Paix et developpement dans le territoire de kalehe au sud-kivu : identification des acteurs, atouts et enjeuxpar Norbert MUCHIGA ZIHINDULA Université de Kinshasa - Diplome d'Etudes Supérieures en Sciences Politiques et Administratives 2020 |
Section 3. Territoire de KaleheLe territoire de Kalehe est situé dans la province du Sud-Kivu, précisément au Nord de la ville de Bukavu285 et il est établi sur une superficie de 369km2. Ce territoire est l'un des sept circonscriptions administratives qui constituent la collectivité chefferie de Buhavu en territoire de Kalehe avec une population de 112816 habitants. Son altitude est comprise entre 1° 45' et 2° 10 Sud, alors que sa longitude se trouve entre 23° 40' et 29° Est. Il comprend 10 localités : Bushushu, Cibanda, Cibanja, Ihoka, Iko, Munanira, Kasheke, Ishovu, Tchofi et Muhongoza. Il est limité à (au) : - L'Est par le lac Kivu ; - L'Ouest par le groupement d'Irhambi Katana ; - Nord par le groupement Mbinga Nord ; - Sud, c'est par la province du Maniema. 285 https://fr.wikipedia.org/wiki/Kalehe, consulté le 16 juillet 2022, à 15 heures. 102 3.1. Cadre géographique286 Le territoire de Kelehe jouit d'un climat de montagne avec une altitude qui va de 1.300 à 2.000 m et émet une alternance de deux saisons dont l'une pluvieuse qui dure 8 mois et l'autre sèche de 4 mois. Ce qui lui ouvre des facilités agricoles sur un sol très fertile. Son relief est montagneux, c'est-à-dire composé d'une chaine de montagnes de l'Est de la RDC. Sa superficie est de 5707 Km2 et est répartie en 286MUCHIGA ZIHINDULA, N., Les effets des mouvements migratoires sur la sécurité et le développement durable à l'Est de la R.D. Congo. Cas du Territoire de Kalehe, Mémoire de licence, L2 SPA, FSSAP, UNIKIN, 2018-2019, inédit, p. 34. 103 deux chefferies dont Buhavu 5.160 Km,2 et Buloho, 547 Km,2 la suite tout au long du Lac--Kivu qui jalonne le grand faussé tectonique (sic !)287. La population du territoire de Kalehe est estimée à 485.320 âmes réparties en six principales communautés, à savoir : les Bahavu, les Batembo, les Barongeronge, les deux communautés rwandophones, Hutu et Tutsi, et les Batwa ou pygmées288. Toutefois, signalons que les Rwandophones habitent les hauts plateaux dont les conditions climatiques s'avèrent favorables à leurs activités pastorales (Elevage du gros bétail), tandis que les autres communautés habitent généralement les bas plateaux. Les Batembo se retrouvent en grande partie à Bunyakiri, les Bahavu se situent majoritairement dans les bas plateaux et les Batwa sont éparpillés sur l'ensemble du territoire mais essentiellement dans les zones éloignées de grands centres. 3.2. Aspects administratif et juridique de Kalehe Sur le plan administratif, le territoire de Kalehe est constitué des deux collectivités ou chefferies, à savoir : le Buhavu qui compte sept groupements administratifs : Buzi, Kalonge, Kalima, Mbinga Nord, Mbinga Sud, Mubungu et Ziralo. Il couvre la majeure partie du territoire avec une superficie de 353.523 hectares pour 451.938 habitants ; celle de Buloho qui comprend 8 groupements administratifs qui sont : Bitale, Musenyi, Ndando, Mulonge, Lubengera, Munyandjiro, Bagana et Karali. Celle-ci ne s'étend que sur une petite portion du territoire en sa partie centrale, représentant quelques 54.652 hectares pour 33.382 habitants ! L'appartenance à une identité socio--culturelle ne se décrète pas. C'est un fait naturel justifiant l'existence de chaque habitant à Kelehe sous la forme d'une mosaïque de tribus consacrant, par ailleurs, sa spécificité et sa considération à part. En remontant le cours de l'histoire lointaine de Buhavu, nous constatons si heureusement que cette entité coutumière intégrante était placée sous l'autorité d'un seul chef. 287MUCHIGA ZIHINDULA, N., Op.cit., p. 35. 288Selon les statistiques de 2008 établies par le service d'Etat civil du territoire de Kelehe. 104 En vue d'alléger la direction de cette vaste juridiction coutumière, ce chef avait procédé à la décentralisation de son administration en nommant ses enfants (les Princes) de sang à la tête des structures secondaires de gouvernance que sont : Bunyakiri (les Batembo), Idjwi, Kalonge et Buziziralo qui se référaient toujours à son leadership. Il nous revient de préciser que la collectivité de Buhavu était longtemps victime d'une inadmissible amalgame alimentée par l'imagination féconde des faussaires de l'histoire qui prétendent que l'île d'Idjwi c'est le Buhavu alors que c'est le contraire qui est vrai. Car, Idjwi tire ses origines coutumières, psychologiques, émotionnelles authentiques de la chefferie de Buhavu. Il est utile de signaler que l'importance démographique de Buhavu est notoire face à d'autres composantes sociologiques locales. Ce qui donne à penser que les Bahavu sont appelés à être différemment traités, surtout lorsqu'il s'agit des quotas représentant le poids des populations locales dans tous les domaines. Il s'agit, par exemple, de la représentation au sein des Assemblées, les quotas de réalisation en termes d'investissement, etc. Si les chefferies constituent des entités administratives décentralisées, elles sont aussi par excellence les sièges du véritable pouvoir coutumier et sont dirigées par le Mwami (Chef souverain) de la communauté. 3.3. Situation sécuritaire et économique Une analyse approfondie des conflits actuels vécus dans le territoire de Kalehe met en exergue deux éléments majeurs. Premièrement, les conflits locaux sont de nature diverse. Ils sont à la fois liés aux questions foncières, au pouvoir local et à l'identité. Ils se trouvent exacerbés par des replis et manipulations identitaires. Deuxièmement, du fait de cette diversité, ces conflits voient naitre et se développe, donnant ainsi lieu à l'implication d'une multitude d'acteurs : civils, autorités politiques et coutumières, élus locaux, militaires et, dans une large mesure, celle des membres des clans des milices locales actives dans la zone. Deux multiplicateurs des conflits qui ont été identifiés, à savoir l'impunité et la circulation d'armes à feu. 105 Dans le contexte d'impunité, il est clair que la majorité de la population locale n'a ni le sentiment d'être protégée par la justice ni confiance en elle-même. Les armes alimentent les conflits et sont également un important multiplicateur des conflits. Dans les hauts plateaux, par exemple, les populations se plaignent au sujet de leur sécurité, étant donné la circulation licencieuse de celles-ci. Comme conséquence, elles cherchent refuge dans les villages du littoral. Là aussi, comme expliqué dans les paragraphes précédents, elles souffrent de toutes sortes des stigmatisations liées à leur appartenance à telle ou telle communauté. Les points ci-dessous donnent une analyse de différentes dynamiques de conflits et leur potentiel degré de déstabilisation. 3.3.1. Dilemmes sécuritaires La présence relativement nombreuse de membres du groupe rebelle Raia Mutomboki dans Kalehe est devenue une source d'insécurité chronique dans certains villages. Les villages de : Mutale, Cholobera, Keshesha, Mihinga, Butwashenge, Sati et lvlushingi sont ceux qui sont plus concernés par ce risque d'insécurité. C'est dire en d'autres termes que les soupçons de complicité de la population locale avec ces Raia Mutomboki alimentent largement l'insécurité causée par certains éléments incontrôlables des FARDC. En fait, bien qu'étant mandatées constitutionnellement pour garantir l'intégrité territoriale du pays, certains éléments des FARDC causent l'insécurité, en mettant en place des barrages illégaux. A Kalonge, par exemple, où déjà les effectifs des FARDC sont sensiblement réduits (16 éléments au centre du groupement), on enregistre plus de 7 barrières érigées par des éléments de ces forces loyalistes. En plus, l'inaccessibilité de nombreux villages suite au mauvais état des routes ne permet pas à l'Etat d'apporter des réponses rapides et efficaces aux situations d'insécurité et de violations des droits humains vécues au quotidien. 3.3.2. Mobilisation autour de la terre et de l'identité Dans le territoire de Kalehe, la terre est aussi source de mobilisation à la fois individuelle et collective. Les conflits fonciers ont un impact négatif sur la cohabitation pacifique intercommunautaire. En effet, ces dernières années, il est 106 observé une recrudescence de cas d'assassinats ciblés dont les mobiles principaux sont intimement liés à la gestion foncière. Ce qui laisse présumer des liens étrois entre le foncier et les activités d'hommes armés. Le fait est qu'il existe deux types de concessions foncières. Premièrement, celles exploitées par des personnes riches qui ont acquis de vastes étendues de terres. Deuxièmement, celles mises en valeur par de petits paysans. Selon plusieurs témoignages, les concessionnaires riches et puissants spolient facilement la terre de petits paysans ou débordent les limites à travers la pratique appelée « Kuhumanya (littéralement "rassembler")289. Dans ces dynamiques, les veuves et les orphelins sont souvent discriminés car d'après les us et coutumes d'ici les femmes ne participent pas à la gestion des terres. Pire encore, à la mort du mari les veuves sont exclues de l'héritage lorsque le mari n'a pas laissé d'héritier mâle. Par conséquent, lorsque les biens laissés par le défunt sont spoliés par ses frères, cela se fait aussi au détriment des femmes et des orphelins. En plus, la procédure d'obtention de titres fonciers par les populations locales est souvent longue et coûteuse. A Kalehe, l'absence de ces titres alimente les conflits des limites entre propriétaires et entre populations et concessionnaires, de telle sorte que toutes les parties réclament la légitimité de jouissance sur les terres sans parfois en fournir les preuves. Bien que les violences autour des conflits fonciers soient latentes dans certains clans, il s'observe cependant que certaines communautés ne se font pas toujours confiance. A Nyabibwe et Numbi, par exemple, elles se soupçonnent mutuellement de détention illégale d'armes à feu, qui, tôt ou tard, serviraient à des actes de violence. 3.3.3. Exploitation de ressources naturelles Dans le territoire de Kalehe, l'exploitation minière artisanale pose cinq types de problèmes : - Le premier problème est que l'exploitation minière artisanale contribue à la destruction de l'environnement. Les arbres sont abattus en désordre dans les carrés 289MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 44. 107 miniers et les endroits où les minerais sont exploités deviennent à la longue de moins en moins propices à l'agriculture ; - Le deuxième problème est celui de déstructuration de la famille. Lorsqu'ils réalisent des revenus, notamment monétaires, les creuseurs s'adonnent à la consommation des boissons fortement alcoolisées au point que l'ivresse les pousse souvent à des bagarres ; - Le troisième type de problème est celui des conditions de travail. L'exploitation minière étant artisanale, les creuseurs sont souvent exposés à des multiples dangers, notamment : les noyades et effondrements des puits causant ainsi mort d'hommes de manière répétitive ; - Le quatrième problème concerne la faible contribution du secteur minier au développement local. A Nyabibwe, par exemple, malgré la création du Comité local de Surveillance des Sites miniers et d'Actes de Corruption (CSAC) qui détermine les pourcentages destinés à chaque entité en raison de 75% des taxes perçues pour le développement local et 25% pour le fonctionnement du Comité Provincial de Suivi des actions minières (CPS), le développement est resté un voeu pieux ; - Le cinquième est lié au partage inéquitable des revenus issus de l'exploitation minière. En effet, la majorité des creuseurs se sentent abusés par les propriétaires des puits en ce sens que ces derniers ne les rémunèrent pas convenablement. Cette frustrante situation crée régulièrement un climat de tensions entre ces deux groupes. Bien qu'elles contribuent de manière substantielle à l'essor financier de certains ménages, l'exploitation d'autres ressources, en particulier le bois, ne manque pas de poser des problèmes dans le territoire de Kalehe. De nombreux conflits opposent opérateurs économiques et exploitants forestiers à cause des inégalités dans le processus de vente et achat d'arbres pouvant être invariablement utilisés à la production de planches et de braises. 3.3.4. Les dynamiques régionales L'un des aspects-clés des dynamiques régionales est le trafic transfrontalier, principalement entre Kalehe et le Rwanda. Ce trafic peut être mis en lien avec la dynamique de « Mobilisation autour de l'identité . En effet, alors que le commerce transfrontalier assure la survie des familles ; participe à l'économie 108 locale et contribue au renforcement des relations sociales entre le Rwanda et la RDC ; il alimente aussi toutes sortes de rumeurs sur base des replis identitaires, poussant ainsi les membres des communautés locales à faire prévaloir la thèse de l'invasion du territoire de Kalehe par des sujets rwandais. Le trafic de vaches se passe entre le Rwanda et les hauts-plateaux, zone favorable par excellence à l'élevage des bovins. Ce trafic alimente les conflits au niveau local. En effet, ce commerce entretient la peur au sein des populations locales en ce sens qu'une présence considérable des vaches envenime les conflits déjà existant entre agriculteurs et éleveurs. De ce qui précède, il y a lieu de noter aussi que l'impact de dynamiques régionales sur la cohabitation communautaire est assez significatif. Le retour de populations rwandophones (en exil au Rwanda entre 1994-1996) est de plus en plus perçu comme une menace à la paix sociale. La population du territoire de Kalehe indique qu'elle éprouve une certaine peur au sujet du retour des Rwandais qui, jadis, habitaient dans le territoire et dont toutes les parcelles nues et les champs avaient été vendus en leur absence par les chefs coutumiers ! 3.3.5. Le système de conflit La zone prioritaire de stabilisation de Kalehe connait une présence de toutes les quatre grandes dynamiques de conflits : les dilemmes sécuritaires, la mobilisation autour de la terre et de l'identité, l'exploitation des ressources naturelles et les dynamiques régionales. Ces dynamiques se caractérisent par les manifestations, causes et facteurs favorisants suivants : 109
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Source : tableau conçu à partir de nos informations collectées sur terrain du 20 Mars 2020 au 18 Janvier 2022. 290Le CENADEP est l'acronyme du centre national d'appuis au développement et à la participation populaire dont l'antenne du SudÀKivu est basée à Bukavu. 111 3.3.6. Priorités stratégiques Sur le plan stratégique, quelles actions méritent-t-elles d'être priorisées ? De libres penseurs au sein de l'élite intellectuelle de la province ont pris le devant de la scène en émettant les propositions ci-après : - Renforcer la présence et l'autorité de l'Etat (surtout des services de l'ordre et sécurité), dans les zones où sont actifs les groupes armés pour assurer la sécurité des populations ; - Promouvoir une gestion et accès à la terre juste et équitable, y compris une meilleure réglementation dans le secteur agraire ; - Promouvoir la cohabitation pacifique dans le territoire de Kalehe ; - Promouvoir la sécurisation, la gestion et le contrôle des sites miniers par l'Etat en assurant également le respect des normes de protection de l'environnement et écosystèmes ; - Améliorer la sécurité transfrontalière ; - Renforcer les mécanismes d'autonomisation des femmes et promouvoir leur participation politique ; - Améliorer la protection des femmes et filles contre les violations des droits humains, en particulier les violences sexuelles basées sur le genre. Pour aborder ce sujet extrêmement délicat qui consiste à lever les voiles sur la situation peu luisante qui empêche le territoire de Kalehe de sortir de son obscurantisme actuel, il nous a été malaisé de nous délester de notre triple qualité de membre de la lignée du Chef traditionnel qui règne sur la collectivité de Buhavu, de Président de l'Association de Ressortissants du Territoire de Kalehe, en sigle A.R.T.K, et, enfin d'Ambassadeur pour la paix ... En effet, comme on peut le constater, cette triple qualité nous présente invariablement aux yeux de l'opinion publique comme acteur indiscutable dans les événements qui marquent aujourd'hui cette partie névralgique de la province du Sud-Kivu mais aussi et surtout dans la recherche des solutions susceptibles de mettre d'accord toutes les parties aux conflits observés jusqu'à ce jour. S'agissant précisément des conflits qui existent dans le territoire de Kalehe, le Centre National d'Appuis au Développement et à la participation populaire290, CENADEP en sigle, qui avait enquêté sur la question, retient 112 principalement des conflits fonciers entre individus ou groupes d'individus et des conflits identitaires entre les communautés coexistantes. Tout en procédant à l'examen de causes et effets de tous ces conflits, le CENADEP avait procédé à l'identification des initiatives en cours pour une paix durable, la réconciliation et la cohésion sociale sur l'ensemble du territoire de Kalehe. En ce qui concerne le règlement de conflits fonciers existants en territoire de Kalehe, les pouvoirs publics recourent, selon le cas, à l'interprétation des dispositions (non codifiées) de la coutume représentée par les « Bami » (Rois, Chefs traditionnels) et à la loi foncière en vigueur en RDC. Mais est-il que les flagrantes contradictions apparaissant entre les modes d'accès coutumiers et modernes à la terre dans ce territoire et celles-ci posent énormément de problèmes. Pour ce qui est des conflits identitaires et intercommunautaires, l'enquête du CENADEP signale en passant qu'il s'agit souvent des conflits entre personnes d'origine « Hutu et Tutsi » congolais d'expression « Kinyarwanda » dits rwandophones mais aussi et surtout entre ces dernières et des personnes qui se prévalent de la qualité de « Congolais authentiques » par rapport à d'autres communautés coexistantes ! A propos des groupes armés, au-delà des conflits cités plus haut, il y a lieu de signaler ceux auxquels font parties des groupes armés nationaux ou étrangers opérant en Territoire de Kalehe pour leur propre compte, pour le compte des individus en intensifiant de ce fait les risques d'affrontement au détriment des efforts de paix et de réconciliation existants. Parmi les plus remuants en l'espèce, il y a lieu de citer les groupes Maï-Maï, Raïa Mutomboki, le Conseil National pour le Renouveau et la Démocratie, CNRD en sigle ; le Front de Libération du Rwanda, FDLR en sigle ; Kirikicho et Kalume, Nyatura dont les éléments sadonnent impunément à l'exploitation de minerais pour des raisons faciles à imaginer ! On signale à titre d'anecdote que le CNRD et les FARDC se disputent la gestion de sites miniers comme ce fut le cas dans la localité de Mudugudu, en mars 2019, en faisant plusieurs morts dans les deux camps ! 113 CHAPITRE III. ATOUTS ET OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT DU Section 1. Les atouts de développement du territoire de Kalehe 1.1. Du point de vue physique Comme précisé ci-dessus, Kalehe est l'un de 8 territoires de la Province du Sud Kivu, situé au nord de la Ville de Bukavu. Habité par 752 571 personnes, il a une superficie de 4.082 km2. En termes de délimitation, Kalehe est bordé au Nord par les territoires de Masisi et Walikale (marquant la frontière avec la province du NordKivu), à l'Est par le Lac Kivu qui constitue une frontière naturelle avec le territoire d'Idjwi et le Rwanda ; à l'Ouest par le territoire de Shabunda et, au Sud, par le territoire de Kabare291. Avec cette position stratégique, le territoire de Kalehe est ouvert au développement car il a l'accès facile à d'autres territoires et au pays voisin immédiat pour la circulation des marchandises. Du point de vue infrastructure, le territoire de Kalehe a des spécificités qui lui confèrent une place stratégique et lui permettent ainsi d'amplifier son développement : La position géographique de Kalehe lui donne l'avantage d'être accessible via trois routes nationales. Il s'agit de la RN2 (tronçon Kazingo-Kabamba), la RN3 (tronçon Miti-Tshivanga) et la RN5 (tronçon Kasihe-Mumosho). 