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L'action dans l'intérêt collectif de la profession.


par Slim Affes
Paris Nanterre - UFR Droit Social - Master 2 droit social et relations professionnelles 2020
  

Disponible en mode multipage

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    Novembre 2020

    UNIVERSITE PARIS NANTERRE

    ANNEE UNIVERSITAIRE 2019/2020

    MASTER 2 DROIT SOCIAL ET RELATIONS PROFESSIONNELLES

    MEMOIRE DE RECHERCHE

    L'action dans

    l'intérêt collectif

    Réalisé par Slim Affes

    Sous la direction de Cyril Wolmark

    1

    2

    « L'université n'entend donner ni approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire, celles-ci devant être considérées comme propres à leur auteur »

    3

    Dédicaces

    À mon papa Ahmed, mon tout, ce travail est pour toi, dieu te garde pour moi le plus longtemps...
    À ma mère Ahlem, prunelle de mes yeux, merci d'exister, merci pour toutes les raisons ...
    À ma grand-mère Rekaya, tu avais raison, chaque mot qu'on apprend vaut un million, repose en paix ...
    A ma princesse Ranim, présente à chaque instant, rien n'aurait pu se passer sans ton soutien...
    A ma tante Afifa, merci du fond du coeur je t'en suis toujours reconnaissant ...
    A ma belle-famille merci énormément...
    A mes amis Ghazi et Léo merci pour vos encouragements...
    A mon maitre Cyril Wolmark... à qui ce travail est spécialement dédié ...

    4

    Remerciements

    Mes premiers remerciements s'adressent à mon directeur de mémoire.

    Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à Monsieur le Professeur Cyril Wolmark dont les conseils et les encouragements ont permis l'aboutissement de ce travail.

    Je lui témoigne de mon profond respect et admiration pour ses qualités humaines et le dynamisme qu'il apporte à la recherche.

    Mes plus sincères remerciements s'adressent également à Monsieur le professeur Alexandre Fabre. Ses précieux conseils ont également permis la réalisation de ce travail.

    Mes remerciements vont également à l'ensemble des enseignants du Master de Droit Social et Relations Professionnelles, qui m'ont accueilli avec humilité et bienveillance.

    A la France, terre d'asile... Je t'en suis éternellement reconnaissant ...

    5

    Citation

    « Le renard s'en saisit et dit : ` Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute. Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute' »

    Jean de la fontaine Livre premier Fable 2

    6

    Sommaire

    Introduction 8

    Première partie : Une action en expansion 23

    Section 1 : Des conditions d'exercices facilités 23

    Sous-section 1 : Les conditions procédurales de recevabilité 23

    Sous-section 2 : Les conditions statutaires 32

    Section 2 : Des actions recevable dans un champ étendu 39

    Sous-section 1 : La défense de la légalité 39

    Sous-section 2 : La défense de la conventionalité 54

    Deuxième partie : Une expansion freinée 61

    Section 1 : Les actions irrecevables 61

    Sous-section 1 : L'exclusion de certaines actions à versant collectif 62

    Sous-section 2 : L'exclusion de certaines infractions pénales 69

    Section 2 : Une action contrariée 74

    Sous-section 1 : La concurrence induite à des acteurs rivaux 76

    Sous-section 2 : La rivalité avec l'action de groupe 82

    Conclusion 98

    Liste des abréviations

    A

    AJ Pénal : Actualité juridique pénale

    AJDA : Actualité juridique droit

    Art. : article

    Ass. : Assemblée

    Ass. plén. : Assemblée plénière de la Cour de

    cassation

    B

    Bibl. : bibliographie

    Bull. civ. : Bulletin des arrêts de la chambre civile de la Cour de cassation

    Bull. crim. : Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation

    C

    C. : Code

    C. pén. : Code pénal

    CA : Cour d'appel

    CAA : Cour Administrative d'appel

    Cah.: Cahiers

    Cass. : Cour de cassation

    CC : Convention collective

    CDD : contrat à durée déterminée

    CDI : contrat à durée indéterminée

    CE : Conseil d'État

    CEDH : Cour européenne des droits de l'homme

    CEE : Communauté économique européenne

    Ch. : chambre

    Ch. mixte : Chambre mixte de la Cour de cassation

    Ch. réun. : Chambre réunies de la Cour de cassation

    CSE : Comité Social et économique

    CHSCT : Comité d'Hygiène de la Sécurité et des

    Conditions de Travail

    Circ. Min. : circulaire ministérielle

    Civ. : chambre civile de la Cour de cassation 12

    Com. : chambre commerciale de la Cour de cassation

    Cons. Const. : conseil constitutionnel

    Cons. prud'h. : conseil de prud'hommes

    Crim. : chambre criminelle de la Cour de cassation

    CSS : Code de la Sécurité Sociale

    D

    D. : Recueil Dalloz

    Dr. Ouvrier : revue Droit ouvrier Dr. Soc. : revue Droit social

    E

    Ex. : exemple

    F

    Fasc. : fascicule

    I

    In : dans

    7

    J-K

    J. : jurisprudence

    JCP E : Juris-classeur périodique (Semaine

    juridique), édition entreprise

    JCP G : Juris-classeur périodique (Semaine

    juridique), édition générale

    JCP S : Juris-classeur périodique (Semaine

    juridique), édition sociale

    JO : Journal Officiel

    L

    L. : loi

    LGDJ : Librairie Générale de Droit et de

    Jurisprudence

    Liaisons soc. : Liaisons sociales

    M-N

    n° : numéro

    O

    obs. observations

    Op. cit. : Opere citato (dans l'ouvrage cité)

    Ord. : ordonnance

    P-Q

    p. : page

    PSE : Plan de Sauvegarde de l'Emploi

    R

    Rapp. : rapport

    RDC : Revue de Droit des Contrats

    RDP : Revue de Droit Pénal

    RDT : Revue de Droit du Travail

    Rev. : revue

    Rev. Sociétés : Revue du droit des sociétés

    RIDC : Revue Internationale de Droit Comparé

    RJS : Revue de jurisprudence Sociale

    RLDC : Revue Lamy de Droit Civil

    RPDS : Revue Pratique de Droit Social

    RSC : Revue de Sciences Criminelles

    RTD Civ. : Revue trimestrielle de droit civil

    RTD Com : Revue Trimestrielle de Droit

    Commercial

    RTDE : Revue Trimestrielle de Droit de l'Europe

    S

    Sem. Soc. Lamy : Semaine Sociale Lamy

    Soc. : Chambre sociale de la Cour de cassation

    T-U

    T : Travail

    V-W-X-Y-Z V. : voir

    8

    « Tous pour un, un pour tous »

    Introduction

    Collectif et individuel : La summa-divisio « individuel » - « collectif » est communément admise par le législateur du code de travail ainsi que par la doctrine travailliste.

    Les passerelles entre les deux branches de la distinction sont évidentes, le droit ne reflète pas, malgré son ambition, une image parfaite de la complexité des liens de travail. Cette interférence a néanmoins contribué à l'originalité du droit du travail. Un droit des relations individuelles et collectives, qui a su se démarquer par les concepts et catégories développés autour du contrat individuel et du conflit.1

    Il n'est d'ailleurs pas étonnant de trouver cette distinction classique au coeur des débats anciens et surtout actuels qui portent sur l'action en justice et qui questionnent les périmètres subtils entre ce qui touche au collectif, ce qui touche à l'individuel et ce qui touche à l'individuel et au collectif.

    Collectif et procès : Relier collectif avec procès va logiquement à l'encontre de la conception individualiste de l'action en justice.

    Et pourtant « Tout n'est pas individuel dans le procès individuel »2

    Le collectif s'inspire souvent des cas individuels, et l'individuel fait souvent appel au collectif lorsqu'il est à court de forces. On passe ainsi du singulier au pluriel et du pluriel au collectif comme un phénomène d'osmose ou d'osmose inversée.

    Du reste, le droit syndical a permis, après de longues conquêtes, de prendre en compte les intérêts qui dépassent les intérêts individuels. Il s'agit en effet d'« Une réalité plurielle au-delà du format habituel c'est-à-dire individuel de l'action en justice » 3 que la doctrine et les syndicats ont investi dans leurs recherches pour « donner un sens aux litiges de travail »4. La doctrine a pu observer ces dernières années une décroissance considérable des actions individuelles exercée par les salariés devant la justice.5 L'enjeu consiste finalement à dépasser le cloisonnement entre collectif et individuel pour recevoir au mieux les actions des syndicats en défense des intérêts autres que les intérêts individuels.

    1 G.Lyon-Caen, A la recherche des concepts de base du livre IV du code de travail, Mélanges Verdier, droit Syndical et droits de l'homme à l'aube du XXIe siècle, Dalloz 2000, p.81

    2 E. Severin, « Fonction économique des tribunaux » Economie et institutions nov. 2005

    3 Sous la Direction de Ismaël Omarjee et Laurence Sinopoli avec la contribution et la coordination de J.D, E.T, A.B.M, G.B, CD, P.G, I.O, VO, S.P, M.R, S.R, E.S, L.S et E.T, « Les actions en justice au-delà de l'intérêt personnel », CEJEC, Dalloz 2014

    4 E. Severin, « donner un sens aux litiges du travail » Economie et institution, 1er semestre 2006, n°9, p 129-155

    5 Il y'aurait une baisse de 10% du nombre d'action individuelles entre 2004 et 2012. V E. Severin et M. Guilleneau, l'activité des conseils de prud'hommes de 2004 à 2012, ministère de la justice, Pole d'évaluation de la justice civile, septembre 2013.

    9

    « Il ne s'agirait donc plus, dès lors, d'opposer mais de concilier les deux versants d'une même quête, le respect et la valorisation des droits sociaux ».6

    Individuel et procès : La convergence traditionnelle entre intérêt et qualité d'agir ajoutée à la nature subordonnée de la relation de travail ont orienté les litiges au départ vers une formule de droits d'agir très rattachés à la personne du demandeur : Il y'avait une sorte de prévalence de la conception individuelle de l'action en justice.

    C'était la même conception qui a permis à un syndicat d'agir en justice en se substituant à un salarié, à la double condition que le syndicat ait au préalable le consentement du salarié et que ce dernier conserve la liberté de défendre tout seul ses propres intérêts.7 La première exception à cette conception individualiste a été consacrée dans la loi de 1920 après un important débat juridique auquel le fameux arrêt de 1913 a mis fin.

    La dimension historique de l'action dans l'intérêt collectif : L'action dans l'intérêt collectif est la doyenne des attributions conférée aux syndicats. Elle est d'ailleurs l'une des toutes premières prérogatives parmi celles qui leur sont attribuées. Elle est l'arme judiciaire par laquelle le droit a privilégié les syndicats professionnels par rapport aux autres organisations. La reconnaissance d'une telle prérogative n'était pas simple. Son avènement s'est déroulé au prix de batailles juridiques effroyables. En effet pendant longtemps, « la reconnaissance du droit d'agir des syndicats s'est heurté à des objections assez fortes. Le syndicat libre et spontané à l'origine ne paraissait pas qualifié pour représenter la profession en tant que telle »8. Pour certains auteurs, en outre, (pour ne citer que M. Planiol9) « Ce type d'action a été considéré comme radicalement incompatible avec l'ordre juridique libéral. L'action ne (pouvait) se concevoir que pour défendre les intérêts individuels »10. Malgré ces argumentations hostiles, les chambres réunies ont pu reconnaitre « officiellement » aux syndicats cette faculté d'agir dès l'arrêt du 5 avril 1913. L'intérêt en question vecteur de l'action était « celui de la profession » comme on disait à l'époque et « collectif » comme on dit aujourd'hui. Cependant, il est rare que la reconnaissance d'une prérogative juridique soit faite du jour au lendemain sans être

    6 Sophie Rozez, L'action en justice, action individuelle, action collective, le Dr. Ouvrier .Novembre 2014, n°796. P734

    7 Cons.Const. n°89-257 DC, 25 juillet 1989.

    8 Serge Guinchard, l'action de groupe en procédure civile française. In Revue internationale de droit comparé. Vol.42 n°2 Avril-juin 1990.Etude de droit contemporain. p.603

    9 M. Planiol affirmait que « un syndicat est un instrument d'action collective sur le terrain économique, mais qu'il ne peut et ne doit pas devenir une arme de procédure forgée pour rompre l'égalité entre plaideur », in M.George-Cahen, Le droit d'ester en justice des syndicats professionnels, Extrait du bulletin de la Société d'études législatives, Arthur Rousseau, Editeur, 1911 p.4

    10 Fréderic Guiomard, La mobilisation du droit dans les luttes, Syndicats : Evolutions et limites des stratégies collectives d'action juridique, Mouvements 2003/4 n°29 p49

    10

    précédée par des évènements. L'action dans l'intérêt collectif n'a pas échappé à cette règle : Très tôt, et avant même la date fatidique de 1913, « Les tribunaux ont autorisé successivement les syndicats à ester lorsqu'il s'agissait : 1-de faire respecter par des compagnies de transport les usages généraux de la profession, ... 2-de garantir les intérêts matériels et généraux de la profession, 3-de réprimer les actes illicites commis par des tiers au préjudice des syndiqués ou de faire constater les faits de concurrence déloyale susceptible de nuire au bon renom de la profession ..5-d'assurer l'exécution d'un contrat collectif de travail, négocié par l'entremise du syndicat ...6-d'assurer l'application des lois sur l'hygiène, la sécurité, la protection du travail ».11 L'action est née également dans un contexte agité par des troubles liés à la crise du Vin. Il y'avait une révolte au sud de la France autour de Narbonne qui a précipité les choses. Une Révolte très forte où il y'avait des dizaines de morts en 1905 et l'armée était envoyé pour calmer la rébellion.12 A cette époque révolue, la pratique de coupage du vin à l'eau s'est développée et un syndicat de viticulteurs agit contre un producteur de vin fraudeur. Le syndicat producteur de vin ne défendait pas l'action d'un de ses membres en particulier mais il agissait parce que les règles de la profession ont été bafouillées. Le syndicat agissait ainsi comme un procureur de la république défenseur de l'intérêt général. Le syndicat ne demandait pas une réparation au nom de chacun des viticulteurs lésés mais une réparation au nom du groupe. Une partie de la doctrine très hostile pensait à l'époque que le droit est individualiste et qu'il ne faut pas agir au nom d'un groupe. Et pourtant, la cour de cassation va admettre l'action de ce syndicat de viticulteurs employeurs conseillés par une autre partie de la doctrine. On voit bien que la défense des intérêts de la profession, les règles de l'art et les procédés de fabrication étaient très caractéristiques de l'esprit « corporatiste » de l'époque. Cela confirme les propos du doyen Verdier ; « L'action des syndicats de salariés dérive de l'action syndicale en défense de l'intérêt collectif de la profession initialement crée à l'adresse des syndicats de métier pour lesquels la question d'une reconnaissance institutionnelle ne devait plus se poser ».13

    Intérêt collectif et syndicats de patrons : A la même époque le pas a été emboité à l'occasion d'un arrêt célèbre du Conseil d'Etat, « syndicats de patrons de coiffeurs de limoges » du 28 décembre 1906.14 Ceci montre le rôle important des tribunaux administratif pour reconnaitre l'action.

    11 Pour un aperçu plus détaillé sur les actions avant 1913, V M.George-Cahen, Le droit d'ester en justice des syndicats professionnels, Préc. P 4 et 5

    12 https://francearchives.fr/commemo/recueil-

    2007/39688#:~:text=Le%2011%20mars%201907%2C%2087,qui%20s%C3%A9vit%20depuis%20sept%20ans.

    13 J-M Verdier, Traité de droit du travail sous la direction de Camerlynck, t.5, les syndicats, n°196, éd 1987.

    14 M. Long, P. Weil, G Braibant, P.Delvolé et Genevois, GAJA, 17e éd., Dalloz, 2009, n°17 ; J.-F. Lachaume et H.Pauliat, Droit administratif. Les grandes décisions de la jurisprudence, 14e éd., PUF, p.685.

    11

    Néanmoins, c'est avant tout grâce à la persévérance des syndicats patronaux, très protecteurs de l'intérêt de la profession et assistés par les conseils d'une doctrine militante, qu'on a pu admettre l'existence même de la notion d'intérêt collectif de la profession. Cette notion a permis effectivement aux syndicats d'agir en justice pour défendre un intérêt autre que leurs intérêts propres. Il est important de souligner ce fait lorsqu'on sait aujourd'hui que l'action est mobilisée essentiellement par les syndicats de salariés et que plusieurs employeurs lui sont hostiles.

    Liberté syndicale, personnalité juridique et action en justice : De façon processuelle, la recevabilité de l'action en justice est tributaire de la possession par le demandeur de la capacité juridique d'ester en justice. Une telle capacité n'est pas possible si la liberté de constitution n'est pas reconnue. Liberté, personnalité et action sont de ce fait liés.

    C'est donc à partir de la liberté syndicale et de la reconnaissance de la personnalité morale que s'est ouvert aux syndicats professionnels l'ensemble des prérogatives juridiques à l'instar du droit d'agir en justice. Cette liberté a permis en effet « la constitution des groupements syndicaux selon des modalités peu contraignantes, voire même réduites au minimum. ». 15Et c'est à compter de ce fait juridique que les syndicats ont eu une existence légale. La loi du 12 mars 1920 16 a ainsi « oeuvré à la construction des collectivités de salariés par le droit du travail et a contribué à la naissance et l'identification du groupe tout autant à la défense de ses intérêts »17. C'est également cette loi qui a codifié l'action dans l'intérêt collectif.

    Base légale : L'action dans l'intérêt collectif, aux multiples nominations18, niche aujourd'hui dans l'article L 2132-3 C.T. Cet article est un vestige presque19 intact de son prédécesseur L'article L 41111 C.T issue de la loi du 12 mars 192020, Politiquement, il s'agit de l'une des plus importantes habilitations à agir conférée aux syndicats professionnels pour défendre l'intérêt collectif de la profession, si ce n'est la principale. Cet article, composé de deux alinéas, confère aux seuls syndicats professionnels la possibilité d'exercer la totalité des droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice que soit direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. L'action peut être exercée devant toutes les juridictions à l'instar des juridictions répressives, civiles ou administratives. « Bien qu'indécise (« préjudice direct ou indirect ») et fuyante (« intérêt collectif ») la formule a survécu aux combats qui ont suivi son intégration dans notre droit

    15 Emeric Jeansen, Lexis 360, la représentation syndicale, n°3263. 1.1

    16 L'article L. 411-10 C.T (ancien) devenu L. 2132-1 C.T.

    17 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif - Développements récents. Droit social n°7/8-juillet-Aout 2017. P.631

    18 L'action est nommé tantôt l'action en défense de l'intérêt collectif, parfois l'action dans l'intérêt collectif de la profession ou l'action en justice au nom de l'intérêt collectif, ou l'action dans l'intérêt général de la profession ou l'action « syndicale » ou encore l'action de l'article 2132-3 C.T

    19 A la seule différence de l'expression « relativement aux ».

    20 Loi qui reproduit dans l'article L 411-11 C.T l'essentiel de la solution des chambres réunis du 5 avril 1913.

    12

    positif ».21 Il faut noter que la conformité de l'article 2132-3 C.T à la constitution22 a été examinée à l'occasion d'un contentieux qui a porté sur le repos dominical. La chambre sociale a décidé de ne pas renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité devant le conseil 23estimant que celle-ci « ne présente pas un caractère sérieux »24. Le conseil constitutionnel affirmait dans cette affaire, que l'article 2132-3 C.T découlant de la liberté syndicale ne porte pas atteinte à la liberté personnelle ni au droit et recours effectifs des salariés. Selon certains auteurs « La cour a agrémenté sa motivation d'une référence intrigante à la convention EDH et à la Convention internationale du travail ».25 Cette disposition de l'article L 2132-3 C.T est restée propice à l'interaction entre différents « essences » d'intérêts à vocations collectives.

    L'originalité de la prérogative : Selon un principe général de droit toujours en vigueur, « Nul ne plaide en France par procureur »26. Cela signifie qu'un demandeur ne peut agir que pour défendre ses intérêts personnels. Il n'a donc pas le droit ni la faculté de plaider en faveur d'autrui. L'article 2132-3 C.T constitue cependant une entorse à ce principe de droit. Cet article habilite les syndicats à agir en défense de l'intérêt « du groupe qu'ils représentent ».27 « Cette action montre une forte singularité au regard du droit procédural, dans la mesure où elle constitue un cas exceptionnel dans lequel un groupement est habilité à agir dans un intérêt qui n'est pas le sien propre »28. Ce privilège on peut le justifier par la vocation altruiste du syndicat et sa légitimité à défendre les intérêts de l'ensemble de la profession. « L'enjeu de cette action est qu'elle permet au syndicat d'agir lorsqu'un litige dépasse l'intérêt personnel du salarié et rejaillit sur la collectivité ».29

    Mais qu'est-ce que c'est que cette action dans l'intérêt collectif ?

    L'analyse des termes qui composent cette action est nécessaire avant que nous puissions nous concentrer sur la notion même de l'intérêt collectif.

    L'action en justice : D'après Demolombe, l'action (en justice) est « le droit à l'état de guerre au lieu d'être à l'état de paix ».30 Elle est définie comme étant « un droit subjectif, de nature processuelle,

    21 Serge Guinchard, l'action de groupe en procédure civile française. Préc. pp 603 et s

    22 Particulièrement aux articles 2, 4 et 16 de la DDHC de 1789.

    23 Note Bertrand Inès, Ss. Soc 5 juin 2013, FS-P+B, n°12-27.478, Action syndicale : non renvoi d'une QPC, Dalloz actualité.

    24 Manuela Grévy, Ss, Soc 22 janvier 2014, n° 12-27.478. L'action en justice dans l'intérêt collectif de la profession au coeur de la « saga de l'ouverture du dimanche », RDT 2014. P484

    25 Gatien Casu, La semaine juridique-2dition générale, n°36 - 2 septembre 2013 p 1580

    26 « Nemo legem ignorare censetur ».

    27 Sophie Rozez, préc. p.733

    28 Frédéric Guiomard, « Quelle place faire aux actions de groupe en droit du travail ? » RDT 2014 p 569

    29 Sophie Rozez, préc. p.737

    30 C.Demolombe (1855-1866), cours de Code Napoléon, Paris, t.9, N°338

    13

    permettant d'obtenir d'un juge qu'il statue sur le fond d'une prétention »31 et comme étant aussi « le fondement de la recevabilité des prétentions »32. Mais l'action est avant tout un droit. Un droit « pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée »33. L'action en justice peut, soit être recevable ou être exclue au moyen d'une fin de non-recevoir. La réception de l'action par le tribunal lui ouvre la voie pour être jugée soit bien soit mal fondée 34

    Une action parmi un panel d'action types : Le syndicat dispose d'un panel d'actions en justice qu'il a la possibilité de déployer au cas par cas. Il importe de bien distinguer entre l'action exercée dans l'intérêt « propre » du syndicat ( qu'ils soient patrimonial ou extrapatrimonial (Art 2261-11 C.T), l'action exercée au nom d'un salarié auquel le syndicat se substitue (Action de substitution ), A cela il faut ajouter l'action de groupe dite de discrimination (Art 1134-7 C.T et suivant ), l'action en intervention de l'article 2262-10 C.T et enfin l'action « générique » dite aussi « syndicale » exercée en défense de l'intérêt collectif de la profession (Art 2132-3.C.T).

    Les fonctions de l'action syndicale 35: L'action dans l'intérêt collectif est action multifonctionnelle. L'action dans l'intérêt collectif vise d'abord à défendre le respect des lois de la profession et de manière générale les textes sociaux. Une fonction de veille juridique et sociale sur l'application des règles en vigueurs.

    L'action a pour but aussi d'obtenir la condamnation de l'adversaire (généralement un employeur ou un concurrent) à verser des dommages et intérêts au syndicat qui sera ainsi indemnisé du préjudice direct ou indirect subi par le collectif professionnel.

    Ensuite l'action revêt une fonction répressive puisque le syndicat est considéré comme le procureur de l'intérêt collectif de la profession. La fonction revêt un symbolisme particulier puisqu'elle est monnayée in fine à l'euro symbolique.

    31 Benjamin Rottier, Lexis Nexis, L'action en justice n°3247.p2

    32 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz Corpus 2019 ISBN p.13 n°3

    33 L'article 30 du CPC.

    34 La signification de la recevabilité nous invite à examiner la définition de l'action prévue à l'article 30 CPC. Cette définition nous enseigne que « une prétention est recevable, c'est-à-dire (basée sur une action) est une prétention qui doit faire l'objet d'un examen de fond de la part du juge. Pour autant cette prétention soit recevable ne signifie pas qu'elle sera reconnue bien fondée. Une prétention peut être recevable et, après examen au fond, mal fondée. » In Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz Corpus 2019 ISBN n°5 p.14

    35 Sur les fonctions de l'action syndicale V. Marc Richeveaux, « l'action en justice des syndicats et l'intérêt général » https://www.u-picardie.fr/curapp-revues/root/10/richevaux.pdf p.96

    14

    « L'action est susceptible d'être d'avantage offensives « tribunicienne », l'action peut avoir pour objet principal de constituer un précèdent afin de protéger l'intérêt collectif ou de résoudre une question de principe ou de portée générale intéressant l'ensemble de la collectivité professionnelle »36

    Elle permet ainsi aux syndicats d'affirmer leurs positions juridiques vis-à-vis d'une question qui intéresse la profession entière.37.

    L'exercice de cette action exige deux conditions : d'abord le syndicat doit agir dans l'intérêt collectif de la profession et le préjudice subi doit affecter les intérêts collectifs de la profession.38

    Qu'est-ce qu'une profession ?

    La profession : La « profession » est une notion très liée à l'histoire du droit de travail et à ses « enjeux contemporains »39 mais dont on n'a pas de définition juridique propre.40

    On a souvent tendance à confondre « profession »41 et « métier » bien que l'usage des deux notions puisse être différencié42. Le terme profession remonte en effet à l'édit de Turgot de 1776 qui a anéanti une première fois « les corporations »43 avant qu'elles ne soient définitivement abolis44 par la loi Le Chapelier de 179145. C'est à partir de cette date que les professions ont perdu leur existence juridique et que la revendication au nom d'elles ont été réprimés 46. La profession va être rééditée à la fin de l'empire libéral (second empire) notamment avec l'abrogation de la loi Le Chapelier en 1864 et la promulgation de la loi relative à la création des syndicats professionnels du 21 mars 1884. Cependant,

    36 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif - Développements récents. Préc. P.631

    37 Marc Richevaux, l'action en justice des syndicats et l'intérêt général (référence incomplète) p 97

    38 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand, Cécile Chainais et Lucie Mayer, « Procédure Civile », Hyper cours, 6éme édition, Dalloz 2019 n°116 p.61

    39 Des enjeux de liberté, d'identité et de sécurité selon Pascal Caillaud, Droit social n°2 février 2016, déclin ou renouveau des professions ? p 100.

    41 Une partie de la doctrine s'accorde à définir les professions comme étant« des métiers auxquels est associé un statut, procurant des avantages en terme d'autonomie, de pouvoir, de rémunération, et de prestige », F.champy, la sociologie des professions, Coll. « Quadrige Manuels », PUF, 2009. 31 s.

    42 La profession « désigne aussi bien les activités manuelles que les activités intellectuelles ; elle est employée spécifiquement pour désigner les activités libérales » alors que le métier « renvoie à des considérations matérielles et techniques et est employé pour désigner l'activité des ouvriers et des artisans », Pour mieux saisir la nuance, V Jean-Pierre Le Crom, La profession dans la construction du droit de travail, Droit social n°2 février 2016 p 105

    43 Ce sont des communautés de métiers, appelés aussi Jurandes qui décidait des règles d'entrée dans le métier.

    44 C'est une Loi célèbre qui a « mis fin au monopole des communautés d'art et métiers et qui a démantelé également « tout un maillage de solidarité professionnelles qui s'est érigé au point de former une constitution politique », in Patrick Legros, L'intervention sociale d'intérêt collectif entre action collective et management, Cairn.info pour ERES, Vie sociale- n°/2012 .p 148.

    45 S. L. Kaplan, la fin des corporations, Fayard, 2001, 740 p.

    46 P.Minard, le métier sans institution : les lois d'Allarde, Le Chapelier de 1791 et leur impact au début du XIXe siècle, in S. Kaplan et P.Minard, La France malade de corporatisme ?, Belin, 2004.81-95

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    la base de regroupent des salariés et employeurs va rester imprécise parce qu'elle pourrait concerner la profession, les métiers similaires ou les professions connexes47. On va le voir mais c'est exactement cette notion de connexité qui va amorcer la mutation du syndicalisme en France, d'un syndicat de métier à un syndicalisme de profession. La notion de profession va d'ailleurs être la source de l'une des plus importantes discussions conduisant à la promulgation de la loi relatives à la création des syndicats de 188448. La question se posait à l'époque de savoir si les syndicats étaient aptes ou non à défendre en plus de leurs intérêts propres, les intérêts généraux de la profession. La règle d'interdiction de plaider par procureur invoquée initialement par la chambre criminelle pour refuser cette compétence aux syndicats a été neutralisée plus tard par les chambres réunis de la cour de cassation par le fameux arrêt du 5 avril 1913. Un arrêt précurseur dont l'esprit va être repris par la suite par la loi du 20 mars 1920.

    L'intérêt collectif, une notion complexe : Il est difficile d'avoir une définition qui vaut dans toutes les hypothèses de l'intérêt collectif. La fugacité de la notion et son « évanescence »49 a laissé perplexe plus qu'un auteur. L'expression change un peu de sens selon qu'on l'utilise pour définir des espaces de représentation ou selon qu'on s'en sert pour voir quelles sont les conditions de recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif. Il n'y pas une notion qui vaut tout le temps de l'intérêt collectif ; Par exemple, l'intérêt collectif qui s'incarne dans des communautés de travail (Etablissement, UES . . . etc.) n'a pas d'effet sur l'action dans l'intérêt collectif. L'intérêt collectif au sens des espaces de représentation se distingue donc de l'intérêt collectif au sens de l'action en justice dans l'intérêt collectif. L'action dans l'intérêt collectif se joue donc sur un autre niveau qu'on exposera ultérieurement. La notion d'intérêt collectif est également différente de l'intérêt à agir qui est une condition de recevabilité de l'action en général. Décidément il s'agit d'une notion balise qui sert à plein de choses. Certains auteurs ont à propos pu affirmer que c'est une notion qui « se dérobe à toute définition essentialiste ».50 Une notion qui se conjugue tantôt avec l'intérêt général, tantôt avec l'intérêt individuel. C'est à travers l'examen des obstacles qui se dressent devant elle qu'il nous sera possible d'approfondir son sens précis. La complexité de la notion se matérialise également dans la faculté qu'a l'action dans l'intérêt collectif à couvrir des atteintes indirectes, potentielles et même prospectives. Tout l'intérêt de l'analyse est de réussir à circonscrire cet intérêt dans un cadre perso-spatial qu'on pourra rattacher à un préjudice déterminé. L'analyse de cet intérêt passe donc par une limitation de

    47 Article 2 de la loi 1884.

    48 A propos de la loi de 1884, V : Denis Bardet, Retour sur la loi de 1884 : La production des frontières du syndicat et du politique, Persée, in : Genèses, 3, 1991. La construction du syndicalisme.pp.5-30

    49 F.Guiomard, quelle place faire aux actions de groupe en droit du travail ? , préc, .568

    50 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif, préc. p.632

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    voisinage avec les autres intérêts à savoir ceux de la société (l'intérêt général), ceux du travailleur (l'intérêt individuel), ceux de l'entreprise (l'intérêt sociétal) et ceux de l'institution élus. Cette lecture est brouillée par une mutation récente des intérêts, laquelle est amorcée par la mutation même du droit du travail.

    La mutation des intérêts : La mutation des intérêts a contribué à rendre l'action plus difficile à circonscrire. Les intérêts s'additionnent parfois et leur consistance se confond parfois et se superpose. L'intérêt général mute et détecte des nouvelles fonctions influencées par les nouvelles politiques sociales et législatives51. L'intérêt social (de la société) boussole de l'entreprise présage une évolution subtile et multidirectionnelle amorcée par des nouvelles lois sociales52. L'intérêt individuel, fort de son caractère « égoïste » se cristallise aujourd'hui dans de nouvelles configurations altruistes. L'action dans l'intérêt collectif s'adapte et se réarticule autours de ces nouveaux paramètres. Cette dynamique nous convie à se focaliser sur le périmètre de ces intérêts ainsi que leurs interactions.

    La notion d'intérêt collectif : Cette notion d'intérêt collectif n'a pas été définie par le législateur. Elle est pour-autant primordiale parce qu'elle vectorise l'action exercée dans l'intérêt collectif et conditionne par conséquence sa recevabilité.

