1
INTRODUCTION
La terre, denrée précieuse des peuples, est
source de beaucoup de conflits à travers l'Afrique en
général et la République démocratique du Congo en
particulier.1
En fait, aujourd'hui plus qu'hier l'importance de la terre
dans toute collectivité humaine est symbole fort de son identité,
de la communauté pour la reproduction sociale. Il faut donc noter que
l'existence de l'homme est liée à la terre et à ce qui
sort de la terre.2
En République démocratique du Congo, depuis
l'entrée en vigueur de la loi n°71-021 du 21 juillet 1973 portant
régime général des biens, régime foncier et
immobilier et régime des sûretés, l'Etat a fait du sol et
du sous-sol sa propriété exclusive, inaliénable et
imprescriptible.3 Il a, de ce fait, domanialisé toutes les
terres de communautés locales.4 L'objectif poursuivi par
cette réforme foncière importante était l'unification de
toutes les règles de droit foncier tant sur le plan du fond que de
forme.5
D'où comme l'affirme le professeur KALAMBAY, il
n'existera donc plus de catégorie de « terres domaniales »,
opposée à celle de « terres coutumières », car
toute terre vacante est désormais domaniale ; le patrimoine foncier de
l'Etat comprend des biens fonciers du domaine public (qui sont hors commerce)
et des biens fonciers du domaine privé de l'Etat qui sont concessibles
et cessibles.6
Dans son domaine privé,7 l'Etat
reconnaît un droit de jouissance aux communautés locales sur les
terres qu'ils habitent, cultivent et exploitent d'une manière quelconque
individuelle et collective conformément aux coutumes et usages
locaux.8
1 LUAKULUMA AMKENI, Atelier du syndic sur la définition
des terres foncières coutumières, Trimestriel de l'information de
monde paysan publié par FOPAC, n°012, mars-mai 2009, p. 6
2 V. KANGULUMBA MBAMBI, "La loi n°73-021 du 02 juillet
1973 portant régime général des biens et régime de
suretés au Congo, trente ans après : quel bilan ? Essai de
l'évolution", Kinshasa, éd. KAZI, p. 61
3 Article 53 de la loi foncière
4 Article 388 de la loi foncière
5 G. KALAMBAY, Droit civil, Régime foncier et immobilier,
vol 2, Kinshasa, PUC, 1999, p. 74
6 G. KALAMPBAY LUMPUNGU, op.cit. , p. 49
7 Article 56 alinéa 1 de la loi foncière
8 Article 388 de la loi foncière
2
Ces droits de jouissance devaient être
réglés par une ordonnance du Président de la
République,9 mais force est de constater que cette
dernière n'a jamais été prise.
Et pourtant l'observation et l'étude démontrent
que la quasi totalité des terres occupées en République
démocratique du Congo sont détenues et exploitées sur base
des coutumes et des usages locaux, et seulement, près de 2% des terres
congolaises font l'objet des concessions octroyées et
enregistrées par l'Etat. En outre, les cours et tribunaux connaissent en
majorité des conflits fonciers dont la plupart consiste dans la
négation ou la réclamation d'un droit foncier acquis en vertu de
coutume ou d'usage local.10
D'ailleurs, les territoires de Madimba et de Mbanza-Ngungu qui
font partie des territoires de la Province du Kongo Central n'en fait pas
exception. Car on constate particulièrement un nombre important des
affaires judiciaires portés devant les cours et tribunaux relatives aux
terres de communautés locales de ces deux territoires.
Et à la lumière de ce qui précède,
il y a lieu de se poser la question de savoir : pourquoi tant des affaires
foncières devant les cours et tribunaux de ces deux territoires (Madimba
et Mbanza-Ngungu) au sujet des terres des communautés locales, quelles
en sont les conséquences et comment éradiquer ces conflits
fonciers ?
A ce sujet, l'on peut déjà émettre
l'hypothèse selon laquelle ces conflits fonciers nés suite
à l'absence d'une loi particulière qui devait régir ce
domaine, loi dont on fait allusion à l'article 389 de la loi
foncière.
Nous allons toutefois, à l'issu de cette étude,
vérifier cette hypothèse pour la confirmer ou l'infirmer.
La finalité de la présente étude est
d'identifier concrètement les différentes causes de conflits
fonciers dans les territoires de Madimba et de Mbanza-Ngungu, de
connaître si réellement ces conflits sont dus à une
ignorance de la loi foncière ou le refus de son acceptation par les
communautés locales.
A cet effet, nous nous sommes accordé la liberté
de délimiter la présente étude sous deux dimensions,
c'est- à-dire dans le temps et dans l'espace.
9 Article 389 de la loi foncière
10 NSOLOSHI « Statut et protection juridique des droits
fonciers en vertu de coutume et de usage locaux en RDC », pp. 11-13, in
article Nsoloshi 2ème année n°4 vol2, janvier
2013
3
S'agissant de sa portée temporelle, notre travail va de
l'année 2015 jusqu'en 2019.
Et enfin, s'agissant de l'espace, la présente
étude traite des conflits fonciers dans les territoires de Madimba et
Mbanza-Ngungu.
Pour atteindre nos objectifs, nous avons fait recours à
la méthode exégétique et à la méthode
statistique, la première a consisté dans l'analyse des textes de
lois et la deuxième nous a permis d'analyser les données
recueillies lors de notre enquête sur terrain.
En outre, à côté des méthodes
évoquées ci-haut, nous avons également utilisé deux
techniques : la technique documentaire et l'enquête sur terrain. La
première nous a permis de consulter les différents ouvrages et
publications en la matière et la seconde nous a permis d'entrer en
contact direct avec les chefs de secteur, de groupement, la population, etc.
dans les territoires de Madimba et de Mbanza-Ngungu. L'approche était
donc théorique et pratique.
Au vu de ce qui précède, nous pouvons d'ores et
déjà relever qu'outre l'introduction et la conclusion, ce travail
comporte deux chapitres dont le premier porte sur la coutume kongo et le second
sur les conflits fonciers.
4
CHAPITRE I : DE LA COUTUME
Dans le présent chapitre, nous allons tout d'abord
présenter la théorie générale relative à la
coutume (section 1), avant de faire une étude sur la coutume kongo
(section2).
Section 1 : Théorie générale sur la
coutume
Cette section sera consacrée unique sur la
définition et la place de la coutume en droit congolais
§1. Définition et place de la coutume en droit
congolais
Ce paragraphe est consacré à la
définition (A), à la place de la coutume dans l'espace kongo (B),
ses éléments constitutifs (C), sa naissance (D), ensuite sa force
(E), et enfin ses limites (F).
A. Définition
Le dictionnaire Petit Robert 2002 définit la coutume
comme une attitude collective d'agir transmise de génération en
génération. Autrement dit, c'est une manière d'agir,
pratique consacrée par l'usage qui se transmet de
génération en génération.11
J. CARBONNIER, quant à lui, définit la coutume
comme une règle de droit qui s'est établi, non par une
volonté étatique émise en un trait de temps, mais par une
pratique répétée des intéressés
eux-mêmes, c'est-à-dire c'est un droit qui s'est constitué
par l'habitude.12
Dans le même sens, le professeur Matthieu TELOMONO
définit la coutume comme un ensemble de pratiques qui sont constantes ou
permanentes d'une certaine conduite dans un cas donné et dans une
société donnée, elle est dynamique pouvant donc changer et
évoluer dans un temps et dans l'espace.13
Quant au lexique de termes juridiques, la coutume est
définie comme étant une pratique, usage, habitude qui, avec le
temps, et grâce au consentement et à l'adhésion populaire,
devient une règle de droit bien qu'elle ne soit pas
édictée en
11 LE PETIT ROBERT, Dictionnaire de la langue française,
Paris, Paul Robert, 2002, p.288
12 Jean CARBONNIER, Droit civil : Introduction, Paris,
P.U.F, 1991, p.28
13 M.TELOMONO, Cours de Droit coutumier,
Université Kongo, Faculté de droit, Deuxième graduat,
2016-2017, Inédit, p.4
5
forme de commandement par les pouvoirs publics. Elle est issue
d'un usage général et prolongé et de la croyance en
l'existence d'une sanction à l'observation de cet usage.14
A la lumière des définitions citées
ci-haut, il convient de relever que la législation congolaise ne s'est
pas préoccupé aux premières heures de donner une
définition claire de la coutume bien qu'elle lui accorde une place
importante, celle d'une source du droit. En effet, il importe de rappeler que
l'article 1er de l'ordonnance du 14 mai 1886 disposait : «
Quand la matière n'est pas prévue par un décret,
arrêté ou par une ordonnance déjà promulguée,
les contestations qui relèvent de la compétence des tribunaux du
Congo seraient jugées d'après les coutumes locales, les principes
généraux du droit et l'équité
».15
Cette ordonnance fut bien plus tard abrogée par le code
de procédure civile à son article 199 qui dispose : «
L'ordonnance de l'administrateur général au Congo du 14 mai 1886
approuvée par le décret du 12 novembre 1886 et les décrets
qui l'ont modifiée et complétée sont abrogés
».16
Mais alors que la République démocratique du
Congo était une colonie belge, le législateur de la loi du 18
octobre 1908 sur le gouvernement du Congo belge dénommée
habituellement « Charte coloniale » a reconnu l'existence de la
coutume et son caractère d'être une source du droit congolais.
En effet, l'article 4 alinéa 2 de la Charte coloniale
disposait ce qui suit : « Les indigènes non immatriculés du
Congo belge jouissent des droits civils qui leur sont reconnus par la
législation de la colonie et par leurs coutumes en tant que celles-ci ne
sont contraires ni à la législation, ni à l'ordre public.
Les indigènes non immatriculés des contrées voisines leur
sont assimilés ».17
Cette disposition encore que se référant
expressément à la matière des droits civils a
été interprétée comme exprimant le principe suivant
lequel le droit coutumier continue à régir la vie des
indigènes non immatriculés.
De son côté, la législation sur les
juridictions indigènes18 édictait, parmi les
règles de fond applicables par les juridictions, en disposant que :
« Les tribunaux indigènes appliquent les coutumes pour
autant qu'elles ne soient pas contraires à
14 Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD, Le lexique des termes
juridiques, Paris, Dalloz, 2019-2020, p.636
15 Article 1er de l'ordonnance de l'Administrateur
général au Congo du 14 mai 1886 sur les principes à suivre
dans les décisions judiciaires. (B.O., 1886, pp.188 et 189)
16 Article 199 du code de procédure civile
17 Article 4 de la Charte coloniale
18 Décret du 17 mars 1938 portant sur les juridictions
indigènes
6
l'ordre public universel. Dans le cas où les coutumes
sont contraires à l'ordre public universel, comme en cas d'absence de
coutumes, les tribunaux jugent en équité. Toutefois, lorsque les
dispositions légales ou règlementaires ont eu pour but de
substituer d'autres règles à la coutume indigène les
tribunaux indigènes appliquent ces dispositions légales
».19
Quant à la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux
structures du Congo, elle n'édicte aucune règle en ce qui
concerne les rapports du droit coutumier vis-à-vis du droit écrit
et de l'ordre public.
La seule référence au régime coutumier
qu'on y découvre gît dans l'article 191 alinéa
1er reconnaissant l'existence des tribunaux coutumiers : il y a eu
au Congo des cours d'appel, des tribunaux de première instance, des
tribunaux de district, des tribunaux de police et des tribunaux
coutumiers.20
L'article 2 de la même loi fondamentale disposait :
« Les lois, les décrets et ordonnances législatives, leurs
mesures d'exécution ainsi que toutes dispositions règlementaires
existant au 30 juin 1960, restent en vigueur tant qu'ils n'auront pas
été expressément abrogés, il s'ensuit que la
législation sur les juridictions indigènes émanant du
législateur ordinaire de la colonie par la voie de décret,
était restée en vigueur, et qui l'était ainsi
confirmée l'existence du droit coutumier applicable par lesdites
juridictions ».
Aussi bien que l'article 18 de cette législation
continuait à produire tous ses effets, à savoir que les tribunaux
indigènes appliquaient les coutumes pour autant qu'elles ne fussent pas
contraires à l'ordre public universel et devaient appliquer les
dispositions légales ou réglementaires ayant pour but de
substituer d'autres règles à la coutume indigène.
Nous devons savoir que le droit coutumier était reconnu
et maintenu par le législateur, il découle aussi de la loi
fondamentale du 17 juin 1960 relative aux libertés publiques dont
l'article 11 alinéa 1er disposait : « A partir de
l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder
une famille dans les
19 Article 18 du décret du 17 mars 1938 ; André
DURIEUX, Droit écrit et droit coutumier en Afrique central,
Bruxelles, Académie royale des Sciences d'outre-mer, Classe des
sciences morales et politiques, N.S français, XXXVI - 2, 1970, p. 7
20 André DURIEUX, op.cit., p. 18
7
conditions déterminées par la loi ou les
édits, ainsi que par la coutume si celle-ci n'est pas contraire à
l'ordre public ».21
La Constitution du 1er août 1964 qui, dans
son article 203, abroge la loi fondamentale du 19 mai 1960 sur les structures
du Congo et la loi fondamentale du 17 juin 1960 relative aux libertés
publiques, proclame l'existence du droit coutumier. L'article 43,
alinéas 1er de cette Constitution disposait : « Les
droits de propriété, qu'ils aient été acquis en
vertu du droit coutumier ou du droit écrit, sont garantis
conformément aux lois nationales ».22
La Constitution du 24 juin 1967 reconnaissait également
l'existence de la coutume, l'article 14 de cette loi disposait ce qui suit :
« Les droits de propriété individuelle et collective, qu'ils
aient été acquis en vertu du droit coutumier ou droit
écrit sont garantis. Il ne peut être porté atteinte
à ces droits que pour des motifs d'intérêt
général en vertu d'une loi, sous réserve d'une
indemnité équitable à verser au titulaire
lésé de ces droits ». La même loi disposait ce qui
suit dans son article 57 alinéa 1er : « Les cours et
tribunaux appliquent la loi et la coutume pour autant que celle-ci soit
conforme aux lois et à l'ordre public de l'Etat ».23
Quant à la Constitution de la transition d'avril 1994,
elle disposait ce qui suit dans son article 149 . « Les cours et
tribunaux civils et militaires appliquent la loi et les actes
règlementaires ainsi que la coutume pour autant que celle-ci soit
conforme à l'ordre public et aux bonnes moeurs ».
Dans le même d'ordre idée, l'article 149 de la
Constitution de la transition de 2003 disposait que . « Les cours
et tribunaux civils et militaires appliquent la loi et les actes
réglementaires ainsi que la coutume pour autant que celle-ci ne soit
conforme à l'ordre public et aux bonnes moeurs ». La loi
foncière qui consacre tout un chapitre au droit coutumier, dispose
à son article 388 : « Les terres occupées par les
communautés locales sont celles que ces communautés habitent,
cultivent ou exploitent d'une manière quelconque- individuelle ou
collective-conformément aux coutumes et usages locaux
».24
Ce n'est que le 25 août 2015, par la loi n° 15/ 015
du 25 août 2015 fixant le statut des chefs coutumiers qu'apparaît
une définition de la coutume en ces
21 André DURIEUX, op.cit., p. 19
22 André DURIEUX, op.cit., p. 20
23 Articles 14 et 53 de la Constitution du 24 juin 1967
24 Article 388 de la loi foncière
8
termes : « c'est l'ensemble des usages, des pratiques et
des valeurs qui, par l'effet de la répétition et revêtus
d'une publicité, s'imposent, à un moment donné, dans une
communauté, comme règles obligatoires ».25
Quant à l'actuelle Constitution du 18 février
2006, il accorde également une place de choix à la coutume en
disposant à son article 153 alinéa 4 que : « Les cours et
tribunaux civils et militaires appliquent les traités internationaux
dument ratifiés les lois, les actes réglementaires pourtant
qu'ils soient conformes aux lois ainsi que la coutume pour autant que celle-ci
ne soit pas contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs ».
L'analyse de toutes ces dispositions permet d'en titrer les
principes suivants : tout d'abord, la Constitution reconnaît l'existence
de la coutume comme étant une source de droit, ensuite, elle
établit la primauté de la loi sur la coutume, c'est-à-dire
en cas de conflit entre la loi et la coutume, c'est la loi qui l`importe mais,
la coutume s'applique en l'absence de la loi pour autant qu'elle soit conforme
à l'ordre public ou aux bonnes moeurs.
Par ailleurs, il convient de relever qu'en droit congolais, il
est fait une distinction entre la coutume juridique et la coutume. Ainsi
certains auteurs définissent la coutume juridique comme un usage
régulièrement et universellement suivi dans un milieu social
donné et tenu pour juridiquement obligatoire ou usage, pratique qui
consacre l'inviolabilité faute de quoi on est buté à des
sanctions.26Cela va, sans dire, que toute coutume n'est pas
juridique de même tout droit n'est pas coutumier.
De manière générale, la règle
coutumière est une règle issue des pratiques traditionnelles et
d'usages consacrés par le temps et qui constitue une source de
droit.27
Dans la société congolaise ancienne tout comme
dans celle moderne, la coutume constitue une source importante du droit, elle
est sensée exprimer la volonté
25 Article 2 point 2 de loi n° 15/015 du 25 août 2015
fixant statut des chefs coutumiers
26 BOMPAKA NKEYI MAKANYI, Cours d'introduction
générale à l'étude du droit, Faculté de
Droit, Université Kongo, Premier graduat, 2015-2016, p. 50,
inédit
27 http//:www.google/Qu'est-ce que la coutume, page
consultée le 11 février 2020, à 11h ; Article 362 du code
de la famille dispose : « La coutume applicable au mariage
détermine les débiteurs et les créanciers de la dot, sa
consistance et son montant, pour autant qu'ele soit conforme
à l'ordre public et à la loi, plus particulièrement aux
dispositions qui suivent ». Cette coutume détermine
également les régimes matrimoniaux de la dot et l'article 340 du
code de la famille : « La forme des fiançailles est
réglée par la coutume des fiancées ».
9
implicite de la majorité de membre de la
communauté. Elle est la source la plus ancienne du
droit.28
B. Place de la coutume dans la hiérarchie des
normes juridiques en droit
congolais
La République démocratique du Congo est un Etat
de droit. En effet, aussi bien les gouvernants que les gouvernés sont
tous soumis au droit ; nul n'est au-dessus du droit
établi.29
S'agissant de son système juridique, il convient de
relever que l'Etat congolais appartient à la famille romano-germanique
en ce sens que nul élément ne peut être d'application
juridique tant celle-ci ne soit pas préconstitué ou prévu
pour ces fins.
