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Reconnaissance et conflit au sein des presbyeriums:une lecture a partir de la lutte pour la reconnaissance d'Axel Honneth


par Charles Dieudonné TOMB TOMB
Université de Lorraine-Metz - Master II en Sciences Humaines et Sociales, mention Théologie Catholique 2022
  

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CHAPITRE II : LES FIGURES DU MEPRIS OU DENIS DE RECONNAISSANCE COMME

CAUSES DES CONFLITS AU SEIN DES PRESBYTERIUMS 35

I. La figure du mépris de l'intégrité physique 37

I.1. Définition du terme mépris 37

II. La figure du déni du droit 43

II.1. Le rapport entre le droit subjectif et le droit objectif 45

III. La figure du mépris liée à la mésestime 48

IV. Les dénis de propriétés sociales 52

IV.1. Les capabilités 52

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IV.2. Les capacités éthiques 54

CHAPITRE III : L'APPORT DE LA THÉORIE DE LA RECONNAISSANCE MUTUELLE

CHEZ AXEL HONNETH DANS LA PERSPECTIVE DE LA RÉSOLUTION DES

CONFLITS AU SEIN DES PRESBYTERIUMS AU CAMEROUN 59

I. L'amour comme expression de la confiance de soi 61

I.1. Le travail comme une mise en oeuvre 63

II. Le droit comme source du respect de soi 68

III. La solidarité comme noyau structurel de l'estime de soi. 72

IV. La reconnaissance par des choses 75

IV.1. La reconnaissance interobjective 76

IV.2. L'apport de l'interobjectivité dans la théorie de lutte pour la reconnaissance 78

IV.3. De la médiation entre les sujets et les objets 79

Conclusion générale 81

Bibliographie 86

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INTRODUCTION GENERALE

Dans notre société actuelle où plusieurs personnes aspirent à une « vie bonne et réussie », l'on a souvent l'impression que celle-ci passe par la réussite académique, professionnelle, politique, sociale, financière ou matérielle. Mais, Axel Honneth vient donc bouleverser le paradigme dans la pensée contemporaine grâce à la théorie de lutte pour la reconnaissance mutuelle. Car, pour lui, c'est dans les relations de reconnaissance réciproques que les êtres humains se confirment mutuellement comme des sujets autonomes et individualisés2. La Lutte pour la reconnaissance3 est un essai de la philosophie sociale publié en 1992 par A. Honneth. Cet ouvrage qui porte le titre de l'une des thématiques majeures que soulève son auteur à côté d'autres sujets lancinants tels que « pathologies et paradoxes », « la reconnaissance et ses déformations », « les paradoxes du contemporain » n'est traduit en français que depuis l'an 2000. Sans doute, c'est ce qui a fait dire à Olivier Voirol, préfacier de La société du mépris d'Axel Honneth qu': « une grande partie des textes d'Axel Honneth ne portent pas seulement sur la reconnaissance mais aussi sur la reconstruction patiente et systématique d'une perspective critique s'inscrivant dans la tradition de la philosophie sociale de la Théorie critique de l'Ecole de Francfort »4.

Bien que la reconnaissance ne soit donc pas pour Honneth, le seul sujet dans l'ensemble de son projet intellectuel, il le place tout au moins au coeur de ses débats. Le débat actuel sur la notion de la reconnaissance dans le domaine de la philosophie sociale moderne tire son origine du thème hégélien d'une lutte pour la reconnaissance intersubjective et atteint son paroxysme avec la nouvelle génération de l'Ecole de Francfort, représentée par Axel Honneth qui a donné un nouveau son de cloche à cette philosophie et à sa théorie critique. Pour Honneth :

Il revient à Hegel le mérite d'avoir développé une philosophie de la lutte pour la reconnaissance mutuelle en réaction contre la philosophie anti-aristotélicienne des modernes, celle de la lutte pour l'existence. Pour y parvenir,

2 Honneth, A., La lutte pour la reconnaissance, Paris, Gallimard, 2021 (1992), p. 116.

3 La lutte pour la reconnaissance « est la thèse d'habilitation d'Axel Honneth. Rédigée sous la direction de Jürgen Habermas, elle est publiée en 1992 aux éditions Suhrkamp Taschenbuch Wissenschaft sous le titre Kampf um Anerkennung. Dans cet ouvrage, Axel Honneth développe une critique en s'appuyant sur la philosophie sociale moderne qui présuppose un rapport d'hostilité entre les individus désireux de garantir les conditions de leur survie. Il interprète les conflits humains dans la perspective d'une demande de reconnaissance et met en lumière la dimension morale inhérente à tout affrontement. » Cette note explicative est tirée de l'opuscule la collection « Connaître une oeuvre ». Il s'agit de l'ouvrage de Axel Honneth : La Lutte pour la reconnaissance

4 Honneth, A., La société du mépris, Vers une nouvelle Théorie critique, trad. française par Olivier Voirol, Pierre Rusch et Alexandre Dupeyrix, Paris, La Découverte, 2006, p. 9.