    L'intérêt53 collectif, s'analyse comme « un trouble susceptible d'être ressenti par chacun des membres des syndicats et de nuire à la profession entière ».54 L'atteinte à l'intérêt collectif de la profession « De façon synthétique, sera reconnue ... en cas de violation d'une règle causant un préjudice à l'ensemble des salariés ou à une partie d'entre eux ».55 Cet intérêt collectif peut se définir à la fois par un aspect positif et un aspect négatif. On a pu affirmer à propos de cette notion que « Négativement, (elle) ne se confond ni avec l'intérêt général, ni avec les intérêts particuliers de ses membres ou de la victime directe. Pour autant, il peut se cumuler avec eux dès lors que, par définition, toute infraction porte atteinte à l'ordre public, et que toute personne subissant un préjudice personnel en lien direct avec l'infraction peut se constituer partie civile. Positivement, on peut y voir (dans l'intérêt collectif de la profession) une sorte de sous-ensemble de l'intérêt général, plus étroit que ce dernier. En effet, il ne concerne que la collectivité des personnes exerçant la profession pour la défense de laquelle le syndicat est constitué. Par ailleurs, il est plus large que l'intérêt individuel, car il peut exister même si la victime

    51 Cet intérêt général « trouve un nouveau visage sous les traits du bien commun que constitue l'emploi, favorisé par la sécurisation des décisions d'une des parties du contrat de travail », T.Sachs, Quand la sécurité juridique se perd dans l'analyse économique.Dr.soc.2015.1019 in Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif, préc. P.631 et s

    52 Exemple : La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 (Connue sous le nom de Loi Pacte).

    53 Malgré une connotation négative.

    54 Brun et Galland, Traité de droit du travail, 2eme édition, 1977, t, 2, n°808

    55 Marie-Cécile Amuger-Lattes, La semaine juridique Entreprise et Affaire n°50, 14 décembre 2006 La répression continue du harcèlement moral au travail, p.2808.

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    n'est pas membre du syndicat dès lors qu'elle exerce la profession ».56 Nous pensons que cet intérêt est à mi-chemin entre l'intérêt individuel d'une part et l'intérêt collectif d'autre part. Un intérêt collectif (qui) n'est pas en plus équivalent à la somme d'une addition mathématique des intérêts individuels. « La frontière tracée par la jurisprudence entre des intérêts purement individuels et l'intérêt collectif n'est pas toujours convaincante ».57 Il y'a une sorte de porosité presque normale entre intérêt collectif et intérêt individuel qui rend cette notion insaisissable. « Les spécialistes de procédure civile considèrent que cette notion d'intérêt de la profession constitue une pure abstraction dépourvue d'un contenu véritable ».58 A ce stade de réflexion, on peut dire que l'intérêt collectif est « un résultat mathématique d'une solution favorable qui dépasse virtuellement la somme de tous les intérêts individuels additionnés ». On pense que l'intérêt collectif a au moins trois caractéristiques : Il réussit bien à s'adapter, il a une grande facilité à s'identifier et enfin il se conjugue bien au pluriel.

    Droit et organisations syndicales : le rapport entre droit et organisations syndicales et plus précisément le rapport entre actions en justice et organisations syndicales est loin d'être simple. Les profondes évolutions que les organisations syndicales ont subies durant la dernière décennie59 sont évocatrices d'un mouvement alternatif qu'on peut brasser à grand traits.

    « A la méfiance que les syndicats ont longtemps montrée à l'égard du système judiciaire et de l'action devant les tribunaux, semble s'être substitué un usage relativement courant de l'action en justice, désormais intégrée aux stratégies d'action des syndicats ». 60

    L'évolution est rattachable donc au contexte syndical de l'époque.

    D'abord « Les organisation syndicale ont très longtemps considérés avec beaucoup de méfiance l'ordre juridique »61. Dans ce contexte, il convient de rappeler que le conseil des prud'hommes62, reconnu au 19eme siècle, a été pensé comme une institution concurrente aux institutions juridictionnelles « Etatiques ». En raison de cette méfiance63, les organisations syndicales ont opté pour l'action

    56 Cerf-Hollender, Infractions relevant du droit social, Dalloz, Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 2010/4 N°4, p 871.

    57 Sophie Rozez, L'action en justice, action individuelle, action collective, préc. n°796 p.737

    58 J.Héron et T. Le Bars, droit judiciaire privé, Montchrestien, 2002, n°74 in Fréderic Guiomard, La mobilisation du droit dans les luttes, Syndicats, préc, p50.

    59 Précisément, depuis les années soixante-soixante-dix

    60 Fréderic Guiomard, Droit Social 2020, préc. p.130 et s

    61 Fréderic Guiomard, La mobilisation du droit dans les luttes, préc, n°29 p48

    62 Les conseils de prud'hommes sont nés à Lyon en 1806. Ce sont les lois du 15 juillet 1905, 27 mars 1907 et 15 novembre 1908 qui leurs ont conféré leurs forme moderne.

    63 L.Willemetz, Quand les syndicats se saisissent du droit. Invention et redéfinition d'un rôle, Sociétés contemporaines, N°52, 2003.17

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    collective 64 plutôt que pour l'action en justice. Pour témoigner de ce mouvement, un texte65 tiré de la Revue de la vie ouvrière de 1973 et republié par la suite dans la Revue pratique du droit social (écrit spécialement à l'occasion du 60éme anniversaire de la CGT ) est révélateur. L'apparence des préoccupations juridiques dans le mouvement syndical n'étaient pas en effet évidente. Cette apparition s'est opérée d'après ce texte en plusieurs phases. Elle a été initiée d'abord par une vision péjorative du droit et de la justice en général. C'était plutôt un droit qui faisait durer l'exploitation des ouvriers et qui était difficile à défendre par les ouvriers. Les lois « bourgeoises » défendaient uniquement les intérêts du patronat. D'ailleurs c'est pourquoi le texte fait référence à la théorie anarchiste66. L'auteur du texte précise en même temps que la défense juridique peut malgré tout devenir un aspect de la lutte des classes et de conquêtes de nouveaux droits. 67 Le droit n'est pas source de progrès mais il peut le devenir. 68

    Cette première phase est suivie ensuite par une autre qui marque une conception défensive voir passive du recours à la justice.69 Le droit devint un outil dans la lutte des classes. Cependant, lorsque la loi est devenue une source du progrès, celle-ci risquait d'être ignorée et non appliquée par l'employeur. Les syndicats dans ce cas étaient contraints de demander l'application du droit par le biais des actions en justice

    La troisième étape a marqué enfin un passage d'une vision défensive à une vision plus offensive. 70 Il y'avait une prise de conscience de la nécessité d'utiliser le droit afin de faire respecter le droit et surtout afin d'obtenir des nouveaux droits pour le groupe.

    Le développement des stratégies judiciaires : Certaines confédérations syndicales ont commencé assez top à développer de véritables stratégies judiciaires dans l'intérêt collectif de la profession. Les confédérations qui sont à l'origine de ces stratégies sont principalement la CFTC et la CFDT ; La CFDT, depuis les années 60, a compris très vite l'intérêt que les stratégies d'action en justice pouvaient lui apporter. Ce qui lui a permis de réussir à imposer l'application de certaines conventions collectives

    64 L'action collective se définit comme étant « l'ensemble des pratiques coordonnées d'un groupe pour la défense de ses valeurs et de ses intérêt », Pierre ANSART, « Action collective », in André Akoun et Pierre Ansart (dir), dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert/Seuil, 1999, P8

    65 Ce texte est intitulé « Comment sont apparus les préoccupations juridique dans le mouvement syndical français » (introuvable)

    66 L'inverse du droit étant l'absence de droit.

    67 «Nous pensons aujourd'hui que la défense juridique est un aspect de la lutte des classes ».

    68 Dans le quart du 20éme siècle les théories anarchisante étaient influentes dans la classe ouvrières et il y'avait peu de lois sociales à défendre. Cela explique que dans les syndicats, les lois de la bourgeoisie étaient alors globalement tenus comme suspecte voire dangereuses.

    69 « L'évolution est logique, on lutte pour les revendications des travailleurs. La lutte connait des revers mais aussi des succès. Et parfois ces succès donnent lieu à des lois. Le patronat sabote l'application de ces lois. Pour lutter contre lui, il faut aussi l'obliger à respecter ces lois ». Préc.

    70 Il y'avait une réelle volonté de développer une « conception offensive » de l'utilisation de lois sociales.

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    et d'améliorer l'environnement juridique de l'époque à travers des revirements de jurisprudence. Parmi ces stratégies judiciaires, on compte les arrêts Perrier71 en lesquelles la cours de cassation a déduit qu'il y'avait bien un délit d'entrave. Ces actions ont été menées donc par la CFDT mais aussi dans une moindre mesure par la CGT. Ces arrêts étaient perçus comme une grande victoire de l'action syndicale. Ces actions syndicales étaient en fait appuyées par plusieurs universitaires tel que le doyen Verdier qui a joué entre-autre un rôle important dans l'accomplissement de ces revirements. Quant à la CFTC elle avait recours à une stratégie assez particulière qui consistait en effet à aller sur le domaine du pénal. 72 L'époque était particulièrement propice au renforcement de l'arsenal des actions ainsi que les sanctions pénales susceptibles d'être prononcés à l'encontre des employeurs. Le mouvement était mal perçu par ces derniers à tel point qu'on a utilisé le terme de « Juges rouges » pour désigner les magistrats particulièrement sensibles à la question sociale.

    Stratégies récentes d'action dans l'intérêt collectif : Récemment encore, on voit qu'il y'a certaines thématiques qui sont au coeur de ces stratégies syndicales parfois sur le long terme73

    Comme à l'occasion du contentieux sur le respect du « Contrat de nouvelle embauche », des dispositions de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail 74 ou sur la discrimination au travail.

    La mobilisation de la prérogative : Marque d'une exponentielle évolution, l'exercice de l'action s'est opéré sur plusieurs niveaux75. L'évolution de cette mobilisation peut se lire comme le signe d'une réelle souffrance syndicale selon certains auteurs. 76 On se demande si elle n'est pas, en fait « en trompe-l'oeil » ?77 . On se demande à notre tour si elle ne sert pas en effet à faire la promotion

    71 Cass, Ch. MIXTE, du 21 juin 1974, Publiés au bulletin, arrêts dans lesquels il était question de représentants du personnel et différents employeurs. L'employeur de la société Perrier avait décidé de résilier le contrat de ces représentants- salariés mandaté, il avait fait une demande de résiliation judiciaire sans demander au préalable l'accord de l'administration.

    72 Ce n'est pas pour rien qu'à l'époque on parlait de pénalisation du droit du travail, notamment par le biais du délit d'entrave. Les arrêts Perrier s'inscrivent donc dans la continuité du mouvement de pénalisation du droit du travail comme par exemple la loi de 1972 qui a modifié le régime applicable aux sanctions du droit de travail.

    73 J.-P. Murcier, La stratégie judiciaire de la CFDT. Une stratégie pour les temps, Action juridique CFDT, n° 4, juillet-août 1978.

    74 Soc. 1er juill. 2008, no 07-44.124, Bull. civ. V, no 146.

    75 « Les actions syndicales paraissent se déployer aujourd'hui à tous les niveau, que ce soit dans l'entreprise, la branche , le niveau interprofessionnel et, de façon croissante à une échelle internationale, devant la cour européenne des droits de l'homme, le comité européen des droits sociaux ou devant l'OIT » in Fréderic Guiomard, Droit Social 2020.préc. p.130 et s

    76 « La multiplication, dans la période récente, de procédures médiatisées par les confédérations syndicales pourrait même parfois laisser craindre que l'action en justice ne masque les difficultés de l'action juridique au quotidien dans l'entreprise » in Fréderic Guiomard, préc. p.130 et s

    77 Fréderic Guiomard, préc, p.130 et s

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    auprès de salariés de plus en plus désintéressés par le monde syndical ? La place décadente du syndicalisme dans l'entreprise ainsi que les difficultés rencontrées par les organisations syndicales

    pour recruter sont susceptibles de soulever des questions sur la légitimité de cette action, et d'encourager inclusivement la recherche de nouvelles voies revendicatives. Le rôle grandissant dévolu aussi bien à la négociation collective qu'aux élections professionnelles dans l'attribution des prérogatives syndicales, permet de soulever des questions relatives aussi à la qualité des acteurs investis dans la mission de défense de l'intérêt collectif.

    L'intérêt du sujet : Mais pourquoi intéressons-nous à cette action ? On l'a vu, l'action dans l'intérêt collectif est la première prérogative historiquement, qui caractérise un pouvoir de représentation du syndicat qui dépasse ses membres. C'est la prérogative qui traduit un pouvoir de représentation dans un intérêt collectif. C'est la Jurisprudence qui a délimité cette action dans l'intérêt collectif et qui a donc peu à peu déterminé ce qu'est l'étendu du pouvoir de représentation des syndicats. En tant que l'un des pylônes du droit social, l'action syndicale en justice, est examinée de manière théorique et assez attentive par la doctrine travailliste. Feux J-Maurice Verdier l'avait qualifié de « vielle Lune » dans l'un de ses derniers articles. 78 Si l'action en justice parait protégée législativement à travers un panel non négligeable de formes79, son expansion a été ralentie ces dernières années à la fois par une collection nouvelle d'intérêts et d'acteurs et par l'émergence de nouveaux types de contentieux.

    La « question de la recevabilité des prétentions des groupements vindicatifs est une des plus agitées du droit d'agir »80. L'intuition nous poussera à explorer la relation entre un freinage ressenti et un mouvement global de mutation sur le point de survenir. L'action juridique demeure malgré tout un sujet fondamental dans la discipline du droit du travail. Elle constitue une voie inéluctable pour défendre les droits.

    La garantie des droits et la lutte sociale n'ont jamais été une tâche facile, à cause du lien sensible de subordination juridique.

    On s'y intéresse donc à cette action parce que son exercice est un levier important de progrès social dans un contexte mondial déconstructiviste des droits.

    L'action dans l'intérêt collectif est un moyen de lutte « à chaud ».

    78 13-Frederic Guiomard, Droit Social 2020 « l'action en justice des syndicats dans l'entreprises : vielle lune, toujours actuelle ? p.130 et s

    79 Tel que l'action dans l'intérêt collectif de la profession, l'action en substitution, l'action de groupe... etc.

    80 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, préc, p 191.

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    On pense que l'exercice de l'action dans l'intérêt collectif est, néanmoins, le signe de la bonne santé d'un système juridique.

    Du reste, L'article 2132-3 CT, très stable dans le temps a été le terrain et la base légale d'un contentieux qui a vu s'entremêler plusieurs catégories d'intérêts. L'action syndicale est l'archétype d'une représentation au contentieux de type théâtral. Une représentation qui habilite tout syndicat, représentatif ou non à défendre les intérêts supérieurs de la profession, métier ou branche. Il convient de s'interroger dans ce travail sur le régime juridique de cette action à travers les conditions qui permettent son exercice. La casuistique et les domaines de sa recevabilité devant les juridictions vont nous donner une idée précise sur la place réservée au collectif et sur la conception jurisprudentielle de la notion d'intérêt collectif.

    L'analyse des actions exclues par la jurisprudence se trouvant à la crête des actions admises nous permettra de s'interroger en plus sur le mouvement que cette action est en train d'emprunter. Est-il encore un mouvement d'expansion continue ou au contraire s'agit-il d'un mouvement qui tend vers le déclin ou la réinvention ?

    Outre le régime juridique et la tendance, il convient de s'interroger aussi sur les raisons qui ont poussé l'action dans l'intérêt collectif à évoluer voire à muter ?

    L'occasion sera propice par conséquence pour situer le centre de gravité de l'intérêt collectif et de déterminer le cas échéant sa consistance ?

    L'examen de la jurisprudence nous permet de constater que l'action « syndicale » a connu un mouvement d'extension continue et multidirectionnel depuis sa naissance en 1913. Il y'avait effectivement une longue tradition jurisprudentielle qui tendait à élargir cette action. « La cour de cassation a ces dernières années de manière remarquable donné à ce texte (2132-3C.T) une grande portée »81.Une orientation jurisprudentielle « en parfait adéquation avec le concept inédit d'action en justice résultant de la loi de 1920 ».82

    Cet élargissement est perçu à travers des règles d'exercice facilité qui ont donné lieu à des hypothèses de recevabilité assez étendus.

    L'action est devenue tentaculaire et à la limite de l'incontrôlable d'un certain point de vu.

    81 Manuela Grévy, Ss, Soc 22 janvier 2014, n° 12-27.478. L'action en justice dans l'intérêt collectif de la profession au coeur de la « saga de l'ouverture du dimanche », RDT 2014. P486

    82 Obs G.Borenfreund, RDT 2007.536

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    Cependant on pressent ces dernières années une tendance jurisprudentielle et législative pour contrecarrer cette expansion et la contrarier83.

    Son champ d'action est méthodiquement inhibé. Sa déconstruction est perceptible à plus d'un titre. L'irrecevabilité récente de certaines prétentions concomitantes à l'entrée en jeux d'acteurs et de nouvelles actions a affaibli l'action dans l'intérêt collectif. L'ouverture de l'action aux syndicats non représentatifs dérange de plus en plus. On observe un mouvement à contrepied d'une vertu annoncée.

    Si la jurisprudence n'a pas changé de façon assez nette sa trajectoire, elle semble être pour-autant sur le point de prendre un virage décisif qui pressent une mutation de fond.

    L'essor vénéré de la négociation collective, la remise en cause de condition de représentativité, la déjudiciarisation du droit social, la dépénalisation du droit84, l'émergence de l'action de groupe, la dichromie de la représentation, la cristallisation des intérêts individuels, l'activation de nouveaux acteurs et problématiques ont contribués au freinage de l'action dans l'intérêt collectif. Le destin de l'action dans l'intérêt collectif est scellé.

    L'action est contrainte de muter à travers de nouvelles jonctions et articulations.

    Nous allons montrer dans une première partie comment cette action a été pendant longtemps en expansion tentaculaire à travers des conditions d'exercice facilitées qui ont favorisé sa recevabilité dans des domaines étendus et devant des juridictions multiples (partie première).

    La deuxième partie sera consacrée par contre à la démonstration du freinage ressenti qu'on voit bien à travers des cas récents d'irrecevabilités et une concurrence montante induite à la fois par des actions et acteurs rivaux (deuxième partie).

    83 Cyril Wolmark, préc, p.631

    84 Sur la dépénalisation V. M.Segond, A propos de la dépénalisation : pour un débat juridique et non point idéologique : RDT 2012, p.404

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    Première partie : Une action en expansion

    L'action dans l'intérêt collectif a connu une expansion continue parce que d'une part ses conditions d'exercice sont facilités (section 1) et parce que d'autre part sa recevabilité couvre un champ très étendu (section 2).

    Section 1 : Des conditions d'exercices facilités

    L'exercice de l'action dans l'intérêt collectif est extrêmement impacté par les dispositions du droit privé régissant l'action en justice. « Techniquement, la sélection des bonnes prétentions, qu'elles soient ou non fondées en droit, s'opéré aux moyens de fins de non-recevoir ».85

    L'examen des exigences concrètes d'exercice de l'action dans l'intérêt collectif montre une grande souplesse des conditions, à la fois procédurales (sous-section 1) et statutaire (sous-section 2) nécessaires à son admission.

    Sous-section 1 : Les conditions procédurales de recevabilité

    Les syndicats professionnels qui remplissent les conditions relatives au droit d'agir (paragraphe 1) disposent de plusieurs voies pour engager l'action dans l'intérêt collectif de la profession (paragraphe

    2).

    Paragraphe 1 : Les conditions relatives au droit d'agir :

    Il est important de noter que l'accès à la justice dépend essentiellement du droit processuel en sa

    globalité.

    Le fondement du droit d'agir a été consacré par les articles 30 et suivants du code des procédures civiles.

    Selon l'article 30 CPC, le droit d'agir est le droit de soumettre une prétention au juge pour qu'il la dise bien ou mal fondée.

    « Ce droit n'est cependant pas absolu car le code de procédure civile institue des filtres permettant de sélectionner, parmi les prétentions soumises au juge, quelles sont celles qui méritent de faire l'objet d'un tel examen » 86

    85 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz Corpus 2019 ISBN n°9 p.15

    86 Dalloz actualité, 22 septembre 2017, Mehdi Kebir « Syndicat : recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif » Soc. 7 sept 2017, FS-P+B, n°16-11.495.

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    « N'importe qui n'a pas le droit de demander n'importe quoi n'importe quand à un juge » écrivaient Cornu et Foyer 87

    Pour que l'action en défense de l'intérêt collectif puisse être accueillie par le juge, des conditions tenant à la fois de l'intérêt à agir (sous paragraphe 1) et à la qualité d'agir sont requises (sous paragraphe 2).

    Sous paragraphe 1 : L'intérêt à agir

    « Les rapports entre intérêt à agir et qualité à agir sont subtils ».88

    La qualité de syndicat professionnel n'est pas toujours suffisante pour agir en justice. Encore faut-il que le groupement ait intérêt à agir.

    L'intérêt, en principe implique qualité à moins que « la loi (a) fait attribution exclusive du droit d'agir à des personnes qualifiées, c'est-à-dire désignés par le législateur ».89

    Cette notion est énigmatique et complexe. On a envie à son propos d'emprunter la maxime de Pascal : « son centre est partout et sa circonférence nulle part ».

    L'action dans l'intérêt collectif « repose sur une dissociation de l'intérêt à agir de celui protégé par l'action, les deux ne se confondent pas ».90 En d'autres termes la notion d'intérêt à agir est différente de la notion d'intérêt collectif.

    Mais que veut-on dire par là ?

    La référence à l'article 31 CPC est nécessaire pour écarter la confusion.

    Cet article dispose que « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ».

    « Si la recevabilité posait vraiment un problème d'intérêt, celui-ci dépendrait en définitive du juge, et la prétention serait recevable à condition que le juge lui-même voie un intérêt à ce qu'elle le soit »91

    87 G. Cornu et J.Foyer, Procédure civile, 3eme éd, PUF, 1996, p.322.

    88 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand, Cécile Chainais et Lucie Mayer, « Procédure Civile », Hyper cours, 6éme édition, Dalloz 2019 n°83 p.51

    89 Serge Guinchard, Droit et pratique de la procédure civile, droit interne et européen 2017-2018, Dalloz Collection, Dalloz Action 9e édition p.5

    90 H.Moltusky, principes d'une réalisation méthodique du droit privé, Paris, Dalloz, 2002 (1948), p.38

    91 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz Corpus 2019 ISBN p.116

    25

    « L'exigence de légitimité de l'intérêt, qui figure aujourd'hui dans l'article 31 CPC est, en effet comprise en jurisprudence comme l'autorisation donnée au juge de porter un jugement de valeur sur le recours fait à la justice ».92

    Cet intérêt s'apprécie à la date d'introduction de l'instance et son défaut implique une fin de non-recevoir qui peut être invoqué en tout état de cause et peut toujours être révélée d'office par le juge93

    Sous paragraphe 2 : La qualité pour agir

    « La possibilité d'agir pour la défense des intérêts repose sur deux justifications en particulier : la représentation et la qualité ».94

    « Par qualité à agir, on entend le titre juridique conférant la prérogative légale de l'action en justice, conférant le droit de solliciter du juge l'examen de sa prétention ».95

    « En principe, la qualité, titre donnant la prérogative de l'action en justice, découle de l'existence d'un intérêt à agir. Mais il n'en est pas toujours ainsi ... (parfois) la qualification à agir par la loi procède d'une extension du droit d'agir au-delà des cas où il existe un intérêt personnel à agir ».96

    La question de la qualité à agir en défense d'un intérêt autre qu'individuel s'est posée de manière différente pour les Syndicats professionnel et les associations.

    La qualité d'agir d'un Syndicat professionnel : Il résulte des dispositions de l'article 2132-3 C.T que l'action dans l'intérêt collectif de la profession n'est praticable que par un syndicat professionnel sans distinguer qu'il soit un syndicat de salariés ou un syndicat d'employeur.

    Il est nécessaire aussi que le groupement soit un « syndicat professionnel » pour prétendre disposer de la qualité requise par les principes de procédures civiles.97

    L'action en justice est ouverte également aux syndicats dits « primaires » ou aux unions de syndicats sous réserves des conditions statutaires définissants leurs périmètre professionnel et territorial.

    Par extension jurisprudentielle de l'habilitation législative résultante de l'article 2132-3 C.T98, la

    92 Serge Guinchard, Droit et pratique de la procédure civile, préc. p.14

    93 Art 125, al 2 CPC

    94 « Les actions en justice au-delà de l'intérêt personnel », préc. p.27

    95 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand, Cécile Chainais et Lucie Mayer, préc, n°83 p.51

    96 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand, Cécile Chainais et Lucie Mayer, préc, n°99 p.55

    97 V. Crim 14 juin 2000, n°99-86.810, Bull. crim n°220 ; Dr. Soc 2000.1017, obs.Savatier ; D.2001 Somm. 822, obs. Tissandier.

    98 Cette habilitation limite la recevabilité de l'action en principe aux seules infractions pénales.

    26

    qualité d'agir est reconnue même en absence d'infraction pénales.

    Le syndicat est qualifié donc pour agir devant les juridictions pénales, civiles, administratives, européennes et internationales.

    La qualité d'agir « discutée » d'une association en défense de l'intérêt collectif :99

    « Très tôt, la question s'est posée de savoir si l'association pouvait agir en justice afin de défendre l'intérêt collectif qu'elle s'était donné mission pour protéger ».100

    Au début du dixième siècle, la jurisprudence s'est montrée réticente à leur égard.

    Elle a jugé en effet qu'ils n'avaient la possibilité d'agir qu'en étant munies d'une habilitation législatives expresses. 101

    La cours de cassation avait admis l'action en défense de l'intérêt collectif de la profession seulement aux syndicats parce qu'à l'époque on observait une unité du monde syndical. Dès lors qu'il y'avait une unité du monde syndical, il était beaucoup plus facile pour la cour de cassation de considérer que les syndicats étaient les représentants naturels et unique de la profession. Ce qui n'était pas le cas dans le monde associatif non syndical et précisément les associations non syndicales.

    Action dans l'intérêt collectif et absence de condition de représentativité : L'article 2132-3 C.T, n'exige pas que le Syndicat soit représentatif pour lui reconnaitre le pouvoir d'ester en justice. Aucune condition relative à la majorité n'est exigée non plus. Les Syndicats non représentatifs au sens de la loi de 20 août 2008 ont donc aussi le droit d'agir pour contester toute atteinte portée à l'intérêt collectif de « la profession » qu'ils « représentent ».102 Ainsi comme l'a indiqué J.-M. VERDIER, « la qualité du syndicat pour agir est fondée sur sa fonction représentative de la profession ».103

    Si à l'époque on n'a pas réservé cette action qu'aux seuls syndicats représentatifs c'est tout simplement parce que la notion de représentativité n'existait pas en 1913. La notion de représentativité n'a été posée qu'ultérieurement dans le traité de Versailles de 1919. En 1913, il y'avait déjà un certain pluralisme dans le monde associatif non syndical, chose qui n'existait pas en droit syndical. C'est ce qui explique qu'aujourd'hui certains auteurs104 se demandent si on ne devrait pas finalement

    99 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand, Cécile Chainais et Lucie Mayer, « Procédure Civile », préc, n°118. P.61

    100 « Les actions en justice au-delà de l'intérêt personnel », préc, p.171

    101 Cass, ch. réun, 15 juin 1923 ; S.1924.I.49, rapp.A.Boulloche, note E.Chavergrin ; DP 1924.I.153, conc.Mérillon, note L.Rolland

    102 Ex : Soc. 12 juill. 2006, n° 05-60.353, Bull. civ. V, n°252 ; JCP 2006. II. 1086, note Duquesne.

    103 J-M Verdier, traité de droit du travail. Préc, n° 214 p 656.

    104 Fréderic Guiomard, La mobilisation du droit dans les luttes, Syndicats, préc, n°29 p51.

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    restreindre la prérogative d'exercer l'action en défense de l'intérêt collectif de la profession aux seuls syndicats représentatifs ayants une certaine légitimité.

    A l'instar de la notion d'intérêt collectif, la représentation des salariés et l'idée même de la représentation ont été approfondis par la doctrine. 105 Le syndicat n'est pas le mandataire légal des intérêts des personnes qu'il est censé représenter. Il a cependant la capacité d'amplifier la parole de la profession à travers ce qu'il estime être comme l'âme du collectif, ses lois, ses valeurs et normes communes.

    La représentativité de l'acteur syndical, pose également la question de pluralité de l'intérêt défendu. Si la pluralité des acteurs pouvait être admise pour porter conjointement la voix de l'intérêt collectif, il serait indispensable de maitriser la manière avec laquelle cet intérêt s'exprime lorsque les salariés sont entrainés dans des situations qui mettraient en cause leur santé, sécurité ou conditions de travail par exemple.

    L'ouverture de l'action dans l'intérêt collectif est visible à travers la souplesse d'autres conditions d'exercice.

    De l'absence de la condition d'ancienneté : La jurisprudence postérieure à la loi du 20 août 2008, ne requière pas l'ancienneté minimale des deux ans nécessaires pour être représentatif. Un syndicat très jeune par exemple a donc la possibilité d'agir pour défendre l'intérêt collectif de la profession et exercer les diverses prérogatives syndicales. 106

    Après la loi du 20 août 2008, la Cour de cassation a précisé qu'il n'est pas exigé que le syndicat qui agit dans l'intérêt collectif remplisse la condition d'ancienneté des deux ans, requise pour être représentatif et exercer certaines prérogatives.

    En revanche, l'existence d'adhérents dans l'entreprise serait une condition pour agir107. C'est effectivement une condition retenue par la chambre sociale dans le contentieux électoral.

    Le respect des valeurs républicaines : Le syndicat doit satisfaire en outre aux conditions relatives au respect des valeurs républicaines et d'indépendance. Il n'en demeure pas moins que de telles conditions ne résultent pas des textes108. Cette condition est indissociable de la conception du

    105 Sur cette notion, V G.Borenfreund, la représentation des salariés et l'idée de représentation, Dr.soc.1991.685.

    106 Cass. Soc. 10 mai 2012, n° 11-60.152, inédit.

    107 PÉCAUT-RIVOLIER et STRUILLOU, Chronique des jurisprudences sur la représentation du personnel, Sem. soc. Lamy no 1560, 12 nov. 2012, p. 6

    108 Selon la position commune du 9avril 2008, ce principe implique le respect de la liberté d'opinion, politique, philosophique ou religieuse ainsi que le refus de toute discrimination, de tout intégrisme et toute intolérance.

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    syndicalisme en France. On peut s'interroger sur le sort de l'action en justice dans l'intérêt collectif exercée par un syndicat non indépendant ou qui ne respecte pas les valeurs républicaines. L'appréciation de ce critère se fait selon une jurisprudence de 2010 au regard de l'action réelle du syndicat, peu importe à cet égard les mentions figurants dans les statuts. 109La recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif dépend à notre avis du contexte de son introduction. Elle est irrecevable si elle a pour but de défendre des valeurs non républicaines. Au contraire elle est recevable si elle a pour but de défendre l'intérêt collectif de la profession.

    Paragraphe 2 : La diversité des voies d'action

    Les voies et modalités d'exercice110 de l'action dans l'intérêt collectif sont extrêmement variées. D'abord, l'action est possible devant toutes les juridictions qu'elles soient de l'ordre judiciaire (civil et pénale) ou administratif. L'action peut être engagée contre des textes (ex : action d'annulation de texte ou règlement, recours pour excès de pouvoir contre des circulaires111) C'est l'exemple type de la défense de l'intérêt collectif par la défense du droit.

    Le syndicat ou l'union de syndicats peuvent aussi agir par voie d'action ou par voie d'intervention devant les juridictions civiles.

    Enfin, l'action peut revêtir la forme d'une demande de constitution de partie civile devant les juridictions pénales.

    Le principe étant le même, les développements qui vont suivre seront consacrés essentiellement au régime juridique des deux principales voies d'exercice de l'action à savoir l'action principale ou d'intervention devant les juridictions civiles d'une part (sous paragraphe 1) et la constitution de partie civile devant les juridictions pénales d'autre part (sous paragraphe 2).

    Sous paragraphe 1 : Devant les juridictions civiles

    Devant les juridictions civiles, l'action dans l'intérêt collectif de la profession est exercée par le syndicat soit par voie d'action principale soit par voie d'intervention.

    109 CASS Soc. 13 octobre 2010, Note, J.P.D, Droit ouv, 2010 n°749

    110 Marc Richevaux, préc, p.98

    111 Ex : CE, 7 juillet ,1978 et 24 juillet 1978 D.O., 79, p24 et 25

    29

    La voie d'action : L'action appartient à la partie qui l'engage principalement. C'est-à-dire que « Dans ce cas le syndicat est le demandeur principal ».112

    Le syndicat a la possibilité d'emprunter cette voie pour demander la réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif.

    En pratique, il est très recommandé de mentionner le fondement légal dans l'acte introductif adressé à la cour, même si son oubli est sans incidence sur la recevabilité de la demande. Du reste, ce sont les articles relatifs à la responsabilité civile qui fondent en principe la demande.

    Enfin, le syndicat est susceptible d'être recevable devant le tribunal de commerce ou le juge des référés.

