Dynamiques socioculturelles dans la construction de l'intégration régionale en Afrique Centrale CEMACpar Yvan Nathanaël NOUBISSI Université Yaoundé 2 Soa - Master 2 en science politique 2019 |
Paragraphe 2 : la problématisation du sujetProblématiser un objet, c'est faire l'état de la question (A), donner sa problématique (B) et ses hypothèses(C) A- L'état de la questionSelon Lawrence olivier, Guy Bédard, Julie Ferron, « la revue de la littérature vise à identifier les auteurs et surtout les ouvrages et les articles scientifiques qui ont façonné la connaissance dans une discipline donnée sur un sujet précis »34(*)le but est problématiser ce qui a déjà été dit, du moins questionner la littérature existante sur le sujet. Dans cette perspective notre thème est traversé par deux courants : le courant de la valorisation des dynamiques socioculturelles et celui de la dévalorisation des dynamiques socioculturelles. a- Courant de la valorisation des dynamiques socioculturelles.La principale orientation de ce courant est son très fort penchant pour la portée que la culture a sur l'intégration des Etats en générale et ceux de la zone CEMAC en particulier. En effet s'est une thèse se sont donnés de défendre des auteurs tel que : Come damien Georges Awoumou, Bienvenu Denis Nizete, Samson AngoMengue, Cheikh AntaDiop, BogumilJewseiwicki et leonard N'sandabu'Eli, OusseynouNdoye et Manuel Ruiz Perez Come damienAwoumoudans son ouvrage lecouple Cameroun- Gabon au seinde la CEMAC35(*) il essaye de démontrer que la relation entre le Cameroun et le Gabon au sein de la cemac trouve ses origines dans ses fondements qui sont à la fois historiques et sociologiques36(*).la culture étant un élément qui témoignerait à suffisance de cet état de chose. En effet le nord du Gabon est peuplé de l'ethnie Fang qui se retrouve également dans le Sud du Cameroun. Ce dénominateur commun qu'ont ses deux pays qu'est la culture serait à l'origine de ce qui explique pour l'auteur la relation de qualité qu'ils entretiennent .cette relation très poussée entre les deux se retrouve également dans le secteur de l'éducation et de la formation professionnelle38(*). Pour ce qui est de Bienvenu nizete dans son article intitulé : patrimoine culturel de l'Afrique centrale : fondement d'une intégration régionale véritable39(*).l'auteur essaye de présenter la zone Afrique centrale qu'il appelle encore le monde « bantou » comme ensemble soudé sur plan historique, géographique et culturel40(*)pour ce est de l'histoire il présente un peuple uni par la culture malgré la présence ou l'existence des frontières conséquence de la conférence de berlin 1984-1985. Sur le plan géographique il présente en mettant en évidence la similitude en ce qui concerne le relief et le climat41(*)des pays d'Afrique centrale qui pour la plus part sont similaire. Sur le plan culturel, il s'appuie sur la symbolique des masques présent à la fois au Cameroun en pays bamiléké plus précisément et ceux du Gabon et de la Guinée Equatoriale qui ont lamême porté et la même signification sur le plan traditionnel42(*) . Les travaux de Samson AngoMengue dans son article intitulé : « relation transfrontalières entre les peuples du Cameroun et les autres pays de l'Afrique centrale :le cas de l'Est 43(*)» essaye au cours de cet article de présenter ou de caractériser le type de relation que les populations de l'Est Cameroun entretiennent avec les pays de l'Afrique centrale à savoir la république Centrafricaine, la république du Congo Brazzaville et le Tchad. En effet ces relations reposent sur le commerce, les relations de parenté et de culture, des migrations de travail et de santé44(*). Pour ce qui est des relations de parenté et de culture exclusivement, l'auteur démontre qu'il existait des des liens de parenté entre l'ethnie « les gbaya et les Mpyemo » de l'Est Cameroun et ceux de la République