PRELUDE
« La mer est tout ! (...) C'est l'immense
désert où l'homme n'est jamais seul, car il sent frémir la
vie à ses côtés. La mer n'est que le véhicule d'une
surnaturelle et prodigieuse existence , · elle n'est que mouvement et
amour , · c'est l'infini vivant (...) ».
Jules VERNES
II
DEDICACE
A vous, Dieu le tout puissant, source de mon intelligence, de mon
savoir ;
A vous mes très chers parents KWIBE ASSANI Diallo et SAFI
KAPAYA, que ce mémoire soit pour vous une consolation pour tout
sacrifice consenti ;
A vous, très chers frère et soeur ASSANI Serge et
AMINA ASSANI pour votre soutien
moral.
RUPHIN ASSANI Carlos
III
REMERCIEMENTS
En préambule à ce mémoire, nous
souhaiterons adresser nos remerciements les plus sincères aux personnes
qui nous ont apporté leur aide et qui ont contribué à
l'élaboration de ce mémoire ainsi qu'à la réussite
de cette formidable année universitaire.
Nous tenons tout d'abord à remercier sincèrement
le Professeur Thomas Furaha Mwagalwa, qui, en tant que Directeur de
mémoire, s'est toujours montré à l'écoute et
très disponible tout au long de la réalisation de ce
mémoire, ainsi que l'assistant Yves Bwami Kabalama pour l'aide et le
temps qu'il a bien voulu nous consacrer et sans lesquels ce mémoire
n'aurait jamais vu le jour.
Nous tenons ensuite à remercier Sakina Assani Denise,
Nathalie Kwibe, Faradja Kwibe Frank, Béatrice Kwibe, Nelly Assani,
Gabriel Assani et Benjamin Assani... recevez l'expression de notre gratitude si
colossale.
A tous les membres de la Chorale des Enfants Kimbanguistes du
Sud-Kivu « CHOREKI ».
Enfin nous adressons nos plus sincères remerciements
à tous nos proches et amis : Christian Citera, Eliya Kilongo, Mufaume
Bange, Katembo Léon, Jeannette Wilondja, Joséphine Mazungi,
Dieudonné Kwabene, qui nous ont toujours soutenu et encouragé au
cours de la réalisation de ce mémoire.
RUPHIN ASSANI Carlos
IV
SIGLES ET ABREVIATIONS
Al. : Alinéa
Art. Article
C.D.I. : Commission du Droit International
C.I.J. : Cour Internationale de Justice
C.L.P.C. : Commission des Limites du Plateau Continental
C.N.U.D.M. : Convention des Nations Unies sur le Droit de la
Mer
Ibid. : Ibidem
Id. : Idem
Op. Cit. : OEuvre déjà citée
R.D.C : République Démocratique du Congo
ZEE : Zone Economique Exclusive
Z.I.C. : Zone d'Intérêt Commun
1
INTRODUCTION
I. PROBLEMATIQUE
« Par son mystère, son parfum d'aventure, la mer
a, de tout temps, suscité curiosité et passion1
». Désormais, « tous les pays sont concernés par la mer
et les richesses qu'elle renferme. Ils ont, en outre, pris conscience, quelle
que soit leur situation géographique, côtiers ou enclavés,
de l'emprise croissante de cet univers sur leur avenir2 ».
Aussi, chaque Etat se découvre-t-il vocation à la mer. Bien qu'il
soit commun à tous les pays, « l'intérêt porté
aux problèmes maritimes ne doit pas être compris comme exprimant
l'intérêt général. C'est, bien au contraire, une
perspective essentiellement nationaliste que les Etats adoptent pour
régler leurs attitudes et définir des normes nouvelles
appelées à régir les mers3 ».
La convention des Nations Unies sur le droit de la mer, «
véritable charte des mers4 », a fixé les
limites nationales des compétences à l'intérieur
desquelles les Etats côtiers exercent leur souveraineté, leurs
droits souverains et leurs juridictions sur les espaces et les ressources
maritimes. « Si les océans constituent un écosystème
intégré, juridiquement cependant ils sont
désintégrés en plusieurs espaces de juridictions
nationales qui rendent aléatoires les notions de propriété
et de droits souverains sur les ressources océaniques5
». Ainsi, à l'unité physique de la mer s'oppose une
diversité de régimes juridiques qui complique,
théoriquement, le processus de délimitation maritime et la nature
juridique des titres sur les ressources de la mer.
Dans le domaine de l'exploitation du pétrole par
exemple, les difficultés apparaissent lorsque deux Etats ont des
prétentions sur le même gisement pétrolier. Se trouve ainsi
posé la question des ressources marines qui chevauchent le plateau
continental ou la zone économique exclusive des 200 milles marins et
dont l'exploitation est sujette à des requêtes portant sur la
détermination de la frontière maritime. Face à une telle
situation, « les Etats concernés mettent en veilleuse la
problématique de la frontière6 ». Dans ce cas,
ils ont le
1L. LUCCHINI, M. VOELCKEL, Les Etats et la mer
: le nationalisme maritime, in « Documentation
française », Paris, 1978, P. 7.
2 M. MERLE, La clôture de l'espace et le
système international, Paris, P.U.F., 1977, P. 36.
3 L. LUCCHINI, M. VOELCKEL, Op. Cit., P.
9.
4 G. LABRECQUE, Les frontières maritimes
internationales : Géopolitique de la délimitation en mer,
Paris, l'Harmattan, P. 20.
5 Y. CISSE, Droit des espaces maritimes et enjeux
africains, Montréal, Wilson et Lafleur, 2001, P. 10.
6 Idem, Op. Cit., P. 11.
2
choix d'exploiter conjointement la ressource en minimisant la
portée de la frontière maritime qui conserve toutefois sa
pertinence étant entendue que « toute action solidaire pour
protéger, conserver et exploiter rationnellement les ressources du
milieu marin et d'échanger les informations scientifiques
nécessaires, suppose résolus au préalable les
problèmes épineux de souveraineté concernant le
tracé des frontières maritimes7 ». Même
dans un contexte régional d'exploitation des ressources, on admet que
« la coopération régionale n'est mieux servie que si les
questions sur les frontières maritimes sont résolues8
». Ceci suppose que le concept de frontière n'a rien perdu de son
intérêt. Au contraire, il est un élément de
sécurité juridique même si les Etats, face à leurs
impératifs économiques et financiers, peuvent décider de
minimiser son sens et sa portée lorsque l'exploitation des ressources
naturelles partagées est en cause. Cependant, « ces ressources
naturelles n'appellent vraiment l'attention de l'internationaliste que lorsque
leur unicité physique ne correspond pas à une unité
politique eu égard aux reflexes nationalistes qui prennent souvent le
dessus sur la coopération en matière d'exploitation des
ressources de la mer9 ».
Une solution possible à la résolution des
juridictions conflictuelles sur les espaces et les ressources maritimes est la
coopération entre les Etats impliqués. Le problème de la
délimitation des espaces maritimes entre Etats voisins n'échappe
pas à cet impératif de coopération. Ainsi, « qu'il
soit question de l'exploitation des ressources biologiques et minérales,
de la protection des espaces contre la pollution, de la mise en oeuvre des
services maritimes tels que la recherche scientifique marine et le transfert
des techniques, il y a l'obligation de coopérer dans un cadre
bilatéral, régional, sous-régional et même
international10 ».
C'est sur ce fondement que la République
Démocratique du Congo et la République d'Angola, Etats partie
à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ont conclu en
date du 30 juillet 2007, l'accord sur l'exploration et la production des
hydrocarbures dans une zone maritime d'intérêt commun, «
dans une entente plutôt conservatoire des droits de deux Etats en attente
d'un accord définitif portant sur la délimitation de leurs
frontières
7 M. BENNOUNA, La délimitation des
espaces maritimes en Méditerrané, In « Mélange
de la mémoire de Jean Carroz : le droit de la mer », Rome,
Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture, 1987, P.
15.
8 E. FRANCKX, Maritime boundaries and regional
cooperation, Londres, International journal of Estuarine and Coastal Law,
1990, P. 215.
9 P. M., DUPUY, Les ressources naturelles
partagées et ressources de l'humanité, In « Annuaire de
l'AAA : coopération scientifique et technique internationale »,
Vol. 54, La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, 1984, P. 201.
10 P. WEIL, Perspectives du droit de la
délimitation maritime, Paris, Pedone, 1988, P. 200.
3
maritimes11 ». Cependant,
l'objectif de cette recherche est d'analyser la teneur substantielle de
l'accord du 30 juillet 2007. Dans ce cas précis, nous
souhaitons apprécier le sort de cet instrument juridique
bilatéral si jamais les deux Etats parviennent à délimiter
leurs frontières et que la zone maritime dite d'intérêt
commun qu'ils ont identifié sur leur plateau continental soit
située dans les couloirs maritimes de l'un ou l'autre Etat, étant
entendu que l'article 77 paragraphe 3 de la convention des Nations Unies sur le
droit de la mer prévoit que « les droits de l'Etat côtier
sur le plateau continental sont indépendants de toute occupation
effective ou fictive, aussi bien que de toute proclamation
expresse12». Ainsi, pour nous permettre de réaliser
cet objectif, cette étude est axée sur deux questions :
1. Quels sont les droits et les obligations qui incombent aux
Etats côtiers quant à la gestion des ressources marines communes,
notamment les hydrocarbures?
2. L'accord de gestion conjointe des hydrocarbures ne
procède pas à la délimitation maritime et n'est qu'un
arrangement provisoire dit d'administration conjointe entre la RDC et l'Angola.
Quid de l'effectivité de l'accord en cas d'une éventuelle
délimitation maritime qui situerait ladite zone dans le corridor
maritime de l'un ou l'autre Etat ?
II. HYPOTHESES
Sur les espaces maritimes auxquels la convention des Nations
Unies sur le droit de la mer reconnait une souveraineté aux Etats
côtiers, s'y exerce notamment des droits souverains aux fins de
l'exploitation ou exploration des ressources naturelles marines. Au regard de
la mobilité des hydrocarbures en mer, les Etats côtiers ont
l'obligation de préserver une politique de coopération aux fins
d'éviter le risque d'une exploitation préjudiciable ou
exagérée par l'un ou l'autre des Etats
intéressés.
La volonté commune pour l'Angola et la RDC de
promouvoir une coopération économique fructueuse à travers
l'accord sur l'exploration et la production des hydrocarbures ouvrirait la voie
d'accès pour ces deux pays, surtout la RDC, dans un proche avenir au
club des pays producteurs et exportateurs du pétrole.
11 S. BULA-BULA, La question de la
délimitation maritime entre la RDC et l'Angola, [En ligne].
https://www.un.org/deps/los/legislations,
(consulté le 22 mai 2019).
12 Art., 77§3 de la convention des Nations
Unies sur le droit de la mer (CNUDM). [En ligne].
https://www.un.org/.../convention.../unclos
f.pd... (consulté le 02 mars 2019).
13 F. DEPELTEAU, La démarche en sciences
humaines, de la question de départ à la communication des
résultats, Québec, PUF, P. 100.
4
III. CHOIX ET INTERET DU SUJET
Comme l'enseigne Depeltaux, « le choix du sujet
dépend du vécu quotidien d'un chercheur, de sa formation, de son
environnement, le choix est donc subjectif13 ». Le choix de ce
sujet a été motivé par un questionnement qui trouve son
fondement dans la notion de la souveraineté. Nous avons constaté
qu'en Afrique, la majorité des pays sont victimes d'une menace de leur
souveraineté, surtout la République Démocratique du Congo.
Cela serait du soit à la non reconnaissance d'un Etat de ses droits,
soit à l'empiètement par l'Etat voisin sur les droits de l'autre
Etat. C'est ce qui a suscité en nous entant que chercheur, la
curiosité scientifique de chercher à dégager les droits et
obligations des Etats riverains sur la gestion des ressources marines communes
et les attitudes que les Etats doivent opter pour une bonne marche de vie en
communauté.
Le présent travail revêt un double
intérêt : économique et scientifique.
1. Intérêt économique
D'aucun n'édulcore que l'exploitation des
hydrocarbures est une source non négligeable de mobilisation des revenus
et des capitaux dans le sens où ces ressources naturelles peuvent
produire l'énergie pouvant servir aux pays de la région du golfe
de Guinée, dont la RDC et l'Angola font partie de cette région
géographique. Au-delà de la région, les autres
régions du monde présentent aussi le même besoin en
énergie. Cela étant, on peut penser à la commercialisation
des hydrocarbures tirées de l'exploitation conjointe dans d'autres
contrées du monde.