En effet, le droit est constitué de deux sources :
d'une part, nous avons les sources réelles, et d'autre part, les sources
formelles. En ce qui concerne les sources réelles, il convient de
relever que le législateur ne tire pas le droit du néant, il
obéit à des impératifs ou à ces
préoccupations qui constituent le véritable fondement du droit.
Parler de la source réelle, c'est parler autrement des
éléments fondamentaux du droit.
S'agissant des sources formelles, ce sont des
procédés par lesquels le droit se manifeste ou se
révèle. Pour ce dernier point, ces sources ne sont pas
conçues ou perçues de façon désordonnées ou
disparates mais hiérarchisée en forme pyramidale car elles n'ont
pas toutes la même force et ne sont pas de même
nature.30
A ce sujet, il revient de dire que la doctrine est
partagée quant à la hiérarchisation des normes juridiques.
Cette divergence résulte en ce que certains auteurs estiment que les
traités internationaux ont une primauté à la Constitution,
inversement les autres reconnaissent aisément que les traités
internationaux régulièrement conclus ont, dès leur
publication une autorité supérieure à celle des lois comme
le veut la Constitution du 18 février 2006 à son article
215.31
28 Toussaint KWAMBAMBA BALA, Droit coutumier congolais,
Université de Kinshasa, Faculté de droit, p.10, inédit
29 Article 12 de la Constitution : « Tous les Congolais
sont égaux devant la loi et ont droit à une égale
protection des lois ».
30 BOMPAKA NKEYI, op.cit. , p. 51
31 Article 215 de la Constitution du 18 février 2006 :
« Les traités et les accords internationaux
régulièrement conclus, ont dès leur publication, une
autorité supérieure à celle des lois, sous réserve
pour chaque traité ou accord de son application par l'autre partie
».
10
A la lumière de ce qui précède, force est
de relever que nous épousons la position du professeur OMEYONGA qui est
également partagée par le professeur BOMPAKA NKEYI. En effet,
selon ces derniers au sommet de la hiérarchie des normes juridiques nous
trouvons la Constitution par après, les traités internationaux
puis des lois, et ensuite des actes administratifs.32
De manière schématique nous avons :
2
4
3
1
5
6
7
9
8
La Constitution, la loi organique
Les traités et accords internationaux Les lois
ordinaires
Les règlements : ordonnance, décret,
arrêté
Principes généraux du droit
La coutume
L'équité
La doctrine
La jurisprudence
Il convient de noter que la classification des
différentes sources du droit ne se résume pas à celle des
sources formelles et informelles. D'ailleurs, à ce propos, le professeur
BOMPAKA NKEYI classifie ses différentes sources en trois
catégories suivantes :
- Les sources de règles juridiques d'autorité :
dans cette catégorie on trouve la loi, la coutume, les principes
généraux du droit ;
- Les sources de règles juridiques particulières
: ici on trouve les actes juridiques et les jugements ;
32 B. OMEYONGA TONGOMO, Cours de Droit constitutionnel,
Faculté de Droit, Université Kongo, Mbanza-Ngungu, premier
graduat, 2015-2016, inédit
11
- Les sources de règles juridiques hybrides : dans cette
catégorie on retrouve la jurisprudence et la doctrine.33
De tout ce qui précède, il convient de constater
que la coutume occupe une place considérable en droit congolais, bien
qu'elle ait une force inférieure à la loi. Contrairement à
la famille de la Common law où la coutume est la source principale du
droit. A titre d'exemple, nous pouvons citer l'Angleterre où en
dépit de l'augmentation récente du nombre des statuts,
l'influence de la coutume prédomine à côté des
documents écrits.34
Cependant, il convient de distinguer trois types de coutume
à savoir : la coutume secundum legem, la coutume praeter
legem et la coutume contra legem. On attend par la coutume
secundum legem, tout usage qui aura force obligatoire à titre
des règles de droit, si la loi prescrit de s'y référer.
Tel est le cas en matière des terres occupées par les
communautés locales pour laquelle la loi se réfère
à la coutume,35 en matière de fiançailles, en
cas de rupture de fiançailles, la loi se réfère
également à la coutume des parties.36
S'agissant de la coutume praeter legem, il s'agit de
nombreux d'usage répétés et considérées par
la masse sociale comme juridiquement obligatoire intervenant dans les
matières que le législateur n'a pas expressément
réglées. C'est ici que s'assoie le décret du
1er mai 1886 cité supra qui prévoyait qu'en cas de
silence de la loi le législateur ordonne au juge de se
référer aux coutumes locales.
A propos de la coutume contra legem, il semble que
l'on ne puisse admettre qu'une coutume se dresse contre la loi, la
répétition de ces coutumes a fini
33 BOMPAKA NKEYI, Op.cit., p. 39, inédit
34 Edouard MPONGO-BOKAKO BAUTOLINGA, Institutions
politiques et droit constitutionnel, Kinshasa, XI édiction, pp.
77-78
35 BOMPAKA NKEYI, Op.cit., p. 51; Article 387 de la loi
foncière : « Les terres occupées par les communautés
locales deviennent, à partir de l'entrée en vigueur de la
présente loi, des terres domaniales » ;
Article 388 de la même loi : « Les terres
occupées par les communautés locales sont celles que ces
communautés habitent, cultivent ou exploitent d'une manière
quelconque individuelle ou collective conformément aux coutumes et
usages locaux » ; Article 389 de la loi précitée : «
Les droits de jouissances régulièrement acquis sur ces terres
seront réglés par une ordonnance du Président de la
République » ;
36 Article 340 du code la famille : « La forme des
fiançailles est réglée par la coutume des fiancés
».
Article 344 du code de la famille : « En cas de rupture
des fiançailles, les prestations et les valeurs données ou
échangées durant les fiançailles sont remboursées
conformément à la coutume ».
12
par engendre dans le corps l'opinion qu'il s'agit là
des comportements licites à l'instar de pratique de sororat,
lévirat.37
C. Eléments constitutifs de la coutume
La formation d'une coutume exige la réunion de deux
éléments constitutifs : nous avons d'une part,
l'élément matériel et d'autre part,
l'élément psychologique.
1. Elément matériel
C'est la pratique effective d'une certaine conduite dans un
cas donné. Mais cette pratique doit présenter une certaine
épaisseur dans l'espace et dans le temps, des caractères de
généralité. Ce dernier caractère est celui qui
frappe le plus l'esprit. La coutume n'est pas un cas isolé, c'est une
répétition ; sans doute le nombre de cas importe peu, mais une
fois n'est pas coutume. Il faut d'autre part, que cette
répétition s'étale dans la durée. Il n'est certes
pas besoin que la coutume soit immémoriale que son origine se perde dans
la nuit de temps (la force de la coutume ne lui revient pas de ce que les
hommes qui y sont soumis ignorent son origine). Tout de même, une
pratique récente ne pourrait prétendre au titre de
coutume.38
2. Elément psychologique
C'est la conviction, chez les intéressés qu'ils
sont obligés, et obligés par le droit d'agir comme ils le font
(opinio necessitatis ou opinio furis). La coutume est un
phénomène d'opinion publique (mais d'opinion statique et lente,
en contraste avec la mode, le phénomène d'opinion publique et
elle aussi, mais dynamique et changeante). Ce qui fait penser quelque fois que
la coutume était propre aux sociétés agraires, où
les mentalités bougent plus lentement. Mais cela n'est pas
entièrement exact, comme l'attestent plus mobiles que d'autres, les
coutumes (usages) du commerce et les coutumes ouvrières.39
Après avoir passé en revue les différents
éléments de la coutume, nous pouvons à présent
étudier sommairement sa naissance, sa force et ses limites.
37 S. SHOMBA, Cours de structure et institutions
sociopolitiques traditionnelles africaines : « Sororat : pratique du
remariage d'un veuf avec la soeur de son épouse ; lévirat :
mariage d'une veuve avec le frère de son époux
décédé, obligation faite à celui-ci de subvenir aux
besoins de la veuve de son frère et de ses neveux orphelins »,
Université Kongo, Faculté de droit, 2015-2016, p.15; mutilation
génitale des jeunes filles pratique interdit par la loi sur les
violences sexuelles.
38 J. CARBONNIER, op.cit., p. 29 ; Chez les Mbata (une tribu
du Kongo central) on donne une chèvre, une machette, un vélo
parmi les biens dotaux, chez les Manianga : un paquet d'allumette, couverture
léopard, chez les Ndimbu : lampe Coleman, noix de cola, vin de
palme...
39 J. CARBONNIER, op.cit, p.29 ; On peut constater que chez
les Kongo, il est un jour sacré où on ne peut travailler Konzo,
Nkenge, Nsona
13
D. Naissance de la coutume
Parler de la naissance de la coutume, c'est se
référer à la nuit de temps car, depuis les années
les plus dégoulinés la coutume faisait corps avec
l'évolution de l'être humain. En ce que l'on ne saurait concevoir
un être humain sans coutume et donc, l'on ne saurait situer de
manière nette et précise la genèse de la coutume, car cela
relèverait de l'utopie.40
En effet, pendant des milliers d'années, la vie sociale
en Afrique en général et en la République
démocratique du Congo en particulier a été régie
exclusivement par la coutume, ou plutôt les milliers de coutumes locales
qui ont germées à travers l'usage et qui ont été
transmises de génération en génération par la voie
essentiellement orale d'un côté et de l'autre côté,
la colonisation a instauré il y a un peu plus d'un siècle un
système de droit écrit visant à organiser l'Etat de droit
et un système juridique moderne. En République
démocratique du Congo, ces deux systèmes coexistent de
manière parallèle sans réellement se
connaître.41
E. Force de la coutume
Sur le plan sociologique, la force de la coutume n'est qu'un
aspect de la souveraineté nationale. Alors même qu'elle n'a pas le
droit de se manifester par écrit, elle a néanmoins une
maîtresse de son obéissance et par conséquent
détient la positivité du droit.42
Dans les sociétés dominées par
l'oralité, le geste et la parole, la coutume se perçoit alors
comme un système complexe des relations où s'interprètent
le droit, l'économie, la gestion et la politique qui s'autogèrent
en fonction des changements comportementaux. L'influence des coutumes demeure
structurelle parce que la tradition reste une réalité sociale.
Les droits et les obligations sont encadrés par la
coutume, affectant les relations interpersonnelles de toutes les couches de la
population insulaire. Chaque groupe dispose de son propre corps des
règles qui a la force obligatoire et fait l'objet de sanctions locales
s'il n'est pas respecté.
La coutume étant attaché à notre
conscience est reconnue comme telle ayant une force obligatoire
réservée au caractère transcendantal, c'est-à-dire
ayant un
40 http//www.google/ Mani et Flo en RDC « Droit
écrit et coutumier » canal
blog. Com, consulté le 09
février 2020
41 http//www.google/ Mani et Flo en RDC « Droit écrit
et coutume » canal
blog. Com, consulté le 11
février 2020
42 Chez les Ntandu par exemple en cas de décès
du mari, la femme s'assoie par terre pendant toute durée des
obsèques
14
caractère magico-religieux, c'est par ces deux
éléments : la conscience et la reconnaissance que la coutume
acquière une autorité d'office à égard des
communautés locales, ce qui revient à dire que tout le monde est
soumis à la coutume par crainte d'encourir les sanctions rigoureuses qui
en découlent.43
Sur le plan juridique, nous retenons deux critères pour
parler de la force de la coutume. D'un côté, nous avons la force
obligatoire qui s'impose à tous et de l'autre côté, la
sévérité des sanctions. Jean CARBONNIER écrit
à ce propos : que la force de la coutume se trouve sur le respect
dû aux aînés, c'est-à-dire la force de la coutume
s'explique par le mythe de la volonté des
ancêtres.44
F. Limites de la coutume
Comme le veut la Constitution, une coutume ne peut être
appliquée que lorsque cette dernière est conforme à
l'ordre public ou aux bonnes moeurs. Dans le pays de droit écrit, les
textes légaux qui sont à la base du droit privé n'ont pas
entendu condamner en toute hypothèse le procédé de la
coutume. Usage constant et bien établi peut tenir lieu de loi.
Il faut donc déterminer le champ d'application de la
coutume par rapport à la loi. Comme dit précédemment, la
loi a une force supérieure à celle de la coutume. Cependant, dans
certaines hypothèses la loi se réfère à la
coutume.45
Il importe de relever que la loi et la coutume se distinguent sur
les points suivants :
1. La loi est une injonction étatique établie
sous forme de règles et qui reçoit une publication officielle ;
ce qui rend de façon aisée la preuve de son existence. Par
contre, la preuve de la coutume est mal aisée, elle ne peut se faire que
par l'audition des témoins ou par avis des notables du lieu dans lequel
la coutume exerce son empire. D'où de plus en plus, se fait sentir une
nécessité de rédiger les coutumes ;
2. Mais entre la coutume et la loi, les différences
quoique essentielles ne doivent être exagérées. La loi
comme la coutume trouvent leur origine dans les aspirations du milieu social
;
43 En cas de non remise des biens dotaux, certains couples ce
sont exposés à la stérilité,...
44 J. CARBONNIER cité par M.TELOMONO, op.cit., p. 4,
inédit
45 Article1 de l'ordonnance du 14 mai 1886 : « Quand la
matière n'est pas prévue par un décret, un
arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les
contestations qui sont de la compétence des tribunaux du Congo seront
jugées d'après les coutumes locales, les principes
généraux du droit et l'équité ».
15
3. Le défaut de la coutume est le fait que celle-ci
est forcément conservatrice et c'est là son plus grand
défaut. Si elle se modifie au fil de temps, c'est très lentement
;
4. Il reste à la coutume d'autres
inconvénients. Elle est incertaine en raison des difficultés de
preuve qui en résulte. En outre, le droit coutumier suppose des petits
groupes.46
Section 2 : Coutume kongo et conception de la terre
L'histoire de la coutume kongo remonte au royaume kongo qui
regroupait les populations qu'on retrouve aujourd'hui dans le Kongo central,
l'Angola, dans la partie sud de la République du Congo et dans le Sud du
Gabon jusqu'au Cap Lopez. La première difficulté à
laquelle on est confronté, c'est celle de l'origine des Bakongos. A ce
sujet, selon le professeur MBUAKI NSOKILA deux thèses s'affrontent :
La première, dit-il, fait venir les Bakongos de l'Est
de l'autre côté de Kwango, de la seigneurie de kongo d'Ambuila.
Ils auraient conquis le puissant royaume (qu'ils appelleront royaume du kongo)
dont les habitants naturels étaient des Ambundu. Cette thèse
s'écoulerait des témoignages recueillis par Cadornega et Paioa
Manso au XVIème siècle.47
La deuxième est celle de Monseigneur J. CUVILLIER qui
parle des conquérants Bakongo qui seraient venus de la rive nord du
fleuve Congo, d'un Etat appelé wungu. Cuvillier s'est appuyé sur
« l'histoire do reino do Congo » d'A. FELNER, écrite
en 1620.
Par ailleurs, dater la fondation du royaume kongo au XIII
siècle n'est qu'une supposition. En réalité, il est
difficile de déterminer l'époque de la fondation de ce royaume.
Vu le degré de l'évolution atteint à l'arrivée des
explorateurs portugais au XVème siècle, on peut penser
que sa fondation datait de plusieurs siècles.
La grande innovation de la conquête de Bakongo est le
groupement de multiples petits royaumes en un grand Etat centralisé
gouverné par un monarque suprême résidant dans une
capitale.48
46 BOMPAKA NKEYI, op.cit, p. 51
47 KAMUNFUEKETE LUVEMBU, Cours d'histoire et culture Kongo,
Université kongo, Faculté de droit, deuxième graduat, 2016
- 2017, pp. 9 -10, inédit
48 Idem
16
La société kongo est « l'ensemble des
populations (autochtones) qui habitent l'Ouest de l'Afrique centrale, au Nord
et au Sud de l'embouchure du fleuve Mwanza alias Nzadi Kongo. Ces populations
formaient un royaume avant la colonisation occidentale mais aujourd'hui elles
se sont désintégrées en plusieurs Etats nations.
Néanmoins, même si elles ne sont plus soumises à un
même pouvoir politique, elles continuent à appartenir à une
même ethnie.
L'identité de ce peuple se traduit par sa langue, son
histoire, son système
familial et ses ethnonymes. On distingue, au sein du peuple
kongo, des particularismes ethnonymes, c'est-à-dire il y a des noms
locaux par lesquels on désigne les populations appartenant à
l'ethnie kongo. On les assimile à des tribus : ndibu, woyo, yombe,
mboma, vili, lari, lemfu, ntandu, mbata, zombo. Mais les mêmes familles
(kanda, mvila) se retrouvent chez les uns et chez les autres sous des noms
identiques ou homologues. Une précision s'impose à propos de
« Mvila » qui désigne la famille à l'échelon
national, c'est-à-dire dans tout le pays kongo et le « kanda »
c'est la famille au niveau local. 49
§1. Appartenance à une parentèle
Le droit romain distinguait la « familia »
comprenant uniquement les personnes habitant sous le même toit,
(époux, enfant et serviteurs) et des gens (gens) beaucoup plus vaste
comprenant les descendants par mâle d'un ancêtre commun (Pater
familias).50 Ce dernier disposait d'un pouvoir absolu tant sur les
membres que les patrimoines de la famille.
Cependant, l'organisation sociale des sociétés
traditionnelles congolaises reposait sur un groupe très fort de
parenté, le lignage en était l'élément constituant.
Le lignage est donc la fondation d'un vaste groupe social appelé clan.
Et le système des liens entre les clans constitue à son tour la
tribu qui regroupe des personnes appartenant à différentes
lignées, mais qui parlent la même langue et qui ont la même
tradition.51
A. Structure de la famille
Il sied de noter que dans la société
traditionnelle congolaise, on ne peut pas parler de l'individu sans le situer
au préalable dans une structure familiale patrilinéaire ou
matrilinéaire. Bref, pas d'individualisme.
49 KAMUFUEKETE LUVEMBU, op.cit, p. 38
50 Pater familias : mot latin signifiant père de
famille.