    La voie d'intervention : En droit des procédures civiles, l'intervention consiste pour un tiers ayant intérêt dans un litige, à demander de « rendre partie au procès engagé entre les parties originaires »113.

    L'intervention est « volontaire » si elle provient du tiers lui-même. Et elle est « forcée » si le tiers est mis en cause par l'une des parties.114

    L'intervention volontaire peut être « principale » comme elle peut être « accessoire ».

    L'intervention est « principale » lorsque l'intervenant présente en son nom propre une demande complémentaire.115 En revanche elle est « accessoire » lorsqu'elle a pour objectif de venir en aide à l'une ou l'autre des parties originaires dans la prétention.116

    L'action dans l'intérêt collectif en intervention117, est donc une action (accessoire ou principale) en soutien de l'action principale du salarié au cours de laquelle le syndicat va pouvoir développer ses propres arguments.

    En conséquence « La demande du syndicat ne se greffe pas sur celle du salarié demandeur car il y'a deux demandes principales concomitantes »118.

    112 Marc Richevaux, préc. p.98

    113 Article 66 alinéa 1 CPC.

    114 Article 66 alinéa 2 CPC.

    115 Article. 329 CPC.

    116 Article. 330 CPC.

    117 C'est un type particulier d'intervention volontaire.

    118 Marc Richevaux, préc. p.98

    30

    Elle est donc indépendante de l'action principale, elle ne suit pas son sors puis qu'elle est engagée au nom de l'intérêt collectif de la profession qu'elle entend défendre.119 Celle-ci « sera formée sur simple demande dans laquelle seront exposés les buts et les moyens de l'intervention. Elle peut être présentée sans forme »120 .

    Son exercice par les syndicats peut s'effectuer en première instance comme en appel et ce à condition que le litige ne soit pas nouveau 121.

    Autre signe de l'ouverture continue de l'action dans l'intérêt collectif : la chambre sociale a considéré que l'intervention syndicale dans un procès n'est pas constitutive d'un abus du droit d'agir en justice.

    En l'espèce, le syndicat ayant été condamné pour intervention abusive devant les prud'hommes sur la base de l'article 2132-3 C.T.122

    Sous paragraphe 2 : La constitution de partie civile

    Rappelons d'abord que « La partie civile est la personne qui s'estime victime d'une infraction pénale et qui intervient dans une procédure afin d'obtenir une indemnisation de son préjudice corporel, moral ou portant sur ses biens ».123

    La possibilité pour une personne morale de se constituer partie civile ne pose, en principe, aucune difficulté du moment où cette personne prouve, conformément aux exigences de l'article 2 CPP, qu'elle a subi « personnellement » un préjudice causé « directement » par l'infraction objet des poursuites.

    Cependant le législateur ainsi que la jurisprudence ont habilité certaine personne, à l'instar des syndicats professionnel, à exercer les droits reconnus à la victime sans qu'ils soient obligés de prouver ce type de préjudice. L'article 2132-3 C.T en est une parfaite illustration.

    Cet article donne en effet exceptionnellement aux syndicats professionnels, ayants la garde des intérêts collectifs, la possibilité d'exercer devant les juridictions répressives, les droits réservés à la partie civile

    119 Soc. 25 oct. 1961, Bull. civ. IV, no 894 ; D. 1962. 3, note Verdier ; Dr. soc. 1962. 229, obs. Savatier.

    120 Article 516-7 C.T

    121 V. à propos d'une intervention principale dans l'intérêt collectif de la profession en cause d'appel, Soc. 7 juill. 2004, n° 02-40.955, Bull. civ. V, n° 202 ; Dr. ouvrier 2005. 277, et GOUEL, Intervention pour la première fois en cause d'appel, Sem. Soc. Lamy n°1180, 6 sept. 2004, p. 12

    122 Soc. 20 avr. 2005, no 03-41.521, inédit.

    123 https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1454

    d'une infraction à condition qu'un préjudice direct ou même indirect soit porté à l'intérêt collectif. Ce privilège est basé sur une habilitation légale de représentation des intérêts collectifs de la profession.

    « Les ordres professionnels, institués par la loi, ont également reçu, dans des termes proches124, le droit d'exercer les droits de la partie civile en cas d'atteinte aux intérêts généraux de la profession qu'ils défendent ».125

    C'est l'existence du préjudice qui donne le droit du syndicat d'agir. Ce préjudice ne résulte pas, en principe de la mise en examen d'un seul membre de la profession126 et ne devrait pas se confondre en outre avec l'atteinte portée à l'intérêt individuel des membres.127

    Ce préjudice peut être direct ou indirect « éventuels et même futur »128

    La jurisprudence s'est montrée assez ouverte à l'accueil de l'action civile devant les juridictions répressives en cas d'absence d'une reconnaissance expresse d'une telle action ou quand cette action est limitée à des infractions bien précises.

    Ainsi l'infraction de port illégal de la robe d'avocat a autorisé la constitution de partie civile de l'ordre des avocats.129

    La constitution de partie civile des fédérations sportive professionnelles missionnés pour faire respecter les règles technique et déontologique relatives à la discipline sportive pratiquée a été jugée aussi recevable.130

    Ensuite, lorsque les textes pénaux sont violés par l'employeur, les syndicats ont la possibilité de provoquer l'action publique contre lui devant les juridictions répressives.

    124 Ex : L'article 8 de la loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

    125 Frédérique Agostini, Les droits de la partie civile dans le procès pénal, Rapport 2000 Etudes et documents de la cours de cassation sur le thème de la protection de la personne.p5

    126 Crim. 16 février 1999, n° 98-81.621, Publié au bulletin

    127 Crim.11 mais 1999, n° 97-82.169, Publié au bulletin

    128 Y.M.Serinet, comparaisons des actions à caractère collectif en procédure civile et en droit du travail, in M. Keller direction, procès du travail, Travail du procès, LGDJ, 2008

    129 Crim. 5 nov.1997, n° 96-86.380, Publié au bulletin

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    130 Crim.15 mai 1997, n° 96-81.496, Publié au bulletin

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    Ils ont « pour cela deux moyens (sont) à (leurs) disposition : la citation directe et la plainte avec constitution initiale de partie civile »131.

    « Pour mettre en mouvement l'action publique, la constitution doit être écrite et faite dans des termes qui manifestent sans équivoque l'intention de se porter partie civile »132.

    Enfin il convient de souligner que « la jurisprudence traite de manière différente l'action émanant de syndicats ouvriers et celle émanant de syndicats patronaux ; l'action patronale est déclarée le plus souvent irrecevable tandis que l'action ouvrière rencontre un accueil beaucoup plus favorable 133 ».

    Sous-section 2 : Les conditions statutaires

    La recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif dépend des pouvoirs de représentation (Les mandats) stipulés dans des statuts régulièrement déposés (Paragraphe 1).

    Elle dépend également du respect du principe134 de spécialité (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Le dépôt des statuts

    Le dépôt des statuts est une formalité obligatoire pour acquérir la personnalité juridique qui est une condition nécessaire pour bénéficier de la capacité juridique d'ester en justice.

    Les statuts régulièrement déposés (sous paragraphe 1) définissent, le cas échéant, les pouvoir de représentation légale du syndicat (sous paragraphe 2).

    Sous paragraphe 1 : La régularité du dépôt

    « Comme toute personne morale, les syndicats professionnels peuvent agir en justice dès lors qu'ils ont réalisés les démarches relatives au dépôt de leurs statuts en mairie ».135

    La formalité du dépôt des statuts ainsi que les noms des chargés de l'administration du syndicat professionnel est organisée à l'article 2131-3 C.T

    Ce dépôt est effectué dans les registres de la mairie du lieu d'établissement du syndicat. 136

    131 Béatrice Lapérou-scheneider, LexisNexis Encyclopédies, Synthèse-action publique et action civile n°50

    132 Frédérique Agostini, Les droits de la partie civile dans le procès pénal, Rapport 2000 Etudes et documents de la cours de cassation sur le thème de la protection de la personne.p2

    133 Marc Richevaux, préc, p196

    134 « Le principe de spécialité qui régit les personnes morales se traduit par une forme d'incapacité de jouissance, dont le périmètre est variable selon le type de la personne morale » : Michel Storck, Synthèse Capacité, représentation Lexis 360

    135 Chronique le monde, L'action en justice des syndicats est-elle illimitée ?, Cabinet Flichy Grangé. https://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/04/25/l-action-en-justice-des-syndicats-est-elle-illimitee_4908349_1698637.html

    136 Article R.2131-1 alinéa premier.

    33

    En pratique, la procédure est assez simple à accomplir. Il suffit de déposer deux exemplaires.137

    Après l'accomplissement de la formalité du dépôt, un récépissé est délivré au déposant, avec un numéro d'enregistrement du syndicat. Ce récépissé apporte la preuve que la formalité du dépôt a été accomplie. Le dépôt des statuts, ainsi que le nom des administrateurs et la délivrance du récépissé seront mentionnés sur le registre municipal des syndicats. 138

    Un exemplaire des statuts est transmis par le maire au Procureur de la République, qui vérifie que les conditions légales ont bien été remplies.139 Les syndicats de fonctionnaire ont également la charge d'informer leur hiérarchie. 140

    Si aucun délai n'est exigé par la loi pour effectuer le dépôt des statuts, cette formalité reste néanmoins déterminante pour acquérir la personnalité juridique laquelle est nécessaire pour agir en justice. La recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif en dépend puisque les syndicats ont « la capacité d'ester en justice dès lors qu'ils ont satisfait à cette formalité légale. » 141

    L'accomplissement de cette formalité doit s'effectuer au plus tard à la date de l'introduction de l'action142 et au plus tard à la date de l'audience si c'est une action en soutien d'une action principale.

    Sous paragraphe 2 : La représentation légale (Le mandat)

    La recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif dépend des stipulations statutaires qui déterminent éventuellement le pouvoir de représentation habilitant le syndicat à agir.

    En général, « Le représentant d'un syndicat en justice doit, s'il n'est pas avocat, justifier d'un pouvoir spécial ou d'une disposition des statuts l'habilitant à agir en justice »143.

    Il convient dès lors de distinguer entre l'hypothèse d'existence de stipulations statutaires envisageant l'action syndicale et l'hypothèse d'absence d'une telle stipulation dans les statuts.

    137 Circulaire du 25 aout 1884, JO 28 aout, reproduit Dr. Ouvrier 1984. 142.

    138 Dans la région parisienne, un numéro d'enregistrement supplémentaire est souvent octroyé par la préfecture du département, direction de la réglementation.

    139 https://www.unsa-territoriaux.org/IMG/pdf/formalites_depot_statuts_syndicat-2.pdf

    140 Décret n° 82-447 du 28 mai 1982

    141 Soc.13 oct. 2010, n°09-14.418, JCP S 2011. 1010, note Gauriau.

    142 Soc. 13 mars 1980, n° 78-12.198 publié au Bull. civ. V, no 263

    143 Bernard Gauriau, Lexis 360, Synthèse Droit social n°67

    34

    L'existence de stipulations statutaires : L'action dans l'intérêt collectif n'est recevable que lorsqu'elle est formée par le représentant légal du syndicat habilité par les statuts à exercer une action en justice. La jurisprudence montre une assez grande souplesse s'agissant du pouvoir légal de représentation. D'abord, une clause statutaire qui habilite le secrétaire général à représenter le syndicat est suffisante pour justifier l'action en justice devant le tribunal. 144 L'habilitation statutaire est suffisante « de sorte que la production d'un pouvoir spécial n'est pas nécessaire ». 145

    L'habilitation statutaire du représentant légal ne le prive pas en cas de désignation d'un avocat d'introduire lui-même l'action en justice.146 Le représentant légal du syndicat a, sauf stipulation statutaire contraire, le droit de déléguer son mandat. 147

    Enfin l'habilitation statutaire qui désigne le représentant en justice du syndicat doit être précise.148. La cour de cassation a été cependant plus souple dans une autre affaire en jugeant que la stipulation statutaire qui renvoi au règlement intérieur précisant les dispositions interne propre au fonctionnement du syndicat est régulière.149

    Le silence des statuts : En cas de silence des statuts à propos du représentant légal du syndicat devant la justice, la recevabilité de l'action est subordonnée à l'accord donné par l'assemblée générale du syndicat ou de son congrès.150

    Cette résolution est empruntée à une décision du conseil d'Etat du 16 février 2001.151 L'éventualité suppose en plus la désignation d'un représentant du syndicat.

    Enfin, et en cas de défaut d'autorisation statutaire durable, le mandataire représentant légal du syndicat doit être muni d'un mandat spécial.152

    144 Toulouse, 21 septembre .2001, Dr. Ouvrier 2012.39, note Maziére.

    145 Soc. 19 nov. 2008, n° 08.60.166, inédit.

    146 Soc. 17 déc. 2002, n°01- 60.747, Bull. civ.

    147 V. à propos de la possibilité de déléguer le mandat à un autre membre Soc. 1er févr. 2000, n°98-46.201, Bull. civ

    148 Soc. 30 avr. 1997, n°96-60.032, Bull. civ.

    149 Soc. 16 janv. 2008, n°06-44.055, inédit.

    150 Soc. 16 janv. 2008, n°07-60.126, Bull. ; Dr. ouvrier 2008. 449, note Mazières

    151 CE.16 février 2001. n°221622 publié au recueil lebon. les obs. Mazières, Dr. ouvrier 2008. 448.

    152 Ex : Soc. 13 oct. 2010, n° 09-60.397, inédit

    35

    Paragraphe 2 : Le principe de spécialité

    « Le principe dit de spécialité commande la définition de l'objet des syndicats professionnels. »153

    Ce principe de spécialité « suppose un lien entre l'objet de l'organisation syndicale et l'objet de l'action engagée. »154

    L'intérêt collectif que les syndicats professionnels sont habilités à défendre est encadré en conséquence par des principes liés aussi bien à l'objet légal du groupement (sous paragraphe 1) qu'à son objet statutaire (sous paragraphe 2).

    Sous paragraphe 1 : La spécialité légale

    L'action dans l'intérêt collectif est ouverte à tout syndicat professionnel, c'est-à-dire tout syndicat dont l'objet légal est conforme à l'article L. 2131-1 du C.T.

    Cet objet est logé aujourd'hui dans l'article L2131-1 C.T issu de l'une 155 des quatre lois Auroux du 28 octobre 1982156.

    Cet article a assoupli la définition juridique du syndicat tel qu'elle a été prévue par la loi du 21 mars 1884.157 Il dispose en effet que « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ».

    Malgré son imperfection, la définition de 1982, a permis d'aligner la législation avec les transformations nouvelles et progressives du syndicalisme en France. Elle a contribué en outre à faire admettre une conception plus souple des restrictions liées aux actions des syndicats. La validité des actes du syndicat est liée à l'objet statutaire qu'il s'est choisi.

    Un Syndicat de défense des ouvriers du bâtiment ne peut pas défendre par exemple les intérêts collectifs des salariés de la métallurgie.

    Comparé à l'article 2 de la loi de 1884, la conception de l'article 2131-1 C.T est plus large et donc plus souple. Ce dernier texte pointe la variété des intérêts susceptibles d'être défendus. Donc on voit une volonté de laisser un grand espace à la défense des intérêts collectifs par le syndicat. Néanmoins, l'adverbe « exclusivement » demeure. Il rappelle que l'activité du syndicat doit être

    153 Denis Bardet, Retour sur la loi de 1884, préc. P.22

    154 Cass. Soc, 20 sept.2018, n°17-26.226, Obs Lydie Dauxerre.Semaine juridique-édition sociale n°41. 16 octobre 2018.1330 p.2.

    155 Bernard Gauriau, Lexis 360, Synthèse Droit social, n°13

    156 La loi n°82-915 : JO du 29.oct. 1982.

    157 Loi Waldeck-Rousseau sur les syndicats professionnels

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    « essentiellement » professionnelle et non « exclusivement » en réalité. L'adverbe « exclusivement », qui est la traduction et la marque du principe de spécialité légale, permet de maintenir la distinction déjà faite en 1884 entre parti politique et syndicat professionnel.158

    La nature particulière de la représentation induite par l'objet légal : D'après l'article L 2131-1 C.T, les syndicats professionnels n'ont vocation à défendre que les droits et les intérêts, « des personnes mentionnées dans leurs statuts. ». Si on poursuit la lecture du code à l'article L 2131-2 C.T, on voit que les syndicats professionnels regroupent des « personnes exerçants la même profession des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l'établissement de produits déterminés ou la même profession libérale ».

    La lecture rapprochée des articles 2131-1 et 2131-2 du code de travail, permet de déduire que l'objet du syndicat consiste dans la défense des droits et intérêt des personnes unis par une même profession ou un même métier. C'est-à-dire Unis par une même activité professionnelle. Il ne s'agit pas dans la représentation proposée par le code de travail d'une défense des droits des membres des syndicats. 159

    Donc, Le syndicat défend les droits et intérêts des personnes visées par son statut. Si le syndicat ne défendait que les droits et les intérêts de ses membres, il serait un simple mandataire collectif.

    S'agissant des intérêts des membres, on voit que le syndicat a une marge de manoeuvre sur ce que constitue l'intérêt des membres. Dans une lecture littérale on peut comprendre que le syndicat regroupe des personnes sur une base professionnelle mais peut défendre qui il entend tant que c'est compris dans les statuts. Une lecture rapprochée permet de déduire que les syndicats ont la possibilité de défendre les intérêts (non pas de leurs membres) mais de la catégorie de salariés correspondants à celle de leurs membres.

    Le raisonnement est complété par l'idée suivante : dans le cas où ses membres font partie d'une catégorie particulière, alors ils ont la capacité dans l'organisation collective de comprendre les intérêts de toutes les personnes de la catégorie. Il s'agit d'une représentation d'intérêt basée sur la similitude.

    Pour le dire autrement, il ne s'agit pas de défendre les membres mais de défendre des personnes qui ont la même profession que les membres.

    La doctrine s'est ingéniée à formuler une définition du syndicat qui inclut d'avantage les attributions légales qui lui sont conférés.

    158 Voir arrêts front national rendu en chambre mixte le 10 avril 1998 et son commentaire dans DS 1998 page 565.

    159 Le syndicat ne défend pas les droits et intérêts de ses membres.

    37

    Le syndicat serait ainsi défini comme « un groupement constitué par des personnes physiques ou morales, exerçant une activité professionnelle commune, en vue d'assurer l'étude et la défense de leurs droits et de leurs intérêts matériels et moraux, la promotion de leur condition et la représentation de leur profession, par l'action collective de contestation et de participation à l'organisation de la vie professionnelle ainsi qu'à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique économique et sociale ».160 Tel qu'il a été fixé dans l'article 2131-1, L'objet légal confère également la qualité juridique au syndicat professionnel161

    La qualité de syndicat ne peut être conférée qu'à un groupement qui a comme objet la défense des intérêts collectifs. 162 Malgré son caractère limitatif, l'objet légal du syndicat porte en lui le germe de la liberté. Une liberté qui a permis à l'action de l'intérêt collectif de s'étendre d'une manière continue.

    L'agrégation des intérêts de la profession se rapporte donc à une logique d'analogie, de similitude ou de proximité des professions ou métiers pratiqués entre elles.

    L'action dans l'intérêt collectif peut ainsi être exercée par des syndicats de professions, abstraction faite du domaine d'activité. Si « l'analogie » entre professions ne pose pas de problème spécifique, « la similarité » quant à elle a trait en principe aux caractéristiques processuelles ou techniques essentielle à l'activité professionnelle.

    Par exemple des développeurs web, des ingénieurs big-data ou des chocolatiers et pâtissiers.

    Evidemment, il faut qu'on fasse la différence entre syndicat de salariés et syndicats de patrons ; Pour les syndicats de patrons, le facteur en commun doit être cherché dans les matières manipulées par ces professionnels puisque le fait d'être chef d'entreprise n'est pas un dénominateur commun pertinent. Alors que pour les syndicats de salariés, la similarité de l'activité est suffisante pour caractériser la communauté d'intérêt.

    S'agissant des métiers connexes qui concourent à l'établissement de produits déterminés, elles sont déterminés en fonction des matériaux et non pas en fonction de l'activité. Ce postulat a permis de réunir des travailleurs qui pratiquent des professions disparates dans un même secteur d'activité.

    160 VERDIER, pré.

    161 V. nos développements infra sur la qualité à agir.

    162 V. à propos d'une organisation regroupant des justiciables dont la qualité de syndicat professionnel a été écartée, Crim. 13 oct. 1992, no 92-83.072, Bull. crim. N° 318. - V. dans le même sens : Crim. 26 mai 1994, no 93-85.189, inédit. - V. égal. CE 28 juill. 1993, req. n° 107453, Lebon 251 écartant l'intérêt à agir en annulation d'un arrêté d'extension du Conseil national des organismes de formation professionnelle, faute d'avoir pour « objet la défense d'intérêts professionnels d'employeurs ou de salariés ».

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    A ce titre il convient de mentionner que la jurisprudence était assez réservée s'agissant de la notion de connexité163, avant de l'assouplir considérablement par la suite dans une affaire où était en commun les activités de commerce, d'élevage et d'entretien des animaux.164

    L'élan expansionniste de l'objet du syndicat a des conséquences directes sur l'étendue de l'action dans l'intérêt collectif. Cet élargissement continu est visible à travers un arrêt de la chambre sociale qui a jugé sur le fondement de la convention n°87 de L'OIT que le caractère rémunéré ou non de l'activité de deux syndicats de producteurs de miel est sans influence sur la qualification même du syndicat.165

    Sous paragraphe 2 : La spécialité statutaire

    Sous réserve du respect du principe de spécialité légale, il appartient au syndicat professionnel de déterminer de manière libre sa circonscription professionnelle et géographique.

    Cette détermination permet au syndicat de définir les périmètres de sa compétence d'agir et par conséquence, ceux de l'action engagée par ses représentants dans l'intérêt collectif de la profession.

    La chambre criminelle déclare par exemple à propos de l'application des règles de repos hebdomadaire censés être édictée dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'« il n'en est pas moins nécessaire que le syndicat poursuivant puisse, conformément à l'article L 411-11 ( ancien ) du code du travail, invoquer un préjudice porté directement ou indirectement mais effectivement à l'intérêt collectif de la profession ou de la catégorie professionnelle qu'il a vocation à représenter ».166

    Le recours en annulation d'un syndicat représentant « le corps des infirmiers » contre une circulaire relative aux « aides infirmières » a été également jugé irrecevable.167

    Dans le même sens, l'action en annulation engagée par un syndicat d'employeurs contre l'arrêté d'extension d'un avenant en défense des intérêts collectifs d'entreprises étrangères au champ d'application de la convention collective en question a été jugé irrecevable par le Conseil d'Etat.168

    L'observation du périmètre géographique du syndicat est également nécessaire.

    163 Ex : sur l'absence de connexité entre les professions de médecin et de pharmacien : Crim. 28 févr. 1902, DP 1902. 1. 203, et les obs. VERDIER, n°81

    164 Crim. 5 janv. 1971, N° 70-90.712, Publié au bulletin

    165 Soc. 13 janv. 2009, n° 07-17.692, Bull. civ. V, no 11 ; JCP S 2009. 1343, note Martinon, à propos de deux syndicats groupant des producteurs de miel.

    166 Crim.10 janvier 1984, 83-91.443, Publié au bulletin.

    167 CE 12 déc. 1969, req. n°76077, Lebon 573.

    168 CE 11 déc. 2009, req.n° 314885, Lebon T.

    39

    Cependant, L'exercice de l'action dans l'intérêt collectif de la profession n'est pas limité au syndicat ou Unions de syndicats spécialement établis dans le lieu de survenance de l'infraction.169

    Un autre exemple d'extension de l'action dans l'intérêt collectif en raison de la souplesse des conditions de recevabilité relatives aux statuts, c'est un arrêt de la cour de cassation qui a déclaré l'action des syndicats recevable quand bien même la décision dépasse le champ géographique de l'entité économique défendue. Quel que soit l'amplitude géographique de l'opération de transfert. 170

    Section 2 : Des actions recevable dans un champ étendu

    L'action dans l'intérêt collectif s'est déployée dans le système judiciaire français en s'invitant devants plusieurs types de juridictions que soit judiciaire ou administratives.

    Elle a pu séduire les syndicats de salariés comme les syndicats s'employeurs qui ont vu en elle un intérêt stratégique pour défendre la légalité sociale stricto-sensu (Sous-section 1)

    L'expansion de l'action est liée aussi à l'essor qu'a connu la négociation collective en droit du travail. La défense de la conventionalité171 est un domaine dans lequel l'action a pu s'affirmer (sous-section 2).

    Sous-section 1 : La défense de la légalité

    Les juridictions civiles, pénales et administratives représentent un espace idéal pour défendre la légalité par le biais de l'action de l'article 2132-3 C.T.

    Sur le terrain civil, le préjudice porté à l'intérêt collectif n'est avéré que si « à travers et au-delà »172 de la situation individuelle des travailleurs, il apparait qu'un employeur a violé par exemple les lois relatives à l'emploi et les conditions de travail affectants l'ensemble des salariés.

    Le terrain pénal représente aussi depuis la moitié du siècle un espace privilégié de la résolution des litiges mettant en cause les intérêts collectifs de la profession témoignant ainsi de la mission protectionniste attribuée par l'article 2132-1 C.T aux syndicats professionnels. Son essor a été accéléré par un mouvement de pénalisation croissant qui a été amorcé par la mutation des moyens de preuves.

    169 Ex : Crim. 20 févr. 1979, n° 77-91.591, Bull.

    170 Soc. 21 janv. 2004, n° 02-12.712, Bull. à propos de la mise en cause d'un projet de transfert des salariés d'un établissement engagée par des syndicats représentant ces salariés.

    171 Par conventionalité nous entendions la défense de l'exécution et la validité des textes collectifs.

    172 VERDIER, obs. Ss Soc. 2 juin 1983, D. 1984. IR 368

    40

    L'action dans l'intérêt collectif est mobilisée par exemple lorsque la santé et sécurité, le salaire, le temps de travail, le droit de la représentation collectives sont atteints.

    S'agissant des juridictions administratives, la jurisprudence du conseil d'Etat s'est toujours montrée d'une assez grande ouverture à l'égard de la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif. Cette tendance est désormais compatible avec « le caractère objectif de contentieux de légalité ».173 L'action des syndicats est recevable pour contester les mesures, réglementaires ou collectives, ainsi que les mesures individuelles préjudiciables à l'intérêt collectif de la profession et ce à l'exception des mesures qui organisent le service 174 ainsi que celles qui portent atteintes aux simples intérêts individuel du travailleur175.

    Nous avons opté dans cette sous-section pour la classification des affaires admises devant les différentes juridictions en fonction des domaines dans lesquelles elle a le plus tendance à être recevable.

    L'examen de la jurisprudence, pénale, civile et administrative nous a permis de classer le champ de l'action dans l'intérêt collectif en quatre thèmes principaux.

    L'action est d'abord mobilisée pour défendre l'emploi, la santé et la sécurité (Paragraphe 1), pour défendre les conditions de travails (paragraphe 2), les droits et prérogatives collectives (paragraphe 3) et en défense de l'intérêt général, professionnel et économique (paragraphe 4). L'action est mobilisée aussi bien par les syndicats de salariés que par les syndicats de professions libérales et d'employeurs.

    Paragraphe 1 : L'Emploi, la santé et la sécurité

    La défense de ces domaines revêt une importance stratégique.

    Sous paragraphe 1 : La défense de l'emploi des salariés

    La défense de l'emploi trouve des illustrations multiples en tant que « bien commun »176. Cette thématique générique, qui rassemble sous son aile plusieurs sous-thèmes en relation directe ou indirecte avec la défense de l'emploi, est consacrée aujourd'hui de manière beaucoup plus autonome.

    173 Y.M Serinet, Comparaison des actions à caractère collectif en procédure civile et droit du travail, in KELLER dir , Procès du travail, travail du procès, 2008, LGDJ, p. 131.

    174 CE 3 avr. 1987, req. Lebon n° 83278 inédit

    175 HECQUARD-THÉRON, De l'intérêt collectif, AJDA 1986. P.65.

    176 Cyril Wolmark, préc p.631

    41

    « Elle caractérise un intérêt collectif propre à justifier l'action des syndicats et devra à l'avenir aiguiller ces derniers »177.

    « Un intérêt collectif, bien que distinct de l'intérêt général qui rappelle que les syndicats sont des corps intermédiaires pouvant apporter une aide précieuse aux pouvoir public dans une tache accablante par sa complexité et sa diversité, en l'occurrence la défense de l'emploi des salariés »178

    L'emploi devant les juridictions pénales : La jurisprudence de la chambre criminelle s'est montrée très compréhensives s'agissant de la recevabilité de l'action engagée au nom de l'intérêt collectif de la profession lorsque celle-ci est fondée sur la violation de la réglementation destinée à protéger l'emploi. Tel est le cas par exemple du travail dissimulé179, du prêt illicite de main d'oeuvre et du marchandage180 ou de l'inobservation des lois relatives à l'emploi temporaire.181

    Contrat précaire devant les juridictions civiles : La chambre sociale de la cour de cassation a nettement admis l'action dans l'intérêt collectif en matière de contrats précaires. Cette orientation jurisprudentielle apparait dans le cadre du travail temporaire182 ainsi que les contrats à durées déterminés.183

    Il a été jugé ainsi que « la violation des dispositions relatives au travail temporaire, est de nature à porter préjudice à l'intérêt collectif de la profession »184.

    Rupture de contrat de travail devant les juridictions civiles : La recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif a été largement admise en matière de séparabilité. C'est le cas par exemple de l'action en contestation d'un plan de sauvegarde de l'emploi.185

    177 Note Bertrand Inès, SS. Soc 10 janvier 2012, FS-P+B, n°09-16.691, Action en justice des syndicats : défense de l'emploi et intérêt collectif.

    178 Stéphane Brissy, note Ss Cass.soc, 10 janv.2012 n°09-16.691, semaine juridique n°19. 8 mai 2012.

    179 Crim. 6 déc. 2011, n°10-86.829, Bull, Dr. soc. 2012. 312, obs. Duquesne.

    180 Crim. 12 oct. 2010, n° 10-82.626, inédit

    181 Crim. 15 nov. 1983, no 82-94.092, Bull

    182 V. Soc. 8 avr. 2009, n°07-41.849, inédit : s'agissant d'un litige en requalification d'un contrat de travail temporaire V. Aussi Soc. 23 févr. 2005, n°02-40.913, Bull. civ. V, no 71 ; JCP E 2001. 379, note Puigelier. V. aussi Cass, soc, 23 mars 2016, n°14-23.276, FP-P+B, SAS Carglass c/Mme F. et a, Note Bernard Gauriau, Semaine juridique, Edition sociale n°26. 5 juillet 2016, 1243, p1et s

    183 Ex : Soc. 7 juill. 2004, n° 02-40.955, Bull, Dr. ouvrier 2005. 277 s'agissant de la nullité d'un contrat d'apprentissage,

    184 V également : Soc. 23 mars 2016 n°14-22.250, Semaine juridique Social n°26, 3 juillet 2016, 1243 notes Bernant Gauriau, S'agissant de la violation des dispositions légales relatives au CDD.

    185 Ex : Soc. 21 janv. 2004, n° 02-12.712, Bull. Dr. ouvrier 2004. 222, note Lardy-Pélissier.

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    L'action dans l'intérêt collectif a été admise aussi quand le litige, bien que portant sur une rupture individuelle, il était en mesure de soulever une contestation relative à l'exécution d'un texte collectif.

    186

    Transfert contrat de travail devant les juridictions civiles : La cour de cassation n'a pas toujours été favorable à l'accueil de l'action qui prétendait l'atteinte à l'intérêt collectif lorsque les dispositions relatives au transfert du contrat de travail n'étaient pas respectées par l'employeur.187

    Mais elle a changé sa position après dans de nombreux arrêts en admettant que l'inobservation de la réglementation relative au transfert de contrat de travail est préjudiciable en même temps à l'intérêt collectif 188

    « La chambre sociale prend le soin de souligner que le syndicat intervient toujours ou doit intervenir au côté des salariés »189

    Dans un arrêt relativement récent190, la chambre a confirmé les solutions déjà acquises en réaffirmant que le non-respect de la règle de transfert des contrats de travail cause une atteinte à l'intérêt collectif de la profession, de sorte que l'intervention du syndicat en soutien au travailleur est recevable.

    Elle a rappelé par la même occasion que « l'action en revendication du transfert d'un contrat de travail est (reste) un droit exclusivement attaché à la personne » et « ne peut être exercé par un syndicat » par conséquence.

    Selon la doctrine, « La particularité des conséquences attachés à la déclaration d'applicabilité de l'article 1224-1 C.T conduit à ravaler l'action de l'article 2132-3 à une simple action en intervention

    »191

    Droit disciplinaire devant les juridictions civiles : La chambre sociale a jugé très tôt192 que l'inobservation d'une procédure disciplinaire tel que la consultation préalable d'un conseil de discipline est préjudiciable à l'intérêt collectif de la profession. Le non-respect d'une telle procédure conduirait potentiellement à des suppressions d'emplois.