2. Intérêt scientifique
L'étude par nous menée se veut être un
apport à la science de manière générale et au droit
de la mer en particulier, car, elle fait état des solutions possibles au
regard du droit de la mer, de la pratique des Etats côtiers en
général et plus singulièrement de la pratique africaine
dans l'exploitation des ressources naturelles.
5
IV. METHODES ET TECHNIQUES
Pour répondre aux voeux de la méthodologie
scientifique, et surtout dans le but de mener à bon port notre travail,
nous avons fait recours à la méthode juridique dans son approche
herméneutique qui nous a servi à analyser différents
instruments juridiques (conventions, textes légaux, jurisprudence),
pertinents au sujet sous examen.
Toutefois, M. Grawitz estime que : « Les documents
demeurent et permettent l'étude dans le temps, l'évolution, la
contradiction14 ». La technique documentaire nous a permis de
consulter quelques ouvrages, travaux d'études antérieures
concordant évidemment à notre thématique.
V. ETAT DE LA QUESTION
L'analyse de ce sujet a été beaucoup plus
inspiré par les travaux de certains auteurs, notamment l'ouvrage du
professeur Darwin Kambale qui porte sur : « La délimitation
maritime entre la RDC et l'Angola : quelle solution juridique, politique et
économique ? ». L'auteur démontre l'incidence des
traités coloniaux sur la délimitation maritime entre la RDC et
l'Angola, ce qui lui conduit à affirmer l'impertinence du
procédé de négociation choisi par les deux protagonistes
pour régler leur différend. Il plaide enfin pour un
règlement judiciaire du différend devant la cour internationale
de justice. Egalement le Professeur Bula-Bula Sayeman avec son article relatif
à « La question de délimitation maritime entre la RDC et
l'Angola ». L'auteur part de l'analyse contextuel historique du
différend frontalier maritime et essaie de fournir les indications
nécessaires pouvant être prises en compte sur les
délimitations maritimes angolo-congolaises.
Cependant, la spécificité notre travail est
qu'en dehors de toute considération historico-politique du
différend frontalier maritime entre la RDC à l'Angola, nos
analyses portent uniquement sur les effets que pourront produire l'accord
signé entre ces deux Etats sur la gestion des hydrocarbures en cas d'une
délimitation des frontières et qui situera ladite zone faisant
objet d'accord dans le couloir maritime de l'un ou l'autre de deux Etats.
14 M. GRAWITZ, Méthode de recherche en
science sociale, Paris, Dalloz, 2001, P. 350.
6
VI. SUBDIVISION DU TRAVAIL
Outre les considérations introductives et la
conclusion, notre travail comporte deux chapitres subdivisés en sections
et paragraphes. Le premier chapitre traite de la question du régime
juridique applicable à l'exploitation des ressources maritimes communes.
Le deuxième chapitre par contre, porte sur les perspectives critiques de
l'accord de gestion des hydrocarbures dans une zone maritime
d'intérêt commun conclu entre la RDC et l'Angola
7
CHAP.I. REGIME JURIDIQUE APPLICABLE A L'EXPLOITATION
DES RESSOURCES MARITIMES COMMUNES
L'expansionnisme maritime qui habite aujourd'hui la plupart
des Etats côtiers, conduit irrésistiblement à une division
des océans en plusieurs zones ou espaces. Les imbrications permanentes
entre dispositions coutumières et normes exprimant le
développement progressif du droit international, amènent à
définir d'abord les différents espaces maritimes (Section I) et,
ensuite, à étudier le régime juridique relatif à
l'exploitation des ressources maritimes entre Etats voisins (Section II).
Section I. LA DEFINITION JURIDIQUE DES ESPACES
MARITIMES
La convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM)
organise un véritable « dégradé de
compétences» de l'Etat riverain selon le type d'espace
maritime considéré : eaux intérieures, mer territoriale,
zone contiguë, zone économique exclusive et plateau continental.
Mais « les droits de l'Etat riverain dans chacune de ces zones ne sont pas
uniformes et, à mesure que l'on s'éloigne des lignes de
base15 », se produit comme pour ainsi dire « une
décroissance de compétences16 ». Ce qui fait
que certaines zones sont sous juridiction exclusive de l'Etat côtier
(§1), alors que d'autres, la compétence est finalisée ou
fonctionnelle (§2).
§1. LA TERRITORIALISATION DES ESPACES MARITIMES :
LES ZONES SOUS JURIDICTION NATIONALE
A. Les eaux intérieures : souveraineté
de l'Etat riverain 1. La définition des eaux
intérieures
Le territoire maritime le plus naturellement assimilable au
territoire terrestre, demeure celui des eaux intérieures qui baignent
les côtes d'un Etat en deçà de la ligne de base de la mer
territoriale17.
L'Etat côtier exerce sur ces eaux intérieures
toutes les compétences législatives, administratives, judiciaires
et exécutives, sans égard pour un quelconque droit de passage
15 J. MORIN, F. RIGALDIES, D. TURP, Droit
international public, Tome I, Montréal, Ed., Thémis, 1988,
P. 273. 16Q. NGUYEN, P. DAILLIER et A. PELLET, Droit
international public, 3e éd., Paris, LGDJ, 1987, P.
968.
17 Art., 8 de la convention des Nations Unies sur
le droit de la mer (CNUDM). [En ligne].
https://www.un.org/.../convention.../unclos
f.pd... (consulté le 02 mars 2019) ; R. J., DUPUY et D. VIGNES,
Traité du nouveau droit de la mer, Montréal, R.Q.D.I.,
P. 221.
8
inoffensif. Elles comprennent entre autres les ports, rades,
havres, les échancrures des côtes très
découpées et les baies historiques, ainsi que le sol et le
sous-sol de ces zones et l'espace aérien surjacent18.
2. La délimitation et le statut juridique des eaux
intérieures
La question « des limites comme du statut des eaux
intérieures ne posait guère de problèmes aux yeux des
négociateurs, puisque la Convention de 1982 reprend sans
changement notable les dispositions de la convention de Genève de 1958
sur la mer territoriale et la zone contiguë19 ». La
délimitation renvoie à la définition des lignes de base ou
limite extérieure de la mer territoriale. « La ligne de base est la
limite géographique, pour un Etat côtier, qui sépare son
domaine émergé du domaine maritime20 ». « La
ligne de base normale à partir de laquelle est mesurée la largeur
de la mer territoriale est la laisse de basse mer le long de la côte,
telle qu'elle est indiquée sur les cartes marines à grande
échelle reconnues officiellement par l'Etat côtier21
».
Il sied de souligner que la délimitation des eaux
intérieures se conforme à la méthode décrite
à l'article 5 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer,
qui déclare que «La ligne de base normale à partir de
laquelle est mesurée la largeur de la mer territoriale est la laisse de
basse mer le long de la côte, telle qu'elle est indiquée sur les
cartes marines à grande échelle reconnues officiellement par
l'Etat côtier22 ». Les eaux intérieures sont
situées en deçà de ces lignes. Toutefois, « lorsque
la côte présente de trop nombreuses échancrures de
délimitation, à partir de la ligne de base de la laisse de basse
mer, cela peut conduire à une délimitation difficile ou
inéquitable du territoire23 ». Dans pareil cas, les
Etats ont alors recours à la méthode des lignes de base droites.
L'article 7 de la CNUDM prévoit dans quelles circonstances et à
quelles conditions un Etat peut utiliser cette méthode, « qui
consiste essentiellement à tracer la ligne de partage à partir
des points appropriés choisis sur la ligne de la laisse de basse
mer24 ». C'est notamment si « la côte est
profondément échancrée et
18 CNUDM, Art. 9.
19 F. RIGALDIES, L'entrée en vigueur de
la convention de 1982 sur le droit de la mer : enfin le consensus, in
« Revue juridique Thémis », Montréal, 1990, P. 10.
20www.
https://fr.m.wikipedia.fr.
(Consulté le 26 juin 2019).
21 CNUDM., art. 5.
22 Ibidem.
23L. GUIBAUT, Statut des espaces maritimes
intéressant le Québec en droit international et en droit
constitutionnel, Montréal, R.Q.D.I., 1988, P. 128.
, ARBOUR, Droit international public, Genève,
Ed., Yvon Blais, 1985, P. 333.
24 J. M.
9
découpée, ou s'il existe un chapelet
d'îles le long de la côte, à proximité
immédiate de celle-ci25 ».
Le choix de l'une ou de l'autre méthode est
laissé à la discrétion de l'Etat concerné, «
pourvu que le tracé de ces lignes de base droites ne s'écarte
sensiblement de la direction de la côte et que les étendues de mer
situées en deçà soient suffisamment reliées au
domaine terrestre pour être soumises au régime des eaux
intérieures26 ». Cette discrétion a d'ailleurs
fait dire à O. De Ferron que « l'étendue des eaux
intérieures varie en fonction de cette ligne de base, qu'elle peut
augmenter ou diminuer selon que l'on adopte le système de la ligne de
base normale ou celui des lignes de base droites27 ». Non
seulement le choix de la méthode de délimitation influence la
superficie du territoire revendiqué, mais il permet également
à l'Etat côtier d'établir son emprise souveraine sur des
plus vastes espaces maritimes.
B. La mer territoriale : souveraineté des
Etats riverains et droits des Etats tiers 1. Définition de
la mer territoriale
a. Notion
L'article 2 de la convention de Montego Bay, qui reprend les
termes de la convention de Genève sur la mer territoriale et la zone
contiguë (articles 1 et 2) précise que « La
souveraineté de l'Etat côtier s'étend au-delà de son
territoire et de ses eaux intérieures et dans le cas d'un Etat archipel,
de ses eaux archipélagiques, à une zone de mer adjacente
désignée sous le nom de mer territoriale28 ». La
mer territoriale est donc « une zone adjacente aux côtes de l'Etat,
apparue dans la pratique internationale au tournant des 17e et
18e siècle pour des raisons de
sécurité29 ».
b. La délimitation de la mer territoriale
Zone hautement stratégique, « puisqu'elle se
trouve à proximité des côtes, la mer territoriale
était, déjà au 18e siècle, fixée
à une largeur de 3 milles marins. Si cette largeur traditionnelle de 3
milles est privilégié encore dans nos jours par certains pays,
c'est celle de 12 milles marins que la majorité des Etats adoptent
conformément aux dispositions de la
25 CNUDM, art. 7.
26 Id., art., 17 §3, voir également
l'affaire des pêcheries anglo-norvégiennes (Royaume Uni contre
Norvège), CIJ, Recueil, 1951, P. 116.
27 O. DE FERRON, Droit international de la mer,
Tome I, Genève, Minard, 1958, P. 33.
28 Articles 1 § 1 de la convention de
Genève sur la mer territoriale et la zone contiguë et 2 § 1 de
la CNUDM.
29 J. COMBACAU et S. SUR, Droit international
public, 11e éd., Paris, Montchrestien, LGDJ, 2014, P.
405.
10
convention des Nations Unies sur le droit de la
mer30 ». De ce fait, la largeur maximale de la mer territoriale
est fixée par l'article 3 de la convention des Nations Unies sur le
droit de la mer qui stipule : «Tout Etat a le droit de fixer la largeur de
sa mer territoriale. Cette largeur ne dépasse pas 12 milles marins
mesurés à partir de lignes de base établies
conformément à la convention31 ». Aisée
à mettre en oeuvre dans les côtes rectilignes, la
méthode est difficile à appliquer dans les cas de côtes
échancrées ou bordées d'îlots, c'est la raison pour
laquelle plusieurs Etats ont préféré le système des
lignes de base droite reliant les points appropriés selon les termes
utilisés par la CIJ en 1951 dans l'affaire des pêcheries
anglo-norvégiennes32.
A cet égard, il est important de souligner que la
délimitation de la mer territoriale est faite en tenant compte de deux
lignes fondamentales. La première de ces lignes est connue sous le nom
de ligne de base normale et est définie comme « celle qui suit la
route d'une côte en question à marée basse33
». La seconde est celle qui, à son tour, s'appelle une ligne
droite. « Ce nom inclut le tracé des lignes droites reliant les
points de repère spécifiques de la côte, s'il a une
série d'ouvertures d'un caractère profond34 ».
