la population sont restrictives et n'intègrent pas les modes d'habiter urbain aujourd'hui essentiel dans la géographie contemporaine pour appréhender la complexité du monde (Lussault, 2017a). Un premier constat qui a motivé le choix de ce sujet s'explique par ma pratique professionnelle. Enseignant d'histoire-géographie, le curriculum est un élément essentiel de la préparation des cours. Pourtant, une lecture du programme de géographie montre qu'il ne permet pas de saisir en profondeur les questions liées à la ville pourtant essentielles aujourd'hui. Ce sujet est également motivé par un second constat après mon inscription en Master qui m'a permis d'avoir un regard renouvelé sur mes pratiques et de l'intérêt pour les pratiques innovantes. Un regard porté sur le curriculum de géographie montre que les approches pédagogiques présentées dans le curriculum mettent en avant le développement des compétences des élèves en géographie : « Comprendre un document. Manipuler des données statistiques. S'orienter dans l'espace et dans le temps. Relever des informations dans des textes et des cartes. Représenter sur un axe chronologique, des faits et des évènements. Construire des cartes et des graphiques. Expliquer des textes, des représentations graphiques, des faits cartographiques. Critiquer des opinions relatives à des faits historiques et/ou géographiques »2 Le curriculum prescrit est, cependant, peu explicite sur la manière dont les enseignants doivent faire acquérir ces compétences aux élèves. Les habilités (manipuler, définir, comprendre...) sont des compétences transversales donc non spécifiques à la discipline scolaire en géographie. En outre, les premiers travaux menés en didactique de la géographie en Côte d'Ivoire par Doba(2021) et Oussou(2022) sur les pratiques enseignantes ont montré qu'il existe des tensions entre les instructions officielles et les pratiques ordinaires des enseignants. Alors que les instructions officielles prônent une pédagogie active, les pratiques sont, quant à elle, tournées vers un modèle transmissif des savoirs pour plusieurs raisons : manque de matériels didactiques, insuffisance de la formation continue, effectifs pléthoriques dans les salles de classe... Dans ce contexte, les pratiques enseignantes en géographie sont dominées par les descriptions, des 2 Programmes éducatifs et guide d'exécution histoire géographie 2012, p. 6. 5 nomenclatures, les connaissances factuelles qui ne font pas sens auprès des élèves. Les connaissances factuelles sont celles qui « conduisent à devoir mémoriser de longues listes de notions plus ou moins abstraites et dont le sens ou l'intérêt ne sont pas toujours évidents » (Hertig, 2012, p. 6). Ces travaux ont peu abordé la question de la conceptualisation en géographie et particulièrement le modèle que je présente dans cette recherche. Or, selon Jean Jacques Bavoux (2016, p. 387), « la géographie est devenue de plus en plus abstraite parce que l'abstraction est indispensable pour la compréhension de la complexité du monde ». Selon le dictionnaire Larousse3, l'abstraction est une opération intellectuelle qui consiste à isoler par la pensée l'un des caractères de quelque chose et à le considérer indépendamment des autres caractères de l'objet. L'objet ici s'entend par le concept, c'est donc une opération mentale qui consiste à distinguer les attributs essentiels d'un concept des attributs secondaires. Dans son dictionnaire de pédagogie, Buisson(2017) affirme que le rôle pédagogique de l'abstraction est controversé. Dans l'ancienne pédagogie, l'abstraction partait d'une démarche déductive, c'est-à-dire de règle générale, d'idées abstraites. Cet enseignement était commun à toutes les disciplines (grammaire, arithmétiques, géographie ...). Concernant la géographie, il fait le constat suivant : « La géographie elle-même débute par une suite de notions préliminaires qui bien que s'appliquant à des objets matériels, se déroulent aussi sous forme abstraite, en une série de définitions et de généralités, d'autant plus difficiles à faire entrer dans l'esprit de l'enfant qu'il est ici impossible d'en appeler à son expérience, il n'a pas le secours des sens pour s'assurer de la rotondité de la terre, pour entendre la définition de l'axe, de l'équateur, de la révolution ou de la rotation » (Buisson et al., 2017, p. 129) Cela consistait pour les enseignants à transmettre des connaissances factuelles. Cette tendance primitive de la pédagogie s'inscrit dans la logique du maître contrairement à celle de l'élève qui s'appuie sur une démarche inductive, la nouvelle méthode. Car même si les enseignants enseignent, l'apprentissage