1.2. Du point de vue énergétique Il y a la centrale hydroélectrique Ruzizi 2 dans le groupement de Mumosho. Signalons cependant que ce barrage est une copropriété du Rwanda, du Burundi et de la RDC dans le cadre de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL)292. Le territoire de Kabare abrite aussi l'usine de la 291 PROGRAMME TUJENGE AMANI, Analyse du contexte du territoire de Kalehe en route vers les changements, cas de Bunyakiri, Kalonge et Mubugu, Action pour la Paix et la Concorde, 2015, p. 14., article en ligne sur file:///C:/Users/bryfl/OneDrive/Bureau/Rapport-Analyse-du-contexteTujenge-Amani-APC., consulté le 14 juin 2022. 292 MAMBO CHAMUNDURA, O., Les nouvelles technologies de l'information et de la communication et leur application au développement rural. Cas du territoire de Kalehe en République Démocratique du Congo, 114 REGIDESO de Murhundu. C'est cette usine qui permet d'alimenter toute la ville de Bukavu en eau potable. 1.2.1. Configuration énergétique, opportunité de développement Le territoire de Kalehe est longé par le lac Kivu qui représente une opportunité de développement non seulement pour celui-ci mais aussi pour la République Démocratique du Congo. En effet, il est important de souligner que ce lac contient du gaz méthane qui servirait de source énergétique dans plusieurs domaines. A noter que la RDC est largement en retard dans son exploitation par rapport au Rwanda voisin qui a déjà développé plusieurs techniques d'extraction (sic !) et d'utilisation de gaz en collaboration avec des partenaires occidentaux. Plusieurs enquêtes ont permis d'y repérer approximativement 60 kilomètres cubes de méthane (CH4) et 300 kilomètres cubes de dioxyde de carbone (CO2). Les deux gaz sont prisonniers dans les couches profondes du lac. L'extraction de ces ressources pourrait être la première étape d'une production massive d'électricité, équivalente à plus de 100 milliards de kilowattheure. Au-delà de l'aspect économique, un autre enjeu pousse les scientifiques à prôner une exploitation du méthane : une trop grande concentration de ce gaz pourrait, en effet, provoquer à terme une éruption aux conséquences catastrophiques293. De même que dans les couches supérieures du lac, une biodiversité jusqu'il y a peu insoupçonnée évolue et permet une pêche relativement importante. A l'aune d'une extraction massive du CH4, une équipe de chercheurs pluridisciplinaire et internationale, emmenée par Jean-Pierre Descy de l'Université de Namur, Martin Schmid de l'Institut Fédéral Suisse de Science et Technologie Aquatique, et François Darchambeau de l'Université de Liège, a décidé de compiler l'ensemble des connaissances du lac dans un ouvrage de référence, y abordant ses aspects physiques, chimiques, géologiques et biologiques294. Outre l'ambition de prévoir les conséquences d'une extraction du CH4 irrespectueuse du lac, les chercheurs dressent un portrait complet de cet mémoire en ligne consulté sur https://www.memoireonline.com/10/18/10391/m_Les-nouvelles-technologies-de-l-information-et-de-la-communication-et-leur-application-au-developpe17.html, le 14 juin 2022 à 14 heures 30. 293 BYABUZE BADESIRE, P., Le Kivu montagneux : espace vital ou champ de bataille. Approche géopolitico-économique pour une paix durable, Thèse de doctorat en Sciences Politiques et Administratives, Unikin, SSAP, SPA, 2021, pp. 151-157. 294 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151 À 157. 115 écosystème et affichent la volonté d'en faire un véritable ouvrage de référence d'étude de la limnologie tropicale295. 1.2.1.1. Dioxyde de carbone et le méthane D'après le dernier rapport, le CH4 et le CO2 sont dissous et stockés dans les couches d'eaux en dessous de ce « couvercle ». Le CO2 serait hypothétiquement d'origine volcanique. Cinq sources d'eau profondes ont un débit suffisamment important pour être observées et elles apportent la majorité de ce gaz. « Pour le méthane, c'est un peu plus complexe à déterminer, explique le chercheur. Le CH4 pourrait, comme le CO2, provenir d'une activité volcanique mais nous n'avons jamais réussi à le démontrer. Les sources d'eau en surface ne sont, en effet, pas chargées en méthane. On peut donc légitimement penser que les sources profondes ne le sont pas non plus. Le CH4 doit donc être biogénique, c'est-à-dire d'origine biologique. L'hypothèse la plus vraisemblable serait que ce méthane viendrait de la décomposition anaérobique de la matière organique. Nous savons qu'en anaérobiose, la matière organique, en se décomposant, va libérer du carbone qui, pour moitié, se transformera en CO2, et pour moitié en CH4, selon la formule CH3COOH (acétate) CO2 + CH4. » Ce processus biogénique de dégradation anaérobique de la matière organique serait, au lac Kivu, responsable d'approximativement un tiers de la formation du CH4296. Les autres matières proviendraient d'une réduction bactérienne du CO2 présent dans le lac. « Pour que cette réduction ait lieu, il faut qu'il y ait un agent réducteur. Dans le cas de la formation du méthane, il s'agit le plus communément du dihydrogène. Cet hydrogène, dans le lac Kivu, pourrait lui aussi avoir deux origines. Il pourrait être volcanique, ce qui permettrait d'expliquer la formation de ces deux tiers de méthane sans apport de matière organique provenant du lac. L'autre hypothèse, la plus vraisemblable, viendrait, encore une fois, de la décomposition de la matière organique297. Il est connu qu'avant la formation d'acétate, il peut y avoir lors de la phase de dégradation de la matière organique formation de dihydrogène, qui pourrait dès lors produire du méthane via la réduction du dioxyde de carbone. Ainsi, bien que les deux tiers du carbone intégré dans le méthane proviendraient d'une activité 295 DESCK, J.P., et alii, Lake Kivu, Limnology and biochemistry of a tropical great lake, Springer, 2012, pp. 1030. 296 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157. 297 DESCY, J.P., et alii, Op.cit., pp. 10- 30. 116 volcanique, une production biologique de matière organique serait nécessaire pour qu'ils apparaissent ». 1.2.1.2. Autres sources d'Energie À Kabare c'est plus le bois de chauffage et les braises qui sont utilisés comme source d'énergie. Principalement pour la cuisson des aliments mais également dans la fabrication de certains produits tels que les briques, le savon, etc. une bonne partie de la population utilise également le pétrole surtout pour l'éclairage. Une minorité de la population a accès au courant électrique. En cas de disponibilité d'électricité, certaines activités seraient envisageables telles que les moulins et les minoteries pour le manioc et le maïs, développement des usines de transformation de certains produits agricoles industriels comme le thé et le café, développement des activités liées à la technologie telles que le secrétariat public, Cyber café, la ventes d'outils informatiques, etc.298 Pour pallier au manque de cette énergie, certains ménages, bureaux de quelques institutions font recours aux groupes électrogènes et aux panneaux solaires. Les hôpitaux réhabilités, par exemple, utilisent l'énergie solaire surtout pour l'éclairage299. 1.2.2. Exploitation du gaz et problème d'eutrophisation du lac Le risque d'explosion gazeuse, toutefois, doit être pris au sérieux. Une extraction du gaz peut donc désamorcer cette bombe à retardement. Parallèlement, l'exploitation d'une telle quantité de méthane offre des perspectives de rentabilité assurées et certains industriels rwandais et américains lorgnent sur ces eaux avec envie. « Il y a actuellement quelques projets pilotes qui n'ont pas une puissance d'extraction très élevée et qui n'ont pour le moment aucun impact sensible sur l'écosystème du lac, explique François Darchambeau. Dans un premier temps, ils servent davantage à développer et à tester des technologies qu'à en faire une exploitation rentable. Mais un gros projet américain devrait être opérationnel à la fin de l'année 2012. Il faut dès lors, dès maintenant, bien réfléchir à la manière d'extraire ce gaz. »300 298 MAMBO CHAMUNDURA, O., Op.cit., p. 30. 299 Idem., p. 31. 300 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157. 117 L'extraction en soi se révèle être relativement simple. Car, naturellement, l'eau en remontant à la surface, retrouve peu à peu une pression atmosphérique, qui n'est plus suffisante pour maintenir le gaz dissous à de telles quantités, et qui, à la manière d'une bouteille de soda, s'échappe du liquide, se décompresse pour reprendre son volume normal, et entraîne le liquide vers le haut, ce qui explique notamment le risque d'éruption. Le prélèvement jouit du même processus naturel. « En remontant, l'eau se dégaze donc naturellement. Il suffit de placer un long tube dans le lac. De plus, les exploitants profitent de ce qu'on appelle le phénomène de siphon. Au fur et à mesure que l'eau remonte, les bulles créées vont elles-mêmes entraîner une remontée de l'eau, un peu à la manière des systèmes de filtration d'eau dans les aquariums. Il suffit donc d'un simple amorçage au départ, et puis après cent mètres d'ascension, les bulles se forment, et l'eau remonte toute seule. »301 A la surface, il reste un mélange eau-gaz dans la proportion d'1 litre d'eau pour 2-3 litres de gaz. Ce qui signifie que ces 2-3 litres de gaz, dans les eaux profondes, sont compressés et dissous dans un seul litre d'eau, et qu'ils retrouvent, à la surface, leur volume en condition atmosphérique. Mais le mélange reste humide. Il est donc passé à travers un séparateur qui aura pour fonction de séparer le gaz du liquide. La phase gazeuse est préservée, la phase liquide rejetée. Cette phase gazeuse contient 80% de CO2, 15% de méthane et 5% d'azote. Pour obtenir le plus grand pourcentage de méthane possible, ce gaz passe alors par une phase de lessivage : le flux de gaz passe à travers une colonne d'eau dans laquelle le CO2, extrêmement soluble, va se redissoudre naturellement. A la sortie, le mélange obtenu contient entre 80 et 90% de méthane et peut être utilisé comme combustible pour produire, par exemple, de l'électricité302. 1.3. Du point de vue culturel La population habitant le Territoire de Kabare est composée majoritairement de la tribu « SHI » pour les deux chefferies et une minorité de la tribu « Batembo » dans la chefferie de Nindja et une poignée des pygmées au Nord de la Chefferie de Kabare dans les groupements de Mudaka, Miti, Bugorhe et Irhambi. 301 MAMBO CHAMUNDURA, O., Op.cit., pp. 30 À 32. 302 Idem., pp. 151-157. 118 Les principaux clans qu'on y rencontre sont les Banyamocha constitués des princes et des dirigeants. Les autres clans sont entre autres les Balinja, les Banyintu, les Basheke, les Bashaza, etc. Il y a également une autre catégorie de la population d'origine rwandaise qui habite le haut-plateau ; il s'agit des Hutu et Tutsi généralement installés dans la crête de cinq groupements, à savoir Mbinga-Sud, MbingaNord, Buzi sur le littoral du lac-Kivu, et les crêtes des groupements de Ziralo et de Mubugu sur l'axe Bunyakiri. Ces groupements sont dirigés coutumièrement par les Havu sur le littoral et par les Tembo sur l'axe Bunyakiri. Ces crêtes sont communément qualifiées de « hauts plateaux de Kalehe »303. Les Batwa sont, quant à eux, éparpillés sur l'ensemble du territoire, dans les zones éloignées des grands centres. Enfin, les Barongeronge sont présents dans le groupement de Kalonge, au sud de Bunyakiri. En effet, il est possible qu'il y ait une cohabitation pacifique et échange culturel si chaque peuple se reconnaît en d'autres sans céder aux manipulations politiciennes et à l'injustice communautaire. Ça permettrait aux uns et aux autres de vivre en paix et de participer aux efforts de développement. Malheureusement, ces régions présentent des spécificités en termes de diversité démographique qui, au lieu d'être la source de développement, devient l'origine de tensions communautaires. Ces peuples partagent aussi certaines dynamiques locales. Par exemple, au cours des quinze dernières années, ces régions ont connu des situations d'instabilité chronique liées soit aux activités militaires des FARDC, soit à celles des milices locales et le groupe armé rwandais Bahutu, les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)304. En dépit des efforts en vue du rétablissement de la paix, la violence liée aux stigmates de guerres et à la persistance de ces milices restent d'actualité. Ces quelques éléments donnent l'image d'un territoire naviguant entre violence et stabilité. Les caractéristiques culturelles sont les suivantes : 303 Dans la série des craintes et des éléments de conflictualité, cette appellation « Hauts-Plateaux » est souvent décriée par les Chefs coutumiers Batembo et Bahavu sous prétexte qu'à la longue, celle-ci ne constitue, une justification ou une motivation pour la revendication d'une autonomie politique par les Rwandophones sur des espaces qu'ils avaient pourtant acquis coutumièrement soient des Havu ou des Tembo. 304 PROGRAMME TUJENGE AMANI, Op.cit., p. 8. 119 Le pouvoir traditionnel est détenu par le « Mwami ». Le patriarcat est le système de parenté sur toute l'étendue du Territoire. Pour qu'il y ait mariage entre un garçon et une fille, la famille du garçon doit donner la dot à la famille de la fille. La dot se discute toujours en termes de « vache », mais il arrive des fois qu'elle soit convertie en monnaie fiduciaire (en dollars américain le plus souvent) et cela, après accord avec la famille de la jeune épouse305. Presque tous les habitants pratiquent l'agriculture et l'élevage. Quant à la pêche, elle est pratiquée surtout par les habitants de 5 groupements dont les côtes sont longées par le lac Kivu. 1.4. Du point de vue environnemental et écologique Il est essentiellement constitué des terrains habités, de l'eau et de la forêt qui se situe en amont des montagnes. Ceux-ci (c'est-à-dire, les terrains habités, l'eau et la forêt) constituent l'environnement du territoire de Kalehe et lui offrent toutes les opportunités pour son développement à tous les niveaux, étant donné que l'agriculture, la pêche et l'élevage sont le fondement par excellence d'un développement durable. 1.4.1. La terre ferme comme atout de développement Bien qu'ayant des cours d'eaux, le territoire de Kalehe est bâti sur une terre ferme et riche, puisqu'il a été remarqué que tout pousse moyennant parfois certains aménagements. L'on y cultive facilement le bananier, les haricots, le manioc, le maïs, l'igname, la patate douce, le palmier à huile et tant d'autres encore que nous ne saurons citer faute d'espace. C'est une terre riche et fertile regorgeant plusieurs qualités et favorable à l'exploitation d'une gamme variée de spéculations agricoles. Elle permet également de faire l'élevage de tout animal domestique. Une terre ouverte à toute activité vouée au développement306. En effet, la terre de Kalehe donne la possibilité de faire l'agriculture et l'élevage sur toute l'étendue du territoire. L'agriculture qui ne peut pas seulement être vivrière mais aussi industrielle. Actuellement, sur l'ensemble du 305 KASEREKA KAZURA, L., La guerre à l'Est de la République Démocratique du Congo. Les enjeux cachés d'une guerre asymétrique, L'harmattan, Paris, 2022, pp. 35 À 46 306 MUCHUKIWA, B., Op.cit., p. 44. 120 territoire, on compte environ 101 plantations et 82 marais où sont cultivées différentes plantes. Plus ou moins 60 marais sur les 82 existants sont drainés et exploités307. Environ 28 ont chacun la superficie moyenne de 5 à 15 hectares. Cependant, les maraîchers se butent aux difficultés d'approvisionnement en semences améliorées. On rappelle qu'à l'époque coloniale le territoire de Kalehe avait six Centres de Multiplication dénommés techniquement CAPSA ou Centres d'adaptation et de production des semences améliorées dont les superficies variaient entre 5 et 10 hectares308. Il faut noter que l'un de ces centres, précisément le CM Lwami, qui fonctionne encore avait accueilli durant la campagne agricole A de 2013 les semences de haricot Bio fortifiant du gouvernement central et 3 ha étaient emblavés309. Les autres problèmes auxquels font face les maraîchers, en particulier, et tous les agriculteurs, en général, c'est le manque de débouchés pour les récoltes ; le manque des produits phytosanitaires et les matériels aratoires/drainage. Suite à certaines difficultés, les agriculteurs se servent de leurs activités uniquement pour assurer leur survie. Pour le haricot et la patate douce, la production est souvent destinée à la consommation locale pour une partie et la vente pour une autre partie. Le maïs et le manioc servent pour la consommation locale une fois transformés. Pour la banane, il y en a de deux sortes ; la banane à table et la banane à bière. Comme les noms l'indiquent, la première catégorie est souvent consommée comme fruit tandis que la seconde est souvent utilisée dans la fabrication de la bière traditionnelle locale (KASIGISI). Par ailleurs, la terre de Kalehe donne également la possibilité de faire l'élevage de toutes sortes, notamment industriel. Actuellement il est pratiqué dans différents coins du territoire. Notons, cependant, que sur les 52 pâturages communautaires qui existaient dans le temps, la plupart sont déjà spoliés et transformés en champs et parcelles résidentielles. Les quelques pâturages naturels qui restent sont situés dans les montagnes pastorales dénommées Lulamboluli et Kajeje en groupement de Bushwira et Mudaka et c'est là où se pratiquent encore l'élevage extensif des bovins, caprins et ovins310. 307 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46. 308 ZIMUNGU KIPULA, F., Guerre du Kivu, un complot international, L'Harmattan, Paris, 2020, pp. 51- 73. 309 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46. 310 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 311 Idem.., pp. 51- 73. 121 1.4.1.1. Forêt Parmi ses richesses et autres opportunités de développement, il y a également la forêt. On y trouve, le diamant, l'or, les cuivres, les coltans, etc. En 2010, Kalehe avait 400kha de couverture arborée s'étendant sur sa superficie terrestre. En 2021, elle a perdu 4.82kha de couverture arborée, ce qui équivaut à 3.13 Mt émissions de CO2. Notons que ces riches étendues de terre, au lieu de servir d'escalier pour atteindre le développement deviennent plutôt des sources de tensions entre populations311. En effet, après de longues années de coexistence pacifique, les différentes communautés qui constituent le tissu démographique du territoire de Kalehe sont actuellement sur le pied de guerre. A la base : le clivage socioéconomique qui se dessine très nettement aujourd'hui entre les communautés vivant autour d'importantes ressources minières stratégiques que regorge la région de hauts plateaux de Kalehe et celle habitant la vaste plaine herbeuse qui tapisse le littoral du lac Kivu sur une distance de plusieurs kilomètres. Il est important de souligner que les communautés vivant dans les hauteurs surplombant le lac Kivu à Kalehe alternent leurs activités agropastorales d'origine avec l'exploitation artisanale de gisements du colombo tantalite (coltant), de la cassitérite et de l'or qui augmentent très nettement leurs avoirs en argent et tant d'autres biens désirables par le reste de la population. 1.4.1.2. Richesse de sol Le sol du territoire de Kalehe dans ses variantes s'étend en sol argileux, sol argilo sablonneux et en sol humide caractéristique des vallées marécageuses vers les bords de petites rivières et dans les bassins de colline. Ces sols sont importants et arables en ce sens qu'ils sont efficaces pour la production de produits vivriers et maraîchers, tel que le manioc, le haricot, l'arachide, le maïs, le sorgho, les tomates, les aubergines, l'oignon et les cultures pérennes. 122 Sur certains versants de collines, le sol est lessivé, ce qui compromet la fertilité du sol pour une bonne activité agricole. 