2.2 Les établissements privés d'enseignement
supérieurs
Depuis 1989, de nombreux établissements privés
d'enseignement supérieurs sont venus renforcer l'offre publique. Au
Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de
l'Innovation (MESRI), ces institutions sont placées sous la supervision
de la Direction de l'Enseignement Supérieur, et d'un organe de
contrôle, la Commission Nationale de l'Enseignement Supérieur
Privé (CNESP). Les données disponibles répertorient 130
structures de formation (même si plus de la moitié n'est pas
fonctionnelle) offrant des formations de niveau BTS et Licence. Cette
catégorie d'enseignement supérieur absorbe une population
d'environ 10.000 étudiants.
2.3 Les institutions publiques d'enseignement
supérieur sous la double tutelle ou hors tutelle du Ministère de
l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et l'Innovation
Il existe au Tchad, des institutions publiques accueillant des
formations post-baccalauréat, créées par certains
départements ministériels pour répondre à leurs
besoins particuliers de formation professionnelle. Ces établissements
sont placés soit sous la double tutelle académique du MESRI et
technique des départements ministériels
spécialisés, ou hors tutelle du Ministère de
l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et l'Innovation. Il s'agit de
: Ecole Nationale des Travaux Publics (ENSTP), cet établissement
créé en 1965 est placé sous la double tutelle du
Ministère de l'Enseignement Supérieur et du Ministère des
Infrastructures et des Equipements ; Ecole Nationale Supérieure des
Technologies de l'Information et de la Communication (ENASTIC),
établissement spécialisé dans les domaines des
Communications électroniques, créé en 2015 par
l'ordonnance N° 005/PR/2015 du 02 mars. L'Ecole est placée sous la
double tutelle du Ministère des Postes et des Nouvelles Technologies de
l'Information et du Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la
Recherche et de l'Innovation qui en assure l'organisation académique et
pédagogique ; l'Ecole Nationale d'Administration (ENA),
créée en 1963 par le Décret-loi N°99/PR/SGG du 20 mai
; École Nationale des Agents Sanitaires et Sociaux (ENASS),
créées par le Décret N°137 du 12 août 1964.
Réformes : Décret N°104/PR/MSP/84 du 19 mars 1984 et
Décret N°001/PR/9 du 10 janvier et l'Institut National de la
Jeunesse et des Sports (INJS)
36
2.4 La Demande en enseignement
Les attentes sociales, notamment au niveau individuel, sont
globalement identiques dans l'ensemble du secteur. Il s'agit principalement
d'une demande d'employabilité et de développement personnel,
même si la mission initiale de l'Université comme principale
pourvoyeuse de main d'oeuvre pour l'administration, et la perception de la
fonction publique comme source d'emploi demeurent. C'est probablement dans ces
schèmes qu'il convient de rechercher les raisons qui attirent une partie
des bacheliers vers l'Université, alors même que les formations
qui y sont dispensées ne leur conviennent pas nécessairement.
Pour quantifier la demande, on peut se fonder sur l'effectif
annuel des bacheliers. En dépit de quelques améliorations
notables, le taux de réussite au Baccalauréat reste faible, de 9%
en 2012, il est passé à 18% en 2014, il a
légèrement remonté en 2019 à 23%. Même si les
statistiques disponibles ne permettent pas de faire ressortir l e n o m b r e d
e s nouveaux inscrits à l'Université, l'augmentation constante
des inscriptions tend à prouver que les Universités d'Etat
absorbent l'essentiel du nombre des bacheliers. Les statistiques du
Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de
l'Innovation indiquent que le taux de transition du secondaire au
supérieur était de 33% en 2014. En effet, environ 60% postulant
à une inscription à l'Université ou candidats à
divers concours ne sont pas admis. Il s'ensuit une déperdition qui
précipite l'entrée des jeunes diplômés dans le monde
du travail et au maintien de la faible qualité du capital humain
tchadien. Du point de vue qualitatif, l'insuffisance du niveau d'acquisition
des élèves s'observe au sortir du secondaire à travers le
faible taux de réussite aux examens au niveau du supérieur.