est dévolu à l'élève. Piaget reconnait à l'enfant des capacités cognitives internes d'organisation du monde. Piaget s'appuie, dans sa théorie, sur les travaux de Kant, précisément sur son ouvrage, la critique de la raison pure. En effet, pour Kant, la raison pure ou la connaissance a priori stipule que notre esprit ou entendement contient des concepts a priori qui précède notre expérience avec le monde. C'est en adaptant notre expérience des objets que l'esprit intériorise les connaissances (Kant et al., 2012). Cette logique de l'élève dans la construction de ses connaissances nécessite, selon Vygotski la médiation d'un tiers. Pour 3 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/abstraction/298 6 Britt-Mari Barth, le rôle de l'enseignant est d'aider les élèves à passer des concepts spontanés aux concepts scientifiques. En effet, pour cette dernière, « pour comprendre un domaine disciplinaire, les élèves ont besoin d'élaborer les concepts qui la fondent »4. Elle définit les concepts comme des outils de pensée. À ce propos, Hertig a proposé les concepts intégrateurs comme outils opératoires de la pensée en géographie. Cette recherche s'inscrit dans la même veine que les travaux de didactiques de la géographie, mettant l'accent sur des outils innovants pouvant permettre aux enseignants d'amener les élèves à donner du sens à leur savoir. Elle s'appuie sur le socioconstructivisme développé par Vygotski. Et plus particulièrement sur le modèle opératoire du concept de Britt-Mari Barth. De ces constats, surgi la question suivante : quelle est la place des concepts dans la géographie scolaire ivoirienne ? De cette question principale découlent les questions secondaires suivantes : - Dans quelle mesure le curriculum prescrit prend-il en compte les concepts géographiques ? - Que représente les concepts pour les enseignants en géographie ? - Quelle place occupe les concepts dans les pratiques enseignantes ? Pour répondre à ces questions, j'analyserai le curriculum prescrit à l'aide du logiciel iramuteq pour y dégager les occurrences des concepts géographiques, puis je mènerai une observation structurée ou systématique des pratiques ordinaires de quatre enseignants de géographie. Cette recherche qualitative vise à analyser la place des concepts dans la géographie scolaire puis à proposer un modèle innovant pour la conceptualisation en géographie. À cet effet, je présenterai mon travail de recherche en quatre chapitres. Dans le premier chapitre, je m'intéresserai aux fondements épistémologiques du fait urbain, dans le second chapitre, je présenterai les cadres théoriques qui soutiennent cette recherche et la méthodologie de recherche. Quant au troisième chapitre, il portera sur les résultats de cette recherche. Finalement, le chapitre quatre sera consacré à la proposition de séance de cours selon le modèle opératoire du concept. 4 http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/06/19062014Article635387595496180425.aspx 7 Chapitre 1 : Epistémologie de la géographie et savoirs sur l'espace urbain Notre recherche porte sur les pratiques enseignantes dans la construction du concept d'espace urbain. Pour Caroline Leininger-Frézal (2019), l'analyse des pratiques enseignantes, doit prendre en compte le questionnement lié au fondement épistémologique de la science de référence. Ce sont sur ces fondements que sont construits les instructions officielles à l'endroit des enseignants. Le concept d'espace urbain s'est construit au fil de l'évolution de la géographie. Ce concept s'est inscrit progressivement à travers l'histoire de la géographie ainsi que des grands courants de la géographie. Pour comprendre ce concept, il faut étudier l'épistémologie de la géographie. L'épistémologie est l'étude critique d'une science, de ses théories, de ces concepts fondamentaux, de ses objets d'étude et de ses méthodes (Bailly et al., 2018). Ce chapitre vise à montrer l'émergence du concept d'espace urbain dans la géographie française à travers son histoire et les paradigmes, puis son influence sur la géographie ivoirienne ainsi que son enseignement. Ce chapitre est fort utile pour notre recherche qui porte sur la place des concepts dans la géographie scolaire ivoirienne, car il permettra de comprendre le positionnement épistémologique de la géographie urbaine ivoirienne et de comprendre les concepts qui fondent son enseignement. Il est utile de préciser que des liens forts existent entre la géographie française et la géographie ivoirienne. Cette dernière est héritière de la géographie française. Ce sont ces paradigmes hérités de la géographie française qui influencent en partie la construction de la géographie scolaire ivoirienne. Ainsi, il s'agira d'analyser d'abord la construction de la géographie urbaine française et ensuite son influence sur la construction de la géographie urbaine ivoirienne. 