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il s'est appuyé sur le modèle de la « lutte sociale » introduit dans la réflexion philosophique par Hobbes, mais lui donne une formulation théorique qui va permettre de rapporter les conflits humains non pas à des motifs de conservation individuelle, mais à des mobiles moraux5.

Si Honneth opte de s'appuyer sur Hegel pour donner de l'impulsion à la nouvelle génération de l'Ecole de Francfort, il a bien des raisons. Mais lesquelles ? Autrement dit, en quoi consiste la spécificité, voire l'originalité recherchée par Honneth par rapport aux autres auteurs antérieurs de la tradition francfortoise ? Pour répondre à cette préoccupation qui nous permettra de mieux comprendre la pensée de Honneth et surtout sa théorie de la lutte pour la reconnaissance mutuelle qui retient plus notre attention dans ce travail de recherche, il est louable de se référer à l'article de Haud Gueguen sur « La lecture honnéthienne de Hegel dans La lutte pour la reconnaissance ». Pour cet auteur : « L'originalité, chez Honneth, n'est pas, en d'autres termes, d'avoir mobilisé la philosophie hégélienne de façon centrale (ce qui, selon des modalités différentes, est le cas chez tous les auteurs francfortois). C'est bien plutôt d'avoir, par un prolongement de la démarche habermasienne, opéré un infléchissement en s'attachant à la problématique (intersubjectiviste ou communicationnelle) de la lutte pour la reconnaissance »6.

En effet, l'originalité apportée par Honneth vise aussi à se démarquer du groupe d'antan de l'Ecole de Francfort « de ne plus aborder Hegel selon la problématique de la rationalité, mais de l'appréhender à partir de la question de la conflictualité »7. Mais, plus précisément la spécificité honnéthienne consiste à « montrer que, à travers le motif de la « lutte pour la reconnaissance » (Kampf um Anerkennung), la philosophie hégélienne permet de faire de cette conflictualité le fondement même du point de vue normatif qui se trouve requis par la théorie critique de la société »8.

Pour Honneth, bon nombre de ses prédécesseurs de l'Ecole de Francfort ont minimisé la dimension psychologique des individus ainsi que des phénomènes culturels pour laisser la place à la formation indépendante de convictions morales et d'orientations normatives dans

5 Honneth, A., cité par Wiliwoli, A., A. Honneth, Lutter pour la reconnaissance. Domuni-Press, Toulouse, 2018, p. 8.

6 Haud, Gueguen., « La lecture honnéthienne de Hegel dans La lutte pour la reconnaissance », in Raisons Politiques, 2016/1 (n° 61), pp.27-43.

7 Ibid.

8 Ibid.

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l'activité sociale9. Quant à Olivier Voirol, d'après Axel Honneth, « la relance la plus sérieuse de la tradition de Francfort émane de la théorie de la communication de Jürgen Habermas »10. Pour comprendre ce projet, Honneth s'est inspiré de la théorie critique communicationnelle mise en exergue par Habermas. Il a cherché donc à « intégrer la conflictualité au coeur de la communication de façon à penser le conflit dans sa puissance morale, et articuler ainsi le paradigme communicationnel à un paradigme agonistique. »11. Si Habermas a élaboré la théorie communicationnelle sans tenir compte de la conflictualité, la nouveauté est qu'avec Hegel, Honneth veut « réinjecter de la conflictualité au sein du champ communicationnel de façon à réactiver, en la renforçant moralement, la thématique marxienne d'un processus historique tout entier mû par le phénomène de la conflictualité. »12.

