Conclusion
Dans l'optique de rendre attractive et compétitive
l'école congolaise, nous avons acquiescé offrir à la
nation, plus particulièrement aux décideurs et praticiens des
politiques éducatives ce travail scientifique, fruit de dur labeur, dont
le souhait le plus ardent est qu'il puisse servir d'un véritable
instrument de gestion et de pilotage des politiques éducatives en
matière de la gratuité scolaire prônée par la
République Démocratique de Congo.
Par rapport aux multiples chantiers que le MINEPST a ouverts
ou souhaite ouvrir, ce cadre référentiel assurera une mise en
cohérence synergique et un positionnement véritablement
contributif à l'oeuvre commune afin d'éviter une accumulation
d'activités fragmentées et disparates dont la résultante
aurait un impact moindre, voire négatif, sur les résultats de
développement attendus. En outre, les diverses réformes que le
MINEPST cherchera à mettre en oeuvre n'auront guère de sens si
elles n'améliorent pas réellement les performances du
système, notamment son efficience et son efficacité.
Nous avons noté que les exigences de la
société concernant l'efficacité de l'école sont de
plus en plus élevées. L'évolution des publics scolaires et
les nouvelles nécessités auxquelles doit répondre le
système éducatif implique une évolution sur le rôle
de l'école. Doter les élèves d'une bonne éducation
de base pour tous est la clé de voûte de la politique scolaire.
Ainsi, on ne peut espérer l'Education de Base pour Tous si
l'école n'est pas en même temps gratuite.
La loi fondamentale du pays consacre la gratuité et le
caractère obligatoire de l'enseignement primaire. Cet objectif traduit
la volonté politique d'évoluer vers un enseignement de base
accessible à tous ; en même temps, il contient des nombreux
défis à relever dans un contexte socioéconomique et
institutionnel particulièrement complexe et difficile.
[136]
A bon gré mal gré, la gratuité totale de
l'école primaire est d'application en RDC depuis la rentrée
scolaire 2019-2020. Mais, de l'entrée du jeu, il s'en est suivi d'une
série des répercussions. La gratuité n'a pas
été considérée comme opportunité, mais
plutôt comme menace à la survie de l'enseignant congolais. Elle a
été géniteur des conflits entre les praticiens du
sous-secteur et le pouvoir organisateur, le déclenchement des mouvements
de grèves et revendications de tout bord. Ces paradoxes forts poignants
ont attiré notre attention à nous intéresser du
problème et mener une étude scientifique pour de déceler
les défis auxquels fait face la gratuité de l'enseignement
primaire afin d'y arriver à proposer les pistes.
Au demeurant, nous nous sommes posé ces
questions-problèmes :
? Quels seraient les principaux défis lancés
à la gratuité de l'enseignement de base dans notre pays ?
? La gratuité de l'enseignement de base inscrite dans
la Constitution de la RDC et proclamée par le Président de la
République ne peut-elle pas avoir, dans des conditions actuelles, un
impact négatif sur la qualité de l'enseignement ?
? Si elle est, certes, indispensable pour assurer
l'éducation pour tous, la gratuité, sans une planification
rationnelle au préalable, est-elle possible dans l'immédiat?
? Le pari de la gratuité étant
déclaré irréversible par le pouvoir organisateur, que
faut-il faire pour stabiliser sa mise en oeuvre afin de parvenir à
l'adéquation gratuité-qualité ?
La vue préliminaire des pré-enquêtes dans
notre milieu d'étude qui n'est autre que la sous province
éducationnelle de Matete nous donne la lueur de dessiner les
hypothèses ci-dessous :
[137]
? Le principaux défis lancés à la
gratuité de l'éducation de base dans notre pays seraient :
effectifs pléthoriques, carence des structures d'accueils, mauvaises
conditions d'apprentissages, manque d'outils de formation, faible budget de
l'Etat et celui alloué à l'éducation, la modicité
de l'enveloppe salariale des enseignants, etc.