1- La géographie urbaine française 1.1- La géographie classique et la naissance de la géographie urbaine Le précurseur de cette géographie est Vidal de La Blache. Il s'inspire des travaux des géographes allemands5 pour construire une géographie française moderne (Scheibling, 2011). S'interrogeant sur les rapports entre l'homme et le milieu, « Il conclut que l'interaction entre 5 Ritter et Ratzel 8 l'homme et le milieu conduisent à une adaptation des sociétés propres à chaque type de milieu » (Ciattoni & Veyret-Medkjian, 2018, p. 19). Ce rapport de l'adaptation des espèces au milieu est appelé le possibilisme. Les sociétés développent des « genres vie » en fonction des milieux où elles vivent. Les concepts fondamentaux de cette géographie classique sont le milieu et le genre de vie. Cette géographie fait des lieux des singularités qu'il faut étudier. Vidal de La Blache dresse alors lui et ses héritiers des monographies des régions de la France. L'outil d'analyse est le paysage. L'analyse des paysages permet de mettre en avant et d'expliquer les particularités d'une région. C'est une discipline idiographique qui accumule les connaissances sur le monde. Pour Vidal, la géographie est une science humaine, car elle étudie par essence l'homme (Robic, 1976) dans ces rapports avec son milieu. Cette géographie va s'intéresser à la ville et au fait urbain (Clerc, 2012a). Selon Marie Claire Robic(2003), l'étude de la ville et de l'urbain remonte à la fin du XIXe siècle, contrairement aux idées avancées par certains géographes, notamment Paul Claval (1970), Jean-Bernard Racine et Antoine Bailly qui soutiennent une naissance tardive de la géographie urbaine à la fin de la deuxième guerre mondiale. Anne Hertzog et Alexis Sierra (2010) souscrivent au point de vue de ces derniers. En effet, pour eux, l'espace étant dominé, avant 1950, par des paysages ruraux, les géographes français ont fait le choix épistémologique d'étudier les paysages ruraux et de campagne. Pour Allemand et al.(2005), il ne pouvait en être autrement, d'autant plus que l'école française de géographie s'est constituée au moment où la France était en majorité rurale, à la fin du XIXe siècle avec Vidal de la Blache. La ville est restée donc un objet d'étude secondaire pour les géographes avant les années 1950 et le paradigme géographique des relations homme milieu ne facilitait pas une étude de la ville. Ainsi, les nouvelles orientations de la géographie étrangère dans les années 1930, notamment les approches statistiques, les approches spatialistes et modélisatrices de l'école de Chicago, intéressent les géographes français bien plus tard autour des années 1960 dans l'étude de la ville6(Hertzog & Sierra, 2010). Cependant, la ville n'est pas totalement absente des travaux des géographes classiques. Et Vidal de la Blache le confirme en affirmant son intérêt pour cet objet : « un géographe a toujours considéré comme une des questions les plus capitales de la science qu'il cultive l'étude des villes ; et cela avec raison, car ce sont les villes qui ont été les foyers de civilisation, les points de départ de nos organisations politiques, historiques (...). » Vidal de la Blache, cité par Robic (2003, p. 109). Dans le sillage de Vidal, de nombreux géographes vont s'intéresser à la ville. De nombreux ouvrages et articles ainsi que des 6 Ces approches sont explicitées dans le point suivant. 9 conférences de géographie sont publiées à ce sujet : « Reclus, 1895, The Evolution of Cities ; Brunhes, 1900, le boulevard comme fait de géographie urbaine ; Vacher, 1904, Montluçon. Essai de géographie urbaine ; Clerget, 1910, L'urbanisme. Étude historique, géographique et économique»(Ciattoni & Veyret-Medkjian, 2018, p. 76). Cette géographie urbaine évolue en même que l'urbanisme et se consacre aux monographies des villes, à souligner leur rôle essentiel dans l'organisation des régions et le progrès des sociétés. Toutefois, l'étude de la ville n'est pas l'apanage des géographes. La ville intéresse de nombreux chercheurs dans différents domaines : « les historiens-géographes (Pasquet, 1899, le développement de Londres), mais aussi les statisticiens (Levasseur et Meuriot, 1897, Des agglomérations urbaines dans l'Europe contemporaine. Essai sur les causes, les conditions, les conséquences de leur développement), l'urbanisme (Pierre Lavedan, la Géographie des villes publiée en 1936), les sociologues (Maunier, 1910, L'origine et la fonction économique des villes en 1910) et même les biologistes-urbanistes (Geddes, 1904, City Development) » (Ciattoni & Veyret-Medkjian, 2018, p. 76). C'est à la fin du XIXe siècle que les géographes revendiquent l'interdisciplinarité de la géographie et l'étude de la ville comme objet de la géographie. Ainsi, c'est sous la plume de Brunhes qu'apparait pour la première fois l'expression géographie urbaine (Robic, 2003). Il étaye sa position lors de sa communication au congrès de l'Association pour l'avancement des sciences, en 1900 : « Les villes sont de plus en plus étudiées comme des faits géographiques : parmi les phénomènes qui affectent la surface du sol, ne sont-ils pas des plus caractéristiques et aussi des plus variés ? » (Robic, 2003, p. 110). Cette géographie urbaine précède la sociologie urbaine apparue en 1930 et la géographie rurale apparue dans les 1960 (Ciattoni & Veyret-Medkjian, 2018). Pour Claval, l'étude de la ville menée par Brunhes se limite au tracé des routes et au mode d'occupation improductive du sol et à la description du Bâti. Il oppose cette géographie qu'il qualifie d'appauvrie à une analyse urbaine plus riche de Blanchard. Raoul Blanchard étudie la ville sous le prisme de deux concepts clés : le site et la situation. Il explicite et donne l'importance de ces deux concepts : « Pour comprendre la ville, il convient de prendre de la hauteur et de la saisir dans ses rapports avec le voisinage. La démarche se fait en deux temps. La première fait découvrir le site, les traits topographiques singuliers, un méandre, le rebord d'une terrasse fluviale, une butte isolée et facile à défendre, une anse profonde et bien abritée au bord de la mer, qui ont fixé la ville ici plutôt qu'un peu plus loin. Vue de plus haut, c'est la situation du centre urbain, l'ensemble des relations qu'il entretient avec le monde extérieur que l'on découvre, les routes qui convergent vers lui, les cols qu'il commande, les cours d'eau qui portent ses nefs loin en amont ou en aval, et les vaisseaux qui lient le port à d'autres rivages. » (Claval, 2017, p. 37). 10 En ce sens, le site désigne la position absolue de la ville dans un espace donné. Les géographes s'attellent à décrire les propriétés physiques qui ont conduit à l'implantation de la ville dans ce lieu. La situation désigne plutôt sa position relative dans un espace donné. La démarche privilégie la description des relations que la ville entretient avec les autres territoires, soient un carrefour, soit une situation de frontière, soit une situation de centralité géométrique (Nédélec, 2018). Cette analyse, bien qu'importante, n'analyse pas leur impact sur les villes. En outre, Chabot va proposer une typologie des villes et des fonctions urbaines. Il n'étudie guère le fonctionnement des villes (Claval, 2017). Cette géographie classique a, tout de même, le mérite d'aborder la question urbaine et d'en revendiquer l'étude. Elle essaie également de se forger un vocabulaire spécifique (Hoyaux, 2010). Ainsi, l'usage du terme urbanisme est remplacé par « fait urbain » et après par « l'urbanisation ». Le fait urbain est défini comme une concentration humaine dans les groupes urbains et l'urbanisme comme la transformation de la physionomie des villes sur le plan de l'art et de l'hygiène (Ciattoni & Veyret-Medkjian, 2018). Le paradigme dominant des relations homme milieu a entrainé une étude assez faible de la ville par les géographes classiques. La ville est étudiée par la géographie classique de manière empirique. Une approche par l'observation puis la description qui se termine par une classification des villes en fonctions de leur rôle. Les concepts mis en avant, sont relatifs aux paysages urbains. Cette approche montre le manque d'outils adéquats pour les géographes classiques pour aborder la question de la ville. Ce qui domine, c'est une analyse morphologique de la ville à travers les monographies des villes et du bâti au lieu d'une analyse socio-spatiale de la ville (Bouchut, 2003). Cela est illustré par « l'approche écologique et monographique de Raoul Blanchard ; l'approche par la morphologie et les paysages de Jean Bruhnes qui utilise une abondante iconographie ; ou encore l'approche régionale et plutôt économiste, avec la description des fonctions urbaines et des relations ville/ campagne, dès Vidal de la Blache et plus fortement chez ses successeurs dans les années trente. » (Hertzog & Sierra, 2010, p. 3). 