2. Modèles de croissance endogène
Les modèles de croissance exogène n'ont pas pu
expliquer l'origine de la croissance économique. Ce faisant, les
économistes ont tenté de trouver l'existence d'une croissance
auto-entretenue à partir des années 1980, avec l'essoufflement de
la croissance dans les pays industrialisés, et le manque de rattrapage
des pays en voie de développement.
Ces modèles se fondent sur l'hypothèse que la
croissance génère par elle-même le progrès
technique. Ainsi, il n'y a plus de fatalité de rendements
décroissants : la croissance engendre un progrès technique
qui permet que les rendements demeurent constants. En générant du
progrès technique, la croissance n'a donc plus de limite et constitue un
processus qui s'auto-entretient.
Les modèles de référence dans la
théorie de croissance endogène sont :
· le modèle de ROMER (1986) et REBELO
(1991) : capital privé, moteur de la croissance ;
· le modèle de LUCAS (1988) : capital humain,
moteur de la croissance ;
· le modèle de BARRO (1990) : capital public,
moteur de la croissance ;
· le modèle de ROMER (1990) : capital
technologique, moteur de la croissance.
La croissance engendre du progrès technique par trois
mécanismes :
v le learning by doing : plus on produit, plus on apprend
à produire de manière efficace. En produisant, on acquiert en
particulier de l'expérience, qui accroît la
productivité.
v la croissance favorise l'accumulation du capital humain,
c'est-à-dire les compétences possédées par la main
d'oeuvre et donc dépend de sa productivité. En effet, plus la
croissance est forte, plus il est possible d'accroître le niveau
d'instruction de la main d'oeuvre, en investissant dans le système
éducatif. D'une manière générale, la hausse du
niveau d'éducation de la population par des moyens publics et/ou
privés est bénéfique.
v La croissance permet de financer des infrastructures qui la
stimulent. La création de réseaux de communication efficaces
favorise l'activité productive.
3. Modèle de
croissance chez les classiques
Les théories classiques de la croissance sont
plutôt pessimistes. Ricardo, Malthus ou encore Mill estiment qu'à
long terme l'économie va atteindre un état stationnaire : la
croissance va ralentir, pour finalement atteindre zéro. A cet
état stationnaire, la production n'augmente plus.
a) Ricardo et les rendements
décroissants
David Ricardo (1772-1823) considérait, comme les autres
économistes classiques, que l'investissement était essentiel
à la croissance économique. Annotations Les capitalistes
utilisent leur épargne pour investir. La croissance dépend donc
de la répartition des revenus : plus les capitalistes reçoivent
une part importante du profit, plus ils investiront, plus la croissance sera
importante. Or, selon Ricardo, la répartition des revenus risque
d'être de moins en moins favorable à l'investissement en raison
des rendements décroissants de la terre. Les classiques raisonnaient en
termes de classes sociales. Selon Ricardo, le revenu national est
partagé entre trois classes sociales : les propriétaires (qui
reçoivent la rente pour l'exploitation de la terre), les travailleurs
(qui reçoivent un salaire) et les capitalistes (qui reçoivent le
profit et qui utilisent ce dernier pour investir). La rente que reçoit
un propriétaire est déterminée par la différence
entre le rendement de sa terre et le rendement de la terre la moins fertile.
Par conséquent, le propriétaire de la terre la plus fertile
reçoit la plus forte rente, tandis que le propriétaire de la
terre la moins fertile ne reçoit aucune rente. Avec l'augmentation de la
population, il faut exploiter de plus en plus de terres, mais les nouvelles
terres mises en culture sont de moins en moins fertiles. C'est la loi des
rendements décroissants : le rendement d'une terre est plus faible que
le rendement des terres qui ont précédemment été
mises en culture. D'une part, les propriétaires obtiennent des rentes de
plus en plus importantes. D'autre part, le prix du blé augmente car le
coût de production augmente. Comme le prix des produits agricoles
augmente, les travailleurs exigent des salaires de plus en plus
élevés pour pouvoir se les procurer. Puisque les capitalistes
reçoivent le revenu qui n'a été distribué ni aux
rentiers, ni aux travailleurs, alors ils voient peu à peu leurs profits
diminuer. Puisqu'ils disposent de moins d'argent, les capitalistes investissent
de en moins mois, donc la production augmente de moins en moins. Lorsque
l'investissement atteint zéro, la production n'augmente plus et stagne :
l'économie atteint un état stationnaire. Le déclin de la
croissance est inéluctable. Mais il est possible de retarder l'instant
où l'économie se retrouve à l'état stationnaire en
ouvrant les frontières et en important du blé. Comme la
quantité de blé disponible dans l'économie anglaise
augmente, il devient moins urgent de mettre de nouvelles terres en culture. Par
conséquent, la hausse des prix agricoles et des salaires ralentit, ce
qui permet de ralentir le déclin de l'investissement. Ricardo doit alors
justifier le libre-échange, ce qui l'amènera à formuler la
théorie des avantages comparatifs (cf. théories du commerce
international).