Pour appuyer et justifier la portée de cette affirmation, Haud reprend les paroles d'Axel Honneth lors de son entretien avec Emmanuel Renault : « Réunir Marx et Habermas, en faisant le détour par Hegel »13. Il a donc pu mettre fin ou à dépasser le dualisme communicationnel de Habermas et à intégrer dans son paradigme communicationnel le phénomène de la conflictualité. C'est ce qui amène Honneth à dire que : « Toutes les confrontations et toutes les formes de conflits sociaux obéissent au même schéma fondamental d'une lutte pour la reconnaissance »14. En somme, Honneth ne perçoit pas d'abord un conflit social en termes d'intérêts mais plutôt comme une lutte pour la reconnaissance qui est rapportée « à un cadre fixe d'expériences morales, à l'intérieur duquel la réalité sociale serait interprétée selon une grammaire morale variable de la reconnaissance et du mépris »15.

En outre, en ce moment où le monde traverse une période délicate et critique à cause des conflits idéologiques et d'intérêts. L'Église et ses membres connaissent aussi des situations conflictuelles provoquées par les privations, le manque, l'irrespect, la mésestime, le mépris, les offenses et les humiliations : il s'agit là des dénis de reconnaissance. Le déni naît du refus ou du rejet de reconnaissance de l'autre dans ce qu'il est, ce qu'il a droit, ce qu'il est capable de faire. Cela suscite en effet un sentiment d'injustice, de plainte, de frustration voire de souffrance chez la victime ou la personne atteinte d'une telle blessure morale. Toutefois, « sans la référence

9 Honneth, A., La société du mépris. Vers une nouvelle théorie critique, op.cit., p. 11.

10 Ibid., p. 12.

11 Haud, Gueguen, « La lecture honnéthienne de Hegel dans La lutte pour la reconnaissance », op.cit., pp. 27-43.

12 Ibid.

13 Honneth, A., et Renault, E., « Entretien avec Axel Honneth. Marxisme, Philosophie sociale et théorie critique », cité par Haud Gueguen.

14 Honneth, A., La Lutte pour la reconnaissance, op.cit., p. 275.

15 Ibid.

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implicite aux demandes de reconnaissance que le sujet adresse à ses semblables, les concepts de « mépris » ou d'« offense » restent incompréhensibles »16. La référence s'inscrit dans l'ordre de « l'intégrité » et de « l'approbation » que les êtres humains rencontrent chez autrui17. Au cas où l'intégrité personnelle est menacée et l'approbation déniée, les individus se livrent à la quête pour la reconnaissance qui passe par la lutte et le conflit. C'est pourquoi, « le conflit et la lutte pour la reconnaissance constituent une sorte de loi universelle : « L'homme qui désire humainement une chose agit non pas simplement pour s'emparer de la chose, mais pour faire reconnaître par un autre son droit sur cette chose [...], bref pour faire reconnaître par l'autre sa supériorité »18. Faire reconnaître sa supériorité par un autre signifie pour nous se faire valoriser aux yeux d'une autre conscience de soi en tant qu'un individu qui a des besoins affectifs, une personne qui a le droit au respect moral et un sujet digne de valeur positive ou de l'estime de soi.

Cependant, dénier le droit de reconnaissance aux êtres humains c'est porter atteinte à leur intégrité d'où les trois formes du mépris relevées par Axel Honneth : La première forme de mépris est celle des humiliations physiques à l'instar de la torture ou du viol. La seconde concerne la privation des droits et l'exclusion sociale. La dernière forme est liée à la dépréciation de la valeur sociale « de certains modèles d'autoréalisation ». Par ailleurs, les presbyteriums ne sont pas épargnés de cette réalité des conflits moraux. C'est le cas des vicaires paroissiaux et des curés qui s'opposent à cause de la privation des droits légaux les uns envers les autres ou alors des évêques et des prêtres qui se tiraillent à cause du manque de la sollicitude, du respect, de la considération et de la méconnaissance des qualités et des capacités de certains dans l'exercice des charges et des responsabilités au sein des presbyteriums. Les conflits moraux ne sont pas en effet ni étranges ni un accident dans le vécu des presbyteriums, sans doute c'est dans ce sens que Monseigneur Jean-Bosco Ntep, évêque du diocèse d'Edéa, dans son troisième Projet pastoral affirmait :

Il nous faudra réduire les contre-témoignages, [les conflits et les luttes] qui causent les mésententes entre les membres d'une même équipe pastorale, le

16 Ibid., p. 223.

17 Ibid.

18 Marc, E. et Picard, D., « Conflit et relation », in Gestalt, 2015/1(46), p. 129-142. Disponible [en ligne] sur :

https : www-cairn-info.bases-doc.univ-lorraine.fr/article.php ? ID Article=GEST_046_0129, consulté le 20 août 2023.