1.2- La nouvelle géographie et le fait urbain La nouvelle géographie est née aux États-Unis dans les années 1960 avant de toucher la France dans les années 1970(Ciattoni & Veyret-Medkjian, 2018). La géographie rompt avec le paradigme vidalien des sciences naturelles. Pour Allemand et al. (2005), l'objectif de la 11 nouvelle géographie n'est plus de décrire le monde mais plutôt de « déchiffrer le monde »7 c'est-à-dire de rechercher des lois et des régularités dans l'organisation de l'espace. La géographie devient une science sociale (Scheibling, 2011) et a pour concept central l'espace. L'espace n'est plus envisagé comme support des activités humaines, mais il en devient la matérialisation(Ciattoni & Veyret-Medkjian, 2018). Les géographes s'appuient sur des outils mathématiques et des modèles de l'économie spatiale en vue de donner un statut scientifique à leur discipline. Les précurseurs de cette géographie en France sont Pinchemel, P. Claval, A. Bailly... C'est une géographie quantitative qui cherche à établir des lois d'organisations de l'espace. C'est une science nomothétique. Elle fonde son analyse sur des modèles théoriques : théories des lieux centraux, théorie de Von Thünen sur les marchés, le modèle gravitaire... À l'opposé de la géographie classique qui est inductive, la nouvelle géographie s'appuie sur une démarche hypothético-déductive. Cette nouvelle géographie s'apparente à un renouvellement théorique de la géographie, mais elle est fortement critiquée par P. Georges et Ph. Pinchemel qui dénoncent un déterminisme des mathématiques dans l'explication des phénomènes humains ou sociaux (Scheibling, 2011). La nouvelle géographie s'intéresse à la ville également. Elle s'appuie sur l'analyse spatiale pour expliquer l'organisation des villes. Pour Denise Pumain, l'analyse spatiale permet de comprendre les régularités et les ruptures dans l'espace. La géographie urbaine a mis l'accent sur « la hiérarchie urbaine, les réseaux urbains et les systèmes des villes, les rapports entre polarisation et régionalisation, laissant à la sociologie l'étude du fonctionnement interne des villes » (Scheibling, 2011, p. 103). Pour Claval, les logiques d'agglomérations sont liées aux besoins d'interaction sociale. Il définit, à cet effet, la ville comme « une organisation destinée à maximiser l'interaction sociale » Claval cité par Scheibling (2011, p. 103). La ville est un espace structuré, c'est un carrefour dominé par un centre attractif et des réseaux pour faciliter les interactions sociales (Claval, 2017). Ainsi, Claval s'oppose à une approche monographique de la ville et tente d'expliquer les logiques en oeuvre dans le développement des villes. Avec la nouvelle géographique, on rentre dans une approche systémique de la ville, les villes ne sont plus étudiées de manière singulière comme dans la géographie classique, mais de manière globale en recherchant à construire des théories pour expliquer l'organisation de l'espace. Les géographes expliquent l'organisation de l'espace urbain à travers les concepts de distance, de polarisation, de centralité, d'interaction spatiale... (Hoyaux, 2010). Toutefois, 7 Expression de Brunet, le déchiffrement du Monde, 2017 12 Cette approche reste encore limitée pour appréhender le fait urbain, car elle occulte les représentations des citadins et d'autres acteurs dans la construction et dans la production de l'espace. 1.3- La géographie contemporaine centrée sur les modes d'habiter Cette géographie contemporaine a pour concept principal le territoire. Elle analyse les mobilités et les temporalités de l'espace vécu, perçu et conçu par les sociétés. Elle cherche à comprendre comment les sociétés produisent l'espace, se l'approprient et se le représentent. Paul Claval est plus explicite sur le tournant culturel qu'aborde la géographie avec ce nouveau paradigme. Car la géographie urbaine « s'attache désormais au citadin, à la manière dont il s'insère dans l'environnement urbain, vit la ville, s'y fait une place, s'y aménage une niche qu'il aimerait durable et donne, individuellement ou collectivement, un sens à l'existence qu'il y mène. Pour remplir un tel programme, force est de se tourner vers les individus, de les observer, de les interroger et de prendre en compte les imaginaires qui pèsent sur leur choix » (Claval, 2017, p. 58). Ainsi, cette géographie postule pour une approche pluridisciplinaire de l'espace urbain (Allemand et al., 2005). Pour M. Lussault, c'est cette géographie qui s'intéresse à l'invisible des représentations sociales, des idéologies et des sentiments à l'oeuvre dans un espace donné. Elle prend en compte l'invisible et le visible. Elle s'intéresse aux modes d'habiter, à l'espace approprié par des individus et des sociétés. Le concept urbain, à partir de 1970, remplace la notion de ville chez les géographes en raison de l'urbanisation généralisée et accélérée (Lussault, 2017b). Une distinction s'opère entre l'urbain et la ville. Pour Henri Lefebvre cité par Ciattoni et Veyret (2018) « L'urbain désigne un mode de vie et non la forme spatiale de la ville »p.187. L'espace urbain est alors une construction et une production sociale avec divers acteurs, aux intentionnalités variées. Ces trois paradigmes de la géographie correspondent aux trois manières de penser le monde et de concevoir la géographie de Retaillé. 