Novembre 2020
UNIVERSITE PARIS NANTERRE
ANNEE UNIVERSITAIRE 2019/2020
MASTER 2 DROIT SOCIAL ET RELATIONS PROFESSIONNELLES
MEMOIRE DE RECHERCHE
L'action dans
l'intérêt collectif
Réalisé par Slim Affes
Sous la direction de Cyril Wolmark
1
2
« L'université n'entend donner ni approbation, ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire, celles-ci devant
être considérées comme propres à leur auteur
»
3
Dédicaces
À mon papa Ahmed, mon tout, ce travail est pour toi,
dieu te garde pour moi le plus longtemps...
À ma mère Ahlem,
prunelle de mes yeux, merci d'exister, merci pour toutes les raisons
...
À ma grand-mère Rekaya, tu avais raison, chaque mot qu'on
apprend vaut un million, repose en paix ...
A ma princesse Ranim,
présente à chaque instant, rien n'aurait pu se passer sans ton
soutien...
A ma tante Afifa, merci du fond du coeur je t'en suis toujours
reconnaissant ...
A ma belle-famille merci énormément...
A
mes amis Ghazi et Léo merci pour vos encouragements...
A mon maitre
Cyril Wolmark... à qui ce travail est spécialement
dédié ...
4
Remerciements
Mes premiers remerciements s'adressent à mon directeur
de mémoire.
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à
Monsieur le Professeur Cyril Wolmark dont les conseils et les encouragements
ont permis l'aboutissement de ce travail.
Je lui témoigne de mon profond respect et admiration
pour ses qualités humaines et le dynamisme qu'il apporte à la
recherche.
Mes plus sincères remerciements s'adressent
également à Monsieur le professeur Alexandre Fabre. Ses
précieux conseils ont également permis la réalisation de
ce travail.
Mes remerciements vont également à l'ensemble
des enseignants du Master de Droit Social et Relations Professionnelles, qui
m'ont accueilli avec humilité et bienveillance.
A la France, terre d'asile... Je t'en suis
éternellement reconnaissant ...
5
Citation
« Le renard s'en saisit et dit : ` Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute' »
Jean de la fontaine Livre premier Fable 2
6
Sommaire
Introduction 8
Première partie : Une action en expansion
23
Section 1 : Des conditions d'exercices facilités 23
Sous-section 1 : Les conditions procédurales de
recevabilité 23
Sous-section 2 : Les conditions statutaires 32
Section 2 : Des actions recevable dans un champ étendu
39
Sous-section 1 : La défense de la légalité
39
Sous-section 2 : La défense de la conventionalité
54
Deuxième partie : Une expansion freinée
61
Section 1 : Les actions irrecevables 61
Sous-section 1 : L'exclusion de certaines actions à
versant collectif 62
Sous-section 2 : L'exclusion de certaines infractions
pénales 69
Section 2 : Une action contrariée 74
Sous-section 1 : La concurrence induite à des acteurs
rivaux 76
Sous-section 2 : La rivalité avec l'action de groupe 82
Conclusion 98
Liste des abréviations
A
AJ Pénal : Actualité juridique pénale
AJDA : Actualité juridique droit
Art. : article
Ass. : Assemblée
Ass. plén. : Assemblée plénière de la
Cour de
cassation
B
Bibl. : bibliographie
Bull. civ. : Bulletin des arrêts de la chambre civile de la
Cour de cassation
Bull. crim. : Bulletin des arrêts de la chambre criminelle
de la Cour de cassation
C
C. : Code
C. pén. : Code pénal
CA : Cour d'appel
CAA : Cour Administrative d'appel
Cah.: Cahiers
Cass. : Cour de cassation
CC : Convention collective
CDD : contrat à durée déterminée
CDI : contrat à durée indéterminée
CE : Conseil d'État
CEDH : Cour européenne des droits de l'homme
CEE : Communauté économique européenne
Ch. : chambre
Ch. mixte : Chambre mixte de la Cour de cassation
Ch. réun. : Chambre réunies de la Cour de
cassation
CSE : Comité Social et économique
CHSCT : Comité d'Hygiène de la
Sécurité et des
Conditions de Travail
Circ. Min. : circulaire ministérielle
Civ. : chambre civile de la Cour de cassation 12
Com. : chambre commerciale de la Cour de cassation
Cons. Const. : conseil constitutionnel
Cons. prud'h. : conseil de prud'hommes
Crim. : chambre criminelle de la Cour de cassation
CSS : Code de la Sécurité Sociale
D
D. : Recueil Dalloz
Dr. Ouvrier : revue Droit ouvrier Dr. Soc. : revue Droit
social
E
Ex. : exemple
F
Fasc. : fascicule
I
In : dans
7
J-K
J. : jurisprudence
JCP E : Juris-classeur périodique (Semaine
juridique), édition entreprise
JCP G : Juris-classeur périodique (Semaine
juridique), édition générale
JCP S : Juris-classeur périodique (Semaine
juridique), édition sociale
JO : Journal Officiel
L
L. : loi
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
Liaisons soc. : Liaisons sociales
M-N
n° : numéro
O
obs. observations
Op. cit. : Opere citato (dans l'ouvrage cité)
Ord. : ordonnance
P-Q
p. : page
PSE : Plan de Sauvegarde de l'Emploi
R
Rapp. : rapport
RDC : Revue de Droit des Contrats
RDP : Revue de Droit Pénal
RDT : Revue de Droit du Travail
Rev. : revue
Rev. Sociétés : Revue du droit des
sociétés
RIDC : Revue Internationale de Droit Comparé
RJS : Revue de jurisprudence Sociale
RLDC : Revue Lamy de Droit Civil
RPDS : Revue Pratique de Droit Social
RSC : Revue de Sciences Criminelles
RTD Civ. : Revue trimestrielle de droit civil
RTD Com : Revue Trimestrielle de Droit
Commercial
RTDE : Revue Trimestrielle de Droit de l'Europe
S
Sem. Soc. Lamy : Semaine Sociale Lamy
Soc. : Chambre sociale de la Cour de cassation
T-U
T : Travail
V-W-X-Y-Z V. : voir
8
« Tous pour un, un pour tous »
Introduction
Collectif et individuel : La summa-divisio
« individuel » - « collectif » est communément
admise par le législateur du code de travail ainsi que par la doctrine
travailliste.
Les passerelles entre les deux branches de la distinction sont
évidentes, le droit ne reflète pas, malgré son ambition,
une image parfaite de la complexité des liens de travail. Cette
interférence a néanmoins contribué à
l'originalité du droit du travail. Un droit des relations individuelles
et collectives, qui a su se démarquer par les concepts et
catégories développés autour du contrat individuel et du
conflit.1
Il n'est d'ailleurs pas étonnant de trouver cette
distinction classique au coeur des débats anciens et surtout actuels qui
portent sur l'action en justice et qui questionnent les
périmètres subtils entre ce qui touche au collectif, ce qui
touche à l'individuel et ce qui touche à l'individuel et au
collectif.
Collectif et procès : Relier collectif
avec procès va logiquement à l'encontre de la conception
individualiste de l'action en justice.
Et pourtant « Tout n'est pas individuel dans le
procès individuel »2
Le collectif s'inspire souvent des cas individuels, et
l'individuel fait souvent appel au collectif lorsqu'il est à court de
forces. On passe ainsi du singulier au pluriel et du pluriel au collectif comme
un phénomène d'osmose ou d'osmose inversée.
Du reste, le droit syndical a permis, après de longues
conquêtes, de prendre en compte les intérêts qui
dépassent les intérêts individuels. Il s'agit en effet
d'« Une réalité plurielle au-delà du format habituel
c'est-à-dire individuel de l'action en justice » 3 que la doctrine
et les syndicats ont investi dans leurs recherches pour « donner un sens
aux litiges de travail »4. La doctrine a pu observer ces
dernières années une décroissance considérable des
actions individuelles exercée par les salariés devant la
justice.5 L'enjeu consiste finalement à dépasser le
cloisonnement entre collectif et individuel pour recevoir au mieux les actions
des syndicats en défense des intérêts autres que les
intérêts individuels.
1 G.Lyon-Caen, A la recherche des concepts de base
du livre IV du code de travail, Mélanges Verdier, droit Syndical et
droits de l'homme à l'aube du XXIe siècle, Dalloz 2000, p.81
2 E. Severin, « Fonction économique des
tribunaux » Economie et institutions nov. 2005
3 Sous la Direction de Ismaël Omarjee et Laurence
Sinopoli avec la contribution et la coordination de J.D, E.T, A.B.M, G.B, CD,
P.G, I.O, VO, S.P, M.R, S.R, E.S, L.S et E.T, « Les actions en justice
au-delà de l'intérêt personnel », CEJEC, Dalloz
2014
4 E. Severin, « donner un sens aux litiges du
travail » Economie et institution, 1er semestre 2006, n°9, p
129-155
5 Il y'aurait une baisse de 10% du nombre d'action
individuelles entre 2004 et 2012. V E. Severin et M. Guilleneau,
l'activité des conseils de prud'hommes de 2004 à 2012,
ministère de la justice, Pole d'évaluation de la justice civile,
septembre 2013.
9
« Il ne s'agirait donc plus, dès lors, d'opposer
mais de concilier les deux versants d'une même quête, le respect et
la valorisation des droits sociaux ».6
Individuel et procès : La convergence
traditionnelle entre intérêt et qualité d'agir
ajoutée à la nature subordonnée de la relation de travail
ont orienté les litiges au départ vers une formule de droits
d'agir très rattachés à la personne du demandeur : Il
y'avait une sorte de prévalence de la conception individuelle de
l'action en justice.
C'était la même conception qui a permis à
un syndicat d'agir en justice en se substituant à un salarié,
à la double condition que le syndicat ait au préalable le
consentement du salarié et que ce dernier conserve la liberté de
défendre tout seul ses propres intérêts.7 La
première exception à cette conception individualiste a
été consacrée dans la loi de 1920 après un
important débat juridique auquel le fameux arrêt de 1913 a mis
fin.
La dimension historique de l'action dans
l'intérêt collectif : L'action dans
l'intérêt collectif est la doyenne des attributions
conférée aux syndicats. Elle est d'ailleurs l'une des toutes
premières prérogatives parmi celles qui leur sont
attribuées. Elle est l'arme judiciaire par laquelle le droit a
privilégié les syndicats professionnels par rapport aux autres
organisations. La reconnaissance d'une telle prérogative n'était
pas simple. Son avènement s'est déroulé au prix de
batailles juridiques effroyables. En effet pendant longtemps, « la
reconnaissance du droit d'agir des syndicats s'est heurté à des
objections assez fortes. Le syndicat libre et spontané à
l'origine ne paraissait pas qualifié pour représenter la
profession en tant que telle »8. Pour certains auteurs, en
outre, (pour ne citer que M. Planiol9) « Ce type d'action a
été considéré comme radicalement incompatible avec
l'ordre juridique libéral. L'action ne (pouvait) se concevoir que pour
défendre les intérêts individuels
»10. Malgré ces argumentations
hostiles, les chambres réunies ont pu reconnaitre « officiellement
» aux syndicats cette faculté d'agir dès l'arrêt du 5
avril 1913. L'intérêt en question vecteur de
l'action était « celui de la profession » comme on disait
à l'époque et « collectif » comme on dit aujourd'hui.
Cependant, il est rare que la reconnaissance d'une prérogative juridique
soit faite du jour au lendemain sans être
6 Sophie Rozez, L'action en justice, action
individuelle, action collective, le Dr. Ouvrier .Novembre 2014, n°796.
P734
7 Cons.Const. n°89-257 DC, 25 juillet 1989.
8 Serge Guinchard, l'action de groupe en
procédure civile française. In Revue internationale de droit
comparé. Vol.42 n°2 Avril-juin 1990.Etude de droit contemporain.
p.603
9 M. Planiol affirmait que « un syndicat est un
instrument d'action collective sur le terrain économique, mais qu'il ne
peut et ne doit pas devenir une arme de procédure forgée pour
rompre l'égalité entre plaideur », in M.George-Cahen, Le
droit d'ester en justice des syndicats professionnels, Extrait du bulletin de
la Société d'études législatives, Arthur Rousseau,
Editeur, 1911 p.4
10 Fréderic Guiomard, La mobilisation du
droit dans les luttes, Syndicats : Evolutions et limites des stratégies
collectives d'action juridique, Mouvements 2003/4 n°29 p49
10
précédée par des
évènements. L'action dans l'intérêt collectif n'a
pas échappé à cette règle : Très tôt,
et avant même la date fatidique de 1913, « Les tribunaux ont
autorisé successivement les syndicats à ester lorsqu'il
s'agissait : 1-de faire respecter par des compagnies de transport les usages
généraux de la profession, ... 2-de garantir les
intérêts matériels et généraux de la
profession, 3-de réprimer les actes illicites commis par des tiers au
préjudice des syndiqués ou de faire constater les faits de
concurrence déloyale susceptible de nuire au bon renom de la profession
..5-d'assurer l'exécution d'un contrat collectif de travail,
négocié par l'entremise du syndicat ...6-d'assurer l'application
des lois sur l'hygiène, la sécurité, la protection du
travail ».11 L'action est née également dans un
contexte agité par des troubles liés à la crise du Vin. Il
y'avait une révolte au sud de la France autour de Narbonne qui a
précipité les choses. Une Révolte très forte
où il y'avait des dizaines de morts en 1905 et l'armée
était envoyé pour calmer la rébellion.12 A
cette époque révolue, la pratique de coupage du vin à
l'eau s'est développée et un syndicat de viticulteurs agit contre
un producteur de vin fraudeur. Le syndicat producteur de vin ne
défendait pas l'action d'un de ses membres en particulier mais il
agissait parce que les règles de la profession ont été
bafouillées. Le syndicat agissait ainsi comme un procureur de la
république défenseur de l'intérêt
général. Le syndicat ne demandait pas une réparation au
nom de chacun des viticulteurs lésés mais une réparation
au nom du groupe. Une partie de la doctrine très hostile pensait
à l'époque que le droit est individualiste et qu'il ne faut pas
agir au nom d'un groupe. Et pourtant, la cour de cassation va admettre l'action
de ce syndicat de viticulteurs employeurs conseillés par une autre
partie de la doctrine. On voit bien que la défense des
intérêts de la profession, les règles de l'art et les
procédés de fabrication étaient très
caractéristiques de l'esprit « corporatiste » de
l'époque. Cela confirme les propos du doyen Verdier ; « L'action
des syndicats de salariés dérive de l'action syndicale en
défense de l'intérêt collectif de la profession
initialement crée à l'adresse des syndicats de métier pour
lesquels la question d'une reconnaissance institutionnelle ne devait plus se
poser ».13
Intérêt collectif et syndicats de patrons
: A la même époque le pas a été
emboité à l'occasion d'un arrêt célèbre du
Conseil d'Etat, « syndicats de patrons de coiffeurs de limoges » du
28 décembre 1906.14 Ceci montre le rôle important des
tribunaux administratif pour reconnaitre l'action.
11 Pour un aperçu plus
détaillé sur les actions avant 1913, V M.George-Cahen, Le droit
d'ester en justice des syndicats professionnels, Préc. P 4 et 5
12
https://francearchives.fr/commemo/recueil-
2007/39688#:~:text=Le%2011%20mars%201907%2C%2087,qui%20s%C3%A9vit%20depuis%20sept%20ans.
13 J-M Verdier, Traité de droit du travail sous
la direction de Camerlynck, t.5, les syndicats, n°196, éd 1987.
14 M. Long, P. Weil, G Braibant, P.Delvolé
et Genevois, GAJA, 17e éd., Dalloz, 2009, n°17 ; J.-F.
Lachaume et H.Pauliat, Droit administratif. Les grandes décisions de la
jurisprudence, 14e éd., PUF, p.685.
11
Néanmoins, c'est avant tout grâce à la
persévérance des syndicats patronaux, très protecteurs de
l'intérêt de la profession et assistés par les conseils
d'une doctrine militante, qu'on a pu admettre l'existence même de la
notion d'intérêt collectif de la profession. Cette notion a permis
effectivement aux syndicats d'agir en justice pour défendre un
intérêt autre que leurs intérêts propres. Il est
important de souligner ce fait lorsqu'on sait aujourd'hui que l'action est
mobilisée essentiellement par les syndicats de salariés et que
plusieurs employeurs lui sont hostiles.
Liberté syndicale, personnalité
juridique et action en justice : De façon processuelle, la
recevabilité de l'action en justice est tributaire de la possession par
le demandeur de la capacité juridique d'ester en justice. Une telle
capacité n'est pas possible si la liberté de constitution n'est
pas reconnue. Liberté, personnalité et action sont de ce fait
liés.
C'est donc à partir de la liberté syndicale et
de la reconnaissance de la personnalité morale que s'est ouvert aux
syndicats professionnels l'ensemble des prérogatives juridiques à
l'instar du droit d'agir en justice. Cette liberté a permis en effet
« la constitution des groupements syndicaux selon des modalités peu
contraignantes, voire même réduites au minimum. ».
15Et c'est à compter de ce fait juridique que les syndicats
ont eu une existence légale. La loi du 12 mars 1920 16 a
ainsi « oeuvré à la construction des collectivités de
salariés par le droit du travail et a contribué à la
naissance et l'identification du groupe tout autant à la défense
de ses intérêts »17. C'est également cette
loi qui a codifié l'action dans l'intérêt collectif.
Base légale : L'action dans
l'intérêt collectif, aux multiples nominations18, niche
aujourd'hui dans l'article L 2132-3 C.T. Cet article est un vestige
presque19 intact de son prédécesseur L'article L 41111
C.T issue de la loi du 12 mars 192020, Politiquement, il s'agit de
l'une des plus importantes habilitations à agir conférée
aux syndicats professionnels pour défendre l'intérêt
collectif de la profession, si ce n'est la principale. Cet article,
composé de deux alinéas, confère aux seuls syndicats
professionnels la possibilité d'exercer la totalité des droits
réservés à la partie civile concernant les faits portant
un préjudice que soit direct ou indirect à l'intérêt
collectif de la profession qu'ils représentent. L'action peut être
exercée devant toutes les juridictions à l'instar des
juridictions répressives, civiles ou administratives. « Bien
qu'indécise (« préjudice direct ou indirect ») et
fuyante (« intérêt collectif ») la formule a
survécu aux combats qui ont suivi son intégration dans notre
droit
15 Emeric Jeansen, Lexis 360, la représentation
syndicale, n°3263. 1.1
16 L'article L. 411-10 C.T (ancien) devenu L. 2132-1
C.T.
17 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt
collectif - Développements récents. Droit social
n°7/8-juillet-Aout 2017. P.631
18 L'action est nommé tantôt l'action en
défense de l'intérêt collectif, parfois l'action dans
l'intérêt collectif de la profession ou l'action en justice au nom
de l'intérêt collectif, ou l'action dans l'intérêt
général de la profession ou l'action « syndicale » ou
encore l'action de l'article 2132-3 C.T
19 A la seule différence de l'expression «
relativement aux ».
20 Loi qui reproduit dans l'article L 411-11 C.T
l'essentiel de la solution des chambres réunis du 5 avril 1913.
12
positif ».21 Il faut noter que la
conformité de l'article 2132-3 C.T à la constitution22
a été examinée à l'occasion d'un contentieux qui a
porté sur le repos dominical. La chambre sociale a décidé
de ne pas renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité devant
le conseil 23estimant que celle-ci « ne présente pas un
caractère sérieux »24. Le conseil constitutionnel
affirmait dans cette affaire, que l'article 2132-3 C.T découlant de la
liberté syndicale ne porte pas atteinte à la liberté
personnelle ni au droit et recours effectifs des salariés. Selon
certains auteurs « La cour a agrémenté sa motivation d'une
référence intrigante à la convention EDH et à la
Convention internationale du travail ».25 Cette disposition de
l'article L 2132-3 C.T est restée propice à l'interaction entre
différents « essences » d'intérêts à
vocations collectives.
L'originalité de la prérogative
: Selon un principe général de droit toujours en
vigueur, « Nul ne plaide en France par procureur »26. Cela
signifie qu'un demandeur ne peut agir que pour défendre ses
intérêts personnels. Il n'a donc pas le droit ni la faculté
de plaider en faveur d'autrui. L'article 2132-3 C.T constitue cependant une
entorse à ce principe de droit. Cet article habilite les syndicats
à agir en défense de l'intérêt « du groupe
qu'ils représentent ».27 « Cette action montre une
forte singularité au regard du droit procédural, dans la mesure
où elle constitue un cas exceptionnel dans lequel un groupement est
habilité à agir dans un intérêt qui n'est pas le
sien propre »28. Ce privilège on peut le justifier par
la vocation altruiste du syndicat et sa légitimité à
défendre les intérêts de l'ensemble de la profession.
« L'enjeu de cette action est qu'elle permet au syndicat d'agir lorsqu'un
litige dépasse l'intérêt personnel du salarié et
rejaillit sur la collectivité ».29
Mais qu'est-ce que c'est que cette action dans
l'intérêt collectif ?
L'analyse des termes qui composent cette action est
nécessaire avant que nous puissions nous concentrer sur la notion
même de l'intérêt collectif.
L'action en justice : D'après
Demolombe, l'action (en justice) est « le droit à l'état de
guerre au lieu d'être à l'état de paix ».30
Elle est définie comme étant « un droit subjectif, de nature
processuelle,
21 Serge Guinchard, l'action de groupe en
procédure civile française. Préc. pp 603 et s
22 Particulièrement aux articles 2, 4 et 16 de
la DDHC de 1789.
23 Note Bertrand Inès, Ss. Soc 5 juin 2013,
FS-P+B, n°12-27.478, Action syndicale : non renvoi d'une QPC, Dalloz
actualité.
24 Manuela Grévy, Ss, Soc 22 janvier 2014,
n° 12-27.478. L'action en justice dans l'intérêt collectif de
la profession au coeur de la « saga de l'ouverture du dimanche », RDT
2014. P484
25 Gatien Casu, La semaine juridique-2dition
générale, n°36 - 2 septembre 2013 p 1580
26 « Nemo legem ignorare censetur ».
27 Sophie Rozez, préc. p.733
28 Frédéric Guiomard, « Quelle
place faire aux actions de groupe en droit du travail ? » RDT 2014 p
569
29 Sophie Rozez, préc. p.737
30 C.Demolombe (1855-1866), cours de Code
Napoléon, Paris, t.9, N°338
13
permettant d'obtenir d'un juge qu'il statue sur le fond d'une
prétention »31 et comme étant aussi « le
fondement de la recevabilité des prétentions »32.
Mais l'action est avant tout un droit. Un droit « pour l'auteur d'une
prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le
juge la dise bien ou mal fondée »33. L'action en justice
peut, soit être recevable ou être exclue au moyen d'une fin de
non-recevoir. La réception de l'action par le tribunal lui ouvre la voie
pour être jugée soit bien soit mal fondée 34
Une action parmi un panel d'action types : Le
syndicat dispose d'un panel d'actions en justice qu'il a la possibilité
de déployer au cas par cas. Il importe de bien distinguer entre l'action
exercée dans l'intérêt « propre » du syndicat (
qu'ils soient patrimonial ou extrapatrimonial (Art 2261-11 C.T), l'action
exercée au nom d'un salarié auquel le syndicat se substitue
(Action de substitution ), A cela il faut ajouter l'action de groupe dite de
discrimination (Art 1134-7 C.T et suivant ), l'action en intervention de
l'article 2262-10 C.T et enfin l'action « générique »
dite aussi « syndicale » exercée en défense de
l'intérêt collectif de la profession (Art 2132-3.C.T).
Les fonctions de l'action syndicale 35:
L'action dans l'intérêt collectif est action
multifonctionnelle. L'action dans l'intérêt collectif vise d'abord
à défendre le respect des lois de la profession et de
manière générale les textes sociaux. Une fonction de
veille juridique et sociale sur l'application des règles en vigueurs.
L'action a pour but aussi d'obtenir la condamnation de
l'adversaire (généralement un employeur ou un concurrent)
à verser des dommages et intérêts au syndicat qui sera
ainsi indemnisé du préjudice direct ou indirect subi par le
collectif professionnel.
Ensuite l'action revêt une fonction répressive
puisque le syndicat est considéré comme le procureur de
l'intérêt collectif de la profession. La fonction revêt un
symbolisme particulier puisqu'elle est monnayée in fine à l'euro
symbolique.
31 Benjamin Rottier, Lexis Nexis, L'action en justice
n°3247.p2
32 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz
Collection, Dalloz Corpus 2019 ISBN p.13 n°3
33 L'article 30 du CPC.
34 La signification de la recevabilité nous
invite à examiner la définition de l'action prévue
à l'article 30 CPC. Cette définition nous enseigne que « une
prétention est recevable, c'est-à-dire (basée sur une
action) est une prétention qui doit faire l'objet d'un examen de fond de
la part du juge. Pour autant cette prétention soit recevable ne signifie
pas qu'elle sera reconnue bien fondée. Une prétention peut
être recevable et, après examen au fond, mal fondée. »
In Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz Corpus 2019 ISBN
n°5 p.14
35 Sur les fonctions de l'action syndicale V. Marc
Richeveaux, « l'action en justice des syndicats et l'intérêt
général »
https://www.u-picardie.fr/curapp-revues/root/10/richevaux.pdf
p.96
14
« L'action est susceptible d'être d'avantage
offensives « tribunicienne », l'action peut avoir pour objet
principal de constituer un précèdent afin de protéger
l'intérêt collectif ou de résoudre une question de principe
ou de portée générale intéressant l'ensemble de la
collectivité professionnelle »36
Elle permet ainsi aux syndicats d'affirmer leurs positions
juridiques vis-à-vis d'une question qui intéresse la profession
entière.37.
L'exercice de cette action exige deux conditions : d'abord le
syndicat doit agir dans l'intérêt collectif de la profession et le
préjudice subi doit affecter les intérêts collectifs de la
profession.38
Qu'est-ce qu'une profession ?
La profession : La « profession »
est une notion très liée à l'histoire du droit de travail
et à ses « enjeux contemporains »39 mais dont on
n'a pas de définition juridique propre.40
On a souvent tendance à confondre « profession
»41 et « métier » bien que l'usage des deux
notions puisse être différencié42. Le terme
profession remonte en effet à l'édit de Turgot de 1776 qui a
anéanti une première fois « les corporations
»43 avant qu'elles ne soient définitivement
abolis44 par la loi Le Chapelier de 179145. C'est
à partir de cette date que les professions ont perdu leur existence
juridique et que la revendication au nom d'elles ont été
réprimés 46. La profession va être
rééditée à la fin de l'empire libéral
(second empire) notamment avec l'abrogation de la loi Le Chapelier en 1864 et
la promulgation de la loi relative à la création des syndicats
professionnels du 21 mars 1884. Cependant,
36 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt
collectif - Développements récents. Préc. P.631
37 Marc Richevaux, l'action en justice des syndicats
et l'intérêt général (référence
incomplète) p 97
38 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand,
Cécile Chainais et Lucie Mayer, « Procédure Civile »,
Hyper cours, 6éme édition, Dalloz 2019 n°116 p.61
39 Des enjeux de liberté, d'identité
et de sécurité selon Pascal Caillaud, Droit social n°2
février 2016, déclin ou renouveau des professions ? p 100.
41 Une partie de la doctrine s'accorde à
définir les professions comme étant« des métiers
auxquels est associé un statut, procurant des avantages en terme
d'autonomie, de pouvoir, de rémunération, et de prestige »,
F.champy, la sociologie des professions, Coll. « Quadrige Manuels »,
PUF, 2009. 31 s.
42 La profession « désigne aussi bien les
activités manuelles que les activités intellectuelles ; elle est
employée spécifiquement pour désigner les activités
libérales » alors que le métier « renvoie à des
considérations matérielles et techniques et est employé
pour désigner l'activité des ouvriers et des artisans »,
Pour mieux saisir la nuance, V Jean-Pierre Le Crom, La profession dans la
construction du droit de travail, Droit social n°2 février 2016 p
105
43 Ce sont des communautés de métiers,
appelés aussi Jurandes qui décidait des règles
d'entrée dans le métier.
44 C'est une Loi célèbre qui a «
mis fin au monopole des communautés d'art et métiers et qui a
démantelé également « tout un maillage de
solidarité professionnelles qui s'est érigé au point de
former une constitution politique », in Patrick Legros, L'intervention
sociale d'intérêt collectif entre action collective et management,
Cairn.info pour ERES, Vie sociale- n°/2012 .p 148.
45 S. L. Kaplan, la fin des corporations, Fayard,
2001, 740 p.
46 P.Minard, le métier sans institution :
les lois d'Allarde, Le Chapelier de 1791 et leur impact au début du XIXe
siècle, in S. Kaplan et P.Minard, La France malade de corporatisme ?,
Belin, 2004.81-95
15
la base de regroupent des salariés et employeurs va
rester imprécise parce qu'elle pourrait concerner la profession, les
métiers similaires ou les professions connexes47. On va le
voir mais c'est exactement cette notion de connexité qui va amorcer la
mutation du syndicalisme en France, d'un syndicat de métier à un
syndicalisme de profession. La notion de profession va d'ailleurs être la
source de l'une des plus importantes discussions conduisant à la
promulgation de la loi relatives à la création des syndicats de
188448. La question se posait à l'époque de savoir si
les syndicats étaient aptes ou non à défendre en plus de
leurs intérêts propres, les intérêts
généraux de la profession. La règle d'interdiction de
plaider par procureur invoquée initialement par la chambre criminelle
pour refuser cette compétence aux syndicats a été
neutralisée plus tard par les chambres réunis de la cour de
cassation par le fameux arrêt du 5 avril 1913. Un arrêt
précurseur dont l'esprit va être repris par la suite par la loi du
20 mars 1920.
L'intérêt collectif, une notion complexe
: Il est difficile d'avoir une définition qui vaut dans toutes
les hypothèses de l'intérêt collectif. La fugacité
de la notion et son « évanescence »49 a
laissé perplexe plus qu'un auteur. L'expression change un peu de sens
selon qu'on l'utilise pour définir des espaces de représentation
ou selon qu'on s'en sert pour voir quelles sont les conditions de
recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif. Il n'y
pas une notion qui vaut tout le temps de l'intérêt collectif ; Par
exemple, l'intérêt collectif qui s'incarne dans des
communautés de travail (Etablissement, UES . . . etc.) n'a pas d'effet
sur l'action dans l'intérêt collectif. L'intérêt
collectif au sens des espaces de représentation se distingue donc de
l'intérêt collectif au sens de l'action en justice dans
l'intérêt collectif. L'action dans l'intérêt
collectif se joue donc sur un autre niveau qu'on exposera
ultérieurement. La notion d'intérêt collectif est
également différente de l'intérêt à agir qui
est une condition de recevabilité de l'action en général.
Décidément il s'agit d'une notion balise qui sert à plein
de choses. Certains auteurs ont à propos pu affirmer que c'est une
notion qui « se dérobe à toute définition
essentialiste ».50 Une notion qui se conjugue tantôt avec
l'intérêt général, tantôt avec
l'intérêt individuel. C'est à travers l'examen des
obstacles qui se dressent devant elle qu'il nous sera possible d'approfondir
son sens précis. La complexité de la notion se matérialise
également dans la faculté qu'a l'action dans
l'intérêt collectif à couvrir des atteintes indirectes,
potentielles et même prospectives. Tout l'intérêt de
l'analyse est de réussir à circonscrire cet intérêt
dans un cadre perso-spatial qu'on pourra rattacher à un préjudice
déterminé. L'analyse de cet intérêt passe donc par
une limitation de
47 Article 2 de la loi 1884.
48 A propos de la loi de 1884, V : Denis Bardet,
Retour sur la loi de 1884 : La production des frontières du syndicat et
du politique, Persée, in : Genèses, 3, 1991. La construction du
syndicalisme.pp.5-30
49 F.Guiomard, quelle place faire aux actions de
groupe en droit du travail ? , préc, .568
50 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt
collectif, préc. p.632
16
voisinage avec les autres intérêts à
savoir ceux de la société (l'intérêt
général), ceux du travailleur (l'intérêt
individuel), ceux de l'entreprise (l'intérêt sociétal) et
ceux de l'institution élus. Cette lecture est brouillée par une
mutation récente des intérêts, laquelle est amorcée
par la mutation même du droit du travail.
La mutation des intérêts : La
mutation des intérêts a contribué à rendre l'action
plus difficile à circonscrire. Les intérêts s'additionnent
parfois et leur consistance se confond parfois et se superpose.
L'intérêt général mute et détecte des
nouvelles fonctions influencées par les nouvelles politiques sociales et
législatives51. L'intérêt social (de la
société) boussole de l'entreprise présage une
évolution subtile et multidirectionnelle amorcée par des
nouvelles lois sociales52. L'intérêt individuel, fort
de son caractère « égoïste » se cristallise
aujourd'hui dans de nouvelles configurations altruistes. L'action dans
l'intérêt collectif s'adapte et se réarticule autours de
ces nouveaux paramètres. Cette dynamique nous convie à se
focaliser sur le périmètre de ces intérêts ainsi que
leurs interactions.
La notion d'intérêt collectif :
Cette notion d'intérêt collectif n'a pas
été définie par le législateur. Elle est
pour-autant primordiale parce qu'elle vectorise l'action exercée dans
l'intérêt collectif et conditionne par conséquence sa
recevabilité.
L'intérêt53 collectif, s'analyse comme
« un trouble susceptible d'être ressenti par chacun des membres des
syndicats et de nuire à la profession entière
».54 L'atteinte à l'intérêt collectif de la
profession « De façon synthétique, sera reconnue ... en cas
de violation d'une règle causant un préjudice à l'ensemble
des salariés ou à une partie d'entre eux ».55 Cet
intérêt collectif peut se définir à la fois par un
aspect positif et un aspect négatif. On a pu affirmer à propos de
cette notion que « Négativement, (elle) ne se confond ni avec
l'intérêt général, ni avec les intérêts
particuliers de ses membres ou de la victime directe. Pour autant, il peut se
cumuler avec eux dès lors que, par définition, toute infraction
porte atteinte à l'ordre public, et que toute personne subissant un
préjudice personnel en lien direct avec l'infraction peut se constituer
partie civile. Positivement, on peut y voir (dans l'intérêt
collectif de la profession) une sorte de sous-ensemble de
l'intérêt général, plus étroit que ce
dernier. En effet, il ne concerne que la collectivité des personnes
exerçant la profession pour la défense de laquelle le syndicat
est constitué. Par ailleurs, il est plus large que
l'intérêt individuel, car il peut exister même si la
victime
51 Cet intérêt général
« trouve un nouveau visage sous les traits du bien commun que constitue
l'emploi, favorisé par la sécurisation des décisions d'une
des parties du contrat de travail », T.Sachs, Quand la
sécurité juridique se perd dans l'analyse
économique.Dr.soc.2015.1019 in Cyril Wolmark, l'action dans
l'intérêt collectif, préc. P.631 et s
52 Exemple : La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019
(Connue sous le nom de Loi Pacte).