2. Le régime juridique de la mer territoriale a.
Principe de la souveraineté de l'État côtier
Le régime juridique de la mer territoriale
obéît au principe de souveraineté de l'Etat côtier
35 . Cette souveraineté s'étend également
à l'espace aérien au-dessus de la mer territoriale, ainsi qu'au
fond de cette mer et à son sous-sol36. Il résulte de
ces dispositions que l'Etat côtier exerce des compétences
exclusives tant au point de vue économique (pêche, exploitation
des ressources minérales), qu'en matière de police (navigation,
douane, santé publique, protection de l'environnement,
sécurité en mer territoriale. Les formules employées pour
la désigner ne laissent pas de doute sur son appartenance au territoire
de l'Etat : outre l'adjectif qui la qualifie, elle est postulée par
l'affirmation, entachée de la même impropriété que
celle qui concerne l'espace aérien selon laquelle « la
souveraineté de l'Etat côtier s'étend
30G. LABRECQUE, La frontière maritime du
Québec dans le golfe du Saint-Laurent, in « Cahier de
géographie du Québec », Montréal, 1993, P. 190.
31 CNUDM, Art. 3.
32 Affaire des pêcheries
anglo-norvégiennes (Royaume Uni contre Norvège), C.I.J., Recueil
1951, P. 116.
33 L. GUIBAULT, Op.Cit., P. 149.
34 Ibid.
35 CNUDM, art., 2.
36 Id., art., 2§2.
11
au-delà de son territoire et de ses eaux
intérieures, à la zone en question37 ». En ce
sens, « la mer territoriale s'intègre dans le territoire de
l'Etat38 ». Cependant, le droit international
impose à l'Etat le respect des droits reconnus aux Etats tiers,
au-delà de ceux admis dans les eaux intérieures.
b. Le droit de passage inoffensif en mer territoriale
1° Principe
La limitation que le droit international coutumier impose
à l'Etat côtier découle du droit de passage inoffensif des
navires étrangers dans sa mer territoriale. Déjà
codifié par le statut de Barcelone de 1921 (art. 2), ce droit est
aujourd'hui réglementé par les articles 14 à 23 de la
première convention de Genève et les articles 17 à 32 de
la convention de Montego Bay. Ainsi donc, « les navires les Etats,
côtiers ou non, jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer
territoriale, aux fins de la traverser sans entrer dans les eaux
intérieures ni faire escale dans une rade ou une installation portuaire
située en dehors des eaux intérieures, ou se rendre dans les eaux
intérieures ou les quitter, ou faire escale dans une telle rade ou
installation portuaire ou la quitter39 ».
Le passage doit, en principe, être « continu et
rapide » mais le stoppage et le mouillage constituent des droits pour
le navire de passage à condition qu'ils soient des « incidents
ordinaires de navigation » ou soient justifiés par la force
majeure ou une situation de détresse ou encore qu'ils aient pour but de
porter secours à des personnes, des navires ou des aéronefs en
danger (art.18 § 2 de la convention sur le droit de la mer). Cependant, ce
droit de passage inoffensif connait toutefois des limitations. Aux termes des
articles 16 § 3, de la Convention de 1958 et 25 § 3, de celle de
1982, l'État côtier peut suspendre le passage inoffensif des
navires étrangers, mais cette suspension doit être temporaire et
dûment publiée. Cette dernière « ne doit porter que
sur des zones déterminées de sa mer territoriale, être
établie sans discrimination et être indispensable pour
assurer sa sécurité. La convention de Montego Bay précise
: entre autres pour lui permettre de procéder à des exercices
d'armes»40.
37 J. COMBACAU et S. SUR, Op. Cit., P.
405.
38 S. LESSEDJINA, Droit maritime et
éléments de droit fluvial, Tome I, PUC, Kinshasa, 2003,
P.44.
39F. CLARK, Différence entre passage
inoffensif et passage en transit, [En ligne] sur
https://medium.com (consulté le
13 mai 2019).
40CNUDM, Art. 25 §3.
12
2° Règles applicables aux différentes
catégories de navires
Conformément à une règle
coutumière bien établie, « l'État côtier
peut prendre, dans sa mer territoriale, les mesures nécessaires pour
empêcher tout passage qui n'est pas inoffensif41 ».
Ces mesures sont cependant différentes selon qu'il s'agit des navires
marchands ou des navires d'États utilisés à des fins non
commerciales. L'État côtier dispose à l'égard des
premiers, des pouvoirs plus limités que dans ses eaux intérieurs,
mais encore très considérables. Reprenant presque en tous points
les règles prévues par la convention de Genève (art.19
à 21), la Convention de Montego Bay fait une distinction entre
l'exercice des juridictions pénale et civile. « L'État
côtier se trouve beaucoup plus démuni à l'égard des
infractions commises par un navire d'État utilisé à des
fins non commerciales42 » qui
bénéficient des immunités de l'État étranger
(art. 32 de la CNUDM) et qu'il ne peut ni arraisonner ni dérouter.
En outre, la Convention de Montego Bay précise que :
« Si un navire de guerre ne respecte pas les lois et règlements de
l'État côtier relatif au passage dans la mer territoriale et passe
outre à la demande qui lui est faite de s'y conformer, l'État
côtier peut exiger que ce navire quitte immédiatement la mer
territoriale43 ». Il découle en effet de l'analyse de
cet article que la convention sous analyse dissocie les navires de guerre des
autres navires d'État, peut être pour restreindre au maximum une
dérogation aux pouvoirs habituels du souverain territorial
justifiée surtout par le souci de prévenir un incident militaire.
D'autre part, la convention précise que l'État du pavillon est
responsable des dommages que ses navires de guerre peuvent causer à
l'État côtier du fait de l'inobservation des lois et
règlements de celui-ci ou du droit international (art. 31). Ceci n'est
qu'une application des règles générales relatives à
la responsabilité internationale de l'État du fait du
fonctionnement de ses services publics.
§2. LES ZONES MARITIMES DE COMPETENCE
FINALISEE
Ces espaces maritimes sont constitués par les zones
comprises entre la mer territoriale d'un Etat et la haute mer. L'Etat qui
revendique la compétence sur ces espaces n'y acquiert qu'une
compétence fonctionnelle, attribuée par l'une ou l'autre des
conventions internationales. Depuis la convention de Montego Bay, « un
Etat côtier peut exercer cette
41 P. DAILLIER et A. PELLET, Droit international
public, Paris, L.G.D.J., 2002, P. 1163.
42 F. CLARK, Op. Cit. 43CNUDM,
art., 30.
13
compétence à l'intérieur d'une
étendue de 200 milles marins au-delà des lignes de base droites,
étendue qui englobe les ressources minérales et biologiques dans
les eaux sur jacentes44 ». L'Etat peut également exercer
cette compétence sur le sol et le sous-sol du plateau continental. Ces
espaces maritimes compris entre la mer territoriale et la haute mer sont : la
zone contiguë, la zone économique exclusive et le plateau
continental.
A. La zone contiguë
Le premier espace maritime soumis à la
compétence fonctionnelle d'un Etat est une surface d'eau
s'étendant à une distance maximale de 24 milles marins, à
partir des lignes de bases45. Selon le régime juridique
applicable à la zone contiguë, le pouvoir de réglementation
de l'Etat côtier ne vise que la prévention légale des
infractions aux lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou
d'immigration sur son territoire ou dans sa mer territoriale et dans ces
limites, la répression des infractions à ces mêmes lois et
règlements46. Cet espace ne peut être assimilé
à la mer territoriale. L'article 24 de la convention de Genève
sur la mer territoriale et la zone contiguë énonce en ces termes
les droits que peuvent y faire valoir les Etats riverains : sur une zone de la
haute mer contiguë à sa mer territoriale, l'Etat riverain peut
exercer le contrôle nécessaire en vue :
? de prévenir les contraventions à ses lois de
police douanière, fiscale, sanitaire ou d'immigration sur son territoire
ou dans sa mer territoriale ;
? de réprimer les contraventions à ces
mêmes lois, commises sur son territoire ou dans sa mer territoriale.
Il ressort de cette disposition que l'Etat ne peut rechercher,
dans la zone contiguë, que les auteurs d'infractions commises dans ses
eaux territoriales et que par conséquent, « il ne s'agit plus
à proprement parler, dans ce cas, de compétence territoriale,
mais d'un droit exceptionnel que se reconnaissent mutuellement les Etats en
haute mer [...j,47 ». Certains auteurs estiment que «
la zone contiguë forme une zone de transition entre le régime
étatique de la mer territoriale et le régime de liberté
complète de la haute mer48 ».Une disposition
exceptionnelle accorde en outre à l'Etat le contrôle
nécessaire en matière d'enlèvement
44 L. GUIBAUT, Op. Cit., P. 133.
45CNDUM, art. 33§2 ; ce qui revient à dire
que l'Etat côtier exerce un contrôle limité sur une largeur
de 12
milles marins en plus des douze premiers milles marins de mer
territoriale sur lesquels il a le contrôle absolu,
sauf en ce qui a trait au libre passage inoffensif.
46Id., art. 33§1a) et b) ; et convention de
Genève de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë, art.,
24.
47 J. Y., MORIN, Op. Cit., P. 83.
48Q. NGUYEN, P. DAILLIER et A. PELLET, Op. Cit.,
P. 987.
14
d'objets archéologiques et historiques
découverts au fond de la mer, dans la zone contiguë, mais sans
préjudice des droits de propriétaires
identifiables49.
B. La zone économique exclusive
1. Régime juridique de la zone économique
exclusive
« Appelée aussi zone des 200 milles dans les cas,
où la situation géographique le permet, ou encore zone de
pêche si l'Etat côtier n'entend exercer des activités que
dans ce seul domaine, la zone économique lui accorde une juridiction
exclusive, outre l'exploration et l'exploitation des ressources biologiques et
non biologiques, dans des domaines comme la recherche scientifique, production
d'énergie à partir de l'eau, etc.50 ». Issue des
concepts zone de pêche exclusive et de plateau continental, « la
zone économique exclusive constitue le deuxième espace maritime
adjacent à la mer territoriale sur lequel l'Etat peut exercer des
compétences fonctionnelles51 ».
A l'instar de la zone de pêche et du plateau
continental, « la zone économique exclusive vise à
conférer à l'Etat côtier un droit exclusif sur les
pêcheries et à assurer la protection des espaces marines de la
zone de pêche, ainsi que du sol et du sous-sol du plateau
continental52 ». L'existence d'une telle compétence
relativement à la zone de pêche exclusive est née de la
pratique des Etats, puis a été confirmée par la cour
internationale de justice dans l'affaire de la compétence en
matière des pêcheries (Royaume Uni contre. Islande)
dans les termes suivants : « L'évolution du droit s'est
poursuivie par la pratique des Etats dans la ligne des débats de la
conférence et des accords auxquels on avait presque aboutit. Deux
notions se sont cristallisées ces dernières années en
droit coutumier par l'effet de l'assentiment général apparu
à cette conférence. La première est la notion de zone de
pêche, zone à l'intérieure de laquelle un Etat peut
prétendre une compétence exclusive en matière de
pêcheries indépendamment de sa mer territoriale ; l'extension de
cette zone de pêche jusqu'à une limite de 12 milles marins
à partir des lignes de base semble désormais
généralement acceptée53 ».
49 CNUDM., art., 303.
50G. LABRECQUE, Op. Cit., P. 192.
51L. GUIBAUT, Op. Cit., P. 135.
52 D. J., HARRIS, Cases and materials on
international law, 3eéd., Londres, Sweet et Maxwell,
1983, P. 347. 53Affaire de compétence en matière de
pêcheries (République Fédérale d'Allemagne c.
Islande), C.I.J., Recueil 1974, P. 3, à la P. 23.
15
Codifié par la convention de 1982, le
régime applicable à la zone économique exclusive accorde
des droits « souverains » aux Etats côtiers jusqu'à la
distance de 200 milles marins du rivage sur les eaux sur jacentes, le sol et le
sous-sol. Les dispositions de la convention de Montego Bay énoncent
entre autres que l'Etat côtier doit permettre la libre utilisation des
mers par les Etats tiers, en autorisant la navigation, le survol,
l'installation de câbles et de pipe-lines sous-marins54. De
même, les autres Etats doivent tenir dûment compte « des
droits et des obligations de l'Etat côtier et respecter les lois et
règlements adoptés par celui-ci conformément aux
dispositions de la convention et [...] aux autres règles de droit
international55 ».