? Lancée dans des conditions actuelles, la
gratuité de l'enseignement de base dans notre pays aurait un impact
négatif sur la qualité de notre enseignement tant
décriée.
? Une planification rationnelle au préalable aurait
été indispensable à la réussite de la
gratuité dans notre pays.
? Pour stabiliser la mise en oeuvre de la gratuité
scolaire, il serait indispensable de formuler les politiques éducatives
susceptibles d'orienter le cadre des prochaines actions.
La méthode systémique à la fois
quantitative et qualitative a prévalu dans cette recherche. Une
méthode qui tire son origine de la théorie des systèmes,
une théorie générale et interdisciplinaire qui
étudie les systèmes en tant qu'ensemble d'éléments
formant un tout. En se servant de cette méthode, nous avons
analysé le système éducatif congolais dans son ensemble,
plus particulièrement les aspects liés à l'Education Pour
Tous et les politiques idoines pour les reformes scolaires.
Aussi, il a été question de prélever les
effectifs d'élèves dans les salles de classe pour l'année
scolaire 2019-2020 dans les établissements publics de la sous-province
éducationnelle de Matete; analyser si ces effectifs sont conformes au
seuil (minimum, optimum et maximum) fixé par la législation
scolaire congolaise, et aussi de l'UNESCO, et, enfin comparer lesdits effectifs
à la situation d'avant l'application de la disposition portant
gratuité de l'éducation de
[138]
base en faisant recours aux indicateurs des années
antérieures à l'occurrence l'année scolaire 2018-2019.
Nous nous sommes investis à l'appréciation des
conditions d'apprentissages, l'observation des capacités d'accueil d'un
échantillon des locaux scolaires en rapport avec les normes
pédagogiques, etc. Dans la foulée, il était
nécessaire de recourir aux instruments tels que les techniques
d'observation, questionnaire d'enquête, entretien et l'analyse
documentaire pour collecter les données. Les données étant
recueillies de plusieurs manières, nous avons fait appel à
l'analyse de contenu, l'indice de pourcentage et le test statistique pour leur
traitement.
Les réponses à notre problématique ayant
été disponibles, toutes choses égales par ailleurs, nous
avons dégagé succinctement que la gratuité de
l'éducation de base en RDC, spécialement dans la sous province
éducationnelle de Matete souffre d'un nombre important de défis,
notamment :
? Faible taux d'exécution du budget alloué
à l'éducation et beaucoup d'autres difficultés d'ordre
financier. Pour preuve, le retrait de deux classes 7e et
8e du secondaire général à la gratuité
;
? Les enseignants sont mal rémunérés,
360.000 francs congolais soit 180 dollars américains au taux du
marché pour un enseignant du primaire. Facteur à la base de
démotivation qui a pour conséquences : mouvements de
grèves et différentes manifestations à travers le pays
;
? Effectifs pléthoriques et débordement du taux
d'encadrement dans les classes sont des réalités vivantes. La
moyenne de certaines classes va même au-delà de 70, 80, 90 voire
100 élèves et plus (cas des écoles primaires : EP2
KIKINGA, EP1 KINDA, EP1 KINZAZI, EP2 KINZAZI, EP3 BAHUMBU, EP4 BAHUMBU, EP
SAINTE TRINITE, EP MAINDOMBE, EP MOLENDE, EP PULULU, pour ne citer que
celles-ci (détails dans les
[139]
tableaux statistiques de l'évolution des effectifs).