La demande en matière d'enseignement supérieur
se caractérise également par une forte concentration
d'étudiants dans les filières littéraires (61%) au
détriment des facultés à vocation scientifique. Le Rapport
de la Commission d'enquête parlementaire sur le système
éducatif tchadien, publié en juin 2018 relève que
...plus des 2/3 des diplômés proviennent des filières
littéraires et la majorité est composé de licenciés
qui n'ont pas d'autres choix que l'enseignement (parfois sans vocation) par le
biais de la fonction publique ou des instituts privés9.
Il s'agit d'un problème ancien, déjà relevé en 2002
dans le rapport Merlin, (2002, p.97)10 et décrit comme «
caractéristique de l'enseignement supérieur, dont les
filières à dominante scientifique, très minoritaires par
rapport aux autres filières, voient leur développement
limité par le nombre réduit de bacheliers
scientifiques».
9 Rapport d'enquête parlementaire, sur le système
éducatif tchadien et la politique nationale de la jeunesse, juin 2018,
p.64.
10 Christian Merlin : Le développement des
filières scientifiques dans l'enseignement secondaire et
supérieur in Éducation et formation au Tchad : Recueil
d'études thématiques, pp. 97-98, Publié en 2002 par
l'UNESCO.
37
Effectué dans un contexte d'embellie économique,
notamment caractérisée par l'implantation d'entreprises
étrangères et le développement de nouveaux métiers
liés à la modernisation du pays, le rapport insistait
également sur la nécessité pour le Tchad d'orienter
l'évolution des compétences vers la maîtrise accrue des
disciplines scientifiques : ...D'abord parce que se développe de
manière universelle une « société de l'information
» reposant sur la maîtrise de technologies de plus en plus
élaborées. Ensuite parce que les entreprises établies au
Tchad auront de plus en plus besoin de diplômés issus de la
Faculté des sciences exactes et appliquées, des filières
professionnalisées, ainsi que des diplômés des instituts
universitaires à finalité scientifique et technologique...
(Rapport Merlin, p.98).
Cependant, dix-sept (17) ans après la publication du
Rapport Merlin, le déficit de la demande des formations à
caractère scientifique est persistant et les statistiques indiquent
toujours l'attraction, dès l'enseignement secondaire, des
élèves pour les filières littéraires, schéma
qui se reproduit par la suite à l'Université. Il paraît
dès lors difficile à l'enseignement supérieur de
répondre de manière satisfaisante aux besoins d'une
économie en cours de transformation.
2.4.1 La Demande et l'offre en recherche et
innovation
Le corps enseignant des Universités
créées par l'Etat présentaient les caractéristiques
ci- après au cours de l'année académique 2016-2017 : un
effectif total de 2.336 enseignants, avec 3% de femmes (concentrées
à N'Djamena); 2% d'enseignants de rang magistral ; 70% d'assistants;
1.346 permanents nationaux; 944 vacataires nationaux et 46
étrangers11. (L'Université de N'Djamena dispose un
effectif de 1003 enseignants donc 953 hommes et 50 femmes). Ces
caractéristiques vont déterminer la recherche scientifique dans
le milieu universitaire, car très peu qui font la recherche.
Ainsi, il existe une autre attente sociale spécifique
aux Universités : c'est la recherche universitaire. Ce volet de
l'enseignement supérieur qui rassemble les activités
basées sur l'approche scientifique, disciplinaire, pluridisciplinaire et
transdisciplinaire, la recherche appliquée, la recherche-
développement et la recherche-action, a également une dimension
politique. Pour l'Etat tchadien, la recherche est d'abord porteuse d'espoir
à travers la contribution que les travaux des enseignants-chercheurs
peuvent apporter au développement du pays. Au-delà des
frontières nationales, la recherche effectuée par des
enseignants-
11 Rapport de la Commission d'enquête parlementaire sur
le système éducatif tchadien, p. 63 et Annuaire statistique de
l'enseignement supérieur, p.87
38
chercheurs, dans le respect des normes internationalement
reconnues, peut également contribuer au rayonnement du pays. L'article
44 de la loi 1612 confirme les aspirations de l'Etat en la
matière, en précisant que les orientations politiques en la
matière doivent répondre « aux objectifs de
développement socio-économique et aux besoins prioritaires de la
nation exprimés à travers les instances politiques, les
partenaires socio-économiques, les collectivités territoriales et
la communauté des chercheurs».