13 Tableau 1 : les trois manières de pensée le monde selon Retaillé. Source : (Hertig, 2012) Ces trois manières de penser le monde ne sont pas contradictoires, mais se complètent pour enrichir la science géographique. Selon Thémines (2006), elles permettent également d'analyser le discours géographique des professeurs. En effet, pour Jacques Levy cité par Allemand et al.(2005, p. 42), il importe de comprendre que « chaque science sociale est à la fois globale dans son champ et partielle dans son objet. Chaque science sociale s'intéresse à tous les phénomènes, mais selon un angle particulier. En géographie, cet angle, c'est l'espace, car la géographie est la science de la dimension spatiale des sociétés ». Hertig abonde dans le même sens et souligne l'importance de ne pas réduire ou simplifier le savoir géographique à des données factuelles. Il affirme à ce propos : « les innombrables interactions qui régissent les relations entre les sociétés humaines et l'espace ou à travers l'espace, font de la géographie une science du complexe » (Hertig, 2012, p. 80). C'est à cette conception du monde de la géographie que nous souscrivons dans le cadre de notre recherche. Le concept d'espace urbain tel que le 14 conçoit la géographie contemporaine, est celui que nous adoptons dans cette recherche, car il répond à notre conception épistémologique de la géographie. Ce concept s'inscrit dans le paradigme herméneutique de la géographie des processus. C'est cette géographie qui est à même de donner du sens aux savoirs géographiques et de permettre aux élèves de « penser la complexité » (Morin, 2014, p. 97). C'est-à-dire une manière de penser qui refuse le cloisonnement disciplinaire, mais qui se situe aux frontières des disciplines et qui amène à une pensée systémique (Cunha & Matthey, 2007). La géographie contemporaine répond aux exigences de la pensée complexe (Hertig, 2018), car elle est « une invitation récurrente à une pensée complexe et apparait résolument polyscopique dans le sens où il s'y agit de décentrer en permanence son point de vue. Ainsi, la géographie se pose comme une discipline non pas de carrefour, mais de frontières, déjouant constamment les cloisonnements disciplinaires établis » (Cunha & Matthey, 2007, p. 11). Pour Edgar Morin (2014), Cette pensée complexe repose sur les concepts qui sont des instruments permettant de relier les connaissances. Le concept d'espace urbain est un concept fondamental et un outil de pensée (Hertig, 2012). Il s'intègre aisément dans le modèle pédagogique présenté dans cette recherche qui permet de conceptualiser. Notre recherche porte sur la géographie scolaire ivoirienne. En raison des liens qui existent entre géographie française et la géographie ivoirienne, nous sommes tentés de nous demander comment la géographie scientifique ivoirienne aborde la question de l'espace urbain ? 2- La géographie urbaine ivoirienne héritière de la géographie urbaine française La géographie urbaine ivoirienne s'est construite autour des chercheurs français de l'ORSTOM8. La géographie ivoirienne est une géographie tropicale dès 1930, après la deuxième guerre mondiale, elle est marquée par la géographie du développement. 2.1- Une géographie tropicale urbaine à tonalité rurale La géographie ivoirienne est d'abord une géographie tropicale héritière de la géographie coloniale française (Doba, 2021). Alain DURAND-LASSERVE situe la géographie tropicale précisément avant la deuxième guerre mondiale et immédiatement après celle-ci. Claval est encore plus précis et indique que ce courant de la géographie française s'impose à partir de 8 Office de la recherche scientifique et technique outre-mer, organisme aujourd'hui remplacé par l'IRD (Institut de recherche pour le développement). 