    186 Ex : Soc. 28 oct. 1968, Bull. civ. n°475.

    187 Soc. 21 oct. 1981, n° 80-14.883, Bull.

    188 Ex : Soc. 11 sept. 2012, n°11-22.014, Sem. Soc. Lamy n°1554, 8 oct. 2012, p. 10.

    189 Cyril Wolmark, préc, p.634

    190 Jean Mouly, Ss Soc. 12 juill. 2017, n°16-10.460, D. 2017. 1534 in Droit Social 2017 p.879.

    191 Cyril Wolmark, préc, p.631

    192 Soc. 27 mars 1985, n° 82-41.942, Bull.

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    Statut professionnel devant les juridictions civiles : La chambre sociale a jugé l'action en intervention d'un syndicat professionnel recevable dans un contentieux concernant l'affectation obligatoire d'un salarié dans un poste de travail.

    La fausse application du règlement sur les mutations pour l'élaboration duquel le syndicat a été consulté a été suffisante pour caractériser l'existence d'un intérêt collectif193.

    Contentieux des licenciements pour motif économique devant les juridictions administratives : L'extension du champ d'intervention de l'action dans l'intérêt collectif est perceptible également à travers la nouvelle compétence accordée au juge administratif par la loi du 14 juin 2013194 à fin qu'il connaisse des litiges relatifs aux licenciements pour motif économique. Ainsi, l'action dans l'intérêt collectif a été jugée recevable195en vue de contester les décisions de la Direccte196. Il a été jugé par exemple qu' « Une union locale de syndicat dispose, en tant qu'union syndicale représentative et eu égard à ses statuts et aux intérêts professionnels et collectif qu'elle défend d'un intérêt à agir à l'encontre de la décision d'homologation mentionnée à l'article 1233-57-1 ».197

    Quelques exemples de recevabilité devant les juridictions administratives en matière de défense de l'emploi : L'action dans l'intérêt collectif a été jugée recevable lorsqu'elle mettait en cause une décision de recrutement198, d'affectation, de nomination, 199ou de refus d'autorisations de licenciement.200

    Sous paragraphe 2 : La défense de la Santé et de la sécurité :

    La problématique de la santé et de la sécurité a été un levier important qui a permis aux syndicats d'assoir leurs fonctions de garantie et de veilles sociales par le biais de l'action dans l'intérêt collectif.

    193 Soc. 9déc. 1960, Bull. n°1168 ; D.1961.143, note Verdier

    194 Loi n° 2013-504 relative à la sécurisation de l'emploi

    195 Par ex : TA Cergy-Pontoise, 7 févr. 2014 n°1400713.

    196 La décision d'homologation ou de validation du document unilatéral ou de l'accord sur le Plan de Sauvegarde de l'emploi (Article. L. 1235-7-1, al. 1er et 2).

    197 CAA.Marseille,15 avr.2014, n°14MA00387 à propos de la violation du droit d'information du Comité d'entreprise entachant d'illégalité la décision d'homologation d'un PSE, Note Samuel Deliancourt, Semaine juridique, Edition Sociale n°39.23 septembre 2013 .1364

    198 CE 5 mai 2006, req. N° 271626, Lebon 234.

    199 Ex. CE 30 sept. 1991, req. N° 37343, Lebon T. 1111.

    200 CE 23 juin 1972, req. N° 75048, Lebon 473.

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    Nous pensons d'ailleurs que les circonstances sanitaires actuelles devraient propulser cette problématique à son apogée. « Les partenaires sociaux sont actifs à tous les niveaux en matière de santé au travail »201

    L'action syndicale en la matière s'est développée devant les juridictions civiles et pénales.

    Devant les juridictions pénales : Le domaine de santé et la sécurité au travail est très conflictuels. C'est l'un des tous premiers domaines dans lequel l'action dans l'intérêt collectif a creusé ses sillons.202 Les infractions relatives à cette problématique sont logées dans le code de Travail et dans le code pénal. La transgression des lois et règlements sanitaires fait inévitablement courir à l'ensemble des travailleurs des réels risques sur leurs vies ainsi que sur leur intégrité physique. La chambre criminelle de la cour de cassation admet clairement les actions du syndicat en cas d'atteinte à la vie ou à la personne et ce chaque fois où la santé et sécurité des travailleurs est mis en cause 1967.203 Des arrêts relativement récents confirment cette orientation jurisprudentielle favorable à la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif 204 « dès lors que les manquements constitutifs des infractions poursuivies ont pu compromettre la sécurité des travailleurs ».205

    L'atteinte à l'intérêt collectif peut également être motivée par des atteintes de droit commun portées de façon involontaires à la personne du salarié 206 sans qu'il est nécessaires de violer en parallèle une règle de droit social relative à la santé et sécurité. Par ailleurs, la protection du travailleur sur son lieu de travail est indissociable de sa sécurité en général. L'universalité de la problématique à notre avis impose que la santé & la sécurité soient protégés aussi bien par les dispositions spéciales du code de travail que par les dispositions générales du droit commun207. L'action dans l'intérêt collectif est également admise quand bien même la faute commise est une faute de négligence. Le respect ou non du travailleur des règles de santé et de sécurité est sans importance si la négligence imputable à l'employeur et constitutive de l'infraction a causé un préjudice à la fois aux travailleurs et à l'intérêt collectif par conséquence.208

    201 Laurence Gatti, « Tous pour un, un pour tous : la santé du travailleur et l'intérêt collectif », Ordre des avocats, Faculté de droit, Aumônerie du monde juridique, Poitier, mai 2018, HAL, archives-ouvertes.fr, hal-02149663 p.6

    202 J-M VERDIER, préc. p. 622

    203 Crim. 26 oct. 1967, Bull. crim. no 274 ; JCP 1968. II. 15475, obs. Verdier

    204 Crim. 19 mars 2013, n°12-82.236.

    205 Crim, 11 oct 2005, n°05-82.414.

    206 V. Article 226-1 C.P : atteinte à la vie privé et article 222-19 et 222-20 C.P : atteinte involontaire à l'intégrité de la personne

    207 SAVATIER, obs. ss Lyon, 21 mars 1967, Dr. soc. 1967. 634.

    208 Crim. 11 oct. 2005, no 05- 82.414, Bull. crim. N°254 ; Dr. Soc. 2006. 43, note Duquesne.

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    La fonction répressive des dispositions pénales a fondé également la recevabilité de l'action collective des syndicats s'agissant du non-respect de la réglementation de la médecine du travail. La cour de cassation a considéré à cet égard que cette réglementation a pour objectif essentiel de protéger la santé des salariés de l'entreprise et non pas les médecins de travail. Sa violation donc est de nature à causer un préjudice à l'intérêt collectif de la profession.209

    Devant les juridictions civiles : Les juridictions civiles se sont montrées également accueillantes à l'égard de l'action dans l'intérêt collectif lorsqu'elle est basée sur une atteinte à la sécurité des travailleurs. L'action a été ainsi admises à propos d'une demande de suspension d'une mesure de réorganisation210 , en cas de demande d'annulation d'une opération d'externalisation211, en cas d'interdiction de la mise en oeuvre d'un système de rémunération assis sur un benchmark 212 , en cas de violation de l'obligation de reclassement d'un salarié inapte 213 et enfin à propos de l'indemnisation du licenciement.214

    Paragraphe 2 : La défense des conditions de travail

    Sous l'enseigne générale de la défense des conditions de travail on peut classer les actions dans l'intérêt collectif en défense du respect de la législation sur le temps et la durée de travail, les législations sur les salaires et celles qui répriment le harcèlement au travail.

    Durée et temps de travail devant les juridictions pénales : le non-respect des règles relatives au temps de travail a toujours été considéré par la chambre criminelle comme étant une atteinte à l'intérêt collectif de la profession qui est en mesure de justifier la recevabilité de l'action syndicale. La jurisprudence est stable et abondante en la matière. 215

    Durée et temps de travail devant les juridictions civiles : l'inobservation de la réglementation sur la durée de travail a été considérée par la cour de cassation comme étant une violation à l'intérêt collectif. La chambre sociale a jugé par exemple dans une affaire du 16 novembre 2004, recevable, l'intervention d'un syndicat lorsque l'employeur n'a pas respecté la durée légale de travail effectif de 35h prévue par la loi et par la convention collective. Cette violation a été considérée comme étant préjudiciable « nécessairement » à l'intérêt collectif de la profession. 216 L'action dans l'intérêt

    209 Crim, 9 mai 1978, n°77-90.851.

    210 Soc. 5 mars 2008, n° 06-45.888.

    211 TGI Paris, 5 juill. 2011, Dr. ouvrier 2011. 633, note Cohen

    212 Lyon, 21 févr. 2014, Cah. Soc. Barreau 2014, n° 262, note Grévy

    213 Soc. 18 nov. 2009, n° 08-43.523.

    214 Soc. 01 juill. 1998, n° 96-43.157, inédit

    215 Ex : Crim. 23 juill. 1980, n° 79-90.593, Bull. crim. N° 232, à propos d'une infraction au repos hebdomadaire.

    216 Soc. 16 nov. 2004, n°02-46.815 V. Aussi Soc. 3 juin 2009, n°07-42.992, inédit.

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    collectif a été admise également dans le contentieux relatif au travail dominical qui a opposé des organisations syndicales à des grandes enseignes de distribution et ce « du seul fait que ladite action repose sur la violation d'une règle d'ordre public social ».217 La défense par les syndicats de la législation sur la durée de travail prend toute son sens lorsqu'elle est jumelée avec l'obligation de garantir la santé et sécurité des travailleurs. C'est le cas par exemple de la recevabilité de l'action syndicale en matière de convention de forfaits jours.218 « Se voit ainsi la fonction singulière de l'action : la défense de la légalité »219

    La défense du salaire devant les juridictions pénales : L'inobservation des dispositions relatives au salaire minimum a ouvert la voie aux syndicats à sa contestation devant les juridictions pénales. Le contentieux récent témoigne d'une recevabilité de principe en la matière. Les nombreux arrêts de la chambre criminelle le confirment.220

    La défense du salaire devant les juridictions civiles : En la matière, la chambre sociale a pu retenir la recevabilité de l'action syndicale lorsque celle-ci entend défendre le principe d'égalité de traitement entre les salariés qui est connu aussi sous le nom de « Principe à travail égal, salaire égal ». La violation de ce principe est préjudiciable à l'intérêt collectif de la profession. 221 Selon la CFDT, « Revendiquer que tous les salariés d'une entreprise soient traités de manière égale est à priori une démarche collective »222, Cette « démarche ... s'inscrivait dans une perspective collective et non individuelle ».223

    La solution retenue dans cette affaire est considérée par certains comme « le signe d'un élargissement excessif de l'action des syndicats facilité par une lecture complaisante de l'article 2132-3 C.T ».224 La cour de cassation a également jugé recevable l'action des syndicats qui contestait l'affectation d'une fraction d'une augmentation de salaire pour financer la caisse de retraite des salariés. La demande des syndicats s'inscrit ici dans le cadre de la défense des intérêts collectifs de la profession.225

    217 Manuela Grévy, Ss, Soc 22 janvier 2014, préc. p484

    218 V. Soc. 31 janv. 2012, n° 10- 24.412, n°10-19.807 et n°10-17.593 en matière de conventions de forfait.

    219 Manuela Grévy, Ss, Soc 22 janvier 2014, préc. P487

    220 Ex : Crim. 15 févr. 2011, n°10-87.185, inédit

    221 Soc. 12 févr. 2013, n°11- 27.689, Dr. ouvrier 2013. 359, note A. M.

    222 Egalité de traitement : le syndicat recevable à agir, publié par Service juridique CFDT le 04.04.2013.

    223 Odile Levannier Gouel, « L'action en défense de l'intérêt collectif de la profession au service de l'inégalité de traitement », Semaine sociale Lamy, n° 1807, 19 mars 2018 .p1

    224 Soc. 12 févr. 2013, n° 11- 27.689, semaine juridique n°41, du 08.10.2013, 1398 « Variations sur la notion de discrimination et le principe d'égalité », note JB Cottin et A. Martinon. P3.

    225 Ex : Soc. 21 janv. 1997, n°94-19.019.

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    Les actions syndicales en annulation des dispositions et décisions réglementant les conditions d'emploi et de travail ou portants atteinte aux droits et prérogatives des agents devant les juridictions administratives : Ces actions sont déclarées recevables par le conseil d'Etat en raison de leurs atteintes évidente et logique à l'intérêt collectif de la profession.226

    S'agissant du harcèlement sexuel : La Cour d'Appel de Nancy dans un arrêt227 a jugé que « Des faits de harcèlement sexuel dont a été victime un ou des salariés sur son lieu de travail par leur supérieur hiérarchique entraînent nécessairement une dégradation des conditions de travail et portent ainsi préjudice certain à l'intérêt collectif professionnel que le syndicat représente ». Il est important de souligner à ce propos du délit d'harcèlement que la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif est assez nuancée, elle n'est admise en tout cas que lorsque les poursuites sont engagées sur le fondement des dispositions spéciales du code de travail.

    S'agissant du harcèlement moral : « Le pas a été franchi »228 en revanche, « La doctrine229 qui s'est exprimé sur le sujet penche en faveur de la recevabilité de l'action soulignant qu'il serait fort surprenant, et fort critiquable, de considérer que des pratiques qui portent atteinte à la dignité du salarié ne mettent en jeu, et en cause, que ses intérêts individuels. ».230 La chambre criminelle a admis l'action syndicale dans l'intérêt de la profession puisque la pénalisation a pour but de garantir une certaine condition de travail aux personnes231. Raison de plus si cette infraction est survenue dans un cadre généralisant qui touche l'ensemble des salariés comme par exemple la restructuration d'une entreprise.232 « La sécurité des salariés fait partie des domaines d'élection de l'action syndicale. Or, le harcèlement moral met en péril la santé du salarié »233.

    Paragraphe 3 : Les droits et les prérogatives collectives

    L'action dans l'intérêt collectif a été admise pour défendre aussi les droits et les prérogatives des institutions élues (sous paragraphe 1). Elle est admise en plus en défense de droits et libertés syndicales (sous paragraphe 2).

    226 Ex. CE 12 nov. 2012, req. N° 345470 : recours contre un arrêté fixant des conditions d'accès à certains emplois.

    227 CA Nancy 29 avril 2009, Dr ouvrier 2004 .528

    228 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif. Préc. P.634

    229 P. Adam, Harcèlement moral : quelques réflexions autour de l'affaire Eutelsat : Dr ouvrier, février, 2006, doter .p57, sp 60 et L. millet, le harcèlement moral au travail : RPDS 2003, n°701, p273, sp.283.

    230 Marie-Cécile Amuger-Lattes, La répression continue du harcèlement moral au travail, préc, p 2808.

    231 Crim. 15 mars 2011, no 09-88.627, inédit ; Dr. ouvrier 2011. 676, note Gautier

    232 Crim. 5 févr. 2013, n°11-89.125, inédit.

    233 Marie-Cécile Amuger-Lattes, préc, 2806.

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    Sous paragraphe 1 : La défense des droits et prérogatives des institutions élues

    La défense des prérogatives sur le terrain pénal : D'abord il convient de rappeler qu'il y'a un principe général et ancien en droit de la représentation des intérêts suivant lequel, tout syndicat a la possibilité d'actionner l'employeur en défense de l'intérêt collectif de la profession quand les droits des institutions représentatives du personnels ne sont pas respectés. Il s'agit notamment des « cas de défaut de réunion, information ou consultation d'une institution représentative du personnel »234

    La chambre criminelle a posé ce principe depuis un arrêt ancien du 7 octobre 1959235.

    Cette entrave aux prérogatives est suffisante pour causer un préjudice à l'intérêt collectif de la profession dont la défense est confiée aux syndicats professionnels. 236 Cette solution jurisprudentielle est consolidée par de nombreux arrêts.237 La tendance intéressait l'entrave au fonctionnement des délégués du personnel238 et l'entrave au fonctionnement de la CHSCT 239solution transposable en cas d'entraves au fonctionnement du Comité social et économique. Cette jurisprudence confirme la fonction protectrice de l'action en matière de légalité. Cette tendance a influencé également la jurisprudence de la chambre sociale.

    La défense des prérogatives sur le terrain civil : La cour a pu affirmer que l'ignorance de l'obligation de réunion, d'information-consultation porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession et que l'action en référé qui vise à suspendre les mesures de l'employeur défaillant est recevable par conséquence.240 La même solution a été confirmée dans une affaire du 11 septembre 2012.241 La cour de cassation a déclaré en l'espèce que « les syndicats professionnels peuvent devant toutes les juridictions, en application de l'article L. 2132-3 du code du travail, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt de la profession qu'ils représentent, notamment en cas de défaut de réunion, d'information ou de consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu'elles sont légalement obligatoires ». L'action des syndicats a été déclarée recevable également à propos de la régularité de la procédure de licenciement économique collectif 242 , à propos de la consultation du comité d'entreprise sur un dispositif

    234 Cyril Wolmark, préc. p.635.

    236 Crim. 7 oct. 1959, Bull. Crim. no 410 ; D. 1960. 294, note Verdier ; D. 1960. Chron. 21, obs. Durand

    237 Crim. 16 nov. 1999, no 98-87.100, inédit.

    238 Ex : Crim. 26 mai 2009, n°08-82.979, Dr. soc. 2009. 1139, obs. Duquesne. Et Crim. 8 nov. 2011, n°10-82.151, inédit.

    239 Crim. 18 janv. 2011, no 10-84.327.

    240 Soc. 24 juin 2008, n°07-11.411, Bull. civ. V, no 140 ; Dr. ouvrier 2008. 626, note Ménard.

    241 Soc. 11 sept. 2012, no 11-22.014, JCP S 2012. 1521 « Limite à l'action syndicale de substitution », note L'oiseau.

    242 Soc. 9 mars 2011, n°10-11.581.

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    d'évaluation 243, à propos de la consultation du CHSCT sur une réorganisation244, à propos de la réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif, du fait de la violation de l'obligation d'avis conforme des délégués du personnel en matière de fractionnement des congés payés245 et en cas d'atteintes portées aux fonctions des représentants des salariés. On a pu affirmer en effet que « l'entrave aux fonctions des représentants du personnel qui assurent l'expression collective des salariés dans l'entreprise porte nécessairement atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'un syndicat représente ».246 .

    La défense de la régularité des élections professionnelles : L'action dans l'intérêt collectif a vu son champ grandir dès les années 80 247 par l'admission expresse des litiges relatifs aux élections professionnelles puisque les intérêts respectifs des représentants et des représentés sont touchés. La cour de cassation s'est prononcée à maintes reprises pour remettre les choses en ordre lorsque le débat portait sur l'organisation des élections. Elle a reconnu effectivement l'existence d'intérêt collectif pour les syndicats à travers leur faculté de présenter des candidats au premier tour des élections. C'est le cas par exemple en cas de reconnaissance des établissements distincts ou en cas d'annulation du protocole électoral.248 La cour de cassation n'exigeait pas la présentation par le syndicat demandeur de candidats.249L'extension de l'action syndicale est visible également à travers une jurisprudence récente de la chambre sociale affirmant qu' « une organisation syndicale qui a vocation à participer au processus électoral a nécessairement intérêt à agir en contestation de la régularité des élections ».250 L'action syndicale en défense des intérêts de la profession s'étend également aux litiges qui concernent la désignation des représentants tels que la désignation de représentant des salariés dans une procédure collective 251

    Sous paragraphe 2 : la défense des droits et libertés syndicales :

    La défense du droit syndical devant les juridictions pénales : L'examen de la jurisprudence fournie en la matière252 permet d'affirmer que, les entraves à l'exercice du droit syndical représentent sans aucun doute une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que les syndicats sont légitimes et habilités

    243 Toulouse, 21 sept. 2011, Dr. ouvrier 2012. 39, note A. M.

    244 TGI le Havre, du 16 oct. 2012, Dr. ouvrier 2013. 145, note Baudeu.

    245 Soc. 20 oct. 1998, n° 96-17.652, Dr. soc. 1999. 91, obs. Savatier

    246 Soc. 29 nov. 2006, n°04-48.086, inédit.

    247 « Après une hésitation » : VERDIER, préc p. 607

    248 Ex : Soc. 20 mars 1985, n°84-60.560, à propos de la reconnaissance d'établissements distincts.

    249 Soc. 20 juill. 1978, no 78-60.643.

    250 Cass. Soc, 20 sept.2018, n°17-26.226, Obs. Lydie Dauxerre, préc. P.1330

    251 Ex : Soc. 15 juin 2011, n°10-60.392.

    252 Ex : Crim. 8 nov. 2011, n°10-82.151.

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    à défendre. Cette tendance est confirmée par un arrêt récent en vertu duquel il a été jugé que « l'action en justice d'un syndicat contre un employeur pour non-déclaration à la CNIL d'un système de vidéosurveillance ...est recevable dés-lors que les faits commis ...avaient pour conséquence de permettre l'enregistrement illicite de l'image des salariés dans leurs activité, notamment dans l'exercice de leurs droits syndicaux »253

    La défense du droit syndical devant les juridictions civiles 100 : Idem s'agissant de la violation du droit syndical. A titre d'exemple il a été jugé que la sanction d'un délégué syndical (En l'espèce une mise à pied disciplinaire) sans le respect des garanties procédurales est de nature à préjudicier l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat désigniataire.254

    La défense de la liberté syndicale devant les juridictions civiles : La violation de la liberté syndicale est largement admise comme étant préjudiciable par nature à l'intérêt collectif de la profession. Cette logique a guidé la chambre sociale qui a jugé que l'action en réparation du préjudice subie par l'intérêt collectif suite à la prise par l'employeur de certaines mesures en considération de l'appartenance du salarié à un syndicat est recevable.255

    La défense de la liberté syndicale devant les juridictions pénales : De même, il a été jugé devant la chambre criminelle que l'entrave à la liberté syndicale en raison notamment de la discrimination syndicale est de nature à préjudicier l'intérêt collectif de la profession.256

    La défense de la liberté syndicale devant les juridictions administratives : L'action dans l'intérêt collectif est favorablement accueillie par les juridictions administratives lorsque la décision administrative est en rapport avec l'activité syndicale du travailleur et ce même dans le cas d'une mesure « négative ».257

    La défense du statut protégé des représentants du personnel devant les juridictions administratives : La qualité du syndicat professionnel lui permet d'avoir l'intérêt pour engager un recours administratif en défense du statut protégé des représentants du personnel. La tendance est assez stable dans le temps. La contestation d'une autorisation de licenciement d'un salarié protégé par

    253 Cass. Crim, 9 fevr.2016, n°14-87.753, F-P+B, Note Bernard Bossu, Semaine juridique-Edition sociale n°19.17 mai 2016, p 1166

    254 Exemple, Soc. 17 nov. 2011, no 10-23.640, inédit : « La mise à pied disciplinaire d'un délégué syndical, au mépris des dispositions de l'article L. 1332-2 du code du travail, est de nature à porter préjudice à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat à l'origine de la désignation ».

    255 Ex : Soc. 19 oct. 1999, n°97-43.088, inédit, Dr. ouvrier 2000. 306.

    256 Ex : Crim. 28 mars 2006, N°05-82.727.

    257 CE 4 juin 2012, req. n°347563, Dr. ouvrier 2013. 53, obs. Grévy.

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    exemple entre indéniablement dans le cadre de l'intérêt collectif de la profession que les syndicats ont vocation à défendre. 258

    La solution a été reprise par la haute juridiction administrative dans une affaire où il s'agissait de licencier des délégués syndicaux259 parce que la décision de l'administration d'autoriser ou non le licenciement était potentiellement préjudiciable aux intérêts collectifs de la profession. 260 Cette solution a été également étendue en faveur des représentants élus. 261

    La défense du statut protégé des représentants du personnel devant les juridictions civiles : A l'instar du Conseil d'Etat, la chambre sociale estime que l'inobservation des règles spéciales protectrices des représentants du personnel est préjudiciable à l'intérêt collectif de la profession. Ainsi, le non-respect de la procédure spéciale de licenciement d'un délégué Syndical par exemple a été considéré comme étant préjudiciable à l'intérêt collectif de la profession. 262

    La défense du droit de grève devant les juridictions civiles 103 et administratives : Les litiges relatifs à l'exercice et aux restrictions du droit de grève ont été reconnus depuis très longtemps comme étant préjudiciables à l'intérêt collectif de la profession. Les actions qui s'y rattachent sont recevables devant les juridictions civiles. Les arrêts recensés qui confirment la stabilité de cette jurisprudence sont nombreux.263L'examen de la jurisprudence administrative révèle également une assez grande aisance du conseil d'Etat à accueillir l'action syndicale lorsque les décisions ou les disposition prises sont de natures à affecter par exemple le droit de grève 264 ou si elles tendent à remettre en cause la validité d'une disposition législative prise dans la totale ignorance de l'obligation de consultation préalable des instances représentatives du personnel.265

    258 La solution est défendu par le commissaire de gouvernement en 1977 avec ces termes : « l'intérêt collectif menacé par une autorisation de licenciement d'un salarié protégé est incontestablement de ceux qui entrent dans la mission d'un syndicat de défendre ».

    259 Ex : C.E 25 mars 1983 36037, publié au recueil Lebon.

    260 Ex : CE 18 mars 1998, req. n°171756.

    261 Ex : CE 28 sept. 1990, req. n°76569.

    262 Soc. 24 sept. 2008, n°06-42.269, Bull. civ. V, no 184 : « Le licenciement d'un délégué syndical, au mépris des dispositions de l'article L. 425-1 (devenu l'article L. 2421-3, du code du travail) porte un préjudice à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat à l'origine de la désignation ».

    263 Ex : Soc. 14 avr. 2010, no 08-44.844, inédit.

    264 Ex : CE 12 avr. 2013, req. n°329570, Lebon, CE 6 sept. 2013, req. n°370627, CE 11 oct. 2010, req. n°327660, Lebon 375.

    265 Ex : CE 29 juill. 1998, n°188825.

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    Paragraphe 4 : La défense des intérêts généraux, économiques et professionnels

    La réglementation économique est l'un des domaines précurseurs de l'action dans l'intérêt collectif. C'est à partir de celle-ci que tout a commencé, en témoigne l'arrêt de 15 avril 1913. L'action dans l'intérêt collectif s'est intéressée également à la défense de l'intérêt général.

    Sous paragraphe 1 : La défense de la réglementation économique et professionnelle

    Ce sont des domaines exploités d'avantage par les employeurs et les syndicats de professions libérales plus que par les syndicats de salariés.

    La défense de la réglementation économique : Les infractions aux lois économiques représentent, malgré les réticences de certaines juridictions266, le domaine de prédiction des syndicats d'employeurs pour engager les actions visant à défense les intérêts collectifs de la profession.

    En témoigne l'abondante jurisprudence qui a admis la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif en la matière. 267 L'action dans l'intérêt collectif est exercée, entre autres, pour se prémunir contre une certaine forme de concurrence déloyale qui affecte le plus souvent l'image de la profession.

    La défense de la réglementation professionnelle : l'action dans l'intérêt collectif a vu son champ s'élargir également pour défendre la réglementation professionnelle à travers notamment les actions ordinales268. En effet, certains corps de métier ont été organisés autours d'ordres professionnels qui ont pour mission d'assurer l'exercice d'un métier ou d'une profession souvent réglementée. C'est le cas par exemple des avocats, des architectes, des médecins, des comptables, des pharmaciens ...etc. 269 Ces ordres, ont reçus par des termes proches de l'article 2132-3 C.T une qualité pour agir en justice en vue de protéger leurs « titres d'exercice »270 ou pour exercer l'action civile résultant de l'exercice illégal de la profession271.Ces ordres jouissent d'une habilitation légale pour agir en défense de l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.272

    266 P. Durand, Défense de l'action syndicale, D. 1960. Chron. 21.

    267 Ex : Crim. 25 janv. 2005, n°04-80.305 à propos de vente en liquidation non autorisée, Crim. 13 mars 1979, n°7892.341 publié au Bull (à propos de la boisson Tang), Crim. 23 janv. 1979, no 78-91.033, Bull. Crim. N°32, à propos du délit de publicité mensongère (Syndicat de la conserve), Crim. 22 janv. 1970, n°69-90.898, Bull. crim. N°37 ; D. 1970. 166, note Costa. Et Soc. 28 oct. 1963, Bull. civ. IV, no 104, à propos de l'exercice illégal de la profession de coiffeur.

    268 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz Corpus 2019 n°455 p.234

    269 On trouve également les dentistes, les kinésithérapeutes, les vétérinaires, les podologues. 270L'article 26 de la loi n°77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture (JO 4 janv.)

    271 L'ordre des médecins est habilité également par l'article 4161 CSP pour exercer l'action civile résultant de l'exercice illégal de la profession.

    272 N. Albert, l'institution ordinale, thèse, Tours, 1998, p.277 et CI.Campredon, l'action collective ordinale, JCP 1979.I.2943.

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    Ils « sont donc les concurrents des Syndicats ».273dans la défense de l'intérêt collectif de la profession. « En ce qui concerne la recevabilité de leurs actions ordinales, on observe un mouvement jurisprudentiel récent qui tend à leur octroyer, presque les même privilèges qu'un syndicat professionnel ».274 La constitution de partie civile est désormais recevable par exemple lorsqu'il s'agit d'exercice illégal d'une profession. 275 Par exemple, « L'action en concurrence déloyale intentée à l'encontre d'une société, (par l'ordre des médecins) au titre de la publication d'offres d'achat relatives à des prestations médicales, ayant pour objet de défendre l'intérêt collectif de la profession médicale » 276 a été jugé recevable par la première chambre civile.

    Mise au point et perspectives : On voit bien que l'action en défense de l'intérêt collectif défend au fond les lois juridiques et morales d'un métier ou une profession. Ce sont des lois techniques, les règles de l'art comme autrefois. L'action dans l'intérêt collectif va permettre d'agir en cas d'atteinte à la réputation de la profession, en cas d'atteinte aux procédés de fabrication d'un produit, en cas de concurrence déloyale à l'intérieur ou à l'extérieur de la profession, en cas de vente en dessous du prix de revient. Elle a le potentiel de s'étendre pour protéger les procédés de fabrication automobile en cas de fraude, ou en matière de fabrication de fromage ou encore du vin contre une concurrence internationale invasive.

    Sous paragraphe 2 : La défense de l'intérêt général

    Devant les juridictions pénales : Certaines infractions à l'intérêt général sont perméables, à l'admission d'autres intérêts à l'instar de celui de la profession. L'intérêt général n'est pas exclusif de l'intérêt de la profession et l'action syndicale en défense de l'intérêt collectif objet de l'article 2132-3 C.T peut être ainsi recevable devant les juridictions pénales, tel est le cas par exemple s'agissant d'un délit d'obstacle à l'accomplissement des fonctions d'un contrôleur du travail.277 des poursuites pour dénonciation calomnieuse 278ou à propos du meurtre d'un inspecteur du travail par la personne qu'il contrôlait.279

    273 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz Corpus 2019 ISBN n°496 p.234

    274 S.Guinchard et Buisson, procédure pénale, 11eme Edition. 2018, LexisNexis, n°1217.

    275 Ex : Crim. 20 nov. 1984, n°84-91.237, Bull (en cas d'exercice illégal de la profession de préparateur), Crim. 10 juill. 1973, n°71-93.712, (en cas d'exercice illégal de l'activité des agences de voyages), Crim. 14 juin 1972, no 71-91.966, Bull. (en cas d'exercice illégal de la profession d'ingénieur conseil) et Crim. 5 janv. 1971, n°70- 90.712 (en cas d'infraction à la police sanitaire des animaux).

    276 Dalloz actualité, 24 janvier 2019, Mehdi Kebir « Ordre des médecins : recevabilité de l'action en défense de l'intérêt collectif de la profession » Civ. 1re, 12 déc.2018, F-P+B, n°17-27.415.

    277 Crim. 4 oct. 1988, n°87-80.084.

    278 Ex : Crim. 11 mars 2003, n°02-82.352, Bull.

    279 Bordeaux, 17 mai 2005, Dr. ouvrier 2006. 40, note F. S.,

    54

    Les syndicats professionnels sont aussi recevables en cas de procédures judiciaire ouvertes à l'encontre de certains membres du conseil des prud'hommes.280

    La défense des lois et règlements devants les juridictions administratives : Parmi les exemples relativement récents qui témoignent de la possibilité des organisations syndicales à engager un recours contre une norme juridique touchant les intérêts collectifs des travailleurs : le recours devant le juge des référés engagé par une confédération syndicale interprofessionnelle afin de suspendre l'application de l'ordonnance n°2005-892 du 2 août 2005 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises.281 Le conseil d'Etat a considéré que « l'application de cette mesure porte une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts » du syndicat requérant (CGT-FO en l'espèce). 282

    Sous-section 2 : La défense de la conventionalité 283

    L'action en justice des syndicats a trouvé également un champ vaste, mais pas très soyeux, sur lequel elle a pu s'étendre pour défendre l'intérêt collectif de la profession : la défense de la conventionalité, c'est-à-dire défendre l'exécution et la validité de la norme collective. L'articulation entre conventions collectives et l'action dans l'intérêt collectif est assez « subtile ». 284 La recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif en défense de la conventionalité peut être basée juridiquement sur le fondement général de l'article 2132-3 C.T ou sur la base particulière de l'article 2262-10 C.T issu au fond de la loi du 25 mars 1919285.