Dans la réalité, la recherche est
pratiquée par une poignée de chercheurs ou
d'enseignants-chercheurs, disposant, ainsi le précise le Rapport de la
commission d'enquête parlementaire13, ...de faibles
ressources financières et dans des conditions précaires, bien
illustrées par l'insuffisance et le très faible niveau
d'équipement des
laboratoires qui existent. Cette s i t u a t i o n est r e
nfo r c é e par des financements de la recherche tournée
essentiellement vers les primes accordées (1,7 milliards FCFA) aux
chercheurs qui, dans leur écrasante majorité, ne pratiquent
aucune activité de recherche. Ce qui permet de définir la
recherche au Tchad comme un système généreux, mais
improductifs. Mais les ressources nécessaires à
l'accompagnement de la recherche restent insuffisantes, avec des
conséquences visibles sur l'offre universitaire.
La production de la recherche s c i e n t i f i q u e peut, en
théorie, êt r e quantifiée par le biais de
différents indicateurs, par exemple le nombre de thèses
soutenues,
l e nombre d'articles publiés dans des revues
scientifiques, le nombre de colloques et de conférences
organisés, ou encore le nombre de brevets déposés par les
Universités. Au Tchad, la recherche est peu soutenue et l'ensemble du
domaine se caractérise par une insuffisance d'infrastructures et une
absence de programmes pertinents orientés vers le développement
durable.
Au-delà du cadrage juridique, les activités de
recherche sont animées par le Centre National de Recherche pour le
Développement (CNRD)14, chargé de la publication des
revues scientifiques et de la vulgarisation des résultats de la
recherche. Même si plus de 1500 chercheurs sont théoriquement
affiliés à ce pôle, les résultats restent peu
visibles, en raison notamment de l'insuffisance des ressources
financières allouées à la recherche. Le système
universitaire national ne dispose que de deux revues
12 Loi N°16/PR/2006 Portant Orientation du Système
Educatif Tchadien.
13 Rapport de la commission parlementaire sur l'éducation,
p. 67
14 Cette structure était initialement connue sous le nom
de Centre National d'Appui à la Recherche (CNAR)
39
scientifiques (Centre National de Recherche pour le
Développement et Cahiers Tchadiens de Sciences Humaines). Il s'ensuit,
au plan organique, l'absence de groupes de recherche structurés, et les
supports de diffusion et de vulgarisation des résultats demeurent
insuffisants. Au plan des infrastructures, l'on constate l'absence ou
l'insuffisance de laboratoires, et même un très faible
accès à la documentation en ligne du fait de l'accès
très limité à la connexion Internet, b i e n que le CNRD
dispos e d'une bibliothèque numérique contenant plus de 25.000
ouvrages. Les insuffisances en matière de recherche se ressentent
également au niveau de la structuration du corps
enseignant, de faible qualification, composé de «
2% d'enseignants de rang magistral ; 70% d'assistants »,
souvent titulaires d'un Master ou de diplômes équivalents.
L'encadrement des étudiants inscrits au cycle doctoral demeure
insuffisant, d'où la difficulté pour les titulaires du Master de
finaliser leurs études, en dépit de la création du
CONFOFOR15. Il s'agit d'un plan Triennal de formation d e formateurs
mis en oeuvre à partir de 2012. Dotée de ressources
financières conséquentes, soit 3 268 690 500 FCFA pour trois ans,
sur les 4 043 000 000 FCFA initialement prévus par le
Projet16, la Commission, actuellement en veilleuse était
notamment chargée de l'attribution de bourses d'études, de
l'équipement des laboratoires et de l'organisation des missions des
chercheurs sur le terrain. Ce fonds a notamment permis la création de
deux Ecoles doctorales e t l'octroi d'appuis financiers à de nombreux
enseignants-chercheurs pour des études au Tchad, en Afrique ou en
Europe.
L'insuffisance quantitative et qualitative des ressources
humaines dans les Universités compromet fortement, non seulement la
qualité de l'enseignement supérieur au Tchad, mais aussi la
contribution de la recherche universitaire au développement du pays. Ces
carences pourraient être corrigées par la mise en place d'une
instance de coordination, en l'occurrence, « le Fond National d'Appui
à la Recherche Sc i e n t ifi q u e et Technique (FONAREST)
».
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