Centrafricaine45(*)qui auraient un ancêtre commun. Cette similitude entre ces deux ethnies de part et la république Centrafricaine se traduit également au niveau des sociétés secrètes, les rites d'intronisations à la chefferie46(*)et autres cultes voués aux esprits ancestraux. Nonobstant cet élément, on note également le facteur linguistique qui joue un rôle de catalyseur parce que permettant à ces différentes ethnies de communiquer ensemble. En ce qui concerne les travaux de Cheikh AntaDiop dans son ouvrage intitulé « L'unité culturelle de l'Afrique noire »,l'auteur met en évidence l'unité du continent tout en valorisant sa culture et ses valeurs. Ce que l'on a taxé d'africanité. Il exprime cette ambition à travers l'unification de l'histoire négro-Africaine à l'un des pôles de civilisation les plus anciens de l'humanité : l'Egypte pharaonique nègre. Les travauxde OusseynouNdoye et Manuel Ruiz Perez dans l'article « commerce transfrontalier et intégration régionale en Afrique Centrale47(*) » démontrent que les produits forestiers non ligneux sont échangés entre le Cameroun et les pays de la sous-région CEMAC. La noix de cola est échangée entre le Cameroun et la république centrafricaine ;la mangue sauvage est échangée entre le Cameroun, le Gabon et la Guinée Equatoriale ; le safoutier quant à lui est échangé entre le Cameroun, le Gabon et le Congo. Les raisons qui sous-tendent ce commerce sont de plusieurs ordres à savoir linguistique (culturelle), écologique et monétaire48(*). Pour ce qui est de la raison linguistique exclusivement les auteurs soulignent que les langues vernaculaires jouent u rôle déterminant dans la mesure le Cameroun, Gabon et Guinée Equatoriale ont en commun la langue Fang qui est très utilisée dans leur zone frontalière. A cet effet, la langue Fang présente dans le Nord du Gabon serait également parlée dans le sud du Cameroun. Ce qui favoriserait le commerce et les échanges entre ces pays. Ce courant a le mérite de valoriser le volet culturel et même socioculturel dans l'intégration des pays de l'Afrique centrale CEMAC. Cependant ces travaux relèvent des limitent sur plusieurs plans. D'abords au niveau de la pertinence des idées. En effet il serait utopique de concevoir une intégration seulement sur la base ou sur des fondements essentiellement culturels. Ensuit admettons que cela soit possible cependant il serait encore inconcevable de penser que tous les pays de la sous régions CEMAC aient des mêmes valeurs culturelles. Pour deux pays de la même sous -région comme le Gabon et le Tchadne partageant pas nécessairement les cultures quelle serait le facteur qui leur permettrait de mieux collaborer à l'image du couple Cameroun- Gabon dans la CEMAC comme l'illustre DamienAwoumou dans ces travaux ? Pour dire en substance que le facteur culturelle à lui seul ne saurait donner une consistance et une importance à l'intégration des pays de l'Afrique centrale CEMAC. Ce que les auteurs de second courant essayent suffisamment de mettre en évidence. b- Le courant de la dévalorisation des dynamiques socioculturelles Selon ce courant la culture peut être un vecteur de crise et même de conflits. Ce courant est marqué par des auteurs tel Marc louis Ropivia, Noel ObotelaRashidi, Marc Rwabahungu, Donatien DibweMwembu. Les de travaux de Marc louis Ropivia dans l'ouvrage « la géopolitique de l'intégration en Afrique noire49(*) » ont pour ambition de démontrer que l'unité de l'Afrique serait une vue de l'esprit pour ne pas dire une réalité à relativiser. Ainsi s'attaquant aux travaux de cheikh AntaDiop il démontre qu'en réalité on ne saurait parler d'unité culture de l'Afrique dans la mesure où celui serait également traversé par des spécificités qu'il faudrait nécessairement prendre en considération. Il préconise de ce fait la prise en compte de la diversité dans le processus de construction de l'unité de l'Afrique. Ensuit les travaux de Noel ObotelaRashidi dans son article « conflit identitaire en Ituri50(*) ». leIturi constitue l'un des quatre districts de la province de l'extrême nord de la RDC. Ses travaux ont pour objectifs de retracer dans leurs grandes lignes les phases essentielles des antagonismes identitaires. Initiative qu'il sectionne en quatre articulations à savoir : les causes et évolutions du conflit ; l'identification des principaux acteurs ; résultats des divers négociations identitaires ; les ressources économiques dans l'histoire de l'Ituri. Pour ce qui est de façon spécifique des causes du conflit qui opposaient l'ethnie « lendu et Hema », il relève plusieurs entre autre : l'idée d'extermination mutuelle extrême par les deux communautés, l'explosion démographique engendrant la rareté des terres et une tension chronique agriculteurs/éleveurs, l'ethnicisassions du pouvoir politique et la militarisation des ethnies avec introduction d'armes de guerre au sein des communautés en conflit51(*). La rivalité « Hema et Lendu » parti de la confrontation paysan/ éleveurs a été ravalée par des conflits ethnico- politiques52(*). On note de manière substantiel que le facteur ethnique était un élément catalyseur de ce conflit. Les travaux de Marc Rwabahungu dans son ouvrage « Au coeur des crises nationales aux Rwanda et au Burundi »53(*), l'auteur éssaye de mettre en évidence la violence des régimes aux pouvoirs contre la population par ce que selon lui elle était déterminante dans les tueries de masse au Rwanda et au Burundi. Ainsi, il présente en premier ressort les mécanismes de haine qui prévalaient dans ces pays et leur implication dans sur violence qui y régnait54(*). Se basant sur ses propres expériences et sur la théorie de la haine ,il démontre comment différents niveaux et formes de haines( familiale, clanique,ethnique, fractionnelle, relevant de la jalousie de la polygamie...) interagissent. Pour l'auteur le conflit qui oppose « hutu-tutsi » a pour base le partage du pouvoir et la gestion équitable des ressources entre les communautés ethniques antagoniques. En second ressort, il met en évidence le fait que les relations entre « tutsi et hutu » ont commencé à se détériorer quand les éleveurs tutsi ont constaté que la démographie des agriculteurs hutu menaçait leur mode de subsistance55(*). Enfin en dernier ressort il présente l'impact que cette crise causa. Faisant principalement aux problèmes de migration. Ainsi, les migrations volontaires entre les deux pays Rwanda et Burundi vers les voisins (Ouganda, Tanzanie, RDC) ne donnèrent pas de solutions durables en raison des problèmes d'intégration56(*). Ainsi, bien que ces populations étaient le plus souvent bien installées et gagnaient honnêtement leur vie tout comme les autochtones des milieux d'accueil, leur stabilité et leur intégration connurent des bouleversements au gré des vicissitudes politiques57(*). Enfin l'article de Donatien DibweMwembu dans « l'état sur la question du conflit katangais/kasaiens dans la province du katanga(1990-1994)58(*) » rend compte des débats autour du conflit au katanga au cour de la dernière décennie du 20ème siècle. Ainsi il commence par mettre en ligne le tribalisme qui constitue une variable non négligeable dans l'évolution politique de la république démocratique du Congo59(*). Dans ce sens l'ethnicité et le régionalisme se révèlent comme des stratégies identitaires pour un individu ou un groupe d'individus de même provenance pour accéder au pouvoir. Ainsi, il démontre que la période de 1990 marquée en principe par le passage du monopartisme au multipartisme sous l'ère du président Mobutu fut quelque peu un échec parce que mal abordé, ce- ci en rapport aux résurgences identitaires collectives à caractère tribales, ethniques et régionales. Cette situation identitaire déboucha sur des conflits interethniques sanglants un peu partout au Congo Kinshasa, notamment dans la province du Nord Kivu, sud Kivu, kasai orientale et du katanga. Pour ce qui est du conflit identitaire katanga, l'auteur souligne le fait qui eut pour origine la division du territoire national en entités juridiques60(*) l'objectif étant de circonscrire les limites ethniques c'est-à-dire regrouper les congolais par affinités tribales ou ethniques. Cette division fut à l'origine du conflit katanga/kasaien Ce courant a le mérite de mettre en évidence les méfaits que la culture pourrait avoir du moins les dérives auxquelles elle pourrait conduire une société, un pays ou même un continent pour ne pas parler de manière globaliser au monde tout entière à l'image de ce que Samuel Huntington dans son ouvrage « le choc de civilisation »61(*) essaye quelque peu de mettre en exergue, ceci en s'opposant très farouchement à l'islam qu'il considère de ce fait comme un danger. Reconnaissant tout le caractère politique pour ne dire politisé de cet ouvrage, il faut de même reconnaitre que la culture en elle-même ne saurait être vectrice de conflit parce que pouvant être considéré comme ensemble de croyances, de langues, d'idées62(*). Cependant l'instrumentalisation de celle-ci à des fins subjectives pourrait être l'une des raisons qui conduiraient le plus souvent aux conflits. Apres présentation des différents courants qui constituent notre champ d'étude à savoir le courant de la valorisation et celui de la dévalorisation de la culture dans la construction de l'intégration, il est donc nécessaire pour nous de préciser à ce niveau que nos travaux s'inscriront dans le courant de la valorisation de la culture. Cependant étant conscient de la saturation épistémique dans ce couloir scientifique, notre étude aura pour ambition d'apporter une modeste contribution avec pour spécificité un souci de transposition de la variable socioculturelle dans le fonctionnement de la CEMAC. * 34LAWRENCE (Olivier), BEDARD (Guy), FERRON (Julie), L'élaboration d'une problématique de recherche : sources, outils et méthode, Paris, L'harmathan,2005,p.67. * 35 Come damienAwoumou, le couple Cameroun Gabon au sein de la CEMAC, Paris, l'harmattan, 2008, p.70 * 3637 Come damien Awoumou,op.cit,p.77 * 38 Ibdem,82 * 39Bienvenu nizete , 31-40 * 40Ibidem,p.31 * 41Ibidem,pp.34-35 * 42 Ibidem,pp.66-67 * 43Samson AngoMengue, : « relation transfrontalières entre les peuples du Cameroun et les autres pays de l'Afrique centrale :le cas de l'Est »in Daniel Ebwa, les dynamiques d'intégration en Afrique Centrale,presse universitaire, Yaoundé, nov 2001, Tom1,p.70 * 44Ibidem,p.74 * 45Samson Ango Mengue,op.cit,p.77 * 46 Ibidem79 * 47OusseynouNdoye et Manuel Ruiz Perez, « commerce transfrontalier et intégration régionale en Afrique Centrale »in africulture, P.04 * 48Ibidem,P.4-5 * 49Marc louis Ropivia, la géopolitique de l'intégration en Afrique noire, l'harmattan, paris,1999,p. * 50 Noel Rashidi, « conflit identitaire en ituri(RDC) », in Bogumiljewsiewicki et léonard N'SandaBuleli, les identités régionales, l'harmattan, Paris,p.182 * 51Noel Rashidi,op.ct, p.184 * 52Noel Rashidi,op.ct, p.186 * 53 Marc Rwabahungu, « au coeur des crises nationales au rwanda et au burundi »,in Bogumiljewsiewicki et léonard N'SandaBuleli, les identités régionales, l'harmattan, Paris,2004,p.74 * 54Ibedem, 74 * 55Ibidem, p.73 * 56Ibidem, p.182 * 57 Ibidem, p.186 * 58Donatien Dibwe dia Mwembu, « l'etat de la question du conflit Katangais /kasaiens dans la province du katanga (1990-1994), in BogumilJewsiewicki et Léonard N'sandaBuleli, les identités régionales en Afrique centrale,l'harmattan, Paris,2008,pp 13-20 * 59Donatien Dibwe dia Mwembu,op.cit , p.13 * 60Ibidem, p.20 * 61 Samuel Huntington, le choc de civilisations,edodile jacob,1997,Paris * 62Encyclopaediauniversalis, vol.5.p.873 |
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