53 Malgré une connotation négative.
54 Brun et Galland, Traité de droit du travail,
2eme édition, 1977, t, 2, n°808
55 Marie-Cécile Amuger-Lattes, La semaine
juridique Entreprise et Affaire n°50, 14 décembre 2006 La
répression continue du harcèlement moral au travail, p.2808.
17
n'est pas membre du syndicat dès lors qu'elle exerce la
profession ».56 Nous pensons que cet intérêt est
à mi-chemin entre l'intérêt individuel d'une part et
l'intérêt collectif d'autre part. Un intérêt
collectif (qui) n'est pas en plus équivalent à la somme d'une
addition mathématique des intérêts individuels. « La
frontière tracée par la jurisprudence entre des
intérêts purement individuels et l'intérêt collectif
n'est pas toujours convaincante ».57 Il y'a une sorte de
porosité presque normale entre intérêt collectif et
intérêt individuel qui rend cette notion insaisissable. « Les
spécialistes de procédure civile considèrent que cette
notion d'intérêt de la profession constitue une pure abstraction
dépourvue d'un contenu véritable ».58 A ce stade
de réflexion, on peut dire que l'intérêt collectif est
« un résultat mathématique d'une solution favorable qui
dépasse virtuellement la somme de tous les intérêts
individuels additionnés ». On pense que l'intérêt
collectif a au moins trois caractéristiques : Il réussit bien
à s'adapter, il a une grande facilité à s'identifier et
enfin il se conjugue bien au pluriel.
Droit et organisations syndicales : le
rapport entre droit et organisations syndicales et plus
précisément le rapport entre actions en justice et organisations
syndicales est loin d'être simple. Les profondes évolutions que
les organisations syndicales ont subies durant la dernière
décennie59 sont évocatrices d'un mouvement alternatif
qu'on peut brasser à grand traits.
« A la méfiance que les syndicats ont longtemps
montrée à l'égard du système judiciaire et de
l'action devant les tribunaux, semble s'être substitué un usage
relativement courant de l'action en justice, désormais
intégrée aux stratégies d'action des syndicats ».
60
L'évolution est rattachable donc au contexte syndical de
l'époque.
D'abord « Les organisation syndicale ont très
longtemps considérés avec beaucoup de méfiance l'ordre
juridique »61. Dans ce contexte, il convient de rappeler que le
conseil des prud'hommes62, reconnu au 19eme siècle, a
été pensé comme une institution concurrente aux
institutions juridictionnelles « Etatiques ». En raison de cette
méfiance63, les organisations syndicales ont opté pour
l'action
56 Cerf-Hollender, Infractions relevant du droit
social, Dalloz, Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé 2010/4 N°4, p 871.
57 Sophie Rozez, L'action en justice, action
individuelle, action collective, préc. n°796 p.737
58 J.Héron et T. Le Bars, droit judiciaire
privé, Montchrestien, 2002, n°74 in Fréderic Guiomard, La
mobilisation du droit dans les luttes, Syndicats, préc, p50.
59 Précisément, depuis les années
soixante-soixante-dix
60 Fréderic Guiomard, Droit Social 2020,
préc. p.130 et s
61 Fréderic Guiomard, La mobilisation du droit
dans les luttes, préc, n°29 p48
62 Les conseils de prud'hommes sont nés
à Lyon en 1806. Ce sont les lois du 15 juillet 1905, 27 mars 1907 et 15
novembre 1908 qui leurs ont conféré leurs forme moderne.
63 L.Willemetz, Quand les syndicats se saisissent du
droit. Invention et redéfinition d'un rôle, Sociétés
contemporaines, N°52, 2003.17
18
collective 64 plutôt que pour l'action en
justice. Pour témoigner de ce mouvement, un texte65
tiré de la Revue de la vie ouvrière de 1973 et republié
par la suite dans la Revue pratique du droit social (écrit
spécialement à l'occasion du 60éme anniversaire de la CGT
) est révélateur. L'apparence des préoccupations
juridiques dans le mouvement syndical n'étaient pas en effet
évidente. Cette apparition s'est opérée d'après ce
texte en plusieurs phases. Elle a été initiée d'abord par
une vision péjorative du droit et de la justice en
général. C'était plutôt un droit qui faisait durer
l'exploitation des ouvriers et qui était difficile à
défendre par les ouvriers. Les lois « bourgeoises »
défendaient uniquement les intérêts du patronat. D'ailleurs
c'est pourquoi le texte fait référence à la théorie
anarchiste66. L'auteur du texte précise en même temps
que la défense juridique peut malgré tout devenir un aspect de la
lutte des classes et de conquêtes de nouveaux droits. 67 Le
droit n'est pas source de progrès mais il peut le devenir. 68
Cette première phase est suivie ensuite par une autre
qui marque une conception défensive voir passive du recours à la
justice.69 Le droit devint un outil dans la lutte des classes.
Cependant, lorsque la loi est devenue une source du progrès, celle-ci
risquait d'être ignorée et non appliquée par l'employeur.
Les syndicats dans ce cas étaient contraints de demander l'application
du droit par le biais des actions en justice
La troisième étape a marqué enfin un
passage d'une vision défensive à une vision plus offensive.
70 Il y'avait une prise de conscience de la nécessité
d'utiliser le droit afin de faire respecter le droit et surtout afin d'obtenir
des nouveaux droits pour le groupe.
Le développement des stratégies
judiciaires : Certaines confédérations syndicales ont
commencé assez top à développer de véritables
stratégies judiciaires dans l'intérêt collectif de la
profession. Les confédérations qui sont à l'origine de ces
stratégies sont principalement la CFTC et la CFDT ; La CFDT, depuis les
années 60, a compris très vite l'intérêt que les
stratégies d'action en justice pouvaient lui apporter. Ce qui lui a
permis de réussir à imposer l'application de certaines
conventions collectives
64 L'action collective se définit comme
étant « l'ensemble des pratiques coordonnées d'un groupe
pour la défense de ses valeurs et de ses intérêt »,
Pierre ANSART, « Action collective », in André Akoun et Pierre
Ansart (dir), dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert/Seuil, 1999, P8
65 Ce texte est intitulé « Comment sont
apparus les préoccupations juridique dans le mouvement syndical
français » (introuvable)
66 L'inverse du droit étant l'absence de
droit.
67 «Nous pensons aujourd'hui que la
défense juridique est un aspect de la lutte des classes ».
68 Dans le quart du 20éme siècle les
théories anarchisante étaient influentes dans la classe
ouvrières et il y'avait peu de lois sociales à défendre.
Cela explique que dans les syndicats, les lois de la bourgeoisie étaient
alors globalement tenus comme suspecte voire dangereuses.
69 « L'évolution est logique, on lutte pour les
revendications des travailleurs. La lutte connait des revers mais aussi des
succès. Et parfois ces succès donnent lieu à des lois. Le
patronat sabote l'application de ces lois. Pour lutter contre lui, il faut
aussi l'obliger à respecter ces lois ». Préc.
70 Il y'avait une réelle volonté de
développer une « conception offensive » de l'utilisation de
lois sociales.
19
et d'améliorer l'environnement juridique de
l'époque à travers des revirements de jurisprudence. Parmi ces
stratégies judiciaires, on compte les arrêts Perrier71
en lesquelles la cours de cassation a déduit qu'il y'avait bien un
délit d'entrave. Ces actions ont été menées donc
par la CFDT mais aussi dans une moindre mesure par la CGT. Ces arrêts
étaient perçus comme une grande victoire de l'action syndicale.
Ces actions syndicales étaient en fait appuyées par plusieurs
universitaires tel que le doyen Verdier qui a joué entre-autre un
rôle important dans l'accomplissement de ces revirements. Quant à
la CFTC elle avait recours à une stratégie assez
particulière qui consistait en effet à aller sur le domaine du
pénal. 72 L'époque était particulièrement propice
au renforcement de l'arsenal des actions ainsi que les sanctions pénales
susceptibles d'être prononcés à l'encontre des employeurs.
Le mouvement était mal perçu par ces derniers à tel point
qu'on a utilisé le terme de « Juges rouges » pour
désigner les magistrats particulièrement sensibles à la
question sociale.
Stratégies récentes d'action dans
l'intérêt collectif : Récemment encore, on voit
qu'il y'a certaines thématiques qui sont au coeur de ces
stratégies syndicales parfois sur le long terme73
Comme à l'occasion du contentieux sur le respect du
« Contrat de nouvelle embauche », des dispositions de la convention
n° 158 de l'Organisation internationale du travail 74 ou sur la
discrimination au travail.
La mobilisation de la prérogative :
Marque d'une exponentielle évolution, l'exercice de l'action s'est
opéré sur plusieurs niveaux75. L'évolution de
cette mobilisation peut se lire comme le signe d'une réelle souffrance
syndicale selon certains auteurs. 76 On se demande si elle n'est
pas, en fait « en trompe-l'oeil » ?77 . On se demande
à notre tour si elle ne sert pas en effet à faire la promotion
71 Cass, Ch. MIXTE, du 21 juin 1974, Publiés au
bulletin, arrêts dans lesquels il était question de
représentants du personnel et différents employeurs. L'employeur
de la société Perrier avait décidé de
résilier le contrat de ces représentants- salariés
mandaté, il avait fait une demande de résiliation judiciaire sans
demander au préalable l'accord de l'administration.
72 Ce n'est pas pour rien qu'à l'époque
on parlait de pénalisation du droit du travail, notamment par le biais
du délit d'entrave. Les arrêts Perrier s'inscrivent donc dans la
continuité du mouvement de pénalisation du droit du travail comme
par exemple la loi de 1972 qui a modifié le régime applicable aux
sanctions du droit de travail.
73 J.-P. Murcier, La stratégie judiciaire de la
CFDT. Une stratégie pour les temps, Action juridique CFDT, n° 4,
juillet-août 1978.
74 Soc. 1er juill. 2008, no 07-44.124, Bull. civ. V,
no 146.
75 « Les actions syndicales paraissent se déployer
aujourd'hui à tous les niveau, que ce soit dans l'entreprise, la branche
, le niveau interprofessionnel et, de façon croissante à une
échelle internationale, devant la cour européenne des droits de
l'homme, le comité européen des droits sociaux ou devant l'OIT
» in Fréderic Guiomard, Droit Social 2020.préc. p.130 et
s
76 « La multiplication, dans la période
récente, de procédures médiatisées par les
confédérations syndicales pourrait même parfois laisser
craindre que l'action en justice ne masque les difficultés de l'action
juridique au quotidien dans l'entreprise » in Fréderic Guiomard,
préc. p.130 et s
77 Fréderic Guiomard, préc, p.130 et
s
20
auprès de salariés de plus en plus
désintéressés par le monde syndical ? La place
décadente du syndicalisme dans l'entreprise ainsi que les
difficultés rencontrées par les organisations syndicales
pour recruter sont susceptibles de soulever des questions sur
la légitimité de cette action, et d'encourager inclusivement la
recherche de nouvelles voies revendicatives. Le rôle grandissant
dévolu aussi bien à la négociation collective qu'aux
élections professionnelles dans l'attribution des prérogatives
syndicales, permet de soulever des questions relatives aussi à la
qualité des acteurs investis dans la mission de défense de
l'intérêt collectif.
L'intérêt du sujet : Mais
pourquoi intéressons-nous à cette action ? On l'a vu, l'action
dans l'intérêt collectif est la première prérogative
historiquement, qui caractérise un pouvoir de représentation du
syndicat qui dépasse ses membres. C'est la prérogative qui
traduit un pouvoir de représentation dans un intérêt
collectif. C'est la Jurisprudence qui a délimité cette action
dans l'intérêt collectif et qui a donc peu à peu
déterminé ce qu'est l'étendu du pouvoir de
représentation des syndicats. En tant que l'un des pylônes du
droit social, l'action syndicale en justice, est examinée de
manière théorique et assez attentive par la doctrine
travailliste. Feux J-Maurice Verdier l'avait qualifié de « vielle
Lune » dans l'un de ses derniers articles. 78 Si l'action en
justice parait protégée législativement à travers
un panel non négligeable de formes79, son expansion a
été ralentie ces dernières années à la fois
par une collection nouvelle d'intérêts et d'acteurs et par
l'émergence de nouveaux types de contentieux.
La « question de la recevabilité des
prétentions des groupements vindicatifs est une des plus agitées
du droit d'agir »80. L'intuition nous poussera à
explorer la relation entre un freinage ressenti et un mouvement global de
mutation sur le point de survenir. L'action juridique demeure malgré
tout un sujet fondamental dans la discipline du droit du travail. Elle
constitue une voie inéluctable pour défendre les droits.
La garantie des droits et la lutte sociale n'ont jamais
été une tâche facile, à cause du lien sensible de
subordination juridique.
On s'y intéresse donc à cette action parce que
son exercice est un levier important de progrès social dans un contexte
mondial déconstructiviste des droits.
L'action dans l'intérêt collectif est un moyen de
lutte « à chaud ».
78 13-Frederic Guiomard, Droit Social 2020 «
l'action en justice des syndicats dans l'entreprises : vielle lune, toujours
actuelle ? p.130 et s
79 Tel que l'action dans l'intérêt
collectif de la profession, l'action en substitution, l'action de groupe...
etc.
80 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz
Collection, préc, p 191.
21
On pense que l'exercice de l'action dans
l'intérêt collectif est, néanmoins, le signe de la bonne
santé d'un système juridique.
Du reste, L'article 2132-3 CT, très stable dans le
temps a été le terrain et la base légale d'un contentieux
qui a vu s'entremêler plusieurs catégories
d'intérêts. L'action syndicale est l'archétype d'une
représentation au contentieux de type théâtral. Une
représentation qui habilite tout syndicat, représentatif ou non
à défendre les intérêts supérieurs de la
profession, métier ou branche. Il convient de s'interroger dans ce
travail sur le régime juridique de cette action à
travers les conditions qui permettent son exercice. La casuistique et les
domaines de sa recevabilité devant les juridictions vont nous donner une
idée précise sur la place réservée au collectif et
sur la conception jurisprudentielle de la notion d'intérêt
collectif.
L'analyse des actions exclues par la jurisprudence se trouvant
à la crête des actions admises nous permettra de s'interroger en
plus sur le mouvement que cette action est en train d'emprunter.
Est-il encore un mouvement d'expansion continue ou au contraire s'agit-il d'un
mouvement qui tend vers le déclin ou la réinvention ?
Outre le régime juridique et la tendance, il convient
de s'interroger aussi sur les raisons qui ont poussé l'action dans
l'intérêt collectif à évoluer voire à
muter ?
L'occasion sera propice par conséquence pour situer
le centre de gravité de l'intérêt collectif et de
déterminer le cas échéant sa consistance ?
L'examen de la jurisprudence nous permet de constater que
l'action « syndicale » a connu un mouvement d'extension continue et
multidirectionnel depuis sa naissance en 1913. Il y'avait effectivement une
longue tradition jurisprudentielle qui tendait à élargir cette
action. « La cour de cassation a ces dernières années de
manière remarquable donné à ce texte (2132-3C.T) une
grande portée »81.Une orientation jurisprudentielle
« en parfait adéquation avec le concept inédit d'action en
justice résultant de la loi de 1920 ».82
Cet élargissement est perçu à travers des
règles d'exercice facilité qui ont donné lieu à des
hypothèses de recevabilité assez étendus.
L'action est devenue tentaculaire et à la limite de
l'incontrôlable d'un certain point de vu.
81 Manuela Grévy, Ss, Soc 22 janvier 2014,
n° 12-27.478. L'action en justice dans l'intérêt collectif de
la profession au coeur de la « saga de l'ouverture du dimanche », RDT
2014. P486
82 Obs G.Borenfreund, RDT 2007.536
22
Cependant on pressent ces dernières années une
tendance jurisprudentielle et législative pour contrecarrer cette
expansion et la contrarier83.
Son champ d'action est méthodiquement inhibé. Sa
déconstruction est perceptible à plus d'un titre.
L'irrecevabilité récente de certaines prétentions
concomitantes à l'entrée en jeux d'acteurs et de nouvelles
actions a affaibli l'action dans l'intérêt collectif. L'ouverture
de l'action aux syndicats non représentatifs dérange de plus en
plus. On observe un mouvement à contrepied d'une vertu
annoncée.
Si la jurisprudence n'a pas changé de façon
assez nette sa trajectoire, elle semble être pour-autant sur le point de
prendre un virage décisif qui pressent une mutation de fond.
L'essor vénéré de la négociation
collective, la remise en cause de condition de représentativité,
la déjudiciarisation du droit social, la dépénalisation du
droit84, l'émergence de l'action de groupe, la dichromie de
la représentation, la cristallisation des intérêts
individuels, l'activation de nouveaux acteurs et problématiques ont
contribués au freinage de l'action dans l'intérêt
collectif. Le destin de l'action dans l'intérêt collectif est
scellé.
L'action est contrainte de muter à travers de nouvelles
jonctions et articulations.
Nous allons montrer dans une première partie comment
cette action a été pendant longtemps en expansion tentaculaire
à travers des conditions d'exercice facilitées qui ont
favorisé sa recevabilité dans des domaines étendus et
devant des juridictions multiples (partie première).
La deuxième partie sera consacrée par contre
à la démonstration du freinage ressenti qu'on voit bien à
travers des cas récents d'irrecevabilités et une concurrence
montante induite à la fois par des actions et acteurs rivaux
(deuxième partie).
83 Cyril Wolmark, préc, p.631
84 Sur la dépénalisation V. M.Segond,
A propos de la dépénalisation : pour un débat juridique et
non point idéologique : RDT 2012, p.404
23
Première partie : Une action en expansion
L'action dans l'intérêt collectif a connu une
expansion continue parce que d'une part ses conditions d'exercice sont
facilités (section 1) et parce que d'autre part sa recevabilité
couvre un champ très étendu (section 2).
Section 1 : Des conditions d'exercices
facilités
L'exercice de l'action dans l'intérêt collectif
est extrêmement impacté par les dispositions du droit privé
régissant l'action en justice. « Techniquement, la sélection
des bonnes prétentions, qu'elles soient ou non fondées en droit,
s'opéré aux moyens de fins de non-recevoir
».85
L'examen des exigences concrètes d'exercice de l'action
dans l'intérêt collectif montre une grande souplesse des
conditions, à la fois procédurales (sous-section 1) et statutaire
(sous-section 2) nécessaires à son admission.
Sous-section 1 : Les conditions procédurales de
recevabilité
Les syndicats professionnels qui remplissent les conditions
relatives au droit d'agir (paragraphe 1) disposent de plusieurs voies pour
engager l'action dans l'intérêt collectif de la profession
(paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Les conditions relatives au droit d'agir
:
Il est important de noter que l'accès à la justice
dépend essentiellement du droit processuel en sa
globalité.
Le fondement du droit d'agir a été consacré
par les articles 30 et suivants du code des procédures civiles.
Selon l'article 30 CPC, le droit d'agir est le droit de soumettre
une prétention au juge pour qu'il la dise bien ou mal fondée.
« Ce droit n'est cependant pas absolu car le code de
procédure civile institue des filtres permettant de sélectionner,
parmi les prétentions soumises au juge, quelles sont celles qui
méritent de faire l'objet d'un tel examen » 86
85 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz
Collection, Dalloz Corpus 2019 ISBN n°9 p.15
86 Dalloz actualité, 22 septembre 2017, Mehdi
Kebir « Syndicat : recevabilité de l'action dans
l'intérêt collectif » Soc. 7 sept 2017, FS-P+B,
n°16-11.495.
24
« N'importe qui n'a pas le droit de demander n'importe
quoi n'importe quand à un juge » écrivaient Cornu et Foyer
87
Pour que l'action en défense de l'intérêt
collectif puisse être accueillie par le juge, des conditions tenant
à la fois de l'intérêt à agir (sous paragraphe 1) et
à la qualité d'agir sont requises (sous paragraphe 2).
Sous paragraphe 1 : L'intérêt à
agir
« Les rapports entre intérêt à agir
et qualité à agir sont subtils ».88
La qualité de syndicat professionnel n'est pas toujours
suffisante pour agir en justice. Encore faut-il que le groupement ait
intérêt à agir.
L'intérêt, en principe implique qualité
à moins que « la loi (a) fait attribution exclusive du droit d'agir
à des personnes qualifiées, c'est-à-dire
désignés par le législateur ».89
Cette notion est énigmatique et complexe. On a envie
à son propos d'emprunter la maxime de Pascal : « son centre est
partout et sa circonférence nulle part ».
L'action dans l'intérêt collectif « repose
sur une dissociation de l'intérêt à agir de celui
protégé par l'action, les deux ne se confondent pas
».90 En d'autres termes la notion d'intérêt
à agir est différente de la notion d'intérêt
collectif.
Mais que veut-on dire par là ?
La référence à l'article 31 CPC est
nécessaire pour écarter la confusion.
Cet article dispose que « l'action est ouverte à
tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou
au rejet d'une prétention ».
« Si la recevabilité posait vraiment un
problème d'intérêt, celui-ci dépendrait en
définitive du juge, et la prétention serait recevable à
condition que le juge lui-même voie un intérêt à ce
qu'elle le soit »91
87 G. Cornu et J.Foyer, Procédure civile, 3eme
éd, PUF, 1996, p.322.
88 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand,
Cécile Chainais et Lucie Mayer, « Procédure Civile »,
Hyper cours, 6éme édition, Dalloz 2019 n°83 p.51
89 Serge Guinchard, Droit et pratique de la
procédure civile, droit interne et européen 2017-2018, Dalloz
Collection, Dalloz Action 9e édition p.5
90 H.Moltusky, principes d'une réalisation
méthodique du droit privé, Paris, Dalloz, 2002 (1948), p.38
91 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz
Collection, Dalloz Corpus 2019 ISBN p.116
25
« L'exigence de légitimité de
l'intérêt, qui figure aujourd'hui dans l'article 31 CPC est, en
effet comprise en jurisprudence comme l'autorisation donnée au juge de
porter un jugement de valeur sur le recours fait à la justice
».92
Cet intérêt s'apprécie à la date
d'introduction de l'instance et son défaut implique une fin de
non-recevoir qui peut être invoqué en tout état de cause et
peut toujours être révélée d'office par le
juge93
Sous paragraphe 2 : La qualité pour agir
« La possibilité d'agir pour la défense des
intérêts repose sur deux justifications en particulier : la
représentation et la qualité ».94
« Par qualité à agir, on entend le titre
juridique conférant la prérogative légale de l'action en
justice, conférant le droit de solliciter du juge l'examen de sa
prétention ».95
« En principe, la qualité, titre donnant la
prérogative de l'action en justice, découle de l'existence d'un
intérêt à agir. Mais il n'en est pas toujours ainsi ...
(parfois) la qualification à agir par la loi procède d'une
extension du droit d'agir au-delà des cas où il existe un
intérêt personnel à agir ».96
La question de la qualité à agir en défense
d'un intérêt autre qu'individuel s'est posée de
manière différente pour les Syndicats professionnel et les
associations.
La qualité d'agir d'un Syndicat professionnel :
Il résulte des dispositions de l'article 2132-3 C.T que
l'action dans l'intérêt collectif de la profession n'est
praticable que par un syndicat professionnel sans distinguer qu'il soit un
syndicat de salariés ou un syndicat d'employeur.
Il est nécessaire aussi que le groupement soit un «
syndicat professionnel » pour prétendre disposer de la
qualité requise par les principes de procédures
civiles.97
L'action en justice est ouverte également aux syndicats
dits « primaires » ou aux unions de syndicats sous réserves
des conditions statutaires définissants leurs périmètre
professionnel et territorial.
Par extension jurisprudentielle de l'habilitation
législative résultante de l'article 2132-3 C.T98,
la
92 Serge Guinchard, Droit et pratique de la
procédure civile, préc. p.14
93 Art 125, al 2 CPC
94 « Les actions en justice au-delà de
l'intérêt personnel », préc. p.27
95 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand,
Cécile Chainais et Lucie Mayer, préc, n°83 p.51
96 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand,
Cécile Chainais et Lucie Mayer, préc, n°99 p.55
97 V. Crim 14 juin 2000, n°99-86.810, Bull. crim
n°220 ; Dr. Soc 2000.1017, obs.Savatier ; D.2001 Somm. 822, obs.
Tissandier.
98 Cette habilitation limite la recevabilité de
l'action en principe aux seules infractions pénales.
26
qualité d'agir est reconnue même en absence
d'infraction pénales.
Le syndicat est qualifié donc pour agir devant les
juridictions pénales, civiles, administratives, européennes et
internationales.
La qualité d'agir « discutée »
d'une association en défense de l'intérêt collectif
:99
« Très tôt, la question s'est posée
de savoir si l'association pouvait agir en justice afin de défendre
l'intérêt collectif qu'elle s'était donné mission
pour protéger ».100
Au début du dixième siècle, la
jurisprudence s'est montrée réticente à leur
égard.
Elle a jugé en effet qu'ils n'avaient la
possibilité d'agir qu'en étant munies d'une habilitation
législatives expresses. 101
La cours de cassation avait admis l'action en défense
de l'intérêt collectif de la profession seulement aux syndicats
parce qu'à l'époque on observait une unité du monde
syndical. Dès lors qu'il y'avait une unité du monde syndical, il
était beaucoup plus facile pour la cour de cassation de
considérer que les syndicats étaient les représentants
naturels et unique de la profession. Ce qui n'était pas le cas dans le
monde associatif non syndical et précisément les associations non
syndicales.
Action dans l'intérêt collectif et
absence de condition de représentativité : L'article
2132-3 C.T, n'exige pas que le Syndicat soit représentatif pour lui
reconnaitre le pouvoir d'ester en justice. Aucune condition relative à
la majorité n'est exigée non plus. Les Syndicats non
représentatifs au sens de la loi de 20 août 2008 ont donc aussi le
droit d'agir pour contester toute atteinte portée à
l'intérêt collectif de « la profession » qu'ils «
représentent ».102 Ainsi comme l'a indiqué J.-M.
VERDIER, « la qualité du syndicat pour agir est fondée sur
sa fonction représentative de la profession ».103
Si à l'époque on n'a pas réservé
cette action qu'aux seuls syndicats représentatifs c'est tout simplement
parce que la notion de représentativité n'existait pas en 1913.
La notion de représentativité n'a été posée
qu'ultérieurement dans le traité de Versailles de 1919. En 1913,
il y'avait déjà un certain pluralisme dans le monde associatif
non syndical, chose qui n'existait pas en droit syndical. C'est ce qui explique
qu'aujourd'hui certains auteurs104 se demandent si on ne devrait pas
finalement
99 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand,
Cécile Chainais et Lucie Mayer, « Procédure Civile »,
préc, n°118. P.61
100 « Les actions en justice au-delà de
l'intérêt personnel », préc, p.171
101 Cass, ch. réun, 15 juin 1923 ; S.1924.I.49,
rapp.A.Boulloche, note E.Chavergrin ; DP 1924.I.153, conc.Mérillon, note
L.Rolland
102 Ex : Soc. 12 juill. 2006, n° 05-60.353, Bull. civ. V,
n°252 ; JCP 2006. II. 1086, note Duquesne.
103 J-M Verdier, traité de droit du travail. Préc,
n° 214 p 656.
104 Fréderic Guiomard, La mobilisation du droit dans les
luttes, Syndicats, préc, n°29 p51.
27
restreindre la prérogative d'exercer l'action en
défense de l'intérêt collectif de la profession aux seuls
syndicats représentatifs ayants une certaine
légitimité.
A l'instar de la notion d'intérêt collectif, la
représentation des salariés et l'idée même de la
représentation ont été approfondis par la doctrine.
105 Le syndicat n'est pas le mandataire légal des
intérêts des personnes qu'il est censé représenter.
Il a cependant la capacité d'amplifier la parole de la profession
à travers ce qu'il estime être comme l'âme du collectif, ses
lois, ses valeurs et normes communes.
La représentativité de l'acteur syndical, pose
également la question de pluralité de l'intérêt
défendu. Si la pluralité des acteurs pouvait être admise
pour porter conjointement la voix de l'intérêt collectif, il
serait indispensable de maitriser la manière avec laquelle cet
intérêt s'exprime lorsque les salariés sont
entrainés dans des situations qui mettraient en cause leur santé,
sécurité ou conditions de travail par exemple.
L'ouverture de l'action dans l'intérêt collectif
est visible à travers la souplesse d'autres conditions d'exercice.
De l'absence de la condition d'ancienneté :
La jurisprudence postérieure à la loi du 20 août
2008, ne requière pas l'ancienneté minimale des deux ans
nécessaires pour être représentatif. Un syndicat
très jeune par exemple a donc la possibilité d'agir pour
défendre l'intérêt collectif de la profession et exercer
les diverses prérogatives syndicales. 106
Après la loi du 20 août 2008, la Cour de
cassation a précisé qu'il n'est pas exigé que le syndicat
qui agit dans l'intérêt collectif remplisse la condition
d'ancienneté des deux ans, requise pour être représentatif
et exercer certaines prérogatives.
En revanche, l'existence d'adhérents dans l'entreprise
serait une condition pour agir107. C'est effectivement une condition
retenue par la chambre sociale dans le contentieux électoral.
Le respect des valeurs républicaines :
Le syndicat doit satisfaire en outre aux conditions relatives au
respect des valeurs républicaines et d'indépendance. Il n'en
demeure pas moins que de telles conditions ne résultent pas des
textes108. Cette condition est indissociable de la conception du
105 Sur cette notion, V G.Borenfreund, la représentation
des salariés et l'idée de représentation,
Dr.soc.1991.685.
106 Cass. Soc. 10 mai 2012, n° 11-60.152, inédit.
107 PÉCAUT-RIVOLIER et STRUILLOU, Chronique des
jurisprudences sur la représentation du personnel, Sem. soc. Lamy no
1560, 12 nov. 2012, p. 6
108 Selon la position commune du 9avril 2008, ce principe
implique le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique ou
religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout
intégrisme et toute intolérance.
28
syndicalisme en France. On peut s'interroger sur le sort de
l'action en justice dans l'intérêt collectif exercée par un
syndicat non indépendant ou qui ne respecte pas les valeurs
républicaines. L'appréciation de ce critère se fait selon
une jurisprudence de 2010 au regard de l'action réelle du syndicat, peu
importe à cet égard les mentions figurants dans les statuts.
109La recevabilité de l'action dans l'intérêt
collectif dépend à notre avis du contexte de son introduction.
Elle est irrecevable si elle a pour but de défendre des valeurs non
républicaines. Au contraire elle est recevable si elle a pour but de
défendre l'intérêt collectif de la profession.
Paragraphe 2 : La diversité des voies
d'action
Les voies et modalités d'exercice110 de
l'action dans l'intérêt collectif sont extrêmement
variées. D'abord, l'action est possible devant toutes les juridictions
qu'elles soient de l'ordre judiciaire (civil et pénale) ou
administratif. L'action peut être engagée contre des textes (ex :
action d'annulation de texte ou règlement, recours pour excès de
pouvoir contre des circulaires111) C'est l'exemple type de la
défense de l'intérêt collectif par la défense du
droit.
Le syndicat ou l'union de syndicats peuvent aussi agir par
voie d'action ou par voie d'intervention devant les juridictions civiles.
Enfin, l'action peut revêtir la forme d'une demande de
constitution de partie civile devant les juridictions pénales.
Le principe étant le même, les
développements qui vont suivre seront consacrés essentiellement
au régime juridique des deux principales voies d'exercice de l'action
à savoir l'action principale ou d'intervention devant les juridictions
civiles d'une part (sous paragraphe 1) et la constitution de partie civile
devant les juridictions pénales d'autre part (sous paragraphe 2).
Sous paragraphe 1 : Devant les juridictions civiles
Devant les juridictions civiles, l'action dans
l'intérêt collectif de la profession est exercée par le
syndicat soit par voie d'action principale soit par voie d'intervention.
109 CASS Soc. 13 octobre 2010, Note, J.P.D, Droit ouv, 2010
n°749
110 Marc Richevaux, préc, p.98
111 Ex : CE, 7 juillet ,1978 et 24 juillet 1978 D.O., 79, p24 et
25
29
La voie d'action : L'action appartient
à la partie qui l'engage principalement. C'est-à-dire que «
Dans ce cas le syndicat est le demandeur principal ».112
Le syndicat a la possibilité d'emprunter cette voie
pour demander la réparation du préjudice subi par
l'intérêt collectif.
En pratique, il est très recommandé de
mentionner le fondement légal dans l'acte introductif adressé
à la cour, même si son oubli est sans incidence sur la
recevabilité de la demande. Du reste, ce sont les articles relatifs
à la responsabilité civile qui fondent en principe la demande.
Enfin, le syndicat est susceptible d'être recevable
devant le tribunal de commerce ou le juge des référés.
La voie d'intervention : En droit des
procédures civiles, l'intervention consiste pour un tiers ayant
intérêt dans un litige, à demander de « rendre partie
au procès engagé entre les parties originaires
»113.
L'intervention est « volontaire » si elle provient
du tiers lui-même. Et elle est « forcée » si le tiers
est mis en cause par l'une des parties.114
L'intervention volontaire peut être « principale
» comme elle peut être « accessoire ».
L'intervention est « principale » lorsque
l'intervenant présente en son nom propre une demande
complémentaire.115 En revanche elle est « accessoire
» lorsqu'elle a pour objectif de venir en aide à l'une ou l'autre
des parties originaires dans la prétention.116
L'action dans l'intérêt collectif en
intervention117, est donc une action (accessoire ou principale) en
soutien de l'action principale du salarié au cours de laquelle le
syndicat va pouvoir développer ses propres arguments.