51 Toussaint KWAMBAMBA BALA, op.cit., p. 17
17
Le mariage crée la famille.52Il constitue la
source de la parenté, engendre les droits et les obligations à
l'égard des membres la famille, se présente sous diverses formes
: le foyer, la parentèle et le clan.53
1. Foyer
C'est une famille restreinte, une famille nucléaire ou
atomique, composée du père, de la mère et de leurs enfants
mineurs. Dans le foyer, le rôle de chaque membre est
déterminé en fonction du système patriarcal ou matriarcal
: (patriarcat, matriarcat), mais le rôle prépondérant
revient au chef du foyer qui est le père et dans le cas exceptionnel
l'oncle. Le mari qui est le chef du foyer doit protection à sa femme et
ses enfants, il gère les biens du foyer et assure son entretien. Cette
disposition du droit coutumier congolais a inspiré le législateur
du code de la famille en plaçant l'homme à la tête de la
gestion des biens quel que soit le régime matrimonial choisi par les
époux lors de la célébration du mariage. 54
2. Parentèle
Ce mot est synonyme du mot famille au sens large. En effet, il
y a plusieurs définitions qu'on peut donner à la famille
traditionnelle africaine. On peut la définir comme étant un
groupe domestique plus étendu, spécialisé,
hiérarchique ; mais c'est aussi un groupe social de parent lié
entre eux par la communauté des nom, culte, sang, etc. ainsi, donc les
membres de la famille, les parents par le sang ou par alliance, ont les uns
vis-à-vis des autres des droits et des obligations qui consistent au
respect mutuel, aux entraides, aux prestations économiques et
alimentaires.55
L'univers social kongo est une immense parenté
axée sur le kanda.56 Celui-ci comprend six classes :
- Ndonga i bangudi (la classe des mères) ;
- Ndonga i bangudizinkasi (la classe des oncles maternels) ;
- Ndonga i banabankasi (la classe des neveux et nièces
par la mère) ;
- Ndonga i bampangi (la classe des frères et soeurs,
cousins et cousines par les mères) ;
- Ndonga i bankaka (les grands-mères et les grands
oncles maternels) ;
- Ndonga i batekolo (les petits-fils et les petites-filles
par les femmes)
52 Article 349 du code de la famille
53 Toussaint KWAMBAMBA BALA, op.cit., p. 18
54 Article 444 du code la famille : le mari est le chef du
ménage
55 Toussaint KWAMBAMAB, op.cit. , p. 18
56 Kanda mot kikongo signifie famille
18
HOMME FEMME
Tout membre de lignage est, à l'intérieur de ce
lignage, un allié, a principalement de quatre lignages :
- Celui de son père (ki-tata ou ki-se) ;
- Celui de sa femme/ son mari : ki-nzadi (beaux-frères et
belles soeurs) et le
kizitu (beaux-parents) ;
- Celui du père de son père : ki-nkala ;
- Celui du père de sa mère : ki-nkaka.
A chaque évènement, cinq lignages sont toujours
en joie : son propre lignage et les quatre autres dont on est un allié.
Parmi ces lignages alliés, les plus importants sont les deux premiers
(père et femme).
Le cercle de parenté chez les Bakongo est donc immense
et bien organisé. Le clan constitue le modèle de la
société globale. Mais il n'est qu'un des éléments
essentiels du système social kongo, les autres éléments
sont le sol et les ancêtres.
En effet, le kanda et la terre qu'il occupe constituent une
chose indivise placée sous la domination des ancêtres
(bakulu)57. Ce sont les bakulu qui ont conquis le domaine du clan,
ses forêts, ses rivières, ses étangs et ses sources ; ils
ont été enterrés dans leur propriété (...)
les membres du clan qui vivent sous le soleil, peuvent cultiver, faire la
cueillette, chasser, pêcher ; ils ont l'usufruit du domaine ancestral ;
mais ce sont les morts, qui en gardent la propriété.
3. Clan
C'est l'ensemble de tous les descendants par la filiation
maternelle ou paternelle d'un ancêtre commun et qui porte le nom de la
collectivité ; il comprend tous les membres de deux sexes : les vivants
et les morts qui ont reçu le sang de l'ancêtre. Les membres du
clan tiennent leur parenté de l'ancêtre éponyme dont la
descendance est symbolisée par la communauté des totems,
véhiculé par le sang. La parenté est fondée sur le
lien de consanguinité bien déterminé, elle se transmet par
la
57 Bakulu : mot kikongo signifiant les ancêtres
19
filiation utérine ou féminine. L'enfant
appartient au clan du père (système patriarcal) ; au clan de la
mère (système matriarcal). Le clan est une société
naturelle de secours mutuel dont les membres sont tenus de
s'entraider.58 En droit coutumier congolais, l'individu a à
la fois la capacité juridique de jouissance et d'exercice, mais en
pratique, l'exercice de sa capacité est parfois limité. Par
exemple : l'acquisition, l'aliénation de la propriété
immobilière ou foncière, les gros bétails, les grandes
récoltes, les droits de la chasse collective ; tout cela est
dévolu au pater familias (chef de famille) et
l'intéressé ne peut s'intéresser que des affaires minimes
et domestiques.59
A ce propos A. SOHIER relève que
généralement les tributs congolaises se divisent en patriarcales
et matriarcales : procédé d'exposition utile, mais abus des
termes employés : Il n'y a pas au Congo de sociétés
matriarcales, c'est-à-dire de sociétés où
l'autorité serait généralement et normalement
exercée par les femmes ; on rencontre des femmes à la tête
de chefferies, de clans ou de familles, mais à titre extraordinaire, par
la suite de l'absence de mâles réunissant les conditions
voulues.60
Mais selon que les groupes, la parenté s'établit
par les hommes ou par les femmes : la succession va de père en fils ou
de père à neveu utérin ; la parenté est «
patrilinéaire » ou « matrilinéaire ». L'homme
appartient ainsi, tantôt à la famille de son père,
tantôt à celle de sa mère.
Il convient de signaler que dans la coutume locale du Kongo
Central, l'enfant appartient au clan de sa mère comme l'a d'ailleurs
réaffirmé à mainte reprise les cours et
tribunaux.61 Le peuple mukongo étant matrilinéaire, il
est normal qu'un enfant jouisse des biens de son père sans pourtant en
disposer.62
Les décisions judiciaires ci- après poursuivent
le même élan : d'après la coutume mukongo du Bas- Congo,
une personne ne peut appartenir qu'à un seul clan.63
58 Toussaint KWAMBAMBA BALA, op.cit. , p.40
59 Henri De PAGE et René DEKKERS, Traité
élémentaire de droit civil belge, Tome 9, Les successions,
Bruxelles, éd. Etablissements Emile Bruyant, 1974, p. 10
60 A.SOHIER, Le mariage en droit coutumier Congolais, Bruxelles,
Mém. Inst. Royal Colonial Belge, 1942, p. 20
61 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A.808, 17
octobre 1995 ; Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A1142, 29 juin
1999 in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p. 16
62 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A434, 22 juin
1988 in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p.18
63 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A.1241, 30
janvier 2001, in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p. 16 ; Tribunal de grande instance
de Mbanza-Ngungu, R.A.1179, 13 janvier 2006, in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p.
17 ; Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A. 1179, 13 janvier 2006,
in Odon NSUMBU KABU, op.cit. , p. 18
20
Il faut noter qu'en tradition kongo, la pyramide est
reversée, c'est-à-dire on ne part pas de l'individu au clan mais
du clan à l'individu.
§2. Appropriation du sol
Pour nous permettre de mieux comprendre la question relative
à l'appropriation du sol dans la coutume kongo, nous allons commencer
par dégager en premier lieu la place du sol en droit écrit (A),
avant d'étudier sa conception dans la coutume kongo (B).
A. Par rapport au droit écrit
La propriété est définie comme
étant le droit de disposer d'une chose d'une manière absolue et
exclusive, sauf les restrictions qui résultent de la loi et des droits
réels appartenant à autrui.64
En République démocratique du Congo, la terre
n'appartient qu'à l'Etat congolais, et il en est le seul
propriétaire d'où les particuliers ne peuvent être que
propriétaire des biens mobiliers et immobiliers qui s'y incorpore.
65 L'article 53 énumère tous les différents
caractères dont est revêtue la propriété
foncière : c'est-à-dire, c'est « un droit exclusif,
inaliénable et imprescriptible ».
Pour la doctrine, en l'occurrence les professeurs G. KALAMBAY
et V. KANGULUMBA MBAMBI, cette énumération de l'article 53 de la
loi foncière semble être incomplète car, elle ne ressort
pas toutes les caractéristiques que revêt le sol en
République démocratique du Congo. En effet, le professeur
KALAMABAY souligne que : « Cette énumération paraît
incomplète ; pour la compléter, on doit recourir tant à la
Constitution qu'aux travaux préparatoires de la loi foncière. De
ces études, il ressort que le droit de l'Etat est un droit universel,
absolu, perpétuel et exclusif portant sur le sol, qui est
inaliénable et imprescriptible ».66
1. Caractères de la
propriété
La doctrine relève quatre caractères de la
propriété appartenant à l'Etat. a. Un droit
universel
Ce caractère ne résulte pas de la loi, il est
plutôt l'oeuvre de la doctrine. Le caractère universel de la
propriété foncière congolais découle de la
combinaison de l'article 9 de la Constitution du 18 février 2006 et de
l'article 53 de la loi foncière. De
64 Article 14 de la loi foncière
65 G. KALAMBAY, op.cit., p. 9
66 G. KALAMBAY, op.cit., p. 58 ; V. KANGULUMBA MBAMBI, op.cit.,
p. 314
21
cette combinaison, on peut déduire que le droit de
propriété foncière est universel, et cela à partir
des termes utilisés.
b. Un droit exclusif
Il résulte de ce caractère que seul l'Etat est
le propriétaire du sol. La loi n'admet pas qu'une personne physique ou
morale comme sujet du droit de propriété du sol.67
Cette caractéristique qui est l'émanation de l'article 53 de la
loi foncière tend à signifier qu'il n'existe plus
désormais d'appropriation privée ou individuelle du sol
congolais.68 C'est ainsi, encourt-il cassation, l'arrêt de la
cour d'appel qui reconnaît à un particulier le droit de
propriété sur une parcelle de la terre faisant l'objet d'un
contrat de location conclu avec l'Etat alors que l'article de la loi proclame
la propriété du sol en faveur de l'Etat congolais
seul.69
c. Un droit absolu
Le caractère absolu du droit de l'Etat sur la
propriété foncière dont il est le seul titulaire se
dégage de plusieurs dispositions de la loi foncière. En effet, en
tant que propriétaire foncier, l'Etat détermine la destination de
terres concédées et fait respecter cette destination pendant
toute la durée de la jouissance.70De même, cette
caractéristique est d'origine doctrinale.
d. Un droit de propriété
inaliénable
A ce sujet, le professeur V. KANGULUMBA, éclaircit que
l'article 9 alinéa 2 de la loi foncière prévoit que les
biens qui n'appartient pas à des particuliers ne sont administrés
et ne peuvent être aliénés que dans les formes et suivant
les règles qui leurs sont particulières. Par ailleurs, les biens
de l'Etat qui relèvent du domaine public sont hors commerce tant qu'ils
ne sont pas régulièrement désaffectés.71
En conséquence, tous les autres biens de l'Etat sont dans le commerce
sauf les exceptions établies par la loi.72Quant au sol
conclu-il, non parce qu'il appartient à l'Etat, mais de par la loi, est
déclaré inaliénable et donc nécessairement hors
commerce.73
e. Un droit imprescriptible
Le principe est que ce qui est aliénable est
prescriptible et que les choses inaliénables son imprescriptibles, cela
ressort même de la lecture de l'article 620 du
67 G. KALAMBAY, op.cit., p. 58 ; V. KANGULUMBA MBAMBI, op.cit.,
p. 314
68 V. KANGULUMBA MBAMBI, op.cit., p. 315
69 Cour suprême de justice, RC 299, 23 juin 1982, in
DIBUNDA KABUINJI MPUMBUAMBUJI, Répertoire général de
la jurisprudence de la CSJ, p.108, n°3 cité par V. KANGULUMBA
MBAMBI, op.cit., p. 315
70 G. KALAMBAY, op.cit, p. 59
71 Article 10 de la loi Foncière
72 V. KANGULUMBA MBAMBI, op.cit., p. 316
73 Idem
22
codes des obligations qui dispose : « On ne peut
prescrire le domaine des choses qui ne sont point dans le commerce ». Or
le sol est déclaré hors commerce par l'article 53 de la loi
foncière, il est donc imprescriptible, c'est-à-dire personne ne
peut acquérir une de ses parties par prescription acquisitive et l'Etat
ne peut en perdre une partie par une prescription extinctive.
Cette imprescriptibilité est absolue et permanente par
la volonté du législateur, car admettre la prescription, c'est
accepter indirectement qu'une personne puisse partager avec l'Etat son droit de
propriété déclaré exclusif.74
De tout ce qui précède, nous devons retenir que
le sol est donc un bien de l'Etat, il fait partie de son patrimoine et ce
patrimoine foncier comprend un domaine public et un domaine
privé.75
Les terres de domaine foncier public sont constituées
de toutes les terres qui sont affectées à un usage ou à un
service public. Ces terres sont inconcessibles tant qu'elles ne sont pas
régulièrement désaffectées. Et elles sont
régies par les dispositions particulières aux biens
affectés à un usage ou un service public.76 Par contre
toutes les autres terres constituent le domaine privé foncier de
l'Etat.77
Ainsi donc, il importe de noter que même les terres
coutumières appartiennent également au domaine privé de
l'Etat.78Ce sont ces terres qui sont particulièrement
concernées par la loi foncière.
Aux termes de l'article 60 de la loi foncière, les
terres du domaine privé de l'Etat sont subdivisées d'une part en
terres urbaines (A) et d'autre part en terres rurales (B).Les modalités
d'accès diffèrent aussi, mais la gestion du domaine privé
immobilier et foncier de l'Etat revient au conservateur des titres immobiliers
et à certaines autorités bien déterminées : le
Ministre des Affaires foncière 79 ; le Gouverneur de
province80 ; etc.
74 G. KALAMBAY, op.cit., p. 64
75 Article 54 de la loi foncière
76 Article 55 de la loi foncière
77 Article 56 alinéa 2 de la loi foncière
78 P. DE QUIRINE, Comment procédé pour acheter
une parcelle ou louer une maison ?, Kinshasa, CEPAS, 2001, p. 7
79 Article 181 de la loi Foncière
80 Article 183 de la loi Foncière
23
2. Accès à la terre urbaine en droit
congolais
Par terres urbaines, il faut entendre en vertu de l'article 60
alinéa 1er de la loi foncière, toutes les terres
comprises dans les entités administratives déclarées
urbaines par les lois ou règlements en vigueur. Il s'agit notamment de
l'article 2 de l'ordonnance n°74/148 du 2 juillet 1974 portant mesure
d'exécution de la loi foncière et l'article 6 de la loi organique
n°08/016 du 07octobre 2008 portant composition, organisation et
fonctionnement des entités territoriales décentralisées et
leurs rapports avec l'Etat et les provinces qui définissent ce qu'il
faut entendre par ville, c'est-à-dire, tout chef-lieu de province,
toute agglomération d'au moins 100.000 habitants disposant des
équipements collectifs et des infrastructures économiques et
sociales à laquelle un décret du Premier Ministre aura
conféré le statut de ville.
a. Procédure d'accès à la
terre urbaine
La procédure d'acquisition de la terre en milieu urbain
est prévue par la loi foncière en ses articles 63 et suivants. En
effet, il est prévu que pour les localités érigées
en circonscriptions urbaines, le Président de la République ou
son délégué fait dresser un plan parcellaire des terrains
à concéder. Lorsque le conservateur des titres immobiliers
constate une forte demande des terres, ce dernier ou son adjoint va
intéresser l'autorité administrative pour une éventuelle
création de lotissement. Sur base du rapport du conservateur des titres
immobiliers, le gouverneur de province, dans la province qu'il administre, et,
pour la Ville de Kinshasa, le Ministre ayant les Affaires foncières dans
ses attributions ou son délégué urbain décide de
lotissement.81
1° Le lotissement et la mise de la terre à la
disposition du public
Pour être concédées, ces terres doivent
être localisées et délimitées selon le plan
particulier d'aménagement ou celui du lotissement. Les terres doivent
être divisées en parcelles avant d'être distribuées.
C'est la procédure de lotissement.
Après l'opération de lotissement, les terrains
sont offerts au public par un arrêté du gouverneur de province ou
par celui du Ministre ayant les Affaires foncières dans ses
attributions, selon qu'on soit dans la province ou dans la ville de
Kinshasa.82
Les plans parcellaires peuvent être consultés par
quiconque au bureau du Ministère de l'Urbanisme, Ministère des
Affaires foncières et à la conservation des titres
immobiliers.
81 Article 3 de l'ordonnance loi n° 74/148 du 2 juillet 1974
portant mesure d'exécution de la loi foncière
82 Article 4 de l'ordonnance loi n° 74/148 du 2 juillet 1974
portant mesure d'exécution de la loi foncière
24
Cet arrêté à prendre par les
autorités ci-haut mentionnées doit indiquer pour chacune des
parcelles mise sur le marché, un numéro cadastral, la superficie,
la destination et les conditions de mise en valeur.83 Il est
interdit en principe à toute personne de morceler une parcelle.
Malheureusement, cette pratique prend de plus en plus de l'ampleur dans bien
des villes du pays et ceci aux grandes dames des autorités
administratives, ce phénomène est communément
appelé de demi-parcelle.
En fin de compte, les personnes intéressées
peuvent faire leur demande des terrains.84
Une fois le terrain octroyé, la personne doit signer un
contrat de location avec l'Etat, lequel détermine les droits et les
obligations de chaque partie.
2° Le contrat de location : droits et obligations des
parties
Le contrat de location est un contrat synallagmatique par
lequel l'Etat s'oblige à faire jouir une personne d'un terrain moyennant
un certain prix. Il est régi par les articles 144 à 152 de la loi
foncière.
La location ne peut être accordée que pour un
terme de trois ans,85 elle est préparatoire à une
autre concession. Cette période de trois ans est accordée pour
permettre au locataire de mettre en valeur sa parcelle.
L'Etat dispose des droits suivants :
1. Le droit de percevoir la redevance ;
2. Le droit de s'assurer du respect de la destination et de
demander la résiliation du contrat en cas de non-respect des obligations
par le locataire.
Mais en revanche, dans le contrat de location conclu avec le
locataire, l'Etat est tenu à des obligations suivantes :
1. Mettre le fonds à la disposition du locataire ;
2. Assurer au locataire de la jouissance paisible du fonds ;
3. Vérifier la mise en valeur et sa conformité.
En effet, si le locataire réalise la mise en valeur, le
service de l'Etat (cadastre) en vérifie la conformité et
établit un procès-verbal de mise en valeur. Avec
83 Idem
84 Article 190 de loi foncière
85 Article 144 de la loi foncière
25
ce procès-verbal, l'Etat, par l'entremise de son
gestionnaire qui est le conservateur des titres immobiliers, signe avec le
locataire un contrat de concession qui peut être perpétuel, si le
locataire est une personne physique de nationalité congolaise ou
ordinaire, si la personne est étrangère ou s'il s'agit d'une
personne morale de droit public ou de droit privé.