    La qualité d'agir : Il convient de rappeler que seuls les syndicats de salariés ou d'employeurs sont qualifiés pour exercer l'action en justice en la matière. Les institutions représentatives du personnel sont donc en principes privées de l'exercice de telles actions. Il en va de même pour les groupements qui ne détiennent pas la qualité de syndicat professionnel286 . L'action en justice en défense de la

    280 Crim. 3 févr. 2004, n°03-83.259, Dr. ouvrier 2004. 441 (Faux en écriture et violation du secret professionnel).

    281 C.E 23 nov. 2005, n°286440 publié au recueil Lebon

    282 CE 13 janv. 1975, no 90193, Lebon 16, à propos du recours contre des circulaires concernant la situation des travailleurs étrangers en France

    283 Le terme « conventionalité » est emprunté à Emeric Jeansen, La semaine juridique Entreprise et affaire n°39,28 septembre 2017,1515

    284 Hélène Tissandier, « intérêt collectif, intérêt catégoriel, intérêt individuel : la complexité de l'action syndicale en justice » note ss Soc. 22 févr. 2006, no 04- 14.771, inédit, RDT 2006. 329

    285 Loi relative aux conventions collectives de travail.

    286 V, sur ce point, nos développements sur la qualité d'agir.

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    conventionalité a pour ambition d'appliquer les stipulations de la convention collective et/ou de lui donner l'interprétation qui convient au syndicat.287

    L'action « générale » en défense de l'intérêt collectif de la profession (Art 2132-3 C.T) est différente de l'action de l'action de l'article 2261-11 C.T appelée aussi « Action du syndicat en son nom propre ».

    Conformément à l'article 2262-11 C.T, Cette action peut être intentée par tout syndicat ou groupement « contractuellement » lié par la convention ou l'accord, pour demander en son nom propre, l'exécution de la convention et le cas échéant obtenir des dommages et intérêts en raison du préjudice dont il a souffert.

    136 : La loi du 25 mars 1919 a ouvert la porte aux syndicats professionnels pour exercer l'action en défense de l'intérêt collectif de la profession par le biais d'un texte particulier relatif aux conventions et accords collectifs qu'est l'Article 2262-10 C.T. Cet article n'est qu'une « déclinaison »288 de l'action générale des syndicats en défense de l'intérêt collectif de la profession tel qu'elle a été reconnue dans l'article 2132-3 C.T (Paragraphe 1). La chambre sociale a tellement étendue la recevabilité des actions syndicale sur la base générale de l'article 2132-3 C.T que l'article 2262-10 C.T est tombé en désuétude (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : L'action générale de l'article L 2132-3 C.T :

    Le droit pour les syndicats d'ester en justice pour défendre la conventionalité (et de manière indirecte l'intérêt collectif) a progressivement été reconnu sur la base générale de l'article de 2132-3 C.T. Cette reconnaissance s'est faite en dépit des actions syndicales spécifiques prévues par les articles 2262-10 et 2262-11 C.T.

    Preuve d'extension, l'action dans l'intérêt collectif de la profession est recevable aussi bien en cas de demande d'exécution de la convention collective (sous paragraphe 1) qu'en cas de contestation de sa validité à travers l'action en annulation (sous paragraphe 2). Cette défense de conventionalité « conduit aujourd'hui à admettre que l'action en exécution de la convention collective puisse être exercée par des syndicats non-signataire »289.

    287 V. par exemple Soc. 2 déc. 2008, n° 07-44.132, Semaine juridique n°10, mars 2009,1098 note Lydie Dauxerre à propos de la détermination des avantage acquis par les salariés à la suite de la dénonciation d'un accord collectif. Voir aussi Cass. Soc 20 nov. 2010 n° 09-42.990 s'agissant de l'inapplication d'une convention collective non étendue. Note Yannick Pagnere, La semaine juridique Social n°6, février 2011,1066

    288 Manuela Grévy, Syndicats professionnels : Prérogatives et action, Dalloz, Répertoire de droit du travail, Avril 2014 n°136

    289 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif - Développements récents. Droit social n°7/8-juillet-Aout 2017. P.631

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    Sous paragraphe 1 : L'action dans l'intérêt collectif en exécution de la Convention Collective Une ouverture significative : En matière d'actions en exécution de la convention collective on a assisté à une évolution intéressante marquée par l'extension du champ de l'action dans l'intérêt collectif de la profession. En effet, avant les années 2000, La jurisprudence avait tendance à déclarer l'action du syndicat en vue de l'obtention de l'exécution de la convention collective irrecevable pour défaut de qualité lorsqu'elle, l'action, se basait juridiquement sur l'article 2132-3 C.T.290

    Mais depuis les années 2000, la cour a commencé peu à peu à changer de position.

    Elle admet de plus en plus l'action en exécution de la convention collective sur la base de l'article 2132-3 C.T sans tenir compte ni de la représentativité ni même du fait que le syndicat demandeur a signé ou non la convention collective.

    L'engloutissement de l'action de l'article 2262-11 C.T : La cour de cassation a profité du contentieux relatif à l'application de la convention collective étendue pour admettre le principe de recevabilité de l'action syndicale. C'est l'arrêt du 12 juin 2001 qui a marqué le coup. En effet, l'arrêt a été l'occasion pour la cour de cassation d'autoriser la recevabilité de l'action du syndicat en vue d'appliquer la convention collective, sur la base générale de l'article 2132-3 C.T et non pas sur celle de l'article 2262-11 C.T relatif à l'action contractuelle du syndicat.

    Le pas qui a été franchi par la cour de cassation a été considéré par la doctrine comme étant un « saut inhabituel ». Autrement dit, La cour s'est située sur le terrain de l'action dans l'intérêt collectif et s'est montré indifférente à l'existence ou non d'actions particulières en cas de demande d'exécution d'une convention collective, favorisant ainsi une interprétation extensive de l'article 2132-3 C.T ; A ce titre, l'attendu de la cour est assez révélateur ; « en cas d'extension d'une convention ou d'un accord collectif qui a pour effet de rendre les dispositions étendues applicables à tous les salariés et employeurs compris dans leur champ d'application, les syndicats professionnels sont recevables à en demander l'exécution sur le fondement de l'article L. 411-11 du code du travail, leur non-respect étant de nature à causer nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de l'ensemble de la profession ». 291 Cette solution est soutenable à notre avis car d'une part, la généralité de l'article 2132-3 C.T n'est pas imperméable à l'accueil d'une telle l'hypothèse et d'une autre part parce que l'extension de l'accord est de nature à uniformiser l'accès à la justice pour le syndicat bénéficiaire de cette extension. La « condition »

    290 Ex : Soc. 10 mai 1994, n°92-14.097, Bull. civ. V, no 173 ; RJS 6/1994, n°736. V. aussi Soc. 25 mars 1985, n°8312.714, Bull. civ. V, no 204.

    291 Soc. 12 juin 2001, n°00-14.435, Bull. civ. JCP 2002. II. 10049, note Petit. Et dans le même sens V. Soc. 18 févr. 2003, n°01-02.079, publié

    57

    jurisprudentielle liée à l'extension de la convention collective, a fait toutefois l'objet de nombreux reproches tenant essentiellement à l'effet ergaomnes des conventions collectives, l'inapplication de ces dernières seraient nécessairement préjudiciables à l'intérêt collectif de la profession.

    La conquête d'un nouveau domaine292 : A l'occasion d'un arrêt du 3 mai 2007, la chambre sociale a réussi à lever le doute qui s'est installé en 2004293 s'agissant de la condition d'extension de l'accord collectif supposée nécessaire à la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif.

    L'arrêt du 3 mai 2007 294 qui a supprimé cette condition de manière définitive, marque incontestablement le signe d'occupation par l'action dans l'intérêt collectif d'un nouveau champ, qui est celui des accords et conventions collectives. 295

    En extrapolant la règle de recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif à tout litige mettant en cause les conventions collectives, la cour de cassation a autorisé tous syndicat à demander l'application de l'accord ou la convention collective sur la base du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession quand bien même l'accord ou la convention n'est pas étendue et peu importe le niveau de cet accord (Entreprise, Branche, groupe, établissement).

    L'arrêt précité explicite en des termes clairs que : « indépendamment de l'action réservée par l'article

    L. 135-5 du code du travail (devenu article L. 2262-11 C.T ) aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels sont recevables à demander sur le fondement de l'article L. 411-11 de ce code ( devenu article L. 2132-3) l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de la profession »296. « La cour de cassation fait ainsi sauter l'un des derniers verrous enfermant l'action en justice des syndicats en justice des syndicats en matière de convention ou d'accord collectif »297. Plusieurs arrêts ont permis ultérieurement de confirmer cette orientation jurisprudentielle. 298 Le dernier arrêt en date indique que l'action de l'article 2132-3 C.T est recevable

    292 Note Fabre, Ss. Soc 3mai 2007, n844 FS-P+BA. Dalloz Actualité 24 mai 2007

    293 Soc. 26 mai 2004, n°02-18.756, Bull. civ. V, no 143 ; RJS 11/2004. 795, rapp. Morin. Et J-M verdier, La recevabilité de l'action syndicale exercée dans l'intérêt collectif de la profession après les arrêts Aventis Pharma et Michelin, Dr. soc. 2004. 845.

    294 Le litige portait sur l'inexécution d'un accord de participation aux résultats de l'entreprise.

    296 Soc. 3 mai 2007, n° 05- 12.340, Bull. civ. V, n°68 ; RDT 2007. 536, obs. Borenfreund.

    297 Soc 3mai 2007, n844 FS-P+BA. Dalloz Actualité 24 mai 2007, Obs A. Fabre

    298 V. Soc. 16 janv. 2008, n°07-10.095, Bull. civ. V, n°10 ; RDT 2008. 245, obs. Véricel. , Soc. 25 mars 2009, n°0744.748, Bull. civ. V, no 84 ; D. 2009. AJ 1092, obs. Maillard. , Soc. 30 nov. 2010, n°09-42.990, Bull. civ. V, no 276 ; JCP S 2011. 1066, note Pagnerre.

    58

    abstraction faite de la signature de l'accord par le syndicat qui l'engage et ce donc « indépendamment de l'action réservée par l'article 2262-11 C.T aux syndicats liés par une convention ou un accord »299

    Intérêt collectif et effet ergaomnes : Le non-respect de la convention collective produit un effet néfaste à l'égard de tous les salariés. Un effet ergaomnes selon George Borenfreund. Cet effet néfaste porte atteinte à l'intérêt de la collectivité des salariés. Et donc c'est cet effet préjudiciable à l'égard de tous qui justifie la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif de la profession. Le raisonnement est en totale corrélation avec le principe même de l'action dans l'intérêt collectif tel qu'elle a apparue en 1913 et codifié dans l'article 411-11 C.T (devenu 2132-3 C.T). Cette disposition à caractère très généralisant en dit long sur la capacité représentative des syndicats. En effet, elle confère à tous les syndicats professionnels, un « rôle de représentant » des intérêts agrégés de la profession. Un intérêt qui dépasse les membres du syndicat. Une action « au nom de tous », qui reconnait à toutes les organisations syndicales représentatives ou non, signataires ou non de la norme collective le droit de demander son application ou de demander des dommages et intérêt pour atteinte l'intérêt collectif.

    Nouvelle optique : L'action dans l'intérêt collectif a vu également son champ se détendre malgré certaines restrictions jurisprudentielles d'ordre procédurales. L'action principale du syndicat en application de l'accord collectif n'est en principe recevable que si le syndicat sollicite cette application au bénéfice d'une collectivité déterminée et non pas à chacun des salariés nommément désignés300. Facteur d'éclatement du contentieux entre les juridictions et frein à l'action collective, cette orientation a été critiquée.301

    L'évolution peut être saisie à travers un nouveau raisonnement observé dans plusieurs jugements de la TGI qui ont pris appui sur la jurisprudence de la chambre sociale.

    Une Jurisprudence permissive qui a accordé aux syndicats la possibilité de demander d'ordonner l'application des conventions à une collectivité définie mais à condition qu'il ne s'agisse pas de « droits déterminés au profit de salariés nommément désignés ».302 Le mécanisme nous rappelle étrangement celui de l'action de groupe.

    299 Note F.Bousez. Ss. Soc. 11 juin 2013, no 12-12.818, semaine juridique n°3. 21 janvier 2014. 1033.

    300 G.Borenfreund, préc .536.

    301 Note Ss TGI Nanterre, 23 nov. 2012, Dr. ouvrier 2013. 351.

    302 V. Soc. 25 sept. 2013, no 12-13.697, Dr. ouvrier 2014. 41, note Keller Lyon-Caen.

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    Dans l'affaire du 25 septembre 2013, « l'arrêt casse partiellement la décision d'appel en se prononçant en faveur de la demande de régularisation ... la cassation ainsi prononcée a ajouté du pragmatisme à la solution, un certain dynamisme puisque la solution peut être directement exécutée »303

    Ces tribunaux ont ainsi pu se prononcer en même temps sur l'exécution matérielle de la convention collective ainsi que sur la demande du syndicat visant à régulariser en bloc la situation des salariés concernés. 304

    Enfin, dernier espace dans lequel l'action générale dans l'intérêt collectif déplorable en matière d'exécution d'accord ou de convention collective a pu s'étendre, c'est les accords atypiques. En effet l'inobservation de ces accords par l'employeur cause inévitablement préjudice à l'intérêt collectif de la profession. 305

    Sous paragraphe 2 : L'action en nullité de la convention collective

    Il s'agit là d'un autre terrain conquis par l'action dans l'intérêt collectif au cours de son expansion foudroyante. L'action dans l'intérêt collectif de la profession est capable également d'opérer dans le cadre de la défense de la validité de l'accord ou de la convention collective.

    En matière de nullité du texte collectif, un mouvement d'extension a été perçu.

    Avant 2004, la cour de cassation considérait que lorsque l'action en justice est engagée par un syndicat ayant participé à la négociation de la convention et qui n'est même-pas signataires de celle-ci, alors l'action dans l'intérêt collectif est recevable à condition que le syndicat invoque la nullité absolue306.

    Mais, depuis l'arrêt du 26 mai 2004, la chambre sociale a rompu avec cette exigence relative à la nature de la nullité invoquée.

    La cour admet qu'il est possible pour un syndicat d'entreprise d'associer en défense de l'intérêt collectif son action à celle de la fédération à laquelle il a adhéré afin de demander la nullité de l'accord d'entreprise.307

    303 Sophie Rozez, L'action en justice, action individuelle, action collective, le Dr. Ouvrier .Novembre 2014, n°796 p.738

    304 Ex : TGI Nanterre, 23 nov. 2012, Dr. ouvrier 2013. 351

    305 Ex : Soc. 5 juill. 2006, n°04-43.213, Bull. civ. V, no 238 ; RDT 2006. 401, note Grévy.

    306 Soc.9 juill. 1996, n°95-13.010, Bull.civ.V, n°269, D.1998.Somm.258, obs.Souriac.

    307 Ex : Soc. 26 mai 2004, n°02-18.756, Bull. civ. V, no 143 ; RJS 11/2004. 795.

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    Paragraphe 2 : L'action particulière de l'article 2262-10 C.T

    Une action spéciale : Cette action est une déclinaison de l'action générale objet de l'article 2132-3 C.T en matière de défense de conventionalité.

    L'article L 2262-10 du C.T dispose que « Lorsqu'une action née de la convention ou de l'accord est intentée soit par une personne, soit par une organisation ou un groupement, toute organisation ou tout groupement ayant la capacité d'agir en justice, dont les membres sont liés par la convention ou l'accord, peut toujours intervenir à l'instance engagée, à raison de l'intérêt collectif que la solution du litige peut présenter pour ses membres ». Il ressort de cet article que le syndicat est forcément recevable à agir en soutien de l'intérêt collectif de ses membres sans qu'il soit en obligation de démontrer l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession.308.

    Un mode d'exercice restreint : L'action de l'article 2262-10 C.T doit être exercée obligatoirement en « mode » d'intervention en soutien à l'action prud'homale engagée par le salarié ou éventuellement dans le cadre d'une action principale qu'un autre syndicat a déjà introduite devant les tribunaux civils de droit commun.

    Corrélativement au mouvement relatif à l'exercice de l'action dans l'intérêt collectif sur la base générale de l'article 2132-3 C.T, l'action spéciale du groupement contre le texte conventionnel a été admise sans difficulté par la chambre sociale de la cour de cassation et ce abstraction faite de la signature ou non de la convention ou de l'accord par le syndicat intervenant. Un arrêt du 14 février 2001309 démontre cette orientation extensive ; en effet après avoir pris la peine d'expliquer la différence entre l'action fondée sur l'article 2262-11C.T ( ne nécessitant pas la signature du syndicat pour être recevable ) et l'action spéciale de l'article 2262-10 C.T ( n'exigeant pas cette qualité ), la cour de cassation affirme dans l'arrêt précité que l'action dans l'intérêt collectif engagée par un syndicat non signataire du texte conventionnel est recevable en raison de l'intérêt collectif que la solution peut présenter pour les membres du syndicat et malgré le fait qu'elle ne soit pas signée par le syndicat intervenant dans l'affaire.

    308 Soc. 28 nov. 1995, no 92-43.742, Bull. civ. V, no 321 ; D. 1996. IR 12.

    309 Soc 14 février 2001, n°98-46.149, Droit ouvrier 2001. 174, note Dufresne-castets et le Paon

    61

    Deuxième partie : Une expansion freinée

    Malgré un encadrement légal accommodant et une pratique judiciaire assez ouverte, l'action dans l'intérêt collectif peine aujourd'hui à trouver l'espace nécessaire pour s'étendre. Son développement est contrarié par plusieurs facteurs. Sa limitation tient d'abord à un ensemble de contraintes matérielles tels que la complexité d'accès aux moyens de preuve, des frais dissuasifs de justice, un grand risque de rétorsion ainsi qu'une lourdeur procédurale relativement handicapante.

    Sans méconnaitre ces éléments, il est important de se concentrer sur les inhibitions récentes et proprement légales pour étayer notre propos. « La jurisprudence récente de la cour de cassation »310, les mutations forcées infligées au périmètre du collectif par de nouvelles articulations, la concurrence croissante avec des acteurs qui jusque-là n'étaient pas très actifs, la faiblesse du rayonnement de l'action sur l'individu, l'envie politique de désamorcer le conflit, ces éléments ont tous eu raison de l'action dans l'intérêt collectif.

    Pour synthétiser, on peut dire que l'action dans l'intérêt collectif est freinée d'abord parce qu'on retrouve des hypothèses récentes d'action irrecevables en crête des actions traditionnellement recevables (Section 1).

    L'action est freinée aussi parce qu'elle est mise en interaction abrasive avec d'autres catégories d'action et d'autres acteurs qui commencent sérieusement à la rivaliser de manière de plus en plus efficace (section 2)

    Section 1 : Les actions irrecevables

    Ce qu'il faut remarquer de prime abord à propos de ces actions irrecevables c'est que la jurisprudence en la matière n'observe pas une ligne de conduite claire. Le mouvement qu'on va décrire n'est pas si net qu'il n'y parait.

    Nous allons aborder dans une première sous-section les hypothèses dans lesquelles l'action, malgré un versant collectif prononcé impactant l'intérêt de la profession, est exclue par la jurisprudence (sous-section 1) et dans une deuxième sous-section nous allons nous intéresser aux cas récents d'exclusions de certaine infraction pénales (sous-section 2).

    310 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif - Développements récents. Droit social n°7/8-juillet-Aout 2017. P.631

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    Sous-section 1 : L'exclusion de certaines actions à versant collectif

    Le débordement de l'intérêt collectif sur l'ensemble des intérêts individuels pris à part, est admis depuis la naissance de l'action dans l'intérêt collectif de la profession en 1913. L'intérêt individuel pourrait, contenir en substance un aspect très collectivisant.

    On peut le considérer comme un « échantillon » assez représentatif d'une situation ou d'un ensemble plus grand d'intérêt « collectif » dans lequel une catégorie professionnelle peut s'y identifier. Cette fonction « distributive » qui permet de passer du singulier au pluriel en faisant au passage bénéficier le collectif entier de la pertinence des intérêts conquis revêt des formes multiples. Elle pourrait provenir par exemple d'une volonté de généraliser une question individuelle, jugée de « principe », sur l'ensemble des salariés et ce dans un but revendicatif et collectivisant.

    Elle peut provenir également de l'implication d'un certain nombre de salariés dans une question en-laquelle se reconnait une majeure partie du collectif et dont l'écho est assez retentissant : Une question de portée générale.

    L'action dans l'intérêt collectif, bien que souvent amorcée par une violation d'un droit individuel, elle est indifférente de ce dernier. Techniquement elle peut exister indépendamment de l'action du travailleur. Il résulte de ce qui suit que malgré la rétractation du salarié demandeur à l'origine, l'action dans l'intérêt collectif subsiste.

    Le champ de l'action dans l'intérêt collectif est encadré par la jurisprudence.

    Cet encadrement jurisprudentiel est aujourd'hui plus serré qu'avant ; en effet, de plus en plus d'actions rattachées certes au salarié (et qui touchent en même temps l'intérêt collectif) sont en train d'être exclues par la jurisprudence (paragraphe 1).

    Le contentieux collectif relatif aux prérogatives des institutions représentatives du personnel semble suivre également la même tendance (paragraphe 2).

    Ce changement subtil de paradigme a des raisons plus ou moins claires.

    Paragraphe 1 : Les actions rattachables au salarié

    Est exclus à la fois le contentieux relatif à la sphère privée et intime du salarié (sous paragraphe 1) ainsi que le contentieux subjectif subséquent à la déclaration de culpabilité de l'employeur (sous paragraphe 2).

    63

    Sous paragraphe 1 : Exclusion de certaines actions qui relèvent de la sphère privée

    Selon la doctrine, c'est la notion de « l'intime »311 qui encadre en principe l'action dans l'intérêt collectif parce l'intime relève de la sphère privée du salarié. Et comme il s'agit d'une atteinte personnelle, le préjudice est par conséquence individuel et non collectif. Cependant, la grande proximité de l'atteinte avec la personne d'un travailleur n'est pas exclusive d'un quelconque préjudice direct ou même indirect pouvant atteindre l'intérêt collectif d'une profession. Bien au contraire, il est fréquent qu'une atteinte relevant de la sphère privée mette en lumière un dysfonctionnement dans l'organisation de l'entreprise.

    Un dysfonctionnement tellement grave qu'il devrait être logiquement couvert par le champ de l'action dans l'intérêt collectif. Pourtant, la jurisprudence en la matière atteste d'une assez grande prudence et imprévisibilité quant à la recevabilité de ce genre d'action. S'il est compréhensible dans certaines affaires que l'atteinte à l'intérêt collectif n'est pas caractérisée (et donc l'action est irrecevable) en raison justement de cette introversion, il nous semble que dans plusieurs cas récents, la cour de cassation a été plus sévère. En effet un syndicat a été privé d'agir et a vu par conséquence son action sanctionnée par une fin de non-recevoir dans une affaire où les faits étaient préjudiciables à « la vie privée » d'un membre de la profession. 312 Dans le même sens, une demande de constitution de partie civile d'un syndicat a été rejetée par la chambre criminelle au motif que le harcèlement-viol subi par le salarié, pour autant sur son lieu de travail, ne portait pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession.313 Cette interprétation restrictive a été justifiée abusivement par la connexité des faits réprimés avec la personne du salarié quand bien même l'acte incriminé s'est produit dans l'enceinte de l'entreprise. Cet élément n'est pris en considération qu'implicitement par la cour314. Ce qui nous laisse présumer qu'il faut plus qu'un viol et plus qu'un cadre professionnel pour que l'atteinte à l'intérêt collectif soit reconnue. On comprend implicitement qu'il faut peut-être un « choc » plus important ou une affaire très médiatisée pour qu'une action syndicale soit jugée recevable.

    La problématique d'harcèlement au travail est pour-autant très connue et de plus en plus admise en tant que problème lié aux conditions de travail.

    311 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif, préc, p.633 et s

    312 Civ 19 décembre 1995 n° 93-18.939, Bull.civ.I, n°479, D.1997.158 ; RTD com., 1996.498, obs.E.Alfandari et M.Jeantin

    313 Crim 23 janvier 2002, n°01-83.559, Bull. Crim., n°12, RSC 2002.832, obs.G.Giudicelli-Delage.

    314 La cour explique dans la même affaire que la survenance des faits dans un cadre professionnel n'est pas suffisante pour donner au préjudice individuel une teinte collective.

    64

    Le mouvement social encourageant la prise de paroles des femmes par exemple pour dénoncer les viols et agressions de tout genre est en plein essor315.

    « La victime d'un harcèlement moral est souvent isolée et psychologiquement affaiblie. Dans ses conditions, la mise en mouvement de l'action publique peut lui paraitre insurmontable. De toute évidence, les victimes préfèrent s'adresser au juge prud'homal, plus proche, plus accessible, pour qu'il prononce la rupture du contrat et mettre fin à une situation souvent devenue cauchemardesque »316.

    En conséquence, personne ne peut nier l'impact de cette problématique sur l'intérêt collectif de la profession parce qu'elle est en étroite liaison avec les conditions de travail. En témoigne une analogie possible avec le délit d'harcèlement moral déjà reconnu. En effet « Si le harcèlement (moral) s'inscrit dans une démarche de management pervers et concerne, non pas un, mais plusieurs salariés, le harceleur s'en prenant tour à tour aux uns et aux autres, il semble que l'atteinte à l'intérêt collectif soit caractérisée. (...) En revanche, admettre l'action syndicale en présence de harcèlement ciblé sur une personne peut paraitre plus délicat ».317 Du reste, la cour de cassation pourrait être plus sensible à cet argumentaire « d'autant que l'article 1154-2 C.T habilite le syndicat à exercer par substitution l'action même de la salarié victime »318. Encore faut-il que les syndicats parviennent à plaider le lien entre les faits répréhensibles et la violation des conditions de travail. Le maintien de cette jurisprudence restrictive représente un frein à l'action dans l'intérêt collectif de la profession susceptible d'empêcher sa recevabilité.

    Sous paragraphe 2 : Exclusion du contentieux « subjectif-subséquent »

    Il s'agit d'exclusions récentes d'actions dans l'intérêt collectif relatives aux actes subséquents (résultante) au constat (déclaration) d'irrégularité (illicéité) de la pratique patronale qui étaient, jusqu'à un certain moment, admises de manière exceptionnelle par la jurisprudence de la cour de cassation malgré leurs caractère subjectif, « attaché à la personne du salarié »319.

    En effet, depuis un revirement jurisprudentiel récent320 la chambre sociale a décidé que les demandes « autres que celle relative au constat de l'irrégularité » de la pratique patronale, sont irrecevables.

    315 Le mouvement #MeToo est un mouvement social encourageant la prise de parole des femmes, afin de faire savoir que le viol et les agressions sexuelles sont plus courants que ce qui est souvent supposé.

    316 Marie-Cécile Amuger-Lattes, préc, 2806.

    317 Marie-Cécile Amuger-Lattes, préc, 2806.

    318 Cyril Wolmark, préc, p.634.

    319 Cyril Wolmark, préc, p.634.

    320 Cass. Soc. 14 décembre 2016 n°15-20.812 Note Bernard Gauriau, Semaine juridique n°5-6. 7 février 2017. 1045. p3

    65

    En d'autres termes, la cour déclare que seules les demandes qui tendent à constater l'irrégularité de la pratique patronales seront recevables, tandis que les demandes visant les actions subséquentes, c'est-à-dire qui résultent du constat d'irrégularité, que l'employeur devrait en principe prendre, sont irrecevables.

    L'exemple le plus significatif d'actions exclues du contentieux subjectif est celui de la demande visant la régularisation des rémunérations résultantes de la déclaration d'illicéité. Ces demandes sont désormais irrecevables alors qu'elles étaient auparavant recevables.321

    Selon la doctrine « les syndicats n'auraient alors plus qu'un rôle limité au contentieux objectif, celui tendant à déclarer irrégulière ou non des actions mesures, normes »322.

    Les actions patronales qui suivraient alors la déclaration d'illicéité échapperaient ainsi au domaine d'intervention de l'action syndicale et par conséquent au juge.

    L'exclusion de ce contentieux « subjectif-subséquent » réduit de manière considérable le bénéfice « individuel » que le salarié peut tirer de l'action collective.

    Cette nouvelle orientation jurisprudentielle freine considérablement l'action dans l'intérêt collectif et nuit désormais à son efficacité. Selon la doctrine « Ce revirement jurisprudentiel pourrait trouver justification dans l'entrée en jeux en droit du travail de l'action de groupe par la loi de 18 novembre 2016 ».323

    Une position qu'on partage puisqu'il nous semble que la jurisprudence a été sensible à l'introduction de cette action de groupe. A l'écoute de la consigne « implicite » de 2016, la jurisprudence a pris appui sur l'introduction du mécanisme de l'action de groupe en droit du travail ( mécanisme à double phases ) à fin de « céder » à cette action de groupe le contentieux subjectif et subséquent qu'elle a « volontairement » exclu du contentieux objectif. Mais sans compter réellement sur la complexité procédurale de ce mécanisme ni sur la limitation de son domaine en droit du travail aux seules discriminations. L'efficacité de l'action dans l'intérêt collectif, jusque-là vérifiée, ne va cependant plus l'être.

    321 Soc 12 février 2013, n°11-27.689, Bull.civ.V, n°36, D.2013.513 ; 1026, obs. Lokiec et J.Porta

    322 Cyril Wolmark, préc, p.635

    323 Cyril wolmark, Cours de droit social 2020, Université paris Nanterre.

    66

    Paragraphe 2 : Le contentieux relatifs à l'élection et à la négociation

    L'irrecevabilité récente de l'action dans l'intérêt collectif en matière du contentieux des élections professionnelles (sous paragraphe 1) et celui de la négociation (sous paragraphe 2) montre bien aussi que l'action dans l'intérêt collectif est entrain de régresser.

    Sous paragraphe 1 : Le contentieux électoral :

    En la matière, on observe que la jurisprudence a un pouvoir considérable pour décider de la réception ou non de l'action du syndicat en contestation d'un accord préélectoral.

    On peut s'interroger sur la capacité d'une organisation syndicale non-signataire de contester la validité de cet accord. « La nature de la règle violée »324 aurait pu être la clé de répartition de la recevabilité de l'action ; Les syndicats ayants intérêts, auraient pu être recevables de manière ouverte si la nullité était absolue et en cas de nullité relative, cette dernière n'aurait pu être invoquée que par les syndicats lésés.

    Cependant, la cour de cassation a décidé autrement. Son choix s'est porté sur une interprétation limitative de l'intérêt à agir des syndicats. La cour de cassation a estimé que le syndicat doit nécessairement avoir des adhérents dans l'entreprise pour pouvoir agir 325 avant d'estimer depuis un arrêt du 20 septembre 2018 326 que « l'organisation syndicale qui a vocation à participer au processus électoral dispose (doit disposer) nécessairement d'un intérêt à agir en contestation de la régularité des élections ».

    Cette décision montre une volonté jurisprudentielle de freiner la recevabilité de l'action syndicale et de la restreindre aux seules parties prenantes du processus électoral dans l'entreprise. Elle illustre une compréhension particulière des moyens d'action légale dont disposent les organisations syndicales, qui paraissent ainsi être menées par un esprit de coopération avec les institutions représentatives du personnel.

    Cette façon de raisonner peut être critiquée. En effet l'intérêt collectif de la profession défendu par les syndicats est censé se déployer au-delà des périmètres étroits de l'entreprise. Il suppose que les syndicats soient capables de demander l'application du droit de la représentation des intérêts ainsi que les préceptes du droit syndical sans qu'ils aient à prendre part au procédé des élections professionnelles. L'arrêt de 2018 n'écarte pas cette éventualité. Il se résigne aux syndicats ayants

    324 Fréderic Guiomard, Droit Social 2020, préc p.134

    325 Soc. 10 oct.2012, n°11-60.238. In Fréderic Guiomard, Droit Social 2020 « l'action en justice des syndicats dans l'entreprises : vielle lune, toujours actuelle ? p.134

    326 Arrêt du 20 septembre 2018 n°17-260226, publié au Bulletin, RDT 2018.694, chron.F.Guiomard

    67

    nécessairement intérêt à agir pour dénigrer l'accord préélectoral. L'énonciation n'écarte cependant pas la possibilité de faire prévaloir l'intérêt d'autre personne.

    Cette orientation effectue pourtant une bipartition claire de l'intérêt à agir en fonction de la position de l'organisation syndicale au sein de l'entreprise. Le degré d'intervention du syndicat dans les élections professionnelles détermine désormais sa capacité à discuter ou pas devant la justice l'opération électorale.