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scandale d'un presbyterium divisé. Les désaccords ne manqueront pas. Ils sont le fruit de nos différences et des divergences légitimes des points de vue. Mais il faut en tout état de cause renforcer le dialogue, la collaboration et la solidarité entre nous19.

De cette assertion naît notre étonnement et de surcroît une expression suscite notre attention : « Le scandale d'un presbyterium divisé ». Un presbyterium divisé est un véritable scandale. Certes des désaccords, il y en aura toujours ; les divergences d'opinions aussi mais d'en arriver à la division c'est là le problème. Car, ce qui caractérise un presbyterium c'est l'unité, la communion et surtout « la fraternité sacramentelle »20. D'après le Décret sur le Ministère et la Vie des Prêtres : « Du fait de leur ordination, qui les a fait entrer dans l'ordre du presbytérat, les prêtres sont tous intimement liés entre eux par la fraternité sacramentelle »21. Le presbyterium est donc l'ensemble des prêtres d'un diocèse réuni autour de l'évêque. Ce qui fait de l'Ordre des prêtres une famille et un corps : le corps où les membres sont liés entre eux par la fraternité sacerdotale. Ce lien est fort, plus fort que notre origine, notre appartenance : linguistique, régionale, ethnique, tribale ou raciale. Ce qui fonde ce lien entre les prêtres et les prêtres avec les évêques c'est le sacrement de l'ordre et rien d'autre. Cela peut nous pousser à s'interroger sur certaines réflexions et expressions de l'heure telles que : « les prêtres venus d'ailleurs ». Au-delà de l'ordination sacerdotale qui fait entrer dans l'ordre du presbytérat, il y a l'affectation au service d'un diocèse en dépendance de l'évêque local qui fait d'un prêtre de manière spéciale un membre d'un autre presbyterium22. Par cette affectation et ce service, ce tiers devient membre à part entière de ce nouveau presbyterium. Dans quelle mesure peut-on alors qualifier les membres à part entière d'un même et unique presbyterium les prêtres venus d'ailleurs ? C'est vrai que cette question advient ici comme un cheveu dans la soupe. Mais elle

19 Mgr Jean-Bosco, Ntep. Avancez au large et jetez les filets. Projet pastoral (2016-2020), Douala (Cameroun), Clamer presse, 2016, p. 31. Désormais pour faire référence à ce projet pastoral, nous mentionnerons simplement : (Propast III). En réalité, si parlons du troisième projet pastoral, cela signifie qu'il y a deux précédents du même auteur. Au cas où un autre projet pastoral sera cité ou évoqué, nous le préciserons. Dans l'introduction de ce document, Mgr jean-Bosco Ntep en sa qualité d'ordinaire du lieu tient à préciser les circonstances et les raisons de la rédaction et de la publication de ce nouveau projet pastoral. Je cite : « Ce projet pastoral a connu de grands moments de la réflexion et de l'activité de l'Eglise, tels que le deuxième Synode spécial pour l'Afrique, Synode sur la Parole de Dieu, pour ne citer que ces deux exemples. Tout cela a conforté la foi et la conviction des pasteurs et des fidèles en l'appel du Seigneur. Le diocèse qui abordait sa deuxième décennie s'est consolidé dans l'organisation et la mise en place de ses structures. Le personnel a évolué en quantité et en qualité. La conscience d'une famille de Dieu qui évite de réduire l'Evangile à un ensemble de textes à lire et à commenter pour les autres, s'est aussi fait ressentir. Tous les fidèles étaient appelés à être destinataires et de l'Evangile » (p.5).

20 Cette expression exprime le lien qui se noue entre les prêtres d'un même presbyterium par l'ordination. C'est ce qui fait d'eux des frères d'une même famille, d'un même diocèse.

21 Concile Vatican II, Décret Presbyterorum ordinis (PO), n. 8.

22 Ibid.

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garde toute son importance et sa pertinence et nécessite d'être approfondie. Quoi qu'on dise, la question de la reconnaissance dans le milieu ecclésial et en l'occurrence au sein des presbyteriums est mise en jeu. Car, c'est au sein des presbyteriums que les hommes devraient plus qu'ailleurs se déterminer par des convictions éthiques pour une vie bonne et réussie. Autrement dit, par leur essence, les presbyteriums devraient être la vitrine, le lieu par excellence où les sujets humains vivent mieux entre eux la reconnaissance réciproque : l'amour, le respect et la solidarité. Cependant, force est de reconnaître qu'au sein des presbyteriums la question de la reconnaissance mutuelle se pose encore avec acuité. Dès lors, devant une telle situation paradoxale, on est en droit de s'interroger : qu'est-ce qui serait à l'origine des luttes entre les membres d'un même presbyterium qui sont supposés plus qu'à jamais et mieux que quiconque se reconnaître mutuellement comme des individus de besoins affectifs, des personnes garantes de droits et des sujets jouissant des qualités et des prestations particulières dans l'optique de leur autoréalisation pour une vie socialement bonne et réussie ?