Pour ce qui est du locataire, la loi lui reconnaît les
droits ci-après :
1. Occuper le terrain et ;
2. Jouir paisiblement le fonds en location.
En effet, le locataire doit être considéré
comme constructeur de bonne foi. Dans la mesure où il serait
évincé, on lui appliquera les prescrits de l'article 23 de la loi
foncière.
En revanche, dans les trois ans qui suivent la conclusion du
contrat, le locataire est tenu aux trois obligations suivantes :
1. Occupation et mise en valeur ;
2. Respect de la destination ;
3. Paiement d'une redevance ou loyer à
l'Etat.86
Ce droit du locataire ne naît véritablement
qu'à la fin de l'étape de la concession contrat qui, elle est du
régime administratif alors que la concession est du droit civil des
biens en ce qu'elle nécessite un certificat d'enregistrement qui est
l'acte de naissance du droit sur le fonds.
3. Accès à la terre rurale en droit
congolais
La définition des terres rurales nous est donnée
à l'article 60 alinéa 2 de la loi foncière. Cet article
dispose : « Toutes les autres terres sont rurales. Selon leur vocation,
les terres sont destinées à un usager résidentiel,
commercial, industriel, agricole ou d'élevage ». Ainsi par terres
rurales, il faut entendre toutes les autres terres qui ne sont pas urbaines
selon la définition de l'article 60 alinéa 1er de la
loi foncière et l'article 2 de l'ordonnance n°74-148 du 2 juillet
1974 portant mesure d'exécution de la loi
foncière.87
86 Article 144 et 148 de la loi foncière
87 P. DE QUIRINI, op.cit., p. 11
26
a. Procédure d'acquisition des terres
rurales
La procédure de l'acquisition des terres rurales est
très différente de celle des terres urbaines. En effet,
contrairement à la gestion des terres urbaines où l'initiative de
lotissement émane de l'autorité administrative, pour les terres
rurales, l'initiative d'acquisition vient de quiconque veut faire l'agriculture
ou l'élevage.
Dans le souci de sauvegarder le droit foncier des populations
locales, toutes les transactions sur les terres rurales sont soumises à
une procédure d'enquête préalable prévue par
l'article 193 de la loi foncière. Faut-il le noter que cette
procédure est d'ordre public et ne peut être dérogée
par la volonté des parties. Ce sont les articles 193 à 203 qui
prévoient et règlementent cette procédure.88
1° De l'enquête préalable
Toute concession des terres rurales doit être
précédée d'une enquête de vacance de terres. Cette
enquête a pour but de constater la nature et l'étendue de droits
que les tiers pourraient avoir sur les terres demandées en
concession.89L'enquête rassure que la terre n'est pas
déjà occupée. Elle détermine la taille du terrain,
quelles en sont les délimitations. Elle procède à un
inventaire du terrain, et de ce qui s'y trouve (bois, forêt, cours
d'eau). Elle comprend l'audition des personnes qui ont des réclamations
ou des observations à faire.90
L'enquête n'est ouverte qu'à la suite d'un avis
favorable de l'administration territoriale compétente. Celle-ci doit
être effectuée par un fonctionnaire ou agent à ce
commis.91 Ce dernier est tenu à l'établissement d'un
procès-verbal à la fin de l'enquête.92
Ledit procès-verbal est transmis au chef de division
unique. En cas de satisfaction ; il y ajoute son avis et considérations
à l'intention du gouverneur de province. Le gouverneur dispose d'un mois
pour examiner le dossier. Si tout est en état, il transmet à son
tour le dossier auprès du procureur de la République près
le tribunal de grande instance pour son avis.
Au demeurant, si le procureur de la République et le
gouverneur sont tous deux d'accord, il y a clôture définitive des
opérations d'enquête et le gouverneur
88 Article 193 à 203 de la loi foncière
89 Article 193 de la loi foncière
90 Article 199 de la loi foncière
91 Y. ALONI MUKOKO, op.cit., p. 25
92 Article 195 alinéa 3 de la loi foncière
27
de province décide alors de la suite à donner
dans les limites de ses compétences. Cette procédure ne peut
dépasser quatre mois. A défaut, il est permis au requérant
d'introduire un recours s'il n'a pas réussi de suite dans ce
délai.93
Le chef de division unique autorise une occupation provisoire
par le requérant, si dans le délai de six mois à compter
de l'ouverture de la procédure de l'enquête il n'a réussi
aucune suite. Néanmoins, avant toute occupation, on doit indemniser tous
les ayant droits pour la perte de droits individuels incorporés au sol
et la communauté locale pour la cession de droit coutumier d'occupation.
Si la procédure de l'enquête préalable est
respectée, le requérant signe avec l'Etat congolais un contrat
d'occupation provisoire d'une durée de cinq ans renouvelable une fois.
Si la terre demandée a une superficie de plus de 10 hectares, Il signera
un contrat de location.94
Enfin, l'occupant est tenu de mettre en valeur la terre
conformément à sa destination et au contrat agricole signé
avec l'Etat. A défaut de mettre en valeur le fonds, l'article 159 permet
à l'autorité compétente de résilier le contrat ou
de réduire la concession. Mais il importe de signaler que cette
conception de la propriété foncière prévue par le
droit écrit entre en opposition avec celle de la tradition kongo.
Apres avoir présenté la position du droit
écrit au sujet de la terre en République démocratique du
Congo, nous pouvons aisément nous appesantir sur la conception de la
propriété du sol en droit coutumier.
b. Conception de la propriété
foncière kongo
Dans les lignes qui suivent, nous allons voir tour à
tour comment la coutume kongo conçoit la notion de la
propriété du sol (1), ses modes de gestion de la terre (2) et
enfin, ses différents modes d'acquisition (3).
Alors qu'en droit écrit, il est prévu que l'Etat
est l'unique propriétaire du sol et du sous-sol congolais,95
en droit coutumier, il ressort des enquêtes menées sur terrain que
pour les communautés traditionnelles, la terre est un bien privé
du clan dont la propriété lui revient
exclusivement.96
93 Article 203 de la loi foncière
94 Art 58 de la loi foncière
95 Article 9 alinéa 1er de la Constitution
du 18 février 2006 : « l'Etat exerce sa souveraineté
permanente notamment sur le sol et le sous- sol, les eaux et les forêts,
sur les espaces aérien, fluvial, lacustre et maritime congolais ainsi
que sur la mer territoriale congolaise et sur le plateau continental »
96 C. MACHOZI, J. BORVE, « Guide pratique de
résolution et de prévention des conflits », in RESEAU HAKI
NA AMANI, septembre 2010, p. 4. Page consultée sur
http://WWW.international-Alert.Org
le 17 janvier 2020 à 23 :45
28
Par bien en droit coutumier, il faut entendre toutes richesses
naturelles, corporelles ou incorporelles susceptibles de faire objet de droit
au profit de la personne ou de la communauté. Le bien doit remplir ces
critères : être à la fois juridique et économique,
donc doit avoir une utilité économique et évaluable en
argent et constitue alors un élément important du patrimoine de
la personne ou de la communauté.97
En droit coutumier, on accorde peu d'importance à la
propriété individuelle, car l'homme vit dans la
société où il trouve son épanouissement, ses droits
et ses obligations. La propriété collective dont le domaine
foncier et immobilier occupait une place de choix. D'où la
propriété foncière en droit coutumier englobe
essentiellement le sol et le sous-sol. Cependant, à la différence
de la conception actuelle, 98 en droit coutumier, la
propriété mobilière renfermait tous les objets mobiliers,
y compris les esclaves.
S'agissant du sol et du sous-sol, dans la
société traditionnelle avant la colonisation, l'appropriation des
terres se faisait par l'occupation du territoire, d'espace vital par le groupe
en migration. Les peuples envahisseurs prenaient les terres fertiles et
nécessaires, et encore vacantes, sinon ils signaient de pacte avec les
autochtones en vue de la cession d'une partie de leur territoire, et parfois
ils prenaient le pouvoir et évinçaient les autochtones par la
force.
Le pouvoir colonial dès son occupation, s'est
attaqué aux problèmes de terres et s'est investi dans
l'organisation foncière en se donnant la plénitude de droit
foncier et en limitant le droit des autochtones.
Quant à la chasse, pêche et exploitation de la
forêt dans les terres coutumières, elles étaient et sont
encore comprises dans l'esprit des populations villageoises dans certaines
parties du pays, la propriété commune du clan des vivants et des
morts. Elles revêtent un caractère magique et sacré, ainsi
tout ce qui s'y pratique doit être minutieusement soigné et
contrôlé. Les étrangers devraient préalablement
avoir l'autorisation du chef moyennant redevance et tributs, faute de quoi, il
n'y a pas de réussite.
Cependant, la loi BAKAJIKA de 1966 qui assurait à la
République du Zaïre la plénitude de ses droits de
propriété sur son domaine et la pleine souveraineté
97 D. MAKETAMA MALONDA, L'acceptation du droit foncier et les
modes d'accès à la terre dans la province du Kongo Central : cas
des territoires de Madimba, de Mbanza-Ngungu et de Songololo, Université
kongo, Faculté de droit, 2017- 2018, p. 33
98 Article 16 alinéa 3 de la Constitution : Nul ne peut
être tenu en esclavage ni dans une condition analogue. Nul ne peut
être soumis à un traitement cruel, inhumain ou
dégradant.
29
dans la concession des droits fonciers, forestiers et miniers
sur toute l'étendue de son territoire fut abrogée le 31
décembre 1971.
En effet, le 31 décembre 1971, l'Assemblée
Nationale adopta une nouvelle disposition à insérer dans la
Constitution du 24 juin 1967. L'article 1er de cette disposition
était conçu de la manière suivante :
« Il est inséré dans la Constitution un
article 14 bis libellé comme suit : "Le sol et le sous-sol zaïrois
ainsi que leurs produits naturels appartiennent à l'Etat" ».
La loi fixe les conditions de leurs cession et concession, de
leurs reprise et rétrocession. Toutefois, la reprise ou la
rétrocession en cas de non mise en valeur ne donne lieu à aucune
indemnité.99
Le même jour et sur base de ce nouveau texte
constitutionnel, la même Assemblée Nationale vota une nouvelle loi
abrogeant la loi dite Bakajika. Cette loi dispose :
- Article 1er : La République du Zaïre
reprend la pleine et libre disposition de tous ses droits sur le sol, le
sous-sol et les ressources naturelles concédés ou
cédés avant le 1er janvier 1972 à des personnes
physiques ou morales qui n'en ont pas assuré la mise en valeur ;
- Article 2 : Les certificats d'enregistrement relatifs aux
biens concernés à l'article 1er sont annulés
;
- Article 3 : L'ordonnance-loi n°66-343 du 7 juin 1966
est abrogée.100
Quant à la loi n° 73-021 du 20 juillet 1973
portant régime général des biens, régime foncier et
immobilier et régime des suretés telle que modifiée et
complétée par la loi n° 80-008 du 18 juillet 1980 dispose en
son article 53 : « Le sol est la propriété exclusive,
inaliénable et imprescriptible de l'Etat ».
De tout ce qui précède, il convient de relever
que cette loi fait de l'Etat congolais le seul propriétaire du sol et du
sous-sol et accorde aux particuliers le droit des concessions
perpétuelles et ordinaires.
99 G. KALAMBAY, op.cit., p. 45
100 G. KALAMBAY, op.cit., p. 46
30
J° Propriétaire du sol en droit
coutumier101
Comme nous l'avons précédemment souligné,
la terre en droit coutumier est considérée comme une
propriété privée appartenant à un clan ou mieux
à une communauté, les membres dudit clan ne disposant que le
droit de jouissance collectif et individuel puisque la terre est l'unité
territoriale du clan. Elle est la pierre sur laquelle tout un lignage tatoue
son histoire et son écriture. C'est pourquoi la terre a une
signification culturelle importante pour les communautés rurales,
particulièrement les peuples autochtones pour lequel la survivance, et
l'identité culturelle sont liées aux relations qu'ils ont avec
les territoires ancestraux.102
Il résulte de ce qui précède que le clan
et la terre qu'il occupe constituent une chose indivise placée sous la
domination et la protection des ancêtres (Bakulu).103
En effet, en coutume kongo, la terre appartient à la
collectivité clanique, jamais à un individu, avons-nous dit, pris
isolément pas plus au « N'kuluntu » ou le chef de clan,
reconnu socialement comme « Mfumu-nsi », c'est-à-dire chef de
terre. En d'autres termes, en droit foncier coutumier, la terre est une
propriété exclusive au clan et non à un seul
individu.104
De même, une même terre ne peut appartenir
à deux clans différents. La terre qu'elle soit grande ou petite,
n'appartient qu'à un seul clan. Cette conception traditionnelle a
été mise en lumière par les tribunaux à mainte
reprises quand on juge que : « le fait d'attribuer une terre à deux
clans différents est contraire à la coutume locale
».105 Ainsi « dans la coutume kongo au Bas Congo, il n'est
pas concevable que deux clans qui coexistent sur une même terre aient les
mêmes droits sur celle-ci. Dans pareil cas, l'un d'eux est toujours
l'ayant droit coutumier foncier, celui qui a été le premier sur
les lieux par rapport à l'autre, celui qui en a reçu la
jouissance de premier, notamment comme fils.106
Quant à la terre elle-même, en droit coutumier,
précisément en celui de la Province du Kongo central, est
appelé le « n'si ». Elle est définie comme un
101 Voir annexes 1
102 S. BENGONO AZELE, Traité élémentaire
de droit coutumier du Congo belge, Bruxelles, Larcier, 1954, p. 2
103 P. KAMUNFEKETE LUVUMBU, La dimension patrimoniale de la
terre clanique chez les Kongo face au développement urbain du Kongo
central : Défis et perspectives d'une inéluctable
évolution, in Enjeux patrimoniaux en contexte postcolonial.
Patrimoine et développement en République
démocratique du Congo, Paris, l'Harmattan, 2017, p. 32
104 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A 859, 26
décembre 1996 in Odon NSUMBU KUBA, op.cit., p. 4
105 V. KANGULUMBA MBAMBI, op.cit., p. 315
106 V. KANGULUMBA MBAMBI, op.cit., p. 314
31
ensemble du territoire clanique composé de plusieurs
domaines ou « n'luka-n'to ». Cette définition de la terre a le
mérite de retenir notre attention car elle met plus l'accent sur le clan
pour définir la terre. Il convient de signaler que, le clan est au
centre de la terre. C'est pourquoi, affirme-t-on qu'en considération des
coutumes congolaises, on s'accorde généralement que la
communauté foncière originelle est le clan.107 Cette
conception a été confirmée par le Tribunal de Grande
instance de Mbanza-Ngungu dans son jugement RA.1142, du 29 juin 1999 dans
lequel le Tribunal a décidé que : « dans la coutume kongo
chaque clan doit avoir sa propre terre ».108
La terre forme rarement un monobloc. Souvent, les domaines
claniques sont dispersés dans la nature, séparés les uns
des autres sur plusieurs centaines de mètres.109 C'est cette
conception de communauté clanique que le législateur avait
adopté lors de l'élaboration de la loi foncière de 1973
quand il parle aux articles 387 et 388 des terres des communautés
locales. C'est une manière de préciser que le droit de jouissance
de la terre en droit coutumier ne peut appartenir à un seul individu,
pris isolément, mais plutôt à une communauté
clanique.
En ce qui concerne le clan lui-même, il le
définit comme un groupe de personnes ayant des intérêts ou
des idées en commun et proche, parfois, de la coterie ou une tribu
formée d'un certain nombre de familles.
Toutefois, en ce qui concerne la terre, les idées
dominantes sont celles considérant les ancêtres comme
véritables propriétaires de la terre au détriment des
vivants qui ne sont que gardiens.110
2° Gestion de la terre en droit
coutumier
Dans la coutume kongo, c'est le chef de clan, dit aussi chef
des terres, qui gère la terre au nom de toute la communauté. Dans
la coutume kongo, le chef de clan est investi par sa famille suivant certaines
formalités coutumières. Pour son investiture, la participation
des ancêtres est indispensable, car, à défaut, le chef
serait illégitime et indigne de gérer la
communauté.111 Cela s'explique, puisque dans la mesure
où le chef du clan n'est qu'un simple gestionnaire foncier du domaine
des
107 V. KANGULUMBA MBAMBI, Op.cit., p. 315
108 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A 1142, du 29
juin 1999, in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p.16
109 A. SOHIER, op.cit., p.142
110 A. SOHIER, op.cit., p. 35
111 Chef de groupement de Tshela, A. Mbumba, propos recueillis
par nous lors de nos enquêtes
32
ancêtres qu'il représente. Et suivant la coutume
kongo, le neveu ne peut pas régner pendant que l'oncle est encore en
vie.112 Toutefois, soulignons que la loi n°15/015 du 25
août 2015 fixant statut des chefs coutumiers prévoit dans son
article 5, six conditions qu'un individu doit remplir pour exercer les
fonctions de chef coutumier.113
Le chef de clan ne fait qu'administrer le patrimoine foncier
clanique. Il n'a pas de droits supérieurs en ce qui concerne son usage.
Ses seuls droits comme celui de tout membre viennent de sa participation au
groupe propriétaire.114 C'est pourquoi ses différentes
tâches sont bien précisées.
a. Rôles du chef de clan
En droit coutumier, le chef de clan ou des terres, choisi et
investi conformément à la coutume locale joue principalement
trois rôles : un rôle religieux, un rôle juridique et un
rôle de représentation.115
1. Du rôle religieux
Son rôle religieux consiste à procéder aux
offrandes nécessaires pour obtenir ou rétablir le droit d'user de
la terre par ce qui le désire.
En cette qualité, il entre en contact avec les
ancêtres. Il intercède pour les vivants auprès des
ancêtres et les ancêtres aux vivants en rapportant leurs
instructions. Il joue donc l'intermédiaire entre les vivants et les
ancêtres. Il nous a d'ailleurs été confirmé au cours
de nos enquêtes à Mbanza-Nsudi, par le chef de groupement Emmanuel
LUSONGONIA que par cette qualité de chef religieux, le chef de clan peut
même solliciter des ancêtres des conseils sur les questions qu'il
ignore à l'exemple de celles liées à la
généalogie familiale, des limites des terres,
etc.116
112 Tribunal de paix de Mbanza-Ngungu, RC 2130,11octobre 2003 in
Odon NSUMBU KABU, op.cit., p.15
113 Article 5 de loi n°15/015 du 25 août 2015
fixant le statut des chefs coutumiers dispose : « Nul ne peut exercer les
fonctions de chef coutumier s'il ne remplit pas les conditions suivantes : -
être de nationalité congolaise, - être âgé d'au
moins 18 ans ; -être ayant droit à la succession ; -être de
bonne moralité ; - n'avoir pas fait l'objet d'une condamnation
irrévocable à une peine privative de liberté pour une
infraction intentionnelle ; - avoir un niveau minimum de formation scolaire
».