Conséquences : trop de bruits en classe, bagarres, suivi
irrégulier des évaluations par l'enseignant, etc. L'entassement
des enfants et l'étouffement peuvent faciliter aussi la contagion des
certaines maladies endémiques, surtout pendant cette période de
Covid-19 ;
? Mauvaises conditions d'apprentissage, délabrement
très avancé des bâtiments scolaires, carence très
manifeste des bancs et pupitres, mobiliers scolaires, manuels scolaires et
autres matériels pédagogiques et didactiques. Les enfants
s'assoient à même le sol ;
? Insuffisance des capacités d'accueil, nombre
très réduit d'écoles publiques et salles de classes face
à l'explosion démographique et de la demande scolaire. A Matete,
aucune école n'a été construite encore moins
réhabilitée pour contenir l'afflux d'élèves. Au
contraire, à la recherche d'équilibre, certaines écoles
ont doublé les vacations, tandis que certaines ont fabriqué des
salles de classes en bâches et encadrement des tôles qui ne sont
pas à l'abri des intempéries et qui ne répondent pas aux
normes pédagogiques ;
? Le rebondissement des exigences financières en charge
des ménages sous d'autres vocables amplifiés (cotisation pour la
fabrication des bancs et mobiliers scolaires, soutien aux enseignants non
payés et nouvelles unités, appui aux frais de fonctionnement,
etc) ;
? Les incertitudes en ce qui concerne la prise en charge des
enseignants Nouvelles Unités.
Sans être exhaustif, les résultats de nos
enquêtes démontrent clairement que la gratuité de
l'enseignement primaire lancée en RDC demeure instable dans tous ses
aspects clés. Tous les défis énumérés
méritent bien des réponses appropriées. Il est
prévisible que si l'on n'arrive pas à trouver des solutions
à
[140]
l'ensemble des problèmes, la gratuité portera
certainement atteinte à la qualité de l'enseignement.
Note assertion n'a pas été fortuite lorsque nous
avons évoqué que les effectifs pléthoriques sont la
résultante de la gratuité. L'année scolaire 20182019
toutes les écoles publiques de Matete ne comptabilisaient que 9380
élèves filles et garçons ; l'année 2019-2020, avec
la gratuité, on a enregistré 19798 élèves soit un
taux d'accroissement 111%. Pourquoi, la gratuité a fait appel aux
réintégrés du système, les
réintégrés hors système, les entrées
précoces et les entrées tardives, sans oublier les enfants qui
ont quitté le secteur privé. Surtout que le recrutement des
nouveaux élèves n'était fonction d'aucun critère.
Imaginez ce que sera la pression de l'année prochaine.
Le relevé des défis susmentionnés nous
ont doucement conduits à déduire que nos hypothèses
corroborent avec les résultats de l'étude. Pour mieux dire, nos
hypothèses sont confirmées.
Cependant, ce qui nous préoccupait en poursuivant cette
étude, en tant que chercheur en gestion et administration des
institutions éducatives n'était pas seulement la confirmation ou
l'infirmation des hypothèses, mais aussi comment palier aux
éventuelles crises une fois décelées. A notre avis,
réussir à stabiliser la gratuité de l'éducation
vaut plus que l'or et l'argent pur. Considérant la gratuité comme
opportunité et un pari gagné pour le Congo qui vient marquer son
premier pas à l'Education Pour Tous, la nécessité
d'ériger des politiques et stratégies de remédiation
s'inflige.
Comme nous l'avions précédemment indiqué
que l'inventaire des défis ne suffit pas, car le but de cette recherche
n'était pas de remettre en cause les critiques formulées à
l'encontre de la gratuité de l'enseignement, mais son importance
réside dans le fait qu'elle attire notre attention sur la dimension
[141]
pédagogique du système éducatif et
qu'elle nous fournit les outils analytiques permettant à la fois
d'identifier et de projeter dans le temps et dans l'espace les
éléments matériels du système éducatif qui
concourent à un effort de planification éducative
générale. Subséquemment, nous suggérons à
l'Etat congolais ainsi qu'à tous acteurs éducatifs de nouer les
efforts pour répondre aux impératifs de la gratuité de
l'enseignement, de peur que, dans les années à venir, cette noble
initiative d'accès à l'Education Pour Tous enfonce la
qualité de notre système éducatif dont les performances
sont jugées mitigées depuis des années.