En conséquence « La demande du syndicat ne se
greffe pas sur celle du salarié demandeur car il y'a deux demandes
principales concomitantes »118.
112 Marc Richevaux, préc. p.98
113 Article 66 alinéa 1 CPC.
114 Article 66 alinéa 2 CPC.
115 Article. 329 CPC.
116 Article. 330 CPC.
117 C'est un type particulier d'intervention volontaire.
118 Marc Richevaux, préc. p.98
30
Elle est donc indépendante de l'action principale, elle
ne suit pas son sors puis qu'elle est engagée au nom de
l'intérêt collectif de la profession qu'elle entend
défendre.119 Celle-ci « sera formée sur simple
demande dans laquelle seront exposés les buts et les moyens de
l'intervention. Elle peut être présentée sans forme
»120 .
Son exercice par les syndicats peut s'effectuer en
première instance comme en appel et ce à condition que le litige
ne soit pas nouveau 121.
Autre signe de l'ouverture continue de l'action dans
l'intérêt collectif : la chambre sociale a
considéré que l'intervention syndicale dans un procès
n'est pas constitutive d'un abus du droit d'agir en justice.
En l'espèce, le syndicat ayant été
condamné pour intervention abusive devant les prud'hommes sur la base de
l'article 2132-3 C.T.122
Sous paragraphe 2 : La constitution de partie
civile
Rappelons d'abord que « La partie civile est la personne
qui s'estime victime d'une infraction pénale et qui intervient dans une
procédure afin d'obtenir une indemnisation de son préjudice
corporel, moral ou portant sur ses biens ».123
La possibilité pour une personne morale de se
constituer partie civile ne pose, en principe, aucune difficulté du
moment où cette personne prouve, conformément aux exigences de
l'article 2 CPP, qu'elle a subi « personnellement » un
préjudice causé « directement » par l'infraction objet
des poursuites.
Cependant le législateur ainsi que la jurisprudence ont
habilité certaine personne, à l'instar des syndicats
professionnel, à exercer les droits reconnus à la victime sans
qu'ils soient obligés de prouver ce type de préjudice. L'article
2132-3 C.T en est une parfaite illustration.
Cet article donne en effet exceptionnellement aux syndicats
professionnels, ayants la garde des intérêts collectifs, la
possibilité d'exercer devant les juridictions répressives, les
droits réservés à la partie civile
119 Soc. 25 oct. 1961, Bull. civ. IV, no 894 ; D. 1962. 3, note
Verdier ; Dr. soc. 1962. 229, obs. Savatier.
120 Article 516-7 C.T
121 V. à propos d'une intervention principale dans
l'intérêt collectif de la profession en cause d'appel, Soc. 7
juill. 2004, n° 02-40.955, Bull. civ. V, n° 202 ; Dr. ouvrier 2005.
277, et GOUEL, Intervention pour la première fois en cause d'appel, Sem.
Soc. Lamy n°1180, 6 sept. 2004, p. 12
122 Soc. 20 avr. 2005, no 03-41.521, inédit.
123
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1454
d'une infraction à condition qu'un préjudice
direct ou même indirect soit porté à l'intérêt
collectif. Ce privilège est basé sur une habilitation
légale de représentation des intérêts collectifs de
la profession.
« Les ordres professionnels, institués par la loi,
ont également reçu, dans des termes proches124, le
droit d'exercer les droits de la partie civile en cas d'atteinte aux
intérêts généraux de la profession qu'ils
défendent ».125
C'est l'existence du préjudice qui donne le droit du
syndicat d'agir. Ce préjudice ne résulte pas, en principe de la
mise en examen d'un seul membre de la profession126 et ne devrait
pas se confondre en outre avec l'atteinte portée à
l'intérêt individuel des membres.127
Ce préjudice peut être direct ou indirect «
éventuels et même futur »128
La jurisprudence s'est montrée assez ouverte à
l'accueil de l'action civile devant les juridictions répressives en cas
d'absence d'une reconnaissance expresse d'une telle action ou quand cette
action est limitée à des infractions bien précises.
Ainsi l'infraction de port illégal de la robe d'avocat
a autorisé la constitution de partie civile de l'ordre des
avocats.129
La constitution de partie civile des fédérations
sportive professionnelles missionnés pour faire respecter les
règles technique et déontologique relatives à la
discipline sportive pratiquée a été jugée aussi
recevable.130
Ensuite, lorsque les textes pénaux sont violés
par l'employeur, les syndicats ont la possibilité de provoquer l'action
publique contre lui devant les juridictions répressives.
124 Ex : L'article 8 de la loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de
modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines
professions réglementées.
125 Frédérique Agostini, Les droits de la partie
civile dans le procès pénal, Rapport 2000 Etudes et documents de
la cours de cassation sur le thème de la protection de la personne.p5
126 Crim. 16 février 1999, n° 98-81.621,
Publié au bulletin
127 Crim.11 mais 1999, n° 97-82.169, Publié au
bulletin
128 Y.M.Serinet, comparaisons des actions à
caractère collectif en procédure civile et en droit du travail,
in M. Keller direction, procès du travail, Travail du procès,
LGDJ, 2008
129 Crim. 5 nov.1997, n° 96-86.380, Publié au
bulletin
31
130 Crim.15 mai 1997, n° 96-81.496, Publié au
bulletin
32
Ils ont « pour cela deux moyens (sont) à (leurs)
disposition : la citation directe et la plainte avec constitution initiale de
partie civile »131.
« Pour mettre en mouvement l'action publique, la
constitution doit être écrite et faite dans des termes qui
manifestent sans équivoque l'intention de se porter partie civile
»132.
Enfin il convient de souligner que « la jurisprudence traite
de manière différente l'action émanant de syndicats
ouvriers et celle émanant de syndicats patronaux ; l'action patronale
est déclarée le plus souvent irrecevable tandis que l'action
ouvrière rencontre un accueil beaucoup plus favorable 133
».
Sous-section 2 : Les conditions statutaires
La recevabilité de l'action dans l'intérêt
collectif dépend des pouvoirs de représentation (Les mandats)
stipulés dans des statuts régulièrement
déposés (Paragraphe 1).
Elle dépend également du respect du
principe134 de spécialité (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le dépôt des statuts
Le dépôt des statuts est une formalité
obligatoire pour acquérir la personnalité juridique qui est une
condition nécessaire pour bénéficier de la capacité
juridique d'ester en justice.
Les statuts régulièrement déposés
(sous paragraphe 1) définissent, le cas échéant, les
pouvoir de représentation légale du syndicat (sous paragraphe
2).
Sous paragraphe 1 : La régularité du
dépôt
« Comme toute personne morale, les syndicats professionnels
peuvent agir en justice dès lors qu'ils ont réalisés les
démarches relatives au dépôt de leurs statuts en mairie
».135
La formalité du dépôt des statuts ainsi que
les noms des chargés de l'administration du syndicat professionnel est
organisée à l'article 2131-3 C.T
Ce dépôt est effectué dans les registres de
la mairie du lieu d'établissement du syndicat. 136
131 Béatrice Lapérou-scheneider, LexisNexis
Encyclopédies, Synthèse-action publique et action civile
n°50
132 Frédérique Agostini, Les droits de la partie
civile dans le procès pénal, Rapport 2000 Etudes et documents de
la cours de cassation sur le thème de la protection de la personne.p2
133 Marc Richevaux, préc, p196
134 « Le principe de spécialité qui
régit les personnes morales se traduit par une forme d'incapacité
de jouissance, dont le périmètre est variable selon le type de la
personne morale » : Michel Storck, Synthèse Capacité,
représentation Lexis 360
135 Chronique le monde, L'action en justice des syndicats
est-elle illimitée ?, Cabinet Flichy Grangé.
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/04/25/l-action-en-justice-des-syndicats-est-elle-illimitee_4908349_1698637.html
136 Article R.2131-1 alinéa premier.
33
En pratique, la procédure est assez simple à
accomplir. Il suffit de déposer deux exemplaires.137
Après l'accomplissement de la formalité du
dépôt, un récépissé est délivré
au déposant, avec un numéro d'enregistrement du syndicat. Ce
récépissé apporte la preuve que la formalité du
dépôt a été accomplie. Le dépôt des
statuts, ainsi que le nom des administrateurs et la délivrance du
récépissé seront mentionnés sur le registre
municipal des syndicats. 138
Un exemplaire des statuts est transmis par le maire au
Procureur de la République, qui vérifie que les conditions
légales ont bien été remplies.139 Les syndicats
de fonctionnaire ont également la charge d'informer leur
hiérarchie. 140
Si aucun délai n'est exigé par la loi pour
effectuer le dépôt des statuts, cette formalité reste
néanmoins déterminante pour acquérir la
personnalité juridique laquelle est nécessaire pour agir en
justice. La recevabilité de l'action dans l'intérêt
collectif en dépend puisque les syndicats ont « la capacité
d'ester en justice dès lors qu'ils ont satisfait à cette
formalité légale. » 141
L'accomplissement de cette formalité doit s'effectuer
au plus tard à la date de l'introduction de l'action142 et au
plus tard à la date de l'audience si c'est une action en soutien d'une
action principale.
Sous paragraphe 2 : La représentation
légale (Le mandat)
La recevabilité de l'action dans l'intérêt
collectif dépend des stipulations statutaires qui déterminent
éventuellement le pouvoir de représentation habilitant le
syndicat à agir.
En général, « Le représentant d'un
syndicat en justice doit, s'il n'est pas avocat, justifier d'un pouvoir
spécial ou d'une disposition des statuts l'habilitant à agir en
justice »143.
Il convient dès lors de distinguer entre
l'hypothèse d'existence de stipulations statutaires envisageant l'action
syndicale et l'hypothèse d'absence d'une telle stipulation dans les
statuts.
137 Circulaire du 25 aout 1884, JO 28 aout, reproduit Dr. Ouvrier
1984. 142.
138 Dans la région parisienne, un numéro
d'enregistrement supplémentaire est souvent octroyé par la
préfecture du département, direction de la
réglementation.
139
https://www.unsa-territoriaux.org/IMG/pdf/formalites_depot_statuts_syndicat-2.pdf
140 Décret n° 82-447 du 28 mai 1982
141 Soc.13 oct. 2010, n°09-14.418, JCP S 2011. 1010, note
Gauriau.
142 Soc. 13 mars 1980, n° 78-12.198 publié au Bull.
civ. V, no 263
143 Bernard Gauriau, Lexis 360, Synthèse Droit social
n°67
34
L'existence de stipulations statutaires :
L'action dans l'intérêt collectif n'est recevable que lorsqu'elle
est formée par le représentant légal du syndicat
habilité par les statuts à exercer une action en justice. La
jurisprudence montre une assez grande souplesse s'agissant du pouvoir
légal de représentation. D'abord, une clause statutaire qui
habilite le secrétaire général à représenter
le syndicat est suffisante pour justifier l'action en justice devant le
tribunal. 144 L'habilitation statutaire est suffisante « de
sorte que la production d'un pouvoir spécial n'est pas nécessaire
». 145
L'habilitation statutaire du représentant légal
ne le prive pas en cas de désignation d'un avocat d'introduire
lui-même l'action en justice.146 Le représentant
légal du syndicat a, sauf stipulation statutaire contraire, le droit de
déléguer son mandat. 147
Enfin l'habilitation statutaire qui désigne le
représentant en justice du syndicat doit être
précise.148. La cour de cassation a été
cependant plus souple dans une autre affaire en jugeant que la stipulation
statutaire qui renvoi au règlement intérieur précisant les
dispositions interne propre au fonctionnement du syndicat est
régulière.149
Le silence des statuts : En cas de silence
des statuts à propos du représentant légal du syndicat
devant la justice, la recevabilité de l'action est subordonnée
à l'accord donné par l'assemblée générale du
syndicat ou de son congrès.150
Cette résolution est empruntée à une
décision du conseil d'Etat du 16 février 2001.151
L'éventualité suppose en plus la désignation d'un
représentant du syndicat.
Enfin, et en cas de défaut d'autorisation statutaire
durable, le mandataire représentant légal du syndicat doit
être muni d'un mandat spécial.152
144 Toulouse, 21 septembre .2001, Dr. Ouvrier 2012.39, note
Maziére.
145 Soc. 19 nov. 2008, n° 08.60.166,
inédit.
146 Soc. 17 déc. 2002, n°01- 60.747, Bull. civ.
147 V. à propos de la possibilité de
déléguer le mandat à un autre membre Soc. 1er févr.
2000, n°98-46.201, Bull. civ
148 Soc. 30 avr. 1997, n°96-60.032, Bull. civ.
149 Soc. 16 janv. 2008, n°06-44.055, inédit.
150 Soc. 16 janv. 2008, n°07-60.126, Bull. ; Dr. ouvrier
2008. 449, note Mazières
151 CE.16 février 2001. n°221622 publié au
recueil lebon. les obs. Mazières, Dr. ouvrier 2008. 448.
152 Ex : Soc. 13 oct. 2010, n° 09-60.397, inédit
35
Paragraphe 2 : Le principe de
spécialité
« Le principe dit de spécialité commande la
définition de l'objet des syndicats professionnels. »153
Ce principe de spécialité « suppose un lien
entre l'objet de l'organisation syndicale et l'objet de l'action
engagée. »154
L'intérêt collectif que les syndicats
professionnels sont habilités à défendre est
encadré en conséquence par des principes liés aussi bien
à l'objet légal du groupement (sous paragraphe 1) qu'à son
objet statutaire (sous paragraphe 2).
Sous paragraphe 1 : La spécialité
légale
L'action dans l'intérêt collectif est ouverte
à tout syndicat professionnel, c'est-à-dire tout syndicat dont
l'objet légal est conforme à l'article L. 2131-1 du C.T.
Cet objet est logé aujourd'hui dans l'article L2131-1
C.T issu de l'une 155 des quatre lois Auroux du 28 octobre
1982156.
Cet article a assoupli la définition juridique du
syndicat tel qu'elle a été prévue par la loi du 21 mars
1884.157 Il dispose en effet que « Les syndicats professionnels
ont exclusivement pour objet la défense des droits ainsi que des
intérêts matériels et moraux, tant collectifs
qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ».
Malgré son imperfection, la définition de 1982,
a permis d'aligner la législation avec les transformations nouvelles et
progressives du syndicalisme en France. Elle a contribué en outre
à faire admettre une conception plus souple des restrictions
liées aux actions des syndicats. La validité des actes du
syndicat est liée à l'objet statutaire qu'il s'est choisi.
Un Syndicat de défense des ouvriers du bâtiment
ne peut pas défendre par exemple les intérêts collectifs
des salariés de la métallurgie.
Comparé à l'article 2 de la loi de 1884, la
conception de l'article 2131-1 C.T est plus large et donc plus souple. Ce
dernier texte pointe la variété des intérêts
susceptibles d'être défendus. Donc on voit une volonté de
laisser un grand espace à la défense des intérêts
collectifs par le syndicat. Néanmoins, l'adverbe « exclusivement
» demeure. Il rappelle que l'activité du syndicat doit
être
153 Denis Bardet, Retour sur la loi de 1884, préc. P.22
154 Cass. Soc, 20 sept.2018, n°17-26.226, Obs Lydie
Dauxerre.Semaine juridique-édition sociale n°41. 16 octobre
2018.1330 p.2.
155 Bernard Gauriau, Lexis 360, Synthèse Droit social,
n°13
156 La loi n°82-915 : JO du 29.oct. 1982.
157 Loi Waldeck-Rousseau sur les syndicats professionnels
36
« essentiellement » professionnelle et non «
exclusivement » en réalité. L'adverbe « exclusivement
», qui est la traduction et la marque du principe de
spécialité légale, permet de maintenir la distinction
déjà faite en 1884 entre parti politique et syndicat
professionnel.158
La nature particulière de la
représentation induite par l'objet légal :
D'après l'article L 2131-1 C.T, les syndicats professionnels n'ont
vocation à défendre que les droits et les intérêts,
« des personnes mentionnées dans leurs statuts. ». Si on
poursuit la lecture du code à l'article L 2131-2 C.T, on voit que les
syndicats professionnels regroupent des « personnes exerçants la
même profession des métiers similaires ou des métiers
connexes concourant à l'établissement de produits
déterminés ou la même profession libérale ».
La lecture rapprochée des articles 2131-1 et 2131-2 du
code de travail, permet de déduire que l'objet du syndicat consiste dans
la défense des droits et intérêt des personnes unis par une
même profession ou un même métier. C'est-à-dire Unis
par une même activité professionnelle. Il ne s'agit pas dans la
représentation proposée par le code de travail d'une
défense des droits des membres des syndicats. 159
Donc, Le syndicat défend les droits et
intérêts des personnes visées par son statut. Si le
syndicat ne défendait que les droits et les intérêts de ses
membres, il serait un simple mandataire collectif.
S'agissant des intérêts des membres, on voit que
le syndicat a une marge de manoeuvre sur ce que constitue
l'intérêt des membres. Dans une lecture littérale on peut
comprendre que le syndicat regroupe des personnes sur une base professionnelle
mais peut défendre qui il entend tant que c'est compris dans les
statuts. Une lecture rapprochée permet de déduire que les
syndicats ont la possibilité de défendre les
intérêts (non pas de leurs membres) mais de la catégorie de
salariés correspondants à celle de leurs membres.
Le raisonnement est complété par l'idée
suivante : dans le cas où ses membres font partie d'une catégorie
particulière, alors ils ont la capacité dans l'organisation
collective de comprendre les intérêts de toutes les personnes de
la catégorie. Il s'agit d'une représentation
d'intérêt basée sur la similitude.
Pour le dire autrement, il ne s'agit pas de défendre
les membres mais de défendre des personnes qui ont la même
profession que les membres.
La doctrine s'est ingéniée à formuler une
définition du syndicat qui inclut d'avantage les attributions
légales qui lui sont conférés.
158 Voir arrêts front national rendu en chambre mixte le 10
avril 1998 et son commentaire dans DS 1998 page 565.
159 Le syndicat ne défend pas les droits et
intérêts de ses membres.
37
Le syndicat serait ainsi défini comme « un
groupement constitué par des personnes physiques ou morales,
exerçant une activité professionnelle commune, en vue d'assurer
l'étude et la défense de leurs droits et de leurs
intérêts matériels et moraux, la promotion de leur
condition et la représentation de leur profession, par l'action
collective de contestation et de participation à l'organisation de la
vie professionnelle ainsi qu'à l'élaboration et à la mise
en oeuvre de la politique économique et sociale ».160
Tel qu'il a été fixé dans l'article 2131-1, L'objet
légal confère également la qualité juridique au
syndicat professionnel161
La qualité de syndicat ne peut être
conférée qu'à un groupement qui a comme objet la
défense des intérêts collectifs. 162
Malgré son caractère limitatif, l'objet légal du syndicat
porte en lui le germe de la liberté. Une liberté qui a permis
à l'action de l'intérêt collectif de s'étendre d'une
manière continue.
L'agrégation des intérêts de la profession
se rapporte donc à une logique d'analogie, de similitude ou de
proximité des professions ou métiers pratiqués entre
elles.
L'action dans l'intérêt collectif peut ainsi
être exercée par des syndicats de professions, abstraction faite
du domaine d'activité. Si « l'analogie » entre professions ne
pose pas de problème spécifique, « la similarité
» quant à elle a trait en principe aux caractéristiques
processuelles ou techniques essentielle à l'activité
professionnelle.
Par exemple des développeurs web, des ingénieurs
big-data ou des chocolatiers et pâtissiers.
Evidemment, il faut qu'on fasse la différence entre
syndicat de salariés et syndicats de patrons ; Pour les syndicats de
patrons, le facteur en commun doit être cherché dans les
matières manipulées par ces professionnels puisque le fait
d'être chef d'entreprise n'est pas un dénominateur commun
pertinent. Alors que pour les syndicats de salariés, la
similarité de l'activité est suffisante pour caractériser
la communauté d'intérêt.
S'agissant des métiers connexes qui concourent à
l'établissement de produits déterminés, elles sont
déterminés en fonction des matériaux et non pas en
fonction de l'activité. Ce postulat a permis de réunir des
travailleurs qui pratiquent des professions disparates dans un même
secteur d'activité.
160 VERDIER, pré.
161 V. nos développements infra sur la qualité
à agir.
162 V. à propos d'une organisation regroupant des
justiciables dont la qualité de syndicat professionnel a
été écartée, Crim. 13 oct. 1992, no 92-83.072,
Bull. crim. N° 318. - V. dans le même sens : Crim. 26 mai 1994, no
93-85.189, inédit. - V. égal. CE 28 juill. 1993, req. n°
107453, Lebon 251 écartant l'intérêt à agir en
annulation d'un arrêté d'extension du Conseil national des
organismes de formation professionnelle, faute d'avoir pour « objet la
défense d'intérêts professionnels d'employeurs ou de
salariés ».
38
A ce titre il convient de mentionner que la jurisprudence
était assez réservée s'agissant de la notion de
connexité163, avant de l'assouplir considérablement
par la suite dans une affaire où était en commun les
activités de commerce, d'élevage et d'entretien des
animaux.164
L'élan expansionniste de l'objet du syndicat a des
conséquences directes sur l'étendue de l'action dans
l'intérêt collectif. Cet élargissement continu est visible
à travers un arrêt de la chambre sociale qui a jugé sur le
fondement de la convention n°87 de L'OIT que le caractère
rémunéré ou non de l'activité de deux syndicats de
producteurs de miel est sans influence sur la qualification même du
syndicat.165
Sous paragraphe 2 : La spécialité
statutaire
Sous réserve du respect du principe de
spécialité légale, il appartient au syndicat professionnel
de déterminer de manière libre sa circonscription professionnelle
et géographique.
Cette détermination permet au syndicat de
définir les périmètres de sa compétence d'agir et
par conséquence, ceux de l'action engagée par ses
représentants dans l'intérêt collectif de la profession.
La chambre criminelle déclare par exemple à
propos de l'application des règles de repos hebdomadaire censés
être édictée dans l'intérêt de l'ensemble des
salariés qu'« il n'en est pas moins nécessaire que le
syndicat poursuivant puisse, conformément à l'article L 411-11 (
ancien ) du code du travail, invoquer un préjudice porté
directement ou indirectement mais effectivement à l'intérêt
collectif de la profession ou de la catégorie professionnelle qu'il a
vocation à représenter ».166
Le recours en annulation d'un syndicat représentant
« le corps des infirmiers » contre une circulaire relative aux «
aides infirmières » a été également
jugé irrecevable.167
Dans le même sens, l'action en annulation engagée
par un syndicat d'employeurs contre l'arrêté d'extension d'un
avenant en défense des intérêts collectifs d'entreprises
étrangères au champ d'application de la convention collective en
question a été jugé irrecevable par le Conseil
d'Etat.168
L'observation du périmètre géographique du
syndicat est également nécessaire.
163 Ex : sur l'absence de connexité entre les
professions de médecin et de pharmacien : Crim. 28 févr. 1902, DP
1902. 1. 203, et les obs. VERDIER, n°81
164 Crim. 5 janv. 1971, N° 70-90.712, Publié au
bulletin
165 Soc. 13 janv. 2009, n° 07-17.692, Bull. civ. V, no 11
; JCP S 2009. 1343, note Martinon, à propos de deux syndicats groupant
des producteurs de miel.
166 Crim.10 janvier 1984, 83-91.443, Publié au
bulletin.
167 CE 12 déc. 1969, req. n°76077, Lebon 573.
168 CE 11 déc. 2009, req.n° 314885, Lebon T.
39
Cependant, L'exercice de l'action dans l'intérêt
collectif de la profession n'est pas limité au syndicat ou Unions de
syndicats spécialement établis dans le lieu de survenance de
l'infraction.169
Un autre exemple d'extension de l'action dans
l'intérêt collectif en raison de la souplesse des conditions de
recevabilité relatives aux statuts, c'est un arrêt de la cour de
cassation qui a déclaré l'action des syndicats recevable quand
bien même la décision dépasse le champ géographique
de l'entité économique défendue. Quel que soit l'amplitude
géographique de l'opération de transfert. 170
Section 2 : Des actions recevable dans un champ
étendu
L'action dans l'intérêt collectif s'est
déployée dans le système judiciaire français en
s'invitant devants plusieurs types de juridictions que soit judiciaire ou
administratives.
Elle a pu séduire les syndicats de salariés
comme les syndicats s'employeurs qui ont vu en elle un intérêt
stratégique pour défendre la légalité sociale
stricto-sensu (Sous-section 1)
L'expansion de l'action est liée aussi à l'essor
qu'a connu la négociation collective en droit du travail. La
défense de la conventionalité171 est un domaine dans
lequel l'action a pu s'affirmer (sous-section 2).
Sous-section 1 : La défense de la
légalité
Les juridictions civiles, pénales et administratives
représentent un espace idéal pour défendre la
légalité par le biais de l'action de l'article 2132-3 C.T.
Sur le terrain civil, le préjudice porté
à l'intérêt collectif n'est avéré que si
« à travers et au-delà »172 de la situation
individuelle des travailleurs, il apparait qu'un employeur a violé par
exemple les lois relatives à l'emploi et les conditions de travail
affectants l'ensemble des salariés.
Le terrain pénal représente aussi depuis la
moitié du siècle un espace privilégié de la
résolution des litiges mettant en cause les intérêts
collectifs de la profession témoignant ainsi de la mission
protectionniste attribuée par l'article 2132-1 C.T aux syndicats
professionnels. Son essor a été accéléré par
un mouvement de pénalisation croissant qui a été
amorcé par la mutation des moyens de preuves.
169 Ex : Crim. 20 févr. 1979, n° 77-91.591, Bull.
170 Soc. 21 janv. 2004, n° 02-12.712, Bull. à propos
de la mise en cause d'un projet de transfert des salariés d'un
établissement engagée par des syndicats représentant ces
salariés.
171 Par conventionalité nous entendions la défense
de l'exécution et la validité des textes collectifs.
172 VERDIER, obs. Ss Soc. 2 juin 1983, D. 1984. IR 368
40
L'action dans l'intérêt collectif est
mobilisée par exemple lorsque la santé et sécurité,
le salaire, le temps de travail, le droit de la représentation
collectives sont atteints.
S'agissant des juridictions administratives, la jurisprudence
du conseil d'Etat s'est toujours montrée d'une assez grande ouverture
à l'égard de la recevabilité de l'action dans
l'intérêt collectif. Cette tendance est désormais
compatible avec « le caractère objectif de contentieux de
légalité ».173 L'action des syndicats est
recevable pour contester les mesures, réglementaires ou collectives,
ainsi que les mesures individuelles préjudiciables à
l'intérêt collectif de la profession et ce à l'exception
des mesures qui organisent le service 174 ainsi que celles qui
portent atteintes aux simples intérêts individuel du
travailleur175.
Nous avons opté dans cette sous-section pour la
classification des affaires admises devant les différentes juridictions
en fonction des domaines dans lesquelles elle a le plus tendance à
être recevable.
L'examen de la jurisprudence, pénale, civile et
administrative nous a permis de classer le champ de l'action dans
l'intérêt collectif en quatre thèmes principaux.
L'action est d'abord mobilisée pour défendre
l'emploi, la santé et la sécurité (Paragraphe 1), pour
défendre les conditions de travails (paragraphe 2), les droits et
prérogatives collectives (paragraphe 3) et en défense de
l'intérêt général, professionnel et
économique (paragraphe 4). L'action est mobilisée aussi bien par
les syndicats de salariés que par les syndicats de professions
libérales et d'employeurs.
Paragraphe 1 : L'Emploi, la santé et la
sécurité
La défense de ces domaines revêt une importance
stratégique.
Sous paragraphe 1 : La défense de l'emploi des
salariés
La défense de l'emploi trouve des illustrations
multiples en tant que « bien commun »176. Cette
thématique générique, qui rassemble sous son aile
plusieurs sous-thèmes en relation directe ou indirecte avec la
défense de l'emploi, est consacrée aujourd'hui de manière
beaucoup plus autonome.
173 Y.M Serinet, Comparaison des actions à
caractère collectif en procédure civile et droit du travail, in
KELLER dir , Procès du travail, travail du procès, 2008, LGDJ, p.
131.
174 CE 3 avr. 1987, req. Lebon n° 83278
inédit
175 HECQUARD-THÉRON, De l'intérêt collectif,
AJDA 1986. P.65.
176 Cyril Wolmark, préc p.631
41
« Elle caractérise un intérêt
collectif propre à justifier l'action des syndicats et devra à
l'avenir aiguiller ces derniers »177.
« Un intérêt collectif, bien que distinct de
l'intérêt général qui rappelle que les syndicats
sont des corps intermédiaires pouvant apporter une aide précieuse
aux pouvoir public dans une tache accablante par sa complexité et sa
diversité, en l'occurrence la défense de l'emploi des
salariés »178
L'emploi devant les juridictions pénales
: La jurisprudence de la chambre criminelle s'est montrée
très compréhensives s'agissant de la recevabilité de
l'action engagée au nom de l'intérêt collectif de la
profession lorsque celle-ci est fondée sur la violation de la
réglementation destinée à protéger l'emploi. Tel
est le cas par exemple du travail dissimulé179, du prêt
illicite de main d'oeuvre et du marchandage180 ou de l'inobservation
des lois relatives à l'emploi temporaire.181
Contrat précaire devant les juridictions
civiles : La chambre sociale de la cour de cassation a nettement admis
l'action dans l'intérêt collectif en matière de contrats
précaires. Cette orientation jurisprudentielle apparait dans le cadre du
travail temporaire182 ainsi que les contrats à durées
déterminés.183
Il a été jugé ainsi que « la
violation des dispositions relatives au travail temporaire, est de nature
à porter préjudice à l'intérêt collectif de
la profession »184.
Rupture de contrat de travail devant les juridictions
civiles : La recevabilité de l'action dans
l'intérêt collectif a été largement admise en
matière de séparabilité. C'est le cas par exemple de
l'action en contestation d'un plan de sauvegarde de l'emploi.185
177 Note Bertrand Inès, SS. Soc 10 janvier 2012,
FS-P+B, n°09-16.691, Action en justice des syndicats : défense de
l'emploi et intérêt collectif.
178 Stéphane Brissy, note Ss Cass.soc, 10 janv.2012
n°09-16.691, semaine juridique n°19. 8 mai 2012.
179 Crim. 6 déc. 2011, n°10-86.829, Bull, Dr. soc.
2012. 312, obs. Duquesne.
180 Crim. 12 oct. 2010, n° 10-82.626, inédit
181 Crim. 15 nov. 1983, no 82-94.092, Bull
182 V. Soc. 8 avr. 2009, n°07-41.849, inédit :
s'agissant d'un litige en requalification d'un contrat de travail temporaire V.
Aussi Soc. 23 févr. 2005, n°02-40.913, Bull. civ. V, no 71 ; JCP E
2001. 379, note Puigelier. V. aussi Cass, soc, 23 mars 2016, n°14-23.276,
FP-P+B, SAS Carglass c/Mme F. et a, Note Bernard Gauriau, Semaine juridique,
Edition sociale n°26. 5 juillet 2016, 1243, p1et s
183 Ex : Soc. 7 juill. 2004, n° 02-40.955, Bull, Dr. ouvrier
2005. 277 s'agissant de la nullité d'un contrat d'apprentissage,
184 V également : Soc. 23 mars 2016 n°14-22.250,
Semaine juridique Social n°26, 3 juillet 2016, 1243 notes Bernant Gauriau,
S'agissant de la violation des dispositions légales relatives au CDD.
185 Ex : Soc. 21 janv. 2004, n° 02-12.712, Bull. Dr. ouvrier
2004. 222, note Lardy-Pélissier.
42
L'action dans l'intérêt collectif a
été admise aussi quand le litige, bien que portant sur une
rupture individuelle, il était en mesure de soulever une contestation
relative à l'exécution d'un texte collectif.
186
Transfert contrat de travail devant les juridictions
civiles : La cour de cassation n'a pas toujours été
favorable à l'accueil de l'action qui prétendait l'atteinte
à l'intérêt collectif lorsque les dispositions relatives au
transfert du contrat de travail n'étaient pas respectées par
l'employeur.187
Mais elle a changé sa position après dans de
nombreux arrêts en admettant que l'inobservation de la
réglementation relative au transfert de contrat de travail est
préjudiciable en même temps à l'intérêt
collectif 188
« La chambre sociale prend le soin de souligner que le
syndicat intervient toujours ou doit intervenir au côté des
salariés »189
Dans un arrêt relativement récent190,
la chambre a confirmé les solutions déjà acquises en
réaffirmant que le non-respect de la règle de transfert des
contrats de travail cause une atteinte à l'intérêt
collectif de la profession, de sorte que l'intervention du syndicat en soutien
au travailleur est recevable.
Elle a rappelé par la même occasion que «
l'action en revendication du transfert d'un contrat de travail est (reste) un
droit exclusivement attaché à la personne » et « ne
peut être exercé par un syndicat » par conséquence.
Selon la doctrine, « La particularité des
conséquences attachés à la déclaration
d'applicabilité de l'article 1224-1 C.T conduit à ravaler
l'action de l'article 2132-3 à une simple action en intervention
»191
Droit disciplinaire devant les juridictions civiles
: La chambre sociale a jugé très tôt192
que l'inobservation d'une procédure disciplinaire tel que la
consultation préalable d'un conseil de discipline est
préjudiciable à l'intérêt collectif de la
profession. Le non-respect d'une telle procédure conduirait
potentiellement à des suppressions d'emplois.
186 Ex : Soc. 28 oct. 1968, Bull. civ. n°475.
187 Soc. 21 oct. 1981, n° 80-14.883, Bull.
188 Ex : Soc. 11 sept. 2012, n°11-22.014, Sem. Soc. Lamy
n°1554, 8 oct. 2012, p. 10.
189 Cyril Wolmark, préc, p.634
190 Jean Mouly, Ss Soc. 12 juill. 2017, n°16-10.460, D.
2017. 1534 in Droit Social 2017 p.879.