    Ce mouvement Jurisprudentiel doit être lié de façon contextuelle à la place grandissante dévolue aux élections professionnelles à partir de la loi du 20 aout de 2008. Il faut le reconnaitre, le lien très étroit entre élections professionnelles et représentativité a conduit à enraciner davantage les pouvoirs du syndicat dans l'entreprise et à freiner l'enthousiasme de l'action dans l'intérêt collectif lorsqu'elle n'est pas liée aux institutions représentatives.

    Sous paragraphe 2 : Le contentieux relatif à la négociation collective

    Les questions relatives à la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif s'inscrivent également dans la sphère grandissante du droit de la négociation collective.

    Les arrêts Euro Disney du 12 juin 2001327 suivis des arrêts Aventis Pharma du 21 janvier 2004328 et Michelin 26 mai 2004 329 ont estampillés la capacité des syndicats à requérir l'application des conventions collectives. Si l'article 2262-11 C.T semble conférer l'exercice de l'action en exécution des conventions collectives aux syndicats signataires exclusivement, l'arrêt Eurodisney avait admis la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif de la profession pour tout syndicat (signataire ou non) si la convention avait été étendue330 et ce avant que cette condition ne soit plus exigée par les arrêts Michelin et Aventis Pharma précités.

    Le doyen J.M Verdier, grand spécialiste de la question a pu conclure à propos de cette jurisprudence que le champ statutaire du syndicat requérant l'emporte sur le champ conventionnel de la convention collective.

    En d'autres termes, l'atteinte portée à l'intérêt collectif couvert par le champ statutaire du syndicat est forcément une atteinte à l'intérêt collectif de la profession susceptible d'être défendue en justice par tout syndicat, qu'il soit signataire de l'accord ou pas.

    327 Soc, 12 juin 2001 n°00-14.435, D.2002.361 ; Dr.soc.2001.1019, obs. H.Antonmattei

    328 Soc, 21 janvier 2004 n°02-12.712, Aventis Pharma, Bull.civ.V.n°26, D.2004.323, obs. Dr.soc.2004.375, note B.Gauriau

    329 Soc. 26 mai 2004 n°02-18.756, Michelin, Bull.civ.V, n°143, D.2004.1866 obs. Dr.Soc.2004.839, note P-H.Antonmattei

    330 Voir nos développements dans la section 2 de notre première partie.

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    Un arrêt récent de la cour de cassation du 23 janvier 2019331 est allé dans le même sens en indiquant que l'action dans l'intérêt collectif est recevable même lorsque la convention est contestée par un seul salarié, rejoint par un syndicat. Cependant, un arrêt antérieur du 19 novembre 2014332 est venu pour poser une condition nouvelle et implicite pour agir ; L'action dans l'intérêt collectif ne serait recevable que par une Organisation syndicale capable de conclure un accord ou une convention collective et donc par une organisation Syndicale représentative.

    Cette condition est surprenante puisqu'elle ne figure pas parmi les conditions prévues à l'article 226211 C.T. Rappelons que cet article n'exige, pour que des syndicats puissent « intenter en leur nom propre toute action visant à obtenir l'exécution » d'une convention collective, seulement le fait qu'elle soit « liée par une convention ou un accord ». On pressent ici la volonté de lier la capacité d'agir en justice avec la capacité du syndicat à négocier un accord collectif.

    Autrement dit, comme si le syndicat n'est capable d'agir en justice en défense de l'intérêt collectif que lorsqu'il est représentatif.

    Une telle exigence pourrait freiner le déploiement de l'action dans l'intérêt collectif.

    En outre, l'action visant à annuler l'accord collectif semble être restreinte en termes de recevabilité. En effet, si la contestation de la validité de l'accord est recevable indépendamment de la signature du syndicat (lorsque la nullité alléguée est absolue), la contestation ne le sera pas (irrecevable) en revanche si le syndicat invoquant la nullité relative n'est pas signataire.

    La mutation du droit de la négociation collective semble ainsi influencer la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif. Le doyen Verdier333 a évoqué cette problématique en opposant la « logique statutaire » protégée par les organisations syndicales d'une part à une logique « contractualiste » de la négociation d'autre part.

    L'action dans l'intérêt collectif de la profession visant à appliquer ou annuler un accord collectif devrait être reçue en justice normalement sans trop de restrictions.

    331 Soc, 23 janv. 2019 n°17-22-769, publié au Bulletin

    332 Soc.19 nov. 2014, n° 13-23.899, Bull.civ.V, n°271, D.2014.2414, RDT 2015.126, obs.I.Odoul-Asorey

    333 In Fréderic Guiomard, Droit Social 2020, préc p.135

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    Sous-section 2 : L'exclusion de certaines infractions pénales

    L'invocation par les syndicats de l'atteinte à l'intérêt collectif a toujours été admise devant les juridictions pénales et ce quand bien même elle ait porté parallèlement atteinte à l'intérêt général de la société. Le principe a été affirmé clairement par la chambre criminelle dans une formule célèbre : « la circonstance qu'un texte a été édicté dans un intérêt général ne saurait faire échec à l'application de l'article L 411-11 du code de Travail ».334 Autrement dit la superposition des intérêts (collectif et général) ne sont pas, en principe, exclusif l'un de l'autre. Et pourtant, la demande de constitution de partie civile en défense de l'intérêt collectif n'est pas automatiquement admise par les juridictions répressives. Rappelons à ce titre que l'action en défense de l'intérêt général est réservée en principe au procureur de la république. Il va falloir donc se demander où, principalement en droit pénal, l'action des syndicats est irrecevable, c'est-à-dire quand est ce que la constitution de partie civile est irrecevable ? Rappelons également de passage qu'être une partie civile dans un procès revêt un double intérêt. D'abord l'intérêt, est de déclencher l'action dans l'intérêt public dans le cas où l'action n'est pas faite par le ministère public. Ensuite, l'intérêt est de pouvoir être « partie » victime au procès.

    De multiples freins jurisprudentiels sont érigés aujourd'hui (beaucoup plus qu'avant) devant l'action dans l'intérêt collectif l'empêchant d'être recevable. Le mouvement d'exclusion que nous allons exposer n'est pas très net aussi.

    La constitution de partie civile a été refusée ainsi pour les syndicats dans des poursuites relatives à certaines infractions de droit commun (paragraphe 1) et dans la majorité des contestations qui concernent les infractions dites de « droit pénale des affaires » (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : L'exclusion de certaines infractions de droit commun

    L'extranéité de la victime : D'abord, La cour de cassation a déclaré la demande de constitution de partie civile irrecevable, lorsque la victime de l'action est un tiers extérieur à la profession, et ce quand bien même l'infraction a été commise par un membre de la profession 335 dans des circonstances très discutables compte tenu de leurs impacts sur les conditions d'exercice de la profession.

    En effet, dans une affaire336 relative à la responsabilité médicale où un pharmacien hospitalier est accusé pour homicide involontaire, la cour de cassation n'a pas admis la constitution de partie civile du syndicat de pharmaciens et ce malgré le fait qu'une telle infraction aurait pu ouvrir la voie à ce

    334 Crim, 20 novembre 1980, n°80-92.344.crim, n°309.

    335 Crim 16 février 1999 n°98-81.621, Bull, n°18, D.1999.79 et Crim 10 mai 2011, n°10-84.037, Bull. Crim., n°95 ; D.2011.1490 ; Aj pénal 2011.525, obs.J.Laserre Capdeville ; Dr.soc.2011.1135, obs.F.Duquense ; RSC 2011.855, obs.A.Cerf-Hollender

    336 Crim., 10 mai 2011, n°10-84.037, préc

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    dernier pour plaider contre une situation préjudiciable à l'intérêt collectif de la profession de pharmacien. Dans ce cas, le syndicat était face à une question de principe qui concernait les conditions d'exercice et d'engagement de responsabilité de la profession dont il a normalement vocation à défendre. On pourrait se demander si la fin de non-recevoir de l'action du syndicat est justifiée par la position du syndicat en tant que victime indirecte du préjudice, puisque le préjudice subi par la victime d'un homicide n'est pas le même préjudice subi par un syndicat. Ce raisonnement dont on suspecte la cour de cassation d'emprunter ne tient pas à notre avis. En effet et en examinant l'article 2132-3 du C.T, on ne trouve aucune mention qui exige l'appartenance de la victime de l'infraction à la collectivité demandant à être partie civile, ni une exigence particulière d'une quelconque qualité. La loi donne aux syndicats la possibilité d'être « partie à la procédure, en l'absence de victime directe membre de la profession, mais simplement pour corroborer ou provoquer l'action publique ». L'article 2132-3 C.T n'est en définitive qu'une exception à l'article2-1 et suivant du code de procédure pénale qui n'autorise la constitution de partie civile qu'à côté de la victime. Pour corroborer notre analyse, on peut se référer à un arrêt illustratif de la chambre criminelle du 13 avril 2010 où « L'arrêt est, sur ce point, cassé sans renvoi. Les motifs de la cour d'appel procèdent en effet d'une confusion entre intérêt des membres du syndicat et ceux de la profession représentée ».337 Le but de l'action dans l'intérêt collectif dans le cas où la victime n'appartient pas à la profession est justement de pousser l'employeur responsable du préjudice affectant l'intérêt collectif de la profession à la condamnation pénale. La doctrine338 suggère néanmoins d'étendre la compréhension fine de la faute civile à la matière de pénale. Ensuite, il ressort de la jurisprudence de la chambre criminelle également que seules les infractions protégeant « strictement » la profession 339 sont admises. L'irrecevabilité de la constitution de partie civile n'est décidée ainsi que lorsqu'il s'agit d'infractions de droit commun pures.340 Au demeurant, la jurisprudence de la chambre criminelle reste imprévisible à propos du reste des infractions de droit commun, tantôt elle reçoit l'action dans l'intérêt collectif et tantôt elle la rejette pour des motifs pas tout à fait clairs. Ce qui se dégage de l'examen de la jurisprudence en la matière c'est qu'il y a un principe d'irrecevabilité qu'on a tempéré par des exceptions relatives à la mort dans des circonstances

    337 Agnès Cerf-Hollender, RSC 2010, Note Ss Crim. 13 avril 2010, n°08-85.775. p871

    338 Cyril Wolmark, Cours Droit de la représentation des intérêts, Université paris Nanterre.2020

    339 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif préc. p.632

    340 Crim, 27 oct. 1992, n°92-84.511, Bull. Crim. N°344 à propos d'irrecevabilité de la constitution de partie civile d'un syndicat de magistrat à l'occasion d'une tentative d'assassinat dont a été victime un membre de la profession

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    d'homicide ou de blessures.341 Seul le décès ou les blessures rendent l'action dans l'intérêt collectif recevable, et pas n'importe lesquelles342.

    Ces atteintes doivent être corrélées à la condition du non-respect des règles relative à la sécurité au travail.343 C'est le cas par exemple de l'effondrement du terminal 2B de Roissy.344

    Paragraphe 2 : L'exclusion de certaines infractions de droit pénal des affaires

    Ce sont pour la plupart « des délits économique ou financiers commis par la société ou ses dirigeants devant les juridictions répressives ».345

    La jurisprudence de la chambre criminelle a tendance à déclarer irrecevable la constitution de partie de civile du syndicat de ce type de délits de droit pénal des affaires.

    A titre d'exemple, la chambre criminelle a déclaré la constitution de partie civile d'un syndicat irrecevable afin de poursuivre des délits d'« Abus de bien social, abus de confiance, escroquerie, recel, la présentation de comptes inexacts, distribution de dividendes fictifs (et) le trafic d'influence »346, les « détournements de fond et la prise illégale d'intérêt »347.

    Pour la chambre criminelle, il n'y a pas de différences entre le préjudice porté « indirectement » à l'intérêt collectif de la profession et le préjudice subi par les salariés du fait de l'infraction.348 Et pourtant la distinction entre les deux catégories de préjudices est évidente.

    Plusieurs critiques ; D'abord l'intérêt collectif dépasse les simples intérêts individuels de salariés additionnés. Cette nuance est pourtant admise par la cour depuis très longtemps. Ensuite, ce raisonnement comporte une perception très caractéristique du statut des travailleurs au sein de l'entreprise. Un statut marginalisé, dans une société de plus en plus conçue sur un modèle patronal qui isole le salarié et le réduit à un simple élément externe.349

    341 Crim, 11 oct. 2005 n°05-82.414 Vs Crim 1er sept 2010, n°10-80.577

    342 Voir nos développements infra dans la sous-section 2 de la première partie.

    343 Par contre l'assassinat d'un chauffeur de taxi n'implique pas une atteinte à l'intérêt collectif de la profession Crim.29 oct.1969, Bull. crim, n°274. (39)

    344 Crim, 11 oct. 2005 n°05-82.414 Vs Crim 1er sept 2010, n°10-80.577 (40)

    345 Fréderic Guiomard, Droit Social, préc, p.134

    346 Cyril Wolmark, préc, P.632

    347 Frederic Guiomard, préc, p.134

    348 Crim, 23 févr.2005, n°04-83.792, Dr, soc, 2005.588, obs.F.Duquense et Crim, 27 oct.1999, n°98-85.213, Bull. Crim, n°236, Rev.Sociétés 2000.364, Note. B.Bouloc

    349 B.Hatchuel et B.Segrestin, Refonder l'entreprise, Seuil, 2012.

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    Cette conception nous choque particulièrement. Elle heurte aussi le droit constitutionnel 350 en faisant barrage à la participation de tout travailleur par l'intermédiaire de ses représentants à la « gestion des entreprises » 351.

    Elle opère malencontreusement une dislocation maniérée entre le travail et le capital.

    Du reste, La jurisprudence de la chambre criminelle nous parait infondée parce que les termes de l'article 2132-3 C.T sont clairement indifférents à la catégorie des infractions qui porteraient atteinte à l'intérêt collectif de la profession.

    Le champ de recevabilité est normalement plus ouvert par rapport aux associations parce que les dispositions de l'article 2-1 et suivant du CPP enferment la constitution de ces associations de grandes causes dans une liste limitatives d'infraction recevables.

    Cette logique qui exclut une catégorie spécifique de délit du champ de la recevabilité de la partie civile est susceptible de freiner aujourd'hui l'action dans l'intérêt collectif de la profession.

    Du reste, le mouvement n'est pas si net qu'il n'y parait. En effet dans une affaire ou la recherche de culpabilité du dirigeant était basée sur l'infraction de prise illégale d'intérêts, l'action dans l'intérêt collectif a été jugée recevable puisqu'il était question dans l'espèce d'une atteinte au même temps aux lois morales de la profession.

    La doctrine voit dans la continuité de cette orientation jurisprudentielle une potentielle « brèche »352 à la recevabilité de l'action d'intérêt collectif.

    Plusieurs justifications à cette exclusion : Le professeur Cyril Wolmark estime pour sa part que les nuances de la jurisprudence pourraient provenir de la nature de l'infraction et de la victime de ces infractions.353

    On pense de notre côté que « l'image de la profession » l'a emporté dans cette affaire (de prise illégale d'intérêts) sur la nature économique de cette infraction puisque sa « gravité et son inédit » étaient capables d'irradier toute la profession.

    Il nous semble qu'en dépit de ce raisonnement, l'exclusion de ces délits économiques et financiers relève d'une conviction jurisprudentielle consistant à conserver le recours en justice aux seuls

    350 L'alinéa 8 du préambule de la constitution de 1946

    351 Cyril Wolmark, préc, p.633

    352 Cyril Wolmark, préc, p.633

    353 Cyril Wolmark, préc, P.632 et 633

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    détenteurs du capital, « seuls » légitimes et capables d'apprécier l'atteinte à l'intérêt social (de l'entreprise).

    Si on nous oppose le fait que l'intérêt de l'entreprise est différent de l'intérêt collectif, nous pourrons répliquer en disant que cette irrecevabilité est motivée peut-être par la volonté d'empêcher toute concurrence entre l'action syndicale et l'action At-singuli ou at-universi354 qu'un associé ou un dirigeant peuvent engager contre le dirigeant responsable.

    En d'autres termes, il semblerait qu'on veuille bien tenir les soucis pénaux de l'entreprise (économiques et sociaux) hors de la portée des syndicats.

    Cette tendance s'inscrit aussi à notre avis selon dans le cadre d'un mouvement global initié à partir des années 2008 visant à « dépénaliser le droit des affaires ».355

    De la réalité du préjudice subi par les l'intérêt collectif : Dans ces affaires, il est vrai que les associés et les dirigeants sont perdants. Mais réellement, les plus grands perdants ce sont les salariés de l'entreprise. D'abord parce qu'ils ne vont pas faire de réclamation de salaire, ensuite parce que la société pourrait être liquidée et enfin parce qu'ils pourraient perdre leurs emplois. Donc il y'a milles et une raisons pour lesquelles les salariés sont directement impactés par ce type d'infractions.

    Prenons le cas par exemple des abus de marché public ; les conséquences dramatiques de ces agissements sur l'entreprise ne laisseraient aucun doute. L'entreprise ne peut souvent plus candidater aux marchés publics, sa politique commerciale et ses capacités de gain seront amoindris. Son pronostic vital sera engagé et les salariés pourraient alors voir leurs emplois par conséquence menacés voir supprimés.

    Cette jurisprudence est donc très rétrograde. On ne le répétera jamais assez ; la société n'est pas composée uniquement de dirigeants ou d'actionnaires. Elle est également composée de salariés qui devraient en principe participer à sa gestion. Ignorer leur intérêt collectif, serait malheureux.

    Le débat de savoir qui fait partie de l'entreprise ou pas a refait surface au moment de la loi Pacte du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

    354 L'action « ut universi » est l'action en responsabilité engagée par les dirigeants eux-mêmes par contre l'action « ut singuli » est dirigée par l'un des associés de la société.

    355 Rapport Coulon sur la dépénalisation du droit des affaires, Groupe de travail présidé par Jean-Marie Coulon, Janvier 2008

    74

    Un rapport ultérieur à cette loi intitulé « L'entreprise, objet d'intérêt collectif » a recommandé d'inscrire dans cette loi que « La société doit être gérée dans son intérêt propre356, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » en assurant, entre autres, « la reconnaissance des travailleurs »357. Le nouvel article 1833 du code civil (modifié par la loi PACTE) a retenu dans son deuxième alinéa que « La société est gérée dans son intérêt social ». Rapporté au contentieux de l'article 2132-3 C.T, ce bout de phrase pourrait fonder la recevabilité de la constitution de partie civile des syndicats afin d'en poursuivre les délits économiques ou financiers exclus par la cour de cassation.

    Cette loi peut être « une note d'espoir ... dans le sens d'une plus grande démocratie »358 comme elle peut être une subtilité pour « redorer le blason de la grande entreprise, parce que c'est là que l'on déplore les dérives les plus médiatisées »359 du droit de travail.

    Notre réalisme nous pousse à pencher pour la deuxième alternative tout en encourageant les syndicats de travailleurs à exploiter le potentiel de ce « bout » d'espoir.

    Section 2 : Une action contrariée

    L'action dans l'intérêt collectif, en tension permanente, est aujourd'hui entrain de muter. Contrainte, elle est en train de prendre de nouvelles formes plus ou moins altruistes pour réussir à s'adapter aux évolutions du droit social.

    Elle est ralentie d'une part par une nouvelle concurrence avec des acteurs qui la rivalisent désormais pour la défense des intérêts collectifs (sous-section 1).

    Elle est également affaiblie par l'introduction nouvelle en droit du travail de l'action de groupe, une chimère procédurale inspirée à la fois du droit étasunien et de l'action en substitution (sous-section 2).

    Mais avant, nous aimerions montrer comment l'action dans l'intérêt collectif est concurrencée, du moins symboliquement par l'action de substitution.

    La concurrence symbolique avec l'action de substitution : la faiblesse sociale d'une catégorie professionnelle spécifique et l'envie de défendre ses intérêts ont amené le législateur depuis longtemps à accorder aux syndicats représentatifs une qualité juridique pour exercer les actions substitutives en sa faveur. La concurrence procédurale entre les deux actions, du moins, sur le plan théorique, permet

    356 « Intérêt social » tel que ça été adopté infine dans la loi PACTE.

    357 Rapport au ministre de transition écologique et solidaire, de la justice, de l'économie de finance et travail de Nicole Notat et Jean-Dominique Senard (« L'entreprise, objet d'intérêt collectif ») remis le 9 mars 2018. p46.

    358 Laurence Gatti, « Tous pour un, un pour tous : la santé du travailleur et l'intérêt collectif », Ordre des avocats, Faculté de droit, Aumônerie du monde juridique, Poitier, mai 2018, HAL, archives-ouvertes.fr, hal-02149663 p.3

    359 Laurence Gatti, préc, p.4

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    de donner beaucoup plus d'avantage à l'action en substitution qu'à l'action dans l'intérêt collectif. L'action, bien que peu exercée en pratique, ne suscite pas de véritable difficulté quant à son étendue ou à ses bénéficiaires. Mais ses domaines se croisent assez souvent avec l'action dans l'intérêt collectif. La confusion des champs d'intervention apparait en matière de convention collectives (2262-9 C.T) , en matière de discrimination ( 1134-2 C.T) , d'harcèlement sexuel et moral, ( 1154-2 C.T) d'égalité salariale entre femmes et hommes ( 1144-2 C.T ), en défense des travailleurs étrangers sans titre de travail ( 8255-1 C.T), en défense des travailleurs intérimaires ( 1251-59 C.T ), des salariés en contrats déterminés (1247-1 C.T ), les salariés licenciés pour motif économique ( 1235-8 C.T ), et depuis une loi n° 2014 n°2014-790 du 14 juillet 2014, les salariés détachés ( 8223-4 C.T ) et en cas de travail dissimulé ( 1265-1 C.T ). Dans les domaines précités, les organisations syndicales représentatives ont la possibilité de mener toutes les actions en justices dans l'intérêt de catégories de travailleurs bien déterminées sans avoir à présenter un mandat du salarié intéressé à la cour.

    Le salarié devra en revanche être averti, dans des conditions déterminées360 et ne pas s'y être opposé dans un délai qui commence à courir de la date à laquelle le syndicat lui aura notifié son intention d'exercer cette action. L'intérêt de l'action en substitution est double comparé à l'action dans l'intérêt collectif. D'une part, elle donne la possibilité aux travailleurs en question de défendre leurs droits individuels sans se soumettre de manière directe aux risques de représailles patronales, de profiter en plus de la puissance offensive syndicale en termes de moyens juridiques. D'autre part, elle confère à l'organisation syndicale un moyen additionnel pour défendre « collectivement » des situations individuelles et obliger par conséquence l'employeur à respecter la législation sociale. En pratique les organisations syndicales se pressent de faire signer aux salariés un mandat qui leurs confère le droit d'agir en leur place et négocient avec leur conseil des tarifs préférentiels pour réduire la note des frais d'avocat. « L'obstacle dressé à l'action collective se retrouve également dans l'exercice des actions de substitution pour lesquelles le délai de contestation, en particulier en cas de rupture du contrat de travail a été réduit ».361

    360 « Les deux conditions posés par ces règles dont le Conseil constitutionnel (25 juillet 1989) a exigé le respect sont celle d'une information écrite du salarié et du droit pour ce dernier de s'opposer à une telle action » : Fréderic Guiomard, La mobilisation du droit dans les luttes, Syndicats : Evolutions et limites des stratégies collectives d'action juridique, Mouvements 2003/4 n°29 p.51.

    361 Fréderic Guiomard, Droit Social 2020, préc p.130 et s.

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    Sous-section 1 : La concurrence induite à des acteurs rivaux

    L'action dans l'intérêt collectif de la profession rivalise actuellement à la fois avec les actions « personnelles » des institutions élus (paragraphe 1) et avec les associations de grandes causes (paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : La concurrence avec les institutions élus

    Rappel : Il convient de rappeler d'abord que dans une entreprise il y'a deux types de représentants, deux « Canaux » principaux qui représentent les travailleurs. D'une part il y'a des représentants « élus » par le personnel de l'entreprise et ces représentants élus constituent les institutions représentatives du personnel. C'est le canal élu. Il faut rappeler qu'aujourd'hui, et avec les ordonnances de 2017, il n y'a qu'une institution représentative du personnel dans l'entreprise appelée le Comité social Economique (CSE362) qui regroupe les anciennes institutions fusionnés (les Délégués du Personnel, Comité d'Entreprise et la commission de santé et de sécurité et conditions de travail).

    D'autre part, et à côté de cette représentation élue du personnel, il y'a une représentation syndicale dans l'entreprise. C'est le canal non élu mais désigné par les syndicats : les délégués syndicaux. Ces délégués syndicaux ont le privilège mais aussi la vocation de défendre les intérêts des salariés de l'entreprise ainsi que l'ensemble de la branche d'activité à laquelle appartient l'entreprise. Ce sont les représentants du Syndicat qui agissent au nom du syndicat. Ils ont la faculté de déclencher l'action dans l'intérêt collectif de la profession.

    Si l'employeur ne respecte pas les prérogatives et les missions des institutions représentatives du personnel, alors le syndicat le plus diligent au sein de l'entreprise a la faculté d'agir parce que la violation des droits de ces institutions porte logiquement et nécessairement atteinte à l'intérêt collectif, apanage traditionnel des syndicats professionnels. La passerelle est visible entre les deux institutions élues et désignées. L'institution représentative du personnel peut agir donc en son nom propre et le syndicat peut également agir au nom de l'intérêt collectif. C'est un autre domaine d'action de l'action dans l'intérêt collectif. « Le pouvoir conféré aux représentants du personnel d'agir devant la justice dans la perspective de garantir des droits individuels ou collectifs constitue un vecteur essentiel du respect des règles du droit du travail. Ainsi que le notent très tôt les auteurs, cette évolution est le signe de la reconnaissance d'une fonction sociale363 particulière au profit des syndicats ». 364

    362 « L'instance doit être mise en place dans les entreprises d'au moins 11 salariés en distinguant toutefois selon que l'entreprise compte moins de 50 salariés ou au moins ce nombre ». Jean-Yves kerbourc'h, Synthèse-représentation élues. Encyclopédies. Lexis Nexis 360 .n°3.

    363 J.-M. Verdier, « Accords collectifs et action syndicale en justice : le rôle fondateur de l'article L411-11 C.T », D.2002.503

    364 Fréderic Guiomard, préc, p.130 et s

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    Un principe : Le principe, si on veut le résumer, consiste dans la possibilité accordée à tout syndicat d'exiger de l'employeur qu'il respecte les droits et prérogatives des institutions élues (notamment le droit à l'information et la consultation).

    Cette volonté d'obtenir l'application de la législation sur les comités d'entreprises fait partie de façon globale de l'intérêt collectif et précisément de l'action dans l'intérêt collectif. 365 « La cour de cassation admet la recevabilité de l'action d'un syndicat en cas de défaut de réunion, d'information et de consultation de l'institution élue. L'atteinte à la règle d'ordre public justifie cette solution ».366 La jurisprudence était assez fixée en la matière 367, mais depuis quelques années, la cour de cassation a commencé à changer d'orientation parce que sa façon de concevoir la notion d'intérêt collectif a changé368. Elle a montré, en effet, une réticence à recevoir l'action dans l'intérêt collectif lorsque les syndicats entendent faire respecter certaines prérogatives ou droits.

    Un repli progressif : L'action dans l'intérêt collectif a été déclarée irrecevable lorsqu'il s'agissait de demandes relatives au payement d'arriérés de subvention369 ou des demandes de documents d'analyse de rémunération370 ou des demandes de communications de contrats.371 L'action syndicale a été jugée irrecevable en fait lorsqu'il s'agissait d'apprécier la pertinence ou le contenu de l'information procurée au comité d'entreprise, c'est-à-dire au fond, sa qualité. « Ainsi l'absence de consultation intéresserait l'intérêt collectif, mais pas la qualité de l'information, dont l'appréciation incomberait exclusivement au comité d'entreprise. Pourtant, dans les deux cas, le syndicat agit pour que soit respectée une norme d'ordre public ».372 Cette distinction est très sophistiquée. L'action a été jugée irrecevable aussi dans l'arrêt du 16 décembre 2014 (précité)373 s'agissant de communisation sous astreinte de la grille de rémunérations ventilées par métier-repère et ce au motif que ces documents, destinés au comité, n'ont pas été demandées par le comité et qu'il ne s'était pas associé à la demande du syndicat. Autrement dit, c'est comme si l'intérêt collectif du syndicat n'est pas lui-même l'intérêt de l'institution élue. Cette

    365 Cette jurisprudence consacre la distinction entre intérêt particulier de l'institution et intérêt collectif.

    366 Sophie Rozez, préc, p.737 p.738

    367 (70) Crim 07 oct 1959, GADT, 4eme Edition, Dalloz, 2008, n°33 et Soc., 11 sept 2012, n°11-22.014 et soc, 14 déc. 2015, n°14-17.152

    368 Les syndicats pouvait agir même en référé-suspension Ex : Soc 24 juin 2008 n°07-11.411, Bull.Civ.V, n°140 ; D.2008.1904 ; RDT 2008.666.obs.A.Fabre)

    369 75 : Cass. Soc 26 septembre 2012, n°11-13.091, inédit, Dr.soc.2013.84, obs.D.Boulmier.

    370 I. Odoul-Asorey. Note ss Soc 16 déc.2014, n°13-22.3018 Revue de droit du travail, Mars 2015 p.200 et 201. (74)

    371 Soc.11 sept.2012, n°11-22.014 préc.

    372 Sophie Rozez, préc, p.738.

    373 Caroline Fleuriot, SS Soc 16 déc.2014, FS-P+B, n°13-22.3018, Dalloz actualité 22 janvier 2015

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    solution qui empêche l'empiétement des syndicats sur les prérogatives du comité d'entreprise, « parait porter surtout la marque d'un repli de l'orientation jurisprudentielle »374.

    Le point d'inflexion : Le point d'inflexion a été observé avec un arrêt de la chambre sociale du 14 décembre 2015 non publié au bulletin. Selon Christophe Vigneau, il s'agit d'un mouvement qui tend « vers une conception restrictive de l'action du syndicat »375 qui limite son efficacité au fond. Ça été « analysé comme (le) prolongement d'une jurisprudence porteuse d'une conception étroite du droit d'agir en justice du syndicat sur le fondement de la défense de l'intérêt collectif de la profession ».376 « Une véritable réduction du champ de l'action en défense de l'intérêt collectif ».377 En l'espèce, l'employeur avait omis de consulter préalablement le Comité d'entreprise sur la mise en place d'un Système d'évaluation des ressources humaines. Le syndicat demandeur réclamait la déclaration d'illicéité du défaut de consultation en se fondant sur une jurisprudence relativement stable qui décidait de la suspension des mesures patronales en attendant que la consultation se produise. La chambre sociale a balayé d'un revers de main l'action engagée par le syndicat parce que le syndicat selon elle n'avait pas la qualité juridique requise pour agir en lieu et place du comité pour se prévaloir du défaut de consultation de l'institution de représentation élue qu'elle-même n'a pas invoqué.

    On comprend de ce qui précède, que l'action dans l'intérêt collectif est recevable pour faire « constater l'illégalité due » à l'absence de consultation du comité, mais pas « les conséquences juridiques » de cette absence, jugée propre au comité, voir un intérêt « exclusivement personnel » que les syndicats n'ont le droit de s'y mêler qu'accessoirement. 378 On se doute qu'en pratique, le syndicat et les représentants élus sont bien en désaccord. Leurs positions donnent le son de deux cloches puisque le syndicat professionnel agit alors que le comité d'entreprise n'agit pas. On est tenté de dire qu'un syndicat n'a pas à « dicter » à l'institution élue son choix d'agir bien que cette dernière est « la véritable victime » du non-respect des règles sur l'info-consultation. Certains estiment même que cette jurisprudence vise au fond à éviter tout « empiétement » des syndicats sur les attributions du comité379 et particulièrement sur sa capacité à juger de la pertinence de l'information qui lui a été délivrée par l'employeur. Certains expliquent aussi cette décision par une volonté implicite de couper court à toute tentative (surtout par les syndicats minoritaires dans le comité d'entreprise) de contourner,

    374 I. Odoul-Asorey. Préc, p201.

    375 Christophe Vigneau, Action en justice du syndicat dans l'intérêt collectif de la profession et prérogatives des représentants élus : vers une conception restrictive de l'action du syndicat, Soc 14 décembre 2015, n°14-17.152, Revue de droit de travail 2016 p.195.

    376 Christophe Vigneau, préc, p.196.

    377 Cyril Wolmark, préc. p.635.

    378 Christophe Vigneau, préc, p 196

    379 I. Odoul-Asorey. Note ss Soc 16 déc.2014, n°13-22.3018 Revue de droit du travail, Mars 2015 p201. 79

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    par le biais de l'action judiciaire, le refus décidé par les représentants majoritaires lors du vote décisionnel.