Le régime juridique s'applique aujourd'hui sur les eaux
sur jacentes ainsi que sur le sol et sous-sol de la zone économique. La
création de la ZEE par la convention de Montego Bay a engendré
une rapide propagation de l'appropriation des espaces maritimes, et par la
même occasion a « entraîné une multiplication des
litiges56». En effet, l'instauration des ZEE a
été un processus particulièrement litigieux du fait de la
spécificité de certaines côtes. C'est par exemple le cas
lorsque les côtes sont adjacentes, ou se font face, la
délimitation des ZEE respectives des États étant
problématique.
2. Délimitation de la zone économique exclusive
L'article 74 de la convention des Nations unies sur le droit
de la mer dispose que : « La délimitation de la zone
économique exclusive entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou
se font face est effectuée par voie d'accord conformément au
droit international tel qu'il est visé à l'article 38 du Statut
de la Cour internationale de Justice, afin d'aboutir à une solution
équitable57 ». « La pratique des Etats en
matière de délimitation de la zone économique exclusive
fait état d'une quinzaine d'accords bilatéraux signés
à ce jour. Certains parmi ces accords disposent que la limite de la zone
économique est une ligne médiane ou d'équidistance ;
d'autres par contre font référence aux principes
équitables et un prévoit que la délimitation doit se faire
en conformité avec le droit international58 ». Il est
évident que cette pratique « n'est ni uniforme ni constante, de
sorte qu'on ne saurait en tirer des conclusions sur le plan coutumier. Il
n'existe pas non plus, en la matière, une jurisprudence
54CNUDM., art., 58 § 1.
55 Id., art., 58 § 3.
56 S. ROSIERE, Dictionnaire de l'espace politique,
Paris, éd. Armand Colin, 2008, P. 309.
57 CNUDM, art. 74.
58 H. DIPLA, Le régime juridique des
îles dans le droit international de la mer, OpenEditions,
Genève, 2018, P. 224.
16
qui aurait contribué à la formation d'une
règle coutumière59 ». A l'heure actuelle, il
importe d'esquisser que la condition posée par l'art 74 de la convention
sous espèce n'a aucune portée pratique puisque, il n'existe pas
de règles du droit des gens relatives à la délimitation de
la zone économique exclusive. « L'unique condition qui doit
ainsi être observée est celle qui prescrit que le contenu de ces
accords doit être équitable.60 ».
C. Le plateau continental : la consécration juridique
d'une notion géographique
Le dernier espace maritime concédé à la
souveraineté fonctionnelle de l'Etat riverain est issu de la
transposition en droit d'un concept géologique. « Le plateau
continental est un prolongement de la masse terrestre sous l'eau, formant un
socle qui précède les plaines abyssales61 ».
Cette définition a été réétudiée,
puis incorporée dans la convention sur le plateau continental de 1958.
La définition du plateau continental a été de nouveau
modifiée lors des discussions menant à la rédaction de la
convention de 1982, afin d'élargir l'étendue que peut
revendiquer une Etat. L'article 76 énonce que dorénavant : «
Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds marins et leur
sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étendue du
prolongement naturel du territoire terrestre de cet Etat jusqu'au rebord
externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200 milles marins des
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la
mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve
à une distance inférieure62 ». Les paragraphes
subséquents de l'article 76 de la convention de 1982 instaurent
d'ailleurs un nouveau mode d'évaluation de l'étendue du plateau
continental, y compris la méthode de délimitation du plateau
continental entre les Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font
face63.
1. Régime juridique du plateau continental
L'Etat côtier peut exercer des droits exclusifs aux fins
d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles qui se trouvent sur
le sol et le sous-sol du plateau, ce qui inclut « les ressources
minérales et autres ressources non biologiques [...] ainsi que les
organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires,
c'est-à-dire les organismes qui, au stade où ils peuvent
être pêchés, sont soit immobiles sur le fond ou au-dessus du
fond, soit incapables de se déplacer autrement qu'en restant constamment
en contact avec le fond ou le sous-
59 H. DIPLA, Op. Cit., P. 225.
60 Ibid.
61 J. M., ARBOUR, Op. Cit., P. 348.
62 CNUDM, art. 76.
63 Id., art., 83.
17
sol64 ». Le droit d'explorer et d'exploiter
les ressources du plateau continental englobe également le droit d'y
installer des câbles et pipe-lines sous marins, des îles
artificielles, ou des plateaux de forage65. « Les Etats
côtiers conservent le droit d'exploiter le sous-sol en creusant des
galeries, quelle que soit par ailleurs la profondeur des eaux à
l'endroit considéré66 ». Un Etat côtier
disposant le plateau continental a également « le droit d'exercer
son contrôle et sa compétence sur les ressources naturelles du
plateau continental qui semble lui appartenir naturellement67
».
L'étendue du plateau continental sur laquelle un Etat
côtier peut exercer des droits exclusifs se limite aux 200 milles marins
au-delà des lignes de base droites à partir desquelles est
établie la largeur de la mer territoriale, qu'il s'agisse de
l'extrémité de la zone de pêche exclusive, de la zone
économique exclusive ou du plateau continental. Au-delà de cette
limite s'étend la haute mer où se pratique la liberté de
navigation, de survol, de pêche, de recherche scientifique et
d'installation de câbles et de pipe-lines. Seul le droit de poursuite de
navires étrangers ayant contrevenu aux lois et règlements de
l'Etat côtier subsiste en haute mer en tant que compétence
fonctionnelle des Etats côtiers68.
2. Délimitation du plateau continental
a. La délimitation en deçà de 200 milles
marins
La délimitation ne fait appel qu'au seul
critère de distance auquel se rajoute éventuellement une
problématique de délimitation avec des Etats voisins. Dans ce
cas, les Etats ne sont pas tenus de déposer un dossier auprès de
la commission des limites du plateau continental.
b. Le plateau continental étendu au-delà des 200
milles marins
« Le tracé de la limite extérieure du
plateau continental étendu a une importance singulière au sein du
nouveau droit de la mer. Il est la première procédure de
définition spatiale qui réunit, à l'international, la
participation et l'intérêt d'autant d'Etats dans un temps
64 CNUDM., art., 77.
65 Id., art., 79, 80 et 81.
66 L. GUIBAULT, Op. Cit., P. 138.
67 D. ROY, Le plateau continental juridique :
la surprenante pratique canadienne concernant l'exploitation des hydrocarbures
sur le plateau continental de la côte atlantique, in « Revue
générale de droit international», Montréal, 2009, P.
334.
68 CNUDM, art., 111.
18
aussi court69 ». Ainsi, « un Etat
souhaitant revendiquer une extension de son plateau continental se doit
d'apporter la preuve à la commission des limites du plateau continental
que le prolongement de sa masse terrestre (la marge continentale) va
au-delà des 200 milles marins70 ». L'Etat côtier
propose des limites à la commission et cette dernière émet
des recommandations sur le tracé et les méthodes suivies par
l'Etat côtier. Les limites fixées par un Etat côtier sur la
base de ces recommandations sont définitives et de caractère
obligatoire71. L'objectif de la fixation des limites externes du
plateau continental consiste bien évidemment à limiter
l'extension de la juridiction des États côtiers concernés
par la présence d'un plateau continental. Ainsi, l'idée de la
création d'une commission d'analyse des données scientifiques du
plateau continental est apparue lors de la convention de Montego Bay. La
Commission des limites du plateau continental (CLPC en sigle) est un des trois
organes qui fut créé par la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer. La Commission fut créée par l'article 1 de
l'annexe II de ladite Convention. Les deux autres organes étant le
Tribunal international du droit de la mer (TIDM) et l'Organisation
internationale des fonds marins (OIFM).
Section II. REGIME JURIDIQUE RELATIF A L'EXPLOITATION
DES RESSOURCES MARITIMES ENTRE ETATS ADJACENTS
Les ressources naturelles étant une potentialité
énorme de production des richesses pour un Etat, d'autres
présentent des caractéristiques particulières du point de
vue de leur positionnement géographique qui fait que certains gisements
des ressources maritimes se trouvent à cheval entre deux ou plusieurs
Etats. Cette position géographique a d'incidence sur l'exploitation d'un
tel gisement. La présente section parlera ainsi de la frontière
maritime et les conséquences de sa non définition sur le
régime juridique des gisements pétroliers transfrontaliers
(§1) et de l'exploitation commune des ressources transfrontalières
: du régionalisme maritime à l'essor du développement
conjoint (§2).
69J. M., TASSIN, Les défis d'extension
du plateau continental : la consécration d'un nouveau rapport de l'Etat
à son territoire, Paris, Pedone, P. 384.
70F. BIZET et J. S., PONROY,
Délimitations maritimes et extension du plateau continental,
In, « Revue Xyz », n° 96, Lyon, 2003.
71CNUDM, art. 76 § 8.
19
§1. LA FRONTIERE MARITIME ET LES CONSEQUENCES DE
SA NON DEFINITION SUR LE REGIME JURIDIQUE DES GISEMENTS PETROLIERS
TRANSFRONTALIERS
A. Définition et régime juridique de la
frontière maritime
La frontière internationale des Etats, à
l'époque moderne, est généralement conçue comme
« une ligne continue, fixe, séparant et délimitant deux
territoires étatiques adjacents72 ». Cette conception,
étroitement adaptée aux frontières terrestres des Etats,
n'est pas transposable à leurs frontières maritimes.
Déjà, en droit de la mer « classique », la mer
territoriale, en tant qu'espace soumis à la souveraineté
territoriale de l'Etat côtier, était considérée
comme la « frontière maritime » de celui-ci. «
Le régime frontalier s'applique, non pas simplement à
l'entrée ou à la sortie de la mer territoriale, mais sur toute la
zone qu'elle constitue, sous réserve du respect du droit de passage
inoffensif dont bénéficie tout pavillon étranger dans les
conditions requises par le droit international public73 ». Le
développement de l'emprise côtière a donc provoqué
un dédoublement ou un démembrement de la frontière
maritime en plusieurs limites spécifiques, concrétisant
l'émiettement des compétences frontalières, autrefois
concentrées dans la mer territoriale et bornées par sa limite
extérieure. Cette « ventilation sur un vaste espace
côtier national explique l'impossibilité d'une conception
linéaire de la frontière maritime de l'Etat. Mais le
recours à la notion de frontière-zone correspond ici à une
réalité géographique précise et à des
utilisations originales du milieu marin côtier dont découlent des
effets juridiques identifiables et effectifs74 ».
Cependant, « la caractéristique principale de la
frontière maritime, par rapport à la frontière terrestre,
demeure sa mobilité, son instabilité chronique et
peut-être, irréductible sinon par résorption de tout
l'espace disponible. La principale raison est, sans doute, politique : au large
de sa mer territoriale l'Etat côtier ne rencontre pas d'autre
souveraineté exclusive lorsque ses intérêts le portent
à étendre son emprise75 ». « Mais, la
certitude est venue des techniques géométriques (lignes de basses
droites) ou des évaluations chiffrées (distances exprimées
en milles marins). Cependant, l'emploi de telle ou telle méthode
dépend du résultat que l'Etat veut obtenir : s'il est
dépourvu d'un large plateau continental, il optera pour le
critère de la distance. A l'inverse, s'il bénéficie d'une
vaste plate-forme continentale, il refusera de renoncer au critère de
l'exploitabilité ou se prononcera pour le critère
géologique.
72P. REUTER, Droit international public,
Paris, P.U.F., 1976, P.176.
73 G. APOLLIS, Op. Cit., P. 14.
74 Ibid.
75C. CHAUMONT, Cours général de
droit international public, Paris, R.C.A.D.L., 1970, P. 422.
20
S'il possède des îles, il adoptera le
système des lignes de base droites. Si son littoral forme des baies, il
invoquera des titres historiques, etc. D'une façon
générale, tous les arguments sont avancés dans le but
d'accroître l'emprise côtière76 ». On
appréciera donc essentiellement le dynamisme des frontières
maritimes à travers l'étude des limites externes de
l'emprise côtière, que l'expansionnisme politique des Etats a
porté à des distances et des profondeurs insoupçonnables
au début de ce siècle.
