De la justiciabilité des anciens premiers ministres et de la détermination de la juridiction compétente en droit congolaispar Justin TSHIENDA Université de Lubumbashi (UNILU) - Licence en Droit Public 2022 |
A. Appréciation au moment de la comparutionLe privilège de juridiction peut s'apprécier au moment de la comparution de la personne poursuivie devant une juridiction ; cela veut dire que la personne poursuivie doit revêtir ou être couverte de la qualité lui accordant des privilèges au moment où elle est poursuivie, au moment de la comparution. Il s'agit du cas d'une personne n'ayant aucune qualité lui accordant des privilèges de juridiction ; tout comme il s'agit également de la personne ayant commis les faits en étant couverte d'immunité ou privilège, et au moment de la poursuite la personne garde encore ses fonctions et bénéficie toujours des privilèges. A ce propos, Gabriel KILALA nous dit : le privilège de juridiction s'apprécie lors de la comparution devant la juridiction de jugement, il importe peu de savoir si au moment de la commission des faits, le prévenu jouissait d'un privilège de juridiction. A l'inverse, si le prévenu perdait sa qualité avant la comparution devant le juge, le privilège de juridiction institué en sa faveur ne pouvait plus joué.94(*) A. L'appréciation au moment de la commissionParlant de l'appréciation du privilège de juridiction au moment de la commission des faits réprimés par les différentes lois, cela veut juste dire que la personne poursuivie, le prévenu donc, doit avoir une qualité lui faisant ainsi bénéficié de privilège de juridiction ; c'est-à-dire que le privilège doit non seulement être antérieur à la commission des faits infractionnels, aussi que le privilège puisse être acquis et exister pendant la commission des faits. Pour illustrer cela avec le cas sous examen, il faudrait que le premier ministre soit en fonction, en pleine exercice de ses fonctions pendant qu'il commet les faits qui lui sont reprochés ; car, il jouit de privilège de juridiction lié à la fonction. La cour de cassation connait en premier et dernier ressort des infractions commise par ...95(*) L'expression « infractions commises par ... », situe clairement le privilège de juridiction au moment de la commission de l'infraction ; il s'en suit que la qualité du prévenu lors de la procédure de jugement importe peu. Il peut dans l'entre-tempsavoir été révoqué ou relevé de ses fonctions. Il continuera cependant à jouir de privilège de juridiction.96(*) C'est dans cette même logique que s'inscrivent les articles 74 alinéa 1 et 82 de la Loi Organique n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de Cassation qui stipulent : « L'officier de police judiciaire ou l'officier du ministère public qui reçoit une plainte, une dénonciation ou constate l'existence d'une infraction même flagrante à charge d'une personne qui au moment de la plainte ou du constat est membre du parlement... »97(*) « Si un officier de police judiciaire ou l'officier du ministère public qui reçoit une plainte, une dénonciation ou constate l'existence d'une infraction même flagrante à charge d'une personne qui au moment de la plainte ou du constat est membre du Gouvernement... »98(*) Comme nous pouvons le constater, l'expression dont fait usage le législateur : « qui au moment de la plainte ou de la dénonciation est... » celle-ci démontre clairement combien le privilège des personnes visées par la volonté de la loi s'apprécie au moment des poursuites, ce qui conditionne la procédure à suivre ; car cela permet automatiquement de savoir devant quelle juridiction le concerné doit être poursuivie, et dans le présent cas, le législateur lui-même détermine à la fin de chacune des dispositions précitées en ces termes : il transmet son procès-verbal, toutes affaires cessantes, au procureur Général près la Cour de Cassation, et s'abstient de tout autre devoir. Pour le cas qui nous concerne dans ce travail, l'article 104 de la loi portant procédure devant la Cour Constitutionnelle dispose : « Tout officier de police judiciaire ou tout officier du ministère public qui reçoit une plainte ou une dénonciation ou qui constate l'existence des faits infractionnels à charge soit du Président de la République, soit du Premier Ministre, les transmet, toutes affaires cessantes, au Procureur Général et s'abstient de poser tout autre acte. »99(*) Ainsi vu, l'appréciation des immunités et des privilèges de juridictions peut se faire soit au moment de la commission des faits infractionnels, soit au moment des poursuites de la personne qui en jouit ; mais dans tous les cas, le but de l'appréciation est de déterminer la juridiction compétente devant laquelle la personne poursuivie peut-être entendue et jugée, cela pour permettre la bonne administration de la justice. Tout officier de police judiciaire ou du ministère public qu'il soit, est limiter dans l'exercice de ses fonctions entant que tel ; dès la réception de la plainte ou de la dénonciation, il commence par vérifier la qualité de la personne pour voir la compétence de la juridiction, et là c'est en considération du moment de la réception. Dès lorsqu'il s'aperçoit que la personne est privilégiée de juridiction, il doit immédiatement transférer la personne devant un officier attaché à la juridiction de la compétence personnelle du concerné. En ce qui concerne le cas des anciens premiers ministres, en considération du silence de la loi sur leur statut en dehors des fonctions, c'est-à-dire, vu qu'ils n'ont aucun statut légal à l'expiration de leurs fonctions de premier ministre, nous affirmons que ces derniers restent justiciables de la juridiction compétente soit matériellement, ou soit territorialement ; car leur privilège ne pouvant joué à l'expiration de leurs fonctions. * 94Gabriel KILALA pene-AMUNA, op.cit. p.81 * 95Article 93 du code d'0CJ. * 96M. NKATA BAYOKO, cité par Gabriel KILALA pene AMUNA, op.cit. p.10 * 97Article 74 de la loi n°13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la cour de cassation * 98Article 82 idem * 99Article 104 de la loi Organique n°13/026, du 15 octobre 2013 |
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