1.4.2. L'eau comme atout de développement Les disponibilités hydrographiques de la RDC, les ressources en pétrole, en charbon et en gaz naturel à côté du bois de chauffe sont autant de ressources énergétiques, nombreuses et aussi diversifiées que les ressources minières312. Les plans d'eau couvrent environ 3,5% de la superficie nationale. Ils se composent de 15 lacs couvrant une superficie de 180.000 Km2, des formations aquifères souterraines et au moins de 30 rivières, totalisant 20.000 km de berge et constituant une source de pêcherie inestimable et d'approvisionnement en poissons pour les populations313. Le fleuve Congo qui a donné son nom au pays est le cinquième par son débit moyen, le plus important du globe, soit 50.000 m 3 / seconde à l'embouchure. Il présente, avec les affluents qu'il draine depuis sa source dans l'ex-province du Katanga, un potentiel énergétique énorme, soit 13% du potentiel mondial, réparti entre les barrages de Lukuga, Tshopo, Ruzizi, Zongo et surtout celui d'Inga sur le fleuve Congo, avec une capacité de 44.000 Mégawatts314. Dans le territoire de Kalehe, le lac Kivu est la plus grande étendue d'eau. Au-delà de la variété végétale qu'on y trouve, il y a, comme détaillé ci-dessus, plusieurs matières premières susceptibles d'amplifier le développement. 1.4.2.1. Lac Kivu comme atout de développement du territoire de Kalehe Un minimum de calme s'avère nécessaire lorsqu'on s'arrache de ces paysages bruyants et vertigineux. Ernest Hemingway soutenait que rien ne se repose mieux qu'un grand lac315, et la RDC en compte une quinzaine répartis à travers tout son territoire. Les plus importants, et sans doute les plus beaux, sont les lacs de montagne créés comme pour donner une leçon d'harmonie et de couleurs à quelques peintres de génie. A cette catégorie appartiennent le lac Tanganyika, 32.000 Km2, deuxième du monde pour sa profondeur (1.470 m) après le lac sibérien Baïkal ; le lac Kivu, le plus haut d'Afrique, puisque situé à 312 KAZUMBA K. TSHITEYA, A., cité par BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157. 313 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46. 314 BYABUZE BADESIRE, P., Op.cit., pp. 151- 157. 315 DIALLO, S., Le Zaïre aujourd'hui, Ed. Jeune Afrique, Paris, 1984, p.37. 123 1.400 m d'altitude ; les lacs Edouard et Albert, reliés entre eux par le déversoir de la Semliki, et tous deux tributaires du Nil. Le lac Kivu et la rivière Ruzizi dans certains groupements donne la possibilité de développer des activités de pêche et activer le développement du territoire. Malheureusement, pour des raisons multiples, elle n'est pas très valorisée. En effet, la pêche et la pisciculture sont pratiquées comme des activités secondaires dans cette partie du territoire national. D'après nos enquêtes, aucun pêcheur ou pisciculteur ne vit exclusivement de la pêche ou de la pisciculture. Dans le territoire de Kalehe seule la pêche dans le lac Kivu est pratiquée alors que dans le Minova la pêche se fait en rivière dans 25% des cas et en lac dans 75% des cas. Notons que dans cette partie du territoire, une association locale (APROS/asbl), est en train d'expérimenter la pisciculture lacustre intégrée à l'élevage des porcs : cette association dispose des cages dans le lac, y met des alevins et les nourris avec du lisier316. L'accès à un équipement de pêche adéquat reste un sérieux problème pour les pêcheurs dans le territoire de Kalehe. L'usage de filets maillants par certains pêcheurs crée souvent des conflits entre pêcheurs car la population pense que ce genre de filet compromet l'avenir de la pêche en capturant les alevins, ce qui diminue le taux de capture. Les pisciculteurs ne sont pas formés sur les méthodes et techniques piscicoles et beaucoup se buttent au problème de manque d'alevins. a. Couvercle permanent à 250 mètres Au-delà de ce qui est décrit supra, le lac Kivu est aussi un lac méromictique. C'est-à-dire un lac dont les eaux de surface et les eaux profondes ne se mélangent jamais. Si ces eaux ne se mélangent pas, c'est principalement pour deux types de raison. Tout d'abord, leur profondeur et leur faible exposition aux vents, empêchant la convection par la force du vent d'y mélanger les eaux au-delà de quelques dizaines de mètres de profondeur. « Actuellement les eaux de surface, bien que plus froides, sont, en effet, moins riches en sel que les eaux profondes, développe François Darchambeau, chargé de recherche à l'Unité d'Océanographie Chimique de l'ULG et coéditeur de l'ouvrage317. 316 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46. 317 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 124 Les eaux profondes sont d'environ 2°C plus chaudes que les eaux de surface mais elles sont surtout beaucoup plus riches en sel (jusqu'à 6 grammes par litre). Cette richesse en sel joue sur la densité de l'eau et augmente considérablement l'énergie nécessaire pour provoquer un mélange complet des eaux du lac. Comme celui-ci se situe à 1400 mètres d'altitude, coincé au milieu d'une chaîne volcanique dont les sommets dépassent les 4000 mètres et bloquent donc partiellement les vents, cette énergie n'est pas présente. Ainsi, seuls les 60 premiers mètres du lac se mélangent régulièrement lors de chaque saison sèche. »318 Cette augmentation constante de la salinité avec la profondeur a deux origines. Premièrement, la sédimentation. « Les éléments qui se trouvent en surface se mettent peu à peu à couler. Une fois en dessous des 250 mètres, ces sédiments sont bloqués, ne peuvent plus remonter, comme s'il y avait un couvercle à cette profondeur. Ainsi, peu à peu, les eaux profondes s'enrichissent de tous ces éléments qui se trouvaient en surface, notamment des sels nutritifs. » Cet apport est dit biogénique. C'est-à-dire qu'il résulte de la sédimentation de matières biologiques, qui « meurent » et qui plongent dans les eaux profondes319. Un deuxième apport en sel est géogénique, d'origine terrestre. A environ 250 mètres en dessous de la surface, le lac Kivu est alimenté par de l'eau de source probablement infiltrée dans des failles du sol d'origine volcanique. Cette eau est plus chaude. Elle devrait donc être moins dense par sa chaleur et remonter en surface. Mais elle est fortement chargée en sel. Sa densité est donc plus forte et elle plonge également. b. Dangereux prisonniers des couches profondes Ces eaux fortement concentrées en méthane sont une richesse potentielle considérable. Ce gaz peut, en effet, être utilisé comme combustible pour, par exemple, produire de l'électricité. Mais une telle quantité de gaz dissoute par la pression de l'eau profonde, ajoutée à celle encore plus importante du CO2, constitue également une véritable bombe à retardement et peut être dévastatrice. Deux lacs camerounais contiennent également de grandes quantités de CO2 dissous, en bien moindre quantité toutefois que le lac Kivu. Le lac Monoun 318 Idem., pp. 51- 73. 319 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46. 125 a connu une éruption gazeuse en 1984 et le lac Nyos, dont l'éruption date de 1986, a tué près de 2000 personnes320. Une éruption limnique peut être provoquée de multiples manières. La première serait une accumulation et donc une concentration trop grande de gaz qui ne pourrait plus se dissoudre dans une eau déjà saturée et qui remonterait dès lors en grandes quantités à la surface sous forme de bulles. Une autre remontée éruptive de gaz pourrait également être causée par un déclencheur (comme une éruption volcanique, un glissement de terrain ou un tremblement de terre), qui créerait des vagues d'eau internes contenant des gaz dissous, eaux qui remonteraient à des pressions inférieures et libéreraient ainsi soudainement les gaz en sursaturation, à mesure que la pression hydrostatique baisserait. Dans le cas du lac Kivu, la libération à la surface de l'entièreté du méthane et du CO2 actuellement dissous dans ces eaux créerait un nuage de gaz s'élevant jusqu'à plus de 100 mètres au-dessus du niveau actuel du lac. Ce nuage recouvrirait entièrement la région et, donc, entre autres les importantes villes congolaises de Goma et de Bukavu. Le nuage toucherait ainsi au minimum deux millions de personnes. Elles décèderaient soit par l'éruption elle-même, soit à cause du nuage de gaz. Outre sa toxicité directe, le CO2 étant plus lourd que l'air, celui-ci stagnerait au niveau du sol et chasserait l'oxygène vers le haut, asphyxiant toutes formes de vie aérobie, incluant donc les êtres humains321. Cependant, le chercheur rassure d'emblée en stipulant qu'il ne sert à rien de tenir des propos catastrophistes. L'eau à 275 mètres de profondeur contient actuellement une concentration en gaz dissous de 50 à 60% de la saturation. Cette concentration augmente avec la profondeur mais la pression hydrostatique augmente également et autorise une plus grande quantité de gaz dissous322. Le point le plus critique se trouve à 275 mètres de profondeur. C'est là où, dans le cas d'une éruption gazeuse, les premières bulles pourraient se former. Une étude récente montre que la concentration en CH4 dans le lac aurait augmenté de 10 à 15% entre 1974 et 2004. Malgré une certaine marge d'erreur, il est possible d'estimer à un siècle la période qui resterait avant que les eaux du lac n'arrivent à saturation. D'ici là, les eaux seront en grande partie dégazées par l'exploitation industrielle qui se sera sans doute mise en place. Actuellement, seul un événement majeur qui provoquerait une remontée des eaux d'une centaine de mètres pourrait 320 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 321 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46. 322 Idem., pp. 35 -- 46. 126 provoquer un dégazage naturel significatif. Et ces événements sont particulièrement rares. « A priori, la dernière éruption gazeuse du lac Kivu, selon l'étude des sédiments, remonterait à près de 5 000 ans », rassure le chercheur. Cependant, une baie située au nord-ouest du lac, à proximité de la ville de Goma, la baie de Kabuno, suscite-t-elle des inquiétudes plus immédiates. Aucune étude récente n'a, en effet, fait le point sur l'évolution des concentrations en gaz qu'elle peut contenir. Cette étude, urgente, devrait pouvoir se faire très prochainement323. 1.4. Du point de vue économique La vie socio-économique des villages s'articule principalement autour des activités agro-pastorales, suivi par le petit commerce puis, dans une moindre mesure, de l'extraction artisanale de la tourmaline et de l'or. Bien que vivant en majorité de l'agriculture, la population connaît d'énormes problèmes conjoncturels. En effet, selon les agriculteurs, la production agricole a fortement diminué de par les mouvements de population chroniques et la présence d'hommes en armes. De manière générale, 70-80% de la population hôte semblent tirer principalement leurs revenus de la vente des récoltes tandis que moins de 20% disposent de quelques têtes de bétail et vendent donc des produits d'élevage (viande et lait de vache)324. La population déplacée est quant à elle davantage orientée vers les activités journalières telles que les transports de marchandises (pour les petits commerçants) ou les travaux agricoles dans les champs d'un tiers. Les principales sources de revenus de la majorité de la population sont précaires car elles sont liées à des activités périodiques ou dépendantes non seulement de l'accès à la terre mais des échéances du calendrier agricole : vente de récoltes, transport de marchandises pour approvisionner les marchés ou les travaux champêtres. En ce qui concerne l'accès à la terre pour des activités agricoles, notons qu'il est à la source de plusieurs conflits intercommunautaires. Plusieurs concessions sont entre les mains de quelques personnes et crée la frustration au sein de la population moyenne qui n'a pas accès à ces terres. Cependant, il est possible de développer des activités économiques dans le domaine agricole pour déclencher le processus de développement espéré. 323 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46. 324 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 127 1.4.1. Commerce Le territoire de Kalehe, pour son interconnexion et son ouverture aux pays voisins, donne la possibilité d'exercer de petits et grands commerces. Il peut s'agir de la vente en gros et en détail des produits agricoles, des produits manufacturés (le lait en poudre, le sucre, savons, eau minérale, etc.), de la vente des médicaments (pharmacie), de ventes des matériaux de construction (quincaillerie) et la vente des produits Bralima et autres. Le commerce est surtout développé dans la partie Nord (Mudaka, Miti, Kavumu et Katana) mais également vers le Sud (Mumosho et Nyatende)325. 1.4.2. Principales activités des PME/PMI - Fermes et plantations locales - Dépôt relais Bralima et autres boissons - Dépôt des produits agricoles tels que le Manioc, l'Huile de palme, etc. - Dépôt de ciment, dépôt de matériaux de construction (quincaillerie), - Menuiserie, Tannerie, scierie et atelier de couture - Les activités liées aux fermes et aux plantations sont les plus nombreuses. On peut citer par exemple la ferme Mudumbi à Kavumu, la plantation Kanonzi, la plantation Kidumbi de Kasaza à Mudaka, etc. Pour le dépôt relais, on peut citer Tems et Baba Africa, tous à Mudaka. Les activités liées à la tannerie permettent la fabrication de ceintures, des sacs, etc. I.5. Du point de vue démographique ou humain Le développement d'un milieu dépend en premier lieu des ressources humaines et naturelles (eau, pétrole, gaz, diamant, or, coltan, faune et flore, etc.). C'est dans cette optique que Tabah nous démontre à travers les extraits de la déclaration de Mexico sur la population et le développement que pour être réalistes, les politiques, les plans et les programmes de développement doivent tenir compte des liens inextricables qui unissent la population, les ressources et l'environnement au développement326. 325 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46. 326 TABAH, L., « conférence Mondiale et Plan Mondial pour la population », in Dossier technique, UNESCO, n°5, 1985, pp. 3-6. 128 Pour ce qui est de la population du territoire de Kalehe, elle est actuellement estimée à plus ou moins 752 571 habitants, avec une densité de 180 hab. /Km2 et se compose des autochtones pour peu d'étrangers. La grande majorité de la population est jeune et donne la possibilité au territoire d'avoir une main d'oeuvre jeune et capable de travailler à la hauteur de défis de développement à relever. 1.6. De l'organisation sociale L'organisation sociale du territoire de Kalehe donne la possibilité de promouvoir le développement. Pour comprendre cela, nous avons cherché à savoir comment étaient organisés les villages ; comment était réparti le pouvoir au sein d'un village et si les villageois se regroupaient ou non pour exercer des activités communes. Chaque entité est, d'une façon administrative, gérée par un chef de poste d'encadrement administratif qui représente l'administrateur du territoire. Chaque poste d'encadrement administratif compte plusieurs localités dirigées chacune par un chef de localité qui gère aussi les chefs de villages de sa juridiction. Ces derniers sont désignés de façon héréditaire. On observe peu de travaux communautaires dans ce territoire, néanmoins il existe de petites activités organisées par certains groupes religieux qui essaient de venir en aide à leurs membres dans le cadre de l'entraide mutuelle et quelque fois aux autres membres de la communauté mais moyennant paiement de quelques frais au profit de la caisse de ladite organisation pour son fonctionnement. Sections 2. Quelques obstacles au développement du territoire de Kalehe 2.1. Conflit entre originaires et non originaires Dans le territoire de Kalehe les conflits de territoire et des terres opposent les groupes ethniques bien connus. Ce territoire est constitué de deux chefferies agrandies par l'administration coloniale, à savoir le Buhavu et le Buloho. La chefferie de Buhavu formée de sept groupements est officiellement reconnue et attribuée aux Bahavu. Sur les sept groupements ils en occupent trois, à savoir : Buzi, Mbinga Nord et Mbinga Sud. Les Bahavu sont à égalité avec les Batembo qui occupent trois autres groupements dont Kalima, Mubuku 129 et Ziralo. Le groupement de Kalonge est occupé par les Barongeronge. A la période postcoloniale, ces derniers avaient été détachés du territoire de Kabare pour être annexés à celui de Kalehe327. Le chef Kalonge arborant tous les symboles du pouvoir traditionnel réclame l'autonomie et l'érection de son groupement en « chefferie » de Kalonge. La demande d'autonomie est source de tensions avec les Bahavu qui perdraient ainsi une partie du territoire, des contribuables et des marchés. Aussi, l'autonomie est-elle réclamée par les Batembo qui ambitionnent de reconstituer leur unité culturelle perdue à partir de 1945 de s'assurer le contrôle des ressources et leur développement. Ces derniers sont dispersés dans la province du Sud-Kivu et localisés dans la chefferie de Buhavu, dans le groupement de Kalonge, dans la chefferie de Nindja en territoire de Kabare et, enfin, à Luyuyu en territoire de Shabunda. Dans la province du Nord-Kivu, les Batembo vivent à Ufamandu et Katoyi dans la chefferie de Batembo en territoire de Masisi et dans le groupement de Walowa Loanda en chefferie de Wanyanga dans le territoire de Walikale. Le conflit de territoire entre Batembo et Bahavu est devenu ouvert en septembre 1999 quand le mouvement politico-militaire connu sous le nom de Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) occupait l'Est du pays. Pendant la rébellion contre le gouvernement central de Kinshasa, le RCD avait érigé à titre provisoire Bunyakiri en territoire par un arrêté départemental. L'existence définitive de ce territoire a été confirmée par un arrêté départemental du 22 juillet 2002. Ces modifications faisaient perdre aux Bahavu une zone importante d'influence, des sites miniers mais aussi la paix par la recrudescence des conflits interethniques entre groupes autochtones. Enfin, les conflits interethniques sur fond territorial opposent le groupe de Banyarwanda (Batutsi et Bahutu) contre les Bahavu et Batembo dans les moyens et hauts plateaux en territoire de Kalehe. Ces conflits ont commencé sur fond de contestation de la nationalité des Bahutu et Batutsi qu'ils seraient des étrangers installés dans cette partie du territoire favorable à l'agriculture et à l'élevage de gros bétail328. 327 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46. 328 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46. 130 A l'épineuse question de nationalité est venue se greffer la question foncière. Ces deux facteurs font que les Batembo et Bahavu nient le droit de nationalité et de contrôle des terres aux Banyarwanda car ils les considèrent comme des étrangers à part entière. Ils situent leur présence au Congo en 1959, jetant ainsi dans les oubliettes l'existence des chefferies traditionnelles des Bahutu et la Mission d'Immigration de Banyarwanda organisée par l'administration coloniale au Gishali et Jomba en 1936 au Nord-Kivu. Les Banyarwanda rejettent ces allégations et disent qu'ils ont rompu tout lien d'attache avec le Rwanda et sont donc congolais ; leur nationalité étant pour ainsi dire reconnue et couverte par la constitution du 18 février 2006. Pour ces différentes raisons, ils exigent la révision des limites des entités héritées de la colonisation pour les constituer également en chefferie agrandie et leur reconnaître l'exercice effectif du pouvoir coutumier au même titre que les autres groupes ethniques établis au Congo. Ces revendications ont poussé le RCD à instituer les hauts plateaux de Buzi en chefferie et à confier sa direction aux Banyarwanda. Par cet acte, le RCD a envenimé les relations entre groupes ethniques locaux329. 2.2. Présence des groupes armés étrangers et militarisation des communautés locales Les différents conflits militaires dans le Sud-Kivu ont favorisé l'émergence des milices (Mai-mai, Audacieux, Ngomino, Twirwanire, Batiri, Bakobwa, etc.) qui sont de véritables machines de destruction de la vie et des actions du développement. Cette logique est encouragée par les différentes ethnies et leurs enfants qui contribuent de manière consciente ou inconsciente à affaiblir l'Etat congolais et à alimenter l'instabilité politique par des revendications des territoires ethniques et de l'autochtonie. Ces revendications attisent les tensions sociales et alimentent les divisions : le travail de l'Etat congolais consiste à démilitariser les communautés et à initier des actions susceptibles de renforcer l'unité et la paix sociales330. Qu'est-ce qui explique la militarisation des communautés locales dans le territoire de Kalehe ? Quelques éléments justifient cette réalité qui ne permet pas à ce territoire de déclencher un véritable processus de développement. 