191 Cyril Wolmark, préc, p.631
192 Soc. 27 mars 1985, n° 82-41.942, Bull.
43
Statut professionnel devant les juridictions civiles :
La chambre sociale a jugé l'action en intervention d'un
syndicat professionnel recevable dans un contentieux concernant l'affectation
obligatoire d'un salarié dans un poste de travail.
La fausse application du règlement sur les mutations
pour l'élaboration duquel le syndicat a été
consulté a été suffisante pour caractériser
l'existence d'un intérêt collectif193.
Contentieux des licenciements pour motif
économique devant les juridictions administratives :
L'extension du champ d'intervention de l'action dans
l'intérêt collectif est perceptible également à
travers la nouvelle compétence accordée au juge administratif par
la loi du 14 juin 2013194 à fin qu'il connaisse des litiges
relatifs aux licenciements pour motif économique. Ainsi, l'action dans
l'intérêt collectif a été jugée
recevable195en vue de contester les décisions de la
Direccte196. Il a été jugé par exemple qu'
« Une union locale de syndicat dispose, en tant qu'union syndicale
représentative et eu égard à ses statuts et aux
intérêts professionnels et collectif qu'elle défend d'un
intérêt à agir à l'encontre de la décision
d'homologation mentionnée à l'article 1233-57-1
».197
Quelques exemples de recevabilité devant les
juridictions administratives en matière de défense de l'emploi :
L'action dans l'intérêt collectif a été
jugée recevable lorsqu'elle mettait en cause une décision de
recrutement198, d'affectation, de nomination,
199ou de refus d'autorisations de
licenciement.200
Sous paragraphe 2 : La défense de la
Santé et de la sécurité :
La problématique de la santé et de la
sécurité a été un levier important qui a permis aux
syndicats d'assoir leurs fonctions de garantie et de veilles sociales par le
biais de l'action dans l'intérêt collectif.
193 Soc. 9déc. 1960, Bull. n°1168 ; D.1961.143, note
Verdier
194 Loi n° 2013-504 relative à la sécurisation
de l'emploi
195 Par ex : TA Cergy-Pontoise, 7 févr. 2014
n°1400713.
196 La décision d'homologation ou de validation du
document unilatéral ou de l'accord sur le Plan de Sauvegarde de l'emploi
(Article. L. 1235-7-1, al. 1er et 2).
197 CAA.Marseille,15 avr.2014, n°14MA00387 à propos
de la violation du droit d'information du Comité d'entreprise entachant
d'illégalité la décision d'homologation d'un PSE, Note
Samuel Deliancourt, Semaine juridique, Edition Sociale n°39.23 septembre
2013 .1364
198 CE 5 mai 2006, req. N° 271626, Lebon 234.
199 Ex. CE 30 sept. 1991, req. N° 37343, Lebon T. 1111.
200 CE 23 juin 1972, req. N° 75048, Lebon 473.
44
Nous pensons d'ailleurs que les circonstances sanitaires
actuelles devraient propulser cette problématique à son
apogée. « Les partenaires sociaux sont actifs à tous les
niveaux en matière de santé au travail »201
L'action syndicale en la matière s'est
développée devant les juridictions civiles et pénales.
Devant les juridictions pénales : Le
domaine de santé et la sécurité au travail est très
conflictuels. C'est l'un des tous premiers domaines dans lequel l'action dans
l'intérêt collectif a creusé ses sillons.202 Les
infractions relatives à cette problématique sont logées
dans le code de Travail et dans le code pénal. La transgression des lois
et règlements sanitaires fait inévitablement courir à
l'ensemble des travailleurs des réels risques sur leurs vies ainsi que
sur leur intégrité physique. La chambre criminelle de la cour de
cassation admet clairement les actions du syndicat en cas d'atteinte à
la vie ou à la personne et ce chaque fois où la santé et
sécurité des travailleurs est mis en cause 1967.203
Des arrêts relativement récents confirment cette orientation
jurisprudentielle favorable à la recevabilité de l'action dans
l'intérêt collectif 204 « dès lors que les manquements
constitutifs des infractions poursuivies ont pu compromettre la
sécurité des travailleurs ».205
L'atteinte à l'intérêt collectif peut
également être motivée par des atteintes de droit commun
portées de façon involontaires à la personne du
salarié 206 sans qu'il est nécessaires de violer en
parallèle une règle de droit social relative à la
santé et sécurité. Par ailleurs, la protection du
travailleur sur son lieu de travail est indissociable de sa
sécurité en général. L'universalité de la
problématique à notre avis impose que la santé & la
sécurité soient protégés aussi bien par les
dispositions spéciales du code de travail que par les dispositions
générales du droit commun207. L'action dans
l'intérêt collectif est également admise quand bien
même la faute commise est une faute de négligence. Le respect ou
non du travailleur des règles de santé et de
sécurité est sans importance si la négligence imputable
à l'employeur et constitutive de l'infraction a causé un
préjudice à la fois aux travailleurs et à
l'intérêt collectif par conséquence.208
201 Laurence Gatti, « Tous pour un, un pour tous : la
santé du travailleur et l'intérêt collectif », Ordre
des avocats, Faculté de droit, Aumônerie du monde juridique,
Poitier, mai 2018, HAL,
archives-ouvertes.fr,
hal-02149663 p.6
202 J-M VERDIER, préc. p. 622
203 Crim. 26 oct. 1967, Bull. crim. no 274 ; JCP 1968. II. 15475,
obs. Verdier
204 Crim. 19 mars 2013, n°12-82.236.
205 Crim, 11 oct 2005, n°05-82.414.
206 V. Article 226-1 C.P : atteinte à la vie privé
et article 222-19 et 222-20 C.P : atteinte involontaire à
l'intégrité de la personne
207 SAVATIER, obs. ss Lyon, 21 mars 1967, Dr. soc. 1967. 634.
208 Crim. 11 oct. 2005, no 05- 82.414, Bull. crim. N°254 ;
Dr. Soc. 2006. 43, note Duquesne.
45
La fonction répressive des dispositions pénales
a fondé également la recevabilité de l'action collective
des syndicats s'agissant du non-respect de la réglementation de la
médecine du travail. La cour de cassation a considéré
à cet égard que cette réglementation a pour objectif
essentiel de protéger la santé des salariés de
l'entreprise et non pas les médecins de travail. Sa violation donc est
de nature à causer un préjudice à l'intérêt
collectif de la profession.209
Devant les juridictions civiles : Les
juridictions civiles se sont montrées également accueillantes
à l'égard de l'action dans l'intérêt collectif
lorsqu'elle est basée sur une atteinte à la
sécurité des travailleurs. L'action a été ainsi
admises à propos d'une demande de suspension d'une mesure de
réorganisation210 , en cas de demande d'annulation d'une
opération d'externalisation211, en cas d'interdiction de la
mise en oeuvre d'un système de rémunération assis sur un
benchmark 212 , en cas de violation de l'obligation de reclassement
d'un salarié inapte 213 et enfin à propos de
l'indemnisation du licenciement.214
Paragraphe 2 : La défense des conditions de
travail
Sous l'enseigne générale de la défense
des conditions de travail on peut classer les actions dans
l'intérêt collectif en défense du respect de la
législation sur le temps et la durée de travail, les
législations sur les salaires et celles qui répriment le
harcèlement au travail.
Durée et temps de travail devant les
juridictions pénales : le non-respect des règles
relatives au temps de travail a toujours été
considéré par la chambre criminelle comme étant une
atteinte à l'intérêt collectif de la profession qui est en
mesure de justifier la recevabilité de l'action syndicale. La
jurisprudence est stable et abondante en la matière. 215
Durée et temps de travail devant les
juridictions civiles : l'inobservation de la réglementation sur
la durée de travail a été considérée par la
cour de cassation comme étant une violation à
l'intérêt collectif. La chambre sociale a jugé par exemple
dans une affaire du 16 novembre 2004, recevable, l'intervention d'un syndicat
lorsque l'employeur n'a pas respecté la durée légale de
travail effectif de 35h prévue par la loi et par la convention
collective. Cette violation a été considérée comme
étant préjudiciable « nécessairement » à
l'intérêt collectif de la profession. 216 L'action dans
l'intérêt
209 Crim, 9 mai 1978, n°77-90.851.
210 Soc. 5 mars 2008, n° 06-45.888.
211 TGI Paris, 5 juill. 2011, Dr. ouvrier 2011. 633, note
Cohen
212 Lyon, 21 févr. 2014, Cah. Soc. Barreau 2014, n°
262, note Grévy
213 Soc. 18 nov. 2009, n° 08-43.523.
214 Soc. 01 juill. 1998, n° 96-43.157, inédit
215 Ex : Crim. 23 juill. 1980, n° 79-90.593, Bull. crim.
N° 232, à propos d'une infraction au repos hebdomadaire.
216 Soc. 16 nov. 2004, n°02-46.815 V. Aussi Soc. 3 juin
2009, n°07-42.992, inédit.
46
collectif a été admise également dans le
contentieux relatif au travail dominical qui a opposé des organisations
syndicales à des grandes enseignes de distribution et ce « du seul
fait que ladite action repose sur la violation d'une règle d'ordre
public social ».217 La défense par les syndicats de la
législation sur la durée de travail prend toute son sens
lorsqu'elle est jumelée avec l'obligation de garantir la santé et
sécurité des travailleurs. C'est le cas par exemple de la
recevabilité de l'action syndicale en matière de convention de
forfaits jours.218 « Se voit ainsi la fonction
singulière de l'action : la défense de la légalité
»219
La défense du salaire devant les juridictions
pénales : L'inobservation des dispositions relatives au salaire
minimum a ouvert la voie aux syndicats à sa contestation devant les
juridictions pénales. Le contentieux récent témoigne d'une
recevabilité de principe en la matière. Les nombreux arrêts
de la chambre criminelle le confirment.220
La défense du salaire devant les juridictions
civiles : En la matière, la chambre sociale a pu retenir la
recevabilité de l'action syndicale lorsque celle-ci entend
défendre le principe d'égalité de traitement entre les
salariés qui est connu aussi sous le nom de « Principe à
travail égal, salaire égal ». La violation de ce principe
est préjudiciable à l'intérêt collectif de la
profession. 221 Selon la CFDT, « Revendiquer que tous les
salariés d'une entreprise soient traités de manière
égale est à priori une démarche collective
»222, Cette « démarche ... s'inscrivait dans une
perspective collective et non individuelle ».223
La solution retenue dans cette affaire est
considérée par certains comme « le signe d'un
élargissement excessif de l'action des syndicats facilité par une
lecture complaisante de l'article 2132-3 C.T ».224 La cour de
cassation a également jugé recevable l'action des syndicats qui
contestait l'affectation d'une fraction d'une augmentation de salaire pour
financer la caisse de retraite des salariés. La demande des syndicats
s'inscrit ici dans le cadre de la défense des intérêts
collectifs de la profession.225
217 Manuela Grévy, Ss, Soc 22 janvier 2014, préc.
p484
218 V. Soc. 31 janv. 2012, n° 10- 24.412, n°10-19.807
et n°10-17.593 en matière de conventions de forfait.
219 Manuela Grévy, Ss, Soc 22 janvier 2014, préc.
P487
220 Ex : Crim. 15 févr. 2011, n°10-87.185,
inédit
221 Soc. 12 févr. 2013, n°11- 27.689, Dr. ouvrier
2013. 359, note A. M.
222 Egalité de traitement : le syndicat recevable à
agir, publié par Service juridique CFDT le 04.04.2013.
223 Odile Levannier Gouel, « L'action en défense de
l'intérêt collectif de la profession au service de
l'inégalité de traitement », Semaine sociale Lamy, n°
1807, 19 mars 2018 .p1
224 Soc. 12 févr. 2013, n° 11- 27.689, semaine
juridique n°41, du 08.10.2013, 1398 « Variations sur la notion de
discrimination et le principe d'égalité », note JB Cottin et
A. Martinon. P3.
225 Ex : Soc. 21 janv. 1997, n°94-19.019.
47
Les actions syndicales en annulation des dispositions
et décisions réglementant les conditions d'emploi et de travail
ou portants atteinte aux droits et prérogatives des agents devant les
juridictions administratives : Ces actions sont
déclarées recevables par le conseil d'Etat en raison de leurs
atteintes évidente et logique à l'intérêt collectif
de la profession.226
S'agissant du harcèlement sexuel : La
Cour d'Appel de Nancy dans un arrêt227 a jugé que
« Des faits de harcèlement sexuel dont a été victime
un ou des salariés sur son lieu de travail par leur supérieur
hiérarchique entraînent nécessairement une
dégradation des conditions de travail et portent ainsi préjudice
certain à l'intérêt collectif professionnel que le syndicat
représente ». Il est important de souligner à ce propos du
délit d'harcèlement que la recevabilité de l'action dans
l'intérêt collectif est assez nuancée, elle n'est admise en
tout cas que lorsque les poursuites sont engagées sur le fondement des
dispositions spéciales du code de travail.
S'agissant du harcèlement moral :
« Le pas a été franchi »228 en revanche,
« La doctrine229 qui s'est exprimé sur le sujet penche
en faveur de la recevabilité de l'action soulignant qu'il serait fort
surprenant, et fort critiquable, de considérer que des pratiques qui
portent atteinte à la dignité du salarié ne mettent en
jeu, et en cause, que ses intérêts individuels.
».230 La chambre criminelle a admis l'action syndicale dans
l'intérêt de la profession puisque la pénalisation a pour
but de garantir une certaine condition de travail aux personnes231.
Raison de plus si cette infraction est survenue dans un cadre
généralisant qui touche l'ensemble des salariés comme par
exemple la restructuration d'une entreprise.232 « La
sécurité des salariés fait partie des domaines
d'élection de l'action syndicale. Or, le harcèlement moral met en
péril la santé du salarié »233.
Paragraphe 3 : Les droits et les prérogatives
collectives
L'action dans l'intérêt collectif a
été admise pour défendre aussi les droits et les
prérogatives des institutions élues (sous paragraphe 1). Elle est
admise en plus en défense de droits et libertés syndicales (sous
paragraphe 2).
226 Ex. CE 12 nov. 2012, req. N° 345470 : recours contre un
arrêté fixant des conditions d'accès à certains
emplois.
227 CA Nancy 29 avril 2009, Dr ouvrier 2004 .528
228 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt
collectif. Préc. P.634
229 P. Adam, Harcèlement moral : quelques
réflexions autour de l'affaire Eutelsat : Dr ouvrier, février,
2006, doter .p57, sp 60 et L. millet, le harcèlement moral au travail :
RPDS 2003, n°701, p273, sp.283.
230 Marie-Cécile Amuger-Lattes, La répression
continue du harcèlement moral au travail, préc, p 2808.
231 Crim. 15 mars 2011, no 09-88.627, inédit ; Dr. ouvrier
2011. 676, note Gautier
232 Crim. 5 févr. 2013, n°11-89.125,
inédit.
233 Marie-Cécile Amuger-Lattes, préc, 2806.
48
Sous paragraphe 1 : La défense des droits et
prérogatives des institutions élues
La défense des prérogatives sur le
terrain pénal : D'abord il convient de rappeler qu'il y'a un
principe général et ancien en droit de la représentation
des intérêts suivant lequel, tout syndicat a la possibilité
d'actionner l'employeur en défense de l'intérêt collectif
de la profession quand les droits des institutions représentatives du
personnels ne sont pas respectés. Il s'agit notamment des « cas de
défaut de réunion, information ou consultation d'une institution
représentative du personnel »234
La chambre criminelle a posé ce principe depuis un
arrêt ancien du 7 octobre 1959235.
Cette entrave aux prérogatives est suffisante pour
causer un préjudice à l'intérêt collectif de la
profession dont la défense est confiée aux syndicats
professionnels. 236 Cette solution jurisprudentielle est
consolidée par de nombreux arrêts.237 La tendance
intéressait l'entrave au fonctionnement des
délégués du personnel238 et l'entrave au
fonctionnement de la CHSCT 239solution transposable en cas
d'entraves au fonctionnement du Comité social et économique.
Cette jurisprudence confirme la fonction protectrice de l'action en
matière de légalité. Cette tendance a influencé
également la jurisprudence de la chambre sociale.
La défense des prérogatives sur le
terrain civil : La cour a pu affirmer que l'ignorance de l'obligation
de réunion, d'information-consultation porte atteinte à
l'intérêt collectif de la profession et que l'action en
référé qui vise à suspendre les mesures de
l'employeur défaillant est recevable par
conséquence.240 La même solution a été
confirmée dans une affaire du 11 septembre 2012.241 La cour
de cassation a déclaré en l'espèce que « les
syndicats professionnels peuvent devant toutes les juridictions, en application
de l'article L. 2132-3 du code du travail, exercer tous les droits
réservés à la partie civile concernant les faits portant
un préjudice direct ou indirect à l'intérêt de la
profession qu'ils représentent, notamment en cas de défaut de
réunion, d'information ou de consultation des institutions
représentatives du personnel lorsqu'elles sont légalement
obligatoires ». L'action des syndicats a été
déclarée recevable également à propos de la
régularité de la procédure de licenciement
économique collectif 242 , à propos de la consultation
du comité d'entreprise sur un dispositif
234 Cyril Wolmark, préc. p.635.
236 Crim. 7 oct. 1959, Bull. Crim. no 410 ; D. 1960. 294, note
Verdier ; D. 1960. Chron. 21, obs. Durand
237 Crim. 16 nov. 1999, no 98-87.100, inédit.
238 Ex : Crim. 26 mai 2009, n°08-82.979, Dr. soc. 2009.
1139, obs. Duquesne. Et Crim. 8 nov. 2011, n°10-82.151, inédit.
239 Crim. 18 janv. 2011, no 10-84.327.
240 Soc. 24 juin 2008, n°07-11.411, Bull. civ. V, no 140 ;
Dr. ouvrier 2008. 626, note Ménard.
241 Soc. 11 sept. 2012, no 11-22.014, JCP S 2012. 1521 «
Limite à l'action syndicale de substitution », note L'oiseau.
242 Soc. 9 mars 2011, n°10-11.581.
49
d'évaluation 243, à propos de la
consultation du CHSCT sur une réorganisation244, à
propos de la réparation du préjudice causé à
l'intérêt collectif, du fait de la violation de l'obligation
d'avis conforme des délégués du personnel en
matière de fractionnement des congés payés245
et en cas d'atteintes portées aux fonctions des représentants des
salariés. On a pu affirmer en effet que « l'entrave aux fonctions
des représentants du personnel qui assurent l'expression collective des
salariés dans l'entreprise porte nécessairement atteinte à
l'intérêt collectif de la profession qu'un syndicat
représente ».246 .
La défense de la régularité des
élections professionnelles : L'action dans
l'intérêt collectif a vu son champ grandir dès les
années 80 247 par l'admission expresse des litiges relatifs
aux élections professionnelles puisque les intérêts
respectifs des représentants et des représentés sont
touchés. La cour de cassation s'est prononcée à maintes
reprises pour remettre les choses en ordre lorsque le débat portait sur
l'organisation des élections. Elle a reconnu effectivement l'existence
d'intérêt collectif pour les syndicats à travers leur
faculté de présenter des candidats au premier tour des
élections. C'est le cas par exemple en cas de reconnaissance des
établissements distincts ou en cas d'annulation du protocole
électoral.248 La cour de cassation n'exigeait pas la
présentation par le syndicat demandeur de
candidats.249L'extension de l'action syndicale est visible
également à travers une jurisprudence récente de la
chambre sociale affirmant qu' « une organisation syndicale qui a vocation
à participer au processus électoral a nécessairement
intérêt à agir en contestation de la
régularité des élections ».250 L'action
syndicale en défense des intérêts de la profession
s'étend également aux litiges qui concernent la
désignation des représentants tels que la désignation de
représentant des salariés dans une procédure collective
251
Sous paragraphe 2 : la défense des droits et
libertés syndicales :
La défense du droit syndical devant les
juridictions pénales : L'examen de la jurisprudence fournie en
la matière252 permet d'affirmer que, les entraves à
l'exercice du droit syndical représentent sans aucun doute une atteinte
à l'intérêt collectif de la profession que les syndicats
sont légitimes et habilités
243 Toulouse, 21 sept. 2011, Dr. ouvrier 2012. 39, note A. M.
244 TGI le Havre, du 16 oct. 2012, Dr. ouvrier 2013. 145, note
Baudeu.
245 Soc. 20 oct. 1998, n° 96-17.652, Dr. soc. 1999. 91, obs.
Savatier
246 Soc. 29 nov. 2006, n°04-48.086, inédit.
247 « Après une hésitation » : VERDIER,
préc p. 607
248 Ex : Soc. 20 mars 1985, n°84-60.560, à propos de
la reconnaissance d'établissements distincts.
249 Soc. 20 juill. 1978, no 78-60.643.
250 Cass. Soc, 20 sept.2018, n°17-26.226, Obs. Lydie
Dauxerre, préc. P.1330
251 Ex : Soc. 15 juin 2011, n°10-60.392.
252 Ex : Crim. 8 nov. 2011, n°10-82.151.
50
à défendre. Cette tendance est confirmée
par un arrêt récent en vertu duquel il a été
jugé que « l'action en justice d'un syndicat contre un employeur
pour non-déclaration à la CNIL d'un système de
vidéosurveillance ...est recevable dés-lors que les faits commis
...avaient pour conséquence de permettre l'enregistrement illicite de
l'image des salariés dans leurs activité, notamment dans
l'exercice de leurs droits syndicaux »253
La défense du droit syndical devant les
juridictions civiles 100 : Idem s'agissant de la violation du droit
syndical. A titre d'exemple il a été jugé que la sanction
d'un délégué syndical (En l'espèce une mise
à pied disciplinaire) sans le respect des garanties procédurales
est de nature à préjudicier l'intérêt collectif de
la profession représentée par le syndicat
désigniataire.254
La défense de la liberté syndicale
devant les juridictions civiles : La violation de la liberté
syndicale est largement admise comme étant préjudiciable par
nature à l'intérêt collectif de la profession. Cette
logique a guidé la chambre sociale qui a jugé que l'action en
réparation du préjudice subie par l'intérêt
collectif suite à la prise par l'employeur de certaines mesures en
considération de l'appartenance du salarié à un syndicat
est recevable.255
La défense de la liberté syndicale
devant les juridictions pénales : De même, il a
été jugé devant la chambre criminelle que l'entrave
à la liberté syndicale en raison notamment de la discrimination
syndicale est de nature à préjudicier l'intérêt
collectif de la profession.256
La défense de la liberté syndicale
devant les juridictions administratives : L'action dans
l'intérêt collectif est favorablement accueillie par les
juridictions administratives lorsque la décision administrative est en
rapport avec l'activité syndicale du travailleur et ce même dans
le cas d'une mesure « négative ».257
La défense du statut protégé des
représentants du personnel devant les juridictions administratives
: La qualité du syndicat professionnel lui permet d'avoir
l'intérêt pour engager un recours administratif en défense
du statut protégé des représentants du personnel. La
tendance est assez stable dans le temps. La contestation d'une autorisation de
licenciement d'un salarié protégé par
253 Cass. Crim, 9 fevr.2016, n°14-87.753, F-P+B, Note
Bernard Bossu, Semaine juridique-Edition sociale n°19.17 mai 2016, p
1166
254 Exemple, Soc. 17 nov. 2011, no 10-23.640, inédit :
« La mise à pied disciplinaire d'un délégué
syndical, au mépris des dispositions de l'article L. 1332-2 du code du
travail, est de nature à porter préjudice à
l'intérêt collectif de la profession représentée par
le syndicat à l'origine de la désignation ».
255 Ex : Soc. 19 oct. 1999, n°97-43.088, inédit, Dr.
ouvrier 2000. 306.
256 Ex : Crim. 28 mars 2006, N°05-82.727.
257 CE 4 juin 2012, req. n°347563, Dr. ouvrier
2013. 53, obs. Grévy.
51
exemple entre indéniablement dans le cadre de
l'intérêt collectif de la profession que les syndicats ont
vocation à défendre. 258
La solution a été reprise par la haute
juridiction administrative dans une affaire où il s'agissait de
licencier des délégués syndicaux259 parce que
la décision de l'administration d'autoriser ou non le licenciement
était potentiellement préjudiciable aux intérêts
collectifs de la profession. 260 Cette solution a été
également étendue en faveur des représentants élus.
261
La défense du statut protégé des
représentants du personnel devant les juridictions civiles : A
l'instar du Conseil d'Etat, la chambre sociale estime que l'inobservation des
règles spéciales protectrices des représentants du
personnel est préjudiciable à l'intérêt collectif de
la profession. Ainsi, le non-respect de la procédure spéciale de
licenciement d'un délégué Syndical par exemple a
été considéré comme étant
préjudiciable à l'intérêt collectif de la
profession. 262
La défense du droit de grève devant les
juridictions civiles 103 et administratives : Les litiges relatifs
à l'exercice et aux restrictions du droit de grève ont
été reconnus depuis très longtemps comme étant
préjudiciables à l'intérêt collectif de la
profession. Les actions qui s'y rattachent sont recevables devant les
juridictions civiles. Les arrêts recensés qui confirment la
stabilité de cette jurisprudence sont nombreux.263L'examen de
la jurisprudence administrative révèle également une assez
grande aisance du conseil d'Etat à accueillir l'action syndicale lorsque
les décisions ou les disposition prises sont de natures à
affecter par exemple le droit de grève 264 ou si elles
tendent à remettre en cause la validité d'une disposition
législative prise dans la totale ignorance de l'obligation de
consultation préalable des instances représentatives du
personnel.265
258 La solution est défendu par le commissaire de
gouvernement en 1977 avec ces termes : « l'intérêt collectif
menacé par une autorisation de licenciement d'un salarié
protégé est incontestablement de ceux qui entrent dans la mission
d'un syndicat de défendre ».
259 Ex : C.E 25 mars 1983 36037, publié au recueil
Lebon.
260 Ex : CE 18 mars 1998, req. n°171756.
261 Ex : CE 28 sept. 1990, req. n°76569.
262 Soc. 24 sept. 2008, n°06-42.269, Bull. civ. V, no 184 :
« Le licenciement d'un délégué syndical, au
mépris des dispositions de l'article L. 425-1 (devenu l'article L.
2421-3, du code du travail) porte un préjudice à
l'intérêt collectif de la profession représentée par
le syndicat à l'origine de la désignation ».
263 Ex : Soc. 14 avr. 2010, no 08-44.844, inédit.
264 Ex : CE 12 avr. 2013, req. n°329570, Lebon, CE 6 sept.
2013, req. n°370627, CE 11 oct. 2010, req. n°327660, Lebon 375.
265 Ex : CE 29 juill. 1998, n°188825.
52
Paragraphe 4 : La défense des
intérêts généraux, économiques et
professionnels
La réglementation économique est l'un des
domaines précurseurs de l'action dans l'intérêt collectif.
C'est à partir de celle-ci que tout a commencé, en
témoigne l'arrêt de 15 avril 1913. L'action dans
l'intérêt collectif s'est intéressée
également à la défense de l'intérêt
général.
Sous paragraphe 1 : La défense de la
réglementation économique et professionnelle
Ce sont des domaines exploités d'avantage par les
employeurs et les syndicats de professions libérales plus que par les
syndicats de salariés.
La défense de la réglementation
économique : Les infractions aux lois économiques
représentent, malgré les réticences de certaines
juridictions266, le domaine de prédiction des syndicats
d'employeurs pour engager les actions visant à défense les
intérêts collectifs de la profession.
En témoigne l'abondante jurisprudence qui a admis la
recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif en la
matière. 267 L'action dans l'intérêt collectif
est exercée, entre autres, pour se prémunir contre une certaine
forme de concurrence déloyale qui affecte le plus souvent l'image de la
profession.
La défense de la réglementation
professionnelle : l'action dans l'intérêt collectif a vu
son champ s'élargir également pour défendre la
réglementation professionnelle à travers notamment les actions
ordinales268. En effet, certains
corps de métier ont été organisés autours d'ordres
professionnels qui ont pour mission d'assurer l'exercice d'un métier ou
d'une profession souvent réglementée. C'est le cas par exemple
des avocats, des architectes, des médecins, des comptables, des
pharmaciens ...etc. 269 Ces ordres, ont reçus par des termes proches de
l'article 2132-3 C.T une qualité pour agir en justice en vue de
protéger leurs « titres d'exercice »270 ou pour
exercer l'action civile résultant de l'exercice illégal de la
profession271.Ces ordres jouissent d'une habilitation légale
pour agir en défense de l'intérêt collectif de la
profession qu'ils représentent.272
266 P. Durand, Défense de l'action syndicale, D. 1960.
Chron. 21.
267 Ex : Crim. 25 janv. 2005, n°04-80.305 à propos de
vente en liquidation non autorisée, Crim. 13 mars 1979, n°7892.341
publié au Bull (à propos de la boisson Tang), Crim. 23 janv.
1979, no 78-91.033, Bull. Crim. N°32, à propos du délit de
publicité mensongère (Syndicat de la conserve), Crim. 22 janv.
1970, n°69-90.898, Bull. crim. N°37 ; D. 1970. 166, note Costa. Et
Soc. 28 oct. 1963, Bull. civ. IV, no 104, à propos de l'exercice
illégal de la profession de coiffeur.
268 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz
Corpus 2019 n°455 p.234
269 On trouve également les dentistes, les
kinésithérapeutes, les vétérinaires, les
podologues. 270L'article 26 de la loi n°77-2 du 3 janvier 1977
sur l'architecture (JO 4 janv.)
271 L'ordre des médecins est habilité
également par l'article 4161 CSP pour exercer l'action civile
résultant de l'exercice illégal de la profession.
272 N. Albert, l'institution ordinale, thèse, Tours,
1998, p.277 et CI.Campredon, l'action collective ordinale, JCP 1979.I.2943.
53
Ils « sont donc les concurrents des Syndicats
».273dans la défense de l'intérêt collectif
de la profession. « En ce qui concerne la recevabilité de leurs
actions ordinales, on observe un mouvement jurisprudentiel récent qui
tend à leur octroyer, presque les même privilèges qu'un
syndicat professionnel ».274 La constitution de partie civile
est désormais recevable par exemple lorsqu'il s'agit d'exercice
illégal d'une profession. 275 Par exemple, « L'action en
concurrence déloyale intentée à l'encontre d'une
société, (par l'ordre des médecins) au titre de la
publication d'offres d'achat relatives à des prestations
médicales, ayant pour objet de défendre l'intérêt
collectif de la profession médicale » 276 a été
jugé recevable par la première chambre civile.
Mise au point et perspectives : On voit bien
que l'action en défense de l'intérêt collectif
défend au fond les lois juridiques et morales d'un métier ou une
profession. Ce sont des lois techniques, les règles de l'art comme
autrefois. L'action dans l'intérêt collectif va permettre d'agir
en cas d'atteinte à la réputation de la profession, en cas
d'atteinte aux procédés de fabrication d'un produit, en cas de
concurrence déloyale à l'intérieur ou à
l'extérieur de la profession, en cas de vente en dessous du prix de
revient. Elle a le potentiel de s'étendre pour protéger les
procédés de fabrication automobile en cas de fraude, ou en
matière de fabrication de fromage ou encore du vin contre une
concurrence internationale invasive.
Sous paragraphe 2 : La défense de
l'intérêt général
Devant les juridictions pénales :
Certaines infractions à l'intérêt général
sont perméables, à l'admission d'autres intérêts
à l'instar de celui de la profession. L'intérêt
général n'est pas exclusif de l'intérêt de la
profession et l'action syndicale en défense de l'intérêt
collectif objet de l'article 2132-3 C.T peut être ainsi recevable devant
les juridictions pénales, tel est le cas par exemple s'agissant d'un
délit d'obstacle à l'accomplissement des fonctions d'un
contrôleur du travail.277 des poursuites pour
dénonciation calomnieuse 278ou à propos du meurtre
d'un inspecteur du travail par la personne qu'il
contrôlait.279
273 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz
Corpus 2019 ISBN n°496 p.234
274 S.Guinchard et Buisson, procédure pénale, 11eme
Edition. 2018, LexisNexis, n°1217.
275 Ex : Crim. 20 nov. 1984, n°84-91.237, Bull (en cas
d'exercice illégal de la profession de préparateur), Crim. 10
juill. 1973, n°71-93.712, (en cas d'exercice illégal de
l'activité des agences de voyages), Crim. 14 juin 1972, no 71-91.966,
Bull. (en cas d'exercice illégal de la profession d'ingénieur
conseil) et Crim. 5 janv. 1971, n°70- 90.712 (en cas d'infraction à
la police sanitaire des animaux).
276 Dalloz actualité, 24 janvier 2019, Mehdi Kebir
« Ordre des médecins : recevabilité de l'action en
défense de l'intérêt collectif de la profession » Civ.
1re, 12 déc.2018, F-P+B, n°17-27.415.
277 Crim. 4 oct. 1988, n°87-80.084.
278 Ex : Crim. 11 mars 2003, n°02-82.352, Bull.
279 Bordeaux, 17 mai 2005, Dr. ouvrier 2006. 40, note F. S.,
54
Les syndicats professionnels sont aussi recevables en cas de
procédures judiciaire ouvertes à l'encontre de certains membres
du conseil des prud'hommes.280
La défense des lois et règlements
devants les juridictions administratives : Parmi les exemples
relativement récents qui témoignent de la possibilité des
organisations syndicales à engager un recours contre une norme juridique
touchant les intérêts collectifs des travailleurs : le recours
devant le juge des référés engagé par une
confédération syndicale interprofessionnelle afin de suspendre
l'application de l'ordonnance n°2005-892 du 2 août 2005 relative
à l'aménagement des règles de décompte des
effectifs des entreprises.281 Le conseil d'Etat a
considéré que « l'application de cette mesure porte une
atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts
» du syndicat requérant (CGT-FO en l'espèce). 282
Sous-section 2 : La défense de la
conventionalité 283
L'action en justice des syndicats a trouvé
également un champ vaste, mais pas très soyeux, sur lequel elle a
pu s'étendre pour défendre l'intérêt collectif de la
profession : la défense de la conventionalité,
c'est-à-dire défendre l'exécution et la validité de
la norme collective. L'articulation entre conventions collectives et l'action
dans l'intérêt collectif est assez « subtile ».