b) Malthus et la loi de la population
L'économiste classique Thomas Robert Malthus
(1766-1834) se montre très pessimiste en ce qui concerne la
soutenabilité de la croissance à long terme. Comme Ricardo, il
considère que la croissance économique tend à ralentir et
que l'économie converge vers un état stationnaire. Malthus
explique cet état stationnaire à travers la « loi de la
population ». Selon celle-ci, la population (et donc ses besoins
nutritifs) augmente selon une suite géométrique (1, 2, 4, 8, 16,
32, etc.), alors que les ressources de substance (notamment alimentaires)
progressent selon une suite arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, 6, etc.).
Puisque les ressources tendent à être insuffisantes pour nourrir
la population, il y a une tendance à la surpopulation. Malthus
préconise la « contrainte morale » (chasteté avant le
mariage et mariage tardif) pour limiter le nombre de naissances. On parle
notamment de « politiques malthusiennes » aujourd'hui pour qualifier
les politiques visant à réduire le nombre de naissances, comme
celles qui furent adoptées en Chine il y a quelques décennies (la
politique de l'« enfant unique »).
4. Modèle de
croissance chez les keynésiens
Pour les keynésiens, la demande joue un rôle dans
la croissance économique. Dans la Théorie générale,
Keynes (1936) ne s'est focalisé que sur le court terme ; il n'a pas
construit une théorie de la croissance économique à long
terme. Roy Forbes Harrod (1939) et EvseyDomar (1947), deux économistes
inspirés par les théories keynésiennes, ont chacun de leur
côté contribué à construire une telle
théorie. Ils arrivent tous d'eux aux mêmes conclusions. Leur
première conclusion est que la croissance est
déséquilibrée. L'investissement est à la fois une
composante de l'offre et une composante de la demande. D'une part, en
investissant, les entreprises augmentent leurs capacités de production
(l'offre tend à augmenter). D'autre part, si une entreprise investit,
c'est qu'elle achète par définition des machines ou autres moyens
de production à d'autres entreprises (la demande tend à
augmenter). Si l'augmentation de l'offre correspond à l'augmentation de
la demande, alors la croissance sera équilibrée, mais rien
n'assure que ce sera effectivement le cas. Selon Harrod et Domar, la croissance
risque d'être déséquilibrée, instable. Deux
situations sont alors possibles. Si l'offre est supérieure à la
demande, alors l'économie se retrouve en surproduction, elle
s'éloigne du plein emploi et elle risque de connaître une
déflation. Inversement, Si la demande est supérieure à
l'offre, l'économie subit alors des tensions inflationnistes. Leur
deuxième conclusion est que les déséquilibres sont
cumulatifs. Si la demande est supérieure à l'offre (cas
inflationniste), les entreprises vont chercher à accroître leurs
capacités de production pour répondre à l'excès de
demande. Or, en investissant, elles créent une demande
supplémentaire. Il est alors probable que l'excès de demande
s'intensifie au lieu de se réduire. Inversement, si l'offre est
supérieure à la demande (cas de surproduction), les entreprises
risquent de réduire leurs dépenses d'investissement, donc de
réduire plus amplement la demande. Dans tous les cas, un simple
déséquilibre risque de s'amplifier au cours du temps : la
croissance est « sur le fil du rasoir » selon Harrod. Keynes avait
démontré que l'Etat doit intervenir à court terme pour
sortir l'économie du sous-emploi. Harrod et Domar montrent que les
autorités publiques ont un rôle à jouer dans la croissance
à long terme en veillant à ce qu'elle soit
équilibrée. En assouplissant et resserrant ses politiques
conjoncturelles, l'Etat va ajuster la demande globale de manière
à ce qu'elle s'équilibre avec l'offre globale.
1.3. Relation entre
capital humain et croissance économique
Le capital humain désigne les compétences, les
connaissances et les aptitudes des individus. La croissance économique
désigne l'augmentation du niveau de production et de revenu d'un pays.