    On est convaincu pour autant que les intérêts, ne doivent constituer qu'un seul bloc défendable. « L'action du comité d'entreprise n'est pas celle d'une personne physique dont certains droits doivent être protégés, mais celle d'une personne morale dont l'objet, à l'instar de celui du syndicat, comporte la prise en compte de l'intérêt collectif du personnel qu'il présente ».380

    Le débat sur la pluralité des intérêts : Ce débat est ancien. Il a été abordé par certains auteurs du début du siècle dernier qui redoutaient la bipolarisation de l'intérêt collectif. Pour s'en découdre la doctrine381 s'est retournée vers la « notion de représentativité » 382 : Le syndicat ne serait pas un mandataire de la profession mais un simple « porte-parole », une représentation fondée sur la capacité à mieux représenter, une représentation de « type théâtral »383. La notion de représentativité permet justement de reconnaitre aux syndicats une plus grande légitimité à défendre l'intérêt collectif. Dès lors, ce n'est pas le syndicat qui décide si l'intérêt collectif de la profession a été violé ou pas mais c'est le rôle du juge. Le syndicat se contente tout simplement d'élever une prétention de violation portant potentiellement préjudice à l'intérêt collectif. Et c'est au magistrat de recevoir l'action en premier lieu avant de juger de son bienfondé en second lieu.384 La concurrence entre les instigateurs légitimes de l'intérêt collectif a perturbé la cour de cassation. C'est un étage de raisonnement qu'elle a court-circuité.

    Le côté artificiel de la distinction opéré par la cour est critiquable ; d'un côté le juge peut être amené à constater la violation de l'intérêt collectif mais d'un autre côté, quand il s'agit de tirer conséquence de cette violation il sanctionne l'action du syndicat par une fin de non-recevoir. Le conflit que je qualifierai comme « positif » entre titulaires de l'intérêt collectif aurait pu avoir un effet propulseur sur l'intérêt collectif. Et pourtant c'est tout l'effet contraire qui est là.

    Une autre sophistication : Dans un autre registre, on sait que depuis 2005, la loi a renforcé l'aptitude des Syndicats à aménager la procédure de consultation des représentants élus par des accords dit de « méthode ». Les procédures de consultations conventionnelles du CSE sont déterminées aujourd'hui par voie de convention collective signée par des syndicats. Il convient de noter à ce propos, que la non-signature d'un syndicat d'un accord de méthode organisant la procédure de consultation n'est pas

    380 Cyril Wolmark, préc. p.635

    381 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif - Développements récents. Droit social n°7/8-juillet-Aout 2017. P.636

    382 G.Borendfreund, la représentation des salariés et l'idée de représentation, Dr.soc.1991.685

    383 Cours Wolmark, Droit de la représentation des intérêts, Paris Nanterre, 2020

    384 Soc. 9 juill.2015, n°14-11.752, NP

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    un obstacle à son droit d'agir en exécution de cet accord et ce depuis une jurisprudence constante de 2007 selon laquelle tout syndicat (même non-signataire de l'accord collectif) peut agir pour faire respecter les stipulations de l'accord collectif. Cependant on est confronté à une distinction sophistiquée ; S'il y'a un accord de méthode, le syndicat est recevable à agir et s'il n'y a pas d'accord de méthode alors l'action en vue de faire respecter la convention collective (déclinaison de l'action dans l'intérêt collectif) n'est pas recevable. Autrement dit, la cour de cassation parait ne respecter ni la diversité bicéphale de l'expression de l'intérêt collectif dans le système français ni d'ailleurs le mouvement légal récent qui tente de placer la représentation élue, contrairement à l'apparence, sous la dépendance des syndicats. L'action dans l'intérêt collectif pourrait, avec cette « lecture réductrice »385 de l'article 2132-3 C.T, voir son déploiement freiné. En définitive, ce mouvement « traduit sans nul doute une volonté prétorienne d'éviter toute multiplication des contentieux et il marque un retrait par rapport à la conception de l'intérêt à agir développée depuis l'arrêt des chambres réunis de 1913 » 386

    Paragraphe 2 : La concurrence avec les associations

    Certains acteurs, pour qui la défense de l'intérêt collectif n'est pas étrangère, rivalisent aujourd'hui de plus en plus avec les syndicats professionnels gardiens classique de l'intérêt collectif. Ces acteurs sont essentiellement les associations de grandes causes qui sont aujourd'hui au coude à coude avec les syndicats en défense de grandes causes sociale et en matière d'actions de groupes.

    Des habilitations plus étendues en droit du travail : Les associations déclarés et dotés de la personnalité juridique ont la possibilité d'ester en justice en défense « d'une grande cause ». La prérogative, « Limité dans un premier temps aux syndicats professionnels, a progressivement été étendue aux associations à des degrés variables, sur le modèle de l'action dévolue aux syndicats »387. Ce privilège a été octroyé aux associations via des habilitations de plus en plus étendues en droit du travail afin d'agir en justice en défense d'« l'intérêt collectif »388. L'essentiel des habilitations légales 389 niche aujourd'hui dans les articles 2-1 et suivants du Code de procédure pénale, rédigée suivant la

    385 Christophe Vigneau, Action en justice du syndicat dans l'intérêt collectif de la profession et prérogatives des représentants élus : vers une conception restrictive de l'action du syndicat, Soc 14 décembre 2015, n°14-17.152, Revue de droit de travail 2016 p.196

    386 Christophe Vigneau, préc, p.195

    387 Sous la Direction de Ismaël Omarjee et Laurence Sinopoli avec la contribution et la coordination de J.D, E.T, A.B.M, G.B, CD, P.G, I.O, VO, S.P, M.R, S.R, E.S, L.S et E.T, « Les actions en justice au-delà de l'intérêt personnel », CEJEC, Dalloz 2014 p.140

    388 B.Laperou Schneider, A la recherche d'une cohérence de l'exercice par les associations des droits reconnus à la partie civile, Dr pénal 2016, Etude n°13.

    389 Une habilitation à agir est une règle de droit attribuant à une personne des prétentions qui ne la concernent pas directement, et permettant par conséquent à cette personne d'être entendue sur le fond par un juge sans qu'une fin de non-recevoir lui soit opposée in Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz Corpus 2019 n°455 p.214

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    technique de liste. « Certaines habilitations sont limitées à une intervention, l'action publique devant avoir été mise en mouvement par le ministère public ou par la victime ».390 Ces associations représentent le plus souvent une « conscience collective », voir un intérêt collectif pour une catégorie bien déterminée. De ce fait, elles garantissent à l'instar des syndicats la défense d'un intérêt, tellement noble et partagé qu'il peut être considéré comme une « grande cause ».391 Une notion qu'on peut rapprocher de celle de « questions de principes » ou des questions de portées générales. C'est d'ailleurs de cette façon qu'ont pu se constituer partie civile : les associations anti-discrimination et racisme (art 2-1 C.P.P), anti- violences et harcèlement sexuel (art 2-2 C.P.P), anti-discrimination fondés sur le sexe (art 2-6 C.P.P), les associations de défenses des personnes malades et handicapés (art 2-8 C.P.P), les associations de défenses de victimes d'accident de travail ou de maladies professionnelles (art 2-18 C.P.P). Outre ces grandes causes, la rivalité entre action syndicale et action associationnelle est perceptible à travers l'article 2-21-1 C.P.P. Cet article dispose dans son premier alinéa que « Toute association, tout syndicat professionnel ou tout syndicat de salariés de la branche concerné régulièrement déclaré depuis au moins deux ans à la date des faits et dont l'objet statutaire comporte la défense des intérêts collectifs des entreprises et des salariés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions définies au livre II de la huitième partie du code du travail même si l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée ».

    De la nécessité de l'accord de la victime : Comme c'est le cas des actions en substitution, « Certaines associations ne peuvent se constituer partie civile qu'avec l'accord de la victime, tandis que d'autres le peuvent. De même, si certaines associations peuvent déclencher l'action publique ; d'autres ne peuvent agir devant le juge pénal que si les poursuites ont été déjà déclenchées par un autre. »392

    On voit bien que la liberté individuelle de la personne lésée est très affirmée dans ce type de contentieux.

    Le contexte de certaines habilitations : La modification apportée à certains textes émane essentiellement de deux lois : D'abord la Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, ensuite la Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 relative à la modernisation de la justice du XXIe siècle, Cette dernière est d'ailleurs la même loi qui a introduit l'action de groupe en droit du travail en matière de discrimination. « D'un point de vue de politique législative, il s'agit d'un véritable

    390 Nicolas Cayrol, Action en justice Dalloz Collection, Dalloz Corpus 2019 n°498 p.235 : C'est le cas par exemple de l'art

    2-18 et 2-21-1 du code pénal.

    391 Expression emprunté à S.Guinchard in C.Chainais, F.Ferrand, L.Mayer et S.Guinchard op.cit., n°211.

    392 Farah Safi, N°3282 : L'action civile, Lexis 360 n°1.4.2.

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    démembrement de la notion d'intérêt général, sous couvert d'un intérêt collectif, transformant lesdites associations, ainsi habilités en véritable auxiliaires du parquet ».393

    Une nouvelle habilitation en matière d'action de groupe : l'introduction d'une action de groupe en droit français a permis aux associations de prendre part dans la défense d'intérêts collectif. En effet aux termes de l'article L1134-7 C.T alinéa 2, « Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou oeuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise ». L'action associationnelle est donc au coude à coude avec les syndicats représentatifs « pour la défense des intérêts de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise »394. L'octroi à une association agrée la qualité pour agir en défense de la somme des intérêts individuels d'autrui, à côté des syndicats représentatifs, freine l'action dans l'intérêt de la profession et la pousse à muter. L'acception de l'action dans l'intérêt collectif nous semble être sur le point de de changer de visage. Un virage amorcé par le basculement du centre de gravité de l'intérêt collectif.

    Sous-section 2 : La rivalité avec l'action de groupe

    La rivalité entre action dans l'intérêt collectif et action de groupe est d'abord et avant tout une rivalité de logique, même si au fond les deux actions se ressemblent et ont pour objectif commun la défense d'intérêt collectif. L'action de groupe à la française ne fait pour-autant pas l'unanimité. « Cette action nouvelle, à l'ADN législatif composite, mélange d'audace et de prudence, suscite aujourd'hui autant de crainte que d'espoir ».395

    Conçue pour défendre des intérêts collectifs « particuliers », l'action de groupe à la française, étendue au droit de travail, est née, contrairement à sa version Etasunienne396 avec plusieurs imperfections. Imperfections qui ont pu réduire de son efficacité (sous paragraphe 1). Cependant le sort « avantageable » de cette action, 397 surtout par rapport à l'action dans l'intérêt collectif, amorcé

    393 Serge Guinchard, Frédérique Ferrand, Cécile Chainais et Lucie Mayer, « Procédure Civile », Hyper cours, 6éme édition,

    Dalloz 2019 n°119 p.62

    394 L1134-7 C.T alinéa 2

    395 Patrice Adam, « l'action de groupe, sur l'audace d'une réforme majeure », Droit social N°7/8 - juillet -aout 2017 p 638 et s.

    396 Le concept de l'action de groupe provient des Etats-Unis où les entreprises peuvent être attaquées en justice par des

    membres d'une « class-action », ce qui peut leurs couter très cher.

    Aux états unis la class action conduit au paiement de dommages et intérêts «punitifs» par l'employeur. Dans de nombreux cas les victimes ont reçu plus de $20,000 sans avoir à prouver leurs dommages physiques ou moraux, lorsqu'un accord est trouvé avec l'employeur.

    397 Il a même été avancé que pourrait être crée à terme une action de groupe générale, Béatrice lapérou-sheneider, « De la nature répressive de l'action de groupe et de son extension en droit du travail », Droit social n°3 Mars 2015 .P257. Il s'agissait d'une des possibilités qui s'offraient au législateur.

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    finalement par une volonté syndicaliste de faire de l'action de groupe un cheval de Troie de la défense des intérêts collectifs398 est susceptible aujourd'hui, de contrecarrer l'expansion historique l'action dans l'intérêt collectif et de freiner par conséquence sa progression, la poussant à se réinventer (Sous paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : L'imperfection relative de l'action de groupe

    Actions de groupe et actions dans l'intérêt collectif sont très ressemblantes dans leurs objets ainsi que dans leurs modalités d'exercice. Cependant, entre la facilité de l'action dans l'intérêt collectif et la complexité relative de l'action de groupe avec ses phases aussi bien précontentieuses que contentieuses, la balance est vite penchée, à priori, en faveur de l'action dans l'intérêt collectif.

    Il faut reconnaitre que la doctrine n'a pas été clémente avec ce dispositif judiciaire censé en même temps pallier aux inconvénients des actions existantes et ajouter une nouvelle corde à l'arc des syndicats défenseurs de l'intérêt collectif.

    Une partie de la doctrine lui reproche effectivement, un effet, plutôt dilutif et à contrepied. En effet, « Avant la loi relative à la justice du XXIe siècle, pour lutter judiciairement contre les discriminations, les organisations syndicales de salariés avaient déjà à leurs dispositions deux outils : l'action pour la défense de l'intérêt collectif de la profession et l'action de substitution. Fallait-il au risque de créer la confusion, une nouvelle action en justice ? » 399

    « Comment ne pas remarquer que la création d'une nouvelle possibilité d'action par la loi au profit des salariés ne vient pas étendre l'éventail des actions mais constitue, à rebours de la volonté du législateur, l'occasion de la fermer »400

    Certains auteurs ont remis même en cause l'utilité pratique de l'action en s'interrogeant : « Fallait-il consacrer l'action de groupe en droit du travail ? »401.

    398 Selon François Leclerc chargé de la lutte contre la discrimination : « l'action de groupe sera ce que l'on en fera ».

    399 Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy, n°1741, 24 octobre 2016, « Fallait-l consacrer l'action de groupe en droit du travail ? ».p 6.

    400 Cyril Wolmark, l'action dans l'intérêt collectif - Développements récents, préc, P.635

    401 Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy, n°1741, 24 octobre 2016, « Fallait-l consacrer l'action de groupe en droit du travail ? » p.1.

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    Il convient de présenter le dispositif de l'action de groupe à travers son historique, sa procédure et ses inconvénients avant d'aborder les avantages potentiels de cette action.

    Histoire de l'action de groupe : « Trois décennies. C'est à peu près le temps qu'il aura fallu pour que l'action de groupe s'implante dans l'ordre juridique français »402.

    Cette action « a longtemps été ignorée, sans doute parce qu'elle est étrangère à la tradition procédurale française, attachée au caractère personnel de l'action en justice »403.

    L'action de groupe à la française ou la « Class action » issue du droit nord-américain, a d'abord été introduite dans les seuls domaines de la consommation et de la concurrence par la loi Hamon du 17 mars 2014404. Elle a été limitée aux contrats de consommations hors santé et hors environnement405, avant d'être étendue en droit du travail en matière de discrimination.406 Une discrimination directe ou même indirecte dont la lutte-contre « constitue terreau dans lequel l'action de groupe a pris racine spécifique dans le champ singulier du droit des relations de travail subordonné. La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a ainsi semé de nouvelles graines »407.

    Base juridique : La possibilité de faire déclarer une pratique illégale de sorte que le préjudice individuel soit simplement liquidé par la suite est prévue dans le cadre de l'action de groupe.

    Cette action niche aujourd'hui dans le chapitre « Dispositions spécifiques à l'action de groupe » prévue aux articles L1134-6 à L1134-10 du code de travail.

    Comparée à la class action étasunienne : L'action de groupe s'inspire du droit nord-américain408mais son mécanisme est nettement différent.

    Aux Etats Unis, l'action se déroule de la manière suivante.

    402 Patrice Adam, « l'action de groupe, sur l'audace d'une réforme majeure », Droit social N°7/8 - juillet -aout 2017 p 638.

    403 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9, 2016, Varia.

    404 Dans un souci d'harmonisation, l'Union Européenne a poussé ses Etats membres à se doter de mécanismes de

    recours collectifs, avec la volonté de les faire reposer sur des principes communs.

    405 Les actions de groupe engagées depuis octobre 2014 ont porté notamment sur les communications électroniques (pratique commerciale trompeuse), sur l'assurance-vie (non-respect du taux de rémunération annoncé), le commerce automobile, ainsi que sur le logement : frais indus d'envoi de quittances de loyers, facturation de frais de télésurveillance des ascenseurs, pénalités pour retard de loyer. https://www.economie.gouv.fr/cedef/action-de-groupe.

    406 Pour une vision d'ensemble sur l'historique de l'action, V, Patrice Adam, préc, p.638 et s

    407 Patrice Adam, préc, p.638.

    408 A. Fiorentino, les class action en droit du travail américain, JCP S, n°1415.

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    En effet, on demande au représentant de l'intérêt collectif d'agir, de se faire dédommager pour le préjudice collectif et c'est à charge pour lui de le répartir.

    C'est une seule action, unique, qui a la vertu de la dissuasion car le défendeur (l'employeur généralement) doit payer l'indemnité immédiatement. « Les indemnités (Etasuniennes) peuvent être exemplaires et dépasser largement la réalité du préjudice »409.

    C'est aussi un système d'opt-out410, c'est-à-dire que les victimes sont « présumés consentants »411 à être dans le groupe mais ils peuvent « choisir » d'être à l'extérieur du groupe. La liberté individuelle est conçue pour être une porte de sortie du groupe et donc du « bénéfice » de l'intérêt collectif. Cette action est par conséquent beaucoup plus efficace que l'action de groupe à deux temps.

    Complexité de la procédure : « L'action de groupe est d'une complexité sans nom ».412 Pour simplifier son exposé, on peut dire que c'est une action qui permet à un syndicat représentatif ou même à une association de faire déclarer par le juge un employeur coupable de discrimination pour qu'ensuite les salariés puissent demander une réparation individuelle sur le fondement de cette déclaration de culpabilité. Le schéma est presque identique pour toutes les actions de groupe, « La procédure comprend deux phases »413. D'abord il y'a une phase collective de l'action où le syndicat représentatif ou l'association va agir et demander au juge de condamner l'employeur pour discrimination (détermination de culpabilité) mais pas seulement.

    Le syndicat va demander en plus au juge de déterminer le groupe victime à indemniser414 ainsi que les éléments généraux415 du préjudice à réparer.416

    Ensuite il y'a une deuxième phase individuelle qui s'ouvre si la discrimination a été avérée.

    409 Action de groupe : ce qui est déjà possible aujourd'hui, Service juridique CFDT, publié le 12/06/2013.

    410 Un tel système ne fait pour autant pas l'unanimité parmi la doctrine. Il serait incompatible avec le principe de Nul ne plaide par procureur.

    411 Allard Batiste, thèse de Doctorat, « L'action de groupe : étude franco-américaine des actions collectives en défense des intérêts individuels d'autrui », Soutenue le 25 novembre 2016 à Sorbonne Paris Cité, Thèse en ligne, Résumé.

    412 Patrice Adam, « l'action de groupe, sur l'audace d'une réforme majeure », Droit social N°7/8 - juillet -aout 2017 p.640.

    413 Sur ces deux phases, V Caroline Fleuriot, Dalloz actualité 22 novembre 2016, « l'action de groupe s'ouvre à de nouveaux domaines », L. n°2016-1547, 18 nov .2016.

    414 A savoir tous les salariés de l'entreprise ou seulement les salariés d'un établissement ou les salariés embauchés entre telle et telle date qui a subi la discrimination dans l'entreprise

    415 Eléments généraux puisqu'on est dans la phase collective.

    416 Exemple : préjudice lié au ralentissement de carrière ou encore des sanctions prises chaque année.

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    Une phase où les salariés demandent une indemnisation à l'employeur à partir des éléments donnés par le juge.

    C'est seulement en cas de réponse insatisfaisante de l'employeur que les salariés peuvent saisir le juge. Cette phase individuelle a la même raison technique que l'Ex-effet régulateur des demandes subséquentes dans l'action dans l'intérêt collectif. Elle sert en quelque sorte à faire bénéficier le salarié des résultats de la déclaration d'illicéité ou d'irrégularité.

    Le système d'opt-in est censé garantir la liberté du salarié, la liberté de ne pas contester.

    Du reste, ce système est extrêmement lourd comparé à l'efficacité de son homologue américain au point qu'un auteur417 a dit que la class action à la française a été faite pour ne pas servir.

    Un régime strict de mise en oeuvre de l'action de groupe : Ce régime « strict » on le voit bien dans l'Art L 1134-7 code travail où est explicité qu'il faut à la fois une pluralité de salariés placés dans une situation similaire avec un intérêt commun à agir 418 ainsi qu'un dommage résultant d'un manquement de même nature et donc une discrimination directe ou indirecte fondée sur l'un des motifs de discrimination de l'article L 1132-1 du Code du travail.

    La limitation du champ de l'action de groupe : Cette action de groupe a été étendue au droit du travail mais seulement au domaine de la discrimination419.

    Ceci peut s'expliquer par le fait que le législateur s'est rendu compte que le corpus de textes sur la discrimination introduit en 2008 et adopté sous l'impulsion du droit européen, n'était pas vraiment efficace et peu mobilisé dans les faits.

    En droit du travail notamment, les actions à disposition des victimes de discrimination semblaient insuffisantes. L'action en substitution était en effet peu mobilisée par les syndicats en raison de la nécessite d'identifier le salarié, avec tout ce que cela impliquait comme risque de représailles par l'auteur de la discrimination.

    L'action individuelle connaissait la même difficulté, et de surcroît des difficultés au niveau de la preuve parce que le salarié n'est pas assisté par le syndicat.

    417 Fréderic Guillomard

    418 Donc c'est minimum deux salariés supposément, en l'absence de précision)

    419 Le droit français interdit non seulement les discriminations directes par lesquelles la personne est traitée de de façon moins favorable en raison de l'un des motifs prohibés, mais aussi les discriminations indirectes par lesquelles une pratique apparemment neutre désavantage particulièrement les membres d'un groupe protégé contre la discrimination : Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000

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    L'action dans l'intérêt collectif souffrait de son incapacité objective à réparer des torts subjectifs collectivisés.

    Le champ restreint des titulaires de l'action de groupe : L'article 1134-7 du C.T indique de manière assez claire que l'action de groupe en matière de discrimination est détenue par les syndicats représentatifs d'un côté ainsi que les associations agréées et régulièrement déclarées depuis cinq ans pour les candidats à un stage ou un emploi d'un autre côté. Ce choix peut être justifié par une volonté législative de sélectionner les acteurs qui seraient les plus aptes à défendre les intérêts collectifs d'un groupe, qui en auront les moyens humains, financiers, juridiques pour le faire.

    Il convient à ce titre de s'interroger sur la justification de ce privilège sachant que tous les syndicats, disposent en plus d'une action (personnelle, en substitution, dans l'intérêt de la profession), sans cette condition de représentativité.

    D'abord ce privilège est justifiable par la capacité à négocier que la représentativité leur confère. Cette dernière est requise, en effet lors de la négociation qui surviendrait au moment de la phase précontentieuse, au sens où ils auront plus de poids dans la discussion avec l'employeur. Ensuite, le fait qu'il s'agit d'un syndicat représentatif, cela permettrait en plus aux syndicats non implantés dans l'entreprise mais représentatifs à un autre niveau (branche ou interprofessionnel) d'agir au titre de l'action de groupe. S'il s'agit d'une entreprise où il y a un dialogue social constructif, l'employeur ne sera pas prémuni contre l'action de groupe car un syndicat représentatif à un autre niveau pourra également l'engager. Cela permet aussi d'engager une action de groupe dans les entreprises dépourvues d'implantation syndicale.

    De la difficulté d'identifier les salariés : Dans l'action de groupe, les salariés peuvent être identifiés ou identifiables dans le groupe. Ils ne se fondent pas par conséquence «anonymement» dans le groupe comme c'est le cas dans les class-action étasunienne.

    A priori, « L'exercice de l'action de groupe souffre (donc) de la nécessité d'identifier les primo-victimes ».420 Le groupe est composé soit de plusieurs candidats à un emploi, stage ou une période de formation en entreprise ou alors simplement par plusieurs salariés qui ont fait l'objet d'une même discrimination relevant d'un même motif et imputable à un même employeur. Ce qu'il faut noter aussi c'est que le problème relatif à la nécessité d'identification des salariés, est de nature à mettre en cause l'intérêt de l'action de groupe puisque le but de base est quand même de garantir un certain anonymat de la masse discriminée et que les salariés puissent se fondre ainsi dans la masse afin d'éviter notamment les représailles de l'employeur.

    420 Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy, n°1741, 24 octobre 2016, « Fallait-l consacrer l'action de groupe en droit du travail ? » p.1

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    L'article L1134-4 du C.T qui interdit à l'employeur de prendre des mesures de rétorsion contre un salarié qui a engagé une action en justice, ne va s'appliquer pour-autant qu'en cas de licenciement. Et donc en pratique il y'aura une « ambiance » délétère dans l'entreprise puisque l'employeur peut en effet continuer à rendre « dure » la vie du salarié.

    La réparation du dommage : En la matière, l'action de groupe n'a pas tenu sa promesse. « Il apparait...qu'elle a atteint mal (voire pas) son objectif de réparation des préjudices subi par les victimes de discrimination (reproche principal fait à l'action collective) ».421

    La limitation du spectre de réparation des droits opprimés, réduit considérablement l'efficacité de l'action de groupe. L'indemnisation ne couvre, à l'exception des candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation, que les préjudices nés à partir de la réception par l'employeur de la demande de cessation de la pratique discriminatoire mentionnée à l'article l1134-9 C.T. « Pourtant, les préjudices antérieurs à la demande de cessation seront certainement plus nombreux et étendus que les préjudices postérieurs à celle-ci »422. Finalement, le législateur considère la réparation du préjudice subi par les salariés « comme s'il ne s'agit que d'intérêts moratoires »423

    On peut alors s'interroger sur la possibilité pour un salarié dans le cadre d'une action individuelle postérieure de demander l'indemnisation des préjudices antérieurs à la réception de cette demande. On pense que rien n'empêche d'invoquer ce préjudice « distinct », ou du moins de tenter de le faire. La défense pourrait se baser le cas échéant sur les textes relatifs à la responsabilité civile pour fonder la demande de dommages et intérêts. Il faut noter que cette défense a mobilisé un mécanisme juridique expérimental sur le plan du dédommagement pour obtenir la réparation de l'entièreté du préjudice subi par les salariés. Elle a considéré en effet que l'acte discriminatoire produit un préjudice continu et ininterrompu qu'il convient de le réparer à partir de la date de sa survenance. Ce raisonnement juridique, ne tient pas à notre avis car il est difficile de dépasser un texte clair et net. En outre quel est l'intérêt de l'employeur de s'engager dans un processus de négociation s'il n'y est pas finalement « incité »424 et qu'il n'a pas la garantie légale de ne pas être obligé d'indemniser les préjudices antérieurs ?

    Après avoir dépeint le régime de l'action de groupe et relevé ses inconvénients, par rapport à l'action dans l'intérêt collectif, nous verrons que l'action de groupe peut néanmoins présenter certains

    421 Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy, préc, p1

    422 Odile Levannier-Gouel, préc, p2.

    423 S. Amrani-Mekki, préc, JCP 2015, n°1196

    424 Semaine sociale Lamy, n°1741, 24 octobre 2016, l'action de groupe en matière de discrimination dans la loi Justice XXI

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    avantages pour les salariés et les syndicats en comparaison avec l'action dans l'intérêt collectif classique.

    On est persuadé qu'on peut en tirer un avantage considérable.

    Paragraphe 2 : L'avantage concurrentiel de l'action de groupe

    Malgré ses multiples « imperfections »425, l'action de groupe n'est pas dénudée d'intérêt. L'action relève d'abord de l'avenir des avocats travaillistes pro-salariés qui veulent gagner des procès intéressants contre des entreprises aux pratiques discriminatoires contestables. Ensuite, l'action est plus intéressante pour les services juridiques d'entreprises qui veulent en perdre le moins possible dans des litiges mettant en causes un système défaillant de ressources humaines nuisible à leurs images. L'action de groupe tire de plus en plus profit de l'engouement des syndicats pour celle-ci. Ces derniers cherchent en effet à exploiter son mécanisme à fin d'étendre, faute de mieux, leur pouvoir d'agir en défense des intérêts collectifs. « L'objectif était aussi de faire progresser le dispositif légal, considéré comme inabouti »426.

    L'élan est initié pour autant par un « gouvernement un peu hésitant »427. Le rapport commandé par le gouvernement à Laurence Pécaut-Rivolier 428 a proposé d'instituer « une nouvelle jonction » entre les actions individuelles et les actions collectives. Une nouvelle articulation entre l'individuel et le collectif. « Le droit trace une frontière étanche entre les actions exercées dans un intérêt personnel et les actions collectives. Alors que les premières permettent d'octroyer au profit des victimes les effets attendus des règles antidiscriminatoires, les secondes ne permettent de réparer que les préjudices propres au syndicat et non celui subi par les victimes ».429 C'est un changement de paradigme.

    L'action de groupe a donc été perçue comme le moyen d'agir contre ces discriminations collectives que les actions individuelles ne permettent pas justement d'y faire face efficacement. « En faveur d'une extension de cette nouvelle procédure au monde de travail, on remarquera que l'une des idées fondatrices de ce nouveau mécanisme réside dans la volonté de simplifier les démarches judiciaires des victimes, d'en faciliter l'accès au juge et consécutivement de permettre l'effectivité de

    425 Myriam El Yacoubi, Semaine sociale Lamy, n°1771,29 mai 2017, La première action de groupe est lancée p.2.

    426 Majorie Champeaux, semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril 2018 p.2.

    427 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9, 2016, Varia n°3.

    428 Semaine sociale Lamy n°1611, p.5.

    429 Frederic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9, 2016, Varia n°26.

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    l'application des règles de droit détournées lorsqu'un seul et même acte est à l'origine de dommages sériels ».430

    Cette action, est en train de contrebalancer aujourd'hui le poids classique de l'action dans l'intérêt collectif sur différents aspects.

    Ambitieuse, elle « promet de dépasser les insuffisances de l'action en substitution et de l'action collective ».431 Et pourquoi pas « contribuer à lever les freins de l'action contentieuse ».

    L'avantage en matière de droits « subjectifs » : La réduction récente du champ de l'action dans l'intérêt collectif, notamment lorsqu'on la confronte avec les droits individuels des salariés,432 est liée à la consécration progressive de l'action de groupe des syndicats. La raison, est que, justement, cette action de groupe ambitionne de donner aux syndicats en compensation, la possibilité d'agir individuellement pour le compte d'un groupe de salarié. Cette hypothèse est confirmée par un arrêt publié par la cour de cassation du 14 décembre 2016433 qui a limité la recevabilité de l'action dans l'intérêt collectif aux contentieux objectif de déclaration d'irrégularité des pratiques patronales.

    L'action dans l'intérêt collectif est désormais irrecevable s'agissant des demandes ne tenant pas aux seuls constats d'irrégularité des pratiques patronales.

    C'est le cas par exemple des demandes de régularisation financières résultantes de la déclaration d'illicéité. Ces demandes de régularisations étaient pour autant recevables.434 Le revirement jurisprudentiel est justifié donc par la prise en charge de l'action de groupe du contentieux « subjectif » subséquent à la déclaration d'irrégularité.

    Avantage en matière de la bonne administration de la justice : Dans une affaire du 10 février 2016435 qui illustre bien la nuance entre action de groupe et action dans l'intérêt collectif, la cour de cassation a affirmé que l'action en requalification de Contrat à durée déterminée en Contrat à durée indéterminée appartenait au salarié.

    Cependant, techniquement, les syndicats n'ont pas demandé la requalification du CDD du salarié en CDI. Ce n'étaient pas leurs demandes parce qu'ils avaient très bien assimilé qu'ils ne pouvaient pas demander à la place d'un salarié un droit contractuel qui est la transformation de son contrat. Ce qu'ils demandaient en revanche c'était l'injonction (d'ordonner) à l'employeur de procéder à la (requalification) transformation du CDD en CDI. Ce n'était pas la même chose. Ça voulait dire que

    430 Béatrice lapérou-sheneider, « De la nature répressive de l'action de groupe et de son extension en droit du travail », Droit social n°3 Mars 2015 .p256.

    431Odile Levannier-Gouel, Semaine sociale Lamy, n°1741, 24 octobre 2016, « Fallait-l consacrer l'action de groupe en droit du travail ? ». p.1

    432 C'est toute la jurisprudence sur le fait que les syndicats ne peuvent pas agir dans l'intérêt collectif pour demander la modification des contrats de travail des salariés pour toucher à la liberté contractuelle.