284 La recevabilité de l'action dans l'intérêt
collectif en défense de la conventionalité peut être
basée juridiquement sur le fondement général de l'article
2132-3 C.T ou sur la base particulière de l'article 2262-10 C.T issu au
fond de la loi du 25 mars 1919285.
La qualité d'agir : Il convient de
rappeler que seuls les syndicats de salariés ou d'employeurs sont
qualifiés pour exercer l'action en justice en la matière. Les
institutions représentatives du personnel sont donc en principes
privées de l'exercice de telles actions. Il en va de même pour les
groupements qui ne détiennent pas la qualité de syndicat
professionnel286 . L'action en justice en défense de la
280 Crim. 3 févr. 2004, n°03-83.259, Dr. ouvrier
2004. 441 (Faux en écriture et violation du secret professionnel).
281 C.E 23 nov. 2005, n°286440 publié au recueil
Lebon
282 CE 13 janv. 1975, no 90193, Lebon 16, à
propos du recours contre des circulaires concernant la situation des
travailleurs étrangers en France
283 Le terme « conventionalité » est
emprunté à Emeric Jeansen, La semaine juridique Entreprise et
affaire n°39,28 septembre 2017,1515
284 Hélène Tissandier, « intérêt
collectif, intérêt catégoriel, intérêt
individuel : la complexité de l'action syndicale en justice » note
ss Soc. 22 févr. 2006, no 04- 14.771, inédit, RDT 2006. 329
285 Loi relative aux conventions collectives de travail.
286 V, sur ce point, nos développements sur la
qualité d'agir.
55
conventionalité a pour ambition d'appliquer les
stipulations de la convention collective et/ou de lui donner
l'interprétation qui convient au syndicat.287
L'action « générale » en
défense de l'intérêt collectif de la profession (Art 2132-3
C.T) est différente de l'action de l'action de l'article 2261-11 C.T
appelée aussi « Action du syndicat en son nom propre ».
Conformément à l'article 2262-11 C.T, Cette
action peut être intentée par tout syndicat ou groupement «
contractuellement » lié par la convention ou l'accord, pour
demander en son nom propre, l'exécution de la convention et le cas
échéant obtenir des dommages et intérêts en raison
du préjudice dont il a souffert.
136 : La loi du 25 mars 1919 a ouvert la porte aux syndicats
professionnels pour exercer l'action en défense de
l'intérêt collectif de la profession par le biais d'un texte
particulier relatif aux conventions et accords collectifs qu'est l'Article
2262-10 C.T. Cet article n'est qu'une « déclinaison
»288 de l'action générale des syndicats en
défense de l'intérêt collectif de la profession tel qu'elle
a été reconnue dans l'article 2132-3 C.T (Paragraphe 1). La
chambre sociale a tellement étendue la recevabilité des actions
syndicale sur la base générale de l'article 2132-3 C.T que
l'article 2262-10 C.T est tombé en désuétude (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : L'action générale de
l'article L 2132-3 C.T :
Le droit pour les syndicats d'ester en justice pour
défendre la conventionalité (et de manière indirecte
l'intérêt collectif) a progressivement été reconnu
sur la base générale de l'article de 2132-3 C.T. Cette
reconnaissance s'est faite en dépit des actions syndicales
spécifiques prévues par les articles 2262-10 et 2262-11 C.T.
Preuve d'extension, l'action dans l'intérêt
collectif de la profession est recevable aussi bien en cas de demande
d'exécution de la convention collective (sous paragraphe 1) qu'en cas de
contestation de sa validité à travers l'action en annulation
(sous paragraphe 2). Cette défense de conventionalité «
conduit aujourd'hui à admettre que l'action en exécution de la
convention collective puisse être exercée par des syndicats
non-signataire »289.
287 V. par exemple Soc. 2 déc. 2008, n° 07-44.132,
Semaine juridique n°10, mars 2009,1098 note Lydie Dauxerre à propos
de la détermination des avantage acquis par les salariés à
la suite de la dénonciation d'un accord collectif. Voir aussi Cass. Soc
20 nov. 2010 n° 09-42.990 s'agissant de l'inapplication d'une convention
collective non étendue. Note Yannick Pagnere, La semaine juridique
Social n°6, février 2011,1066
288 Manuela Grévy, Syndicats professionnels :
Prérogatives et action, Dalloz, Répertoire de droit du travail,
Avril 2014 n°136
289 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif
- Développements récents. Droit social n°7/8-juillet-Aout
2017. P.631
56
Sous paragraphe 1 : L'action dans
l'intérêt collectif en exécution de la Convention
Collective Une ouverture significative : En matière d'actions
en exécution de la convention collective on a assisté à
une évolution intéressante marquée par l'extension du
champ de l'action dans l'intérêt collectif de la profession. En
effet, avant les années 2000, La jurisprudence avait tendance à
déclarer l'action du syndicat en vue de l'obtention de
l'exécution de la convention collective irrecevable pour défaut
de qualité lorsqu'elle, l'action, se basait juridiquement sur l'article
2132-3 C.T.290
Mais depuis les années 2000, la cour a commencé peu
à peu à changer de position.
Elle admet de plus en plus l'action en exécution de la
convention collective sur la base de l'article 2132-3 C.T sans tenir compte ni
de la représentativité ni même du fait que le syndicat
demandeur a signé ou non la convention collective.
L'engloutissement de l'action de l'article 2262-11 C.T
: La cour de cassation a profité du contentieux relatif
à l'application de la convention collective étendue pour admettre
le principe de recevabilité de l'action syndicale. C'est l'arrêt
du 12 juin 2001 qui a marqué le coup. En effet, l'arrêt a
été l'occasion pour la cour de cassation d'autoriser la
recevabilité de l'action du syndicat en vue d'appliquer la convention
collective, sur la base générale de l'article 2132-3 C.T et non
pas sur celle de l'article 2262-11 C.T relatif à l'action contractuelle
du syndicat.
Le pas qui a été franchi par la cour de
cassation a été considéré par la doctrine comme
étant un « saut inhabituel ». Autrement dit, La cour s'est
située sur le terrain de l'action dans l'intérêt collectif
et s'est montré indifférente à l'existence ou non
d'actions particulières en cas de demande d'exécution d'une
convention collective, favorisant ainsi une interprétation extensive de
l'article 2132-3 C.T ; A ce titre, l'attendu de la cour est assez
révélateur ; « en cas d'extension d'une convention ou d'un
accord collectif qui a pour effet de rendre les dispositions étendues
applicables à tous les salariés et employeurs compris dans leur
champ d'application, les syndicats professionnels sont recevables à en
demander l'exécution sur le fondement de l'article L. 411-11 du code du
travail, leur non-respect étant de nature à causer
nécessairement un préjudice à l'intérêt
collectif de l'ensemble de la profession ». 291 Cette solution
est soutenable à notre avis car d'une part, la
généralité de l'article 2132-3 C.T n'est pas
imperméable à l'accueil d'une telle l'hypothèse et d'une
autre part parce que l'extension de l'accord est de nature à uniformiser
l'accès à la justice pour le syndicat bénéficiaire
de cette extension. La « condition »
290 Ex : Soc. 10 mai 1994, n°92-14.097, Bull. civ. V, no
173 ; RJS 6/1994, n°736. V. aussi Soc. 25 mars 1985, n°8312.714,
Bull. civ. V, no 204.
291 Soc. 12 juin 2001, n°00-14.435, Bull. civ. JCP 2002.
II. 10049, note Petit. Et dans le même sens V. Soc. 18 févr. 2003,
n°01-02.079, publié
57
jurisprudentielle liée à l'extension de la
convention collective, a fait toutefois l'objet de nombreux reproches tenant
essentiellement à l'effet ergaomnes des conventions collectives,
l'inapplication de ces dernières seraient nécessairement
préjudiciables à l'intérêt collectif de la
profession.
La conquête d'un nouveau
domaine292 : A l'occasion d'un arrêt du 3 mai 2007,
la chambre sociale a réussi à lever le doute qui s'est
installé en 2004293 s'agissant de la condition d'extension de
l'accord collectif supposée nécessaire à la
recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif.
L'arrêt du 3 mai 2007 294 qui a
supprimé cette condition de manière définitive, marque
incontestablement le signe d'occupation par l'action dans
l'intérêt collectif d'un nouveau champ, qui est celui des accords
et conventions collectives. 295
En extrapolant la règle de recevabilité de
l'action dans l'intérêt collectif à tout litige mettant en
cause les conventions collectives, la cour de cassation a autorisé tous
syndicat à demander l'application de l'accord ou la convention
collective sur la base du préjudice porté à
l'intérêt collectif de la profession quand bien même
l'accord ou la convention n'est pas étendue et peu importe le niveau de
cet accord (Entreprise, Branche, groupe, établissement).
L'arrêt précité explicite en des termes
clairs que : « indépendamment de l'action réservée
par l'article
L. 135-5 du code du travail (devenu article L. 2262-11 C.T )
aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail,
les syndicats professionnels sont recevables à demander sur le fondement
de l'article L. 411-11 de ce code ( devenu article L. 2132-3)
l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail,
même non étendu, son inapplication causant nécessairement
un préjudice à l'intérêt collectif de la profession
»296. « La cour de cassation fait ainsi sauter l'un des
derniers verrous enfermant l'action en justice des syndicats en justice des
syndicats en matière de convention ou d'accord collectif
»297. Plusieurs arrêts ont permis ultérieurement
de confirmer cette orientation jurisprudentielle. 298 Le dernier
arrêt en date indique que l'action de l'article 2132-3 C.T est
recevable
292 Note Fabre, Ss. Soc 3mai 2007, n844 FS-P+BA. Dalloz
Actualité 24 mai 2007
293 Soc. 26 mai 2004, n°02-18.756, Bull. civ. V, no 143 ;
RJS 11/2004. 795, rapp. Morin. Et J-M verdier, La recevabilité de
l'action syndicale exercée dans l'intérêt collectif de la
profession après les arrêts Aventis Pharma et Michelin, Dr. soc.
2004. 845.
294 Le litige portait sur l'inexécution d'un accord de
participation aux résultats de l'entreprise.
296 Soc. 3 mai 2007, n° 05- 12.340, Bull. civ. V, n°68
; RDT 2007. 536, obs. Borenfreund.
297 Soc 3mai 2007, n844 FS-P+BA. Dalloz Actualité 24 mai
2007, Obs A. Fabre
298 V. Soc. 16 janv. 2008, n°07-10.095, Bull. civ. V,
n°10 ; RDT 2008. 245, obs. Véricel. , Soc. 25 mars 2009,
n°0744.748, Bull. civ. V, no 84 ; D. 2009. AJ 1092, obs. Maillard. , Soc.
30 nov. 2010, n°09-42.990, Bull. civ. V, no 276 ; JCP S 2011. 1066, note
Pagnerre.
58
abstraction faite de la signature de l'accord par le syndicat
qui l'engage et ce donc « indépendamment de l'action
réservée par l'article 2262-11 C.T aux syndicats liés par
une convention ou un accord »299
Intérêt collectif et effet ergaomnes
: Le non-respect de la convention collective produit un effet
néfaste à l'égard de tous les salariés. Un effet
ergaomnes selon George Borenfreund. Cet effet néfaste porte atteinte
à l'intérêt de la collectivité des salariés.
Et donc c'est cet effet préjudiciable à l'égard de tous
qui justifie la recevabilité de l'action dans l'intérêt
collectif de la profession. Le raisonnement est en totale corrélation
avec le principe même de l'action dans l'intérêt collectif
tel qu'elle a apparue en 1913 et codifié dans l'article 411-11 C.T
(devenu 2132-3 C.T). Cette disposition à caractère très
généralisant en dit long sur la capacité
représentative des syndicats. En effet, elle confère à
tous les syndicats professionnels, un « rôle de représentant
» des intérêts agrégés de la profession. Un
intérêt qui dépasse les membres du syndicat. Une action
« au nom de tous », qui reconnait à toutes les organisations
syndicales représentatives ou non, signataires ou non de la norme
collective le droit de demander son application ou de demander des dommages et
intérêt pour atteinte l'intérêt collectif.
Nouvelle optique : L'action dans
l'intérêt collectif a vu également son champ se
détendre malgré certaines restrictions jurisprudentielles d'ordre
procédurales. L'action principale du syndicat en application de l'accord
collectif n'est en principe recevable que si le syndicat sollicite cette
application au bénéfice d'une collectivité
déterminée et non pas à chacun des salariés
nommément désignés300. Facteur
d'éclatement du contentieux entre les juridictions et frein à
l'action collective, cette orientation a été
critiquée.301
L'évolution peut être saisie à travers un
nouveau raisonnement observé dans plusieurs jugements de la TGI qui ont
pris appui sur la jurisprudence de la chambre sociale.
Une Jurisprudence permissive qui a accordé aux
syndicats la possibilité de demander d'ordonner l'application des
conventions à une collectivité définie mais à
condition qu'il ne s'agisse pas de « droits déterminés au
profit de salariés nommément désignés
».302 Le mécanisme nous rappelle étrangement
celui de l'action de groupe.
299 Note F.Bousez. Ss. Soc. 11 juin 2013, no 12-12.818, semaine
juridique n°3. 21 janvier 2014. 1033.
300 G.Borenfreund, préc .536.
301 Note Ss TGI Nanterre, 23 nov. 2012, Dr. ouvrier 2013. 351.
302 V. Soc. 25 sept. 2013, no 12-13.697, Dr. ouvrier 2014. 41,
note Keller Lyon-Caen.
59
Dans l'affaire du 25 septembre 2013, « l'arrêt
casse partiellement la décision d'appel en se prononçant en
faveur de la demande de régularisation ... la cassation ainsi
prononcée a ajouté du pragmatisme à la solution, un
certain dynamisme puisque la solution peut être directement
exécutée »303
Ces tribunaux ont ainsi pu se prononcer en même temps
sur l'exécution matérielle de la convention collective ainsi que
sur la demande du syndicat visant à régulariser en bloc la
situation des salariés concernés. 304
Enfin, dernier espace dans lequel l'action
générale dans l'intérêt collectif déplorable
en matière d'exécution d'accord ou de convention collective a pu
s'étendre, c'est les accords atypiques. En effet l'inobservation de ces
accords par l'employeur cause inévitablement préjudice à
l'intérêt collectif de la profession. 305
Sous paragraphe 2 : L'action en nullité de la
convention collective
Il s'agit là d'un autre terrain conquis par l'action
dans l'intérêt collectif au cours de son expansion foudroyante.
L'action dans l'intérêt collectif de la profession est capable
également d'opérer dans le cadre de la défense de la
validité de l'accord ou de la convention collective.
En matière de nullité du texte collectif, un
mouvement d'extension a été perçu.
Avant 2004, la cour de cassation considérait que
lorsque l'action en justice est engagée par un syndicat ayant
participé à la négociation de la convention et qui n'est
même-pas signataires de celle-ci, alors l'action dans
l'intérêt collectif est recevable à condition que le
syndicat invoque la nullité absolue306.
Mais, depuis l'arrêt du 26 mai 2004, la chambre sociale
a rompu avec cette exigence relative à la nature de la nullité
invoquée.
La cour admet qu'il est possible pour un syndicat d'entreprise
d'associer en défense de l'intérêt collectif son action
à celle de la fédération à laquelle il a
adhéré afin de demander la nullité de l'accord
d'entreprise.307
303 Sophie Rozez, L'action en justice, action individuelle,
action collective, le Dr. Ouvrier .Novembre 2014, n°796 p.738
304 Ex : TGI Nanterre, 23 nov. 2012, Dr. ouvrier 2013. 351
305 Ex : Soc. 5 juill. 2006, n°04-43.213, Bull. civ. V, no
238 ; RDT 2006. 401, note Grévy.
306 Soc.9 juill. 1996, n°95-13.010, Bull.civ.V, n°269,
D.1998.Somm.258, obs.Souriac.
307 Ex : Soc. 26 mai 2004, n°02-18.756, Bull. civ. V, no 143
; RJS 11/2004. 795.
60
Paragraphe 2 : L'action particulière de
l'article 2262-10 C.T
Une action spéciale : Cette action est
une déclinaison de l'action générale objet de l'article
2132-3 C.T en matière de défense de conventionalité.
L'article L 2262-10 du C.T dispose que « Lorsqu'une
action née de la convention ou de l'accord est intentée soit par
une personne, soit par une organisation ou un groupement, toute organisation ou
tout groupement ayant la capacité d'agir en justice, dont les membres
sont liés par la convention ou l'accord, peut toujours intervenir
à l'instance engagée, à raison de l'intérêt
collectif que la solution du litige peut présenter pour ses membres
». Il ressort de cet article que le syndicat est forcément
recevable à agir en soutien de l'intérêt collectif de ses
membres sans qu'il soit en obligation de démontrer l'atteinte
portée à l'intérêt collectif de la
profession.308.
Un mode d'exercice restreint : L'action de
l'article 2262-10 C.T doit être exercée obligatoirement en «
mode » d'intervention en soutien à l'action prud'homale
engagée par le salarié ou éventuellement dans le cadre
d'une action principale qu'un autre syndicat a déjà introduite
devant les tribunaux civils de droit commun.
Corrélativement au mouvement relatif à
l'exercice de l'action dans l'intérêt collectif sur la base
générale de l'article 2132-3 C.T, l'action spéciale du
groupement contre le texte conventionnel a été admise sans
difficulté par la chambre sociale de la cour de cassation et ce
abstraction faite de la signature ou non de la convention ou de l'accord par le
syndicat intervenant. Un arrêt du 14 février 2001309
démontre cette orientation extensive ; en effet après avoir pris
la peine d'expliquer la différence entre l'action fondée sur
l'article 2262-11C.T ( ne nécessitant pas la signature du syndicat pour
être recevable ) et l'action spéciale de l'article 2262-10 C.T (
n'exigeant pas cette qualité ), la cour de cassation affirme dans
l'arrêt précité que l'action dans l'intérêt
collectif engagée par un syndicat non signataire du texte conventionnel
est recevable en raison de l'intérêt collectif que la solution
peut présenter pour les membres du syndicat et malgré le fait
qu'elle ne soit pas signée par le syndicat intervenant dans
l'affaire.
308 Soc. 28 nov. 1995, no 92-43.742, Bull. civ. V,
no 321 ; D. 1996. IR 12.
309 Soc 14 février 2001, n°98-46.149, Droit ouvrier
2001. 174, note Dufresne-castets et le Paon
61
Deuxième partie : Une expansion
freinée
Malgré un encadrement légal accommodant et une
pratique judiciaire assez ouverte, l'action dans l'intérêt
collectif peine aujourd'hui à trouver l'espace nécessaire pour
s'étendre. Son développement est contrarié par plusieurs
facteurs. Sa limitation tient d'abord à un ensemble de contraintes
matérielles tels que la complexité d'accès aux moyens de
preuve, des frais dissuasifs de justice, un grand risque de rétorsion
ainsi qu'une lourdeur procédurale relativement handicapante.
Sans méconnaitre ces éléments, il est
important de se concentrer sur les inhibitions récentes et proprement
légales pour étayer notre propos. « La jurisprudence
récente de la cour de cassation »310, les mutations
forcées infligées au périmètre du collectif par de
nouvelles articulations, la concurrence croissante avec des acteurs qui
jusque-là n'étaient pas très actifs, la faiblesse du
rayonnement de l'action sur l'individu, l'envie politique de désamorcer
le conflit, ces éléments ont tous eu raison de l'action dans
l'intérêt collectif.
Pour synthétiser, on peut dire que l'action dans
l'intérêt collectif est freinée d'abord parce qu'on
retrouve des hypothèses récentes d'action irrecevables en
crête des actions traditionnellement recevables (Section 1).
L'action est freinée aussi parce qu'elle est mise en
interaction abrasive avec d'autres catégories d'action et d'autres
acteurs qui commencent sérieusement à la rivaliser de
manière de plus en plus efficace (section 2)
Section 1 : Les actions irrecevables
Ce qu'il faut remarquer de prime abord à propos de ces
actions irrecevables c'est que la jurisprudence en la matière n'observe
pas une ligne de conduite claire. Le mouvement qu'on va décrire n'est
pas si net qu'il n'y parait.
Nous allons aborder dans une première sous-section les
hypothèses dans lesquelles l'action, malgré un versant collectif
prononcé impactant l'intérêt de la profession, est exclue
par la jurisprudence (sous-section 1) et dans une deuxième sous-section
nous allons nous intéresser aux cas récents d'exclusions de
certaine infraction pénales (sous-section 2).
310 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif
- Développements récents. Droit social n°7/8-juillet-Aout
2017. P.631
62
Sous-section 1 : L'exclusion de certaines actions à
versant collectif
Le débordement de l'intérêt collectif sur
l'ensemble des intérêts individuels pris à part, est admis
depuis la naissance de l'action dans l'intérêt collectif de la
profession en 1913. L'intérêt individuel pourrait, contenir en
substance un aspect très collectivisant.
On peut le considérer comme un «
échantillon » assez représentatif d'une situation ou d'un
ensemble plus grand d'intérêt « collectif » dans lequel
une catégorie professionnelle peut s'y identifier. Cette fonction «
distributive » qui permet de passer du singulier au pluriel en faisant au
passage bénéficier le collectif entier de la pertinence des
intérêts conquis revêt des formes multiples. Elle pourrait
provenir par exemple d'une volonté de généraliser une
question individuelle, jugée de « principe », sur l'ensemble
des salariés et ce dans un but revendicatif et collectivisant.
Elle peut provenir également de l'implication d'un
certain nombre de salariés dans une question en-laquelle se reconnait
une majeure partie du collectif et dont l'écho est assez retentissant :
Une question de portée générale.
L'action dans l'intérêt collectif, bien que
souvent amorcée par une violation d'un droit individuel, elle est
indifférente de ce dernier. Techniquement elle peut exister
indépendamment de l'action du travailleur. Il résulte de ce qui
suit que malgré la rétractation du salarié demandeur
à l'origine, l'action dans l'intérêt collectif subsiste.
Le champ de l'action dans l'intérêt collectif est
encadré par la jurisprudence.
Cet encadrement jurisprudentiel est aujourd'hui plus
serré qu'avant ; en effet, de plus en plus d'actions rattachées
certes au salarié (et qui touchent en même temps
l'intérêt collectif) sont en train d'être exclues par la
jurisprudence (paragraphe 1).
Le contentieux collectif relatif aux prérogatives des
institutions représentatives du personnel semble suivre également
la même tendance (paragraphe 2).
Ce changement subtil de paradigme a des raisons plus ou moins
claires.
Paragraphe 1 : Les actions rattachables au
salarié
Est exclus à la fois le contentieux relatif à la
sphère privée et intime du salarié (sous paragraphe 1)
ainsi que le contentieux subjectif subséquent à la
déclaration de culpabilité de l'employeur (sous paragraphe 2).
63
Sous paragraphe 1 : Exclusion de certaines actions qui
relèvent de la sphère privée
Selon la doctrine, c'est la notion de « l'intime
»311 qui encadre en principe l'action dans
l'intérêt collectif parce l'intime relève de la
sphère privée du salarié. Et comme il s'agit d'une
atteinte personnelle, le préjudice est par conséquence individuel
et non collectif. Cependant, la grande proximité de l'atteinte avec la
personne d'un travailleur n'est pas exclusive d'un quelconque préjudice
direct ou même indirect pouvant atteindre l'intérêt
collectif d'une profession. Bien au contraire, il est fréquent qu'une
atteinte relevant de la sphère privée mette en lumière un
dysfonctionnement dans l'organisation de l'entreprise.
Un dysfonctionnement tellement grave qu'il devrait être
logiquement couvert par le champ de l'action dans l'intérêt
collectif. Pourtant, la jurisprudence en la matière atteste d'une assez
grande prudence et imprévisibilité quant à la
recevabilité de ce genre d'action. S'il est compréhensible dans
certaines affaires que l'atteinte à l'intérêt collectif
n'est pas caractérisée (et donc l'action est irrecevable) en
raison justement de cette introversion, il nous semble que dans plusieurs cas
récents, la cour de cassation a été plus
sévère. En effet un syndicat a été privé
d'agir et a vu par conséquence son action sanctionnée par une fin
de non-recevoir dans une affaire où les faits étaient
préjudiciables à « la vie privée » d'un membre
de la profession. 312 Dans le même sens, une demande de
constitution de partie civile d'un syndicat a été rejetée
par la chambre criminelle au motif que le harcèlement-viol subi par le
salarié, pour autant sur son lieu de travail, ne portait pas atteinte
à l'intérêt collectif de la profession.313 Cette
interprétation restrictive a été justifiée
abusivement par la connexité des faits réprimés avec la
personne du salarié quand bien même l'acte incriminé s'est
produit dans l'enceinte de l'entreprise. Cet élément n'est pris
en considération qu'implicitement par la cour314. Ce qui nous
laisse présumer qu'il faut plus qu'un viol et plus qu'un cadre
professionnel pour que l'atteinte à l'intérêt collectif
soit reconnue. On comprend implicitement qu'il faut peut-être un «
choc » plus important ou une affaire très médiatisée
pour qu'une action syndicale soit jugée recevable.
La problématique d'harcèlement au travail est
pour-autant très connue et de plus en plus admise en tant que
problème lié aux conditions de travail.
311 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt
collectif, préc, p.633 et s
312 Civ 19 décembre 1995 n° 93-18.939, Bull.civ.I,
n°479, D.1997.158 ; RTD com., 1996.498, obs.E.Alfandari et M.Jeantin
313 Crim 23 janvier 2002, n°01-83.559, Bull. Crim.,
n°12, RSC 2002.832, obs.G.Giudicelli-Delage.
314 La cour explique dans la même affaire que la survenance
des faits dans un cadre professionnel n'est pas suffisante pour donner au
préjudice individuel une teinte collective.
64
Le mouvement social encourageant la prise de paroles des
femmes par exemple pour dénoncer les viols et agressions de tout genre
est en plein essor315.
« La victime d'un harcèlement moral est souvent
isolée et psychologiquement affaiblie. Dans ses conditions, la mise en
mouvement de l'action publique peut lui paraitre insurmontable. De toute
évidence, les victimes préfèrent s'adresser au juge
prud'homal, plus proche, plus accessible, pour qu'il prononce la rupture du
contrat et mettre fin à une situation souvent devenue cauchemardesque
»316.
En conséquence, personne ne peut nier l'impact de cette
problématique sur l'intérêt collectif de la profession
parce qu'elle est en étroite liaison avec les conditions de travail. En
témoigne une analogie possible avec le délit d'harcèlement
moral déjà reconnu. En effet « Si le harcèlement
(moral) s'inscrit dans une démarche de management pervers et concerne,
non pas un, mais plusieurs salariés, le harceleur s'en prenant tour
à tour aux uns et aux autres, il semble que l'atteinte à
l'intérêt collectif soit caractérisée. (...) En
revanche, admettre l'action syndicale en présence de harcèlement
ciblé sur une personne peut paraitre plus délicat
».317 Du reste, la cour de cassation pourrait être plus
sensible à cet argumentaire « d'autant que l'article 1154-2 C.T
habilite le syndicat à exercer par substitution l'action même de
la salarié victime »318. Encore faut-il que les
syndicats parviennent à plaider le lien entre les faits
répréhensibles et la violation des conditions de travail. Le
maintien de cette jurisprudence restrictive représente un frein à
l'action dans l'intérêt collectif de la profession susceptible
d'empêcher sa recevabilité.
Sous paragraphe 2 : Exclusion du contentieux «
subjectif-subséquent »
Il s'agit d'exclusions récentes d'actions dans
l'intérêt collectif relatives aux actes subséquents
(résultante) au constat (déclaration)
d'irrégularité (illicéité) de la pratique patronale
qui étaient, jusqu'à un certain moment, admises de manière
exceptionnelle par la jurisprudence de la cour de cassation malgré leurs
caractère subjectif, « attaché à la personne du
salarié »319.
En effet, depuis un revirement jurisprudentiel
récent320 la chambre sociale a décidé que les
demandes « autres que celle relative au constat de
l'irrégularité » de la pratique patronale, sont
irrecevables.
315 Le mouvement #MeToo est un mouvement social encourageant
la prise de parole des femmes, afin de faire savoir que le viol et les
agressions sexuelles sont plus courants que ce qui est souvent
supposé.
316 Marie-Cécile Amuger-Lattes, préc, 2806.
317 Marie-Cécile Amuger-Lattes, préc, 2806.
318 Cyril Wolmark, préc, p.634.
319 Cyril Wolmark, préc, p.634.
320 Cass. Soc. 14 décembre 2016 n°15-20.812 Note
Bernard Gauriau, Semaine juridique n°5-6. 7 février 2017. 1045.
p3
65
En d'autres termes, la cour déclare que seules les
demandes qui tendent à constater l'irrégularité de la
pratique patronales seront recevables, tandis que les demandes visant les
actions subséquentes, c'est-à-dire qui résultent du
constat d'irrégularité, que l'employeur devrait en principe
prendre, sont irrecevables.
L'exemple le plus significatif d'actions exclues du
contentieux subjectif est celui de la demande visant la régularisation
des rémunérations résultantes de la déclaration
d'illicéité. Ces demandes sont désormais irrecevables
alors qu'elles étaient auparavant recevables.321
Selon la doctrine « les syndicats n'auraient alors plus
qu'un rôle limité au contentieux objectif, celui tendant à
déclarer irrégulière ou non des actions mesures, normes
»322.
Les actions patronales qui suivraient alors la
déclaration d'illicéité échapperaient ainsi au
domaine d'intervention de l'action syndicale et par conséquent au
juge.
L'exclusion de ce contentieux «
subjectif-subséquent » réduit de manière
considérable le bénéfice « individuel » que le
salarié peut tirer de l'action collective.
Cette nouvelle orientation jurisprudentielle freine
considérablement l'action dans l'intérêt collectif et nuit
désormais à son efficacité. Selon la doctrine « Ce
revirement jurisprudentiel pourrait trouver justification dans l'entrée
en jeux en droit du travail de l'action de groupe par la loi de 18 novembre
2016 ».323
Une position qu'on partage puisqu'il nous semble que la
jurisprudence a été sensible à l'introduction de cette
action de groupe. A l'écoute de la consigne « implicite » de
2016, la jurisprudence a pris appui sur l'introduction du mécanisme de
l'action de groupe en droit du travail ( mécanisme à double
phases ) à fin de « céder » à cette action de
groupe le contentieux subjectif et subséquent qu'elle a «
volontairement » exclu du contentieux objectif. Mais sans compter
réellement sur la complexité procédurale de ce
mécanisme ni sur la limitation de son domaine en droit du travail aux
seules discriminations. L'efficacité de l'action dans
l'intérêt collectif, jusque-là vérifiée, ne
va cependant plus l'être.
321 Soc 12 février 2013, n°11-27.689, Bull.civ.V,
n°36, D.2013.513 ; 1026, obs. Lokiec et J.Porta
322 Cyril Wolmark, préc, p.635
323 Cyril wolmark, Cours de droit social 2020, Université
paris Nanterre.
66
Paragraphe 2 : Le contentieux relatifs à
l'élection et à la négociation
L'irrecevabilité récente de l'action dans
l'intérêt collectif en matière du contentieux des
élections professionnelles (sous paragraphe 1) et celui de la
négociation (sous paragraphe 2) montre bien aussi que l'action dans
l'intérêt collectif est entrain de régresser.
Sous paragraphe 1 : Le contentieux électoral
:
En la matière, on observe que la jurisprudence a un
pouvoir considérable pour décider de la réception ou non
de l'action du syndicat en contestation d'un accord
préélectoral.
On peut s'interroger sur la capacité d'une organisation
syndicale non-signataire de contester la validité de cet accord. «
La nature de la règle violée »324 aurait pu
être la clé de répartition de la recevabilité de
l'action ; Les syndicats ayants intérêts, auraient pu être
recevables de manière ouverte si la nullité était absolue
et en cas de nullité relative, cette dernière n'aurait pu
être invoquée que par les syndicats lésés.
Cependant, la cour de cassation a décidé
autrement. Son choix s'est porté sur une interprétation
limitative de l'intérêt à agir des syndicats. La cour de
cassation a estimé que le syndicat doit nécessairement avoir des
adhérents dans l'entreprise pour pouvoir agir 325 avant
d'estimer depuis un arrêt du 20 septembre 2018 326 que «
l'organisation syndicale qui a vocation à participer au processus
électoral dispose (doit disposer) nécessairement d'un
intérêt à agir en contestation de la
régularité des élections ».
Cette décision montre une volonté
jurisprudentielle de freiner la recevabilité de l'action syndicale et de
la restreindre aux seules parties prenantes du processus électoral dans
l'entreprise. Elle illustre une compréhension particulière des
moyens d'action légale dont disposent les organisations syndicales, qui
paraissent ainsi être menées par un esprit de coopération
avec les institutions représentatives du personnel.
Cette façon de raisonner peut être
critiquée. En effet l'intérêt collectif de la profession
défendu par les syndicats est censé se déployer
au-delà des périmètres étroits de l'entreprise. Il
suppose que les syndicats soient capables de demander l'application du droit de
la représentation des intérêts ainsi que les
préceptes du droit syndical sans qu'ils aient à prendre part au
procédé des élections professionnelles. L'arrêt de
2018 n'écarte pas cette éventualité. Il se résigne
aux syndicats ayants
324 Fréderic Guiomard, Droit Social 2020, préc
p.134
325 Soc. 10 oct.2012, n°11-60.238. In Fréderic
Guiomard, Droit Social 2020 « l'action en justice des syndicats dans
l'entreprises : vielle lune, toujours actuelle ? p.134
326 Arrêt du 20 septembre 2018 n°17-260226,
publié au Bulletin, RDT 2018.694, chron.F.Guiomard
67
nécessairement intérêt à agir pour
dénigrer l'accord préélectoral. L'énonciation
n'écarte cependant pas la possibilité de faire prévaloir
l'intérêt d'autre personne.
Cette orientation effectue pourtant une bipartition claire de
l'intérêt à agir en fonction de la position de
l'organisation syndicale au sein de l'entreprise. Le degré
d'intervention du syndicat dans les élections professionnelles
détermine désormais sa capacité à discuter ou pas
devant la justice l'opération électorale.
Ce mouvement Jurisprudentiel doit être lié de
façon contextuelle à la place grandissante dévolue aux
élections professionnelles à partir de la loi du 20 aout de 2008.