114 Chef de village Zamba 2, propos recueillis par nous lors de
nos enquêtes.
115 Chef de village Zamba 2, propos recueillis par nous lors de
nos enquêtes.
116 J. BABEKI, G. BANUNGU, al, La culture du Kongo central
au regard du régime foncier congolais, Séminaire,
Université Kongo, Faculté de Droit, 2016 -2017, p. 10 ; Propos
recueillis auprès du chef de groupement de Mbanza-Nsundi, lors de nos
enquêtes le 12 mai 2020
33
2. Du rôle de représentant
Le chef de clan représente son clan à chaque
fois que son intervention est nécessaire. Devant les instances
judiciaires, devant les autorités étatiques et à chaque
fois que le clan doit s'exprimer, il le fait par son intermédiaire. Par
conséquent, toute action engagée par le chef du clan au nom de ce
dernier, produit des effets juridiques directement sur la communauté
qu'il dirige.
Dans la coutume kongo, il a été admis que le
chef de clan est le dépositaire du savoir sur l'origine du clan, sa
généalogie et lui seul peut décliner cette tradition ou
son délégué dûment mandaté.117
3. Du rôle juridique
Le rôle juridique du chef des terres par contre consiste
à octroyer le droit d'usage de la terre aux membres du clan et à
toute personne qui en fait une demande et de régler les litiges fonciers
susceptibles d'y naître.
3. Modes d'acquisition de la terre en droit
coutumier
Le chef coutumier assure le bien-être de sa population
en distribuant équitablement la terre, la justice et les ressources du
clan pour assurer la paix et la tranquillité publique. Pour cela, il
possède d'une police, dite police du chef coutumier
Comme nous l'avons dit précédemment, la
conception traditionnelle kongo, la terre appartient aux ancêtres. Mais
son mode d'acquisition a parfois été pacifique (A) ou violent
(B).
Cette acquisition est dite pacifique lorsqu'aucune guerre ou
trouble a été à l'origine de son acquisition; par contre,
elle sera qualifiée de violent lorsque l'appropriation de la terre se
fait par la force.
A. Modes pacifiques d'acquisition de la terre en droit
coutumier
Parmi les modes d'acquisition pacifique de la terre en droit
coutumier, nous pouvons citer, notamment : le droit du premier occupant, du
droit de hache et du droit de feu ; de mode d'acquisition par relation
économique, de mode d'acquisition par alliance et des terres
pignoratives.
117 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A 1670, 23
octobre 2007, op.cit., p.16
34
a. Droit du premier occupant
L'occupation de la terre d'après les traditions
historiques semble avoir été en Afrique centrale, le mode
originaire dont les diverses populations ont plus usé pour s'attribuer
des droits sur les terres qu'elles occupent.118
En effet, d'une manière générale les
Africains fondent sur la première occupation les droits qu'ils exercent
sur la terre. Autrement dit, ils ne tiennent leurs droits d'aucune personne, La
terre vacante devient le bien de la collectivité qui l'a
matériellement appréhendée. C'est la première
occupation d'une terre vacante qui constitue le titre juridique. Par ailleurs,
il a été jugé que le fait d'indiquer un endroit à
quelqu'un ne peut en aucun cas signifier qu'on est le premier
occupant.119
A ce propos G. MALENGREAU souligne qu'à l'origine de la
propriété foncière, comme à l'origine de toute
propriété indigène, il y a le fait de prise de possession.
Aux yeux des noirs, comme aux yeux des nôtres, pour être
légitime, l'appropriation d'un domaine foncier suppose sa vacance. Mais
si la terre est vacante, elle appartient au premier occupant et son occupation
qui n'est pas nécessairement une occupation effective est un titre
d'appropriation dont tous les indigènes reconnaissent la parfaite
légitimité.
Les propriétés foncières collectives
aujourd'hui aux mains des indigènes peuvent donc avoir eu une double
origine : tantôt elles sont le fait de l'occupation pacifique d'une terre
vacante, à laquelle a rapidement succédé un essaimage ou
un partage, selon que l'occupation s'est effectuée par un individu
fondateur de groupe ou, au contraire, par tout un groupe à la fois ;
tantôt, surtout lorsqu'il s'agit de groupements politiques qui ne sont
pas nés par l'instauration d'un pouvoir étranger, elles
résultent d'une spoliation lente ou brutale des terres
d'autrui.120
D'ailleurs, suivant la coutume mukongo en
général et manianga en particulier, le premier occupant est celui
qui a ses propres cimetières, exploitant des composants personnels et
ayant habité dans les hameaux avant l'arrivée de
l'autre.121
L'occupation permet à ceux qui s'établissent
pour la première fois sur des terres vacantes de s'opposer à
ceux-là qui y viendront après eux.
118 D. MAKETAMA MALONDA, op.cit. , p. 26
119 Tribunal de paix de Luozi, 5 décembre 2000 In Odon
NSUMBU KABU, op.cit., p.129
120 GUY MALENGREAU, Droits fonciers coutumiers chez les
indigènes du Congo belge : essai d'interprétation juridique,
Bruxelles, Falk fils, 1947, pp. 78 - 79
121 Tribunal de paix de Luozi, RC 188,27 mai 1996 In Odon NSUMBU
KABU, op.cit., p.117
35
Ainsi, la décision de la colonisation d'une
région nouvelle, qui peut être prise pour des raisons
matérielles ou morales dépend du chef du village ou du conseil de
village qui veut émigrer. Et donc, la tradition rapporte qu'un chef de
famille après avoir reconnu le territoire résolut de s'y fixer.
Dans ce but, il offrit un sacrifice aux puissances surnaturelles du lieu et
leur demanda l'autorisation de s'établir sur la terre qu'elles
contrôlaient.122
b. Du droit de hache et le droit de feu
Initialement, la terre étant « res nullius
»,123 les hommes essentiellement nomades ne
prétendaient presque à aucun droit sur les terres occupées
de façon précaire. La délimitation des terres n'avait donc
aucune justification. C'est lorsque les hommes adoptèrent la vie
sédentaire que le besoin de circonscrire les domaines occupés se
fit jour.124 Mais comment s'est-elle faite cette occupation ? Le
droit de hache est celui reconnu à un groupe (famille, clan) pour avoir
été les premiers à procéder à
l'aménagement de la terre par la coupe d'arbre en utilisant la hache.
Cela signifie que celui qui occupe la végétation naturelle en
premier a droit de se prévaloir de la qualité de
propriétaire du lieu dont question.
De même, le droit de feu confère à un
groupe le droit de propriété parce qu'il a été le
premier à l'aménagement par défrichage de celui-ci par le
feu. Ce qui expliquerait que lorsque la fumée du feu surplombait une
portion de terre, un autre groupe ne devrait pas s'y présenter car elle
était déjà considérée comme
occupée.125
D'une manière générale, le village ainsi
fondé porte le nom donné par leur fondateur et seuls des
descendants de celui-ci peuvent prétendre avoir les droits sur les
terres qui se rattachent aux nouvelles terres conquises.
c. Du mode d'acquisition par relation
économique
Traditionnellement, le troc126 était au
centre des échanges économiques. D'ailleurs à ce propos,
le professeur S. SHOMBA KINYAMA souligne qu'en réalité
l'économie traditionnelle était une économie
essentiellement échangiste. Elle ne possédait pas toujours un
symbole unique et universel de convertibilité (la
monnaie).127
122 Tribunal de paix de Luozi, RC 188,27 mai 1996 In Odon NSUMBU
KABU, op.cit., p.117
123 Termes latin signifiant : « chose sans maître
»
124 G.MATONDO LUMINUKU, De la gestion
conflictuele du foncier à Mbanza-Ngungu : entre droit
moderne et droit coutumier », in Enjeux patrimoniaux en contexte
post colonial en RDC, l'Harmattan, Paris, 2017, p. 42
125 D. MAKETAMA MALONDA, op.cit., p. 27
126 Le concept troc est considéré comme
étant l'échange d'une marchandise à une autre sans recours
à la monnaie
127 S. SHOMBA, op.cit. , p.18
36
Concernant l'acquisition de la terre, ce mode consiste dans le
fait que quelques terres furent l'objet de transactions économiques.
Certains échangeaient alors directement les terres contre quelques
têtes de porcins, caprins et des bovins ou contre d'autres biens
d'utilité économique.128
d. Du mode d'acquisition par alliance
En droit coutumier, on enregistre également ce mode
d'acquisition de la terre par alliance. C'est un mode d'acquisition des terres
dont le soubassement est le mariage.
Autrement dit, en vertu du mariage coutumier, le conjoint
(l'époux) peut bénéficier d'une étendue de terre,
même si il ne fait pas partie du clan propriétaire de ladite
terre. Tout ceci dans le souci d'éviter que l'épouse manque une
portion de terre à cultiver, afin de sauvegarder l'intérêt
du ménage.129
e. Des terres pignoratives130
La mise en gage est une pratique qui consiste à donner
la terre en garantie afin de garantir une créance. En effet, la mise en
gage fut une pratique courante dans la société kongo.
Il sied de préciser que dans certains cas, dans la
société traditionnelle kongo, les clans pauvres dans le but
d'enterrer, marier, rembourser certains biens dotaux ou même tenir une
fête traditionnelle, aller jusqu'à contracter des dettes des
quelques valeurs auprès des clans riches avec comme garantie la mise en
gage de leurs terres.
En effet, si la famille débitrice violait
unilatéralement le contrat passé avec les familles
créancières, des terres entières furent ainsi acquises
sous forme de saisi arrêt. Quand bien même, quelques clans
voulurent honorer leurs dettes, ils heurtèrent à la brusque
montée des intérêts moratoires d'où le bien
donné en gage passe dans le patrimoine de la famille
créancière.131
128
http://www.terrepouvoir.Com,
Traité : ancêtre - terre - parenté, p.33, page
consultée le 18 février 2020
129 Propos recueillis lors de nos enquêtes à
Mbanza-Nsundi auprès du chef de groupement Emmanuel LUSONGONIA, le 12
mai 2020
130 Pignorative : du latin pignus, oris qui signifie
gage
131 D. MAKETAMA MALONDA, op.cit. , p. 29
37
f. De la location de la terre comme mode d'acquisition
temporel de la terre
La location de la terre est un mode d'acquisition temporel de
la terre pour des raisons d'agriculture, d'élevage, etc.,
c'est-à-dire, ici l'occupant a un droit d'usage des terres sans en avoir
le droit de propriété.
En effet, le droit de jouissance d'une terre clanique est
réservé à titre de principe aux seuls membres qui forment
ce clan. Toutefois, nulle part, dans la coutume kongo, il est prescrit d'en
faire jouir sans paiement de certains droits aux personnes qui seront
étrangères au clan.
Il a été ainsi jugé que : « pour
obtenir un lopin de terre sur les terres coutumières, il faut
préalablement passer par le chef coutumier qui doit constater, le non
lotissement et aliéner son droit de jouissance contenu dans le lopin de
la terre ».132
C'est après ces démarches seulement que le
requérant ira aux services du cadastre pour régulariser la
procédure.133
g. Les esclaves
De nos jours, l'esclavage constitue une pratique
anticonstitutionnelle134 et est condamné par la
Déclaration universelle des droits de l'homme,135 le pacte
international relatif aux droits civils et politiques136 et la
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.137
L'interdiction de l'esclavage fait partie du jus
cognes,138 c'est-à-dire elle est une norme
impérative du droit international à laquelle aucune
dérogation n'est permise. Il y a lieu, sur ce point, de relever la place
qu'a occupée cette institution dans la société
traditionnelle kongo, les écarts de la coutume kongo par rapport
à la loi.
En effet, l'achat d'esclave symbolisait in illo
tempore139 l'un des signes de richesse du peuple
kongo.140 D'ailleurs certaines coutumes notamment manianga
132 Tribunal de paix de Luozi, R074, du 19 septembre 2003, In
Odon NSUMBU KABU, op.cit. , p. 160
133 D. MAKETAMA MALONDA, op.cit., p. 29
134 Article 16 de la Constitution du 18 février 2006
135 Article 4 de la Déclaration universelle des droits de
l'homme
136 Article 8 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques
137 Article 5 de la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples
138 Terme latin Jus cognes signifie droit international
139 Terme latin in ilo tempore signifie
à l'ancien temps
140 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A.1478 du 08
Aout 2003, In Odon NSUMBU KABU, op.cit., p. 55
38
prévoit que lorsqu'un maître achète son
esclave, celui-ci perd son clan d'origine pour adhérer à celui de
son maître.'4'
L'esclave ne pouvait avoir qu'un seul maître et ne
travaillait que sur le terrain de ce dernier, mais l'esclave peut devenir chef
de famille à la mort de son maître.'42Ainsi, il a
été jugé que, dans la coutume kongo, l'esclave non
affranchi prend le clan de son maître à la mort de celui-ci, si ce
dernier n'ayant pas laissé un héritier.'43
Après avoir analysé dans le précèdent point les
modes qualifiés de volontaire d'acquisition de la terre en droit
coutumier, nous allons dans ce point répertorier les modes involontaires
d'acquisition de la terre puis les analyser.
B. Modes violents d'acquisition de la terre en droit
coutumier
Ces modes violents d'acquisition de la terre dans la coutume
kongo pouvaient se faire : par déposition brutale à la suite
d'une guerre (a) et le vol des terres (b).
a. Mode d'acquisition par déposition brutale
Le trait caractéristique de ce mode d'acquisition est
la guerre et la violence. Il s'agit des terres conquises à la suite des
guerres par les vainqueurs sur les vaincus, qui perdent non seulement leur
souveraineté mais aussi leurs domaines fonciers.
D'ailleurs à ce sujet, il a été
jugé que : « L'acquisition d'une terre par la guerre étant
parmi les modes d'obtention d'une terre suivant la coutume kongo, c'est
à bon droit que la jouissance de la terre querellée sera reconnue
au clan du demandeur qui avait acquis la même terre par la guerre
».'44
b. Le vol de la terre comme mode d'acquisition
En droit écrit, le code pénal définit le
vol comme la soustraction frauduleuse d'un bien appartenant à
autrui.'45 Dans le cadre de notre étude, le vol doit
être compris comme un acte par lequel un clan prend par ruse, par force
ou en utilisant des manoeuvres frauduleux afin de s'approprier des terres qui
appartiennent à un autre clan.
141 Tribunal de paix de Luozi, R.C.405, du 28 mars 2000, In Odon
NSUMBU KABU, op.cit., p. 57
142 Tribunal de paix de Luozi, R.C .240, du 22 Avril 1997, In
Odon NSUMBU KABU, op.cit., p. 57
143 Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A.1448, du 12
mai 2004, In Odon NSUMBU KABU, op.cit., p. 55
144 Tribunal de paix de Songololo, R n°293 du 26 janvier
2002, In Odon NSUMBU KABU, op.cit., p.56
145 Article 79 du code pénal congolais, livre II
39
Dans la coutume kongo, cette pratique était et /ou
appelée « kikwafu ». Cet acte malicieux exige de l'audace et
de la pugnacité dans le chef de son auteur, les vertus parmi lesquelles
doit incarner un chef de clan, pour assurer à la fois la protection et
l'envergure sociale de son groupe.
Néanmoins, bien des chefs de clans outrepassent les
limites de leur compétence pour sombrer dans le banditisme foncier en
s'accaparant des terres qui ne sont pas dans leur domaine foncier
ancestral.146
146 MAKETAMA MALONDA, op.cit., p. 29
40
CHAPITRE II : LES CONFLITS FONCIERS
Avant tout développement de ce chapitre, il sied de
définir en premier lieu le conflit foncier. Par conflit foncier, on
entend toute contestation portant soit, sur l'exercice du pouvoir coutumier,
soit sur les limites des entités coutumières, soit sur
l'appartenance ou la dépendance d'une entité conformément
à la subdivision territoriale. 147 Cependant, dans le cadre
de ce travail, nous nous intéressons particulièrement sur les
deux premiers types de conflits.
Ainsi, dans ce second chapitre, nous traiterons tour à
tour : les conflits fonciers dans les territoires de Madimba et de
Mbanza-Ngungu (setion1), ensuite les modes de résolution des conflits
fonciers (section 2) et enfin nous parlerons de la dualité entre le
droit écrit et le droit coutumier (section 3).
Section 1. Les conflits fonciers dans les territoires
de Madimba et de Mbanza-Ngungu
Il importe de prime à bord de noter que le territoire
de Madimba a été créé par l'ordonnance du
février 1913 du gouverneur général colonial.
Chronologiquement parlant, Madimba est l'un des premiers territoires
administratifs constitué en République Démocratique du
Congo. Il comprend six secteurs : Luidi, Ngeba, Mfidi-Malele, Ngufu, Mfuma et
Gungu. En ce jour, la taille estimée de sa population est de 464.152
habitants, avec une superficie de 8.260 km2.
Mais en revanche, celui de Mbanza-Ngungu fut
créé par l'ordonnance n°21/568 du 31 décembre 1958 du
Gouverneur Général du Congo-belge et Ruanda-Urundi. Il est
composé de trois cités, sept secteurs, quarante-sept groupements
dirigés par les chefs de groupements et sept cent quatre-vingt-cinq
villages dirigés par les chefs des villages. Quant aux principaux clans,
on en déduit actuellement douze, parmi lesquels : Nsaku, Mbamba-kalunga,
Ntumba-Mvemba, Vitamini, Nzinga, Nlaza, Vuzi, Mvuzi dia Nkumu.148
147 Article 2 point 4 de l'arrêté ministériel
n °006 CAB/ MIN/ AFF- COUT/GMP/NMR/2017 modifiant et complétant
l'arrêté 004/CAB/MIN/AFF-COUT/2017 du 11 mars 2017 portant
création, composition, organisation et fonctionnement des commissions
consultatives de règlement des conflits coutumiers
148 Chef de groupement de Tumba, propos recueillis par nous lors
de nos enquêtes le 17 avril 2018 au village SONGA KONGO 2
41
§1. Types de conflits fonciers
De nos enquêtes dans ces deux territoires, il ressort
que les titres fonciers sont attribués sur les terres de
communauté locale par diverses autorités sans qu'elles aient
procédé à une enquête préalable de vacance de
terre.