La relation entre ces deux concepts est étudiée par
différents courants économiques : les économistes
classiques, les pionniers du capital humain, les théoriciens de la
croissance endogène et les auteurs qui se focalisent sur des contextes
spécifiques.
Les économistes classiques comme Smith (1776), Ricardo
(1817) ou Malthus (1920), qui ont considéré que la qualité
de la main d'oeuvre joue un rôle important dans la
compétitivité et la croissance à long terme. Selon eux, le
capital humain se manifeste par le niveau de qualification, de santé et
de mortalité des travailleurs, qui influencent leur productivité
et leur épargne. Ils ont également souligné les effets
positifs de l'éducation sur la diffusion des connaissances, la division
du travail et l'innovation.
Les pionniers du concept de capital humain comme Schultz
(1961), et Becker (1964), qui ont considéré que le capital humain
est comme le capital physique et qu'on peut investir dans ce secteur par le
biais de l'éducation, la santé et la formation afin d'augmenter
la production et contribuer à la croissance économique. Selon
eux, le capital humain est une forme de capital immatériel qui
génère un rendement positif pour les individus et pour la
société. Ils ont développé des modèles
microéconomiques pour analyser les choix d'investissement en capital
humain des agents, en tenant compte des coûts et des
bénéfices attendus.
Les théoriciens de la croissance endogène comme
Romer (1986 ; 1990), Lucas (1988), Grossman et Helpman (1990), Mankiw et
al (1992), Barro (2001), Aghion et Howit (1998) ou Pissarides (1997), qui ont
développé des modèles plus élaborés pour
analyser l'impact du capital humain sur la croissance à long terme, en
mettant en évidence le rôle du progrès technique, de
l'innovation, du transfert technologique et de la participation de la
main-d'oeuvre.
Selon eux, le capital humain est un facteur clé de la
croissance endogène, car il permet d'accroitre le stock de connaissances
disponibles dans l'économie, d'améliorer l'efficacité de
l'allocation des ressources et d'accélérer la convergence entre
les pays.
Les auteurs qui se sont intéressés à
l'impact du capital humain sur la croissance économique dans des
contextes spécifiques, comme Fogel (2004) ou Bergheim (2005) pour les
pays développés, ou Diagne et Diene (2019) pour les pays de
l'UEMOA. Selon eux, le capital humain a des effets différenciés
selon le niveau de développement, le secteur d'activité, le genre
ou l'âge des individus. Ils ont utilisés des méthodes
empiriques pour mesurer l'impact du capital humain sur la croissance
économique à partir de données statistiques ou d'indices
synthétiques.
Parmi les modèles théoriques existants, on peut
distinguer deux types de modèles selon qu'ils considèrent le
capital humain comme homogène ou hétérogène. Les
modèles de capital humain homogène supposent que tous les
individus ont le même niveau de capital humain, qui dépend
uniquement du nombre d'années d'éducation. Ces modèles
sont plus simples à analyser, mais ils ne tiennent pas compte de la
diversité des compétences, des qualités et des domaines de
formation des individus. Par exemple, le modèle de Mankiw et al (1992)
considère que le capital humain est proportionnel au niveau
d'éducation moyen de la population active.
Les modèles de capital humain
hétérogène supposent que les individus ont des niveaux de
capital humain différents, qui dépendent non seulement du nombre
d'années d'éducation, mais aussi de la qualité de
l'éducation, du type de formation, de l'expérience
professionnelle, de la santé ou des capacités cognitives. Ces
modèles sont plus réalistes, mais ils sont plus complexes
à analyser et à mesurer. Par exemple, le modèle de
Pissarides (1997) considère que le capital humain est composé de
deux types : le capital humain général, qui est
transférable entre les emplois, et le capital humain spécifique,
qui est lié à un emploi particulier.
En somme, on peut dire que le capital humain est un concept
qui a connu une évolution théorique importante au cours du temps,
et qui a permis d'expliquer l'impact des compétences et des
connaissances sur la croissance économique. Toutefois, il existe encore
des débats et des limites sur la définition, la mesure et
l'évaluation du capital humain, ainsi que sur les politiques publiques
à mettre en oeuvre pour favoriser son développement.Afin
d'approfondir cette analyse, nous allons nous intéresser à la
littérature empirique qui a testé empiriquement l'impact du
capital humain sur la croissance économique. Nous allons
présenter les principales études qui ont utilisé
différentes méthodes et données pour répondre
à cette question. Nous allons ensuite formuler nos propres questions de
recherche et hypothèses que nous allons vérifier à partir
d'un échantillon de pays africains, dont la RDC.
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