329 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 330 Selon une enquête de PADEBU de juin 2007 menée auprès des acteurs locaux et des FDLR. 131 2.2.1. Présence des groupes armés étrangers dans le territoire Les conflits armés à l'Est commencent à partir du génocide rwandais en 1994. Dès lors, plusieurs mouvements politico-militaires s'installèrent à l'Est et plus particulièrement dans le territoire de Kalehe. Les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda constituent le plus important mouvement politico-militaire étranger encore présent à l'est de la RDC, une présence estimée de 6000 à 7000 combattants pour les deux Kivu et environ 2000 dans le seul territoire de Kalehe. Ce groupe armé est essentiellement composé de Hutus rwandais issus des ex-FAR, des Interahamwe et des populations civiles qui fuirent le Rwanda en 1994 suite à la progression foudroyante et irrésistible du FPR au lendemain du génocide331. Outre les forces combattantes, les FDLR comptent plusieurs milliers de civils, communément appelés « dépendants », principalement constitués des femmes et enfants des combattants. Si les premières ambitions des mouvements mis en place par les Hutus rwandais étaient de renverser militairement le gouvernement rwandais pour y restaurer un pouvoir hutu, aujourd'hui les FDLR ne concentrent plus suffisamment de puissance militaire pour constituer une réelle menace pour le pouvoir en place à Kigali. Ils continuent toutefois de dénoncer ce régime comme « une dictature sanguinaire » et exigent comme condition à leur retour l'organisation d'un dialogue politique inter-rwandais qui devrait permettre aux membres du mouvement d'accéder à des postes politiques et militaires de responsabilité au Rwanda332. A partir de là, après le démantèlement des camps de réfugiés, les ex-FAR et Interahamwe réorganisés en ALIR, deviendront à partir de 1998 les alliés de Laurent Désiré Kabila et des mouvements Maï-Maï dans la lutte contre la rébellion du RCD à l'Est du pays. Dans le territoire de Kalehe, l'ALIR et, ensuite, les FDLR cohabiteront et combattront aux côtés des éléments Maï-Maï de Padiri jusqu'en 2003, occupant avec ces derniers les vastes forêts et milieux ruraux du territoire, tandis que le RCD en contrôlait les centres urbains333. A partir de 2003, avec les accords de paix et la mise en place d'un gouvernement de transition impliquant tous les belligérants, Maï-Maï y compris, 331 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 332 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008 (S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34). 333 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 132 les FDLR, qualifiés désormais de « forces négatives », occuperont la grande partie de l'espace abandonné par les Maï-Maï. Ils contrôlaient, c'est encore le cas dans certains coins du territoires, une vaste zone du territoire de Kalehe et de nombreux villages, dont les principaux sont Ngokwe, Kauma, Kaciri, Lai-Lai et Ramba dans le groupement de Mubugu ; Lumendge, Ekingi, Mangaa, Cinene et Bushibwambombo dans le groupement de Kalima ; Chibinda, Bugaru, Mutale dans le groupement de Kalonge et la forêt de Chinono, Chambombo dans le groupement de Ziralo ainsi qu'une grande partie du groupement de Musenyi en chefferie de Buloho. Les FDLR du territoire de Kalehe opèrent à partir de quatre bases principales dont Ekingi (groupement de Kalima), Ngokwe (groupement de Mubugu), Bugaru (groupement de Kalonge) et Chambombo (groupement de Ziralo)334. Tous ces groupes armés ont tué, pillé et exploité les matières précieuses minérales et autres de la RDC. Les frustrations consécutives à leurs activités avaient amené certaines communautés à se militariser et à faire face à l'envahissement étranger. C'est le cas jusqu'aujourd'hui. 2.2.2. Les Patriotes Résistants Congolais (PARECO) Créé dans le Masisi en mars 2007 à partir de différents groupes armés Hutu, Tembo, Hunde et Nande de Masisi, Rutshuru et Walikale, le PARECO est rapidement devenu l'un des groupes armés congolais les plus importants du Kivu (le troisième selon le rapport des experts du Conseil de Sécurité) et certainement le premier groupe armé congolais (GAC) du territoire de Kalehe335. Le PARECO s'y est implanté en deux temps : d'abord à partir de septembre 2007 dans certains villages du groupement de Ziralo (Lumbishi, Shandje et Chambombo) et ensuite dès 2008 sur l'ensemble de hauts plateaux de Kalehe. Réunis sous la bannière de la lutte contre le CNDP de Laurent Nkunda, les miliciens du PARECO ont bénéficié de la collaboration et du soutien direct de certains officiers FARDC avec lesquels ils collaborèrent dans les affrontements contre le CNDP jusqu'en décembre 2008. Ces miliciens proviennent entres autres des groupes armés de Mugabo (un Hutu de Masisi qui est devenu le chef d'état-major du mouvement), de Lafontaine (un Nande de 334 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46. 335 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008 (S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34). 133 Rutshuru), de Limenzi (un Tembo de Remeka, dans le territoire de Masisi) et, enfin, de Bigembe (un autre Hutu de Remeka)336. Toutefois, dans les hauts plateaux de Kalehe, le PARECO était composé exclusivement de Hutus rwandophones et est de ce fait considéré comme un groupe de défense des intérêts hutus par les autres communautés de Kalehe. Le PARECO est organisé en une division du Nord-Kivu et en une division du Sud-Kivu, elle-même constituée de deux « bataillons », celui du colonel Wegamiye, un ex-capitaine FARDC de la 15ème BI qui contrôle la partie Sud de hauts plateaux de Kalehe (Bushaku, Nyamugari et Nyawaronga) et celui du colonel Gwigwi qui contrôle la partie Nord de hauts plateaux (Shandje, Lumbishi, Ramba et Chambombo)337. 2.2.3. Les Mal-Mal Kirikicho Il est une milice essentiellement composée des Batembo des groupements de Ziralo et Ufamandu (Walikale), groupements qui constituent les zones d'occupation du groupe. Ancien capitaine Maï-Maï de Padiri, Kirikicho, frustré par le grade de major qui lui fut attribué au moment de l'intégration des forces belligérantes en 2003, refusa de rejoindre les FARDC et préféra regagner la forêt de son groupement natal de Ziralo avec quelques-uns de ses éléments. De 2003 à 2005, Kirikicho et ses hommes étaient dans une phase d'organisation et de recrutement de telle sorte que les populations semblaient ignorer les motivations du groupe338. Ce n'est qu'à partir de 2006 que Kirikicho commence à se faire connaître comme groupe armé congolais par les organisations locales de développement ainsi que par la 10ème Région Militaire FARDC (Sud-Kivu) : les acteurs de la société civile, d'une part, et des officiers FARDC, d'autre part, entrent alors en contact avec le groupe pour le sensibiliser au processus d'intégration dans les FARDC. Kirikicho accepte d'intégrer les FARDC à la mi-2007 et se regroupe avec ses combattants à Nyabibwe où il est récupéré pour être amené à la 10ème Région Militaire339. 336 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 337 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46. 338 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008 (S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34). 339 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 134 Au-delà de la reconnaissance par la 10ème Région Militaire du grade de lieutenant-colonel, l'homme retourna en forêt avec ses hommes sous prétexte que ses doléances n'avaient pas été considérées par la 10ème Région Militaire, à savoir son remplacement à Ziralo par des militaires FARDC afin de protéger la population civile des exactions des FDLR, le paiement du solde de ses hommes, et enfin, la reconnaissance d'un grade supérieur. De son côté, la 10ème Région affirma qu'elle avait laissé Kirikicho retourner à Ziralo afin qu'il rassemble ses hommes et les amène tous au brassage mais ce dernier ne revînt jamais. Le groupe occupe depuis lors les forêts de Ufamandu et de Ziralo, son état-major étant basé à Biriko (Ufamandu) jusqu'en janvier 2009340. Jusqu'aujourd'hui ces groupes armés oeuvrent dans le territoire de Kalehe et ne facilitent pas la tâche à cette entité pour déclencher le processus de développement. C'est à ce niveau que l'Etat congolais doit intervenir avec efficacité pour faire face à ces multiples menaces militaires. 2.3. Intégration mitigée des communautés par le territoire Les cas étudiés révèlent que l'intégration par le territoire est partiellement une réussite pour les Babuyu, Barongeronge et Batembo. Ils se sentent en insécurité par rapport aux groupes majoritaires qui leur imposent une sorte de domination politique, économique et culturelle ; d'où les revendications d'autonomie territoriale. D'une part, les revendications vont dans le sens de réclamations de réparation de pouvoir, de partage de diverses ressources et de promotion de l'identité culturelle de chaque ethnie. D'autre part, et en cas de persistance des conflits interethniques, il s'agira de procéder à des enquêtes pour statuer sur les questions saillantes liées au regroupement des habitants et au démembrement des entités pour autonomie. L'intégration par le territoire est une réussite totale pour les Babembe, Bafuliru, Bahavu et Bavira. La lutte contre la pauvreté rurale est indiquée pour les occuper. Pour les Barundi de la plaine de la Ruzizi, leur intégration par le territoire n'est pas irrésoluble. Leur entité est légalement délimitée et cadrée. Le rôle de l'Etat consiste à faire cesser les ambitions hégémonistes et les 340 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46. 135 contestations de leurs voisins au sujet de l'existence du pouvoir coutumier et de la chefferie agrandie des Barundi341. Retenons que la question de l'intégration mitigée est à la base de plusieurs conflits interethniques, même armés. Il est, d'ailleurs, la question principale qui se pose au niveau national et qui, jusqu'à nos jours, reste encore énigmatique. Pour répondre à cette problématique, plusieurs options sont proposées. Il y a ceux qui pensent que pour répondre à cette question, il faut procéder par l'approche multiculturaliste. C'est-à-dire, l'Etat doit mettre en place, en collaboration avec les communautés locales, un mécanisme qui consistera à amener les différentes communautés à vivre avec les différences que proposent d'autres communautés. C'est-à-dire vivre dans une société multiculturelle. Cette approche met l'accent sur la tolérance mutuelle que doivent développer les différentes communautés qui sont obligées de vivre ensemble. D'autres, en revanche, proposent-ils une approche assimilative. Cette approche responsabilise plus l'Etat qui a la noble mission de rassurer, que cela se réalise sur les plans sécuritaire, économique et sanitaire pour toutes les communautés, minoritaires ou majoritaires. En effet, pour cette approche, l'Etat doit imposer un style de vie qui oblige toutes les sociétés à vivre ensemble et dans l'harmonie. C'est cette approche qui était utilisée sous la deuxième République par le Président Mobutu, qui, pour la cohérence et la concorde nationale, avait opté pour la politique de gouvernance des non originaires. Notons, cependant, que cette approche est contestée par d'autres auteurs. Par exemple Mulambu Mvuluya qui pense que l'approche assimilative est vouée d'avance à l'échec parce qu'elle ne touche pas l'âme de la population. Celle-ci, par crainte de répression, peut obéir en faisant semblant de vivre ensemble mais quand l'occasion se présente elle succombe. Enfin, il y a l'approche circonstancielle. D'après cette approche, l'intégration est liée aux événements. Il y a des circonstances qui obligent les peuples à vivre ensemble et à se surpasser. Par exemple les guerres, les calamités naturelles et tant d'autres événements qui peuvent provoquer l'intégration spontanée. 341 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008 (S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34). 136 En ce qui concerne le territoire de Kalehe, l'intégration n'est pas encore effective et, à ce niveau, son absence est à la base de toutes les tensions intercommunautaires observées à ce jour. 2.4. Conflits fonciers Le genre de conflits que nous analysons ici oppose des voisins propriétaires de terres situées en territoire de Kalehe. Il s'agit d'une région qui compte une population évaluée à 752 571 habitants que l'UNESCO classe dans la catégorie de régions faisant partie du patrimoine mondial de l'humanité. Par sa position stratégique, ses terres fertiles, le territoire de Kalehe continue de faire l'objet d'un accaparement de terres. Cette situation est au centre de tensions, voire de conflits entre communautés et agents du cadastre foncier et pouvoir coutumier342. Précisons que le territoire de Kalehe est certes un site urbano-rural et peuplé par des paysans agriculteurs mais des centaines de personnes y vivent et y ont acheté des terres. L'intérêt pour ce site a commencé en 1994 lors de l'entrée massive des réfugiés. Cependant, notons que la migration rwandaise commence déjà à partir des années soixante quand il y a eu des mouvements migratoires des Hutu vers les hauts plateaux. Pendant cette période, la population locale n'en faisait pas un problème parce que l'actuel haut plateau de Kalehe était considéré par les autochtones comme un lieu non habitable. Il faisait trop froid et les conditions de vie étaient très difficiles. Plus tard ces derniers vont se rendre compte que l'ensemble de leurs richesses étaient sur le lieu qu'ils ont cédé aux nouveaux venus pour s'y installer. Ces envahisseurs, d'après nos enquêtés, en tirent plus de profit que les peuples autochtones et ne partagent pas les bénéfices avec d'autres peuples pourtant véritables propriétaires de terres disponibles. Au-delà de cette revendication, les populations locales se rendent compte que la grande partie de leurs terres, héritage des aïeux, est entre les mains d'une minorité, de surcroit étrangère. Cette dernière exploite ces terres et deviennent de plus en plus riches tandis que les bas peuples vivent dans une misère extrême. En effet, pour la coutume locale, les terres appartiennent au Mwami. Le seul pouvant en confier le droit de jouissance aux gens qui lui en expriment 342 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 137 le besoin. Le mode d'acquisition est régi par des procédures coutumières dont les plus importantes sont343 : - Le KALINZI : c'est un prix payé pour le droit d'utilisation de terres. Ce prix est toujours exigé en nature, généralement en vaches ou en chèvres. L'acquisition de ces terres reste par héritage ; - Le BWASA : pour ce contrat, l'exploitant agricole prend la terre en location (champ) auprès d'un autre cultivateur pour une courte durée. Cette localisation se fait aussi en nature et ne fait pas partie de l'héritage, seules les cultures vivrières étant concernées. Notons qu'en Mbinga-Sud, le système de Kalinzi n'est plus prise en considération par le simple fait qu'il y a vente des plantation à des privés par l'Etat, par exemple à la PHARMAKINA, au comité Anti Bwaki, etc. Tous les cultivateurs appliquent le système de Bwasa pendant une saison renouvelable avec une mesure appelée « piquet » de 50m2 et cela moyennant quelque chose comme gage. Au niveau du territoire, il y a le système de cadastre qui a vendu officiellement des parcelles avec contact sans tenir compte de la coutume. Cette façon de faire est également au centre des conflits fonciers et ne facilite pas un bon climat de collaboration entre le pouvoir coutumier et l'Etat qui est considéré par les autochtones comme corrompu et complice de l'injustice sociale observée dans le territoire de Kalehe. 2. 4. Fragilité de l'Etat La résurgence des conflits de territoire est une résultante de la fragilité de l'Etat congolais. À ce propos, l'élite de Banyamulenge note dans son document que l'Etat est entièrement responsable de la dégradation de la situation sur ces conflits naissants pour n'y avoir pas apporté des solutions appropriées en temps utiles. Quand son autorité sera restaurée, l'Etat congolais devrait afficher une position nette à ce sujet et initier un programme de lutte contre la pauvreté et d'éducation à la paix sociale344. Cependant, les cas analysés montrent qu'ils continuent à exister sur le plan anthropologique et sociologique. Les groupes ethniques territorialisés ou non à l'époque coloniale continuent à se définir par rapport à l'espace 343 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46. 344 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 -- 46. 138 identitaire, à s'affirmer et à réclamer les appartenances aux territoires ethniques. Ces appartenances, affirmations et revendications des territoires primaires ou culturels constituent les identités territoriales qui sont à la base des conflits entre les groupes ethniques au Sud-Kivu. Elles opèrent selon quatre modalités stratégiques, à savoir345 : - La pratique d'autodéfense du territoire étatique par la formation des milices, la transmission aux générations futures par la socialisation ; - La justification de l'existence antérieure à l'espace par un discours de légitimation ; - La négation et l'exclusion du groupe ethniques voisin. Notons que les identités territoriales opèrent sur base du principe de négation et d'exclusion du groupe ethnique voisin. Les groupes ethniques en conflits se définissent et s'identifient à un espace bien délimité par la puissance publique, ils le privatisent et s'en approprient dans le contexte de fragilité de l'Etat congolais pour nier l'occupation et l'existence antérieures de la partie adverse sur l'espace avant la colonisation. La négation et l'exclusion provoquent des conflits de territoire. Les cas étudiés sont autant des illustrations à ce sujet. En effet, les identités territoriales s'expriment en termes de légitimation. Chaque groupe ethnique cherche à justifier son existence antérieure à la colonisation sur l'espace disputé. Le discours de légitimation qu'il tient, nie l'histoire de la réorganisation territoriale et administrative que le territoire primaire a subie au fil des années. Ce discours magnifie les qualités du territoire ethnique et lui attribue les propriétés d'un espace d'existence propre. C'est de cette façon que le discours d'exclusion devient une source des conflits de territoire en distinguant les originaires et les non originaires, les autochtones et les allochtones. Ces catégories conceptuelles voilent les enjeux de nationalité et d'organisation politique à base coutumière (pouvoir coutumier)346. En définitive, les ethnies dans ces différents territoires se disputent le territoire qui relève de la souveraineté de l'Etat congolais. Elles entrent en conflit pour les enjeux géopolitiques dont l'autonomie, le territoire, les ressources, le pouvoir qui sont autant des facteurs qui motivent la revendication du remembrement ou du démembrement : deux modalités reconnues uniquement à l'Etat congolais par la constitution citée plus haut. 345 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 346 KASEREKA KAZURA, L., Op.cit., pp. 35 À 46. 139 Section 3. Enjeux de développement de Kalehe 3.1. Enjeux Politiques La guerre chasse les capitaux, dit-on. C'est-à-dire on ne peut pas envisager le développement sans paix. Voilà pourquoi sur le plan politique, les acteurs doivent se concerter pour chercher une paix durable. Et au centre de cette concertation, il y a la justice. Mais malheureusement les enjeux politiques, motivés par l'égoïsme de la population, ont toujours été au coeur du maintien ou de la création des groupes armés. La conférence de Goma et le lancement du programme Amani en janvier 2008 ont renforcé de manière accrue les gains politiques et économiques qu'il était possible d'obtenir de la part des leaders des groupes armés congolais. En les incluant au sein des discussions politiques d'envergure qui leur confèrent une légitimité nouvelle et plus particulièrement encore en définissant des critères précis (tels que le nombre d'hommes) qui justifieront les gains politiques (tels que la reconnaissance des grades) offerts aux leaders de groupes armés en échange de leur intégration, le programme Amani participa malgré lui à une redynamisation de fait de ces mouvements347. Par exemple dans le territoire de Kalehe, alors même qu'ils s'engageaient officiellement à désarmer et à intégrer l'armée nationale, se sont depuis lors lancés dans une course au recrutement de nouveaux combattants, ciblant les démobilisés et les jeunes (sinon des enfants) des entités sous leur contrôle mais aussi en dehors de celles-ci. Toujours dans l'objectif d'augmenter leur capacité de pression et de négociation au sein du programme Amani, ils initièrent de nouvelles stratégies telles que la négociation de nouvelles alliances entre groupes armés, l'intégration de certains groupes armés réduits en termes d'effectifs au sein d'autres groupes, tentatives d'expansion du territoire sous leur contrôle. Le territoire de Kalehe qui n'abritait plus qu'une seule milice congolaise, celle de Kirikicho, cette redynamisation de groupes armés aura concerné pas moins de cinq groupes armés dans Kalehe depuis mars 2008, à savoir les Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï Kirikicho, les Maï-Maï Sido, les Maï-Maï Simba et le Pareco348. Cette réalité va impacter sur la situation sécuritaire du territoire de Kalehe. L'Etat congolais, pour répondre à cette problématique, a initié d'autres 347 Idem., 35 À 46. 348 ZIMUNGU KIPULA, F., Op.cit., pp. 51- 73. 140 cadres de concertation avec les groupes armés afin d'amener la paix. Tel est le cas de la négociation de Nairobi et tant d'autres. Malheureusement, la tension reste la même et les groupes armés ne cessent d'abuser de tout, de tuer et piller la population civile. Nadine Abemba349 pense que le véritable enjeu consiste à détacher la partie orientale de la République et à mettre tout ou partie du Kivu et de l'Ituri sous tutelles étatiques rwandaise et ougandaise. Il s'agirait, à travers le morcellement de l'Est de la RDC, d'arriver à opérer l'anéantissement du pays et de restructurer les territoires étatiques connus et reconnus à la conférence de Berlin en 1885 et celui de la colonie belge. Tel est l'objectif stratégique des guerres de l'Est avec leurs prolongations actuelles. Les résultats d'autres guerres (civiles, ethniques, luttes pour la démocratie, etc.) constituent des compléments intermédiaires et collatéraux. Malheureusement pour tous ceux-là, les populations locales restent farouchement attachées à leurs terres et sont capables de se défendre jusqu'au sacrifice suprême. En effet, l'occupation de terres et leurs conséquences dans la sous-région de Grands lacs africains ont une grande importance dans la mémoire collective de populations pour qui la terre est le seul moyen de production et la seule richesse ; de même qu'elle est source de vie. Il n'existe aucune autre catégorie de la population qui comprend ces vérités avec les mêmes sentiments. Il y a aussi une autre vérité que nos populations ont intégrée dans leur conception de la terre et que l'on retrouve au niveau des Etats-Nations au lendemain des guerres mondiales. Il s'agit de cette relation existentielle entre l'homme ou un groupe d'hommes avec la terre, le sol. L'homme confirme son existence et son identité par rapport au sol qu'il occupe depuis toujours, au sol qui le nourrit et le fait respirer. Dans les sociétés traditionnelles africaines la famille, le lignage et le clan n'existent socialement que par rapport à la terre dont ils sont propriétaires ou non. C'est pour ainsi dire la raison pour laquelle, dans un espace géographique donné, tout le monde est propriétaire d'un morceau de terre, à l'exception des étrangers. On comprend dès lors pourquoi, en Afrique, on est prêt à mourir pour la sauvegarde de son droit foncier et territorial. 349 ABEMBA FATUMA, N., « Guerre au centre-Est de la RD Congo : de l'immigration corrosive à l'immigration érosive. Esquisse d'une théorie ou d'une culture de résistance populaire », in Analyses Sociales, Laboratoire d'Analyses Sociales de Kinshasa, Numéro spécial Juin 2021, pp. 287 À 294. 141 La légitimité de celui-ci est confirmée par la mondialisation, au niveau des nations, en Occident et partout ailleurs. Les deux dernières guerres mondiales n'avaient d'autre objectif stratégique que la conservation et même l'extension de l'espace territorial. Aujourd'hui, ne peuvent être reconnus comme membres de l'Organisation des Nations Unies que les propriétaires d'un espace territorial déterminé, connu et reconnu. À cette question la thèse de Nadine Abemba350 est que les guerres de l'Est de la RDC ont été inspirées par la nécessité de la résistance pour conserver les terres face à la menace d'occupation étrangère. Cela résulte du fait qu'il ne s'agit pas seulement d'une lecture des faits matériels qui disent leurs vérités par leur seule matérialité objective. Celle-ci a eu le temps d'être prise en charge par la conscience collective et individuelle ainsi que par un discours tout aussi collectif qu'individuel invitant à la résistance contre l'envahisseur étranger. Devant cette réalité, l'Etat congolais a l'obligation de mettre en place des mécanismes pouvant faire régner la paix. Face aux communautés locales, encourager les uns et les autres à se supporter mutuellement et à la communauté internationale à agir en conséquence en fonction des enjeux et défis présents. 3.2. Enjeux Economiques L'Est de la République Démocratique du Congo, particulièrement le territoire de Kalehe, est très riche en minerais et autres richesses décrits ci-dessus. Ces ressources, d'après certains auteurs, sont à la base des conflits armés où chaque acteur, national ou international, cherche à tirer profit. De l'autre côté, nous avons l'Etat congolais, le propriétaire naturel, parce que le sol et le sous-sol lui appartiennent, cherche à protéger ses ressources tant sollicitées et enviées par tous. Par exemple, pour leur survie les groupes armés contrôlent un certain nombre de ressources locales qui leur permettent de financer leurs activités, voir s'enrichir matériellement. Et ces ressources locales font parfois l'objet de discussion entre eux. En effet, le contrôle de ressources économiques locales du territoire de Kalehe est, en effet, l'objet d'une compétition permanente entre communautés, groupes armés et certaines forces invisibles qui agissent quotidiennement pour avoir de l'influence sur cette partie du territoire national. D'ailleurs, ces ressources déterminent largement la localisation des positions 350 ABEMBA FATUMA, N., Op.cit., pp. 287 À 294. 142 occupées par les différents groupes armés et les zones de tensions. Il arrive également que certains groupes armés contrôlent certains marchés et s'arrangent entre eux sur les modalités de perception et de partage de recettes provenant des taxes imposées sur les transactions commerciales et sur l'accès au marché. Tout cela, au détriment de la population locale qui, jusqu'aujourd'hui, demeure dans une extrême pauvreté. Devant cette réalité qui laisse les populations dans la confusion totale et boycotte l'avenir du pays, l'Etat congolais a l'obligation de faire régner la paix par tous les moyens à sa disposition. Car, il n'y a pas de développement sans paix, affirme-t-on. Il doit également rassurer toutes les communautés, minoritaires et majoritaires, afin d'éviter toute sorte de tensions entre elles. Pour y parvenir, la justice sociale doit être de mise partout. 3.3. Stratégiques (sécuritaires) Comme nous venons de le démonter, l'insécurité est l'ennemie du développement. L'Etat congolais a alors l'obligation de tout faire pour imposer la paix afin de parvenir au développement attendu par tous. En effet, les enjeux du maintien de la sécurité et de la protection des populations constituent, tel que décrit dans la constitution, une préoccupation centrale de l'Etat. Cependant, l'Est de la RDC en général, le Territoire de Kalehe, en particulier, étant une zone au monopole éclaté, les groupes armés, pour légitimer leur action, tienne également les mêmes discours et autour desquels les différentes forces en présence peuvent, soit collaborer, soit s'opposer. Par exemple, les groupes armés entendent, en effet, protéger leurs populations contre différentes menaces extérieures, mais proches, que constituent le M23, les FDLR, les autres groupes armés communautaires, l'indiscipline de certains éléments FARDC ou simplement le banditisme. D'une manière générale, lorsqu'un incident sécuritaire se produit dans la zone, tel qu'un pillage, par exemple, un assassinat ou un viol, les forces en présence doivent se montrer face aux populations, du moins concernées, et tenter (éventuellement de manière remarquable) d'en réprimer les autres351. À partir de ce principe, plusieurs logiques peuvent se mettre en branle à l'intérieur même d'un groupe armé comme entre les différents groupes armés 351 ABEMBA FATUMA, N., Op.cit., pp. 287 À 294. 143 concernés par un incident sécuritaire. Ainsi, par exemple, au début 2008, lorsque des FDLR incontrôlés semèrent la panique parmi les populations de Musenyi en se rendant coupables de pillages, le commandant du Groupe FARDC insista directement auprès du major Guillaume (FDLR) pour que ce dernier rétablisse la discipline parmi ses hommes. Une opération FDLR, à laquelle un officier FARDC prit part en tant qu'observateur, fut alors lancée par Guillaume au mois de mars 2008, ce qui permit de démanteler le groupe d'incontrôlés et rétablir la sécurité à Musenyi352. Au demeurant, la guerre à l'Est de la RDC est une face à deux réalités. D'un côté, elle est l'expression de l'envahissement des forces étrangères et de l'autre, l'expression de la résistance populaire. L'enjeu des envahisseurs est l'obtention de la balkanisation tout en pillant les ressources locales. Et, pour y parvenir, ils appliquent la politique du chao généralisé. C'est-à-dire, créer plusieurs zones de tensions afin de déplacer les populations locales qui souffrent et périssent dans ces conflits armés. Face à cette réalité, l'Etat doit mettre en place des stratégies militaires et idéologiques pour défendre son territoire national menacé depuis 1994. Il y a aussi la résistance populaire qui commence avec la révolte de Batetela de 1892-1900, le mouvement Watch Tower (KITAWALA) de 1961, le Phénomène Mulele-Maï de 1963-1964 et, enfin, les Maï-Maï des années 19962000. Tous ces mouvements ont constitué de véritables boucliers de résistance contre les menaces venant de l'extérieur. La présence durant un demi-siècle des arabo-swahili à l'Est du pays, les deux révoltes des Batetela des années 1890, de même que l'ouverture du territoire congolais au Watch Tower ainsi que la naissance de l'église Kimbanguiste, tout cela a construit l'héritage de la résistance des communautés autochtones de l'Est de la RDC353. C'est cet héritage de résistance qui a rendu effective l'intervention des Maï-Maï avant l'Accord global et inclusif de Pretoria, une des ressources pour barrer la route à l'envahisseur et pour préserver les terres ancestrales. L'Etat congolais, au-lieu de faire la guerre à ces résistants volontaires doit plutôt les encadrer et les intégrer pour résister à la guerre d'agression. 352 Le Rapport final du Groupe d'experts du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 12 décembre 2008 (S/2008/773) relève plusieurs cas de livraisons d'armes et de munitions par des officiers FARDC au groupe PARECO (pp. 32-34). 353 ABEMBA FATUMA, N., Op.cit., pp. 287 À 294. 144 3.4. Cohabitation entre groupes et forces armés, autorités et populations Le maintien fragile des équilibres sécuritaires du milieu, les dynamiques qui lient les différents groupes et différentes forces armés entre eux ainsi qu'aux autorités locales et aux populations, se déploient autour de trois types d'enjeux spécifiques, à savoir les enjeux sécuritaires, les enjeux économiques et les enjeux politiques. Ces enjeux se situent au coeur de l'exercice du pouvoir qui se voit de facto partagé de manière toujours provisoire, fragile et précaire par cette pluralité d'acteurs et de forces en présence. La détention d'armes et le recours à la violence ayant depuis longtemps acquis un rôle prépondérant dans ces équilibres, illustrent la manière dont la violence peut surgir lorsque les relations entre groupes armés en viennent à se tendre et à se rompre autour de la gestion de ces enjeux dans le territoire de Kalehe. 354 PAUL N'DA, Méthodologie de la Recherche de la problématique à la discussion des résultats. Comment réaliser un mémoire, une thèse d'un bout à l'autre, EDUCI, Abidjan, 2006, p. 100. 145 Chapitre IV POUR LA PAIX ET LE DEVELOPPEMENT DURABLE A KALEHE Comme l'indique son intitulé, ce chapitre met en lumière quelques actions pouvant concourir à l'instauration de la paix dans le territoire de Kalehe, car elles sont susceptibles de résoudre les causes racines à l'origine des conflits et leurs conséquences alors que ceux-là (conflits) sont en grande partie à la base de l'insécurité et même du sous-développement qui caractérise ce pays. C'est dire que ce chapitre propose des mécanismes susceptibles de contribuer à l'éradication des facteurs qui entraînent l'insécurité et l'absence de la paix dans ce coin du Sud-Kivu. Puisque la paix est avant tout un gage de développement. Le fait est que sans la paix, c'est difficile pour la population de vaquer à ses occupations et conjuguer des efforts pour impulser des mutations positives dans ce territoire. En plus, l'absence de la paix ne facilite pas la croissance de la production et les échanges alors que la croissance est une étape essentielle du développement. SECTION 1. PRESENTATION DES DONNEES DE L'ENQUETE §.1. Description du milieu, de la population et de l'échantillon 1.1. Milieu Les recherches qui se font en dehors du laboratoire prennent le nom d'études en milieu naturel ou sur le terrain. Le chercheur doit alors préciser les caractéristiques du milieu où l'étude sera conduite354. Ça permet aux lecteurs d'avoir une idée du milieu sur lequel l'auteur a fait ses investigations, parce que chaque milieu à ses éléments particuliers qui peuvent d'une manière ou d'une autre influencés les résultats de l'enquête. En ce qui concerne notre milieu d'étude, nous l'avons déjà précisé ci-dessus. A titre de rappel, le territoire de Kalehe. A ce qui concerne ses caractéristiques, nous les avons largement détaillées supra. 146 1.2. Population C'est une collection d'individus (humain ou non), c'est-à-dire un ensemble d'unités élémentaires (une personne, un groupe, une ville, un pays) qui partagent des caractéristiques communes précises par un ensemble de critères. Les critères peuvent concerner par exemple l'étendue, l'âge, le sexe, la scolarité, le revenu, etc.355 La population dans l'analyse statistique c'est le groupe d'individus dont l'étude est destinée afin de comprendre leurs points de vue, leur sentiment, leur perception, ... sur tel ou tel autre sujet qui intéresse le chercheur. Celle-ci peut être saisie individuellement ou en groupe, tout dépend de la technique utilisée par le chercheur hanté par la compréhension du phénomène nouveau ou de la nouvelle manifestation du phénomène. En ce qui concerne cette étude, notre population est composée des sujets ressortissants du territoire de Kalehe présents à Kinshasa et au territoire de Kalehe. 1.3. Choix de l'échantillon Nous attendons par échantillon, le groupe d'unité que nous avons choisi et qui sera étudié au cours de notre enquête. Autrement dit, il s'agit d'un nombre limité d'unités, supposé être représentatif de l'ensemble du phénomène examiné. Pour le cas d'espèce, il s'est agi pour nous de privilégier l'échantillon par quotas compte tenu de la composition de notre population à deux strates qui sont les chefferies de Buloho et Buhavu. Le choix de nos enquêtés répondait également à un certain nombre de critères vu que la majorité de la population sur terrain n'avait pas la maitrise des questions sur le développement, la paix et le conflit. Voilà pourquoi les variables ci-après étaient au rendez-vous : l'âge, le niveau d'études, la nationalité et le sexe. La méthode choisie pour établir notre échantillon était la méthode non probabiliste. En effet, la méthode non probabiliste nous amène à distinguer au départ de l'analyse entre sondage au hasard et sondage par choix raisonné. Certains auteurs comme Théodore Caplow considèrent comme faut tout échantillon qui n'est pas soumis aux lois de calcul de probabilité. 355 PAUL N'DA, Op.cit, p. 101. 147 L'échantillonnage par choix raisonné ou échantillonnage qui se fait par la méthode de quota en est l'exemple. Si cette technique d'échantillonnage par choix raisonné est souvent utilisée par le chercheur, c'est parce qu'elle induit la subjectivité du choix de l'échantillon, laquelle subjectivité interdit toute mesure d'erreur ou d'incertitude356. Ensuite, un quota au sens habituel est une quote-part, un pourcentage, une fraction d'un ensemble. C'est parce que la méthode de quota consiste précisément à choisir un échantillon qui soit la plus fidèle représentation possible de la population compte tenu du fait que la réparation de la population selon telle ou telle caractéristique est déterminée d'avance de manière suffisamment précise357. 1.4. Unité d'analyse Par unité d'analyse, nous entendons le type d'entité que l'on désire enquêter au moyen de l'enquête358. Dans cette étude, l'unité d'analyse a porté essentiellement des notables et des élites intellectuelles du territoire de Kalehe, étant donné que la majorité de la population reste, jusqu'à la preuve du contraire, incapable de répondre à nos questions. SECTION 2. PRESENTATION ET INTERPRETATION DES RESULTATS DE L'ENQUETE Dès l'entrée du jeu, nous devons souligner que, dans le souci de répondre à l'exigence de diversification des points de vue et de la fiabilité des informations étant donné que la population sous-étude fait preuve d'un grand nombre avec une composition à deux pôles (les deux chefferies qui composent le territoire de Kalehe), notre échantillon a été composé de 160 sujets, ressortissants du territoire de Kalehe. 356 KATUNDA MUNDUNDU, J., Refondation de l'Etat après MOBUTU. Implication de la communauté internationale, Thèse de Doctorat, SPA, FSSAP, UNIKIN, 2015, p. 378. 357 KATUNDA MUNDUNDU, J., Op.cit, p. 378. 358 Idem Le taux de répartition de nos enquêtés selon les tranches d'âge 18% 11% 5% 26% 39% De 40 à 40 ans De 40 à 50 ans De 50 à 60 ans De 60 à 70 ans De 70 à 80 ans De 80 à 90 ans 148 Tableau n°1 : Identification de nos enquêtés selon les tranches d'âge Item n°1 : Quel est votre âge ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. Il ressort de ce tableau les informations selon lesquelles 62 sujets équivalent 39% de 160, soit 100%, sont de la tranche d'âge de 30 à 40 ans, 42 soit 26% de nos enquêtés sont de la tranche d'âge de 40 à 50 ans, 28 soit 18% sont de la tranche d'âge de 50 à 60 ans, 18 soit 11% sont de la tranche d'âge de 60 à 70 ans, 8 équivalent 5% sont de la tranche d'âge 70 à 80 et en fin 2 soit 1% sont de la tranche d'âge de 80 à 90 ans. La figure ci-dessus donne des explications plus détaillées de ce tableau. Figure N°1 : le taux de répartition de nos enquêtés selon les tranches d'âge Il se dégage de ce tableau les informations selon lesquelles 70 de nos enquêtés, soit 43, 75 % de 160 enquêtés soit 100% de nos enquêtés, sont les 149 La population du territoire de Kalehe est à grande partie constituée des jeunes. Selon les informations recueillies, plus de septante pourcents des ressortissants du territoire de Kalehe auraient moins de trente ans. Ce qui fait que la grande partie de nos enquêtés font partie de la tranche d'âge trente à quarante ans. Cette catégorie sera suivie de celle allant de quarante à cinquante ans. Justement, parce que la plupart d'élites intellectuelles sont dans ce panier. Par contre, la tranche d'âge cinquante à soixante a un nombre aussi remarquable parce que la majorité des notables sont dans cette catégorie. Les tranches d'âge soixante à septante ans et septante à quatre-vingt ans sont constituées des notables qui maitrisent la culture et histoire du territoire de Kalehe. Cependant, les enquêtés de la dernière tranche d'âge ont été faiblement représentés dans l'échantillon (1,25 %) parce que nous éprouvions des difficultés pour les contacter. C'est parmi eux que nous entendions avoir des témoignages vivants sur l'évolution de ce territoire. Tableau N°2 : Identification de nos enquêtés selon leur sexe Item n°2 : Le sexe des enquêtés.