Les conflits fonciers répertoriés touchent
essentiellement à la jouissance des terres par les particuliers.
Ces conflits peuvent être classés en quatre
groupes : les conflits des limites de terrains(A), les conflits liés
à l'occupation illégale (B), les conflits autour de terres
héritées(C), et enfin les conflits de non-paiement de
redevance(D).
A. Les conflits des limites des terres
Par définition, les conflits des limites des terres
sont des différends dus à une modification des limites de terrain
après déplacement d'un plan.149
Ces litiges peuvent avoir pour origine la mauvaise foi des
voisins mais aussi le manque des délimitations
précises.150
De même, ces conflits peuvent provenir d'une simple
modification des limites frontalières par un ancien voisin, après
la mort subite de l'occupant du fonds voisin qui n'a pas eu le temps de montrer
toutes les limites ancestrales de son domaine à ses enfants. Ce conflit
peut également être provoqué par une incursion volontaire
dans le champ du voisin ; il peut aussi être l'oeuvre d'un membre du clan
ou un membre d'un clan voisin qui occupe ou exploite avec animus
domini151 un fonds appartenant au clan ou au village voisin.
Ces conflits tirent également leur source du fait de la
dégradation, de l'usure ou de la disparition lente mais progressive des
signes qui, autrefois, matérialisaient la délimitation des fonds
contigus. L'incertitude dans leur reconstitution exacte peut devenir une source
de conflits face à la divergence de points de vue qui sont souvent
occasionnés par la mauvaise foi des uns et des autres, et ce, en
l'absent de tout écrit pouvant servir de
référence.152
149 Propos recueillis lors de nos enquêtes auprès de
chef de groupement Emmanuel LUSONGONIA à Mbanza - Nsundi, le 12 mai
2020
150 Propos recueillis lors de nos enquêtes auprès
des enquêtés à Mbanza - Nsundi, le 12 mai 2020
151 Animus domini : terme latin qui signifie «
intention de dominer »
152 Jean-Louis GENARD et Judith LE MAIRE, op.cit., p. 93
42
Dans ces deux territoires, l'insuffisance de la superficie de
champs conduit à des divers conflits (déviation du sentier
commun, bananier, arbre planté à la limite de deux
terrains).'53
B. Les conflits de l'occupation illégale des
terres
Il est à signaler que certaines personnes occupent des
terres sans aucune autorisation. Ainsi elles usent : soit la force, soit la
ruse. Ces personnes pénètrent sur le terrain d'autrui sans avis
du propriétaire du fonds.
Ce genre des pratiques ne cessent de causer des conflits
fonciers dans ces deux territoires.
Il faut noter que le sol ne peut être occupé
qu'en vertu de la loi'54 ou d'un contrat valable,
c'est-à-dire conclu conformément aux dispositions
impératives de la loi foncière. Toute autre occupation sous
quelle que forme que ce soit est interdite et constitue une infraction
punissable d'une servitude pénale de deux mois à un an et d'une
amende de 100 à 500 zaïres ou d'une de ces peines
seulement.'55
Dès lors que cette occupation est
matérialisée par des constructions ou toutes autres
réalisations effectuées en vertu d'un contrat frappé de
nullité, l'administration peut ordonner au contrevenant leur
démolition. Si le contrevenant ne s'exécute pas, l'administration
peut démolir ou faire démolir par un entrepreneur ces
constructions aux frais de l'auteur de l'infraction. A l'occasion de cette
démolition, le contrevenant ne pourra prétendre, dit l'article
206 in fine, à une indemnisation, à quelque titre que ce
soit.'56
La loi ne punit pas seulement toute occupation
illégale, mais aussi tout acte d'usage ou de jouissance d'un fonds qui
ne trouve pas son titre dans la loi ou dans un contrat ; un tel acte constitue
aussi une infraction punissable de deux à six mois de servitude
pénale et d'une amende de 50 à500 zaïres ou d'une de ces
peines seulement. On remarque également que le législateur est
plus sévère à l'égard de celui qui construit sur un
fonds concédé en vertu d'un contrat frappé de
nullité qu'à l'égard de celui qui jouit d'un fonds sans
titre.'57
153 Propos recueillis lors de nos enquêtes auprès du
chef de groupement de Mbanza-Nsundi, le 12 mai 2020
154 Article 388 de la loi foncière
155 KALAMBAY, op.cit., p. 196 ; Article 206 alinéa 2 de la
loi Foncière
156 KALAMBAY LIMPUNGU, op.cit, p. 197
157 Idem
43
Les co-auteurs158 et les complices159 de
cette infraction, dit l'article 207 de la loi foncière seront punis
conformément au prescrit de l'article 23 du code pénal qui
dispose : « sauf disposition particulière établissant
d'autres peines, les co-auteurs et les complices seront punis comme suit : les
co-auteurs, de la peine établie par la loi à l'égard des
auteurs ; les complices, d'une peine ne dépassera pas la moitié
de la peine qu'ils auraient encourue s'ils avaient été
eux-mêmes auteurs ».160
L'article 207 de la loi foncière nous permet d'affirmer
que la prescription acquisitive d'un fonds en faveur d'une personne physique ou
morale ne peut exister en droit foncier congolais.
Comme le dit l'adage kongo : « Ngo zole kazi yandilanga
mfinda mosi ko » cela signifie que : « Deux lions ne règnent
pas dans la même forêt ou un bien ne peut appartenir à deux
propriétaires à la fois». Dans le même sens, un autre
proverbe kongo soutient : « kiaku kiaku, kiangani kiangani »,
c'est-à-dire « ce qui est à toi est à toi, ce qui est
l'autre et à l'autre ».161 Ces adages insistent sur le
droit de propriété de chacun sur son bien et interdissent les
troubles de jouissance.
C. Les conflits des terres héritées
Le régime de succession est matrilinéaire dans
ces deux territoires, c'est-à-dire que les biens se transmettent aux
enfants du sexe féminin qui doivent se les partager de façon
équitable. Ceci renforce la cohésion de la famille
nucléaire aux dépend de la famille élargie. Il arrive
souvent qu'à la mort de la mère, certains de ses enfants de sexe
féminin soient encore trop jeunes ou mineurs pour hériter les
terres du de cujus.
Ainsi, la fille ainée du de cujus cherchera à
occuper une grande partie de terre au détriment de ses soeurs et c'est
cette situation qui sera à l'origine des conflits plus tard.
158 Les co-auteurs : ceux qui auront exécuté ou
qui auront coopéré directement à son exécution ;
ceux qui, par un fait quelconque, auront prêté pour
l'exécution d'une aide telle que, sans leur assistance, l'infraction
n'eut pu être comprise (article 21 code pénal congolais)
159 Les complices : seront considérés comme
complices ceux qui auront donné des instructions pour le commettre ;
ceux qui auront procuré des armes, des instructions ou tout autre moyen
qui a servi à l'infraction sachant qu'ils devaient y servir (article 22
du code pénal congolais)
160 Article 23 du code pénal congolais
161 Odon NSUMBU KABU, op.cit., p.68
162 X, Organisation foncière chez le kongo « Revue de
droit et des sciences politiques au Graben », CEJA
N°4/Décembre, 2007, p. 31
44
D. Les conflits fonciers dus au non-paiement de
redevance
La redevance coutumière est une obligation
résultant d'un accord foncier coutumier entre l'ayant droit foncier et
l'exploitant agricole, par lequel ce dernier s'engage annuellement ou par
compagne agricole de donner à l'ayant droit une quantité des
biens déterminés selon les usages et coutumes du milieu.
Il importe de relever que le payement desdites redevances est
parfois source des conflits entre les ayants droit, surtout lorsque ces
redevances sont payées par les personnes morales qui exploitent les
terres de communauté locale.
En effet, dans la conception coutumière kongo, la terre
appartient au clan et celui-ci est composé des lignées. Mais il
arrive de fois que certaines lignées se trouvent méconnues dans
le partage de la redevance coutumière d'où les conflits naissent
entre les lignées du même clan.
Mais aussi, les conflits fonciers peuvent naître entre
l'exploitant et les ayants droit suite au non payement de redevance
coutumière. Dans la majorité des cas, après une longue
période d'exploitation, l'exploitant refuse de remettre la terre aux
ayants droit fonciers en se basant sur les principes de la
règlementation foncière légale qui stipule que la terre
appartient à celui qui la met en valeur ;162 utilisant de
fois son influence politique ou financière.
En outre, l'on peut aussi noter un autre type d'entente
appliqué au petit exploitant (agriculture de survie) qui consiste pour
les deux parties, c'est-à-dire les ayants droit et l'exploitant, de se
partager les récoltes à moitié. Cette pratique est
récurrente dans les contrés Ndimbu de Mbanza-Ngungu, cela est
cristallisé par l'adage kongo : « Dia n'kala luta n'kala »,
c'est-à-dire récoltes une plate-bande et laisse à l'ayant
droit l'autre plante bande. Cependant, il importe de préciser que
l'exploitant devra préalablement enlever la partie de la récolte
qui compensera les dépenses engagées lors de l'exploitation et
c'est le reste de la récolte qui fera l'objet du partage
équitable.
45
§2. Les causes de conflits fonciers163
Ce paragraphe sera consacré à la vente des
terres (A), la croissance démographique (B), l'absence des mesures
d'application de la loi foncière (C), le manque de délimitation
correcte des terres coutumières (D), ensuite les contestations
privées des décisions judiciaires (E) et en fin les
mésententes entre les esclaves et les ayants droit foncier (F).
A. Vente des terres
La terre étant coutumièrement une
propriété collective appartenant aux vivants et aux morts et
à ceux à naître, personne ne peut aliéner seul la
terre.
Malheureusement, de nos jours, la terre est devenue un bien
fort recherché.164 La seule vente autorisée par la
coutume est la vente de droits d'usage et de jouissance. Un exploitant ayant
obtenu un droit d'usage sur une parcelle et y ayant fait une plantation peut
également céder son droit à un tiers.
La question de la vente du sol est délicate et cruciale
dans la mesure où elle n'est reconnue comme légitime, ni par la
loi, ni par les principes fondateurs de la coutume.
Force est cependant de constater qu'il existe une pratique de
vente de la terre attestée par des documents écrits et
signés à la fois par les parties et les autorités
coutumières. Cependant, les modalités de ces contrats sont
très peu détaillées et ne précisent pas toujours la
portée ni les limites de l'engagement ainsi souscrit.
La confusion demeure donc entre les ayants droit qui
considèrent avoir vendu un droit d'usage et les acquéreurs
pensant avoir acquis un droit de propriété. Les
interprétations divergent quant à savoir, est-ce que les
pratiques de vente reflètent une évolution de la coutume ou une
pratique contradictoire à la coutume ?
Il arrive de fois que la vente de la terre soit faite par le
chef du clan sans que ce dernier puisse obtenir au préalable
l'approbation de tous les membres du clan, mais aussi lorsqu'un membre du clan
procède à la vente de la terre sans le consentement de tous les
membres du clan ou de la lignée, c'est ce qui donne naissance à
des conflits fonciers.
163 Voir Annexes 3 et 4
164 Angahi KIANI KALUMBULA, Du dualisme juridique dans la gestion
du domaine foncier en République démocratique du Congo, UCG,
2002-2003, mémoire, inédit, p. 15
46
Parfois aussi, la terre qui a été vendue par
l'oncle et revendue à sa mort à d'autres personnes par ses
neveux.
B. Croissance démographique
Le fort taux de natalité occasionne de plus en plus la
croissance de la population sur une terre. Du coup, la terre à cultiver
devient de plus en plus rare et insuffisante pour répondre aux besoins
de la population toute entière.
L'agriculture traditionnelle avec sa pratique des feux de
brousse est à la base de l'appauvrissement de la terre, l'agriculture
moderne avec l'utilisation des engrais et pesticides, et les femmes
brûlent les herbes pour travailler leurs champs plus facilement, les
hommes mettent le feu à la brousse pour lever les rares gibiers, etc.
Cette continuelle destruction des réserves de matière organique
contribue de façon significative à la baisse de fertilité
et de la productivité de ces sols, en particulier ceux dont la fraction
argileuse est dominée par des minéraux du type
kaolinite.165
Ce qui pousse les hommes à convoiter les terres des
autres, suite à la dégradation de la qualité de leur
propre terre. Cette situation rend problématique le rapport entre les
hommes et la terre, ce qui génère des conflits. Ainsi,
l'agriculture est la principale activité, la terre étant minime,
les besoins de tous ces membres ne sont pas satisfaits. C'est ce qui
génère les conflits fonciers.166
C. Absence des mesures d'application de la loi
foncière
Le fait de déclarer les terres occupées par les
communautés locales, terres domaniales167 et sans la prendre
l'ordonnance annoncée par l'article 389 de la loi foncière pour
préciser les droits de jouissance des communautés locales,
crée un malaise certain dans les communautés locales, malaise
constaté dans l'occupation foncière.168
A ce sujet G. MATONDO relève que la réforme
foncière de 1973, ayant consacré l'appropriation étatique
de tout le sol congolais, les particuliers n'étant plus titulaires que
de concession perpétuelle (personnes physiques congolaises) ou ordinaire
( étrangers et personnes morales) a aboli le dualisme foncier entre le
droit
165 KALAMBAY, Cours de droit de l'environnement,
Université kongo, Faculté de droit, PUK, 2019-2020, p. 119,
inédit
166Jackson MUMBERE KINANGA, op.cit., p. 34
167 Article 387 de la loi foncière
168 LUZOLO SALAZAKU, Les causes des conflits fonciers dans la
commune de Mbanza-Ngungu, Faculté de droit, Université kongo,
Travail de fin de cycle, 2016-2017, p. 17
47
écrit et le droit coutumier, en rendant les terres
occupées par les communautés locales des terres domaniales.
169 Cependant, bien que théoriquement, la loi attribue la
propriété du sol à l'Etat, mais dans la pratique, les
communautés locales se comportent en véritables titulaires des
terres qu'elles occupent.170
Il paraît donc évident qu'il y a
nécessité d'un texte juridique règlementant les droits de
jouissance individuelle et collective sur les terres coutumières pour
mettre fin aux désordres et conflits fonciers observés dans les
milieux ruraux.
D. Manque de délimitation correcte des terres
coutumières
A l'origine, les limites des terres des communautés
locales étaient naturelles et elles correspondaient souvent à des
cours d'eau, ravins, arbre, colline, etc. La faiblesse de ces limites est que
parfois elles disparaissent au fil du temps, c'est le cas notamment des cours
d'eau qui peuvent sécher, des arbres qui peuvent être abattus et
le tout peut être couronné par le décès des voisins
limitrophes qui sont dépositaires authentiques de la tradition.
Cette situation est à la base de beaucoup de conflits
dans le territoire de Madimba et de Mbanza-Ngungu.
En effet, il existe plusieurs cas où l'on constate que
les membres d'un clan ou d'un village violent les limites séparant leur
domaine à celui du voisin, en allant cultiver ou abattre des arbres dans
ledit domaine.
E. Contestation privée des décisions
judiciaires
L'autorité de la chose jugée interdit aux
parties de porter en justice une affaire déjà jugée, sous
réserve qu'il s'agisse de la même demande, entre les mêmes
parties, agissant en les mêmes qualités, portant sur le même
objet, soutenue par la même cause. Une telle demande se heurtera à
une fin de non-recevoir tirée de la chose jugée.171
Il convient de noter que la violation de l'autorité de
la chose jugée par les parties constitue une des causes de conflits
fonciers. En effet, il est fréquent de constater que les conflits
fonciers ayant déjà fait l'objet d'un jugement coulé en
force
169 G. MATONDO, De la gestion conflictuelle du foncier à
Mbanza-Ngungu : entre droit moderne et droit coutumier, In Jean-Louis GERARD et
JUDITH le MARIE, op.cit, p. 98
170 V. KANGULUMBA MBAMBI, op.cit., p. 28
171 Serge GUINCHARD et Thiery DEBARD, op.cit., p.236
48
de chose jugée rebondissent, soit par la mauvaise foi
de la partie succombante, soit parce que la partie succombante estime que la
décision rendue ne reflète pas la réalité
historique.
Et pourtant devant les tribunaux coutumiers traditionnels, le
juge s'arrangeait à trouver tous les éléments de preuve de
façon à rendre un jugement définitif qui mettrait fin au
conflit. Et d'une manière générale, lorsqu'un jugement
était rendu, il n'y avait pas de recours parce que les justiciables
avaient confiance à ceux qui les jugeaient et les considéraient
comme les détenteurs de la coutume et de la sagesse. Cette confiance
réciproque existait entre les juges et les justiciables dans l'harmonie
de la communauté coutumière.172
F. Mésentente entre les esclaves et les ayants
droit fonciers
Comme actuellement, la terre fait l'objet d'un commerce
florissant, les ayants droit et leurs anciens esclaves y sont impliqués.
Mais ce commerce juteux devient source des mésententes entre les ayants
droit et les anciens esclaves. Cette mésentente est due notamment
à la mauvaise foi d'un ancien esclave qui réclame être le
vrai ayant droit173 de la terre de son ancien maître.
§3. Les conséquences de conflits fonciers
Nous pouvons situer les conséquences des conflits
fonciers en trois points : Ces conséquences sur le plan politique (A),
économique (B) et social (C).
A. Les conséquences sur le plan politique
Les sociétés africaines sont bâties sur un
modèle selon lequel tout individu considère son voisin comme un
frère. Le conflit foncier entraîne la contestation de
l'autorité établie dans la mesure où celui-ci est
ressortissant d'un clan rival. La terre est transformée à un
instrument des conflits au lieu qu'elle soit un moyen de
production.174
172 Jackson MUMBERE KINANGA, op. cit. , p. 19
173 - Soit par héritage de ses ancêtres ; - Soit la
première occupation ;
- Soit par donation ; mariage ; etc.
174 Philippe LAVIGNE DELVILLE, op.cit., p. 228
49
B. Les conséquences sur le plan
économique
Il est vraiment déplorable de voir le nombre des
dossiers des conflits fonciers qui inondent les tribunaux et pour lesquels, les
justiciables se plaignent sans cesse du caractère long et coûteux
de la procédure. Les paysans du territoire de Madimba et de
Mbanza-Ngungu n'ont pas encore compris que l'arrangement à l'amiable de
leurs différends serait moins coûteux que la saisine d'une
instance qui du reste, nécessite l'assistance d'un avocat pour mieux
comprendre le mécanisme judiciaire et qui parfois profite de l'ignorance
des justiciables pour le trainer et les abandonner aux mains des greffiers et
des magistrats pour les sucer d'avantage.175 Les paysans voient tout
investissement brulé en un clin d'oeil : les enfants n'étudient
plus, les champs de la famille sont vendus, les chèvres à
l'attente d'un jugement favorable.176
C. Les conséquences sur le plan social
La terre étant un des facteurs qui constituent une
nation. Celui-ci revêt une importance capitale dans la vie de l'homme et
de la société tant qu'elle est source de développement
économique.177
Et s'agissant des terres de communauté locale, il
convient de relever que ces terres-là constituent le domaine foncier de
jouissance et comprend des réserves des terres de cultures, de
jachère, de pâturage et parcours, et les boisements
utilisés régulièrement par la communauté
locale.178
Cependant, lorsqu'il y a une instance pendante devant une
juridiction, le juge ou les parties peuvent solliciter du tribunal la
suspension des travaux sur la terre querellée. Cette suspension
entraîne l'appauvrissement des parties, car ces dernières vivent
essentiellement de cette terre.
Ainsi, on peut constater que des grandes étendues de
terre sont inexploités parce qu'ils ont été frappés
d'un avant dire droit ordonnant la suspension des travaux.
175 KAHAMBA SEKERAVITI, Les répercussions des conflits
fonciers sur la vie sociale en chefferie des Baswagha, Travail de fin cycle,
Enacti, Butembo, 2007-2008, p. 28
176 MUTUNDYA KANDUKI, Les causes et sources des conflits
fonciers coutumiers et leurs impacts sur le développement en Territoire
de Lubero, Travail de fin de cycle, inédit, Enacti, Butembo, 2008-2009,
p. 27
177 KANGULUMBA MBAMBI, op.cit., p. 27
178 Article 18 alinéa 2 de la loi n°11/022 du 24
décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à
l'agriculture
50
Section 2. Les modes de résolution de conflits
fonciers
Au sein de chaque milieu, il existe des mécanismes de
résolution des conflits. Ces mécanismes apparaissent comme des
pistes de solutions soutenues pour préserver la cohésion et la
paix sociale.
Généralement, on classifie dans le processus de
l'arrangement à l'amiable : la conciliation, l'arbitrage, la palabre,
etc.
Mais il arrive également de fois que, pour résoudre
un conflit foncier les parties recours aux cours et tribunaux.
Ainsi la présente section sera consacrée à
l'étude des modes extrajudiciaires des résolutions de conflits
(§1), les modes judiciaires des résolutions de conflits (§2),
et enfin les infractions courantes liées au conflit foncier
(§3).
§1. Modes extra judicaires
Dans ce paragraphe nous traiterons les points relatifs
à la conciliation (A), à l'arbitrage (B), à la palabre (C)
et enfin, à la Commission consultative de règlement des conflits
coutumiers (D).
A. De la conciliation
Le lexique des termes juridiques définit la
conciliation comme étant la clause d'un contrat par laquelle les parties
s'engagent à tenter de trouver une solution amiable avec l'aide d'un
tiers dénommé conciliateur, dans l'hypothèse où un
différend surviendrait entre elles et à ne saisir le juge qu'en
cas d'échec de la tentative de conciliation.179
Mais au sens de l'arrêté ministériel
n° 006 CAB/ MIN/AFF-COUT/ GMP/AS/NMR/2017 modifiant et complétant
l'arrêté 004/CAB/MIN/AFF. COUT/2017 du 11 mars 2017 portant
création, composition, organisation et fonctionnement des commissions
consultatives de règlement des conflits coutumiers, on entend par
conciliation : la procédure par laquelle les autorités
coutumières parviennent à la résolution d'un conflit
coutumier avec l'accord des parties en conflit.180 Et cet accord est
sanctionné par un procès-verbal de conciliation.
179 Serge GUINCHARD et Thierry DEBARD, op.cit. , p. 488
180 Article 2 point 3 de l'arrêté
ministériel n° 006 CAB/ MIN/AFF-COUT/GMP/AS/NMR/ 2017 modifiant et
complétant l'arrêté 004/CAB/MIN/AFF-COUT/2017 du 11 mars
2017portant création, composition, organisation et fonctionnement des
commissions consultatives de règlement des conflits coutumiers
51
Ainsi, dans la pratique, lors de la conciliation, les parties
antagonistes sont réunies autour d'un chef du village. Ce dernier est
assisté des sages du village et d'un modérateur. Mais s'il s'agit
d'un cas de conflit foncier né au sein d'un clan, les parties en conflit
sont conciliées par leur chef du clan ainsi que toute personne ayant des
connaissances sur l'objet de conflit. 181 Ces derniers sont
entendues comme témoins afin d'éclairer la lanterne du chef du
clan. Comme le dit un adage kongo : « Nsinga kanda ninga wu ninganga,
kansi kawu tabukanga ko », cela signifie le fil de la famille peut se
rétrécir, mais ne peut se casser ou il peut y avoir de
différend dans la famille mais ce n'est pas pour cela que la famille
sera dissoute.
Dans l'immense majorité des cas, les conflits fonciers
en zone rurale sont réglés par les instances coutumières
qui ont l'avantage de la proximité et de l'efficacité, les
décisions coutumières étant largement respectées
malgré la remise en cause progressive croissante de leur
légitimité à ce jour.
Cependant, l'un des problèmes majeurs des instances
coutumières est le caractère ad hoc et inconsistant de leurs
décisions car, elles sont basées sur la négociation et le
compromis, elles ne reposent pas nécessairement sur les règles
intangibles. Les principes et les modes de règlements proposés en
matière de conflits fonciers peuvent fluctuer d'un village à un
autre en fonction du charisme des chefs et les rapports de force
locaux.182
B. L'arbitrage
Notons qu'ici, qu'il ne s'agit pas l'arbitrage prévu
dans le droit OHADA,183 car l'arbitrage en matière de conflit
coutumier est défini par l'arrêté du 1er juillet 2017
portant création, composition, organisation et fonctionnement
consultative de règlement des conflits coutumiers à son article 2
point 1, comme étant une procédure de règlement d'un
conflit coutumier par l'intermédiaire de la commission consultative
nationale, provinciale ou de secteur/chefferie.184
181 Propos recueillis lors de nos enquêtes auprès
du chef de groupement de Mbanza-Nsudi, Emmanuel LUSONGONIA, le 12 mai 2020
182 Adriana HERRERA et Maria GUGLIELMA DA PASSANO, Gestion
alternative des conflits fonciers, Organisation des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture, ROME, 2007, p. 26
183 Article 1 de l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage
du 11 mars 1999
184 Article 2 point 2 de l'arrêté
ministériel n° 006 CAB/ MIN/AFF-COUT/GMP/AS/NMR/ 2017 modifiant et
complétant l'arrêté 004/CAB/MIN/AFF-COUT/2017 du 11 mars
2017portant création, composition, organisation et fonctionnement des
commissions consultatives de règlement des conflits coutumier
52
Comme une juridiction que la volonté des parties
confère à des simples particuliers pour statuer sur une ou
plusieurs contestations qui les divisent.185 De cette
définition, il ressort que :
- L'arbitrage est un contrat qui exige la volonté de
toutes les parties ; - L'arbitrage suppose l'existence d'un différend,
d'une contestation.
L'arbitrage est donc un contrat par lequel les parties se
décident de soumettre leur contestation présente ou à
venir à un arbitre.186
L'arbitre doit être quelqu'un qui interprète les
faits et propose des solutions aux parties. Il peut rendre une sentence, il est
prévu que l'arbitrage des conflits fonciers doit se faire à la
chefferie ou au groupement dans lequel se trouve la terre litigieuse. Il sied
de rappeler qu'aucun conflit ne sera reçu au tribunal, si ce dernier n'a
pas encore été examiné par le conseil consultatif
provincial de l'agriculture qui est une instance de
conciliation.187
C'est le chef du village qui, entouré de ses notables
qui représentent en général, les grandes familles
terriennes, siège pour trouver une solution aux différents
problèmes fonciers. Les chefs de village n'ont pas d'autorité
socio-foncière proprement dite, mais ils peuvent jouir d'une
prééminence en termes de régulateurs de conflits. Dans
certains villages, le chef de terre est aussi le chef du
village.188
La caractéristique majeure des décisions
coutumières est de rechercher des solutions de compromis entre les
parties afin que chacune tire les avantages de la décision. Ceci vise
à limiter les humiliations ou ressentiments résultat de la
décision et à maintenir la cohésion sociale. C'est aussi
une façon d'assurer le respect de la décision.189
Lors d'un entretien avec le chef de groupement de
Mbanza-Nsudi, Monsieur Emmanuel LUSONGONIA, celui-ci nous a expliqué que
la décision doit toujours sauvegarder les intérêts des
parties en permettant à chacune d'elles de garder une portion du terrain
litigieux.190
185 Jackson MUMBERE KINANGA, op.cit. , p. 20
186 Jackson MUMBERE KINANGA, op.cit. , p. 20
187 Article 26 de la loi n°11/022 du 24 décembre 2011
portant principes fondamentaux relatifs à l'agriculture
188 Adriana HERRERA et Maria GUGLIELMA DA PASSANO, op. cit, p.
25
189 Adriana HERRERA et Maria GUGLIELMA DA PASSANO, op. cit., p.
26
190 Propos recueillis lors de nos enquêtes à
Mbanza-Nsudi, le 12 mai 2020
53
C. La palabre
Une palabre est comprise comme une instance coutumière
qui traite d'une situation conflictuelle ou d'un problème de grande
importance concernant des personnes ou plusieurs groupes et ayant comme
objectif principal, non pas la condamnation ou à donner raison à
l'un ou l'autre mais de rétablir l'harmonie des rapports
sociaux.191
La procédure peut prendre plusieurs jours, elle se
prépare et se déroule minutieusement, en ce sens que les
personnes composant le jury prennent le temps de convaincre les parties
d'accepter la solution donnée par les sages.192
A l'issu de la palabre, l'adhésion des parties au
conflit et l'assistance est souvent acquise d'autant que la procédure
prend généralement fin par une conciliation marquée par un
geste symbolique : partage d'un repas, d'un verre, etc. de tout signe de
rétablissement de la paix et de l'harmonie.193
D'ailleurs, à l'issu de nos enquêtes nous sommes
tombé sur un cas pratique où on a fait recours à ce mode
de résolution des conflits :
En effet, un conflit de limite des terres opposa le clan
Ntumba-Mvemba au clan Kiangala na Nsudi.
Pour mettre fin à ce conflit, le chef de secteur avec
les sages du village de Ngeba, les avaient invités dans une palabre.
Comme toute instance judiciaire chaque partie avait exposé ses
prétentions devant les sages du village. Celles entendues, le jury a
proposé d'effectuer une descente sur terrain enfin de mieux comprendre
le noeud du problème.
Après cette descente, le jury a proposé de
diviser en deux les cinquante mètres querellés, avec la
volonté des parties de mettre fin au litige par la conciliation,
procédure marquée par un geste symbolique. Les parties avaient
été recommandées d'apporter le vin de palme et de noix de
cola en signe de rétablissement de la paix et de l'harmonie entre les
parties.194
191 X, Les conflits fonciers en Ituri, de l'imposition
à la consolidation de la paix, RCN, justice et démocratie,
2009, p. 22
192 Registre des principes coutumiers régissant la terre
en chefferie de Baswanga, p. 3
193 Registre des principes coutumiers régissant la terre
en chefferie de Baswhanga, p. 10
194 Chef de secteur de Ngeba, propos recueillis lors de nos
enquêtes
54
D. La Commission consultative de règlement des
conflits coutumiers
La commission consultative de règlement des conflits
coutumiers règle les conflits coutumiers par voie de conciliation, de
médiation ou d'arbitrage et rend une sentence.195
Elle a pour mission :
- Apporter appui-conseil au règlement des conflits
coutumiers ;
- Mener des actions d'information, d'éducation et de
communications ;
- Enquêter sur la matière faisant l'objet de conflit
;
- Donner avis conformément aux us et coutumes ;
- Veiller au respect des valeurs traditionnelles, à la
cohésion nationale, à
la solidarité et à la paix sociale entre les
communautés ;
- Arbitrer les conflits coutumiers.196
Lorsqu'un conflit porte sur un fonds qui est à cheval
sur deux ou plusieurs entités coutumières, les autorités
exécutives concernées mettent en place un comité paritaire
composé des représentants des membres de leurs commissions
consultatives en vue du règlement de ce conflit. Et à l'issue du
règlement, un procès-verbal sera adressé.197
Mais il arrive que l'une des parties ou le deux ne soient pas
d'accord de la décision prise par l'autorité coutumière.
Elle porte donc l'affaire devant le juge judiciaire ou si l'une des parties
s'en tête en posant des actes qui vont à l'encontre de la
décision prise, alors son adversaire se résout à saisir
les instances judiciaires.
195 Article 12 de l'arrêté ministériel
n° 006 CAB/ MIN/AFF-COUT/GMP/AS/NMR/ 2017 modifiant et complétant
l'arrêté 004/CAB/MIN/AFF-COUT/2017 du 11 mars 2017portant
création, composition, organisation et fonctionnement des commissions
consultatives de règlement des conflits coutumiers
196 Article 11 de l'arrêté ministériel
n° 006 CAB/ MIN/AFF-COUT/GMP/AS/NMR/ 2017 modifiant et complétant
l'arrêté 004/CAB/MIN/AFF-COUT/2017 du 11 mars 2017portant
création, composition, organisation et fonctionnement des commissions
consultatives de règlement des conflits coutumiers
197 Article 17 de l'arrêté ministériel
n° 006 CAB/ MIN/AFF-COUT/GMP/AS/NMR/ 2017 modifiant et complétant
l'arrêté 004/CAB/MIN/AFF-COUT/2017 du 11 mars 2017portant
création, composition, organisation et fonctionnement des commissions
consultatives de règlement des conflits coutumiers
55
§2. Modes judiciaires de résolutions de
conflits
Les litiges peuvent être de diverses natures, mais
principalement ils sont pénaux et civils. De ce fait, ils sont
portés devant les juridictions de droit commun. A. Les
juridictions compétentes à la matière
Les tribunaux en matière foncière sont ceux de
droit commun et qui obéissent aux mêmes règles des
compétences. Les compétences en matière civiles sont
essentiellement réparties entre le tribunal de paix et le tribunal de
grande instance, la cour d'appel et la cour de cassation ne connaissent que les
affaires sur recours en annulation.
Ainsi nous allons principalement analyser les
compétences civiles et répressives du tribunal de paix et du
tribunal de grande instance.
1. Les tribunaux civils
Dans ce point, nous examinerons la compétence
matérielle du tribunal de paix (a) et du tribunal de grande instance (b)
en matière civile.
a. Le tribunal de paix
De la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l'ordre
judiciaire à son article 110 alinéa 2 dispose : « Les
tribunaux de paix connaissent de toutes les autres constatations susceptibles
d'évaluation pour autant que leur valeur ne dépasse pas deux
millions cinq cent mille francs congolais ».198
L'analyse de cet alinéa élargit les
compétences du tribunal sans citer nommément les types des
conflits que celle-ci doit connaître. Contrairement à
l'alinéa premier du même article qui limite la compétence
dudit tribunal seulement aux constatations qui portent sur les droits de la
famille, les libéralités et les conflits fonciers individuels et
collectifs régis par la coutume, l'alinéa 2 étend la
compétence du tribunal aux litiges dont la valeur en argent ne
dépasse pas deux millions cinq cent mille francs congolais. Cet
alinéa exclut de la compétence du tribunal de paix, les conflits
fonciers régis par le droit écrit, on cite par-là les
concessions perpétuelles et ordinaires prévues par la loi
foncière de 1973 mais aussi, les terres du domaine public de
l'Etat.199Ainsi, au premier degré, les parties portent
principalement leur litige
198 Article 110 alinéa2 de loi n°13/011-B du 11
avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétence des
juridictions de l'ordre judiciaire
199 LUZOLO BAMBI LESSA, Cours d'organisation et
compétence judiciaire, UNIKIS, Faculté de droit, 2004-2005, p.
100, inédit
56
portant sur un conflit foncier individuel ou collectif devant
le tribunal de paix. Dans ce cas, les prétentions peuvent être
notamment : violation de la tradition, 200 méconnaissance de
l'appartenance coutumière dans le clan.201
b. Le tribunal de grande instance
Le tribunal de grande instance est compétent pour
connaître des toutes les constatations ne relevant pas du tribunal de
paix.202
Cette disposition inclut toutes les constatations qui ne
relèvent pas du tribunal de paix, c'est-à-dire toutes les
dispositions dont la valeur excède deux million cinq cent mille francs
congolais.
Il convient de signaler que le tribunal de grande instance
connaît en appel de toutes les décisions rendues par le tribunal
de paix.203
En outre, aux termes de la loi foncière, les
décisions du conservateur des titres immobiliers peuvent être
attaquées par un recours devant le tribunal de grande instance. Le
recours est introduit par voie d'assignation du fonctionnaire dans les formes
de la procédure civile.204
En effet, comme dit précédemment, en
matière civile, les litiges fonciers coutumiers qui opposent les parties
litigantes relèvent au premier degré de la compétence
matérielle du tribunal de paix. Et pour trancher ce conflit, le juge
fait souvent recours à la coutume pour motiver sa décision
à travers des adages kongo.
D'où les adages kongo : - « Nkanu ye mbangi
kinkuinka », c'est-à-dire, le procès avec témoins,
c'est une chose à laquelle on peut croire ; à partir des
témoignages dignes de foi, on peut rendre une justice
équitable.205 En ce sens, il a été jugé
par le tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu que : « Qu'en coutume
mukongo, il est de principe que les conflits claniques ne peuvent mieux se
résoudre
200 C'est le cas d'un esclave qui veut s'accaparer de la terre de
son maitre
201 C'est le cas d'un enfant à qui sa famille maternelle
lui dénie cette qualité d'ayant droit
202 Article 112 de loi n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l'ordre
judiciaire
203 Article 114 de loi n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l'ordre
judiciaire
204 Jackson MUMBERE KINANGA, op.cit., p.48
205Joseph LUBAMBA BIIKOKI, Les proverbes
juridiques kongo, Kinshasa, MEDIASPAUL, p.19
57
que par les dépositaires des propres membres du clan ou
soit par les membres des clans limitrophes ».206
A contrario, il y a le proverbe kongo : « Nkanu ukonda
mbangi, ufua », c'est-à-dire, une accusation sans témoins ne
vaut rien.