B. Les conséquences de l'absence des
frontières maritimes définies sur le régime juridique des
gisements pétroliers transfrontaliers
Le pétrole se retrouve de façon
générale lorsqu'il est en offshore dans les plateaux
continentaux, « ceux-ci constituent d'ailleurs la zone maritime qui
dispose de gisements plus dispersés en comparaison avec la
répartition des gisements terrestres77 ». La Convention
de Montego Bay de 1982 définit ainsi le plateau continental dans le
paragraphe 1 en son article 76 : « Le plateau continental d'un Etat
côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa
mer territoriale, sur toute l'étendue du prolongement naturel du
territoire terrestre de cet Etat jusqu'au rebord externe de la marge
continentale, ou jusqu'à 200 milles marins des lignes de base à
partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque
le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance
inférieure78». Sur cet espace maritime, tout comme sur
la zone économique exclusive, un certain nombre de droits, dits droits
souverains, sont reconnus à l'Etat côtier. Il s'agit en fait d'une
« compétence d'attribution, de nature
fonctionnelle79 ». Puisque selon l'article 77 paragraphe 1
de la Convention, l'Etat côtier ne dispose pas d'une pleine
souveraineté sur son plateau continental. Sur cet aspect, la
souveraineté pleine sur le plateau continental signifierait que l'Etat
« exerçât l'ensemble ou l'essentiel des compétences
qu'intègre ce concept, aussi étendues que sur son territoire
terrestre, ses eaux intérieures ou sa mer territoriale ». C'est
dans ce sens qu'il ressort de l'article 77 paragraphe 1 de la Convention que :
« L'Etat côtier exerce des droits souverains sur le plateau
continental aux fins de son exploration et de l'exploitation de ses ressources
naturelles80 ».
Néanmoins, il arrive que les plateaux continentaux se
chevauchent ou que deux Etats partagent un même plateau continental pour
ainsi dire et par conséquent la même nappe de
76 G. APOLLIS, Op. Cit., P. 16.
77 J. P., BEURIER, Droits maritimes, Paris,
Dalloz, 2e éd., 2010, P. 1086.
78 CNUDM, art., 76.
79 J. P., PANCRACIO, Droit de la mer, Paris,
Dalloz, 2010, P. 200.
80 Id., P. 203.
21
pétrolière. Il ne s'agît alors plus d'un
Etat côtier, mais de deux Etats qui ont chacun des prétentions sur
la manne pétrolière. Ils ne peuvent exercer les droits
énoncés ci-dessus sans que l'un ou l'autre ne les conteste. C'est
alors que l'on cherche à procéder à une
délimitation. Mais celle-ci n'est toujours pas aisée car les
Etats n'ont pas pour ambition première de répartir les ressources
mais bien de maximiser le potentiel de leur économie en gérant
l'entièreté des ressources disponibles.
C'est ce qui explique l'abondance de la jurisprudence en
matière délimitation du plateau continental, depuis l'Affaire
du plateau continental de la mer du Nord du 20 février 1969 ; car
comme nous le soulignions, bien que les Etats ne le mettent que rarement en
avant, il s'agît presque toujours de manière sous-jacente des
ressources naturelles. Ainsi, dans le cas d'une absence de frontières
maritimes clairement établies dans le Golfe de Guinée les Etats
côtiers se heurtent sans cesse à cette difficulté, c'est la
situation concrète du différend frontalier maritime opposant la
RDC à l'Angola. Ils se retrouvent dans l'incapacité d'exploiter
les ressources pétrolières transfrontalières de
façon unilatérale. Ce qui les conduit généralement
à opter pour une exploitation commune.
§2. EXPLOITATION COMMUNE DES RESSOURCES
TRANSFRONTALIERES : DU REGIONALISME MARITIME A L'ESSOR DU DEVELOPPEMENT
CONJOINT
« L'extension des limites offshore sous juridiction
des Etats côtiers est un acte de souveraineté continue sur les
espaces maritimes contigus aux territoires terrestres81 ».
Mais cet élargissement fonctionnel des zones marines et sous-marines
s'accompagne généralement par des revendications concurrentes sur
les ressources et explique, dans une large mesure, les nombreux contentieux de
délimitation maritime entre Etats côtiers. L'exploration et
l'exploitation des gisements transfrontaliers de pétrole ou de gaz
s'inscrivent dans ce cadre conflictuel. Entant que ressources partagées
et nécessitant une coopération entre Etats concernés, ces
gisements posent des problèmes quant à leur régime
juridique et plus particulièrement leur délimitation (A).
Cependant, la pratique des Etats a fait émerger une solution pragmatique
: la zone de développement conjoint (B).
81 P. WEIL, Op. Cit., P. 275.
22
A. Régime juridique et délimitation des
gisements transfrontaliers
Les prospections pétrolières en cours et
à venir alimentent déjà les ressentiments des pays et les
tensions frontalières. La convention des Nations Unies sur le droit de
la mer de 1982, consacre une notable extension de la juridiction des Etats en
mer en procédant à une territorialisation des espaces «
jadis teintés du sceau de l'international au travers d'un zonage
juridique de la mer aboutissant ainsi à une double subdivision en
espaces maritimes sous juridiction nationale (eaux intérieures, mer
territoriale, zone contigüe, zone économique exclusive et plateau
continental) et ceux internationalisés (haute mer et zone)82
». Elle fixe les limites nationales des compétences à
l'intérieur desquelles les Etats côtiers exercent leur
souveraineté, leurs droits souverains et leurs juridictions sur les
espaces et les ressources maritimes. Mais, « lorsque l'on tente
d'établir une relation juridique entre la ressource marquée par
sa mobilité et la frontière qui, elle, se caractérise par
sa stabilité, des difficultés d'ordre juridique surviennent dans
la mesure où il est reconnu que les ressources sont là où
elles sont, et la frontière est là où elle
est83 ». Ainsi, à l'unité physique de la mer
s'oppose une diversité de régimes juridiques qui complique,
théoriquement, le processus de délimitation maritime et la nature
juridique des titres sur les ressources de la mer. « II n'est d'ailleurs
pas surprenant de constater que le problème relatif à la
conservation des ressources halieutiques ait connu moins de succès dans
la Convention de 198284 ».
Il est fréquent qu'un gisement s'étende des deux
côtés de la limite du plateau continental entre deux Etats et,
l'exploitation de ce gisement étant possible de chaque
côté, un problème nait immédiatement en raison du
danger d'une exploitation préjudiciable ou exagérée par
l'un ou l'autre des Etats intéressés. La question se pose de
savoir s'il faut tracer la frontière maritime après avoir
évalué les ressources ou s'il faut les évaluer avant de
procéder à la délimitation maritime. Il est possible
d'avancer que les paragraphes 74 (3) et 83 (3) ont répondu à
cette question en faisant passer la ressource avant la frontière. Alan
Willis pense que, « ce problème pose un véritable dilemme
car dans le cadre des arrangements provisoires et dans un esprit de
compréhension lorsque les ressources sont connues, l'accord sur la
frontière maritime devient politiquement impossible85 »
et l'inverse, si les Etats savent ou s'attendent de peu ou de rien du tout du
potentiel minier ou d'hydrocarbures, il devient
82 G. LABRECQUE, Op. Cit., P.20.
83 Y. CISSE, Op. Cit., P. 45.
84 Id., P. 46.
85 A. WILLIS, State practice in the
delimitation of maritime boundaries, La Haye, Martinus Nijhoff Publishers,
1993, P. 68.
23
facile de diviser la zone en dispute. Or, « pour prendre
en compte les ressources comme facteur de délimitation maritime, la
jurisprudence veut que ces ressources soient connues ou
déterminées86 ».
On peut s'apercevoir que l'exploitation des ressources,
notamment transfrontalières, peut poser quelques difficultés. En
effet, « l'exploitation intensive par un seul Etat d'un stock
transfrontalier se trouvant dans sa zone économique exclusive
réduit inéluctablement la biomasse de ce même stock dans la
zone économique de l'Etat voisin87 ». La même
problématique existe quant à l'exploitation des ressources du
plateau continental. La Cour, en 1969, dans l'Affaire du plateau
continental de la mer du Nord, posait le principe de l'unité de
gisement lorsque le champ pétrolier chevauche la ligne de
délimitation du plateau continental88. Pour pallier de telles
incertitudes, Alan Willis propose que « si toutefois les parties sont
préoccupées par le risque de voir que toutes les ressources se
retrouvent d'un seul côté de la ligne et aucune de l'autre, la
meilleure solution serait une police d'assurance sous la forme d'une zone
partagée de la ressource89 ». Ce qui a fait que les
Etats puissent trouver une solution pragmatique permettant une exploitation
rationnelle des ressources de la mer, c'est la création d'une ou des
zones maritimes de développement conjoint ou zones maritimes
d'intérêt commun.
B. La zone maritime de développement conjoint
: une pratique des Etats 1. Notions et problèmes
posés
Les problèmes de délimitation maritime sont la
source d'importants conflits et d'un abondant contentieux, la zone
économique exclusive et le plateau continental étant intimement
liés à l'exploitation des ressources minérales,
génétiques, halieutiques dont la mer abonde. La pratique des
Etats a fait émerger une solution pragmatique : la zone de
développement conjoint. Cette dernière se définit
traditionnellement comme « un accord portant arrangement provisoire
d'exploitation commune des ressources dans des zones où se chevauchent
des titres juridiques, des prétentions concurrentes de
souveraineté ou de juridiction90 ». Le Professeur
Y. Cissé estime de son côté que la zone de
développement conjoint « est une forme de coopération
parmi tant d'autres et qui permet aux Etats côtiers d'exploiter la
ressource en attendant qu'une solution provisoire ou définitive soit
trouvée au
86 A. WILLIS, Op. Cit., P. 68.
87 Y. CISSE, Op. Cit., P. 68.
88 Affaire du plateau continental de la mer du Nord
(Allemagne contre Pays-Bas), C.I.J., Recueil 1969, P. 129.
89 A. WILLIS, Op. Cit., P. 77.
90 P. M., DUPUY, Op. Cit., P. 255.
24
problème de délimitation de la
frontière maritime91 ». On s'aperçoit que
cette définition semble, de prime abord, faire de la zone
d'intérêt commun un espace maritime où les ressources
à exploiter comprennent à la fois les ressources
pétrolières et gazières et toutes ressources biologiques.
« La gestion commune de cette zone peut se faire avec ou sans
frontière maritime, selon les termes et conditions voulus par les
parties concernés92 ».
Toutefois, la zone de développement conjoint en tant
que sous-catégorie des frontières fonctionnelles, n'est pas une
solution optimale ou permanente aux différends non résolus
relatifs aux frontières maritimes. « On peut cependant avancer que
la zone de développement conjoint constitue un processus qui encourage
la résolution d'un différend frontalier maritime entre deux Etats
qui consentent à explorer, exploiter et gérer conjointement des
ressources minérales partagées qui chevauchent la ligne de
division de leurs plateaux continentaux respectifs93 ».
2. Le droit conventionnel et la zone de développement
conjoint
La question qui se pose ici est de savoir s'il existe des
dispositions dans la Convention de 1982 qui, implicitement ou
expressément, font référence à la notion de zone de
développement conjoint.
a. L'obligation juridique de coopérer
L'obligation juridique de coopérer peut s'entendre de
deux manières. Soit les Etats coopèrent pour trouver une
méthode applicable à la délimitation de la
frontière maritime, soit ils coopèrent pour exploiter ensemble
les ressources communes sans envisager dans l'immédiat le tracé
de la frontière. C'est dans cette seconde situation que l'alternative de
la zone de développement conjoint est envisagée. En effet, les
paragraphes 3 des articles 74 et 83 de la convention des Nations Unies sur le
droit de la mer prévoient, en ce qui concerne la délimitation du
plateau continental et de la zone économique exclusive, qu'« en
attendant la conclusion de l'accord [...] les Etats concernés, dans un
esprit de compréhension et de coopération, font tout leur
possible pour conclure des arrangements provisoires de caractère
pratique et pour ne pas compromettre ou entraver pendant cette période
de transition la
91 M. ALEXANDER, International maritime
boundaries, Vol. II, 1993, P. 60.
92 Y. CISSE, Op. Cit., P. 49.
93 P. WEIL, Op. Cit., P. 275.
25
conclusion de l'accord définitif. Les arrangements
provisoires sont sans préjudice de la délimitation
finale94 ».