Le présent travail revêt un double intérêt : heuristique23 et téléologique24. Car, notre objectif est de voir à partir des formes de la reconnaissance mutuelle chez A. Honneth comment certaines valeurs éthiques telles que l'amour, le droit et la solidarité peuvent contribuer à l'intégration sociale des personnes plus concrètement à celle des membres des presbyteriums pour la construction des communautés plus harmonieuses, plus authentiques et plus fraternelles permettant la reconnaissance progressive des identités individuelles en vue de leur réalisation de soi25. Pour ce faire, nous avons opté pour une étude qualitative et d'appropriation basée sur la méthode diachronique dont le point nodal est la lutte pour la reconnaissance chez Honneth qui fait l'objet de notre recherche.

Pour justifier la portée de notre problématique qui est de comprendre et d'expliquer la carence ou l'absence de la reconnaissance qui entrave les rapports mutuels ou d'intégration sociale entre les membres d'un presbyterium au point de faire naître un sentiment de mépris, d'offense ou d'injustice entre eux, vecteur ou déclencheur des luttes pour la reconnaissance. Pour mener à bien notre étude, notre travail sera subdivisé en trois chapitres.

23 Le concept heuristique est l'art de trouver, de découvrir. La méthode heuristique est une réflexion méthodique sur une activité. « L'heuristique se distingue de la méthodologie en ce sens qu'elle est plus une réflexion sur l'activité intellectuelle du chercheur que sur les voies objectives de solution ». Source : CNRTL, consulté le 15 mai 2023.

24 La téléologie est l'étude des fins, de la finalité.

25 Honneth définit la « réalisation de soi » comme étant un point de repère permettant de s'interroger sur un ordre social pour savoir s'il assure à ses membres des possibilités satisfaisantes de formation de l'identité. (Voir, La société du mépris. Vers une nouvelle Théorie critique, p. 179).

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Dans le premier chapitre, il nous revient de prime abord de bien saisir et de mieux cerner la notion de la reconnaissance et de la circonscrire dans le cadre de notre recherche. Car, notre prétention n'est pas d'explorer la théorie de lutte pour la reconnaissance mutuelle dans sa globalité mais à partir de celle-ci répondre à la préoccupation selon laquelle ce qui serait à l'origine des luttes dues au manque de reconnaissance ou à la désapprobation des identités personnelles au sein des presbyteriums dans le but de retrouver l'authentique reconnaissance mutuelle entre les membres. Pour ce faire, il est loisible de mettre en relief les différentes formes d'interaction qui concourent à « la formation de l'identité de la personne tributaire des relations de reconnaissance dont la constitution est forcément de nature intersubjective »26.

En outre, dans le processus de formation des divers degrés d'autonomie, des sujets peuvent être victimes d'un mauvais traitement, faire l'expérience d'un manque, d'une offense ou d'une humiliation donc d'un mépris d'où le déni de reconnaissance. Ce qui fait qu'au second chapitre, nous tenterons de mettre en évidence les différentes figures du mépris social dans les presbyteriums à partir des atteintes à l'intégrité de la personne humaine qui obstrue l'autoréalisation de l'identité individuelle des sujets humains.

Le seul désir du déni de reconnaissance est le désir de reconnaissance. C'est la raison pour laquelle, lorsque les sujets humains sont méconnus par refus ou par privation de reconnaissance ou font l'expérience du mépris, ils sont contraints de s'engager dans le conflit intersubjectif qui correspond au degré de socialisation pour obtenir la reconnaissance de l'autonomie jusque-là non confirmée. C'est ce qui nous amène au dernier chapitre où nous proposons qu'il soit possible pour les presbyteriums de passer de la carence ou de l'absence de reconnaissance à la reconnaissance authentique. Ceci au moyen des valeurs axiologiques proposées par Axel Honneth pour « une vie bonne et réussie » au sein des presbyteriums. Il s'agit : de l'amour, du droit et de la solidarité comme piliers pour la résolution des conflits au sein des presbyteriums.