Source : nos enquêtes su terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023 Dans ce tableau, il se dégage des informations selon lesquelles 8 soit 5% de 160 soit 100% de nos enquêtés appartiennent au genre féminin. Et, 152 soit 95% de nos enquêtés appartiennent au genre masculin. Tableau N°3 : Identification des enquêtés selon leur chefferie respective Item n°3 : Quelle est votre chefferie ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. 150 ressortissants de la chefferie de Buloho et 90 sujets soit 56, 25 % de nos enquêtés sont les ressortissants de la chefferie de Bahavu. Pourquoi ce déséquilibre du nombre, c'est parce que la chefferie qui est située le long du lac Kivu, est la plus peuplé de Kalehe. Tableau N°4 : Identification de nos enquêtés par rapport à leur niveau d'études Item n°4: Quel est votre niveau d'études ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. Comme nous pouvons lire dans ce tableau, 16 de nos enquêtés, soit 10% de 160 qui est le nombre total de nos enquêtés, sont diplômés d'Etat, 34 équivalent de 21, 25 % sont gradués, 100 soit 62, 5 % ont une licence, 5 soit 3, 125 % sont doctorant et, enfin, 5 équivalent toujours de 3, 125 ont une thèse de doctorat. La figure ci-dessous donne une explication plus détaillée de ce tableau. 151 Figure N°2 : Identification des enquêtés selon les niveaux d'études 120 100 40 80 60 20 0 Diplômés d'Etat Gradués Licenciés Doctorants Docteurs en Thèse Fréquence Pourcentage La grande partie de notre échantillon est constituée des jeunes qui sont des Licenciés. Le mobile explicatif de ce déséquilibre est que la majorité des intellectuelles du territoire de Kalehe sont des licenciés. Suivis de gradués qui sont aussi nombreux et qui nous ont été utiles pendant la production des données, parmi lesquels certains notables du territoire de Kalehe. Il y a également des diplômés d'Etat qui, au-delà des études faites et formations réalisées, ont une expérience de gestion communautaire, et sont des véritables témoins de différents événements qui caractérisent l'histoire de cette entité. Leurs témoignages nous ont permis à comprendre les différents phénomènes pris en charge par cette étude. A part ces catégories d'enquêtés, nous avons eu également des doctorants et docteurs en thèse qui nous ont aidés à comprendre certaines questions liés au développement, la paix et conflit dans le territoire de Kalehe. Chacun, selon son expérience, sa vision et sa compréhension des phénomènes, nous a donnés sa version des faits. 152 §1. Niveau de connaissance des enquêtés sur le concept « développement » Notre démarche à ce niveau était de connaître le niveau de connaissance de nos enquêtés sur le concept « développement », et aussi savoir le contexte d'acquisition des connaissances sur ce concept, afin de recueillir leurs opinions sur les questions de développement, paix et conflit. Tableau N°5 : La connaissance de nos enquêtés sur le concept « développement » Item n°5 : Avez-vous de connaissance sur le concept développement ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. Ci-dessus nous avons démontré qu'il n'y a pas de développement sans l'implication de la population locale, peu importe les stratégies qu'on peut mettre en place. Et est possible d'atteindre le développement si la population est consciente de son état et de la nécessité de son développement. Voilà pourquoi nous avons voulu savoir si les ressortissants du territoire de Kalehe ont des connaissances sur le concept développement. A cette question, sur 160 enquêtés soit 100% de nos enquêtés, 156 soit 97, 5% de nos enquêtés ont des connaissances sur ce concept et 2 soit 2, 5 % de nos enquêtés n'ont pas des connaissances sur ce concept. 153 Tableau N°6 : Le contexte d'acquisition des connaissances du concept développement endogène par nos enquêtés Item n°6 : Dans quel contexte avez-vous entendu parler du développement endogène ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. Il se dégage dans ce tableau les informations selon lesquelles 150 de nos enquêtés, soit 93, 75 % de 160 soit 100 %, ont acquis la notion de développement à l'école, suivis 5, soit 3, 125 %, qui l'ont acquis lors des ateliers de formation, 2 de nos enquêtés, soit 1, 25 % à l'église et enfin 3 équivalents de 1, 875 % l'ont acquis à travers la presse. La figure ci-dessous donne une explication plus détaillée de ce tableau. 154 Figure N°3 : Le contexte d'acquisition de la notion de développement endogène par nos enquêtés 160 140 120 100 80 60 40 20 0 Ecole Atelier de Eglise formation A travers la presse Fréquence Pourcentage Fréquence Pourcentage La quasi-totalité de nos enquêtés ont acquis la connaissance du concept développement à l'école, suivis de ceux qui l'ont acquis dans des ateliers de formation et enfin à l'église et à travers la presse. Le nombre élevé de ceux qui l'ont appris à l'école se justifie par le fait que la quasi-totalité de nos enquêtés sont composés des universitaires qui manipulent au quotidien ce concept. Parmi eux, les enseignants d'université (Professeurs, chef de travaux et Assistants). Notons cependant que leur compréhension du concept développement varie. Chacun d'eux essaie de donner un contenu particulier à ce concept. 155 Tableau N°7 : La compréhension des enquêtés sur le concept développement endogène Item n°7 : Selon votre entendement, le développement endogène renvoie à quoi ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. Ce tableau nous indique que 112 personnes, équivalent de 70% de nos enquêtés, pensent que le développement nous renvoie à la valorisation maximale des ressources locales disponibles, suivis 30, soit 19%, qui pensent que ce concept nous renvoie à la transformation qualitative et quantitative de l'homme et de l'environnement. Tandis que 8, soit 5%, renvoient ce concept à la transformation qualitative de l'homme et de l'environnement, 8 autres le définissent par la transformation de l'homme et enfin 2, équivalent 1% de nos enquêtés, pensent que ce concept nous renvoie à la transformation exclusive de l'environnement. La figure ci-dessous nous donne une explication plus détaillée de ce tableau. 156 Figure N°4 : La compréhension des enquêtés sur le concept développement. 120 100 40 80 60 20 0 Fréquence Pourcentage La majorité des enquêtés ont des connaissances sur le concept développement, cependant à des degrés différents. Car, dans toutes les réponses données ci-dessus, on trouve un ou des aspects de développement. Néanmoins, en examinant ce dernier dans la conception de Joseph K-Zerbo, la réponse qui a une grande fréquence est la plus complète. Parce que, d'après l'auteur précité, le développement renvoie d'abord à la valorisation des ressources locales en mettant l'homme et la culture au centre de toute transformation. Et, ce développement est possible si l'homme, celui qui est censé se développer, participe politiquement et socialement à son propre développement. 157 Tableau N°8 : La possibilité de parler de développement dans le territoire de Kalehe Item 7 : Pensez-vous qu'il est possible, au stade actuel, de parler de développement dans le territoire de Kalehe ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. On peut lire dans ce tableau les informations selon lesquelles 133, soit 83% de 160 soit 100 de nos enquêtés, pensent qu'au stade actuel le territoire de Kalehe n'est pas développé parce que la population vit dans la misère et dans l'insécurité qui caractérise l'Est de la République Démocratique du Congo. Et 6, soit 4% de nos enquêtés, disent le contraire. Pour eux, on peut parler du développement dans le territoire de Kalehe parce qu'au stade actuel ce territoire regorge plus d'intellectuel capables de transformer le devenir de cette entité. Et en fin 21, soit 13% de nos enquêtés, étaient perplexes face à cette question. La figure ci-dessous nous donne une explication plus détaillée de ce tableau. Pensez-vous qu'il est possible, au stade actuel, de parler
du
Figure n°5 : La possibilité de parler de développement dans le territoire de Kalehe 158 La lecture de ce graphique démontre clairement que la population du territoire de Kalehe est consciente de son état de sous-développement. Ce qui est un bon départ, parce que le développement commence par la conscience de son état de sous-développement. Ladite conscience permet aux concernés de revoir leur mode de vie, afin de se fixer des nouveaux objectifs du développement. Tableau N°9 : L'aspiration de développement par la population de Kalehe Item 9 : La population de Kalehe aspire-t-elle au développement ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. La population de Kalehe, comme tous les peuples en mouvement, aspire au développement. Ledit développement doit alors jaillir des efforts et des ressources locales. En effet, la quasi-totalité de nos enquêtés, soit 89% de 160 qui est le nombre total des enquêtés, partagent ce point de vue. Et 6 de nos enquêtés, soit 4%, ont émis un point de vue contraire. D'après ces derniers, en faisant la lecture du mode vie de la population de Kalehe en particulier et de l'Est en général, nous avons l'impression que les ressortissants de cette partie du territoire nationale ne sont pas pour le développement. Ils soutiennent les mêmes personnes qui sont derrière les différents conflits armés, qui déstabilisent le pays et ne sont pas exigeants pour réclamer à l'Etat ce dont ils ont besoin pour s'épanouir. Tandis que 11, soit 7% de nos enquêtés, n'avaient pas de réponses. La figure ci-dessous donne une explication plus détaillée de ce tableau. 159 Figure N°6 : L'aspiration du développement par la population de Kalehe Fréquences Oui Non Indécis Toutes les sociétés du monde cherchent à être développées, le Territoire de Kalehe n'en fait pas l'exception. La population de cette partie du territoire nationale, à croire nos enquêtés, a besoin de voir ses conditions de vie s'améliorer, cependant il se pose une question de comment y parvenir. A cette question, nous passons que la paix est une condition sine qua none pour le développement d'un pays. Ceci passe généralement par la pacification qui implique l'éradication des causes à la base des conflits et l'insécurité qui en découle. Mais comme il existe un dicton selon lequel : « Ce qui se fait sans nous c'est contre nous », il est impossible d'envisager une pacification sans avoir pensé à faire intervenir les acteurs impliqués et ceux concernés par le conflit. Voilà pourquoi il est d'une impérieuse nécessité d'identifier au préalable les acteurs du conflit. Sur ce (...), l'analyse des parties prenantes sert à cerner la complexité des conflits (...), les intérêts des parties prenantes et leurs objectifs et les relations d'interdépendance, souvent difficiles, qui existent entre elles. Il est question (...) d'analyser et de décrire les parties prenantes (acteurs principaux) en fonction de leurs caractéristiques, de leurs relations d'interdépendance et de leurs intérêts dans chaque conflit (...). Par exemple, évoquant le cas du Sahel, Mireille Affa démontre que (...) l'implication des tableau. 160 femmes dans les initiatives de paix et de prévention des conflits dans le Sahel est une condition essentielle de stabilité et de développement dans la région. Ensuite, proposer un schéma de résolution des conflits pour instaurer la paix. A ce stade nous pensons que la paix est la première condition pour parler développement''. En parlant du processus de pacification, voici les acteurs qui peuvent être impliqués : les acteurs impliqués dans le conflit et les acteurs venus pour aider à la résolution de conflit. Tableau N°10 : Les atouts ou opportunités du développement dans le territoire de Kalehe Item 10 : Quels sont les atouts ou les opportunités de développement dans le territoire de Kalehe ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. De ce tableau, il se dégage les informations selon lesquelles 63% de nos enquêtés pensent que le territoire de Kalehe a besoin seulement de son environnement physique et écologique pour se développer ; 11% pensent qu'avec ses ressources humaines et son poids démographique, le territoire de Kalehe peut se développer ; 17% pensent plutôt qu'avec la culture et l'éducation, le développement du territoire de Kalehe est possible ; et afin 9% de nos enquêtés sont restés perplexes à cette question. La figure ci-dessous donne une explication plus détaillée de ce 161 Figure N° 7 : Les atouts ou opportunités du développement du territoire de Kalehe Quels sont les atouts ou les opportunités du développement du territoire de Kalehe ?
Res éco, écol et envir Res hum et poinds démog Potential cultur Indécis A des positions différentes, la population de Kalehe a conscience des richesses qui composent son milieu et qui caractérisent sa société. Cependant, comme nous l'avions précisé ci-dessus, la conscience, même si c'est le début même du développement, ne suffit pas pour atteindre le développement. Il faudrait ajouter à cette conscience la volonté et l'action. La population de Kalehe doit s'impliquer courageusement à son développement, si elle a besoin de voir ses conditions de vie s'améliorer. Pour y parvenir, elle aura besoin d'instaurer une culture de la paix. Et la société civile peut également jouer un rôle dans le processus de la paix. Par exemple, en servant de passerelles entre l'État et ses citoyens, les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle important dans l'autonomisation des femmes et des jeunes et la promotion d'un message de paix. Et au Niger, les organisations de la société civile ont développé des stratégies de suivi de l'adoption et de la mise en oeuvre des budgets par les collectivités locales. Tous les ans, une session budgétaire citoyenne est organisée afin de permettre l'analyse de la mise en oeuvre du budget de l'année précédente et de demander au gouvernement d'expliquer les écarts constatés, de définir les projections budgétaires et de faire des recommandations au ministère du Budget. S'agissant de la RDC, par exemple, pour conjurer le démon de violence due à l'action d'Etoko dans l'ancienne province de l'Equateur en RDC, l'ONG Search for Common Ground avait initié des cérémonies traditionnelles à - Promouvoir la stabilité économique et la création d'emplois ; 162 Bokonzi, à Munzaya et à Enyele en 2011 pour établir le dialogue entre ces deux groupes ethniques en conflit . Pour ce faire, elle avait installé des comités locaux de réconciliation dans les villages ci-dessus. Sa démarche combinait les pratiques traditionnelles et les techniques modernes de transformations des conflits. Les autorités politiques, les leaders de la société civile et les notables qui instrumentalisent les deux groupes ethniques à partir de Gemena et de Kinshasa ont été sensibilisés et impliqués dans le processus de paix. Toutefois, et de manière synthétique, la société civile locale est appelée à jouer quelques rôles spécifiques ci-après : - La protection des citoyens contre la marginalisation de toutes les parties ; - Le suivi des violations des droits de l'homme et de la mise en oeuvre des accords de paix, entre autres ; - Le plaidoyer en faveur de la paix et des droits de l'homme ; - La socialisation aux valeurs de paix et de démocratie ainsi que le développement des identités des groupes marginalisés ; - La cohésion sociale intergroupe instaurée en rassemblant des membres de groupes opposés ; - La facilitation du dialogue aux niveaux local et national entre plusieurs parties prenantes ; - La prestation de services en aidant l'État à fournir de la nourriture, des soins de santé et du travail facilement accessible aux personnes vulnérables dans les sociétés sortant d'un conflit. Les rôles de l'acteur local dans l'intégralité du processus de pacification incluent : - Améliorer la sécurité ; - Encourager le secteur privé à exploiter, élargir et se réapproprier les marchés domestiques ; 163 - Encourager les processus de consolidation de la paix à travers la justice, le dialogue et la réconciliation ; - Générer un dividende de paix pour la population locale ; - Maintenir la fourniture d'équipements sociaux ; - Bâtir et entretenir des relations avec d'autres acteurs. La société civile internationale peut aussi jouer d'autres rôles. A titre illustratif, nombre d'OING se sont spécialisées dans des domaines spécifiques et sont essentiellement conviées pour jouer les rôles spécifiques, à savoir : secourir, faire le plaidoyer et développer, rôles dont les activités se concentrent lors de la phase de stabilisation du conflit. Elles contribuent en général au redressement et à la réhabilitation des sociétés post-conflit. C'est dire que le secteur privé international joue aussi un rôle important en investissant dans différents secteurs des économies des sociétés post-conflit ; ce qui génère des recettes pour l'État, créée des emplois et stimule l'activité et la croissance économiques. Pour ce faire, ce secteur est appelé à s'abstenir d'agir sur la politique locale du pays concerné. Le fait est que lorsque le secteur privé international essaye d'influencer la politique locale à son avantage, ou lorsque ses activités sont perçues comme avantageant l'une ou l'autre des parties au conflit, cela peut impacter négativement sur les efforts de pacification entamés. C'est dire que le secteur privé est donc un partenaire important de la consolidation de la paix et sa participation précoce peut contribuer à améliorer les facteurs économiques susceptibles d'engendrer des dividendes de paix pour les populations locales . Il s'agit, par exemple, des donateurs, une autre catégorie importante d'acteurs externes qui joue parfois des rôles non négligeables. Nous pensons ici aux organismes comme :l'Union européenne (UE), l'Agence de coopération internationale du Japon, l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), le Département du Royaume-Uni pour le développement international (DFID), le Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) allemand, l'Agence norvégienne pour le développement international (NORAD), l'Agence suédoise de coopération internationale pour le développement (SIDA), l'Agence canadienne pour le développement international CIDA), et l'organisme irlandais GOAL. 164 Généralement, ces partenaires ont une présence dans le pays mais ne manquent pas les programmes eux-mêmes. Ils mettent plutôt des ressources à la disposition du système de l'ONU et des ONG qui travaillent sur le terrain. Nombre d'organismes de l'ONU sous-traitent aussi le travail à des ONG en ce sens que la plupart d'activités programmatiques sur le terrain sont menées par des ONG. De ce qui précède, nous ne pouvons pas aussi ignorer les rôles de nouveaux acteurs émergents. Il s'agit, par exemple, de la nouvelle Banque de développement des BRICS. Car ces acteurs disposent des approches, des mobiles et des méthodologies différentes et ne tiennent pas souvent compte des conseils du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Ils s'intéressent plus aux partenariats pour le développement des infrastructures et l'échange d'expertise technique. Ils ont une théorie du changement à long terme qui soutient que la stabilité et le développement contribueront à instaurer une paix durable dans le temps. Tableau N°11 : Participation de la population de Kalehe dans l'exploitation de ses atouts du développement Item 11 : Comment la population de Kalehe participe-t-elle dans l'exploitation de ses atouts du développement ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2017 au 5 Mars 2018. Dans ce tableau, il ressort les informations selon lesquelles 133 personnes, soit 83% de 160 enquêtés, pensent que la population de Kalehe s'implique à l'exploitation de ses atouts du développement en exploitant les potentiels que recèle son milieu. Et 5, soit 3% de nos enquêtés, pensent que la population de Kalehe exploite ses atouts culturels pour se développer, tandis que 165 10, soit 6% de nos enquêtés, pensent que pour son développement la population de Kalehe exploite les deux à la fois (les potentialités que recèle son milieu et les atouts culturels). Et enfin 12 sujets, soit 8% de nos enquêtés, n'ont pas donné des réponses claires. La figure ci-dessous donne une explication détaillée de ce tableau : La Figure N°8 : Implication de la population de Kalehe dans l'exploitation de ses atouts du développement. Comment la population de Kalehe s'implique-t-elle à l'exploitation de ses atouts du développement ? 8% 83% En exploitant les potentiaités que recèle son milieu En exploitant ses atouts culturels Les deux à la fois Indécis Le développement, au-delà du fait que c'est un phénomène provoqué par l'homme, est d'abord naturel et normal. Toutes les sociétés du monde connaissent les effets du développement avec le temps. Seulement, c'est le degré de développement qui diffère selon que l'on participe ou pas à celui-ci. Dans cette optique que nous avons voulu savoir, à travers nos enquêtés, comment la population de Kalehe participe-t-elle à son développement endogène. Ces derniers, en quasi-totalité, pensent que la population de Kalehe participe à son développement en exploitant les potentialités que recèle son milieu. La minorité, quand elle, pense que celui-ci s'implique à son développement en exploitant ses atouts culturels et ses potentialités environnementales. 166 Tableau N°12 : Les entraves à la participation de la population locale de Kalehe dans la quête de son développement Item n°12 : Quels sont facteurs qui entravent la participation de population locale de Kalehe dans la quête de son développement ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. D'entrée de jeu, nous devons souligner que les différents facteurs repris dans le tableau ne s'excluent pas. Cependant, chacun d'eux garde une particularité. En effet, dans ce tableau, nous pouvons lire les informations selon lesquelles 5 personnes, soit 3,125% de 160 soit 100% de nos enquêtés, confirment que l'attentisme, comme attitude d'attendre tout des autres, serait la raison qui ne favorise pas l'implication de la population de Kalehe dans le processus de son développement, suivis également de 5 autres personnes qui pensent que le manque d'ambition à grande échelle serait la raison qui freine la participation cette population dans le processus de son développement. Tandis que 4 de nos enquêtés, soit 2,5%, pensent le conservatisme serait la raison qui ne pousse pas la population de Kalehe à participer au processus de son développement. Il y a également 4 autres enquêtés, soit 2,5%, qui pensent que la désorganisation sociale serait le frein qui bloque la participation de la population de Kalehe dans le processus de développement, suivis de 3 enquêtés, soit 1,875 %, qui confirment par contre que la mauvaise gouvernance qui serait l'obstacle à la participation de la population de Kalehe dans le processus de développement. Ces opinions précédentes seront suivies par celle partagée par 7 de nos enquêtés, soit 4,375%, qui pensent que la mauvaise gouvernance favoriserait également la 359 REYNTIENS, F., cité par FETHERSTON, A.B., Towards a Theory of a United Nations Peacekeeping, Op.cit. p. 94. 167 non-participation de la population locale de Kalehe à son développement. Et enfin 132 enquêtés, soit 82,5%, pensent que c'est le conflit qui favorise la non-participation politique de la population de Kalehe dans le processus de son développement. La figure ci-dessous donne une explication plus clairement de ce tableau. Figure N°9 : Les entraves à la participation de la population locale de Kalehe dans le processus de développement 140 120 100 80 60 40 20 0 Fréquence Fréquence Pourcentage A des points de vue différents, la population de Kalehe est consciente des obstacles qui entravent sa participation au processus de développement. Cependant, le facteur conflit est plus élevé que d'autres. A ce sujet, nous connaissons d'ores et déjà qu'un conflit affecte toujours plusieurs types d'acteurs. C'est dans cette logique que, parlant de la guerre du 2 août 1998, Filip Reyntiens note que le Congo est devenu le champ de bataille où des acteurs militaires, des armées gouvernementales aussi bien que des groupes armés non-gouvernementaux, livrent leurs guerres extra-territorialement359. 168 Les parties prenantes à un conflit peuvent être définies comme étant les individus ou les groupes qui sont affectés par le résultat d'un conflit et ceux qui influencent ce résultat. Les parties prenantes peuvent avoir en commun une identité collective (liens de voisinage, parenté, membres de groupes d'utilisateurs des ressources) ou une caractéristique (par exemple utiliser la même ressource ou résider dans la même zone). Il s'agit des personnes et/ou les groupes qui ont un intérêt dans un fonds et dans ses ressources naturelles. De ce fait, pour les identifier, il est important d'analyser le degré d'implication de chacun. Car l'analyse des parties prenantes (...) permet de comprendre un système social en identifiant ses principaux acteurs ou parties prenantes et en évaluant leurs intérêts respectifs dans un contexte donné. De ce fait, on distingue : Les parties principales Il s'agit des protagonistes directs. Personnes opposées dans un conflit. On les appelle les parties primaires ou parties visibles, ce sont les personnes directement concernées par le conflit. Les parties prenantes directement impliquées dans un conflit sont celles dont les intérêts et les besoins sont véritablement au coeur du conflit. Elles sont impliquées directement si leurs intérêts et leurs besoins font partie de l'objet du conflit et si elles y participent activement. Chacune voit l'autre comme un ennemi dont elle veut la défaite. Les adversaires (ou parties adverses) sont aussi appelés opposants ou parties opposées, ou tout simplement parties. L'adoption d'une approche compétitive conduit à des stratégies de confrontation compétitive. Dans le cas d'espèce, il s'agit des groupes armés et des communautés ethniques. A ce sujet, et comme nous avons dit un peu plus haut, dans le souci de voir comment récupérer leurs terres perdues et d'arracher leurs droits, les accrochages se sont produits entre les autochtones et les immigrés. Dans ce territoire, les conflits (...) opposent les groupes ethniques bien connus. Il s'agit, par exemple, de : Banyarwanda (Batutsi et Bahutu) contre les Bahavu et Batembo. Nous pouvons aussi évoquer le cas de Batembo et Bahavu. C'est aussi le cas avec les Kalonge et les Bahavu autour du fait que les premiers ont eu à réclamer l'autonomie. Les parties secondaires De ce qui précède, nous pouvons aussi noter que ces acteurs peuvent être locaux ou externes. Ce qui signifie que parmi les acteurs primaires nous 169 Ce sont des acteurs mobilisés en renfort pour soutenir les parties principales. Les parties secondaires ou parties invisibles sont celles qui poussent les parties en conflit et qui souvent ont des intérêts dans le conflit . Dans le cas d'espèce, nous faisons allusion aux autres groupes ethniques qui viennent en aide aux groupes en conflit. Nous rangeons aussi dans cette catégorie les pays voisins de la RDC qui ne font qu'attiser le feu dans la partie orientale de la RDC, en général et au Sud-Kivu et à Kalehe, en particulier. Il s'agit, dans le cas d'espèce, du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi dont le renfort aux groupes rebelles n'est pas à éluder. A ce sujet, nombreux sont des ouvrages, des articles et rapports des organismes qui témoignent de l'implication de ces pays dans l'insécurité qui ravage cette partie du territoire congolais. Les parties périphériques Les tierces personnes sont celles qui sont plus ou moins neutres, non directement concernés par le conflit mais peuvent jouer un rôle pour aider les parties au conflit à le résoudre. Il s'agit ici des personnes qui ne sont pas concernées directement par les hostilités mais qui subissent les effets du conflit et ont un intérêt certain à l'accord qui sera trouvé. Il s'agit des populations environnantes du lieu où se déroulent les conflits. Nous pensons ici aux femmes et enfants de Kalehe qui sont pour la plupart de principales victimes des hostilités. A ce sujet, parlant de la situation du bassin du Nil, montre que les jeunes enfants n'échappent pas aux conflits. Ils sont recrutés par les milices qui s'aventurent même dans les camps de réfugiés pour faire de nouvelles recrues. Nombreux sont également des cas d'harcèlements sexuels, de viols. Plus de 320 000 personnes ont dû se déplacer dans le Nord-Kivu à cause des conflits. Mais aux côtés de ces acteurs figurent aussi des tireurs des ficelles. Nous pensons ici à ceux qui sont impliqués directement dans le conflit mais qui ont intérêt à ce que le conflit persiste. Il s'agit par exemple dans le cas d'un conflit armé des commerçants et de trafiquants d'armes et minutions. Ceux-ci ne peuvent oeuvrer en faveur de la paix qui risque de les appauvrir. Pour eux, la guerre est une bonne chose. Car ils font fortune grâce à la guerre. Sinon on ne saura pas expliquer comment, par exemple, le Nord-Kivu est depuis 20 ans en insécurité à cause des conflits armés mais des maisons en étages ne cessent d'être érigées. 170 pouvons trouver des locaux et des étrangers, tout comme nous pouvons aussi trouver des locaux et des étrangers parmi les parties périphériques et ainsi de suite. Tableau N°13 : Les points de vue des enquêtés sur ce que peut être l'apport de l'Etat congolais au développement du territoire de Kalehe Item n°15 : Quel peut être l'apport de l'Etat congolais dans le développement du territoire de Kalehe ?
Source : Nos enquêtes sur terrain, du 20 Novembre 2022 au 5 Mars 2023. A la lumière du tableau ci-dessus, il convient de remarquer que 72 de nos enquêtés, soit 45 % de 160 soit 100%, pensent que pour aider le territoire de Kalehe à se développer, l'Etat congolais doit former les jeunes de Kalehe. Suivis de 44 personnes, soit 28%, qui pensent que le développement de Kalehe est possible que s'il y a absence de conflit. 19 personnes, soit 12% d'entre eux, préfèrent la construction des hôpitaux, des écoles et autres édifices de développement pour développer le territoire de Kalehe. Tandis que 10, soit 6%, pensent que le vrai problème la population de Kalehe est dans son mental, et la meilleure façon de l'aider serait de le sensibiliser, et enfin 8, soit 5%, pensent qu'il faille investir dans le territoire de Kalehe pour attendre l'évolution de la population qui habite son milieu. 7 personnes, soit 4 %, n'ont pas donné des réponses claires. 171 La figure ci-dessous donne des explications détaillées de ce tableau. La figure N°10 : Les points de vue des enquêtés sur ce que peut être l'apport de l'Etat congolais pour faciliter le développement du territoire de Kalehe. Fréquence Dans les constructions des Hôp, des écoles et d'autres édifices fav. le dvt Dans la règlementation des conflits Dans la formation des jeunes de Kalehe Dans la sensibilisation de la population de Kalehe Dans l'investissement dans le milieu com. Pour développer le territoire de Kalehe, l'Etat congolais comme acteur majeur doit mener des actions positives. Parmi ces actions, il y a la sécurisation des personnes et de leurs biens, qui est d'ailleurs sa mission régalienne. Cependant, en ce qui concerne le conflit, armé ou autre, d'autres acteurs ont aussi de rôles à jouer. Dans le processus de pacification, par exemple, plusieurs acteurs interviennent pour aider à mettre fin aux conflits. Leurs rôles dépendent même du mode de résolution du conflit choisi. Dans une procédure judicaire, les acteurs ne vont pas jouer les mêmes rôles qu'ils auraient pu jouer dans un mécanisme d'arbitrage. De même, les rôles que les acteurs sont appelés à jouer dans une négociation ne sont pas forcément les mêmes que ceux qu'ils auraient pu jouer dans une procédure de réconciliation. Pour mieux cerner ces rôles, il est important de comprendre qu'il existe actuellement deux conceptions de paix : l'une positive et l'autre négative. La paix négative est entendue comme l'absence de conflits. 172 S'agissant de la paix positive, signalons qu'elle est proactive. Il est question ici de favoriser la mise en place des structures permettant la résolution de conflits et le développement positif. Reprenant la formule de Galtung, nous pouvons assimiler la paix positive au renforcement de l'organisme dans le but d'éviter que celui-ci ne tombe malade. C'est dans cette même logique que Marullo et Hlavacek360 estiment qu'il faut cesser de considérer le militarisme et la guerre comme faisant partie intégrante du patrimoine humain pour faire du monde un endroit plus sûr. La paix positive cherche à garantir le respect des besoins et droits humains fondamentaux ou encore la justice sociale afin de prévenir, éventuellement les conflits. Pour ce faire, il faut un leadership efficace. Car la gestion d'un conflit est donc bien du ressort du leadership. A ce sujet, évoquant les cas des entreprises, Christian Faivre note que les leaders efficaces se sentent responsables de la mise en place d'un environnement apportant la sécurité et le respect tout en aidant les entreprises à atteindre leurs objectifs professionnels et financiers ; ce qui est le but d'une gestion efficace du conflit. Dans cette perspective, les acteurs doivent jouer des rôles beaucoup plus importants afin de pacifier d'abord le territoire de Kalehe, ensuite instaurer la paix pour enfin assurer son développement. En effet, pour pacifier une zone ou un espace en proie aux conflits et à l'insécurité, l'action de deux types d'acteurs reste l'élément moteur sans lequel aucun effort de pacification ne saurait aboutir aux résultats escomptés. Il s'agit ici des parties prenantes au conflit. Certes, il est toujours extrêmement difficile d'établir une liste bien équilibrée et de sélectionner les parties prenantes. Mais comme nous l'avons expliqué un peu plus haut, les parties impliquées dans un conflit sont : les parties primaires, les parties secondaires et les tierces (acteurs périphériques). Chacune d'elles est appelée à jouer des rôles spécifiques. De ce qui précède, pour que les acteurs s'inscrivent au schéma de résolution des conflits au sein du groupe, il est capital d'envisager et d'adopter quelques conseils. En fait, nombre de mécanismes suggérés mettent en lumière un engagement face à la recherche d'une solution raisonnable. Cependant, le leader doit retenir que derrière des positions incompatibles se camouflent des 360 MARULLO et HLAVACEK, cité par FETHERSTON, A.B., Op.cit., p. 96. 173 intérêts compatibles qui nécessitent de gratter un peu la surface pour s'en rendre compte. Car tout acteur ou partie impliqués dans un conflit a toujours quelque chose de valable à dire et qui le conduit à prêter une oreille tout aussi attentive aux deux parties et entendre leurs précieuses idées. De ce fait, comme les désagréments engendrés par des divergences de points de vue, d'expertises, d'accès à l'information et de focalisation stratégique génèrent la plus grande partie de la valeur ajoutée de la collaboration entre différentes divisions de l'entreprise, la meilleure solution pour un leader avisé est d'embrasser le conflit et d'encourager la multiplication des différences pour permettre à l'entreprise de rester en tête . Puisque les heurts entre les différents départements sont le creuset dans lequel sont élaborées des solutions créatives et les compromis astucieux entre des objectifs concurrentiels. La situation s'aggrave généralement lorsqu'il y a peu de dialogue ou qu'il n'y en a pas du tout. De ce fait, il est nécessaire d'amorcer la discussion et le dialogue en prenant soin d'encourager la participation. Toutefois, notons que les émotions fortes rendent la situation explosive. Ainsi importe-t-il de créer un milieu où tous peuvent exprimer leurs sentiments et leurs préoccupations. Malgré cela, les parties auront tendance à s'attarder aux différences. Dans ce contexte, il faut demander aux parties : d'identifier leurs points communs ; leur rappeler ces points et faire état des progrès réalisés. Elles peuvent aussi adopter une stratégie défensive et chercher à protéger, à justifier et à expliquer leur position. A ce niveau, il faut rechercher des solutions : essayer de comprendre mais leur rappeler qu'il faut aller de l'avant. Les parties voudront immédiatement discuter de leurs besoins respectifs. Ce n'est qu'une fois la communication et la bonne volonté installées que l'on pourra aborder les besoins de chacun ou chacune. - Rôles des acteurs d'après la localisation Signalons que les acteurs peuvent être regroupés en deux grands blocs, à savoir : les acteurs internes et externes. Par rapport à cette localisation, les acteurs peuvent jouer des rôles différents, amis complémentaires. C'est dire que sans l'apport des acteurs externes, tout processus de pacification mené par les acteurs locaux a beaucoup de chances de se solder par un échec. - Rôles des acteurs internes (locaux) dans la pacification Conformément au mode de résolution choisi pour mettre fin aux conflits, les acteurs locaux doivent s'impliquer, dès le début, dans la conception 174 De manière générale, ce sont les organisations et les acteurs locaux qui subissent directement les effets des conflits qui, en réalité, sont les principaux concernés des processus de paix sur lesquels ils comptent beaucoup et cherchent à influencer. Ils ont beaucoup d'intérêts à capitaliser dans la paix que dans la récurrence des conflits et l'insécurité. D'un point de vue externe, les acteurs locaux sont ceux dont les voix détermineront si la paix est durable. C'est dans cette optique que nombre d'initiatives externes visent donc à influencer le comportement des acteurs locaux. Ce groupe est constitué d'une multitude de parties prenantes représentant chaque élément et niveau de la société. Il est question dans le cas d'espèce de : des institutions provinciales du Sud-Kivu, du gouvernement central, des institutions du territoire de Kalehe, des ethnies et communautés en conflit, des groupes armés, des organisations de la société civile locale comme des églises et associations diverses, des commerçants et immigrés rwandophones. Comme nous pouvons nous en rendre compte, cette catégorie d'acteurs n'est pas composée des acteurs formant un groupe homogène. Tous ne sont pas forcément pacificateurs. Nombreux peuvent recourir à la violence pour réaliser leurs objectifs alors que d'autres peuvent en profiter pour poser des actes criminels. D'ailleurs, même ceux qui sont favorables à la paix ne s'accorderont pas nécessairement sur la meilleure façon de l'atteindre. C'est dire que les acteurs locaux sont essentiels à la paix durable mais peuvent aussi être affaiblis, fragiles et fragmentés suite au conflit. Il est donc important qu'ils soient aidés avec sensibilité et bienveillance de manière qu'ils puissent recouvrer leur capacité de gérer leurs propres affaires. Les institutions sociales locales sont probablement affaiblies pendant le conflit et restent fragiles pendant un certain temps dans la période qui suit le conflit. De ce qui précède, soulignons qu'un processus local de pacification nécessite d'identifier les acteurs locaux qui sont prêts à le prendre en charge, même si cela comporte son lot de problèmes du fait que les locaux peuvent, au départ, se trouver dans des situations extrêmement précaires. Car en tant que riverains, ceux-ci sont voués à s'impliquer dans toutes les étapes du processus de pacification. - Clarification des problèmes : Que s'est-il donc passé, où, quand ; qui l'a fait, comment et quelles en sont les conséquences ? ; 175 des programmes en participant aux évaluations de besoins, à l'analyse du conflit, à la planification, à la coordination et au suivi. Leur participation garantira une conception de projet plus efficace et plus pertinente parce que la stratégie aura incorporé les connaissances locales et sa mise en oeuvre bénéficiera aussi de leur participation et de leur prise en charge locale. Mais l'appropriation locale est un concept et un principe fondamental dans le cadre de la consolidation de la paix, ce qui veut dire que l'orientation future d'un pays donné devrait se trouver entre les mains des citoyens de ce pays. C'est dire que les acteurs locaux, plus précisément des parties prenantes secondaires, peuvent jouer un rôle déterminant dans la gestion d'un conflit dans les domaines suivants : - Collecte et analyse d'informations en fournissant un appui technique, en obtenant des informations ou en donnant des conseils à ce sujet, en participant à la recherche de points de vue sur des solutions possibles ou en rendant plus acceptables les divers résultats ; - Plaidoyer en travaillant aux côtés des parties plus faibles pour bâtir un processus transparent ou en aidant les décideurs dans la promotion d'une plus grande équité ; - Médiation en servant d'intermédiaires entre d'autres groupes en conflit ; - Suivi et mise en application en garantissant le respect des accords en aidant à mettre en application ceux qui auraient été enfreints. Les parties prenantes secondaires peuvent avoir un rôle efficace sans intervenir directement dans des négociations formelles. Elles peuvent par exemple prendre part à des discussions de groupe, à des groupes consultatifs ou à des groupes de travail, à des enquêtes ou à des entretiens et à des réunions communautaires. Dans cette démarche, les parties périphériques, notamment les médiateurs, peuvent guider les parties prenantes à travers les étapes suivantes de l'analyse du conflit : 176 - Analyse des causes profondes : Décomposition d'un conflit complexe en enchaînements de causes à effets simples. Ceci permet de déterminer quelles sont les causes les plus importantes et les moins importantes et d'identifier les principaux problèmes à traiter ; - Analyse des parties prenantes : Identification des parties prenantes impliquées dans le conflit, de leur pouvoir relatif et de leurs relations mutuelles ; - Exploration et analyse des droits, responsabilités et avantages que les parties prenantes du conflit retirent des ressources en jeu et examen de leurs relations mutuelles ; - Modèle des niveaux du conflit: Identification des différences À puis des points communs À entre les parties prenantes, au niveau des positions, des intérêts et des besoins. C'est à ces tâches que les groupes rebelles opérant à Kalehe, les ethnies et communautés en conflits, les commerçants et les hommes politiques impliqués dans ces conflits, les organisations de la société civile, les institutions politiques de la province du Sud-Kivu, celles du territoire et du pouvoir central sont conviés. Car une solution holistique du problème est mieux placée que toute autre. Le souci est que les protagonistes parviennent à prendre leurs propres décisions, tout en reconnaissant que leur système local est en interaction avec celui international. Ce qui les inclut dans un système beaucoup plus vaste, avec des normes, des structures et certains types de comportements attendus, qui agit comme une contrainte et qui déterminera les paramètres dans lesquels les acteurs locaux peuvent prendre des décisions concernant leur avenir. En somme, disons que les processus facilités par une médiation qui repose sur l'engagement des parties prenantes du conflit favorisent ou renforcent : - Le consensus et la prise en charge des processus ; ce qui se traduit habituellement par un renforcement de l'efficacité À les probabilités de parvenir à des résultats positifs sont plus grandes ; - L'efficacité À l'énergie, les ressources et les activités investies dans le processus ont plus de probabilités de déboucher sur des résultats positifs si les connaissances et les aptitudes des parties prenantes sont mises à contribution ; Pour ce faire, elle avait installé des comités locaux de réconciliation dans les villages ci-dessus. Sa démarche combinait les pratiques traditionnelles 177 - L'équité, dans la mesure où tous les besoins et tous les intérêts des parties prenantes sont pris en compte ; - La transparence et la responsabilité, dans la mesure où les parties prenantes du conflit ont un pouvoir de décision sur leur vie présente et future ; - La durabilité et l'impact À un accord a plus de chances d'être respecté s'il a été élaboré par des personnes directement concernées. - Rôles des acteurs externes dans la pacification Les acteurs externes sont nombreux comme nous l'avons signalé un peu plus haut. Leurs rôles dans la pacification ne sont pas à négliger. Car l'art de la consolidation de la paix réside dans la poursuite du bon équilibre entre le soutien international et les solutions locales et adaptées au contexte à travers l'appropriation locale. Dans certains cas une stratégie spécifique de pacification ou un cadre prémédité sera élaborée et parfois facilitée par la participation de ceux-là. - Rôles spécifiques de la société civile dans le processus de pacification La société civile peut jouer de nombreux rôles dans la consolidation de la paix. Par exemple, en servant de passerelles entre l'État et ses citoyens, les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle important dans l'autonomisation des femmes et des jeunes et la promotion d'un message de paix (...) .Et au Niger, les organisations de la société civile ont développé des stratégies de suivi de l'adoption et de la mise en oeuvre des budgets par les collectivités locales. Tous les ans, une session budgétaire citoyenne est organisée afin de permettre l'analyse de la mise en oeuvre du budget de l'année précédente et de demander au gouvernement d'expliquer les écarts constatés, de définir les projections budgétaires et de faire des recommandations au ministère du Budget. S'agissant de la RDC, par exemple, pour conjurer le démon de violence due à l'action d'Etoko dans l'ancienne province de l'Equateur en RDC, l'ONG Search for Common Ground avait initié des cérémonies traditionnelles à Bokonzi, à Munzaya et à Enyele en 2011 pour établir le dialogue entre ces deux groupes ethniques en conflit . 178 et les techniques modernes de transformations des conflits. Les autorités politiques, les leaders de la société civile et les notables qui instrumentalisent les deux groupes ethniques à partir de Gemena et de Kinshasa ont été sensibilisés et impliqués dans le processus de paix. Toutefois, et de manière synthétique, la société civile locale est appelée à jouer quelques rôles spécifiques ci-après : - La protection des citoyens contre la marginalisation de toutes les parties ; - Le suivi des violations des droits de l'homme et de la mise en oeuvre des accords de paix, entre autres ; - Le plaidoyer en faveur de la paix et des droits de l'homme ; - La socialisation aux valeurs de paix et de démocratie ainsi que le développement des identités des groupes marginalisés ; - La cohésion sociale intergroupe instaurée en rassemblant des membres de groupes opposés ; - La facilitation du dialogue aux niveaux local et national entre plusieurs parties prenantes ; - La prestation de services en aidant l'État à fournir de la nourriture, des soins de santé et du travail facilement accessible aux personnes vulnérables dans les sociétés sortant d'un conflit. Les rôles de l'acteur local dans l'intégralité du processus de pacification incluent : - Améliorer la sécurité ; - Encourager le secteur privé à exploiter, élargir et se réapproprier les marchés domestiques ; - Promouvoir la stabilité économique et la création d'emplois ; - Encourager les processus de consolidation de la paix à travers la justice, le dialogue et la réconciliation ; - Générer un dividende de paix pour la population locale ; - Maintenir la fourniture d'équipements sociaux ; - Bâtir et entretenir des relations avec d'autres acteurs. 