A l'examen de ces dispositions, on s'aperçoit que le
concept de zone de développement conjoint n'est pas dans sa lettre un
produit de la Convention de 1982, il l'est tout au moins dans son
esprit, car les paragraphes 3 posent le principe de l'arrangement provisoire en
attendant le règlement définitif de la délimitation. Toute
la question est de savoir, qu'entend-on par « arrangement provisoire de
caractère pratique » ? On peut le définir comme un «
accord d'exploitation conjointe de la ressource indivise fondée sur
l'idée de coopération entre les Etats impliqués. Il s'agit
d'un régime transitoire qui répond ainsi à un objectif
bien défini par la Convention de 1982, celui de «
permettre aux Etats une exploitation optimale de leurs ressources marines pour
les fins de développement socio-économique95 ».
Par ailleurs, l'expression « esprit de compréhension » laisse
entendre que les Etats concernés doivent savoir qu'en droit et en fait,
ni l'un ni l'autre ne peut unilatéralement exploiter la zone.
b. Nature juridique et avantages de la zone de
développement conjoint
Nous avons conscience des limites juridiques de l'approche de
la zone de développement conjoint qui, au regard du droit international,
n'est pas d'application générale. Elle relève encore d'un
régime supplétif, dont l'application reste largement tributaire
de la bonne foi et de la volonté politique des Etats concernés.
« S'il est reconnu que c'est le juge international qui a eu à
formuler le principe de l'exploitation commune des ressources du fond marin, ce
dernier n'a cependant jamais eu l'occasion de l'appliquer à un cas de
délimitation maritime96 ». Dans le fond, nous
sommes d'avis que la Convention sur le droit de la mer en ses articles
74 §3 et 83 §3 permet de soutenir que les Etats ont une obligation
juridique de conclure un accord de coopération ou d'exploitation des
ressources partagées. Le professeur R. Lagoni va même plus loin en
affirmant que l'approche de la zone de développement conjoint est
devenue du « droit coutumier97 ».
94 CNUDM, Art., 74 et 83.
95 Y. CISSE, Op.Cit., P. 51.
96 Id., P. 69.
97 R. LAGONI, Oil and gas deposits across national
frontiers, Londres, A.J.I.L., 1979, P. 218.
26
CHAP. II. PERSPECTIVES CRITIQUES DE L'ACCORD DE
GESTION DES HYDROCARBURES DANS UNE ZONE MARITIME D'INTERET COMMUN
Depuis les indépendances des Etats africains, sur la
côte ouest africaine, les compagnies pétrolières ont
favorisé l'exploitation des hydrocarbures au détriment de la
question de la délimitation des frontières maritimes.
Fondamentalement donc, l'opération de délimitation maritime est
un acte unilatéral parce que l'Etat concerné a seul
qualité pour y procéder. Mais, l'opération en
elle-même peut provoquer des conséquences internationales.
Notamment, elle peut aboutir à un chevauchement de titres juridiques
dans un même espace. C'est le cas lorsque la définition du plateau
continental doit s'étendre jusqu'aux côtes d'un autre Etat ou
serait partagé avec un autre adjacent. Certaines de ses ressources
naturelles, telles le pétrole peuvent dicter, en préliminaire,
des négociations à dominance économique, lesquelles, du
fait même de leur caractère original, imposent des
établissements de coopération interétatique tel l'accord
signé par l'Angola et la République Démocratique du Congo.
Dans le présent chapitre, il sera question d'étudier la teneur
substantielle de l'accord de Luanda de 2007 (Section I) et de confronter ce
dernier aux dispositions de la convention des Nations Unies sur le droit de la
mer (Section II).
Section I. TENEUR SUBSTANTIELLE DE L'ACCORD DE LUANDA
SUR LA GESTION DES HYDROCARBURES
La présente section entend d'abord étudier
l'objet et la nature de l'accord sur l'exploration et la production des
hydrocarbures dans une zone maritime d'intérêt commun conclu entre
la RDC et l'Angola (§1), ensuite, il sied de souligner que le
présent accord de gestion conjointe ne procède pas à la
délimitation maritime et n'est qu'un arrangement provisoire dit
d'administration conjointe, d'où la nécessité de faire
état de la clause du dépôt unique (§2).
§1. DE L'OBJET ET DE LA NATURE DE L'ACCORD BILATERAL
A. Objet de l'accord
Le conflit demeure, sans doute, une forme fréquente des
relations internationales. « Traduction des contradictions
internationales, il n'a cessé de marquer le droit international. Et, en
particulier, les tentatives de ce dernier d'atteindre une coexistence pacifique
entre
27
Etats98 ». L'évolution relativement
récente du droit international a mis en évidence les principes
fondamentaux qui président aux relations amicales et la
coopération entre Etats. « En effet, la nécessité de
rechercher une solution aux différends par la voie diplomatique a des
origines lointaines99 ». Car l'entente directe entre les
parties en litige est considérée comme la façon la plus
simple de régler le différend. « C'est un instrument par
excellence du maintien des relations pacifiques entre Etats100
».
« L'Angola et le Congo-Kinshasa sont historiquement et
sociologiquement liés. Leur situation et leur configuration ne peuvent
être que des facteurs de rapprochement, car leur contiguïté
géographique les y contraint 101. De plus, l'économie,
comme les autres facteurs, joue un rôle de premier plan dans les rapports
entre les deux pays disposant pratiquement des mêmes ressources : bois,
diamant, or, pétrole, cuivre,... Il sied également de souligner
à cet effet que les deux Etats en présence appartiennent dans le
golfe de guinée. « En droit de la mer, tout golfe constitue une mer
semi-fermée102 ». En l'espèce, ledit golfe, au
sens étroit, est encombré de nombreux Etats, du Nigeria à
l'Angola. La plupart de ces Etats ont déjà procédé,
soit par voie conventionnelle, soit par voie judiciaire, à leurs
délimitations maritimes.
La question de délimitation maritime dans le golfe de
guinée est fortement problématique étant donné le
nombre important d'Etats, les inégalités de superficie entre ces
Etats et surtout la configuration des côtes. Didier Ortolland parle de
« délimitation délicate des côtes en raison de leur
configuration » et de configuration qui « forme pratiquement un angle
droit103». Ainsi, certains Etats sont
désavantagés par la configuration des côtes et se
retrouvent avec des espaces maritimes extrêmement réduits, c'est
par exemple le cas de la RDC. La République Démocratique du Congo
est géographiquement désavantagé au regard du droit de la
mer, du fait « de la concavité du golfe de Guinée en
général et des côtes congolaises en particulier, ce qui
crée un effet d'enclavement de son territoire
maritime104». De cet enclavement maritime résulte
l'impossibilité pour la RDC d'avoir accès aux eaux
internationales.
98N. GHOZALI, La négociation diplomatique
dans la jurisprudence internationale, Bruxelles, Bruylant, 1992, P.
323.
99Q. NGUYEN, P. DAILLIER, A. PELLET, Droit
international public, 4e éd., Paris, L.G.D.J., 1992, P.
764.
100N. GHOZALI, Op. Cit., P. 323.
101I. NDAYWEL E NZIEM, Histoire
générale du Congo ; l'héritage ancien de la
République Démocratique, Paris,
Duculot, 1998, P. 315
102S. BULA BULA, Op.Cit.
103 D. ORTOLLAND, J.P., PIRAT, Atlas géopolitique des
espaces maritimes, Paris, Ed. Technip, 2008, P. 52.
104 M. KAMGA, Délimitation maritime sur la côte
atlantique africaine, Bruxelles, Bruylant, 2006, P. 198.
28
Ainsi, pour assurer la coprospérité
économique et le bon voisinage entre la République
Démocratique du Congo et la République d'Angola, « les deux
gouvernements ont, en effet, considéré la volonté
politique des chefs d'Etat des deux pays, ainsi que leur propre
détermination à promouvoir une coopération
économique fructueuse en attendant l'aboutissement des discussion sur le
tracé proprement dit des frontières maritimes105
». La résultante de cette dernière, est l'accord sur la
l'exploration et la production des hydrocarbures dans une zone maritime
d'intérêt commun que ces deux Etats ont identifié sur la
côte atlantique.
La volonté exprimée par le gouvernement de la
République Démocratique du Congo et celui de la République
d'Angola est d'oeuvrer ensemble et de partager fifty-fifty les revenus
générés par l'exploration pétrolière dans la
zone du littoral qu'ils ont appelé « zone d'intérêt
commun », ZIC en sigle. C'est l'idée qui ressort de l'article 3 de
l'accord sous analyse qui prévoit que « La répartition des
intérêts entre les parties dans la ZIC se présente de la
manière suivante : République Démocratique du Congo : 50%,
République d'Angola : 50%106 ». Cet accord de gestion
conjointe ne procède pas à la délimitation maritime,
encore moins du plateau continental et n'est qu'un arrangement provisoire dit
d'administration conjointe. Cet accord, permet de réduire la
fréquence des conflits de souveraineté, les différends
territoriaux et de s'engager dans l'exploitation de la zone.
B. Nature de l'accord
L'accord dit commercial, serait le premier pas dans la
résolution du contentieux relatif à l'exploitation des
hydrocarbures au large du littoral congolais. S'agissant de la nature de cet
accord, il importe de souligner que, « le droit international est
dominé par le principe de la liberté contractuelle. Il ne
prescrit aucune forme spéciale pour les traités. Il
reconnaît même la validité des accords oraux, sous
réserve des questions de preuves. Les traités verbaux sont
néanmoins rares pour des raisons de sécurité
juridique107 ». « L'intitulé d'un acte
international n'est pas décisif pour déterminer sa nature [...].
Le caractère juridique ou non d'un instrument international ressort du
texte de l'acte et non de son intitulé. Une hiérarchie des
105 M. TSHIYEMBE, Géopolitique de paix en Afrique
médiane, Paris, l'Harmattan, 2003, P.38.
106 Art., 3, Accord sur l'exploration et la production des
hydrocarbures dans une zone maritime d'intérêt commun,
signé à Luanda, le 30 juillet 2007. [En ligne].
http://www.congotribune.com/deps/caps/pétrole,
(Consulté le 21 mars 2019).
107 C. SCHENKER, Guide de la pratique en matière des
traités internationaux, 3e éd., Berne, DDIP,
2015, P. 4.
29
dénominations peut ainsi être établie,
à titre indicatif, dans un ordre décroissant sous l'angle du
degré de solennité des actes108 ».
En effet, rentrant dans la catégorie des traités
qui touchent l'intérêt de la nation tels
qu'énumérés par l'article 214 de la constitution
congolaise qui dispose : « Les traités de paix, les traités
de commerce, les traités et accords relatifs aux organisations
internationales et au règlement des conflits internationaux, ceux qui
engagent les finances publiques, ceux qui modifient les dispositions
législatives, ceux qui sont relatifs à l'état des
personnes, ceux qui comportent échange et adjonction de territoire ne
peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une
loi109 », l'accord sur l'exploration et la production des
hydrocarbures dans une ZIC a été ratifié par la RDC
à travers la loi n° 07/004 du 16 novembre 2007.
La loi n° 07/004 du 16 novembre 2007 autorisant la
ratification de l'Accord sur l'exploration et la production des hydrocarbures
dans une zone maritime d'intérêt commun signé à
Luanda, le 30 juillet 2007 entre la République Démocratique du
Congo et la République d'Angola, ne comprend qu'un seul article qui est
ainsi libellé : « Sans préjudice de la délimitation
des frontières maritimes entre les deux pays, est autorisée la
ratification par la République Démocratique du Congo de l'Accord
sur l'exploration et la production des hydrocarbures dans une zone maritime
d'intérêt commun, signé à Luanda, le 30 juillet
2007110 ».
§2. DE LA CONSECRATION DE LA CLAUSE DU DEPOT
UNIQUE PAR L'ACCORD
A. Caractéristiques de la clause du
dépôt unique
La clause du dépôt unique exprime l'intention des
Etats à coopérer dans l'éventualité d'une
découverte de gisement de pétrole ou de gaz qui chevaucherait la
frontière maritime entre deux Etats côtiers. Ces derniers peuvent
recourir à la clause du dépôt unique « lorsqu'ils ont
conclu un accord définitif sur la frontière maritime, soit
lorsqu'ils conviennent d'établir une zone de développement
conjoint assortie d'une frontière maritime, dans ce dernier cas, la
108 C. SCHENKER., Op. Cit., Pp. 4 à 5., Voy
art., 3 de la convention de Vienne sur le droit des traités : « Le
fait que la présente Convention ne s'applique pas aux accords
internationaux qui n'ont pas été conclus par écrit, ne
porte pas atteinte (...) à la valeur juridique de tels accords
».