Cependant, nous verrons si « la reconnaissance de soi par soi » est la seule expression paradigmatique de reconnaissance des sujets humains pour une « vie éthique démocratique »27telle que proposée par Axel Honneth.

26 Honneth, A., La société du mépris Vers une nouvelle théorie critique, op.cit., p. 20.

27 Carré, Louis. Axel Honneth. Le droit de la reconnaissance, Michalon, Paris, 2017, p. 33.

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CHAPITRE I : LA RECONNAISSANCE MUTUELLE ET SES
DIFFERENTES FORMES CHEZ AXEL HONNETH

Le concept de reconnaissance devenu « théorie de la reconnaissance » est une thématique actuelle abordée dans plusieurs registres de la pensée dont les discussions convergentes et divergentes attisent les débats et les recherches. C'est dans cette optique que nous nous inscrivons à cette étude. Aborder une réflexion sur la lutte pour la reconnaissance mérite de cerner cette notion et de la situer dans son contexte. Dans ce premier chapitre consacré à la reconnaissance mutuelle et à ses différentes formes, d'une part, nous nous intéresserons à la compréhension de la notion de lutte pour la reconnaissance chez A. Honneth et ses corollaires, d'autre part, nous présenterons les trois formes d'interaction sociale qui prouvent que les différentes formes de reconnaissance peuvent être rapportées à des différents degrés de la relation pratique de l'individu avec lui-même.

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I. Approche terminologique

Pour comprendre la notion de la lutte pour la reconnaissance, il nous semble important de s'arrêter un instant sur le concept même de reconnaissance.

I.1. Qu'est-ce que la reconnaissance ?

Le mot « reconnaissance » admet plusieurs acceptions. La définition proposée par Louis Carré nous semble facile et complète. Celui-ci dégage une triple signification de ce terme grâce au « Trésor de la langue française ». Pour lui, « reconnaître » et « reconnaissance » peuvent désigner plusieurs choses. La première signification qu'il octroie à ce mot est : « le fait d'« identifier quelqu'un ou quelque chose », la seconde est : « le fait de « reconnaître officiellement l'autorité de, la souveraineté, de reconnaître pour chef, pour maître incontesté », la troisième est « le fait de « se reconnaître mutuellement »28. C'est dans la dernière signification que s'inscrit la vision honnéthienne de la lutte pour la reconnaissance. Cependant, nous estimons encore qu'il est plus logique et judicieux de comprendre cette notion de lutte pour la reconnaissance à partir de Hegel pour bien appréhender la portée chez Honneth.

I.2. L'idée de lutte pour la reconnaissance chez Hegel

Pour Hegel, la notion de reconnaissance est indissociable à celle de la lutte dont l'objectif est de se savoir reconnu ou d'exister aux yeux des autres. En effet, le sujet est un événement éthique dans la mesure où il vise la reconnaissance intersubjective de certaines dimensions de l'individualité humaine29. Quant à la lutte, elle est considérée comme un moyen moral qui permet de passer d'un stade primitif à un stade plus avancé des rapports éthiques. Mais ce n'est pas elle qui procure « la reconnaissance satisfaisante ». La reconnaissance mutuelle tire alors son origine dans la lutte ou le conflit né du déni de reconnaissance ou de toute autre injustice qui désapprouve l'être humain comme une fin en soi ou une personne porteuse d'une valeur morale ou d'une dignité pleine. La lutte pour reconnaissance a pour socle l'intersubjectivité et pour mobile la morale. La lutte dont il est question chez Hegel autant Honneth a une approche sociale mais bien différente de la lutte pour l'existence. Ce qui fait que la formation de l'identité personnelle se construit grâce aux relations de reconnaissance. Il peut

28 Carré, Louis. Axel Honneth. Le droit de la reconnaissance, Michalon, Paris, 2017, p. 33.

29 Honneth, A., La Lutte pour la reconnaissance, op.cit., p. 33.

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donc arriver que le sujet d'action soit reconnu par les autres en vertu de ses affects, de ses besoins, de ses droits, de ses capacités et de ses qualités : il s'agit là de la « reconnaissance active » d'après Paul Ricoeur. Tout de même, la personne peut aussi faire une expérience négative de la reconnaissance ou déni de reconnaissance qui aboutira à la lutte sociale, au point de vouloir d'être reconnu : dans ce cas on parle de la « reconnaissance passive ».

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984