179 La société civile internationale peut aussi jouer d'autres rôles. A titre illustratif, nombre d'OING se sont spécialisées dans des domaines spécifiques et sont essentiellement conviées pour jouer les rôles spécifiques, à savoir : secourir, faire le plaidoyer et développer, rôles dont les activités se concentrent lors de la phase de stabilisation du conflit. Elles contribuent en général au redressement et à la réhabilitation des sociétés post-conflit. C'est dire que le secteur privé international joue aussi un rôle important en investissant dans différents secteurs des économies des sociétés post-conflit ; ce qui génère des recettes pour l'État, créée des emplois et stimule l'activité et la croissance économiques. Pour ce faire, ce secteur est appelé à s'abstenir d'agir sur la politique locale du pays concerné. Le fait est que lorsque le secteur privé international essaye d'influencer la politique locale à son avantage, ou lorsque ses activités sont perçues comme avantageant l'une ou l'autre des parties au conflit, cela peut impacter négativement sur les efforts de pacification entamés. C'est dire que le secteur privé est donc un partenaire important de la consolidation de la paix et sa participation précoce peut contribuer à améliorer les facteurs économiques susceptibles d'engendrer des dividendes de paix pour les populations locales . Il s'agit, par exemple, des donateurs, une autre catégorie importante d'acteurs externes qui joue parfois des rôles non négligeables. Nous pensons ici aux organismes comme :l'Union européenne (UE), l'Agence de coopération internationale du Japon, l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), le Département du Royaume-Uni pour le développement international (DFID), le Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) allemand, l'Agence norvégienne pour le développement international (NORAD), l'Agence suédoise de coopération internationale pour le développement (SIDA), l'Agence canadienne pour le développement international CIDA), et l'organisme irlandais GOAL. Généralement, ces partenaires ont une présence dans le pays mais ne manquent pas les programmes eux-mêmes. Ils mettent plutôt des ressources à la disposition du système de l'ONU et des ONG qui travaillent sur le terrain. Nombre d'organismes de l'ONU sous-traitent aussi le travail à des ONG en ce sens que la plupart d'activités programmatiques sur le terrain sont menées par des ONG. 180 De ce qui précède, nous ne pouvons pas aussi ignorer les rôles de nouveaux acteurs émergents. Il s'agit, par exemple, de la nouvelle Banque de développement des BRICS. Car ces acteurs disposent des approches, des mobiles et des méthodologies différentes et ne tiennent pas souvent compte des conseils du Comité d'aide au développement (CAD) de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Ils s'intéressent plus aux partenariats pour le développement des infrastructures et l'échange d'expertise technique. Ils ont une théorie du changement à long terme qui soutient que la stabilité et le développement contribueront à instaurer une paix durable dans le temps. - Rôles de la femme dans le processus de pacification Les rôles dévolus à chaque sexe au sein d'une société ont une incidence sur l'équité, la richesse, le pouvoir et le bien-être. Les rôles et les relations des hommes et des femmes sont dynamiques et changeants. Les changements peuvent survenir brusquement à l'issue de guerres, de famines et de catastrophes naturelles, ou progressivement au fil du temps. Cependant, un changement peut être perçu comme une opportunité ou comme une menace, aussi bien par les hommes que par les femmes, et être une source de conflit. Des conflits peuvent aussi découler des mesures imposées par des hommes et des femmes pour rétablir un équilibre dans des rôles et des processus qui ont une incidence sur les conditions de vie des femmes. Dans le cadre des conflits fonciers, par exemple, en tant que groupe de parties prenantes, les femmes ont souvent de grandes difficultés à faire reconnaître leurs droits fonciers. Cela tient principalement à deux raisons: leur condition sociale et leur identité. Ainsi, (...) il est nécessaire de tenir compte des questions de genre et des problèmes qui découlent de la répartition des rôles et des responsabilités, ou encore des relations entre les hommes et les femmes. Disons que (...) l'affaiblissement continuel des institutions publiques et l'échec de ces dernières à restaurer une certaine cohésion sociale face à l'intensification des tensions montrent le besoin d'une participation effective des citoyens à la vie publique, en particulier les femmes et les jeunes, pour une paix, une sécurité et un développement durables aux niveaux local, national et régional. 181 Section 3. ACTION COLLECTIVE DES ACTEURS POUR LA SECURITE, LA PAIX ET LE DEVELOPPEMENT DE KALEHE Nous avons déjà identifié les causes de l'absence la paix dans le territoire de Kalehe. Nous avons également épinglé les rôles des acteurs dans le processus de pacification tout en effleurant quelques idées forces sur ce processus. A présent, nous voulons démontrer l'importance de la paix si l'on envisage le développement de ce territoire. 3.1. Actions préconisées pour la paix et le développement de Kalehe De manière générale, il existe plusieurs voies de sortie d'un conflit, c'est-à-dire qu'il existe nombre de mécanismes pouvant aider à résoudre les conflits que nous regroupons en deux catégories. Dans la première catégorie nous avons les mécanismes dits non consensuels/informels. Il s'agit ici de : l'adjudication et l'arbitrage. Ces deux mécanismes renvoient à l'intervention d'une tierce partie habilitée (formelle ou informelle) et chargée de prendre la décision finale361. La seconde catégorie est celle des mécanismes dits consensuels/formels de conflit. Ce sont des méthodes alternatives de gestion de conflit, notamment : l'action communautaire et consultation, la négociation, la facilitation, la conciliation et la médiation362. Contrairement aux premiers, les mécanismes de la seconde catégorie regroupent tous les processus allant dans le sens de la recherche d'un consensus. Dans le cadre de ceux-ci, ce sont les parties, elles-mêmes, qui décident ensemble comment gérer ou trouver une solution à leur conflit. S'agissant de la situation de l'Est de la RDC, en général, et du territoire de Kalehe en particulier, les actions menées de 2000 jusqu'à nos jours sont légion. Sur le plan interne, on peut, à ce sujet, citer : - Le dialogue intercommunautaire ; 361 HERRERA, A. et GUGLIELMA DA PASSANO, M., Op.cit., pp. 80-84. 362Idem, p. 87. Certes, la paix ne signifie pas absence de conflits ; mais il faut un processus qui privilégie le dialogue constructif et inclusif aboutissant à la 182 - L'activité économique pacificatrice, comme la distribution des chèvres, réconciliation à plusieurs membres de différentes ethnies pour favoriser les échanges, les dialogues et le suivi concerté ; - Les activités culturelles : théâtres, ballets, foot pour les jeunes ; - Les ateliers de réflexion sur les thèmes comme : l'éducation civique, la gestion des conflits, la démocratie et la paix, le genre et le développement, la femme et la bonne gouvernance ; - L'amendement du code de la femme, participation à l'élaboration de la loi sur les viols et violences faites à la femme ; - Les émissions à la radio ; - Les concertations synergiques avec d'autres acteurs de paix ; - Les plaidoyers auprès des autorités locales, nationales ; - La sensibilisation des chefs des bandes armées à l'Est de la RDC (Laurent N'Kunda, etc.) ; - Les actions de démobilisation. Sur le plan externe, on peut retenir : - Les concertations régionales avec les organisations du Rwanda, du Burundi au sein de la dynamique régionale de la société civile ; - Les voyages d'échanges d'expériences des acteurs et actrices de la société civile de la région ; - La sensibilisation des acteurs sur la gestion de conflits, la démocratie et la paix, la femme et la paix, la femme et la bonne gouvernance. Malgré la présence de la Monusco et malgré l'application de divers mécanismes proposés par d'autres organismes nationaux et internationaux, l'Est de la RDC, en général, et le territoire de Kalehe, en particulier, n'est pas toujours en paix. Les groupes rebelles, tout comme les communautés, continuent à vivre dans des tensions. Car toutes les solutions proposées se sont soldées par un échec cuisant. 183 résolution d'un conflit entre individus à travers un comportement de compréhension mutuelle et de complémentarité des idées363. Puisque les conflits jalonnent nos existences et nos relations364. Quand des conflits surviennent, en temps de paix, ils sont résolus sans usage de la force. Chez un individu la paix est caractérisée par des sentiments de dignité, de quiétude, sans angoisse, sans intimidation et sans mauvaises idées365. Pour ces raisons, on préfère éviter tout conflit, sans forcément réaliser qu'on pose ainsi les bases d'un refoulement qui cultive ses dynamiques destructrices. Pourtant, quand il émerge, un conflit pourrait aussi être vu comme un marqueur du besoin de porter une attention particulière là où apparaissent les premières tensions ; il serait donc un révélateur366. Et parce que ces tensions peuvent conduire à la souffrance, à la perte ou à la destruction, un conflit signale le besoin d'une intervention. Voilà pourquoi nous estimons qu'il faut mener de manière concomitante la consultation, la facilitation, la réconciliation et la négociation à Kalehe pour pouvoir trouver une issue à favorable des conflits. Toutes ces démarches doivent commencer par le changement de la perception que l'on a d'un conflit. Il est bon de le considérer comme un phénomène normal de la vie en société : celle-ci étant fondée sur la multitude et donc la diversité, elle produit des tensions, des frictions, voire des incompatibilités entre les collectifs et les individus qui la composent. Légitimer un conflit signifie l'accepter comme un phénomène normal des sociétés humaines tout en prenant conscience de son potentiel de destruction qui exige d'agir pour rechercher une transformation vers des rapports plus équitables. C'est dans ces conditions qu'un conflit détient un potentiel de transformation sociale, de changement dans le sens d'un progrès à réaliser. A partir de cette nouvelle perception, nous pouvons ainsi fonder le processus de pacification sur la doctrine et la philosophie de la Fédération pour la Paix Universelle, « FPU », en sigle. En effet, selon cette Fédération, l'ONU 363 NIYAKIRE, A. et Ali., Résolution pacifique des conflits, Guide de formation destinée aux leaders communautaires « Imboneza », Centre de Dévelloppement Familial et Communautaire (CDFC) de la Province de Gitega, 2013, p. 9. 364 GATELIER, K., et Ali., Op.cit., p. 15. 365 NIYAKIRE, A. et Ali., Op.cit., p. 9. 366 GATELIER, K. et Ali., Op.cit., p. 15. 184 qui a été instituée après la seconde guerre mondiale pour éviter que les sociétés sombrent encore une fois de plus dans des violences, comme c'était les cas en 1914-1918 et 1940-1945, a lamentablement échoué et n'est pas parvenue à atteindre le but ultime pour lequel elle a été créée. Car dans presque tous les continents, les conflits sont restés omniprésents. Les cas les plus emblématiques sont nombreux. On peut, à ce sujet, évoquer quelques cas : l'Israël et la Palestine sont loin de s'accorder sur les enjeux qui les opposent ; l'Ethiopie et l'Erythrée sont loin de vivre en harmonie ; la Russie et l'Ukraine sont plongées dans les affrontements ; la RDC et ses voisins, principalement le Rwanda, baignent dans une opposition ouverte sans précédent. A la base de cet échec de l'ONU figurent des éléments ci-après, à savoir : - L'absence de Dieu : selon la FPU, les nations ont institué l'ONU pour instaurer la paix ; elles ont mis tout à sa disposition, mais il faut remarquer qu'aucune place n'a été réservée à Dieu dans cette organisation. Il se révèle ici que l'aspect divin découle de la source spirituelle du conflit et de la guerre. En effet, dans ses recherches sur l'origine des conflits et s'interrogeant : « Pourquoi le monde est-il en conflit ? », l'UNESCO réalise que ceux-ci résultent de la séparation de nos ancêtres originels de Dieu et de l'influence négative des forces spirituelles du mal. Elle explique ceci par un portrait fait de la relation illicite d'Adam et Eve ainsi que de l'esprit de meurtre et de violence qui animait Caïn contre son frère Abel. - L'imperfection des hommes : Pour l'UNESCO, cette imperfection n'est ne découle de rien d'autre que de l'égoïsme avec ses corollaires que sont la convoitise, l'exploitation, l'arrogance, la vengeance, le préjudice et l'avarie qui animent l'esprit humain ; tout ceci parce que l'homme ne veut vivre que pour soi-même. C'est dans cette convergence que l'Acte Constitutif de l'UNESCO souligne dans son préambule que « les guerres prenant naissance dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix. 185 ont trop souvent dégénéré en guerres ».367 Elle poursuit par l'affirmation que la grande et terrible guerre qui vient de finir a été rendue possible par le reniement de l'idéal démocratique de dignité, d'égalité et de respect de la personne humaine et par la volonté de lui substituer, en exploitant l'ignorance et le préjugé, le dogme de l'inégalité des races et des hommes. Cela étant, elle soutient que la dignité de l'homme exigeant la diffusion de la culture et l'éducation de tous en vue de la justice, de la liberté et de la paix, il y a là, pour toutes les nations, des devoirs sacrés à remplir dans un esprit de mutuelle assistance. Elle conclue, pour ce faire, qu'une paix fondée sur les seuls accords économiques et politiques des Gouvernements ne saurait entraîner l'adhésion unanime, durable et sincère des peuples et que, par conséquent, cette paix doit être établie sur le fondement de la solidarité intellectuelle et morale de l'humanité. Par ailleurs, certains libres penseurs estiment que la paix est comprise avant tout par les différentes lettres qui composent ce mot « paix ». La lettre « P » signifie pain, c'est-à-dire à manger selon la culture de chaque peuple. La lettre « A » renvoie à l'amour, c'est-à-dire un plaisir d'adoration pour tous les autres hommes qui t'entourent. La lettre « I » égale à l'injustice. Et la lettre « X » fait référence à la xénophobie. Eu égard à ce qui précède, la FPU met en lumière une philosophie et une doctrine qui se fondent sur cinq principes fondamentaux tels qu'expliqués ci-dessous. Il s'agit de : - La dualité ; - Le donner et le recevoir ; - Le but d'ensemble et les buts individuels ; - La croissance dans les trois stades successifs ; - La liberté à travers la responsabilité. 367 Constitution de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, Londres, Novembre 1945, https://www.droitcongolais.info/files/0.5.11.45-Constitution-de-l-UNESCO.pdf 186 S'agissant du premier principe, la FPU démontre qu'instaurer la paix dans le monde, en général, et dans le territoire de Kalehe, il importe que tous les acteurs reconnaissent avant tout que le monde fonctionne selon ce principe de dualité, c'est-à-dire que Dieu a créé tout ce qui est dans l'univers par deux : l'homme et la femme, le jour et la nuit, le soleil et la lune, etc. aucune des créations ne peut se suffire à elle seule sans la présence de l'autre. Cest dire que l'homme doit reconnaitre que sa vie est intimement liée à celle de son prochain. Au cas contraire, ni lui ni son prochain, personne ne saura vivre et avancer. Il y a là la logique d'interdépendance et de complémentarité universelle. C'est la maitrise et compréhension de ce principe qui permettra au monde, en général, et à Kalehe de construire une paix durable. Pour ce qui est du deuxième principe du donner et du recevoir, la FPU note qu'il découle du premier. Celui-ci met en vedette l'idée selon laquelle il faut savoir interagir avec les autres. C'est là que se cache la bénédiction. L'homme doit savoir bien donner pour bien recevoir. Le fait de donner est un moyen nécessaire pour instaurer la paix entre les humains. L'égoïsme est en réalité l'origine des frustrations et conflits qui naissent au jour le jour entre les humains. Car personne ne peut se suffire à elle-même. A propos du troisième principe qui parle du but d'ensemble et des buts individuels, la FPU situe aussi des conflits dans ces deux types de buts, c'est-à-dire le bien commun et le bien individuel. La poursuite et la priorisation du but individuel par les acteurs est une source importante des conflits. Certes, les besoins ne sont pas identiques chez tous les hommes mais il faut signaler qu'il existe des besoins fondamentaux communs à tous les êtres et qui nécessitent une action collective pour leur satisfaction. Ce qui implique qu'il faut avant tout privilégier ces besoins que ceux individuels pour ne pas faciliter l'émergence des conflits dans le territoire de Kalehe. L'Etat, à travers ses structures, notamment : le gouvernement provincial, l'assemblée provinciale du Sud-Kivu, le chef du territoire et son adjoint, doivent faire le minimum pour aider la population de Kalehe à satisfaire ces besoins. C'est dire que la paix ne peut être possible que si le but commun ou l'intérêt général est mis en avant plan. Le quatrième principe est celui de croissance dans les trois stades successifs. Selon celui-ci, la FPU pense que l'homme doit croitre à travers les trois stades de manière réciproque. Au cas contraire, ça sera l'hécatombe. Le premier stade est celui de la formation. Ici, elle met l'accent sur l'éducation comme étant le facteur principal qui permet d'inculquer à l'homme des valeurs 187 de la société sans lesquelles il sera semblable à un animal. Le deuxième stade est celui de la croissance. Ici la FPU note que c'est le niveau où l'homme est appelé à prendre des connaissances qui vont le rendre utile à la société. Il s'agit des connaissances scientifiques. Le dernier stade est celui de l'accomplissement. Le dernier principe est celui en rapport avec la liberté à travers la responsabilité. La liberté réside dans l'effort incessant de l'homme de surmonter les entraves et les contraintes. Pour la Déclaration des droits de l'homme, à son article 4, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. »368 La responsabilité, quant à elle, sous-tend la capacité de répondre de ses actes et en assumer les conséquences. C'est dans ce sens que Maurice Blondel déclare que « La responsabilité est la solidarité de la personne humaine avec ses actes... » Somme toute, la responsabilité est ce par quoi l'homme pose sur son oeuvre ses empreintes de liberté. L'homme responsable est celui qui prend conscience des actes qu'il pose et est prêt d'en assumer les conséquences car nier ses actes c'est refuser sa dignité et sa liberté. Ainsi, tout sujet qui possède un élan de responsabilité a le devoir de bien choisir, autrement, de rechercher le bien collectif. C'est ce qui fait dire à J-P Sartre que « notre responsabilité est beaucoup plus que nous ne pourrions le supposer car elle engage l'humanité entière (...) ainsi, je suis responsable pour moi-même et pour tous »369. 368 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, https://data.over-blog- kiwi.com/0/97/97/62/20140423/ob_1dfba7_12-liberte-et-responsabilite.pdf 369 Sartre J.P., l'existentialisme est un humanisme, https://data.over-blog- kiwi.com/0/97/97/62/20140423/ob 1dfba7 12-liberte-et-responsabilite.pdf 188 |
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