109Art., 214 de la Constitution de la RDC du 18
février 2006 telle que modifiée par la loi n° 11/002 du 20
janvier 2011, In J.O., 52e année, Numéro
spécial, 2011.
110Article unique de la loi n°07/004 du 16
novembre 2007 autorisant la ratification de l'accord sur l'exploration et la
production des hydrocarbures dans une ZIC, signé à Luanda entre
la RDC et la République d'Angola, In, J.O., 48e année,
Numéro spécial, 2007.
30
clause du dépôt unique n'est qu'une disposition
de l'accord établissant la zone de développement
conjoint111 ». Autrement dit, il peut exister une clause de
dépôt unique en l'absence d'une zone de développement
conjoint. L'inverse n'est toutefois pas possible. La clause du
dépôt unique est de ce fait un préalable, un accord de
principe à l'établissement de la zone de développement
conjoint ou l'unitisation112.
B. La nature juridique de la clause du dépôt
unique
Les accords de délimitation maritime prévoyant
des clauses de dépôt unique sont formulés à travers
les expressions telles que : « si », « en cas
de... », «Dans l'éventualité d'une
découverte de... », compte tenu d'une possible extension du champ
pétrolier... ». De telles formulations permettent
de dire que la nature juridique des clauses de dépôt uniques est
celle d'un droit prospectif ou programmatoire.
Une clause de dépôt unique peut conduire
éventuellement à une autre phase qui est l'unitisation des
dépôts. Celle-ci consiste à considérer les gisements
éparpillés çà et là ou chevauchant la
frontière matière comme un seul gisement113. Ainsi la
distinction est faite entre unitisation et zone de développement
conjoint. En effet, « l'unitisation se produit
après qu'une découverte a été faite. Il requiert un
accord sur la localisation de la frontière sans toutefois exiger
d'uniformité des régimes fiscaux, des lois et règlements
sur la zone concernée114 ». C'est ce
qui ressort de l'alinéa 2 de l'article 4 qui prévoit que : «
Concernant les prospects et les gisements à cheval entre la ZIC et les
concessions angolaises du Nord et du Sud, des accords d'unitisation seront
signés115 ».
Le recours à l'unitisation vise à atteindre des
objectifs de viabilité commerciale et de conservation du gisement
unique. Par contre la fonction principale de la zone de développement
conjoint consiste à réduire l'importance des prétentions
territoriales et se veut davantage une motivation plutôt politique que
commerciale116.
Au regard de la pratique récente des Etats, il ressort
que plusieurs accords de délimitation maritime ont prévu des
dispositions concernant les dépôts ou gisements uniques.
111 Y. CISSE, Les gisements en mer des hydrocarbures
transfrontalières : régime juridique en droit de la
délimitation maritime, [En ligne],
https://ssrn.com/abstract=2724900
, (consulté le 05 juin 2019).
112 Ibid.
113 Y. CISSE, Op.Cit., P. 47.
114 Ibid.
115 Art. 4 de l'accord, voy. Supra, note (113)
116 Y. CISSE, Op. Cit.
31
C'est le cas des accords suivants :
Jamaïque/Colombie, Thaïlande/Vietnam, Etats-Unis/Mexique,
Danemark/Grande-Bretagne, Oman/Pakistan, Nigeria/Guinée Equatoriale.
Ces clauses étant originairement l'expression d'un
droit programmatoire, elles recouvrent toute leur effectivité dès
lors que les Etats Parties arrivent à la phase d'exploitation du champ
pétrolier qui leur est commun, à travers la zone de
développement commun.
C. Le droit de la mer et la clause du
dépôt unique consacrée dans l'accord sur la gestion des
hydrocarbures
Comme pour l'institution d'une zone maritime de
développement conjoint, la question qui se pose ici est de savoir s'il
existe des dispositions dans la Convention de 1982 qui, implicitement
ou expressément, font référence ou envisage
l'hypothèse de clause de dépôt unique entre Etat ayant
conclu des accords sur la gestion conjointe des hydrocarbures.
L'article 4, alinéa 3 de l'accord sur l'exploration et
la production des hydrocarbures prévoit que « Les leads et les
gisements à cheval à découvrir viendront modifier le
tracé de la ZIC117 ». De l'analyse de cette disposition,
l'on comprend qu'au regard de sa formulation, elle laisse entendre une clause
du dépôt unique entre ces deux Etats. De plus, les deux Etats ont
adopté une zone de développement conjoint sans juger
nécessaire de délimiter les frontières maritimes. «
En Afrique, on constate cette pratique des Etats qui favorise la
création de zones de développement conjoint sans se pencher sur
la question des frontières maritimes118 ». Il est
remarquable de constater qu'il s'agit d'une pratique populaire puisqu'on la
retrouve dans les principales régions maritimes africaines, à
savoir dans la Méditerranée (accord Tunisie-Libye), dans
l'océan Atlantique, dans la région du golfe de Guinée
(accord Guinée Bissau-Sénégal). Or, Même dans un
contexte régional d'exploitation des ressources, on admet que « la
coopération régionale n'est mieux servie que si les questions sur
les frontières maritimes sont résolues119 ».
C'est du moins une solution pragmatique trouvée par les
Etats pour mettre en oeuvre les dispositions de l'article 74, paragraphe 3 de
la convention de Montego Bay qui veut que les Etats, dans un esprit d'entente
concluent des arrangements provisoire de caractère pratique en attente
d'accord définitif sur la délimitation du plateau continental.
Cependant, le défaut
117 Art. 4 de l'accord, Voy. Supra, note 115.
118 Y. CISSE, Op.Cit., P. 58.
119 E. FRANCKX, Maritime boundaries and regional
cooperation, Londres, International journal of Estuarine and Coastal Law,
1990, P. 215.
32
d'obtention de définition et de délimitation des
frontières maritimes préalable fait toujours qu'il y ait une
recrudescence de différends frontaliers maritimes malgré toutes
ses solutions pragmatiques que les Etats essaient de trouver afin de partager
les ressources maritimes.
Section II. L'ACCORD DE LUANDA SUR LA GESTION DES
HYDROCARBURES A L'EPREUVE DU DROIT DE LA MER
Il sera question dans la présente section de confronter
l'accord à la convention des Nations Unies sur le droit de la mer,
c'est-à-dire d'esquisser les dispositions de la convention,
énervées par l'accord (§1) et enfin, proposons-nous
l'alternative de la mise en oeuvre effective de l'accord et ce, pour diverses
raisons (§2).
§1. L'ACCORD DU 30 JUILLET 2007 ET VIOLATION DU
DROIT DE LA MER
L'accord ci-dessus stipule en son article 1er :
« Il est créé une zone d'intérêt commun, en
sigle « ZIC », entre la République Démocratique du
Congo et la République d'Angola.
La ZIC est située dans la région maritime
comprise entre le Nord du bloc 1, le sud du bloc 14, le Nord du bloc 15 et le
Nord du bloc 35 des concessions pétrolières angolaises telle que
définies en annexe au présent Protocole d'accord. Les parties
envisagent également la création d'une ou plusieurs autres zones
d'intérêt commun dans l'espace maritime120 ».
Ni dans le préambule, encore moins une quelconque
disposition liminaire de l'accord, ne renseignent sur la définition
d'une « zone d'intérêt commun ». Quoique le
préambule ait manqué de se référer
expressément à la convention des Nations Unies du 10
décembre 1982 sur le droit de la mer; il est permis dans le cadre d'un
règlement portant sur des questions maritimes de s'y
référer. Les articles 74 et 83, alinéa 1 de la convention
des Nations Unies sur le droit de la mer règlent respectivement la
délimitation de la zone économique exclusive et du plateau
continental. En conséquence, l'usage de l'expression « concessions
pétrolières angolaises » parait inapproprié. De ce
fait, le professeur Sayeman Bula-Bula pense qu' « il aurait
été souhaitable de se référer aux gisements
d'hydrocarbures actuellement en exploitation par l'Angola. Puisqu'on ne
saurait, dès la signature de l'accord du 30 juillet 2007,
déjà les attribuer à l'une ou l'autre partie121
». D'où l'on peut douter aussi de l'opportunité et de la
légitimité d'une multiplication des « zones maritimes
d'intérêt commun », comme le
120 Art., 1er de l'Accord, voy supra, note 131.
121 S. BULA-BULA, Op. Cit.
33
laisse entendre le dernier paragraphe de l'article
1er de l'accord du 30 juillet 2007. D'autre part, cette
zone ne couvre, à tout le moins ne doit pas couvrir les espaces soumis
à la souveraineté de l'Etat côtier. Comme son
identification précise ne doit pas empiéter la frontière
potentielle.
Par ailleurs, l'option levée par les deux Etats de
transiter par la conclusion d'un accord portant partage des ressources du
plateau continental avant de procéder à la délimitation de
leurs frontières maritimes, viole les dispositions de l'article 83 de la
convention sur le droit de la mer en son deuxième paragraphe. Il ne faut
cependant pas perdre de vue que l'accord sous examen ne délimite pas le
plateau continental mais, il est plutôt intervenu dans l'esprit de
l'alinéa 3 de la convention qui prévoit ce qui est ainsi
libellé : « En attendant la conclusion de l'accord visé au
paragraphe 1, les Etats concernés, dans un esprit de
compréhension et de coopération, font tout leur possible pour
conclure des arrangements provisoires de caractère pratique et pour ne
pas compromettre ou entraver pendant cette période de transition la
conclusion de l'accord définitif ». Au demeurant, « Les
arrangements provisoires sont sans préjudice de la délimitation
finale122 ». Or, les pays dont les côtes sont adjacentes
ou se font face ne peuvent recourir à des arrangements provisoires en
attendant la délimitation que si conformément au paragraphe 2 de
cet article « ils ne parviennent pas à un accord dans un
délai raisonnable ». Dans l'espèce, il s'avère que
l'accord sur l'exploration et la production des hydrocarbures dans une ZIC soit
un « premier pas dans la résolution du contentieux relatif
à la délimitation du plateau continental et de toutes les zones
maritimes entre la RDC et la République d'Angola123
».
De ce qui précède, il s'avère
impérieux de souligner que si jamais dans l'avenir les deux Etats
parvenaient à délimiter leurs frontières maritimes et que
la zone maritime dite d'intérêt commun se retrouve dans la zone du
plateau continental de l'un ou l'autre Etat, l'accord sur l'exploration et la
production des hydrocarbures serait en violation flagrante des dispositions de
l'article 77§2 et 3 de la convention de Montego Bay qui énoncent
que: « Les droits visés au paragraphe 1 sont exclusifs en ce sens
que si l'Etat côtier n'explore pas le plateau continental ou n'en
exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles
activités sans son consentement exprès. Les droits de l'Etat
côtier sur le plateau continental sont indépendants de
l'occupation effective ou fictive, aussi bien que de toute
122 CNUDM, art.83 § 3.
123 M. TCHIYEMBE, Op. Cit. P. 40.
34
proclamation expresse 124 ». Dans pareille
hypothèse, « l'Accord du 30 juillet 2007 se trouverait
frappé d'obsolescence du fait qu'il situera, la zone maritime
d'intérêt commun dans le couloir maritime soit de la
République Démocratique du Congo ou de l'Angola125
».
D'ailleurs, il convient de noter qu'avec la
délimitation unilatérale effectuée par la RDC de ses
espaces maritimes sur la côte Atlantique au travers la loi n° 09/002
du 07 mai 2009 portant délimitation des espaces maritimes de la RDC,
« elle situe, bien aux antipodes des stipulations de cette loi, la
zone d'intérêt commun dans le couloir maritime
angolais126 ». Qui plus est, avec cet état
d'obsolescence que subirait l'accord dans cette situation, l'alinéa 4 de
l'article 83 qui dispose que « Lorsqu'un accord est en vigueur entre les
Etats concernés, les questions relatives à la délimitation
du plateau continental sont réglées conformément à
cet accord127 » sera inopérant.
Au vu du caractère adjacent de ses côtes avec
celles de l'Angola, cette délimitation unilatérale entreprise par
la RDC « ne vaut juridiquement que comme une simple proposition à
l'adresse de l'Angola128 » parce que, «la
délimitation des espaces maritimes a toujours un aspect international;
elle ne saurait dépendre de la seule volonté de l'État
riverain telle qu'elle s'exprime dans son droit interne129
».
Avant donc de procéder à un quelconque
arrangement provisoire, la RDC devrait préalablement obtenir
définition et délimitation de ses frontières maritimes et
celles de l'Angola aux fins de la délimitation éventuelle de la
zone maritime dite d'intérêt commun.
§2. ALTERNATIVE POUR UNE MISE EN OEUVRE EFFECTIVE DE
L'ACCORD
Des recherches démontrent que la manne
pétrolière du plateau continental RDC-Angola sur le littoral de
l'océan atlantique renferme de réserves considérables
d'hydrocarbures. Ce gisement énergétique offre à la RDC de
même qu'à l'Angola, une source d'énergie
quasi-inépuisable, s'il est normalement exploité. Or, il
s'avère que la zone maritime d'intérêt commun que les deux
Etats ont identifié sur la région maritime comprise entre le Nord
du bloc 1, le Sud du bloc 14, le Nord du bloc 15 et le Nord du bloc 31 des
124CNUDM, art., 77.
125B. ITUMBALA, L'industrie
pétrolière en R.D.C. : Des réseaux d'intérêts
croisés pour le profit d'aujourd'hui ou de demain, Kinshasa, PUK,
2e éd., 2010, P. 100.
126 B. ITUMBALA., Op. Cit., P. 100.
127 CNUDM, Art. 83 al. 4.
128 S. BULA BULA, Op.Cit.
129 G. APOLLIS, Op. Cit., P. 11.
35
concessions pétrolières angolaises n'a jamais
connu un début d'exploitation ni par l'Angola, encore moins par la RDC.
En fait, la ZIC ressemble encore à un territoire vierge, où il
n'existe aucune activité pétrolière.
Pour ce faire, suggérons à l'Etat angolais et
plus particulièrement à la République Démocratique
du Congo de commencer plus rapidement l'exploitation des hydrocarbures de la
zone d'intérêt commun qui peut palier au déficit en
énergie électrique pressenti dans le pays. Egalement, cette
exploitation peut générer des recettes pouvant contribuer de
manière significative au budget de l'Etat et participer à la
création des emplois.
36
CONCLUSION
On aurait pu imaginer un régime juridique uniforme pour
l'océan mondial, la souveraineté, les intérêts
économiques et les conflits interétatiques l'ont
empêché. C'est dans cette optique que nous avons mené notre
étude sur la problématique du respect de la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer en nous focalisant sur l'analyse de
l'accord sur l'exploration et la production des hydrocarbures dans une zone
maritime d'intérêt commun conclu entre la RDC et la
République d'Angola en date du 30 juillet 2007.
De ce fait, la présente étude s'est circonscrite
autour de deux préoccupations : Quels sont les droits et les obligations
qui incombent aux Etats côtiers quant à la gestion des ressources
marines communes, notamment les hydrocarbures? L'accord de gestion conjointe
des hydrocarbures ne procède pas à la délimitation
maritime et n'est qu'un arrangement provisoire dit d'administration conjointe
entre la RDC et l'Angola. Quid de l'effectivité de l'accord en cas d'une
éventuelle délimitation maritime qui situerait ladite zone dans
le corridor maritime de l'un ou l'autre Etat ?
De ce questionnement, nous avons émis les
hypothèses suivantes : Sur les espaces maritimes auxquels la convention
des Nations Unies sur le droit de la mer reconnait une souveraineté aux
Etats côtiers, s'y exerce notamment des droits souverains aux fins de
l'exploitation ou exploration des ressources naturelles marines. Au regard de
la mobilité des hydrocarbures sur la nappe, les Etats côtiers ont
l'obligation de préserver une politique de coopération aux fins
d'éviter le risque d'une exploitation préjudiciable ou
exagérée par l'un ou l'autre des Etats
intéressés.
Pour la deuxième question, nous avons estimé que
la volonté commune pour l'Angola et la RDC de promouvoir une
coopération économique fructueuse à travers l'accord sur
l'exploration et la production des hydrocarbures ouvrirait la voie
d'accès pour ces deux pays, surtout la RDC, dans un proche avenir au
club des pays exportateurs du pétrole.
Pour la matérialisation et la vérification de
nos hypothèses, nous avons recouru à la méthode juridique,
dans son approche herméneutique pour l'interprétation de
différents instruments juridiques, mais également à la
technique documentaire pour la consultance des ouvrages, mémoires, notes
de cours, textes légaux, ainsi que la consultation sur internet.
37
Ceci nous a permis de subdiviser notre travail en deux
chapitres: le premier sur le régime juridique applicable à
l'exploitation des ressources maritimes communes, le second sur les
perspectives critiques de l'accord sur l'exploration et la production des
hydrocarbures conclu entre la RDC et l'Angola. Après analyses et
réflexions, nos investigations ont relevé que, lentement
élaboré au fil des siècles, la communauté
internationale a imposé un régime morcelé,
caractérisé par un dégradé juridique des
compétences de l'Etat, très marquées près du rivage
et de plus en plus diluées au fur et à mesure que l'on
s'éloigne de celui-ci. L'unité physique de la mer a sans doute
pour corollaire la mise en place nécessaire des politiques de gestion
intégrée des espaces et des ressources maritimes.
S'agissant de l'accord sur l'exploration et la production des
hydrocarbures conclu entre la RDC et l'Angola, nous avons estimé qu'il
viole les prescrits de l'article 83§2 de la convention de Montego Bay.
Quand bien même intervenu dans l'esprit du paragraphe 3 de cet article,
c'est-à-dire un cadre d'arrangements provisoires en attente
d'accord définitif sur la délimitation du plateau continental
cependant, les Etats à côtes adjacentes ou se faisant face ne
peuvent recourir à ces arrangements que si, conformément au
paragraphe 2 de cet article, ils ne parviennent pas à un accord dans un
délai raisonnable. Dans l'espèce, il s'avère que l'accord
du 30 juillet 2007 est le premier pas dans la résolution du
contentieux relatif à la délimitation du plateau continental et
de toutes les zones maritimes entre la RDC et la République d'Angola car
les deux Etats en présence n'ont jamais obtenu définition et
délimitation de leurs frontières maritimes. En outre, nous avons
estimé que si jamais dans l'avenir les deux Etats parviennent à
délimiter leurs frontières maritimes et que la zone
d'intérêt commun soit située dans le couloir maritime de
l'un ou l'autre Etat, l'accord sera en violation flagrante des prescrits de
l'article 77§3 qui énoncent que les droits de l'Etat côtier
sur le plateau continental sont indépendants de l'occupation effective
ou fictive, aussi bien que de toute proclamation expresse. Dans pareille
situation, l'Accord du 30 juillet 2007 se trouverait frappé
d'obsolescence du fait qu'il situera, la zone d'intérêt commun
dans le corridor maritime soit de la République Démocratique du
Congo soit de l'Angola. Les deux Etats devraient donc
préalablement obtenir définition et délimitation de leurs
frontières maritimes aux fins de la délimitation
éventuelle de la zone maritime d'intérêt commun.
Mais, la coopération sur mer, fortement
encouragée par la Convention de 1982, apparait comme une
approche politique et juridique à la mise en oeuvre effective des droits
et l'exécution des obligations qui incombent aux Etats côtiers
riverains d'une même région géographique. Ainsi, l'approche
par laquelle la zone de développement conjoint ou zone
38
maritime d'intérêt commun est identifiée
sans systématiquement minimiser la portée juridique de la
frontière maritime ne peut que consolider cette coopération en
matière de gestion des ressources maritimes offshore.
II existe en effet un impératif de
sécurité qui consiste à délimiter les
frontières maritimes, mais cela ne doit pas empêcher la
coopération sur mer, coopération dont la zone
d'intérêt commun apporte la réponse la plus pacifique, la
plus économiquement rentable et la plus pragmatique car les disputes ne
peuvent qu'être des obstacles au développement
énergétique des Etats en développement. Il faudrait donc
éviter de poursuivre indéfiniment des négociations
diplomatiques concernant les frontières maritimes. Cela ne saurait
permettre l'exploitation des ressources offshore dont ont besoin les Etats
côtiers.
De surcroit, une telle zone permet d'abord d'éviter
toute exploitation unilatérale des gisements communs qui pourrait
déprécier leur intégrité et les rendre ainsi
inexploitables économiquement. Elle permet également de
préserver l'unité géologique de la ressource dont le
corollaire est la sauvegarde des intérêts économiques non
seulement des Etats touchés directement par l'exploitation, mais aussi
de ceux des concessionnaires ou opérateurs privés. En cela, nous
estimons que la mise en oeuvre effective de l'accord sur l'exploration et la
production des hydrocarbures dans une zone maritime d'intérêt
commun renforcera les liens solides de coopération existant entre la RDC
et l'Angola. Elle permettra également un partage entre ces deux Etats de
dividendes plantureux en devises tirés de l'exploitation conjointe des
hydrocarbures de la zone maritime d'intérêt commun.
Nous n'avons pas la prétention d'avoir tout
épuisé sur la problématique du respect de la convention
des Nations Unies sur le droit de la mer : analyse faite à la
lumière de l'accord sur l'exploration et la production des hydrocarbures
conclu entre la RDC et l'Angola, car toute oeuvre scientifique humaine a
toujours été entachée par des imperfections et des
insuffisances. C'est ainsi que nous exprimons anticipativement la gratitude
à l'égard de toute personne qui voudra combler les lacunes du
présent travail par des remarques critiques et constructives.
39
BIBLIOGRAPHIE
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52e année, Numéro spécial, 2011.
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pratique canadienne concernant l'exploitation des hydrocarbures sur le plateau
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générale de droit international », Montréal, 2009.
43
Table des matières
PRELUDE I
DEDICACE II
REMERCIEMENTS III
SIGLES ET ABREVIATIONS IV
INTRODUCTION 1
II. HYPOTHESES 3
III. CHOIX ET INTERET DU SUJET 4
IV. METHODES ET TECHNIQUES 5
V. ETAT DE LA QUESTION 5
VI. SUBDIVISION DU TRAVAIL 6
CHAP.I. REGIME JURIDIQUE APPLICABLE A L'EXPLOITATION DES
RESSOURCES
MARITIMES COMMUNES 7
Section I. LA DEFINITION JURIDIQUE DES ESPACES MARITIMES 7
§1. LA TERRITORIALISATION DES ESPACES MARITIMES : LES ZONES
SOUS
JURIDICTION NATIONALE 7
§2. LES ZONES MARITIMES DE COMPETENCE FINALISEE 12
Section II. REGIME JURIDIQUE RELATIF A L'EXPLOITATION DES
RESSOURCES
MARITIMES ENTRE ETATS ADJACENTS 18
§1. LA FRONTIERE MARITIME ET LES CONSEQUENCES DE SA NON
DEFINITION SUR
LE REGIME JURIDIQUE DES GISEMENTS PETROLIERS TRANSFRONTALIERS
19
§2. EXPLOITATION COMMUNE DES RESSOURCES TRANSFRONTALIERES :
DU
REGIONALISME MARITIME A L'ESSOR DU DEVELOPPEMENT CONJOINT 21
CHAP. II. PERSPECTIVES CRITIQUES DE L'ACCORD DE GESTION DES
HYDROCARBURES
DANS UNE ZONE MARITIME D'INTERET COMMUN 26
Section I. TENEUR SUBSTANTIELLE DE L'ACCORD DE LUANDA SUR LA
GESTION DES
HYDROCARBURES 26
§1. DE L'OBJET ET DE LA NATURE DE L'ACCORD BILATERAL 26
§2. DE LA CONSECRATION DE LA CLAUSE DU DEPOT UNIQUE PAR
L'ACCORD 29
Section II. L'ACCORD DE LUANDA SUR LA GESTION DES HYDROCARBURES
A
L'EPREUVE DU DROIT DE LA MER 32
§1. L'ACCORD DU 30 JUILLET 2007 ET VIOLATION DU DROIT DE LA
MER 32
§2. ALTERNATIVE POUR UNE MISE EN OEUVRE EFFECTIVE DE
L'ACCORD 34
CONCLUSION 36
BIBLIOGRAPHIE 39
44
ANNEXE
45
46
47
48
49
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