Il faut le reconnaitre, le lien très étroit entre
élections professionnelles et représentativité a conduit
à enraciner davantage les pouvoirs du syndicat dans l'entreprise et
à freiner l'enthousiasme de l'action dans l'intérêt
collectif lorsqu'elle n'est pas liée aux institutions
représentatives.
Sous paragraphe 2 : Le contentieux relatif à la
négociation collective
Les questions relatives à la recevabilité de
l'action dans l'intérêt collectif s'inscrivent également
dans la sphère grandissante du droit de la négociation
collective.
Les arrêts Euro Disney du 12 juin 2001327
suivis des arrêts Aventis Pharma du 21 janvier 2004328 et
Michelin 26 mai 2004 329 ont estampillés la capacité
des syndicats à requérir l'application des conventions
collectives. Si l'article 2262-11 C.T semble conférer l'exercice de
l'action en exécution des conventions collectives aux syndicats
signataires exclusivement, l'arrêt Eurodisney avait admis la
recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif de la
profession pour tout syndicat (signataire ou non) si la convention avait
été étendue330 et ce avant que cette condition
ne soit plus exigée par les arrêts Michelin et Aventis Pharma
précités.
Le doyen J.M Verdier, grand spécialiste de la question
a pu conclure à propos de cette jurisprudence que le champ statutaire du
syndicat requérant l'emporte sur le champ conventionnel de la convention
collective.
En d'autres termes, l'atteinte portée à
l'intérêt collectif couvert par le champ statutaire du syndicat
est forcément une atteinte à l'intérêt collectif de
la profession susceptible d'être défendue en justice par tout
syndicat, qu'il soit signataire de l'accord ou pas.
327 Soc, 12 juin 2001 n°00-14.435, D.2002.361 ;
Dr.soc.2001.1019, obs. H.Antonmattei
328 Soc, 21 janvier 2004 n°02-12.712, Aventis Pharma,
Bull.civ.V.n°26, D.2004.323, obs. Dr.soc.2004.375, note B.Gauriau
329 Soc. 26 mai 2004 n°02-18.756, Michelin, Bull.civ.V,
n°143, D.2004.1866 obs. Dr.Soc.2004.839, note P-H.Antonmattei
330 Voir nos développements dans la section 2 de notre
première partie.
68
Un arrêt récent de la cour de cassation du 23
janvier 2019331 est allé dans le même sens en indiquant
que l'action dans l'intérêt collectif est recevable même
lorsque la convention est contestée par un seul salarié, rejoint
par un syndicat. Cependant, un arrêt antérieur du 19 novembre
2014332 est venu pour poser une condition nouvelle et implicite pour
agir ; L'action dans l'intérêt collectif ne serait recevable que
par une Organisation syndicale capable de conclure un accord ou une convention
collective et donc par une organisation Syndicale représentative.
Cette condition est surprenante puisqu'elle ne figure pas
parmi les conditions prévues à l'article 226211 C.T. Rappelons
que cet article n'exige, pour que des syndicats puissent « intenter en
leur nom propre toute action visant à obtenir l'exécution »
d'une convention collective, seulement le fait qu'elle soit « liée
par une convention ou un accord ». On pressent ici la volonté de
lier la capacité d'agir en justice avec la capacité du syndicat
à négocier un accord collectif.
Autrement dit, comme si le syndicat n'est capable d'agir en
justice en défense de l'intérêt collectif que lorsqu'il est
représentatif.
Une telle exigence pourrait freiner le déploiement de
l'action dans l'intérêt collectif.
En outre, l'action visant à annuler l'accord collectif
semble être restreinte en termes de recevabilité. En effet, si la
contestation de la validité de l'accord est recevable
indépendamment de la signature du syndicat (lorsque la nullité
alléguée est absolue), la contestation ne le sera pas
(irrecevable) en revanche si le syndicat invoquant la nullité relative
n'est pas signataire.
La mutation du droit de la négociation collective
semble ainsi influencer la recevabilité de l'action dans
l'intérêt collectif. Le doyen Verdier333 a
évoqué cette problématique en opposant la « logique
statutaire » protégée par les organisations syndicales d'une
part à une logique « contractualiste » de la
négociation d'autre part.
L'action dans l'intérêt collectif de la
profession visant à appliquer ou annuler un accord collectif devrait
être reçue en justice normalement sans trop de restrictions.
331 Soc, 23 janv. 2019 n°17-22-769, publié au
Bulletin
332 Soc.19 nov. 2014, n° 13-23.899, Bull.civ.V, n°271,
D.2014.2414, RDT 2015.126, obs.I.Odoul-Asorey
333 In Fréderic Guiomard, Droit Social 2020, préc
p.135
69
Sous-section 2 : L'exclusion de certaines infractions
pénales
L'invocation par les syndicats de l'atteinte à
l'intérêt collectif a toujours été admise devant les
juridictions pénales et ce quand bien même elle ait porté
parallèlement atteinte à l'intérêt
général de la société. Le principe a
été affirmé clairement par la chambre criminelle dans une
formule célèbre : « la circonstance qu'un texte a
été édicté dans un intérêt
général ne saurait faire échec à l'application de
l'article L 411-11 du code de Travail ».334 Autrement dit la
superposition des intérêts (collectif et général) ne
sont pas, en principe, exclusif l'un de l'autre. Et pourtant, la demande de
constitution de partie civile en défense de l'intérêt
collectif n'est pas automatiquement admise par les juridictions
répressives. Rappelons à ce titre que l'action en défense
de l'intérêt général est réservée en
principe au procureur de la république. Il va falloir donc se demander
où, principalement en droit pénal, l'action des syndicats est
irrecevable, c'est-à-dire quand est ce que la constitution de partie
civile est irrecevable ? Rappelons également de passage qu'être
une partie civile dans un procès revêt un double
intérêt. D'abord l'intérêt, est de déclencher
l'action dans l'intérêt public dans le cas où l'action
n'est pas faite par le ministère public. Ensuite, l'intérêt
est de pouvoir être « partie » victime au procès.
De multiples freins jurisprudentiels sont érigés
aujourd'hui (beaucoup plus qu'avant) devant l'action dans
l'intérêt collectif l'empêchant d'être recevable. Le
mouvement d'exclusion que nous allons exposer n'est pas très net
aussi.
La constitution de partie civile a été
refusée ainsi pour les syndicats dans des poursuites relatives à
certaines infractions de droit commun (paragraphe 1) et dans la majorité
des contestations qui concernent les infractions dites de « droit
pénale des affaires » (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'exclusion de certaines infractions de
droit commun
L'extranéité de la victime :
D'abord, La cour de cassation a déclaré la demande de
constitution de partie civile irrecevable, lorsque la victime de l'action est
un tiers extérieur à la profession, et ce quand bien même
l'infraction a été commise par un membre de la profession
335 dans des circonstances très discutables compte tenu de
leurs impacts sur les conditions d'exercice de la profession.
En effet, dans une affaire336 relative à la
responsabilité médicale où un pharmacien hospitalier est
accusé pour homicide involontaire, la cour de cassation n'a pas admis la
constitution de partie civile du syndicat de pharmaciens et ce malgré le
fait qu'une telle infraction aurait pu ouvrir la voie à ce
334 Crim, 20 novembre 1980, n°80-92.344.crim, n°309.
335 Crim 16 février 1999 n°98-81.621, Bull,
n°18, D.1999.79 et Crim 10 mai 2011, n°10-84.037, Bull. Crim.,
n°95 ; D.2011.1490 ; Aj pénal 2011.525, obs.J.Laserre Capdeville ;
Dr.soc.2011.1135, obs.F.Duquense ; RSC 2011.855, obs.A.Cerf-Hollender
336 Crim., 10 mai 2011, n°10-84.037, préc
70
dernier pour plaider contre une situation préjudiciable
à l'intérêt collectif de la profession de pharmacien. Dans
ce cas, le syndicat était face à une question de principe qui
concernait les conditions d'exercice et d'engagement de responsabilité
de la profession dont il a normalement vocation à défendre. On
pourrait se demander si la fin de non-recevoir de l'action du syndicat est
justifiée par la position du syndicat en tant que victime indirecte du
préjudice, puisque le préjudice subi par la victime d'un homicide
n'est pas le même préjudice subi par un syndicat. Ce raisonnement
dont on suspecte la cour de cassation d'emprunter ne tient pas à notre
avis. En effet et en examinant l'article 2132-3 du C.T, on ne trouve aucune
mention qui exige l'appartenance de la victime de l'infraction à la
collectivité demandant à être partie civile, ni une
exigence particulière d'une quelconque qualité. La loi donne aux
syndicats la possibilité d'être « partie à la
procédure, en l'absence de victime directe membre de la profession, mais
simplement pour corroborer ou provoquer l'action publique ». L'article
2132-3 C.T n'est en définitive qu'une exception à l'article2-1 et
suivant du code de procédure pénale qui n'autorise la
constitution de partie civile qu'à côté de la victime. Pour
corroborer notre analyse, on peut se référer à un
arrêt illustratif de la chambre criminelle du 13 avril 2010 où
« L'arrêt est, sur ce point, cassé sans renvoi. Les motifs de
la cour d'appel procèdent en effet d'une confusion entre
intérêt des membres du syndicat et ceux de la profession
représentée ».337 Le but de l'action dans
l'intérêt collectif dans le cas où la victime n'appartient
pas à la profession est justement de pousser l'employeur responsable du
préjudice affectant l'intérêt collectif de la profession
à la condamnation pénale. La doctrine338
suggère néanmoins d'étendre la compréhension fine
de la faute civile à la matière de pénale. Ensuite, il
ressort de la jurisprudence de la chambre criminelle également que
seules les infractions protégeant « strictement » la
profession 339 sont admises. L'irrecevabilité de la
constitution de partie civile n'est décidée ainsi que lorsqu'il
s'agit d'infractions de droit commun pures.340 Au demeurant, la
jurisprudence de la chambre criminelle reste imprévisible à
propos du reste des infractions de droit commun, tantôt elle
reçoit l'action dans l'intérêt collectif et tantôt
elle la rejette pour des motifs pas tout à fait clairs. Ce qui se
dégage de l'examen de la jurisprudence en la matière c'est qu'il
y a un principe d'irrecevabilité qu'on a tempéré par des
exceptions relatives à la mort dans des circonstances
337 Agnès Cerf-Hollender, RSC 2010, Note Ss Crim. 13 avril
2010, n°08-85.775. p871
338 Cyril Wolmark, Cours Droit de la représentation des
intérêts, Université paris Nanterre.2020
339 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif
préc. p.632
340 Crim, 27 oct. 1992, n°92-84.511, Bull. Crim. N°344
à propos d'irrecevabilité de la constitution de partie civile
d'un syndicat de magistrat à l'occasion d'une tentative d'assassinat
dont a été victime un membre de la profession
71
d'homicide ou de blessures.341 Seul le
décès ou les blessures rendent l'action dans
l'intérêt collectif recevable, et pas n'importe
lesquelles342.
Ces atteintes doivent être corrélées
à la condition du non-respect des règles relative à la
sécurité au travail.343 C'est le cas par exemple de
l'effondrement du terminal 2B de Roissy.344
Paragraphe 2 : L'exclusion de certaines infractions de
droit pénal des affaires
Ce sont pour la plupart « des délits
économique ou financiers commis par la société ou ses
dirigeants devant les juridictions répressives ».345
La jurisprudence de la chambre criminelle a tendance à
déclarer irrecevable la constitution de partie de civile du syndicat de
ce type de délits de droit pénal des affaires.
A titre d'exemple, la chambre criminelle a
déclaré la constitution de partie civile d'un syndicat
irrecevable afin de poursuivre des délits d'« Abus de bien social,
abus de confiance, escroquerie, recel, la présentation de comptes
inexacts, distribution de dividendes fictifs (et) le trafic d'influence
»346, les « détournements de fond et la prise
illégale d'intérêt »347.
Pour la chambre criminelle, il n'y a pas de différences
entre le préjudice porté « indirectement » à
l'intérêt collectif de la profession et le préjudice subi
par les salariés du fait de l'infraction.348 Et pourtant la
distinction entre les deux catégories de préjudices est
évidente.
Plusieurs critiques ; D'abord
l'intérêt collectif dépasse les simples
intérêts individuels de salariés additionnés. Cette
nuance est pourtant admise par la cour depuis très longtemps. Ensuite,
ce raisonnement comporte une perception très caractéristique du
statut des travailleurs au sein de l'entreprise. Un statut marginalisé,
dans une société de plus en plus conçue sur un
modèle patronal qui isole le salarié et le réduit à
un simple élément externe.349
341 Crim, 11 oct. 2005 n°05-82.414 Vs Crim 1er sept 2010,
n°10-80.577
342 Voir nos développements infra dans la sous-section 2
de la première partie.
343 Par contre l'assassinat d'un chauffeur de taxi n'implique
pas une atteinte à l'intérêt collectif de la profession
Crim.29 oct.1969, Bull. crim, n°274. (39)
344 Crim, 11 oct. 2005 n°05-82.414 Vs Crim 1er sept 2010,
n°10-80.577 (40)
345 Fréderic Guiomard, Droit Social, préc, p.134
346 Cyril Wolmark, préc, P.632
347 Frederic Guiomard, préc, p.134
348 Crim, 23 févr.2005, n°04-83.792, Dr, soc,
2005.588, obs.F.Duquense et Crim, 27 oct.1999, n°98-85.213, Bull. Crim,
n°236, Rev.Sociétés 2000.364, Note. B.Bouloc
349 B.Hatchuel et B.Segrestin, Refonder l'entreprise, Seuil,
2012.
72
Cette conception nous choque particulièrement. Elle
heurte aussi le droit constitutionnel 350 en faisant barrage
à la participation de tout travailleur par l'intermédiaire de ses
représentants à la « gestion des entreprises » 351.
Elle opère malencontreusement une dislocation
maniérée entre le travail et le capital.
Du reste, La jurisprudence de la chambre criminelle nous
parait infondée parce que les termes de l'article 2132-3 C.T sont
clairement indifférents à la catégorie des infractions qui
porteraient atteinte à l'intérêt collectif de la
profession.
Le champ de recevabilité est normalement plus ouvert
par rapport aux associations parce que les dispositions de l'article 2-1 et
suivant du CPP enferment la constitution de ces associations de grandes causes
dans une liste limitatives d'infraction recevables.
Cette logique qui exclut une catégorie
spécifique de délit du champ de la recevabilité de la
partie civile est susceptible de freiner aujourd'hui l'action dans
l'intérêt collectif de la profession.
Du reste, le mouvement n'est pas si net qu'il n'y parait. En
effet dans une affaire ou la recherche de culpabilité du dirigeant
était basée sur l'infraction de prise illégale
d'intérêts, l'action dans l'intérêt collectif a
été jugée recevable puisqu'il était question dans
l'espèce d'une atteinte au même temps aux lois morales de la
profession.
La doctrine voit dans la continuité de cette
orientation jurisprudentielle une potentielle « brèche
»352 à la recevabilité de l'action
d'intérêt collectif.
Plusieurs justifications à cette exclusion
: Le professeur Cyril Wolmark estime pour sa part que les nuances de
la jurisprudence pourraient provenir de la nature de l'infraction et de la
victime de ces infractions.353
On pense de notre côté que « l'image de la
profession » l'a emporté dans cette affaire (de prise
illégale d'intérêts) sur la nature économique de
cette infraction puisque sa « gravité et son inédit »
étaient capables d'irradier toute la profession.
Il nous semble qu'en dépit de ce raisonnement,
l'exclusion de ces délits économiques et financiers relève
d'une conviction jurisprudentielle consistant à conserver le recours en
justice aux seuls
350 L'alinéa 8 du préambule de la constitution de
1946
351 Cyril Wolmark, préc, p.633
352 Cyril Wolmark, préc, p.633
353 Cyril Wolmark, préc, P.632 et 633
73
détenteurs du capital, « seuls »
légitimes et capables d'apprécier l'atteinte à
l'intérêt social (de l'entreprise).
Si on nous oppose le fait que l'intérêt de
l'entreprise est différent de l'intérêt collectif, nous
pourrons répliquer en disant que cette irrecevabilité est
motivée peut-être par la volonté d'empêcher toute
concurrence entre l'action syndicale et l'action At-singuli ou
at-universi354 qu'un associé ou un dirigeant peuvent engager
contre le dirigeant responsable.
En d'autres termes, il semblerait qu'on veuille bien tenir les
soucis pénaux de l'entreprise (économiques et sociaux) hors de la
portée des syndicats.
Cette tendance s'inscrit aussi à notre avis selon dans
le cadre d'un mouvement global initié à partir des années
2008 visant à « dépénaliser le droit des affaires
».355
De la réalité du préjudice subi
par les l'intérêt collectif : Dans ces affaires, il est
vrai que les associés et les dirigeants sont perdants. Mais
réellement, les plus grands perdants ce sont les salariés de
l'entreprise. D'abord parce qu'ils ne vont pas faire de réclamation de
salaire, ensuite parce que la société pourrait être
liquidée et enfin parce qu'ils pourraient perdre leurs emplois. Donc il
y'a milles et une raisons pour lesquelles les salariés sont directement
impactés par ce type d'infractions.
Prenons le cas par exemple des abus de marché public ;
les conséquences dramatiques de ces agissements sur l'entreprise ne
laisseraient aucun doute. L'entreprise ne peut souvent plus candidater aux
marchés publics, sa politique commerciale et ses capacités de
gain seront amoindris. Son pronostic vital sera engagé et les
salariés pourraient alors voir leurs emplois par conséquence
menacés voir supprimés.
Cette jurisprudence est donc très rétrograde. On
ne le répétera jamais assez ; la société n'est pas
composée uniquement de dirigeants ou d'actionnaires. Elle est
également composée de salariés qui devraient en principe
participer à sa gestion. Ignorer leur intérêt collectif,
serait malheureux.
Le débat de savoir qui fait partie de l'entreprise ou
pas a refait surface au moment de la loi Pacte du 22 mai 2019 relative à
la croissance et la transformation des entreprises.
354 L'action « ut universi » est l'action en
responsabilité engagée par les dirigeants eux-mêmes par
contre l'action « ut singuli » est dirigée par l'un des
associés de la société.
355 Rapport Coulon sur la dépénalisation du droit
des affaires, Groupe de travail présidé par Jean-Marie Coulon,
Janvier 2008
74
Un rapport ultérieur à cette loi intitulé
« L'entreprise, objet d'intérêt collectif » a
recommandé d'inscrire dans cette loi que « La société
doit être gérée dans son intérêt
propre356, en considérant les enjeux sociaux et
environnementaux de son activité » en assurant, entre autres,
« la reconnaissance des travailleurs »357. Le nouvel
article 1833 du code civil (modifié par la loi PACTE) a retenu dans son
deuxième alinéa que « La société est
gérée dans son intérêt social ».
Rapporté au contentieux de l'article 2132-3 C.T, ce bout de phrase
pourrait fonder la recevabilité de la constitution de partie civile des
syndicats afin d'en poursuivre les délits économiques ou
financiers exclus par la cour de cassation.
Cette loi peut être « une note d'espoir ... dans le
sens d'une plus grande démocratie »358 comme elle peut
être une subtilité pour « redorer le blason de la grande
entreprise, parce que c'est là que l'on déplore les
dérives les plus médiatisées »359 du droit
de travail.
Notre réalisme nous pousse à pencher pour la
deuxième alternative tout en encourageant les syndicats de travailleurs
à exploiter le potentiel de ce « bout » d'espoir.
Section 2 : Une action contrariée
L'action dans l'intérêt collectif, en tension
permanente, est aujourd'hui entrain de muter. Contrainte, elle est en train de
prendre de nouvelles formes plus ou moins altruistes pour réussir
à s'adapter aux évolutions du droit social.
Elle est ralentie d'une part par une nouvelle concurrence avec
des acteurs qui la rivalisent désormais pour la défense des
intérêts collectifs (sous-section 1).
Elle est également affaiblie par l'introduction
nouvelle en droit du travail de l'action de groupe, une chimère
procédurale inspirée à la fois du droit étasunien
et de l'action en substitution (sous-section 2).
Mais avant, nous aimerions montrer comment l'action dans
l'intérêt collectif est concurrencée, du moins
symboliquement par l'action de substitution.
La concurrence symbolique avec l'action de
substitution : la faiblesse sociale d'une catégorie
professionnelle spécifique et l'envie de défendre ses
intérêts ont amené le législateur depuis longtemps
à accorder aux syndicats représentatifs une qualité
juridique pour exercer les actions substitutives en sa faveur. La concurrence
procédurale entre les deux actions, du moins, sur le plan
théorique, permet
356 « Intérêt social » tel que ça
été adopté infine dans la loi PACTE.
357 Rapport au ministre de transition écologique et
solidaire, de la justice, de l'économie de finance et travail de Nicole
Notat et Jean-Dominique Senard (« L'entreprise, objet
d'intérêt collectif ») remis le 9 mars 2018. p46.
358 Laurence Gatti, « Tous pour un, un pour tous : la
santé du travailleur et l'intérêt collectif », Ordre
des avocats, Faculté de droit, Aumônerie du monde juridique,
Poitier, mai 2018, HAL,
archives-ouvertes.fr,
hal-02149663 p.3
359 Laurence Gatti, préc, p.4
75
de donner beaucoup plus d'avantage à l'action en
substitution qu'à l'action dans l'intérêt collectif.
L'action, bien que peu exercée en pratique, ne suscite pas de
véritable difficulté quant à son étendue ou
à ses bénéficiaires. Mais ses domaines se croisent assez
souvent avec l'action dans l'intérêt collectif. La confusion des
champs d'intervention apparait en matière de convention collectives
(2262-9 C.T) , en matière de discrimination ( 1134-2 C.T) ,
d'harcèlement sexuel et moral, ( 1154-2 C.T) d'égalité
salariale entre femmes et hommes ( 1144-2 C.T ), en défense des
travailleurs étrangers sans titre de travail ( 8255-1 C.T), en
défense des travailleurs intérimaires ( 1251-59 C.T ), des
salariés en contrats déterminés (1247-1 C.T ), les
salariés licenciés pour motif économique ( 1235-8 C.T ),
et depuis une loi n° 2014 n°2014-790 du 14 juillet 2014, les
salariés détachés ( 8223-4 C.T ) et en cas de travail
dissimulé ( 1265-1 C.T ). Dans les domaines précités, les
organisations syndicales représentatives ont la possibilité de
mener toutes les actions en justices dans l'intérêt de
catégories de travailleurs bien déterminées sans avoir
à présenter un mandat du salarié intéressé
à la cour.
Le salarié devra en revanche être averti, dans
des conditions déterminées360 et ne pas s'y être
opposé dans un délai qui commence à courir de la date
à laquelle le syndicat lui aura notifié son intention d'exercer
cette action. L'intérêt de l'action en substitution est double
comparé à l'action dans l'intérêt collectif. D'une
part, elle donne la possibilité aux travailleurs en question de
défendre leurs droits individuels sans se soumettre de manière
directe aux risques de représailles patronales, de profiter en plus de
la puissance offensive syndicale en termes de moyens juridiques. D'autre part,
elle confère à l'organisation syndicale un moyen additionnel pour
défendre « collectivement » des situations individuelles et
obliger par conséquence l'employeur à respecter la
législation sociale. En pratique les organisations syndicales se
pressent de faire signer aux salariés un mandat qui leurs confère
le droit d'agir en leur place et négocient avec leur conseil des tarifs
préférentiels pour réduire la note des frais d'avocat.
« L'obstacle dressé à l'action collective se retrouve
également dans l'exercice des actions de substitution pour lesquelles le
délai de contestation, en particulier en cas de rupture du contrat de
travail a été réduit ».361
360 « Les deux conditions posés par ces règles
dont le Conseil constitutionnel (25 juillet 1989) a exigé le respect
sont celle d'une information écrite du salarié et du droit pour
ce dernier de s'opposer à une telle action » : Fréderic
Guiomard, La mobilisation du droit dans les luttes, Syndicats : Evolutions et
limites des stratégies collectives d'action juridique, Mouvements 2003/4
n°29 p.51.
361 Fréderic Guiomard, Droit Social 2020, préc
p.130 et s.
76
Sous-section 1 : La concurrence induite à des
acteurs rivaux
L'action dans l'intérêt collectif de la
profession rivalise actuellement à la fois avec les actions «
personnelles » des institutions élus (paragraphe 1) et avec les
associations de grandes causes (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La concurrence avec les institutions
élus
Rappel : Il convient de rappeler d'abord que
dans une entreprise il y'a deux types de représentants, deux «
Canaux » principaux qui représentent les travailleurs. D'une part
il y'a des représentants « élus » par le personnel de
l'entreprise et ces représentants élus constituent les
institutions représentatives du personnel. C'est le canal élu. Il
faut rappeler qu'aujourd'hui, et avec les ordonnances de 2017, il n y'a qu'une
institution représentative du personnel dans l'entreprise appelée
le Comité social Economique (CSE362) qui regroupe les
anciennes institutions fusionnés (les Délégués du
Personnel, Comité d'Entreprise et la commission de santé et de
sécurité et conditions de travail).
D'autre part, et à côté de cette
représentation élue du personnel, il y'a une
représentation syndicale dans l'entreprise. C'est le canal non
élu mais désigné par les syndicats : les
délégués syndicaux. Ces délégués
syndicaux ont le privilège mais aussi la vocation de défendre les
intérêts des salariés de l'entreprise ainsi que l'ensemble
de la branche d'activité à laquelle appartient l'entreprise. Ce
sont les représentants du Syndicat qui agissent au nom du syndicat. Ils
ont la faculté de déclencher l'action dans l'intérêt
collectif de la profession.
Si l'employeur ne respecte pas les prérogatives et les
missions des institutions représentatives du personnel, alors le
syndicat le plus diligent au sein de l'entreprise a la faculté d'agir
parce que la violation des droits de ces institutions porte logiquement et
nécessairement atteinte à l'intérêt collectif,
apanage traditionnel des syndicats professionnels. La passerelle est visible
entre les deux institutions élues et désignées.
L'institution représentative du personnel peut agir donc en son nom
propre et le syndicat peut également agir au nom de
l'intérêt collectif. C'est un autre domaine d'action de l'action
dans l'intérêt collectif. « Le pouvoir conféré
aux représentants du personnel d'agir devant la justice dans la
perspective de garantir des droits individuels ou collectifs constitue un
vecteur essentiel du respect des règles du droit du travail. Ainsi que
le notent très tôt les auteurs, cette évolution est le
signe de la reconnaissance d'une fonction sociale363
particulière au profit des syndicats ». 364
362 « L'instance doit être mise en place dans les
entreprises d'au moins 11 salariés en distinguant toutefois selon que
l'entreprise compte moins de 50 salariés ou au moins ce nombre ».
Jean-Yves kerbourc'h, Synthèse-représentation élues.
Encyclopédies. Lexis Nexis 360 .n°3.
363 J.-M. Verdier, « Accords collectifs et action syndicale
en justice : le rôle fondateur de l'article L411-11 C.T »,
D.2002.503
364 Fréderic Guiomard, préc, p.130 et s
77
Un principe : Le principe, si on veut le
résumer, consiste dans la possibilité accordée à
tout syndicat d'exiger de l'employeur qu'il respecte les droits et
prérogatives des institutions élues (notamment le droit à
l'information et la consultation).
Cette volonté d'obtenir l'application de la
législation sur les comités d'entreprises fait partie de
façon globale de l'intérêt collectif et
précisément de l'action dans l'intérêt collectif.
365 « La cour de cassation admet la recevabilité de l'action d'un
syndicat en cas de défaut de réunion, d'information et de
consultation de l'institution élue. L'atteinte à la règle
d'ordre public justifie cette solution ».366 La jurisprudence
était assez fixée en la matière 367, mais
depuis quelques années, la cour de cassation a commencé à
changer d'orientation parce que sa façon de concevoir la notion
d'intérêt collectif a changé368. Elle a
montré, en effet, une réticence à recevoir l'action dans
l'intérêt collectif lorsque les syndicats entendent faire
respecter certaines prérogatives ou droits.
Un repli progressif : L'action dans
l'intérêt collectif a été déclarée
irrecevable lorsqu'il s'agissait de demandes relatives au payement
d'arriérés de subvention369 ou des demandes de
documents d'analyse de rémunération370 ou des demandes
de communications de contrats.371 L'action syndicale a
été jugée irrecevable en fait lorsqu'il s'agissait
d'apprécier la pertinence ou le contenu de l'information procurée
au comité d'entreprise, c'est-à-dire au fond, sa qualité.
« Ainsi l'absence de consultation intéresserait
l'intérêt collectif, mais pas la qualité de l'information,
dont l'appréciation incomberait exclusivement au comité
d'entreprise. Pourtant, dans les deux cas, le syndicat agit pour que soit
respectée une norme d'ordre public ».372 Cette
distinction est très sophistiquée. L'action a été
jugée irrecevable aussi dans l'arrêt du 16 décembre 2014
(précité)373 s'agissant de communisation sous
astreinte de la grille de rémunérations ventilées par
métier-repère et ce au motif que ces documents, destinés
au comité, n'ont pas été demandées par le
comité et qu'il ne s'était pas associé à la demande
du syndicat. Autrement dit, c'est comme si l'intérêt collectif du
syndicat n'est pas lui-même l'intérêt de l'institution
élue. Cette
365 Cette jurisprudence consacre la distinction entre
intérêt particulier de l'institution et intérêt
collectif.
366 Sophie Rozez, préc, p.737 p.738
367 (70) Crim 07 oct 1959, GADT, 4eme Edition, Dalloz, 2008,
n°33 et Soc., 11 sept 2012, n°11-22.014 et soc, 14 déc. 2015,
n°14-17.152
368 Les syndicats pouvait agir même en
référé-suspension Ex : Soc 24 juin 2008 n°07-11.411,
Bull.Civ.V, n°140 ; D.2008.1904 ; RDT 2008.666.obs.A.Fabre)
369 75 : Cass. Soc 26 septembre 2012, n°11-13.091,
inédit, Dr.soc.2013.84, obs.D.Boulmier.
370 I. Odoul-Asorey. Note ss Soc 16 déc.2014,
n°13-22.3018 Revue de droit du travail, Mars 2015 p.200 et 201. (74)
371 Soc.11 sept.2012, n°11-22.014 préc.
372 Sophie Rozez, préc, p.738.
373 Caroline Fleuriot, SS Soc 16 déc.2014, FS-P+B,
n°13-22.3018, Dalloz actualité 22 janvier 2015
78
solution qui empêche l'empiétement des syndicats
sur les prérogatives du comité d'entreprise, « parait porter
surtout la marque d'un repli de l'orientation jurisprudentielle
»374.
Le point d'inflexion : Le point d'inflexion a
été observé avec un arrêt de la chambre sociale du
14 décembre 2015 non publié au bulletin. Selon Christophe
Vigneau, il s'agit d'un mouvement qui tend « vers une conception
restrictive de l'action du syndicat »375 qui limite son
efficacité au fond. Ça été « analysé
comme (le) prolongement d'une jurisprudence porteuse d'une conception
étroite du droit d'agir en justice du syndicat sur le fondement de la
défense de l'intérêt collectif de la profession
».376 « Une véritable réduction du champ de
l'action en défense de l'intérêt collectif
».377 En l'espèce, l'employeur avait omis de consulter
préalablement le Comité d'entreprise sur la mise en place d'un
Système d'évaluation des ressources humaines. Le syndicat
demandeur réclamait la déclaration d'illicéité du
défaut de consultation en se fondant sur une jurisprudence relativement
stable qui décidait de la suspension des mesures patronales en attendant
que la consultation se produise. La chambre sociale a balayé d'un revers
de main l'action engagée par le syndicat parce que le syndicat selon
elle n'avait pas la qualité juridique requise pour agir en lieu et place
du comité pour se prévaloir du défaut de consultation de
l'institution de représentation élue qu'elle-même n'a pas
invoqué.
On comprend de ce qui précède, que l'action dans
l'intérêt collectif est recevable pour faire « constater
l'illégalité due » à l'absence de consultation du
comité, mais pas « les conséquences juridiques » de
cette absence, jugée propre au comité, voir un
intérêt « exclusivement personnel » que les syndicats
n'ont le droit de s'y mêler qu'accessoirement. 378 On se doute
qu'en pratique, le syndicat et les représentants élus sont bien
en désaccord. Leurs positions donnent le son de deux cloches puisque le
syndicat professionnel agit alors que le comité d'entreprise n'agit pas.
On est tenté de dire qu'un syndicat n'a pas à « dicter
» à l'institution élue son choix d'agir bien que cette
dernière est « la véritable victime » du non-respect
des règles sur l'info-consultation. Certains estiment même que
cette jurisprudence vise au fond à éviter tout «
empiétement » des syndicats sur les attributions du
comité379 et particulièrement sur sa capacité
à juger de la pertinence de l'information qui lui a été
délivrée par l'employeur. Certains expliquent aussi cette
décision par une volonté implicite de couper court à toute
tentative (surtout par les syndicats minoritaires dans le comité
d'entreprise) de contourner,
374 I. Odoul-Asorey. Préc, p201.
375 Christophe Vigneau, Action en justice du syndicat dans
l'intérêt collectif de la profession et prérogatives des
représentants élus : vers une conception restrictive de l'action
du syndicat, Soc 14 décembre 2015, n°14-17.152, Revue de droit de
travail 2016 p.195.
376 Christophe Vigneau, préc, p.196.
377 Cyril Wolmark, préc. p.635.
378 Christophe Vigneau, préc, p 196
379 I. Odoul-Asorey. Note ss Soc 16 déc.2014,
n°13-22.3018 Revue de droit du travail, Mars 2015 p201. 79
79
par le biais de l'action judiciaire, le refus
décidé par les représentants majoritaires lors du vote
décisionnel.