Pour cela, nous recommandons à l'Etat Congolais avec
ses partenaires techniques et financiers, aux gestionnaires d'écoles et
enseignants, confessions religieuses et parents, chacun en ce qui le concerne
de (d') :
· Soutenir le pari gagné de la gratuité,
considérer celle-ci comme opportunité et capitaliser les effets
induis ;
· Assurer les politiques de l'éducation plus
durables, systémiques et négociées ;
· Elaborer des didactiques constructivistes et des
dispositifs pédagogiques créant des situations d'apprentissage
fécondes ;
· Augmenter la part du budget alloué à
l'éducation et respecter le taux d'exécution;
· Revaloriser la fonction enseignante (un salaire
décent accompagné des avantages sociaux dont le logement, le
panier de la ménagère, les soins médicaux et autres) ;
· Améliorer les conditions d'apprentissage des
élèves (doter les écoles des bancs, divers outils de
formation et un environnement où il fait beau-vivre) ;
· Réaliser la promesse au crédit de la
construction des écoles, salles de classe et réhabilitation de
celles qui sont en état de dépréciation ;
[142]
· Conduire les prochaines reformes progressivement
suivant les réalités de terrain, renoncer à la
pensée magique qui perçoit la reforme comme étant une
guerre éclair ;
· Intérioriser que toute réforme est le
fruit d'une longue préparation, de la planification rationnelle et de la
mobilisation des ressources nécessaires ;
· Eviter l'improvisation;
· Privilégier la dimension pédagogique des
reformes scolaires ;
· Apprendre à négocier les reformes avec
les praticiens et le pouvoir relais ;
· Impliquer de nouvelles forces pour la
réalisation des objectifs d'Education Pour Tous ;
· Veiller à la clarté des futurs textes
réglementaires, ainsi que la participation des acteurs clés
à leur élaboration, constitueront un gage d'adhésion
nécessaire à la mise en oeuvre de la Stratégie ;
· Mettre l'équité au centre des politiques
éducatives car l'éducation est avant tout un droit humain
fondamental ;
· Evaluer régulièrement des politiques
éducatives en faveur de l'Education Pour Tous et mesurer l'impact de la
gratuité sur le rendement du système éducatif ;
· Accorder des subsides, si possible, aux écoles
privées afin de réduire le coût de scolarité dans
leur secteur en vue de juguler la pression de la demande scolaire aux
écoles publiques en attendant la construction des nouvelles
écoles.
De tout ce qui précède, en abordant ce sujet, la
vision principale est de construire un système d'éducation
inclusif et de qualité contribuant efficacement à la croissance
économique, à la lutte contre la pauvreté et à la
promotion de la paix et d'une citoyenneté démocratique active. Il
s'agit avant tout de libérer l'homme de toutes les pesanteurs qui
l'empêchent de participer efficacement au développement de son
pays, en lui inculquant le savoir, le savoir-faire et le
[143]
savoir-être qui constituent le socle de la vie en
société. Assurer l'éducation de qualité à
nos enfants c'est garantir l'avenir de notre beau pays.
Rendre l'école gratuite c'est aussi un tournant
décisif vers la redynamisation du système éducatif
congolais, mais cela n'empêche de produire des réflexions
analytiques susceptibles d'orienter le cadre d'actions. La gratuité
prônée par l'État congolais n'est pas utopique mais
difficile d'applicabilité tout de suite puisqu'il y a des
préalables à remplir. Pour parvenir aux performances
souhaitées, il suffira d'appuyer des conditions normales universellement
reconnues pour les apprentissages et pour le métier d'enseignant.
Avant de boucler, nous disons, reconnaitre ses limites c'est
une vertu pour les chercheurs. Aussi, nous serons flexibles aux nouvelles
découvertes et nous resterons très ouverts aux critiques car ce
memento qui est l'oeuvre humaine ne sera pas à l'abri des imperfections
voire critiques. Nous avons fait notre part, il appartient aux continuateurs
d'approfondir ce vaste chantier combien tumultueux de par son essence.
Que ce travail puisse y servir d'un référentiel
à la mise en place des politiques éducatives en termes des
reformes scolaires en RDC.
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