    433 Soc 14 déc. 2016 n°15-20.812, préc.

    434 Comme c'était le cas par exemple dans l'arrêt du 12 février 2013 n°1127.689, préc.

    435 Soc 10 févr.2016, n°14-26.304, préc.

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    l'employeur devait s'exécuter mais la décision de justice ne pouvait pas donner lieu à la requalification en elle-même. En d'autres termes, les syndicats demandaient d'ordonner à l'employeur de procéder à une requalification. Et si ce dernier ne s'exécutait pas, tous ce qu'il risquait, c'est de voir l'astreinte liquidée et non pas une requalification. C'était non seulement perspicace mais aussi assez logique de la part du syndicat parce que se faisant, il donnait aussi aux salariés un moyen de pression pour qu'après ils n'aient pas à introduire de multiples contentieux. Ce type d'injonction sous astreinte s'il avait été accepté il aurait permis aux salariés de ne pas aller en procès pour demander la requalification et demander le payement de l'indemnité puisque l'employeur a été condamné. La question de la bonne administration de la justice jaillie à la surface. Il y'avait dans cette action un réel intérêt procédural aussi bien pour les syndicats que pour la cour de cassation qui aurait pu admettre ça. Les salariés auraient pu gagner ainsi aussi bien le temps que l'énergie. Le refus de la cour de recevoir l'action peut être justifiée par une politique de réticence à l'égard de ce genre de demande. Ce type d'action (dite déclaratoires par ce que Le syndicat demande de déclarer qu'une pratique est illégale dans une entreprise) est aujourd'hui admis en matière de discrimination avec les actions de groupes. La déclaration de culpabilité de l'employeur dans le cadre de l'action de groupe et la définition des périmètres du groupe permettent une meilleure administration de la justice. Ce n'est pas étonnant que « La CGT ... plaide pour une passerelle entre le jugement de reconnaissance de responsabilité prononcé par le juge civil et la saisine individuelle du conseil de prud'homme ».436 L'avantage vanté en définitive étant l'agrégation du contentieux (et intérêts) dans une action de groupe déclaratoire, la cessation et la « réparation » du préjudice individuel dont l'action dans l'intérêt collectif n'a pas « réussi » à éponger.437

    L'avantage en matière d'identification des salariés : Les actions dans l'intérêt collectif portent en elles le vice de l'indiscrétion. Il est presque impossible de les intenter sans révéler l'identité complète du salarié ou de risquer de l'exposer par conséquences aux éventuelles représailles de l'employeur. La doctrine voyait en ces désavantages un frein sérieux au déploiement de ces moyens de lutte sociale. L'intérêt de l'action de groupe réside donc dans le fait que les syndicats ou les associations n'auraient pas à attendre l'accord du salarié pour pouvoir amorcer une action qui porte atteinte à l'intérêt collectif. Ces salariés sont dispensés de s'identifier au stade précoce de l'introduction de l'action. Il s'agit d'un avantage considérable par rapport à l'action dans l'intérêt collectif. « L'action de groupe marque un point : elle peut être engagée sans qu'il soit nécessaire de connaitre les victimes qui pourront par la

    436 Majorie Champeaux, « La première action de groupe devant le TGI de Paris », préc, p.5

    437 Les actions dans l'intérêt collectif « ne peuvent pas permettre de reconnaitre directement des droits aux profits des salariés victimes sans que ceux-ci engagent à leurs tour un litige ou soient partie personnellement à l'action » : F.Guiomard et I.Meftah, Entre égalité de traitement et harcèlement, quel fondement juridique de la discrimination syndicale ? Etat des lieux et analyse du contentieux entre 2012 et 2014, Travail et emploi n°145, 2016.p76 et 77.

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    suite se prévaloir du jugement constatant la discrimination collective »438. Le mécanisme de l'action de groupe permet ainsi aux salariés d'opter pour être dans le groupe (système d'opt-in) et d'être indemnisés en conséquence. Cette « adhésion (du salarié) au groupe vaut mandat tacite »439 au syndicat. Les actions de groupes permettent donc de combiner les faveurs accordées aux actions collectives avec celles accordés aux actions individuelles compte tenu des mesures décidées par le magistrat.

    L'avantage financier et probatoire : D'abord, dans l'action de groupe « Tous les recours sont regroupés dans une seule procédure ... Cette procédure allégée niveau formalités permet de mutualiser les couts, ce qui incite les requérants de se joindre, même pour un faible préjudice, sans crainte de perte financière au final ».440

    Ensuite, la preuve d'une discrimination est bien souvent difficile à rapporter surtout pour un salarié qui n'a pas toujours accès aux documents de l'entreprise. La chambre sociale et criminelle est assez exigeante441, en temps normal, à propos de l'accès des salariés aux documents appartenant à l'entreprise442 ; C'est pourquoi, en matière de discrimination, un régime de preuve « aménagée » voir partagée avait été mis en place. Le salarié va apporter en effet devant le juge des éléments de nature à laisser penser que l'employeur a commis une discrimination, et il reviendra à l'employeur de prouver qu'il n'a pas commis de discrimination. Et donc, l'intérêt de l'action de groupe c'est de permettre justement au groupe de salariés d'entrer en possession d'un plus grand nombre de moyen de preuve. Le syndicat représentatif ou les associations agréées titulaires de cette action, pourront accéder à un certain nombre de documents et d'informations qui concernent l'entreprise par le biais des institutions représentatives du personnel. Ils peuvent également avoir recours à une expertise. L'avantage de l'action de groupe réside alors dans une sorte de « mutualisation » des efforts probatoires afin de rendre l'action plus efficace. C'est un autre point de plus pour l'action de groupe. L'exemple typique c'est le fait que « La CGT s'est appuyée sur la fameuse méthode Clerc443 qui a fait ses preuves devant les

    438 Odile Levannier-Gouel, préc, p 2.

    439 Action de groupe : ce qui est déjà possible aujourd'hui, Service juridique CFDT, publié le 12.06.2013.

    440 Action de groupe : ce qui est déjà possible aujourd'hui, Service juridique CFDT, publié le 12/06/2013.

    441 Il faut que le salarié ait eu connaissance de ces documents à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Et, il faut aussi que ces documents soient indispensables à l'exercice des droits de la défense.

    Or il peut être difficile pour un salarié qui tente d'appréhender de tels documents d'évaluer, sur le moment, à quel point telle ou telle pièces seraient utiles dans le cadre de sa procédure. Si le salarié ne respecte pas ces conditions, il risque d'être condamné pour vol.

    442 Cass. Soc. 2 déc. 1998 n°96-44.258.

    443 « Panel » ou « preuve statique », La méthode est basée sur des panels de comparaison constitués de salariés entrés dans l'entreprise en situation comparable. Ces panels sont construits à partir d'un triptyque : analyse des faits, modélisation et comparaison : F.Guiomard et I.Meftah, préc.p.77.

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    tribunaux ».444 En effet, le syndicat, qui a les moyens financiers, juridiques et humains de rassembler ces preuves, va les collecter en faveur du groupe de salariés victimes pour les présenter plus tard dans le cadre de l'action de groupe.

    Les salariés ont d'ailleurs la possibilité de tirer parti des preuves ainsi récoltées et les utiliser ensuite au profit de l'action individuelle qu'ils introduiront en parallèle. Une fois la discrimination reconnue au niveau du groupe, il sera plus facile d'aller individuellement devant le juge. Il apparaîtra alors évident au juge que le salarié a subi une discrimination individuelle. Le salarié n'aura simplement qu'à présenter le dossier des preuves préalablement constitué lors de l'action de groupe pour être indemnisé, puisqu'une discrimination aura déjà été reconnue. Ce qui pourrait être intéressant aussi c'est que cela pourrait entraîner des actions individuelles successives. C'est-à-dire que tous les salariés de l'action de groupe pourront individuellement, aller en justice pour se faire reconnaitre la discrimination et donc se faire réparer, ce qui pourrait, au final et à long terme couter plus cher à l'employeur. En définitive, cette action « présente de nombreux avantages pour les victimes, psychologique, financiers, médiatique et judiciaire ». 445 « Les syndicats fournissent ici un appui à la fois matériel et symbolique, qui facilite l'accès à la justice pour les salariés ».446

    L'avantage en matière de cessation de l'illicite : L'action de groupe a quand même un avantage concurrentiel par rapport à l'action dans l'intérêt collectif notamment en matière de cessation du manquement. Les demandes faites par la défense pour obtenir des mesures collectives très pratiques en matière de défense de l'intérêt collectif sont révolutionnaires. « Pour la première fois (dans l'affaire Safran précitée), le juge va pouvoir examiner les causes de discriminations et, surtout, contraindre l'employeur à modifier ses pratiques managériales si la discrimination collective est reconnue ».447 Ce genre de demandes, auraient échoué s'il était présenté dans le cadre de l'action dans l'intérêt collectif. En témoigne l'arrêt du 10 février 2016 précité. « A ce stade, un outil peut s'avérer utile : l'astreinte avec liquidation au profit du trésor public, et non au profit du syndicat demandeur. Une nuance qui pourrait favoriser des astreintes élevées de la part du juge ».448 Rappelons au passage qu'en droit de la procédure, l'injonction (généralement sous astreinte) donne la possibilité au requérant de demander en cas de son inobservation à ce que l'astreinte soit liquidée par le juge. Le juge judiciaire a un pouvoir d'appréciation sur sa liquidation et sur son montant quand bien même, c'est lui qu'il l'a fixé

    444 Majorie Champeaux, préc. p.1

    445 L-G. Tin, M. T. Allal et S. Lemaire, note de synthèse préc.

    446 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9, 2016, Varia n°20.

    447 Majorie Champeaux, « La première action de groupe devant le TGI de Paris » semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril 2018.p3

    448 Myriam El Yacoubi, Semaine sociale Lamy, n°1771,29 mai 2017, La première action de groupe est lancée p 2.

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    préalablement. L'examen de certaines actions de groupe pendantes permet de déceler une manière intéressante de rédiger les demandes. Par exemple « Les demandes formulées par la CGT sont ainsi regroupées en quatre catégories »449 ; D'abord, une injonction générale à l'entreprise d'éponger et de remédier au mieux à toute discrimination. Ensuite, des injonctions plus précises d'élaborer des processus adaptés afin de stopper les manquements.

    Le cas échéant, une demande d'élaboration par l'entreprise d'un indicateur partagé.

    Enfin une demande pour contraindre l'entreprise à prendre des mesures préventives et pratiques. « Pour permettre la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le manquement, le juge peut désigner un tiers choisi parmi tous professionnel justifiant d'une compétence dans le domaine considéré ».450

    Ces demandes concrètes imaginées par la défense pour faire cesser la situation illicite donne à l'action de groupe un réel avantage concurrentiel par rapport à la classique action dans l'intérêt collectif

    L'avantage médiatique : La pression médiatique est d'abord un point extrêmement important en matière judiciaires, notamment dans le cadre de l'action de groupe.

    Contrairement à l'action dans l'intérêt collectif où la médiatisation du litige n'est pas très développée, l'action de groupe semble avoir la capacité de tirer avantage de cet élément inscrit déjà dans son ADN. La médiatisation de l'affaire peut être utilisée, efficacement, par les syndicats comme un instrument de pression face à l'auteur de la discrimination. Ce que l'on constate dans les actions de groupe qui ont été menées jusqu'à présent, c'est que les syndicats ont à chaque fois convoqué la presse. L'effet de surprise est déstabilisant presque à tous les coups pour un syndicat soucieux de son image. Il y'a souvent un côté infamant pour l'employeur, de se voir reconnaitre par l'opinion publique une discrimination. Le fait que cela concerne un groupe, va faire beaucoup plus de bruit qu'un cas isolé. La capacité de mobiliser l'opinion publique contre l'employeur et autour d'une question sensible, donne beaucoup de force à cette action. Du coup cela pourrait avoir plus de conséquences néfastes sur l'entreprise tel que par exemple le boycott de ses produits, l'altération de son image, d'éventuelles pertes financières en raison de la perte de clientèle. Chose que cette dernière redoute plus qu'une peine civile. Certains syndicats, notamment la CGT, ont vu en cette pression médiatique l'opportunité de faire pression sur l'employeur et de se positionner favorablement pendant les négociations. On retrouve lors de la négociation précontentieuse cette idée de « l'épée de Damoclès » qui menace l'employeur. Cette posture à la fois menaçante et intimidante permet d'égaliser les rapports de forces.

    449 Majorie Champeaux, « La première action de groupe devant le TGI de Paris » semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril 2018.p4

    450 Myriam El Yacoubi, Semaine sociale Lamy, n°1771,29 mai 2017, La première action de groupe est lancée p3.

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    L'utilisation du verbe « égaliser » part du postulat que dans une négociation collective classique l'employeur est plus souvent en position de force. L'employeur serait ainsi, en principe, plus disposé à négocier de bonne foi, avec en principe une réelle volonté de faire cesser la discrimination et à mettre en place des mesures de prévention concrètes.

    L'avantage en matière de discrimination systémique : Le droit de la non-discrimination s'est construit en France autour d'actions individuelles. Or une discrimination n'est pas seulement un fait d'individu à individu, mais peut s'inscrire aussi dans un système. Les nouvelles discriminations comme celle basées sur l'âge ou le sexe ou l'appartenance sont difficiles à débusquer même avec les notions de discriminations directes ou indirectes. Cette insaisissabilité a poussé à « réfléchir sur à une autre grille de lecture, celle des discriminations systémiques » 451. Cette notion, ignorée jusque-là en droit français a été définie par plusieurs auteurs452. Il y'a souvent en ces définition une sorte de référence à l'absence d'intentionnalité. En vérité on devrait s'interroger s'il y'a vraiment des discriminations non intentionnelles et dans ce cas, est ce qu'on peut parler de discrimination systémique. L'adjectif « Systémiques » serait en référence au « système » mais aussi et dans une certaine mesure à la systématique.

    Le terme systémique devrait surtout être compris comme systématique plutôt que comme faisant référence à un système. La référence à un système renvoi pour-autant à une sorte de flou, de vague et d'absence d'intention en fait. Il y'a effectivement des discriminations qui ne sont pas formalisés comme telles et qui sont parfois pratiqués sans même qu'on s'en rende compte. En réalité on devrait tout simplement partir de l'idée qu'on peut sanctionner une discrimination sans même rechercher l'intention. Le contre-exemple est cependant révélateur, lorsqu' on s'aperçoit par exemple que toutes les femmes d'une entreprise sont moins bien payées que les hommes. Le comportement de l'employeur découlerait des stéréotypes de genre qu'il aura intégré lui-même dans sa façon de penser et d'agir. Dans cette situation, il faudrait une action permettant de prendre en compte ces femmes comme un groupe pour faire cesser la discrimination. C'est tout l'intérêt de manier cette notion. Notion qui échappe à l'action dans l'intérêt collectif et qui peut constituer un avantage concurrentiel pour l'action

    451 Marie Mercat-Bruns, L'identification de la discrimination systémique, RDT novembre 2015. p. 672

    452 Laurence Pécaut-Rivolier propose une définition dans son rapport sur les discriminations collectives : « la discrimination systémique est une discrimination qui relève d'un système, c'est-à-dire d'un ordre établi provenant de pratiques, volontaires ou non, neutres en apparence, mais qui donne lieu à des écarts de rémunération ou d'évolution de carrière entre une catégorie de personnes et une autre. Cette discrimination systémique conjugue quatre facteurs : les stéréotypes et préjugés sociaux ; la ségrégation professionnelle dans la répartition des emplois entre catégories ; la sous-évaluation de certains emplois ; la recherche de la rentabilité économique à court terme. La particularité de la discrimination systémique étant qu'elle n'est pas nécessairement consciente de la part de celui qui l'opère. A fortiori, elle n'est pas nécessairement décelable sans un examen approfondi des situations par catégories », Rapp. L. Pécaut-Rivolier, Lutter contre les discriminations au travail : un défi collectif, 17 déc. 2013, p. 27.

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    de groupe. Cet intérêt collectif, de vouloir combattre « des combinaisons de désavantages liés à des pratiques, des institutions ou des structures sociales »453 a rendu une partie de la doctrine progressiste un peu plus nuancée aujourd'hui au sujet de l'action de groupe. Une position que je rejoins quand on examine de près certaines actions de groupe tel est le cas de l'affaire Safran en matière de discriminations syndicale. « Il est difficile, sans action de groupe, de monter l'ampleur de ces phénomènes ... Dans ce cas une action transversale ... peut révéler ces pratiques récurrentes plus subtiles ».454 Cette nouvelle action a pour intérêt donc de définir un groupe de lésés, identifiables, par le biais de critères de rattachements autres que le critère prohibé commun de discrimination.

    Le temps de la négociation : La culture grandissante du règlement amiable des différends a influencé le mécanisme d'action de groupe. En effet, l'article L. 1134-9 du code du travail impose au demandeur, avant d'intenter toute action, une mise en demeure qui initie une période de six mois pendant laquelle va s'engager une période obligatoire de « discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée ». Cette période retarde le recours au contentieux. Ce passage par la case du dialogue a été critiqué. « Certains y voient un signe des temps et de la méfiance à l'égard du juge qui les caractérise ». 455 Ce basculement relève d'une volonté « d'éviter toute judiciarisation inutile ».456Cette croyance en la force de la discussion et son pouvoir de changer les choses a séduit plus qu'une confédération. La CGT457 par exemple semble, être plutôt favorable à la phase précontentieuse de l'action de groupe.

    Selon les syndicalistes, elle serait un instrument qui permet de favoriser le dialogue social, avec cette idée que ce n'est pas le juge qui permet d'appliquer au mieux les garanties du droit du travail, mais ce sont les syndicats, par le rapport de force. Le juge ne serait pas vraiment utilisé ici pour sa fonction de juger mais pour la menace qu'il représente pour l'employeur, qui ne serait plus en position de refuser de négocier ou de refuser des avantages au cours de la négociation. Ce discours est justifié aussi par François Clerc, pour qui le but est finalement « de forcer au dialogue car les employeurs sont toujours dans le déni ».458 Ce qui est confirmé dans la plupart des affaires récentes.

    453 A. Mc Colgan, Discrimination, Equality and the law, Hart, 2014, p 33

    454 Marie Mercat-Bruns, L'identification de la discrimination systémique, RDT novembre 2015. p. 673

    455 Patrice Adam, « l'action de groupe, sur l'audace d'une réforme majeure », Droit social N°7/8 - juillet -aout 2017 p 638 et s

    456 L'exposé de motif de la loi de justice du XX siècle.

    457 « C'est dans le cadre du dialogue social en instituant des outils de diagnostic et de prévention, des indicateurs partagés avec les représentants des salariés que l'on parviendra à terme à se prémunir contre ce genre de dérives » Propos tenus lors de la conférence de presse du 23 mai 2017 relative à l'action de groupe Safran Aircraft Engines.

    458 Liaison soc. L'actualité n°17334, section Acteurs, débat, évènements, 29 mai 2017.

    En fait, les employeurs ont systématiquement refusé de négocier lors de la phase de conciliation. Ce qui a valu à cette phase latente le qualificatif de « dialogue de sourds »459. Cette class action à la française permet en même temps aussi aux employeurs de négocier après la déclaration de culpabilité pour un règlement global du procès. Dès lors, il est possible de se demander quelle sera la nature de la négociation précontentieuse et de l'accord conclu avec la direction à ce moment-là ? S'agit-il d'un véritable accord collectif de travail au sens juridique du terme ou d'un simple engagement de la part de l'employeur ? La loi reste floue à ce sujet et aucune des actions engagées au titre de l'action de groupe n'a permis de répondre à cette question dans la mesure où aucune phase précontentieuse n'a abouti, Il n'a jamais eu d'accords à notre connaissance.

    97

    459 Majorie Champeaux, semaine sociale Lamy, n°1809, 3 avril 2018.

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    Conclusion

    En conclusion nous souhaitons synthétiser les résultats de notre recherche avant de dégager quelques pistes d'évolutions :

    En premier lieu, l'essor du contentieux exercé dans l'intérêt collectif est in fine et avant tout révélateur des questionnements relatifs à la place de la justice dans les relations sociales. L'action dans l'intérêt collectif, est l'exemple parfait de l'action syndicale collective et l'archétype du droit en état de guerre mobilisé pour consolider ou conquérir de nouvelles faveurs et de nouveaux droits. L'époque n'a jamais été autant propice à l'embrigadement du droit collectif et à la recherche de la place de l'intérêt collectif. La reconnaissance ancienne de la prérogative par les chambres réunies n'a pas complétement neutralisé les débats liés et autour de la notion l'intérêt collectif. L'exercice de cette action a connu depuis son apparition et bien avant des obstacles liés essentiellement aux frontières mouvantes entre les différentes essences d'intérêts : L'intérêt de l'individuel, l'intérêt général, l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt collectif. Un intérêt collectif que je me permets de définir comme étant : « Le soucis à la fois inédit et commun dont la solution de principe est favorable en premier pour une catégorie professionnelle entière et déterminée et pas uniquement pour l'individu ou la société ». Si les questions ont porté sur la confrontation entre intérêt collectif et individuel on pense qu'aujourd'hui elles portent surtout sur une possible articulation entre les deux versants de la même quête. L'action, prérogative exclusive des Syndicats professionnels a connu à partir de sa consécration par les chambres réunies une grande prospérité. Cette expansion continue a été facilitée par des conditions d'exercices simples qui ont conduit à une recevabilité abondante devant des juridictions multiples et pour diverses demandes. Ces conditions tiennent à un paramétrage ancien et très ouvert à la fois du droit d'agir et des statuts du groupement vindicatif. Des conditions qui habilitent en définitive tout syndicat quel que

    soit sa représentativité à élever une prétention devant la justice pour exprimer son point de vue sur une
    question qui intéresse l'intérêt collectif de la profession dont il estime qu'il en a la garde et surtout un mot à dire sur elle. L'action à multiples fonctions, a ainsi servi en même temps à protéger la légalité professionnelle et sociale dans sa conception large et de manière plus sophistiquée à respecter la conventionalité c'est-à-dire les textes collectifs. L'extension de l'action en la matière a permis d'admettre aux syndicats non-signataires le droit d'agir en exécution de la convention collective. Une extension qui a laissé aussi l'article 2262-10 C.T (déclinaison particulière de l'article 2132-3 C.T) à la marge des textes utilisés. L'examen des affaires admises devant les différentes juridictions nous a permis de classer les domaines d'intervention de l'action en 5 thèmes principaux : En premier lieu la

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    défense de la santé et de la sécurité, en second lieu la défense des conditions de travail, puis la défense des droits et des prérogatives collectives, ensuite la défense de l'intérêt général, professionnel et économique et enfin la défense des conventions collectives. Dans ces affaires jaillissent à chaque fois une question de portée générale liée à la fois aux politiques gestionnaires et organisationnelles de l'employeur et aux droits rattachés à la personne du salarié ou à l'institution élue. L'action peut alors avoir pour but de protéger « un droit ou une prérogative », à créer « La jurisprudence à suivre », ou de solutionner « La problématique primordiale du moment » ou celle « en laquelle se reconnait une catégorie professionnelle déterminée ». Le régime est facilité au point que la jurisprudence admet parfois que certaines atteintes « ouvrent nécessairement » la porte à l'examen d'une prétention. Cette fonction de veille sociale et de consolidation des acquis s'ajoute à l'efficacité attendue de l'action principale ou de l'intervention du syndicat. Les syndicats professionnels auront en effet le pouvoir à la fois de développer leurs propres arguments et de demander à la justice en plus des dommages et intérêts, que des illicéités soient déclarées ou des régularisations soient faites aux salariés. Autrement dit, des demandes incidentes dont les effets peuvent affecter la situation individuelle du salarié et dont l'effectivité, la dissuasion et la diffusion ne laissent aucun doute.

    En second lieu, Cette expansion continuelle est cependant freinée. Un ralentissement considérable est ressenti depuis quelques années et qui s'est accéléré depuis peu de temps. Ce mouvement est confirmé aujourd'hui parce qu'on observe une jurisprudence de moins en moins accueillante vis à vis des prétentions syndicales intéressant l'intérêt collectif de la profession. C'est-à-dire on voit de plus en plus de décisions de fin de non-recevoir pour motif d'absence de qualité ou d'intérêt à agir qui sont prononcés par les juridictions. La logique de ces exclusions est due au fond à une reconfiguration des bornes classiques de la notion d'intérêt collectif et surtout à un re-paramétrage politico-législatif de la place du collectif dans le procès au moyen d'articulations moins équilibrée avec la liberté individuelle. Ainsi nous avions pu constater que certaines actions, certes très rattachées à l'intimité du salarié ou à son contrat de travail sont exclues du regard du juge quand bien même elles avaient un versant collectif très prononcé et que nul ne peut douter que le préjudice qu'elles invoquent porte en plus atteinte à l'intérêt collectif de la profession. La complexité du processus créateur de norme conventionnelle et l'essor vénéré de ces dernières en droit du travail ont permis d'éloigner les syndicats dans une certaine mesure de leur vocation à contester les atteintes à l'intérêt collectif. Et pourtant c'est dans l'effet ergaomnes que se trouve la substance de cet intérêt collectif. C'est l'exclusion de certaines infractions pénales du domaine de l'action dans l'intérêt collectif qui nous a le plus choqué. On a pu vu voir un écartement de certaines infractions pénales pour le simple motif que la victime de l'infraction est extérieure à la profession alors qu'en vrai il s'agissait de dysfonctionnement dans l'organisation de

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    travail qui légitimerait en principe l'intervention du syndicat. Plus loin encore, l'exclusion des infractions économiques et financières aux motifs que le préjudice de ces infractions n'affecte que l'intérêt général ou l'intérêt sociétal et non pas l'intérêt des salariés.

    Cette exclusion est due à notre avis à un héritage politique de dépénalisation des droits des affaires et une envie de garder les affaires de l'entreprise hors de la portée des syndicats.

    Cette exclusion n'est ni claire ni assumée par la jurisprudence. Elle devrait pour-autant le devenir avec l'introduction par la Loi Pacte d'un bout de phrase qui donne aux salariés un peu plus de « pouvoir » pour décider de leurs sorts en entreprise. C'est de la mobilisation de cette disposition que naitra l'espoir d'une re-fusion entre l'économique et le social. L'action dans l'intérêt collectif régresse et freine aussi parce qu'elle se trouve contrariée et sous tension. La tension vient en premier lieu de l'entrée en jeux à la fois d'acteur concurrent qui ne l'étaient pas à juste titre avant. Elle vient aussi de l'entrée en jeux en droit de travail d'un mécanisme ambitieux qui est censé pallier les inconvénients de l'action en substitution et surtout de l'action dans l'intérêt collectif : l'action de groupe. Ce fil conducteur nous a permis de voir sous un autre angle le conflit positif entre la représentation élue et les syndicats dans l'entreprise. Cette concurrence témoigne en réalité d'un changement notionnel et essentialiste induit en effet par le basculement du centre de gravité de l'intérêt collectif du côté de l'entreprise. Ainsi le défaut de qualité a été opposé au syndicat qui contestait par exemple la qualité de l'information donnés à la représentation élue. C'est un autre signe selon nous du placement des syndicats actuellement sous la dépendance de l'institution élue. Les associations ont contribué également à leur tour dans le processus de déconstruction de l'action collective. La loi leur a en effet étendu les habilitations nécessaires afin de défendre des grandes causes très similaires au fond à l'intérêt collectif d'une part, et d'autre part elle leur a partiellement ouvert la porte pour exercer l'action de groupe.

    Un contentieux altruiste mais où la liberté individuelle est encore maitresse. La question de la régression de l'action dans l'intérêt collectif ne saurait être analysée sans la prise en compte de l'introduction de l'action de groupe en droit du travail, une action conçue pour s'améliorer « à petits pas ».460 Essayer de trouver de nouveaux chemins qui concilient intérêt individuel et intérêt collectif était à la fois un besoin mais aussi un risque. Un risque à rebours de diluer l'action dans l'intérêt collectif. L'équation à plusieurs degrés a été résolue par une limitation du spectre de cette action aux seules discriminations. Le dispositif est certes complexe et limité mais il est beaucoup plus prometteur qu'il n'y parait. Porteur à la fois de craintes et d'espoir, il a réussi à séduire même les syndicats non

    460 E. Claudel, Action de groupe et autres dispositions concurrence de la loi de consommation : un dispositif singulier, RTD Com. 2014.339

    101

    réformistes. Il faut l'admettre rien n'est plus séduisant que la liberté. Le mécanisme est « commercialisé » avec l'étiquette d'une meilleure jonction entre individuel et collectif. La défense dans plusieurs affaires a su tirer profit de ce dispositif pour essayer de l'améliorer à travers des demandes « tests ». « L'intérêt (de l'action de groupe) en termes de communication n'est pas négligeable. La promotion de l'action de groupe pourrait permettre de mieux faire connaitre l'action syndicale dans toutes ses dimensions » 461 L'action est aussi un moyen qui prône une certaine déjudiciarisation du contentieux. Autrement dit, mieux vaut un « règlement amiable » qu'un « bon procès ». « Ce recours systématique aux processus négociés est le signe d'une défiance à l'égard de l'intervention des juges, ce qui parait contradictoire avec l'idée même de l'action de groupe qui suppose de donner un rôle prépondérant aux juges dans la lutte contre les discriminations »462. Outre l'intérêt non négligeable de la médiatisation, la cessation de l'illicite, cette action a le mérite quand même de réussir à toucher un fléau indétectable : la discrimination systémique. C'est un outil de plus pour atteindre des discriminations indétectables.

    Enfin, on voit que cette action dans l'intérêt collectif trouve de moins en moins sa place dans notre ordre juridique. Contrainte elle est en train d'évoluer pour s'adapter au fond aux mutations actuelles du droit social. Elle cherche infatigablement à se réinventer. Des nouvelles pistes s'offrent à elle. Rien n'empêche en fait de mobiliser cette prérogative à l'internationale ou en Europe. La pratique judiciaire ouvre certaines voies procédurales nouvelles, mais leur mise en oeuvre oblige à poser la question de la compétence internationale en matière d'intérêt collectif de la profession.

    461 Sophie Rozez, L'action en justice, action individuelle, action collective, le Dr. Ouvrier .Novembre 2014, n°796 p.739

    462 Fréderic Guiomard, Revue des droits de l'Homme, 9, 2016, Varia n°52

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    111

    Table des matières

    Dédicaces 3

    Remerciements 4

    Citation 5

    Sommaire 6

    Liste des abréviations 7

    Introduction 8

    Première partie : Une action en expansion 23

    Section 1 : Des conditions d'exercices facilités 23

    Sous-section 1 : Les conditions procédurales de recevabilité 23

    Paragraphe 1 : Les conditions relatives au droit d'agir : 23

    Sous paragraphe 1 : L'intérêt à agir 24

    Sous paragraphe 2 : La qualité pour agir 25

    Paragraphe 2 : La diversité des voies d'action 28

    Sous paragraphe 1 : Devant les juridictions civiles 28

    Sous paragraphe 2 : La constitution de partie civile 30

    Sous-section 2 : Les conditions statutaires 32

    Paragraphe 1 : Le dépôt des statuts 32

    Sous paragraphe 1 : La régularité du dépôt 32

    Sous paragraphe 2 : La représentation légale (Le mandat) 33

    Paragraphe 2 : Le principe de spécialité 35

    Sous paragraphe 1 : La spécialité légale 35

    Sous paragraphe 2 : La spécialité statutaire 38

    Section 2 : Des actions recevable dans un champ étendu 39

    Sous-section 1 : La défense de la légalité 39

    Paragraphe 1 : L'Emploi, la santé et la sécurité 40

    Sous paragraphe 1 : La défense de l'emploi des salariés 40

    Sous paragraphe 2 : La défense de la Santé et de la sécurité : 43

    Paragraphe 2 : La défense des conditions de travail 45

    Paragraphe 3 : Les droits et les prérogatives collectives 47

    Sous paragraphe 1 : La défense des droits et prérogatives des institutions élues 48

    Sous paragraphe 2 : la défense des droits et libertés syndicales : 49

    Paragraphe 4 : La défense des intérêts généraux, économiques et professionnels 52

    Sous paragraphe 1 : La défense de la réglementation économique et professionnelle 52

    112

    Sous paragraphe 2 : La défense de l'intérêt général 53

    Sous-section 2 : La défense de la conventionalité 54

    Paragraphe 1 : L'action générale de l'article L 2132-3 C.T : 55

    Sous paragraphe 1 : L'action dans l'intérêt collectif en exécution de la Convention Collective 56

    Sous paragraphe 2 : L'action en nullité de la convention collective 59

    Paragraphe 2 : L'action particulière de l'article 2262-10 C.T 60

    Deuxième partie : Une expansion freinée 61

    Section 1 : Les actions irrecevables 61

    Sous-section 1 : L'exclusion de certaines actions à versant collectif 62

    Paragraphe 1 : Les actions rattachables au salarié 62

    Sous paragraphe 1 : Exclusion de certaines actions qui relèvent de la sphère privée 63

    Sous paragraphe 2 : Exclusion du contentieux « subjectif-subséquent » 64

    Paragraphe 2 : Le contentieux relatifs à l'élection et à la négociation 66

    Sous paragraphe 1 : Le contentieux électoral : 66

    Sous paragraphe 2 : Le contentieux relatif à la négociation collective 67

    Sous-section 2 : L'exclusion de certaines infractions pénales 69

    Paragraphe 1 : L'exclusion de certaines infractions de droit commun 69

    Paragraphe 2 : L'exclusion de certaines infractions de droit pénal des affaires 71

    Section 2 : Une action contrariée 74

    Sous-section 1 : La concurrence induite à des acteurs rivaux 76

    Paragraphe 1 : La concurrence avec les institutions élus 76

    Paragraphe 2 : La concurrence avec les associations 80

    Sous-section 2 : La rivalité avec l'action de groupe 82

    Paragraphe 1 : L'imperfection relative de l'action de groupe 83

    Paragraphe 2 : L'avantage concurrentiel de l'action de groupe 89

    Conclusion 98

    Bibliographie 102

    Table des matières 111






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams