Le Rwanda: analyse géopolitique d'une puissance émergente africainepar Guy Herod PAMBO MIHINDOU Université Omar Bongo - Master 2023 |
2.2.2. Les mobiles sécuritairesL'une des plus grandes préoccupations du Rwanda, depuis la fin du génocide de 1994, est la sécurité de son territoire. Les gouvernants actuels n'ont pas hésité, pour se protéger d'une possible invasion ou attaque, à transgresser le droit international en allant sur le territoire de la RDC pourchasser les milices et les forces armées qui étaient considérées comme responsables des massacres liés au génocide. Aujourd'hui encore, cette préoccupation sécuritaire n'a pas disparu puisque les dirigeants rwandais continuent de s'inquiéter de la présence des Forces de Libération du Rwanda (FDLR) en RDC. Selon un rapport du baromètre sécuritaire du Kivu publié sur le site officiel de l'ONG Human Rights Watch en 2017, les FDLR ne compteraient plus qu'entre 500 et 1000 combattants dans ses rangs, contre 6 500 en 2008.141 En terme d'effectif, militairement, les FDLR semblent bien plus faibles aujourd'hui qu'il y a dix ans. Ils ont également perdu le contrôle de la majeure partie du territoire et des zones minières qu'ils contrôlaient autrefois. Fin 2017, selon le même rapport, les capacités opérationnelles des FDLR ont sérieusement été limitées par son manque de munitions, mais aussi à cause des offensives militaires conjointes menées par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et la MONUSCO au courant de l'année 2015. Néanmoins, bien qu'il se soit considérablement affaibli, il demeure toujours un groupe redoutable en raison de son importance politique dans la région. Les soldats qui sont encore sur le terrain sont en grande majorité des combattants, bien entraînés et aguerris.142 Le fait qu'il soit encore composé d'anciens génocidaires continue de préoccuper les dirigeants actuels du Rwanda. Dans une interview accordée 7 août 2022 aux journalistes de Radio France Internationale (RFI), le ministre des affaires étrangères du Rwanda143, affirmait que les FDRL continuaient de constituer une menace pour la sécurité de son pays et qu'ils ont même mené des attaques contre le Rwanda à trois reprises en novembre 2021, à partir du territoire congolais.144 140 P-S. HANDY. (2021, 27 septembre), op.cit., p.8. 141 LE BAROMETRE SECURITAIRE DU KIVU. (2017, mai). Kidnapping contre rançon Incidents à Rutshuru, Nyiragongo et Goma République démocratique du Congo. Disponible à l'adresse : https://www.hrw.org/sites/default/files/supporting_resources/201805africa_drc_kivutracker_pdf_french.pdf 142 S. BUJAKERA TSIAMALA. (2021, 26 février). Assassinat de l'ambassadeur italien : « Les FDLR sont forts et influents, mais ils ne sont pas les seuls ». Jeune Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1127877/politique/assassinat-de-lambassadeur-italien-les-fdlr-sont-forts-et-influents-mais-ils-ne-sont-pas-les-seuls/ 143 Il s'agit de Vincent Biruta. 144 L'intégralité de l'interview est disponible à l'adresse suivante : https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-afrique/20220807-vincent-biruta-ce-qui-est-visible-c-est-la-pr%C3%A9sence-du-fdlr-avec-une-id%C3%A9ologie-g%C3%A9nocidaire 52 Pour faire face à cette menace, le gouvernement rwandais a très souvent évoqué le droit de poursuite pour justifier l'intrusion de ses forces armées dans la partie orientale de la RDC, notamment dans la province du Nord-Kivu. Dans une interview accordée au quotidien Jeune Afrique en février 2023, Paul Kagame affirmait que : « la menace que représente les FDLR peut nous amener à intervenir au Congo sans excuses ni préavis ».145 Par cette déclaration, le président rwandais reconnait d'une certaine façon la présence de ses forces armées dans l'est de la RDC, comme l'avait déjà dénoncé plusieurs rapports des experts des Nations Unies. Mais, selon lui, cette présence militaire n'aurait d'autres raisons que des motifs liés à la sécurité de son territoire. La présence de ses troupes à l'étranger permet également au Rwanda de veiller sur ses propres intérêts sécuritaires. Son intervention au Mozambique par exemple, n'est pas totalement étrangère au fait que de nombreux opposants au régime évoluent dans ce pays. Depuis le début de son intervention au moins un opposant au régime de Paul Kagame a été assassiné.146 Par sa présence au Mozambique, les dirigeants rwandais s'assurent également une certaine proximité géographique avec l'Afrique du sud où vivent en exil de nombreux opposants rwandais dont le plus célèbre est Faustin Kayumba Nyamwasa 147 ancien chef d'État-Major de l'armée rwandaise dont les troupes opèrent entre la frontière qui sépare le Rwanda et le Kivu. Elles sont également actives en Ouganda.148 |
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