On est convaincu pour autant que les intérêts, ne
doivent constituer qu'un seul bloc défendable. « L'action du
comité d'entreprise n'est pas celle d'une personne physique dont
certains droits doivent être protégés, mais celle d'une
personne morale dont l'objet, à l'instar de celui du syndicat, comporte
la prise en compte de l'intérêt collectif du personnel qu'il
présente ».380
Le débat sur la pluralité des
intérêts : Ce débat est ancien. Il a
été abordé par certains auteurs du début du
siècle dernier qui redoutaient la bipolarisation de
l'intérêt collectif. Pour s'en découdre la
doctrine381 s'est retournée vers la « notion de
représentativité » 382 : Le syndicat ne serait pas un
mandataire de la profession mais un simple « porte-parole », une
représentation fondée sur la capacité à mieux
représenter, une représentation de « type
théâtral »383. La notion de
représentativité permet justement de reconnaitre aux syndicats
une plus grande légitimité à défendre
l'intérêt collectif. Dès lors, ce n'est pas le syndicat qui
décide si l'intérêt collectif de la profession a
été violé ou pas mais c'est le rôle du juge. Le
syndicat se contente tout simplement d'élever une prétention de
violation portant potentiellement préjudice à
l'intérêt collectif. Et c'est au magistrat de recevoir l'action en
premier lieu avant de juger de son bienfondé en second
lieu.384 La concurrence entre les instigateurs légitimes de
l'intérêt collectif a perturbé la cour de cassation. C'est
un étage de raisonnement qu'elle a court-circuité.
Le côté artificiel de la distinction
opéré par la cour est critiquable ; d'un côté le
juge peut être amené à constater la violation de
l'intérêt collectif mais d'un autre côté, quand il
s'agit de tirer conséquence de cette violation il sanctionne l'action du
syndicat par une fin de non-recevoir. Le conflit que je qualifierai comme
« positif » entre titulaires de l'intérêt collectif
aurait pu avoir un effet propulseur sur l'intérêt collectif. Et
pourtant c'est tout l'effet contraire qui est là.
Une autre sophistication : Dans un autre
registre, on sait que depuis 2005, la loi a renforcé l'aptitude des
Syndicats à aménager la procédure de consultation des
représentants élus par des accords dit de « méthode
». Les procédures de consultations conventionnelles du CSE sont
déterminées aujourd'hui par voie de convention collective
signée par des syndicats. Il convient de noter à ce propos, que
la non-signature d'un syndicat d'un accord de méthode organisant la
procédure de consultation n'est pas
380 Cyril Wolmark, préc. p.635
381 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif
- Développements récents. Droit social n°7/8-juillet-Aout
2017. P.636
382 G.Borendfreund, la représentation des salariés
et l'idée de représentation, Dr.soc.1991.685
383 Cours Wolmark, Droit de la représentation des
intérêts, Paris Nanterre, 2020
384 Soc. 9 juill.2015, n°14-11.752, NP
80
un obstacle à son droit d'agir en exécution de
cet accord et ce depuis une jurisprudence constante de 2007 selon laquelle tout
syndicat (même non-signataire de l'accord collectif) peut agir pour faire
respecter les stipulations de l'accord collectif. Cependant on est
confronté à une distinction sophistiquée ; S'il y'a un
accord de méthode, le syndicat est recevable à agir et s'il n'y a
pas d'accord de méthode alors l'action en vue de faire respecter la
convention collective (déclinaison de l'action dans
l'intérêt collectif) n'est pas recevable. Autrement dit, la cour
de cassation parait ne respecter ni la diversité bicéphale de
l'expression de l'intérêt collectif dans le système
français ni d'ailleurs le mouvement légal récent qui tente
de placer la représentation élue, contrairement à
l'apparence, sous la dépendance des syndicats. L'action dans
l'intérêt collectif pourrait, avec cette « lecture
réductrice »385 de l'article 2132-3 C.T, voir son
déploiement freiné. En définitive, ce mouvement «
traduit sans nul doute une volonté prétorienne d'éviter
toute multiplication des contentieux et il marque un retrait par rapport
à la conception de l'intérêt à agir
développée depuis l'arrêt des chambres réunis de
1913 » 386
Paragraphe 2 : La concurrence avec les associations
Certains acteurs, pour qui la défense de
l'intérêt collectif n'est pas étrangère, rivalisent
aujourd'hui de plus en plus avec les syndicats professionnels gardiens
classique de l'intérêt collectif. Ces acteurs sont essentiellement
les associations de grandes causes qui sont aujourd'hui au coude à coude
avec les syndicats en défense de grandes causes sociale et en
matière d'actions de groupes.
Des habilitations plus étendues en droit du
travail : Les associations déclarés et dotés de
la personnalité juridique ont la possibilité d'ester en justice
en défense « d'une grande cause ». La prérogative,
« Limité dans un premier temps aux syndicats professionnels, a
progressivement été étendue aux associations à des
degrés variables, sur le modèle de l'action dévolue aux
syndicats »387. Ce privilège a été
octroyé aux associations via des habilitations de plus en plus
étendues en droit du travail afin d'agir en justice en défense
d'« l'intérêt collectif »388. L'essentiel des
habilitations légales 389 niche aujourd'hui dans les articles 2-1 et
suivants du Code de procédure pénale, rédigée
suivant la
385 Christophe Vigneau, Action en justice du syndicat dans
l'intérêt collectif de la profession et prérogatives des
représentants élus : vers une conception restrictive de l'action
du syndicat, Soc 14 décembre 2015, n°14-17.152, Revue de droit de
travail 2016 p.196
386 Christophe Vigneau, préc, p.195
387 Sous la Direction de Ismaël Omarjee et Laurence
Sinopoli avec la contribution et la coordination de J.D, E.T, A.B.M, G.B, CD,
P.G, I.O, VO, S.P, M.R, S.R, E.S, L.S et E.T, « Les actions en justice
au-delà de l'intérêt personnel », CEJEC, Dalloz 2014
p.140
388 B.Laperou Schneider, A la recherche d'une cohérence
de l'exercice par les associations des droits reconnus à la partie
civile, Dr pénal 2016, Etude n°13.
389 Une habilitation à agir est une règle de
droit attribuant à une personne des prétentions qui ne la
concernent pas directement, et permettant par conséquent à cette
personne d'être entendue sur le fond par un juge sans qu'une fin de
non-recevoir lui soit opposée in Nicolas Cayrol, Action en justice
Dalloz Collection, Dalloz Corpus 2019 n°455 p.214
81
technique de liste. « Certaines habilitations sont
limitées à une intervention, l'action publique devant avoir
été mise en mouvement par le ministère public ou par la
victime ».390 Ces associations représentent le plus
souvent une « conscience collective », voir un intérêt
collectif pour une catégorie bien déterminée. De ce fait,
elles garantissent à l'instar des syndicats la défense d'un
intérêt, tellement noble et partagé qu'il peut être
considéré comme une « grande cause ».391 Une
notion qu'on peut rapprocher de celle de « questions de principes »
ou des questions de portées générales. C'est d'ailleurs de
cette façon qu'ont pu se constituer partie civile : les associations
anti-discrimination et racisme (art 2-1 C.P.P), anti- violences et
harcèlement sexuel (art 2-2 C.P.P), anti-discrimination fondés
sur le sexe (art 2-6 C.P.P), les associations de défenses des personnes
malades et handicapés (art 2-8 C.P.P), les associations de
défenses de victimes d'accident de travail ou de maladies
professionnelles (art 2-18 C.P.P). Outre ces grandes causes, la rivalité
entre action syndicale et action associationnelle est perceptible à
travers l'article 2-21-1 C.P.P. Cet article dispose dans son premier
alinéa que « Toute association, tout syndicat professionnel ou tout
syndicat de salariés de la branche concerné
régulièrement déclaré depuis au moins deux ans
à la date des faits et dont l'objet statutaire comporte la
défense des intérêts collectifs des entreprises et des
salariés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en
ce qui concerne les infractions définies au livre II de la
huitième partie du code du travail même si l'action publique n'a
pas été mise en mouvement par le ministère public ou par
la partie lésée ».
De la nécessité de l'accord de la
victime : Comme c'est le cas des actions en substitution, «
Certaines associations ne peuvent se constituer partie civile qu'avec l'accord
de la victime, tandis que d'autres le peuvent. De même, si certaines
associations peuvent déclencher l'action publique ; d'autres ne peuvent
agir devant le juge pénal que si les poursuites ont été
déjà déclenchées par un autre. »392
On voit bien que la liberté individuelle de la personne
lésée est très affirmée dans ce type de
contentieux.
Le contexte de certaines habilitations : La
modification apportée à certains textes émane
essentiellement de deux lois : D'abord la Loi n° 2017-86 du 27 janvier
2017 relative à l'égalité et à la
citoyenneté, ensuite la Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016
relative à la modernisation de la justice du XXIe siècle, Cette
dernière est d'ailleurs la même loi qui a introduit l'action de
groupe en droit du travail en matière de discrimination. « D'un
point de vue de politique législative, il s'agit d'un
véritable
390 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz
Corpus 2019 n°498 p.235 : C'est le cas par exemple de l'art
2-18 et 2-21-1 du code pénal.
391 Expression emprunté à S.Guinchard in
C.Chainais, F.Ferrand, L.Mayer et S.Guinchard op.cit., n°211.
392 Farah Safi, N°3282 : L'action civile, Lexis 360
n°1.4.2.
82
démembrement de la notion d'intérêt
général, sous couvert d'un intérêt collectif,
transformant lesdites associations, ainsi habilités en véritable
auxiliaires du parquet ».393
Une nouvelle habilitation en matière d'action
de groupe : l'introduction d'une action de groupe en droit
français a permis aux associations de prendre part dans la
défense d'intérêts collectif. En effet aux termes de
l'article L1134-7 C.T alinéa 2, « Une association
régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans
intervenant dans la lutte contre les discriminations ou oeuvrant dans le
domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, pour la défense des
intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un
stage en entreprise ». L'action associationnelle est donc au coude
à coude avec les syndicats représentatifs « pour la
défense des intérêts de plusieurs candidats à un
emploi ou à un stage en entreprise »394. L'octroi
à une association agrée la qualité pour agir en
défense de la somme des intérêts individuels d'autrui,
à côté des syndicats représentatifs, freine l'action
dans l'intérêt de la profession et la pousse à muter.
L'acception de l'action dans l'intérêt collectif nous semble
être sur le point de de changer de visage. Un virage amorcé par le
basculement du centre de gravité de l'intérêt collectif.
Sous-section 2 : La rivalité avec l'action de
groupe
La rivalité entre action dans l'intérêt
collectif et action de groupe est d'abord et avant tout une rivalité de
logique, même si au fond les deux actions se ressemblent et ont pour
objectif commun la défense d'intérêt collectif. L'action de
groupe à la française ne fait pour-autant pas l'unanimité.
« Cette action nouvelle, à l'ADN législatif composite,
mélange d'audace et de prudence, suscite aujourd'hui autant de crainte
que d'espoir ».395
Conçue pour défendre des intérêts
collectifs « particuliers », l'action de groupe à la
française, étendue au droit de travail, est née,
contrairement à sa version Etasunienne396 avec plusieurs
imperfections. Imperfections qui ont pu réduire de son efficacité
(sous paragraphe 1). Cependant le sort « avantageable » de cette
action, 397 surtout par rapport à l'action dans
l'intérêt collectif, amorcé
393 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand,
Cécile Chainais et Lucie Mayer, « Procédure Civile »,
Hyper cours, 6éme édition,
Dalloz 2019 n°119 p.62
394 L1134-7 C.T alinéa 2
395 Patrice Adam, « l'action de groupe, sur l'audace d'une
réforme majeure », Droit social N°7/8 - juillet -aout 2017 p
638 et s.
396 Le concept de l'action de groupe provient des Etats-Unis
où les entreprises peuvent être attaquées en justice par
des
membres d'une « class-action », ce qui peut leurs
couter très cher.
Aux états unis la class action conduit au paiement de
dommages et intérêts «punitifs» par l'employeur. Dans de
nombreux cas les victimes ont reçu plus de $20,000 sans avoir à
prouver leurs dommages physiques ou moraux, lorsqu'un accord est trouvé
avec l'employeur.
397 Il a même été avancé que pourrait
être crée à terme une action de groupe
générale, Béatrice lapérou-sheneider, « De la
nature répressive de l'action de groupe et de son extension en droit du
travail », Droit social n°3 Mars 2015 .P257. Il s'agissait d'une des
possibilités qui s'offraient au législateur.
83
finalement par une volonté syndicaliste de faire de
l'action de groupe un cheval de Troie de la défense des
intérêts collectifs398 est susceptible aujourd'hui, de
contrecarrer l'expansion historique l'action dans l'intérêt
collectif et de freiner par conséquence sa progression, la poussant
à se réinventer (Sous paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'imperfection relative de l'action de
groupe
Actions de groupe et actions dans l'intérêt
collectif sont très ressemblantes dans leurs objets ainsi que dans leurs
modalités d'exercice. Cependant, entre la facilité de l'action
dans l'intérêt collectif et la complexité relative de
l'action de groupe avec ses phases aussi bien précontentieuses que
contentieuses, la balance est vite penchée, à priori, en faveur
de l'action dans l'intérêt collectif.
Il faut reconnaitre que la doctrine n'a pas été
clémente avec ce dispositif judiciaire censé en même temps
pallier aux inconvénients des actions existantes et ajouter une nouvelle
corde à l'arc des syndicats défenseurs de l'intérêt
collectif.
Une partie de la doctrine lui reproche effectivement, un
effet, plutôt dilutif et à contrepied. En effet, « Avant la
loi relative à la justice du XXIe siècle, pour lutter
judiciairement contre les discriminations, les organisations syndicales de
salariés avaient déjà à leurs dispositions deux
outils : l'action pour la défense de l'intérêt collectif de
la profession et l'action de substitution. Fallait-il au risque de créer
la confusion, une nouvelle action en justice ? » 399
« Comment ne pas remarquer que la création d'une
nouvelle possibilité d'action par la loi au profit des salariés
ne vient pas étendre l'éventail des actions mais constitue,
à rebours de la volonté du législateur, l'occasion de la
fermer »400
Certains auteurs ont remis même en cause
l'utilité pratique de l'action en s'interrogeant : « Fallait-il
consacrer l'action de groupe en droit du travail ? »401.
398 Selon François Leclerc chargé de la lutte
contre la discrimination : « l'action de groupe sera ce que l'on en fera
».
399 Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy, n°1741,
24 octobre 2016, « Fallait-l consacrer l'action de groupe en droit du
travail ? ».p 6.
400 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif
- Développements récents, préc, P.635
401 Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy, n°1741,
24 octobre 2016, « Fallait-l consacrer l'action de groupe en droit du
travail ? » p.1.
84
Il convient de présenter le dispositif de l'action de
groupe à travers son historique, sa procédure et ses
inconvénients avant d'aborder les avantages potentiels de cette
action.
Histoire de l'action de groupe : « Trois
décennies. C'est à peu près le temps qu'il aura fallu pour
que l'action de groupe s'implante dans l'ordre juridique français
»402.
Cette action « a longtemps été
ignorée, sans doute parce qu'elle est étrangère à
la tradition procédurale française, attachée au
caractère personnel de l'action en justice »403.
L'action de groupe à la française ou la «
Class action » issue du droit nord-américain, a d'abord
été introduite dans les seuls domaines de la consommation et de
la concurrence par la loi Hamon du 17 mars 2014404. Elle a
été limitée aux contrats de consommations hors
santé et hors environnement405, avant d'être
étendue en droit du travail en matière de
discrimination.406 Une discrimination directe ou même
indirecte dont la lutte-contre « constitue terreau dans lequel l'action de
groupe a pris racine spécifique dans le champ singulier du droit des
relations de travail subordonné. La loi du 18 novembre 2016 de
modernisation de la justice du XXIe siècle a ainsi semé de
nouvelles graines »407.
Base juridique : La possibilité de
faire déclarer une pratique illégale de sorte que le
préjudice individuel soit simplement liquidé par la suite est
prévue dans le cadre de l'action de groupe.
Cette action niche aujourd'hui dans le chapitre «
Dispositions spécifiques à l'action de groupe »
prévue aux articles L1134-6 à L1134-10 du code de travail.
Comparée à la class action
étasunienne : L'action de groupe s'inspire du droit
nord-américain408mais son mécanisme est nettement
différent.
Aux Etats Unis, l'action se déroule de la manière
suivante.
402 Patrice Adam, « l'action de groupe, sur l'audace d'une
réforme majeure », Droit social N°7/8 - juillet -aout 2017 p
638.
403 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9,
2016, Varia.
404 Dans un souci d'harmonisation, l'Union Européenne a
poussé ses Etats membres à se doter de mécanismes de
recours collectifs, avec la volonté de les faire reposer
sur des principes communs.
405 Les actions de groupe engagées depuis octobre 2014 ont
porté notamment sur les communications électroniques (pratique
commerciale trompeuse), sur l'assurance-vie (non-respect du taux de
rémunération annoncé), le commerce automobile, ainsi que
sur le logement : frais indus d'envoi de quittances de loyers, facturation de
frais de télésurveillance des ascenseurs, pénalités
pour retard de loyer.
https://www.economie.gouv.fr/cedef/action-de-groupe.
406 Pour une vision d'ensemble sur l'historique de l'action, V,
Patrice Adam, préc, p.638 et s
407 Patrice Adam, préc, p.638.
408 A. Fiorentino, les class action en droit du travail
américain, JCP S, n°1415.
85
En effet, on demande au représentant de
l'intérêt collectif d'agir, de se faire dédommager pour le
préjudice collectif et c'est à charge pour lui de le
répartir.
C'est une seule action, unique, qui a la vertu de la
dissuasion car le défendeur (l'employeur généralement)
doit payer l'indemnité immédiatement. « Les
indemnités (Etasuniennes) peuvent être exemplaires et
dépasser largement la réalité du préjudice
»409.
C'est aussi un système d'opt-out410,
c'est-à-dire que les victimes sont « présumés
consentants »411 à être dans le groupe mais ils
peuvent « choisir » d'être à l'extérieur du
groupe. La liberté individuelle est conçue pour être une
porte de sortie du groupe et donc du « bénéfice » de
l'intérêt collectif. Cette action est par conséquent
beaucoup plus efficace que l'action de groupe à deux temps.
Complexité de la procédure :
« L'action de groupe est d'une complexité sans nom
».412 Pour simplifier son exposé, on peut dire que c'est
une action qui permet à un syndicat représentatif ou même
à une association de faire déclarer par le juge un employeur
coupable de discrimination pour qu'ensuite les salariés puissent
demander une réparation individuelle sur le fondement de cette
déclaration de culpabilité. Le schéma est presque
identique pour toutes les actions de groupe, « La procédure
comprend deux phases »413. D'abord il y'a une phase collective
de l'action où le syndicat représentatif ou l'association va agir
et demander au juge de condamner l'employeur pour discrimination
(détermination de culpabilité) mais pas seulement.
Le syndicat va demander en plus au juge de déterminer
le groupe victime à indemniser414 ainsi que les
éléments généraux415 du préjudice
à réparer.416
Ensuite il y'a une deuxième phase individuelle qui s'ouvre
si la discrimination a été avérée.
409 Action de groupe : ce qui est déjà possible
aujourd'hui, Service juridique CFDT, publié le 12/06/2013.
410 Un tel système ne fait pour autant pas
l'unanimité parmi la doctrine. Il serait incompatible avec le principe
de Nul ne plaide par procureur.
411 Allard Batiste, thèse de Doctorat, « L'action de
groupe : étude franco-américaine des actions collectives en
défense des intérêts individuels d'autrui », Soutenue
le 25 novembre 2016 à Sorbonne Paris Cité, Thèse en ligne,
Résumé.
412 Patrice Adam, « l'action de groupe, sur l'audace d'une
réforme majeure », Droit social N°7/8 - juillet -aout 2017
p.640.
413 Sur ces deux phases, V Caroline Fleuriot, Dalloz
actualité 22 novembre 2016, « l'action de groupe s'ouvre à
de nouveaux domaines », L. n°2016-1547, 18 nov .2016.
414 A savoir tous les salariés de l'entreprise ou
seulement les salariés d'un établissement ou les salariés
embauchés entre telle et telle date qui a subi la discrimination dans
l'entreprise
415 Eléments généraux puisqu'on est dans la
phase collective.
416 Exemple : préjudice lié au ralentissement de
carrière ou encore des sanctions prises chaque année.
86
Une phase où les salariés demandent une
indemnisation à l'employeur à partir des éléments
donnés par le juge.
C'est seulement en cas de réponse insatisfaisante de
l'employeur que les salariés peuvent saisir le juge. Cette phase
individuelle a la même raison technique que l'Ex-effet régulateur
des demandes subséquentes dans l'action dans l'intérêt
collectif. Elle sert en quelque sorte à faire bénéficier
le salarié des résultats de la déclaration
d'illicéité ou d'irrégularité.
Le système d'opt-in est censé garantir la
liberté du salarié, la liberté de ne pas contester.
Du reste, ce système est extrêmement lourd
comparé à l'efficacité de son homologue américain
au point qu'un auteur417 a dit que la class action à la
française a été faite pour ne pas servir.
Un régime strict de mise en oeuvre de l'action
de groupe : Ce régime « strict » on le voit bien dans
l'Art L 1134-7 code travail où est explicité qu'il faut à
la fois une pluralité de salariés placés dans une
situation similaire avec un intérêt commun à agir
418 ainsi qu'un dommage résultant d'un manquement de
même nature et donc une discrimination directe ou indirecte fondée
sur l'un des motifs de discrimination de l'article L 1132-1 du Code du
travail.
La limitation du champ de l'action de groupe
: Cette action de groupe a été étendue au droit
du travail mais seulement au domaine de la discrimination419.
Ceci peut s'expliquer par le fait que le législateur
s'est rendu compte que le corpus de textes sur la discrimination introduit en
2008 et adopté sous l'impulsion du droit européen, n'était
pas vraiment efficace et peu mobilisé dans les faits.
En droit du travail notamment, les actions à
disposition des victimes de discrimination semblaient insuffisantes. L'action
en substitution était en effet peu mobilisée par les syndicats en
raison de la nécessite d'identifier le salarié, avec tout ce que
cela impliquait comme risque de représailles par l'auteur de la
discrimination.
L'action individuelle connaissait la même
difficulté, et de surcroît des difficultés au niveau de la
preuve parce que le salarié n'est pas assisté par le syndicat.
417 Fréderic Guillomard
418 Donc c'est minimum deux salariés supposément,
en l'absence de précision)
419 Le droit français interdit non seulement les
discriminations directes par lesquelles la personne est traitée de de
façon moins favorable en raison de l'un des motifs prohibés, mais
aussi les discriminations indirectes par lesquelles une pratique apparemment
neutre désavantage particulièrement les membres d'un groupe
protégé contre la discrimination : Directive 2000/78/CE du 27
novembre 2000
87
L'action dans l'intérêt collectif souffrait de
son incapacité objective à réparer des torts subjectifs
collectivisés.
Le champ restreint des titulaires de l'action de
groupe : L'article 1134-7 du C.T indique de manière assez
claire que l'action de groupe en matière de discrimination est
détenue par les syndicats représentatifs d'un côté
ainsi que les associations agréées et régulièrement
déclarées depuis cinq ans pour les candidats à un stage ou
un emploi d'un autre côté. Ce choix peut être
justifié par une volonté législative de
sélectionner les acteurs qui seraient les plus aptes à
défendre les intérêts collectifs d'un groupe, qui en auront
les moyens humains, financiers, juridiques pour le faire.
Il convient à ce titre de s'interroger sur la
justification de ce privilège sachant que tous les syndicats, disposent
en plus d'une action (personnelle, en substitution, dans l'intérêt
de la profession), sans cette condition de représentativité.
D'abord ce privilège est justifiable par la
capacité à négocier que la représentativité
leur confère. Cette dernière est requise, en effet lors de la
négociation qui surviendrait au moment de la phase
précontentieuse, au sens où ils auront plus de poids dans la
discussion avec l'employeur. Ensuite, le fait qu'il s'agit d'un syndicat
représentatif, cela permettrait en plus aux syndicats non
implantés dans l'entreprise mais représentatifs à un autre
niveau (branche ou interprofessionnel) d'agir au titre de l'action de groupe.
S'il s'agit d'une entreprise où il y a un dialogue social constructif,
l'employeur ne sera pas prémuni contre l'action de groupe car un
syndicat représentatif à un autre niveau pourra également
l'engager. Cela permet aussi d'engager une action de groupe dans les
entreprises dépourvues d'implantation syndicale.
De la difficulté d'identifier les
salariés : Dans l'action de groupe, les salariés peuvent
être identifiés ou identifiables dans le groupe. Ils ne se fondent
pas par conséquence «anonymement» dans le groupe comme c'est
le cas dans les class-action étasunienne.
A priori, « L'exercice de l'action de groupe souffre
(donc) de la nécessité d'identifier les primo-victimes
».420 Le groupe est composé soit de plusieurs candidats
à un emploi, stage ou une période de formation en entreprise ou
alors simplement par plusieurs salariés qui ont fait l'objet d'une
même discrimination relevant d'un même motif et imputable à
un même employeur. Ce qu'il faut noter aussi c'est que le problème
relatif à la nécessité d'identification des
salariés, est de nature à mettre en cause l'intérêt
de l'action de groupe puisque le but de base est quand même de garantir
un certain anonymat de la masse discriminée et que les salariés
puissent se fondre ainsi dans la masse afin d'éviter notamment les
représailles de l'employeur.
420 Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy, n°1741, 24
octobre 2016, « Fallait-l consacrer l'action de groupe en droit du travail
? » p.1
88
L'article L1134-4 du C.T qui interdit à l'employeur de
prendre des mesures de rétorsion contre un salarié qui a
engagé une action en justice, ne va s'appliquer pour-autant qu'en cas de
licenciement. Et donc en pratique il y'aura une « ambiance »
délétère dans l'entreprise puisque l'employeur peut en
effet continuer à rendre « dure » la vie du salarié.
La réparation du dommage : En la
matière, l'action de groupe n'a pas tenu sa promesse. « Il
apparait...qu'elle a atteint mal (voire pas) son objectif de réparation
des préjudices subi par les victimes de discrimination (reproche
principal fait à l'action collective) ».421
La limitation du spectre de réparation des droits
opprimés, réduit considérablement l'efficacité de
l'action de groupe. L'indemnisation ne couvre, à l'exception des
candidats à un emploi, à un stage ou à une période
de formation, que les préjudices nés à partir de la
réception par l'employeur de la demande de cessation de la pratique
discriminatoire mentionnée à l'article l1134-9 C.T. «
Pourtant, les préjudices antérieurs à la demande de
cessation seront certainement plus nombreux et étendus que les
préjudices postérieurs à celle-ci »422.
Finalement, le législateur considère la réparation du
préjudice subi par les salariés « comme s'il ne s'agit que
d'intérêts moratoires »423
On peut alors s'interroger sur la possibilité pour un
salarié dans le cadre d'une action individuelle postérieure de
demander l'indemnisation des préjudices antérieurs à la
réception de cette demande. On pense que rien n'empêche d'invoquer
ce préjudice « distinct », ou du moins de tenter de le faire.
La défense pourrait se baser le cas échéant sur les textes
relatifs à la responsabilité civile pour fonder la demande de
dommages et intérêts. Il faut noter que cette défense a
mobilisé un mécanisme juridique expérimental sur le plan
du dédommagement pour obtenir la réparation de
l'entièreté du préjudice subi par les salariés.
Elle a considéré en effet que l'acte discriminatoire produit un
préjudice continu et ininterrompu qu'il convient de le réparer
à partir de la date de sa survenance. Ce raisonnement juridique, ne
tient pas à notre avis car il est difficile de dépasser un texte
clair et net. En outre quel est l'intérêt de l'employeur de
s'engager dans un processus de négociation s'il n'y est pas finalement
« incité »424 et qu'il n'a pas la garantie
légale de ne pas être obligé d'indemniser les
préjudices antérieurs ?
Après avoir dépeint le régime de l'action
de groupe et relevé ses inconvénients, par rapport à
l'action dans l'intérêt collectif, nous verrons que l'action de
groupe peut néanmoins présenter certains
421 Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy, préc,
p1
422 Odile Levannier-Gouel, préc, p2.
423 S. Amrani-Mekki, préc, JCP 2015, n°1196
424 Semaine sociale Lamy, n°1741, 24 octobre 2016, l'action
de groupe en matière de discrimination dans la loi Justice XXI
89
avantages pour les salariés et les syndicats en
comparaison avec l'action dans l'intérêt collectif classique.
On est persuadé qu'on peut en tirer un avantage
considérable.
Paragraphe 2 : L'avantage concurrentiel de l'action de
groupe
Malgré ses multiples « imperfections
»425, l'action de groupe n'est pas dénudée
d'intérêt. L'action relève d'abord de l'avenir des avocats
travaillistes pro-salariés qui veulent gagner des procès
intéressants contre des entreprises aux pratiques discriminatoires
contestables. Ensuite, l'action est plus intéressante pour les services
juridiques d'entreprises qui veulent en perdre le moins possible dans des
litiges mettant en causes un système défaillant de ressources
humaines nuisible à leurs images. L'action de groupe tire de plus en
plus profit de l'engouement des syndicats pour celle-ci. Ces derniers cherchent
en effet à exploiter son mécanisme à fin d'étendre,
faute de mieux, leur pouvoir d'agir en défense des intérêts
collectifs. « L'objectif était aussi de faire progresser le
dispositif légal, considéré comme inabouti
»426.
L'élan est initié pour autant par un «
gouvernement un peu hésitant »427. Le rapport
commandé par le gouvernement à Laurence Pécaut-Rivolier
428 a proposé d'instituer « une nouvelle jonction »
entre les actions individuelles et les actions collectives. Une nouvelle
articulation entre l'individuel et le collectif. « Le droit trace une
frontière étanche entre les actions exercées dans un
intérêt personnel et les actions collectives. Alors que les
premières permettent d'octroyer au profit des victimes les effets
attendus des règles antidiscriminatoires, les secondes ne permettent de
réparer que les préjudices propres au syndicat et non celui subi
par les victimes ».429 C'est un changement de paradigme.
L'action de groupe a donc été perçue
comme le moyen d'agir contre ces discriminations collectives que les actions
individuelles ne permettent pas justement d'y faire face efficacement. «
En faveur d'une extension de cette nouvelle procédure au monde de
travail, on remarquera que l'une des idées fondatrices de ce nouveau
mécanisme réside dans la volonté de simplifier les
démarches judiciaires des victimes, d'en faciliter l'accès au
juge et consécutivement de permettre l'effectivité de
425 Myriam El Yacoubi, Semaine sociale Lamy, n°1771,29 mai
2017, La première action de groupe est lancée p.2.
426 Majorie Champeaux, semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril
2018 p.2.
427 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9,
2016, Varia n°3.
428 Semaine sociale Lamy n°1611, p.5.
429 Frederic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9, 2016,
Varia n°26.
90
l'application des règles de droit
détournées lorsqu'un seul et même acte est à
l'origine de dommages sériels ».430
Cette action, est en train de contrebalancer aujourd'hui le
poids classique de l'action dans l'intérêt collectif sur
différents aspects.
Ambitieuse, elle « promet de dépasser les
insuffisances de l'action en substitution et de l'action collective
».431 Et pourquoi pas « contribuer à lever les
freins de l'action contentieuse ».
L'avantage en matière de droits «
subjectifs » : La réduction récente du champ de
l'action dans l'intérêt collectif, notamment lorsqu'on la
confronte avec les droits individuels des salariés,432 est
liée à la consécration progressive de l'action de groupe
des syndicats. La raison, est que, justement, cette action de groupe ambitionne
de donner aux syndicats en compensation, la possibilité d'agir
individuellement pour le compte d'un groupe de salarié. Cette
hypothèse est confirmée par un arrêt publié par la
cour de cassation du 14 décembre 2016433 qui a limité
la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif aux
contentieux objectif de déclaration d'irrégularité des
pratiques patronales.
L'action dans l'intérêt collectif est
désormais irrecevable s'agissant des demandes ne tenant pas aux seuls
constats d'irrégularité des pratiques patronales.
C'est le cas par exemple des demandes de régularisation
financières résultantes de la déclaration
d'illicéité. Ces demandes de régularisations
étaient pour autant recevables.434 Le revirement
jurisprudentiel est justifié donc par la prise en charge de l'action de
groupe du contentieux « subjectif » subséquent à la
déclaration d'irrégularité.
Avantage en matière de la bonne administration
de la justice : Dans une affaire du 10 février
2016435 qui illustre bien la nuance entre action de groupe et action
dans l'intérêt collectif, la cour de cassation a affirmé
que l'action en requalification de Contrat à durée
déterminée en Contrat à durée
indéterminée appartenait au salarié.
Cependant, techniquement, les syndicats n'ont pas
demandé la requalification du CDD du salarié en CDI. Ce
n'étaient pas leurs demandes parce qu'ils avaient très bien
assimilé qu'ils ne pouvaient pas demander à la place d'un
salarié un droit contractuel qui est la transformation de son contrat.
Ce qu'ils demandaient en revanche c'était l'injonction (d'ordonner)
à l'employeur de procéder à la (requalification)
transformation du CDD en CDI. Ce n'était pas la même chose.
Ça voulait dire que
430 Béatrice lapérou-sheneider, « De la
nature répressive de l'action de groupe et de son extension en droit du
travail », Droit social n°3 Mars 2015 .p256.
431Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy,
n°1741, 24 octobre 2016, « Fallait-l consacrer l'action de groupe en
droit du travail ? ». p.1
432 C'est toute la jurisprudence sur le fait que les syndicats
ne peuvent pas agir dans l'intérêt collectif pour demander la
modification des contrats de travail des salariés pour toucher à
la liberté contractuelle.
433 Soc 14 déc. 2016 n°15-20.812, préc.
434 Comme c'était le cas par exemple dans l'arrêt du
12 février 2013 n°1127.689, préc.
435 Soc 10 févr.2016, n°14-26.304, préc.
91
l'employeur devait s'exécuter mais la décision
de justice ne pouvait pas donner lieu à la requalification en
elle-même. En d'autres termes, les syndicats demandaient d'ordonner
à l'employeur de procéder à une requalification. Et si ce
dernier ne s'exécutait pas, tous ce qu'il risquait, c'est de voir
l'astreinte liquidée et non pas une requalification. C'était non
seulement perspicace mais aussi assez logique de la part du syndicat parce que
se faisant, il donnait aussi aux salariés un moyen de pression pour
qu'après ils n'aient pas à introduire de multiples contentieux.
Ce type d'injonction sous astreinte s'il avait été accepté
il aurait permis aux salariés de ne pas aller en procès pour
demander la requalification et demander le payement de l'indemnité
puisque l'employeur a été condamné. La question de la
bonne administration de la justice jaillie à la surface. Il y'avait dans
cette action un réel intérêt procédural aussi bien
pour les syndicats que pour la cour de cassation qui aurait pu admettre
ça. Les salariés auraient pu gagner ainsi aussi bien le temps que
l'énergie. Le refus de la cour de recevoir l'action peut être
justifiée par une politique de réticence à l'égard
de ce genre de demande. Ce type d'action (dite déclaratoires par ce que
Le syndicat demande de déclarer qu'une pratique est illégale dans
une entreprise) est aujourd'hui admis en matière de discrimination avec
les actions de groupes. La déclaration de culpabilité de
l'employeur dans le cadre de l'action de groupe et la définition des
périmètres du groupe permettent une meilleure administration de
la justice. Ce n'est pas étonnant que « La CGT ... plaide pour une
passerelle entre le jugement de reconnaissance de responsabilité
prononcé par le juge civil et la saisine individuelle du conseil de
prud'homme ».436 L'avantage vanté en définitive
étant l'agrégation du contentieux (et intérêts) dans
une action de groupe déclaratoire, la cessation et la «
réparation » du préjudice individuel dont l'action dans
l'intérêt collectif n'a pas « réussi » à
éponger.437
L'avantage en matière d'identification des
salariés : Les actions dans l'intérêt collectif
portent en elles le vice de l'indiscrétion. Il est presque impossible de
les intenter sans révéler l'identité complète du
salarié ou de risquer de l'exposer par conséquences aux
éventuelles représailles de l'employeur. La doctrine voyait en
ces désavantages un frein sérieux au déploiement de ces
moyens de lutte sociale. L'intérêt de l'action de groupe
réside donc dans le fait que les syndicats ou les associations
n'auraient pas à attendre l'accord du salarié pour pouvoir
amorcer une action qui porte atteinte à l'intérêt
collectif. Ces salariés sont dispensés de s'identifier au stade
précoce de l'introduction de l'action. Il s'agit d'un avantage
considérable par rapport à l'action dans l'intérêt
collectif. « L'action de groupe marque un point : elle peut être
engagée sans qu'il soit nécessaire de connaitre les victimes qui
pourront par la
436 Majorie Champeaux, « La première action de groupe
devant le TGI de Paris », préc, p.5
437 Les actions dans l'intérêt collectif « ne
peuvent pas permettre de reconnaitre directement des droits aux profits des
salariés victimes sans que ceux-ci engagent à leurs tour un
litige ou soient partie personnellement à l'action » : F.Guiomard
et I.Meftah, Entre égalité de traitement et harcèlement,
quel fondement juridique de la discrimination syndicale ? Etat des lieux et
analyse du contentieux entre 2012 et 2014, Travail et emploi n°145,
2016.p76 et 77.
92
suite se prévaloir du jugement constatant la
discrimination collective »438. Le mécanisme de l'action
de groupe permet ainsi aux salariés d'opter pour être dans le
groupe (système d'opt-in) et d'être indemnisés en
conséquence. Cette « adhésion (du salarié) au groupe
vaut mandat tacite »439 au syndicat. Les actions de groupes
permettent donc de combiner les faveurs accordées aux actions
collectives avec celles accordés aux actions individuelles compte tenu
des mesures décidées par le magistrat.
L'avantage financier et probatoire : D'abord,
dans l'action de groupe « Tous les recours sont regroupés dans une
seule procédure ... Cette procédure allégée niveau
formalités permet de mutualiser les couts, ce qui incite les
requérants de se joindre, même pour un faible préjudice,
sans crainte de perte financière au final ».440
Ensuite, la preuve d'une discrimination est bien souvent
difficile à rapporter surtout pour un salarié qui n'a pas
toujours accès aux documents de l'entreprise. La chambre sociale et
criminelle est assez exigeante441, en temps normal, à propos
de l'accès des salariés aux documents appartenant à
l'entreprise442 ; C'est pourquoi, en matière de
discrimination, un régime de preuve « aménagée »
voir partagée avait été mis en place. Le salarié va
apporter en effet devant le juge des éléments de nature à
laisser penser que l'employeur a commis une discrimination, et il reviendra
à l'employeur de prouver qu'il n'a pas commis de discrimination. Et
donc, l'intérêt de l'action de groupe c'est de permettre justement
au groupe de salariés d'entrer en possession d'un plus grand nombre de
moyen de preuve. Le syndicat représentatif ou les associations
agréées titulaires de cette action, pourront accéder
à un certain nombre de documents et d'informations qui concernent
l'entreprise par le biais des institutions représentatives du personnel.
Ils peuvent également avoir recours à une expertise. L'avantage
de l'action de groupe réside alors dans une sorte de «
mutualisation » des efforts probatoires afin de rendre l'action plus
efficace. C'est un autre point de plus pour l'action de groupe. L'exemple
typique c'est le fait que « La CGT s'est appuyée sur la fameuse
méthode Clerc443 qui a fait ses preuves devant les
438 Odile Levannier-Gouel, préc, p 2.
439 Action de groupe : ce qui est déjà possible
aujourd'hui, Service juridique CFDT, publié le 12.06.2013.
440 Action de groupe : ce qui est déjà possible
aujourd'hui, Service juridique CFDT, publié le 12/06/2013.
441 Il faut que le salarié ait eu connaissance de ces
documents à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Et, il faut aussi
que ces documents soient indispensables à l'exercice des droits de la
défense.
Or il peut être difficile pour un salarié qui
tente d'appréhender de tels documents d'évaluer, sur le moment,
à quel point telle ou telle pièces seraient utiles dans le cadre
de sa procédure. Si le salarié ne respecte pas ces conditions, il
risque d'être condamné pour vol.
442 Cass. Soc. 2 déc. 1998 n°96-44.258.
443 « Panel » ou « preuve statique », La
méthode est basée sur des panels de comparaison constitués
de salariés entrés dans l'entreprise en situation comparable. Ces
panels sont construits à partir d'un triptyque : analyse des faits,
modélisation et comparaison : F.Guiomard et I.Meftah,
préc.p.77.
93
tribunaux ».444 En effet, le syndicat, qui a
les moyens financiers, juridiques et humains de rassembler ces preuves, va les
collecter en faveur du groupe de salariés victimes pour les
présenter plus tard dans le cadre de l'action de groupe.
Les salariés ont d'ailleurs la possibilité de
tirer parti des preuves ainsi récoltées et les utiliser ensuite
au profit de l'action individuelle qu'ils introduiront en parallèle. Une
fois la discrimination reconnue au niveau du groupe, il sera plus facile
d'aller individuellement devant le juge. Il apparaîtra alors
évident au juge que le salarié a subi une discrimination
individuelle. Le salarié n'aura simplement qu'à présenter
le dossier des preuves préalablement constitué lors de l'action
de groupe pour être indemnisé, puisqu'une discrimination aura
déjà été reconnue. Ce qui pourrait être
intéressant aussi c'est que cela pourrait entraîner des actions
individuelles successives. C'est-à-dire que tous les salariés de
l'action de groupe pourront individuellement, aller en justice pour se faire
reconnaitre la discrimination et donc se faire réparer, ce qui pourrait,
au final et à long terme couter plus cher à l'employeur. En
définitive, cette action « présente de nombreux avantages
pour les victimes, psychologique, financiers, médiatique et judiciaire
». 445 « Les syndicats fournissent ici un appui à la fois
matériel et symbolique, qui facilite l'accès à la justice
pour les salariés ».446
L'avantage en matière de cessation de
l'illicite : L'action de groupe a quand même un avantage
concurrentiel par rapport à l'action dans l'intérêt
collectif notamment en matière de cessation du manquement. Les demandes
faites par la défense pour obtenir des mesures collectives très
pratiques en matière de défense de l'intérêt
collectif sont révolutionnaires. « Pour la première fois
(dans l'affaire Safran précitée), le juge va pouvoir examiner les
causes de discriminations et, surtout, contraindre l'employeur à
modifier ses pratiques managériales si la discrimination collective est
reconnue ».447 Ce genre de demandes, auraient
échoué s'il était présenté dans le cadre de
l'action dans l'intérêt collectif. En témoigne
l'arrêt du 10 février 2016 précité. « A ce
stade, un outil peut s'avérer utile : l'astreinte avec liquidation au
profit du trésor public, et non au profit du syndicat demandeur. Une
nuance qui pourrait favoriser des astreintes élevées de la part
du juge ».448 Rappelons au passage qu'en droit de la
procédure, l'injonction (généralement sous astreinte)
donne la possibilité au requérant de demander en cas de son
inobservation à ce que l'astreinte soit liquidée par le juge. Le
juge judiciaire a un pouvoir d'appréciation sur sa liquidation et sur
son montant quand bien même, c'est lui qu'il l'a fixé
444 Majorie Champeaux, préc. p.1
445 L-G. Tin, M. T. Allal et S. Lemaire, note de synthèse
préc.
446 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9,
2016, Varia n°20.
447 Majorie Champeaux, « La première action de
groupe devant le TGI de Paris » semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril
2018.p3
448 Myriam El Yacoubi, Semaine sociale Lamy, n°1771,29 mai
2017, La première action de groupe est lancée p 2.
94
préalablement. L'examen de certaines actions de groupe
pendantes permet de déceler une manière intéressante de
rédiger les demandes. Par exemple « Les demandes formulées
par la CGT sont ainsi regroupées en quatre catégories
»449 ; D'abord, une injonction générale à
l'entreprise d'éponger et de remédier au mieux à toute
discrimination. Ensuite, des injonctions plus précises d'élaborer
des processus adaptés afin de stopper les manquements.
Le cas échéant, une demande d'élaboration
par l'entreprise d'un indicateur partagé.
Enfin une demande pour contraindre l'entreprise à
prendre des mesures préventives et pratiques. « Pour permettre la
mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le
manquement, le juge peut désigner un tiers choisi parmi tous
professionnel justifiant d'une compétence dans le domaine
considéré ».450
Ces demandes concrètes imaginées par la
défense pour faire cesser la situation illicite donne à l'action
de groupe un réel avantage concurrentiel par rapport à la
classique action dans l'intérêt collectif
L'avantage médiatique : La pression
médiatique est d'abord un point extrêmement important en
matière judiciaires, notamment dans le cadre de l'action de groupe.
Contrairement à l'action dans l'intérêt
collectif où la médiatisation du litige n'est pas très
développée, l'action de groupe semble avoir la capacité de
tirer avantage de cet élément inscrit déjà dans son
ADN. La médiatisation de l'affaire peut être utilisée,
efficacement, par les syndicats comme un instrument de pression face à
l'auteur de la discrimination. Ce que l'on constate dans les actions de groupe
qui ont été menées jusqu'à présent, c'est
que les syndicats ont à chaque fois convoqué la presse. L'effet
de surprise est déstabilisant presque à tous les coups pour un
syndicat soucieux de son image. Il y'a souvent un côté infamant
pour l'employeur, de se voir reconnaitre par l'opinion publique une
discrimination. Le fait que cela concerne un groupe, va faire beaucoup plus de
bruit qu'un cas isolé. La capacité de mobiliser l'opinion
publique contre l'employeur et autour d'une question sensible, donne beaucoup
de force à cette action. Du coup cela pourrait avoir plus de
conséquences néfastes sur l'entreprise tel que par exemple le
boycott de ses produits, l'altération de son image, d'éventuelles
pertes financières en raison de la perte de clientèle. Chose que
cette dernière redoute plus qu'une peine civile. Certains syndicats,
notamment la CGT, ont vu en cette pression médiatique
l'opportunité de faire pression sur l'employeur et de se positionner
favorablement pendant les négociations. On retrouve lors de la
négociation précontentieuse cette idée de «
l'épée de Damoclès » qui menace l'employeur. Cette
posture à la fois menaçante et intimidante permet
d'égaliser les rapports de forces.
449 Majorie Champeaux, « La première action de
groupe devant le TGI de Paris » semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril
2018.p4
450 Myriam El Yacoubi, Semaine sociale Lamy, n°1771,29 mai
2017, La première action de groupe est lancée p3.
95
L'utilisation du verbe « égaliser » part du
postulat que dans une négociation collective classique l'employeur est
plus souvent en position de force. L'employeur serait ainsi, en principe, plus
disposé à négocier de bonne foi, avec en principe une
réelle volonté de faire cesser la discrimination et à
mettre en place des mesures de prévention concrètes.
L'avantage en matière de discrimination
systémique : Le droit de la non-discrimination s'est construit
en France autour d'actions individuelles. Or une discrimination n'est pas
seulement un fait d'individu à individu, mais peut s'inscrire aussi dans
un système. Les nouvelles discriminations comme celle basées sur
l'âge ou le sexe ou l'appartenance sont difficiles à
débusquer même avec les notions de discriminations directes ou
indirectes. Cette insaisissabilité a poussé à «
réfléchir sur à une autre grille de lecture, celle des
discriminations systémiques » 451. Cette notion,
ignorée jusque-là en droit français a été
définie par plusieurs auteurs452. Il y'a souvent en ces
définition une sorte de référence à l'absence
d'intentionnalité. En vérité on devrait s'interroger s'il
y'a vraiment des discriminations non intentionnelles et dans ce cas, est ce
qu'on peut parler de discrimination systémique. L'adjectif «
Systémiques » serait en référence au «
système » mais aussi et dans une certaine mesure à la
systématique.
Le terme systémique devrait surtout être compris
comme systématique plutôt que comme faisant
référence à un système. La référence
à un système renvoi pour-autant à une sorte de flou, de
vague et d'absence d'intention en fait. Il y'a effectivement des
discriminations qui ne sont pas formalisés comme telles et qui sont
parfois pratiqués sans même qu'on s'en rende compte. En
réalité on devrait tout simplement partir de l'idée qu'on
peut sanctionner une discrimination sans même rechercher l'intention. Le
contre-exemple est cependant révélateur, lorsqu' on
s'aperçoit par exemple que toutes les femmes d'une entreprise sont moins
bien payées que les hommes. Le comportement de l'employeur
découlerait des stéréotypes de genre qu'il aura
intégré lui-même dans sa façon de penser et d'agir.
Dans cette situation, il faudrait une action permettant de prendre en compte
ces femmes comme un groupe pour faire cesser la discrimination. C'est tout
l'intérêt de manier cette notion. Notion qui échappe
à l'action dans l'intérêt collectif et qui peut constituer
un avantage concurrentiel pour l'action
451 Marie Mercat-Bruns, L'identification de la discrimination
systémique, RDT novembre 2015. p. 672
452 Laurence Pécaut-Rivolier propose une
définition dans son rapport sur les discriminations collectives : «
la discrimination systémique est une discrimination qui relève
d'un système, c'est-à-dire d'un ordre établi provenant de
pratiques, volontaires ou non, neutres en apparence, mais qui donne lieu
à des écarts de rémunération ou d'évolution
de carrière entre une catégorie de personnes et une autre. Cette
discrimination systémique conjugue quatre facteurs : les
stéréotypes et préjugés sociaux ; la
ségrégation professionnelle dans la répartition des
emplois entre catégories ; la sous-évaluation de certains emplois
; la recherche de la rentabilité économique à court terme.
La particularité de la discrimination systémique étant
qu'elle n'est pas nécessairement consciente de la part de celui qui
l'opère. A fortiori, elle n'est pas nécessairement
décelable sans un examen approfondi des situations par catégories
», Rapp. L. Pécaut-Rivolier, Lutter contre les discriminations
au travail : un défi collectif, 17 déc. 2013, p. 27.
96
de groupe. Cet intérêt collectif, de vouloir
combattre « des combinaisons de désavantages liés à
des pratiques, des institutions ou des structures sociales »453
a rendu une partie de la doctrine progressiste un peu plus nuancée
aujourd'hui au sujet de l'action de groupe. Une position que je rejoins quand
on examine de près certaines actions de groupe tel est le cas de
l'affaire Safran en matière de discriminations syndicale. « Il est
difficile, sans action de groupe, de monter l'ampleur de ces
phénomènes ... Dans ce cas une action transversale ... peut
révéler ces pratiques récurrentes plus subtiles
».454 Cette nouvelle action a pour intérêt donc de
définir un groupe de lésés, identifiables, par le biais de
critères de rattachements autres que le critère prohibé
commun de discrimination.
Le temps de la négociation : La
culture grandissante du règlement amiable des différends a
influencé le mécanisme d'action de groupe. En effet, l'article L.
1134-9 du code du travail impose au demandeur, avant d'intenter toute action,
une mise en demeure qui initie une période de six mois pendant laquelle
va s'engager une période obligatoire de « discussion sur les
mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective
alléguée ». Cette période retarde le recours au
contentieux. Ce passage par la case du dialogue a été
critiqué. « Certains y voient un signe des temps et de la
méfiance à l'égard du juge qui les caractérise
». 455 Ce basculement relève d'une volonté «
d'éviter toute judiciarisation inutile ».456Cette
croyance en la force de la discussion et son pouvoir de changer les choses a
séduit plus qu'une confédération. La CGT457 par
exemple semble, être plutôt favorable à la phase
précontentieuse de l'action de groupe.
Selon les syndicalistes, elle serait un instrument qui permet
de favoriser le dialogue social, avec cette idée que ce n'est pas le
juge qui permet d'appliquer au mieux les garanties du droit du travail, mais ce
sont les syndicats, par le rapport de force. Le juge ne serait pas vraiment
utilisé ici pour sa fonction de juger mais pour la menace qu'il
représente pour l'employeur, qui ne serait plus en position de refuser
de négocier ou de refuser des avantages au cours de la
négociation. Ce discours est justifié aussi par François
Clerc, pour qui le but est finalement « de forcer au dialogue car les
employeurs sont toujours dans le déni ».458 Ce qui est
confirmé dans la plupart des affaires récentes.
453 A. Mc Colgan, Discrimination, Equality and the law, Hart,
2014, p 33
454 Marie Mercat-Bruns, L'identification de la discrimination
systémique, RDT novembre 2015. p. 673
455 Patrice Adam, « l'action de groupe, sur l'audace
d'une réforme majeure », Droit social N°7/8 - juillet -aout
2017 p 638 et s
456 L'exposé de motif de la loi de justice du XX
siècle.
457 « C'est dans le cadre du dialogue social en instituant
des outils de diagnostic et de prévention, des indicateurs
partagés avec les représentants des salariés que l'on
parviendra à terme à se prémunir contre ce genre de
dérives » Propos tenus lors de la conférence de presse du 23
mai 2017 relative à l'action de groupe Safran Aircraft Engines.
458 Liaison soc. L'actualité n°17334, section
Acteurs, débat, évènements, 29 mai 2017.
En fait, les employeurs ont systématiquement
refusé de négocier lors de la phase de conciliation. Ce qui a
valu à cette phase latente le qualificatif de « dialogue de sourds
»459. Cette class action à la française permet en
même temps aussi aux employeurs de négocier après la
déclaration de culpabilité pour un règlement global du
procès. Dès lors, il est possible de se demander quelle sera la
nature de la négociation précontentieuse et de l'accord conclu
avec la direction à ce moment-là ? S'agit-il d'un
véritable accord collectif de travail au sens juridique du terme ou d'un
simple engagement de la part de l'employeur ? La loi reste floue à ce
sujet et aucune des actions engagées au titre de l'action de groupe n'a
permis de répondre à cette question dans la mesure où
aucune phase précontentieuse n'a abouti, Il n'a jamais eu d'accords
à notre connaissance.
97
459 Majorie Champeaux, semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril
2018.
98
Conclusion
En conclusion nous souhaitons synthétiser les
résultats de notre recherche avant de dégager quelques pistes
d'évolutions :
En premier lieu, l'essor du contentieux
exercé dans l'intérêt collectif est in fine et avant tout
révélateur des questionnements relatifs à la place de la
justice dans les relations sociales. L'action dans l'intérêt
collectif, est l'exemple parfait de l'action syndicale collective et
l'archétype du droit en état de guerre mobilisé pour
consolider ou conquérir de nouvelles faveurs et de nouveaux droits.
L'époque n'a jamais été autant propice à
l'embrigadement du droit collectif et à la recherche de la place de
l'intérêt collectif. La reconnaissance ancienne de la
prérogative par les chambres réunies n'a pas complétement
neutralisé les débats liés et autour de la notion
l'intérêt collectif. L'exercice de cette action a connu depuis son
apparition et bien avant des obstacles liés essentiellement aux
frontières mouvantes entre les différentes essences
d'intérêts : L'intérêt de l'individuel,
l'intérêt général, l'intérêt de
l'entreprise et l'intérêt collectif. Un intérêt
collectif que je me permets de définir comme étant : « Le
soucis à la fois inédit et commun dont la solution de principe
est favorable en premier pour une catégorie professionnelle
entière et déterminée et pas uniquement pour l'individu ou
la société ». Si les questions ont porté sur la
confrontation entre intérêt collectif et individuel on pense
qu'aujourd'hui elles portent surtout sur une possible articulation entre les
deux versants de la même quête. L'action, prérogative
exclusive des Syndicats professionnels a connu à partir de sa
consécration par les chambres réunies une grande
prospérité. Cette expansion continue a été
facilitée par des conditions d'exercices simples qui ont conduit
à une recevabilité abondante devant des juridictions multiples et
pour diverses demandes. Ces conditions tiennent à un paramétrage
ancien et très ouvert à la fois du droit d'agir et des statuts du
groupement vindicatif. Des conditions qui habilitent en définitive tout
syndicat quel que
soit sa représentativité à élever
une prétention devant la justice pour exprimer son point de vue sur
une
question qui intéresse l'intérêt collectif de la
profession dont il estime qu'il en a la garde et surtout un mot à dire
sur elle. L'action à multiples fonctions, a ainsi servi en même
temps à protéger la légalité professionnelle et
sociale dans sa conception large et de manière plus sophistiquée
à respecter la conventionalité c'est-à-dire les textes
collectifs. L'extension de l'action en la matière a permis d'admettre
aux syndicats non-signataires le droit d'agir en exécution de la
convention collective. Une extension qui a laissé aussi l'article
2262-10 C.T (déclinaison particulière de l'article 2132-3 C.T)
à la marge des textes utilisés. L'examen des affaires admises
devant les différentes juridictions nous a permis de classer les
domaines d'intervention de l'action en 5 thèmes principaux : En premier
lieu la
99
défense de la santé et de la
sécurité, en second lieu la défense des conditions de
travail, puis la défense des droits et des prérogatives
collectives, ensuite la défense de l'intérêt
général, professionnel et économique et enfin la
défense des conventions collectives. Dans ces affaires jaillissent
à chaque fois une question de portée générale
liée à la fois aux politiques gestionnaires et organisationnelles
de l'employeur et aux droits rattachés à la personne du
salarié ou à l'institution élue. L'action peut alors avoir
pour but de protéger « un droit ou une prérogative »,
à créer « La jurisprudence à suivre », ou de
solutionner « La problématique primordiale du moment » ou
celle « en laquelle se reconnait une catégorie professionnelle
déterminée ». Le régime est facilité au point
que la jurisprudence admet parfois que certaines atteintes « ouvrent
nécessairement » la porte à l'examen d'une
prétention. Cette fonction de veille sociale et de consolidation des
acquis s'ajoute à l'efficacité attendue de l'action principale ou
de l'intervention du syndicat. Les syndicats professionnels auront en effet le
pouvoir à la fois de développer leurs propres arguments et de
demander à la justice en plus des dommages et intérêts, que
des illicéités soient déclarées ou des
régularisations soient faites aux salariés. Autrement dit, des
demandes incidentes dont les effets peuvent affecter la situation individuelle
du salarié et dont l'effectivité, la dissuasion et la diffusion
ne laissent aucun doute.
En second lieu, Cette expansion continuelle est cependant
freinée. Un ralentissement considérable est ressenti depuis
quelques années et qui s'est accéléré depuis peu de
temps. Ce mouvement est confirmé aujourd'hui parce qu'on observe une
jurisprudence de moins en moins accueillante vis à vis des
prétentions syndicales intéressant l'intérêt
collectif de la profession. C'est-à-dire on voit de plus en plus de
décisions de fin de non-recevoir pour motif d'absence de qualité
ou d'intérêt à agir qui sont prononcés par les
juridictions. La logique de ces exclusions est due au fond à une
reconfiguration des bornes classiques de la notion d'intérêt
collectif et surtout à un re-paramétrage
politico-législatif de la place du collectif dans le procès au
moyen d'articulations moins équilibrée avec la liberté
individuelle. Ainsi nous avions pu constater que certaines actions, certes
très rattachées à l'intimité du salarié ou
à son contrat de travail sont exclues du regard du juge quand bien
même elles avaient un versant collectif très prononcé et
que nul ne peut douter que le préjudice qu'elles invoquent porte en plus
atteinte à l'intérêt collectif de la profession. La
complexité du processus créateur de norme conventionnelle et
l'essor vénéré de ces dernières en droit du travail
ont permis d'éloigner les syndicats dans une certaine mesure de leur
vocation à contester les atteintes à l'intérêt
collectif. Et pourtant c'est dans l'effet ergaomnes que se trouve la substance
de cet intérêt collectif. C'est l'exclusion de certaines
infractions pénales du domaine de l'action dans l'intérêt
collectif qui nous a le plus choqué. On a pu vu voir un
écartement de certaines infractions pénales pour le simple motif
que la victime de l'infraction est extérieure à la profession
alors qu'en vrai il s'agissait de dysfonctionnement dans l'organisation de
100
travail qui légitimerait en principe l'intervention du
syndicat. Plus loin encore, l'exclusion des infractions économiques et
financières aux motifs que le préjudice de ces infractions
n'affecte que l'intérêt général ou
l'intérêt sociétal et non pas l'intérêt des
salariés.
Cette exclusion est due à notre avis à un
héritage politique de dépénalisation des droits des
affaires et une envie de garder les affaires de l'entreprise hors de la
portée des syndicats.
Cette exclusion n'est ni claire ni assumée par la
jurisprudence. Elle devrait pour-autant le devenir avec l'introduction par la
Loi Pacte d'un bout de phrase qui donne aux salariés un peu plus de
« pouvoir » pour décider de leurs sorts en entreprise. C'est
de la mobilisation de cette disposition que naitra l'espoir d'une re-fusion
entre l'économique et le social. L'action dans l'intérêt
collectif régresse et freine aussi parce qu'elle se trouve
contrariée et sous tension. La tension vient en premier lieu de
l'entrée en jeux à la fois d'acteur concurrent qui ne
l'étaient pas à juste titre avant. Elle vient aussi de
l'entrée en jeux en droit de travail d'un mécanisme ambitieux qui
est censé pallier les inconvénients de l'action en substitution
et surtout de l'action dans l'intérêt collectif : l'action de
groupe. Ce fil conducteur nous a permis de voir sous un autre angle le conflit
positif entre la représentation élue et les syndicats dans
l'entreprise. Cette concurrence témoigne en réalité d'un
changement notionnel et essentialiste induit en effet par le basculement du
centre de gravité de l'intérêt collectif du
côté de l'entreprise. Ainsi le défaut de qualité a
été opposé au syndicat qui contestait par exemple la
qualité de l'information donnés à la représentation
élue. C'est un autre signe selon nous du placement des syndicats
actuellement sous la dépendance de l'institution élue. Les
associations ont contribué également à leur tour dans le
processus de déconstruction de l'action collective. La loi leur a en
effet étendu les habilitations nécessaires afin de
défendre des grandes causes très similaires au fond à
l'intérêt collectif d'une part, et d'autre part elle leur a
partiellement ouvert la porte pour exercer l'action de groupe.
Un contentieux altruiste mais où la liberté
individuelle est encore maitresse. La question de la régression de
l'action dans l'intérêt collectif ne saurait être
analysée sans la prise en compte de l'introduction de l'action de groupe
en droit du travail, une action conçue pour s'améliorer «
à petits pas ».460 Essayer de trouver de nouveaux
chemins qui concilient intérêt individuel et intérêt
collectif était à la fois un besoin mais aussi un risque. Un
risque à rebours de diluer l'action dans l'intérêt
collectif. L'équation à plusieurs degrés a
été résolue par une limitation du spectre de cette action
aux seules discriminations. Le dispositif est certes complexe et limité
mais il est beaucoup plus prometteur qu'il n'y parait. Porteur à la fois
de craintes et d'espoir, il a réussi à séduire même
les syndicats non
460 E. Claudel, Action de groupe et autres dispositions
concurrence de la loi de consommation : un dispositif singulier, RTD Com.
2014.339
101
réformistes. Il faut l'admettre rien n'est plus
séduisant que la liberté. Le mécanisme est «
commercialisé » avec l'étiquette d'une meilleure jonction
entre individuel et collectif. La défense dans plusieurs affaires a su
tirer profit de ce dispositif pour essayer de l'améliorer à
travers des demandes « tests ». « L'intérêt (de
l'action de groupe) en termes de communication n'est pas négligeable. La
promotion de l'action de groupe pourrait permettre de mieux faire connaitre
l'action syndicale dans toutes ses dimensions » 461 L'action est aussi un
moyen qui prône une certaine déjudiciarisation du contentieux.
Autrement dit, mieux vaut un « règlement amiable » qu'un
« bon procès ». « Ce recours systématique aux
processus négociés est le signe d'une défiance à
l'égard de l'intervention des juges, ce qui parait contradictoire avec
l'idée même de l'action de groupe qui suppose de donner un
rôle prépondérant aux juges dans la lutte contre les
discriminations »462. Outre l'intérêt non
négligeable de la médiatisation, la cessation de l'illicite,
cette action a le mérite quand même de réussir à
toucher un fléau indétectable : la discrimination
systémique. C'est un outil de plus pour atteindre des discriminations
indétectables.
Enfin, on voit que cette action dans l'intérêt
collectif trouve de moins en moins sa place dans notre ordre juridique.
Contrainte elle est en train d'évoluer pour s'adapter au fond aux
mutations actuelles du droit social. Elle cherche infatigablement à se
réinventer. Des nouvelles pistes s'offrent à elle. Rien
n'empêche en fait de mobiliser cette prérogative à
l'internationale ou en Europe. La pratique judiciaire ouvre certaines voies
procédurales nouvelles, mais leur mise en oeuvre oblige à poser
la question de la compétence internationale en matière
d'intérêt collectif de la profession.
461 Sophie Rozez, L'action en justice, action individuelle,
action collective, le Dr. Ouvrier .Novembre 2014, n°796 p.739
462 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9,
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111
Table des matières
Dédicaces 3
Remerciements 4
Citation 5
Sommaire 6
Liste des abréviations 7
Introduction 8
Première partie : Une action en expansion
23
Section 1 : Des conditions d'exercices facilités 23
Sous-section 1 : Les conditions procédurales de
recevabilité 23
Paragraphe 1 : Les conditions relatives au droit d'agir : 23
Sous paragraphe 1 : L'intérêt à agir 24
Sous paragraphe 2 : La qualité pour agir 25
Paragraphe 2 : La diversité des voies d'action 28
Sous paragraphe 1 : Devant les juridictions civiles 28
Sous paragraphe 2 : La constitution de partie civile 30
Sous-section 2 : Les conditions statutaires 32
Paragraphe 1 : Le dépôt des statuts 32
Sous paragraphe 1 : La régularité du
dépôt 32
Sous paragraphe 2 : La représentation légale (Le
mandat) 33
Paragraphe 2 : Le principe de spécialité 35
Sous paragraphe 1 : La spécialité légale
35
Sous paragraphe 2 : La spécialité statutaire 38
Section 2 : Des actions recevable dans un champ étendu
39
Sous-section 1 : La défense de la légalité
39
Paragraphe 1 : L'Emploi, la santé et la
sécurité 40
Sous paragraphe 1 : La défense de l'emploi des
salariés 40
Sous paragraphe 2 : La défense de la Santé et de la
sécurité : 43
Paragraphe 2 : La défense des conditions de travail 45
Paragraphe 3 : Les droits et les prérogatives collectives
47
Sous paragraphe 1 : La défense des droits et
prérogatives des institutions élues 48
Sous paragraphe 2 : la défense des droits et
libertés syndicales : 49
Paragraphe 4 : La défense des intérêts
généraux, économiques et professionnels 52
Sous paragraphe 1 : La défense de la réglementation
économique et professionnelle 52
112
Sous paragraphe 2 : La défense de l'intérêt
général 53
Sous-section 2 : La défense de la conventionalité
54
Paragraphe 1 : L'action générale de l'article L
2132-3 C.T : 55
Sous paragraphe 1 : L'action dans l'intérêt
collectif en exécution de la Convention Collective 56
Sous paragraphe 2 : L'action en nullité de la convention
collective 59
Paragraphe 2 : L'action particulière de l'article 2262-10
C.T 60
Deuxième partie : Une expansion freinée
61
Section 1 : Les actions irrecevables 61
Sous-section 1 : L'exclusion de certaines actions à
versant collectif 62
Paragraphe 1 : Les actions rattachables au salarié 62
Sous paragraphe 1 : Exclusion de certaines actions qui
relèvent de la sphère privée 63
Sous paragraphe 2 : Exclusion du contentieux «
subjectif-subséquent » 64
Paragraphe 2 : Le contentieux relatifs à l'élection
et à la négociation 66
Sous paragraphe 1 : Le contentieux électoral : 66
Sous paragraphe 2 : Le contentieux relatif à la
négociation collective 67
Sous-section 2 : L'exclusion de certaines infractions
pénales 69
Paragraphe 1 : L'exclusion de certaines infractions de droit
commun 69
Paragraphe 2 : L'exclusion de certaines infractions de droit
pénal des affaires 71
Section 2 : Une action contrariée 74
Sous-section 1 : La concurrence induite à des acteurs
rivaux 76
Paragraphe 1 : La concurrence avec les institutions élus
76
Paragraphe 2 : La concurrence avec les associations 80
Sous-section 2 : La rivalité avec l'action de groupe 82
Paragraphe 1 : L'imperfection relative de l'action de groupe
83
Paragraphe 2 : L'avantage concurrentiel de l'action de groupe
89
Conclusion 98
Bibliographie 102
Table des matières 111