15 1930 et s'estompe en 1950. Ce courant regroupe des chercheurs africanistes français qui s'intéressent au monde tropical. La géographie tropicale est précédée de la géographie coloniale à laquelle elle s'oppose. Cette dernière a été fondée par Marcel Dubois. Elle a contribué à fournir des données essentielles pour l'exploitation des ressources des territoires colonisés. C'est une géographie économique qui s'est intéressée à la production et à la fourniture des matières premières des colonies à la Métropole. Quant à la géographie tropicale, elle s'est plutôt intéressée aux conditions de vie des indigènes et à la consommation locale des productions agricoles. Pour Claval, la géographie tropicale marque une rupture avec la géographie coloniale, car elle va privilégier une amélioration des conditions de vie en zone rurale en essayant de « comprendre la vie des populations indigènes, de décrire leurs activités et d'expliquer les difficultés auxquelles elles se heurtent » (Claval, 2019, p. 17). Selon Odette Louiset, Pierre Gourou, initiateur de la géographie tropicale, s'est peu intéressé à la ville dans ses travaux. Pour Mainet et Salem(1993), également, peu de géographes français s'intéressaient à la ville avant 1980. Ils ajoutent que les recherches menées sur la ville sont dominées par une tonalité rurale. Fournet-Guérin explique cela par la faible urbanisation de l'Afrique en général. En effet, la ville est perçue comme un objet spécifique aux régions modernisées, notamment l'Europe puis l'Amérique (Louiset, 2019). Pour Odette Louisset, avant 1960, la ville tropicale a été ignorée par les géographes africanistes français, car la géographie vidalienne, elle-même, avait fait de la ville un objet d'étude secondaire. Fournet-Guérin abonde dans le même sens que Louisset et explique cela par l'intérêt et la fascination que suscitent les paysages ruraux pour les géographes tropicalistes à l'instar des géographes classiques français. Le Paradigme des relations homme milieu de la géographie classique dominé par l'étude des paysages surtout des paysages ruraux et de campagne a éludé la ville tropicale et s'est plutôt orienté vers l'étude des zones rurales. Pour Fournet-Guérin, cela était d'autant plus clair, car l'administration coloniale avait refoulé les populations indigènes dans les zones rurales de manière stratégique et la ville tropicale était alors une ville blanche, des « villes coloniales sur le continent noir »selon P. George, cité par Fournet-Guérin (2011, p. 52). Ce sont, alors, les zones rurales qui étaient à même de rendre compte des relations homme milieu et des genres de vie, mais aussi de l'authenticité de l'Afrique. En outre, selon D'Alessandro-Scarpari, les géographes français s'intéressant à l'Afrique, ont tous travaillé en géographie rurale au début de leur carrière ; il s'agit notamment de « Jean Gallais, Paul Pélissier, Louis Papy, Gilles Sautter, Jean Tricart, plus récemment Jean-Luc Piermay ou Jean-Pierre Raison » (Fournet-Guérin, 2011, p. 51). Toutefois, la ville tropicale était évoquée dans les travaux des géographes tropicalistes. En effet, 16 avec Pierre Gourou, la ville y est étudiée (localisation et description) dans un cadre régional à dominance rurale comme dans la géographie classique et non pour elle-même en tant qu'objet d'étude (Durand-Lasserve et al., 1984). Au total, la géographie tropicale est une géographie rurale qui a centré son analyse sur les paysages ruraux à l'instar de la géographie vidalienne. Quand elle parlait des villes dans le monde tropical, elle les assimilait à des « villages urbains » qu'elle localisait et décrivait. C'est pourquoi pour Odette Louisset : « la « ville tropicale » n'existe donc pas... car la géographie tropicale s'est d'abord attachée à comprendre les paysanneries du monde tropical et lorsque la ville est devenue son « terrain », c'est le tableau du sous-développement qui a pris le pas sur la tropicalité »(Louiset, 2019, p. 89). 2.2- la géographie du développement et le développement de la géographie urbaine ivoirienne Après la deuxième guerre mondiale, un nouveau courant de géographie voit le jour : c'est la géographie du développement. Pour Claval, la géographie du développement nait à la suite d'une remise en cause des approches menées en sciences sociales et plus particulièrement en géographie face à l'inégal développement dans le monde et à la pauvreté grandissante dans les pays tropicaux. Irène Kassi estime que le but de la géographie du développement est d'apporter des solutions aux problèmes de développement en analysant « les relations économiques et politiques entre pays pauvres et pays riches »(2019, p. 76). Elle ajoute que la géographie ivoirienne a adhéré à ce courant. Pour Béatrice Collignon, les géographes tropicalistes, avant tout ruralistes, manquent d'outils conceptuels pour appréhender la question du développement et les questions économiques. Elle ajoute que Pierre Gourou perçoit le développement comme une impulsion venant de la zone rurale par une amélioration des rendements agricoles. Pierre Gourou et ses collègues portent un regard négatif sur les villes tropicales. Ils analysent les villes sous le prisme de la pauvreté en les considérant comme des foyers de problèmes à l'origine du sous-développement (pauvreté, sous équipement). Cette géographie tropicale axée sur un découpage du monde en zone géographique empêche les géographes tropicalistes de sortir des approches empiriques ou de terrain pour une réflexion plus théorique en géographie (Collignon, 2019). À cet effet, elle propose « que l'on donne davantage de place aux échanges et aux activités humaines plutôt qu'aux conditions naturelles, aux sociétés plutôt qu'aux milieux »(Collignon, 2019, p. 18). Pour Odette Louiset, c'est à partir de 1960 et 1970 que les géographes tropicalistes manifestent un intérêt croissant pour la ville. Ils intègrent dans leur 17 analyse l'économie et un modèle s'impose dans les travaux de recherche à toutes les échelles : c'est le modèle centre périphérie. En Côte d'Ivoire cette période correspond à l'ouverture de l'université d'Abidjan, les pionniers de la géographie urbaine sont Anne Marie Cotten et Ph HAERINGER. Ils ont réalisé les premières monographies des villes ivoiriennes. Leurs études portaient sur les relations villes-campagne. Parallèlement, de nombreuses recherches ont été menées en géographie urbaine, notamment par les chercheurs de l'ORSTOM. Elles vont porter sur les monographies des petites villes de Côte d'Ivoire, particulièrement avec les travaux de « Anne Marie Cotten, introduction à l'étude des petites villes de Côte d'Ivoire, J·P. DUCHEMIN et J·P. TROUCHAUD, données démographiques sur la croissance des villes de Côte d'Ivoire, M. Vernière, Anyama : étude de la population et du commerce colatier, J-l. BOUTIlLlER Notes préliminaires à l'étude de la ville de BOUNA, A. SCHWARTZ ; TOULEPLEU ; Etude socio-économlque d'un centre semi-urbain de l'Ouest, J. de BETTIGNIES, TOUMODI; Eléments pour l'étude d'un centre semi-urbain de moyenne Côte d'Ivoire » (Cotten, 1968, p. 58). À suite de ces travaux, des chercheurs français vont encadrer des travaux de thèses et de mémoires d'étudiants ivoiriens. En témoignent la thèse de Atta Koffi soutenue en 1978 sous la direction de Gilles Sautter, intitulé Dynamique de l'occupation de l'espace urbain et péri-urbain de Bouaké, Thèse de Yapi Diahou sous la direction de Michel Coquery en 1994, intitulé les politiques urbaines en Côte d'Ivoire et leurs impacts sur l'habitat non planifié précaire : l'exemple de l'agglomération d'Abidjan. Les travaux de ces géographes portent sur : la hiérarchie urbaine, les fonctions et typologies des villes, les réseaux de communications, les relations villes-campagne, à la description des activités économiques et à de nombreuses monographies des villes régionales, l'occupation du sol et à l'étude de l'habitat. À partir des années 1990, des thématiques liées à la géographie urbaine sont d'actualités dans la géographie scientifique ivoirienne. Au-delà des monographies, les villes sont étudiées sous d'autres thématiques : « les conditions de la vie urbaine, les services publics, la pauvreté, l'analyse de l'impact de la dynamique démographique et spatiale sur le devenir des villes, l'aménagement et la gestion des cadres de vie, les services collectifs et la qualité de vie, les emplois et les activités informelles, etc. »(Kassi, 2019, p. 80). Des travaux de recherches scientifiques sont nombreux en géographie urbaine en Côte d'Ivoire et intègrent tous les champs de recherche en géographie. Des monographies, à l'étude de l'organisation des villes avec les modèles urbains puis le rôle des acteurs dans la production de l'espace urbain. En témoigne l'article publié dans la revue ivoirienne de la géographie des savanes, intitulé urbanisation de la périphérie sud-est d'Abidjan : quand un roi impose sa 18 volonté a l'Etat coécrit par Estelle ZUO-DIATE, Dominique COURET, Directrice de Recherche en Géographie, Institut Français de Recherche pour le Développement (IRD), et Ousmane DEMBELE. Pour Thémines, ces travaux de recherche produisent un discours géographique sur le monde qui traduisent une appropriation de l'espace terrestre. C'est ce qu'il nomme la géographicité. Cette notion est importante, car elle est « adaptée à la description et à l'interprétation des discours de géographie scolaire » (Thémines, 2006, p. 2). Pour analyser l'écho de ces savoirs sur l'espace urbain dans la géographie scolaire, notre recherche va s'appuyer sur un cadre théorique et une méthodologie. 19 |
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