- « Muntu kua sumba ko, mfumu yaku »,
c'est-à-dire, celui qui n'est pas votre esclave est chef comme vous. En
vertu de ce principe, il a été jugé par le Tribunal de
paix de Mbanza-Ngungu :
- « Etant donné entre le demandeur et le
défendeur, personne n'est esclave de l'autre, personne ne peut par voie
de conséquence chasser l'autre du village Kiwonso II
».207
Dans le même sens, ce tribunal a également
jugé :
- « Le tribunal estime que n'ayant pas acheté la
demanderesse à Sadi, le défendeur doit savoir qu'il est ayant
droit de cette terre au même titre que celle-là,
considérant surtout le fait que les deux avaient été
affranchis par le même ancêtre et personne ne peut faire partir
l'autre de la même terre ».208
En application de l'adage : « Mvia sutu kayi zenguanga
nzengua zole ko », c'est-à-dire, le pénis n'est jamais
circoncis par deux fois ou ce qui est déjà jugé ne peut
plus être revu. En vertu de cet adage, il a été jugé
par le tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu :
- « Les deux parties de la présente cause ont
été en procès dans la cause sous RR 44/1999-RTS 30/2000
autour de la même terre de Kinsunsu et à l'issue de ce
procès, par son jugement du 30 août 2000, le tribunal de secteur
de Kivulu a reconnu la qualité d'ayant droit de ladite terre à
l'actuel défendeur. Ledit jugement, n'ayant fait l'objet d'un quelconque
recours, le bénéfice d'une présomption irréfragable
et ne peut être contesté : Res judicata pro veritate habetur
».209
Aussi le tribunal de Songongolo a fait application du
même adage n
décidant :
206Tribunal de grande instance de Mbanza-Ngungu, R.A.
1514/ 1340 du O2 mai 2003, in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p. 27
207Tribunal de paix de Mbanza-Ngungu, R 012, 7
février 2003, in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p.98 208Tribunal
de paix de Mbanza-Ngungu, R 141, 15 avril 2005, idem
209Tribunal de paix de Mbanza-Ngungu, R 165, 9
février 2005, in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p.99
58
- « Le tribunal constate qu'effectivement les mêmes
parties ont comparu pour les mêmes faits sous le R 096 où le
jugement rendu a confirmé le défendeur comme étant du clan
Mazinga du village Mpangu. Au lieu d'attaquer cette décision, le
demandeur a préféré initier une nouvelle action portant
sur le même objet que dans la cause sous R n°096.
En vue d'éviter la contrariété entre les
décisions judiciaires, le tribunal de céans confirmera simplement
le dispositif de ce premier jugement, car, l'on ne peut pas se prononcer
à deux reprises pour les mêmes faits ».210
2. Les juridictions
répressives
Les conflits fonciers dans un bien des cas entraînent la
commission des infractions qui sont portées, soit devant le tribunal de
paix, soit devant le tribunal de grande instance.
a. Le tribunal de paix
Le tribunal de paix en matière répressive est
compétent pour connaître de toutes les infractions punissables de
cinq ans au maximum de servitude pénale principale et d'une peine
d'amende, quel que soit son taux, ou de l'une de ces peines
seulement.211
Ce qui revient à dire qu'une violation des droits
fonciers dont les peines sont inférieures à cinq ans de servitude
pénale principale sont de la compétence du tribunal de paix, tel
est le cas des infractions prévues aux articles 205 et 207 de la loi
foncière.
En effet, la loi foncière dispose :
- Il sera passible d'une peine de 6 mois à 5ans et
d'une peine ces peines seulement. L'autorité qui aura conclu au nom de
la personne publique, propriétaire, un contrat nul ; le fonctionnaire
qui aura dressé un certificat d'enregistrement en vertu d'un tel
contrat.
- Sera passible d'une peine de 2 à 5 ans et d'une
amende de 100 à 300 zaïres ou d'une de ces peines seulement.
210Tribunal de paix de Songololo, R 187, 27 août
2001, in Odon NSUMBU KABU, op.cit., p.100
211 Article 85 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril
2013 portant organisation, fonctionnement et compétence des juridictions
de l'ordre judiciaire
59
Toute personne qui, par contrainte, menace ou toute autre
personne aura obligé fonctionnaire de l'administration du domaine ou des
titres immobiliers à agir en violation des dispositions de la
présente loi.
Nul ne peut construire ou réaliser n'importe autre
entreprise sur une terre concédée en vertu d'un contrat
frappé de nullité. Toute infraction à la disposition qui
précède sera punie d'une servitude pénale de deux mois
à un an et d'une amende de 100 à 500 Zaïres ou d'une de ces
peines seulement.212
Tout acte d'usage ou de jouissance d'une terre quelconque qui
ne trouve pas son titre dans la loi constitue une infraction punissable d'une
peine de deux à six mois de servitude pénale et d'une amende de
50 à 500 zaïres ou d'une de ces peines seulement.213
Les co-auteurs et complices de cette infraction seront punis
conformément au prescrit des articles 21 et 22 du code pénal
congolais livre I.
b. Le tribunal de grande instance
Le tribunal de grande instance est compétent pour toute
infraction punissable d'une peine de mort et de celle punissable d'une peine de
servitude pénale principale de plus de cinq ans.214
Certaines infractions qui rentrent dans la compétence
de ce tribunal sont portées devant lui suite à des conflits
fonciers. D'où on peut citer : le meurtre, l'assassinat,
l'extorsion, la rébellion, stellionat, occupation
illégale des terres, destruction méchante des cultures, etc.
§3. Présentation des infractions courantes et
interprétation
Comme dit précédemment, les conflits fonciers
dans un bien des cas entraînent à la commission des
infractions.
D'où, nous ferons un tableau synoptique afin de
démontrer les infractions courantes qui ont comme soubassement les
conflits fonciers.
212 Article 206 de la loi foncière
213 Article 207 de la loi foncière
214 KATUALA KABA KASHALA, op.cit., p. 38
60
A. Territoire de Madimba
1. Présentation des infractions
courantes
INFRACTIONS COURANTES AUX CONFLITS
FONCIERS
|
ANNEES
|
TOTAL
|
POURCENTAGE
%
|
2015
|
2016
|
2017
|
2018
|
2019
|
Occupation illégale des terres
|
11
|
8
|
4
|
4
|
3
|
30
|
11,1
|
Stellionat
|
3
|
6
|
2
|
3
|
0
|
14
|
5,1
|
Destruction méchante des
cultures
|
10
|
4
|
6
|
5
|
4
|
29
|
10,7
|
Autres infractions
|
49
|
33
|
6
|
1O9
|
6
|
197
|
72,9
|
Source : Tribunal de paix de Madimba
2. Interprétation des
données
Sur un total général de 270 infractions
examinées par le tribunal de paix de Madimba relativement en sa
compétence matérielle :
- 30 infractions (soit 11,1%) sont constituées par
l'occupation illégale des terres ; - 14 infractions (soit 5,1%) de
stellionat ;
- 29 infractions (soit 10,7%) de destruction méchante des
cultures.
Les autres infractions dans l'ensemble n'occupent qu'une
différence de 197 infractions (soit 72,9%) sur une totale
générale de 270 infractions.
Nous avons constaté que les conflits fonciers
évoluent progressivement avec le temps. D'ailleurs, ces résultats
pourraient s'élever davantage si tous les cas infractionnels pouvaient
être déclarés devant cette juridiction. Car, rappelons ici
que le chiffre noir de la criminalité englobe les cas qui
échappent aux juridictions compétentes.
Par ailleurs, il convient de noter que les principales
infractions portées devant les juridictions sont :
- Escroquerie ;
- Arrestation arbitraire ; - Abus de confiance ; - Vol simple.
61
Dans cette catégorie, nous nous servons de ces
infractions à titre illustratif, car il y a bien d'autres qui ont
été traitées par le tribunal de paix de Madimba
relativement à sa compétence matérielle.
B. Territoire de Mbanza-Ngungu
1. Présentation des infractions
courantes
INFRACTIONS COURANTES AUX CONFLITS
FONCIERS
|
ANNEES
|
TOTAL
|
POURCENTAGE
%
|
|
2016
|
2017
|
2018
|
2019
|
|
12
|
9
|
8
|
8
|
8
|
45
|
49,4%
|
Stellionat
|
6
|
3
|
2
|
2
|
0
|
13
|
14,3%
|
Destruction méchante des
cultures
|
9
|
6
|
7
|
6
|
5
|
33
|
36,3%
|
|
Source : Tribunal de paix de Mbanza-Ngungu
2. Interprétation des
données
Sur un total général de 91 infractions
examinées par le tribunal de paix de Mbanza-Ngungu relativement en sa
compétence matérielle :
- 45 infractions (soit 49,4%) sont constituées par
l'occupation illégale des terres ; - 13 infractions (soit 14,3%) de
stellionat ;
- 33 infractions (soit 36,3%) de destruction méchante des
cultures.
A la lumière de ce qui précède, il
convient de relever qu'il existe une dualité entre le droit écrit
et le droit coutumier.
D'ailleurs, le législateur en légiférant
sur la matière foncière entend mettre un terme à une
situation équivoque qui peut être
créée.215Mais le constat en est que les conflits
fonciers augmentent plutôt que de diminuer.
En effets, la loi foncière ne définit
pratiquement pas les droits de jouissance sur les terres de communautés
locales, lesquels droits étaient prévus pour être
réglés par une ordonnance du Président de la
République. Ainsi la jurisprudence de la Cour suprême de justice
qui indique qu'en vertu de la loi foncière, le droit de jouissance sur
les terres occupées par les communautés locales sont
régies par le droit coutumier en attendant leur réglementation
par l'ordonnance présidentielle.216
215 KALULE PILIPILI(D), Résolution extrajudiciaire des
conflits fonciers en Territoire de Masisi, mémoire
édictée, UNIKIS, 2009 - 2010, p. 17
216 KALULE PILIPILI(D), op.cit., p. 17
62
La conséquence est que l'accès et le
contrôle de la terre dépend à la fois du droit écrit
et du droit coutumier. D'une part, les nouveaux acteurs utilisent la loi
foncière pour se partager et occuper légalement ou
régulièrement la terre, d'autre part, les acteurs usent de la
coutume pour acquérir un fonds.
D'où un dualisme qui provoque une
insécurité générale dans le milieu rural. La loi
foncière a créé une grande distance entre les
autorités foncières et la masse paysanne. La majorité des
paysans ne disposent pas des moyens nécessaires pour mener à
bonne fin un dossier permettant l'obtention d'un titre foncier.
La complexité créée par ce vide inconnu
dans la coutume démontre une certaine polarisation du pouvoir foncier
dans la hiérarchie administrative supérieure qui se trouve
à la base de l'ordre foncier.
Le vide permet aux autorités administratives
d'intervenir dans la procédure d'enquête préalable d'octroi
des terres.217
217 H. OUERAOGO, Etude comparative de la mise en oeuvre des
plans fonciers ruraux en Afrique de l'ouest, In Etudes juridiques de FAO,
janvier 2005, p. 6
63
CONCLUSION
A l'issu de cette étude qui a porté sur la
coutume kongo face aux conflits fonciers et qui était articulée
autour des questions suivantes : pourquoi tant des conflits fonciers relatifs
aux terres des communautés locales sont portés devant les
tribunaux de Madimba et Mbanza-Ngungu ?, quelles en sont les
conséquences ? Et comment éradiquer ces conflits fonciers ?
Il importe de relever que dans la conception traditionnelle,
la terre appartient aux ancêtres et leurs descendants peuvent en jouir
librement.
Mais malgré les principes coutumiers qui font de la
terre un bien inaliénable, des pratiques se sont
développées consistant dans des ventes des terres. Ces pratiques
sont le résultat de la pression de politiques foncières visant
à faciliter à des personnes étrangères
l'accès à la terre des communautés locales pour
l'exploitation de ces terres. Mais aussi cette pratique de vente des terres est
due à la pauvreté des populations rurales et à d'autres
circonstances auxquelles les chefs coutumiers font face.
En effet, afin de permettre au chef coutumier à mieux
exercer leurs fonctions, la loi n°15/015 du 25 août 2015 fixant le
statut des chefs coutumiers lui reconnaît le droit à une
rémunération décente, aux frais de représentation
et autres dus aux animateurs des entités territoriales.218
Par ailleurs, il a droit aux avantages ci-après :
- les frais à l'occasion des cérémonies
officielles ou de son installation par l'administration ;
- les soins de santé et les frais funéraires pour
lui, son conjoint et ses enfants à charge ;
- le transfèrement par les pouvoirs publics, en cas de
décès en dehors de sa juridiction, de sa dépouille
mortelle au chef-lieu de son entité.219
Mais malheureusement, ces avantages ne leur sont pas
alloués telle que prévu par la loi et cela expose ces derniers
à la précarité et à des pratiques
illégales.
218 Article 19 de la loi n°15/015 du 25 août 2015
fixant le statut des chefs coutumiers
219 Article 20 de la loi n°15/015 du 25 août 2015
fixant le statut des chefs coutumiers
64
Cependant, force est de relever que les conflits fonciers sont
aussi dus à la mésentente entre les ayants droit fonciers et les
familles qu'ils ont accueillis par solidarité africaine, ainsi que
celles qu'ils ont acquis il y a fort longtemps comme esclave.
Cette situation met en évidence l'intérêt
juridique qu'il faut accorder à la jouissance foncière
coutumière dans la perspective de résolution de la crise
foncière en République démocratique du Congo. Cette crise
s'analyse non seulement comme l'existence d'innombrables contestations portant
sur les terres mais aussi et surtout comme l'inaptitude de notre droit positif
à régir efficacement ces litiges. On s'accorde
généralement à dire que cette situation résulte de
la duplicité des règles foncières dans notre pays, d'une
part, les règles foncières relevant des lois écrites, et
d'autre part, les droits fonciers en vertu de la coutume et usages
locaux.220
Mais les règles foncières coutumières
varient d'une communauté à une autre, d'une culture à une
autre.
Ainsi, à la lumière de ce qui
précède, nous préconisons ce qui suit :
- Il faut que le gouvernement vulgarise la loi foncière
dans les milieux ruraux à travers des séminaires, des
émissions radiotélévisées, colloques, etc. afin de
mettre fin à cette conception erronée de l'appréciation de
la terre des communautés locales par les ancêtres et que les
ayants droit d'en disposer comme ils entendent ;
- Il faut que le Président de la République
détermine les droits de jouissance des communautés locales en
prenant une ordonnance telle que promis par l'article 389 de la loi
foncière afin d'éradiquer cette dualité qui existe entre
le droit écrit et le droit coutumier ;
- La commission consultative de règlement des conflits
coutumiers doit exercer sa mission conformément à
l'arrêté ministériel n° O66 CAB/MIN/AFF.COUT
/GMP/NMR/2017 modifiant et complétant l'arrêté
OO4/CAB/MIN/AFF-COUT/2017 du 11 mars 2017 portant création, composition,
organisation et fonctionnement des commissions consultatives de
règlement des conflits fonciers, et de cesser avec des pratiques qui
vont à l'encontre de sa mission (faire croire aux villageois qu'elle est
habitée à rendre un jugement opposable à tous ; demander
des amendes, etc.) ;
220 NSOLOSHI, « statut et protection juridique des droits
fonciers en vertu de coutume et de usage locaux en RDC », pp. 11-13, in
article Nsoloshi 2ème année, n°4 vol.2, janvier
2013
65
Pour ce faire, ils doivent bénéficier des
formations approfondies sur la question foncière afin de mieux concilier
les différends des parties.
- Le respect de droit et des avantages dus aux chefs
coutumiers pour que ces derniers puissent exercer leur travail à toute
honnêteté.
Par ailleurs, comme le dit le principe de droit : « Un
mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès », ainsi les
parties doivent prioriser la voie extrajudiciaire pour un arrangement à
l'amiable au lieu d'aller s'éterniser devant les cours et tribunaux, en
procédant à des ventes des terres pour alimenter des
procès.
66
ANNEXES
67
ANNEXE 1 : Territoire de Madimba
Pour mieux illustrer la situation en présence, nous
avons présenté un échantillon représentatif de
toutes les couches sociales (tableau 1) et par la suite, leur conception sur
l'appropriation de la terre et les causes des conflits (tableau 2) et enfin, le
tableau sur la vente des terres (tableau 3).
1. Tableau représentatif de
l'échantillon.
VARIABLES
|
MODALITES
|
EFFECTIFS
|
POUCENTAGE
|
|
Masculin
|
19
|
57,6 %
|
Genre
|
Féminin
|
14
|
42,4%
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
Célibataire
|
10
|
30,3 %
|
Etat civil
|
Marié
|
23
|
69,7 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
Autorité coutumière
|
5
|
15,2 %
|
Profession
|
Agriculteurs
|
22
|
66,6 %
|
|
Opérateurs économiques
|
6
|
18,2 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
Primaire
|
4
|
12,2 %
|
Etude
|
Secondaire
|
8
|
24,3 %
|
|
Humanité
|
19
|
57,6 %
|
|
Université
|
2
|
6 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
Ngeba
|
11
|
33,3%
|
Village
|
Mbanza-nsudi
|
11
|
33,3%
|
|
Kimpanda
|
11
|
33,3%
|
|
Total
|
33
|
100%
|
Source : Notre propre enquête
Trente-trois personnes ont été
enquêtées dans le territoire de Madimba, soit dix-neuf hommes et
quatorze femmes. Parmi elles, figurent dix célibataires et vingt-trois
mariés. Sur les trente-trois personnes l'on compte cinq autorités
coutumières, vingt-deux agriculteurs et six opérateurs
économiques.
Par ailleurs, quatre personnes parmi elles ont fait des
études primaires, huit études secondaires, dix-neuf études
humanitaires à coté de deux autres qui ont fait des études
supérieures. Pour terminer, trois villages ont constitués
l'échantillon de notre enquête, il s'agit des villages
ci-après : Ngeba, Mbanza-Nsundi, Kimpanda et nous avons respectivement
enquêtés onze personnes par village.
68
2. Tableau représentatif de la conception de
l'appropriation de la terre et des causes de conflits
CARACTERES
|
MODALITES
|
EFFECTIFS
|
POURCENTAGE
|
Pour vous qui est le véritable
|
a. L'Etat
|
13
|
39,4 %
|
propriétaire du sol et du sous-sol
|
b. Les ancêtres
|
14
|
42,4 %
|
|
c. Les vivants
|
6
|
18,2 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Suivant votre coutume quelles
|
a. Héritage
|
24
|
72,7 %
|
sont les différentes modalités
|
b. Achat
|
7
|
21,2 %
|
|
d'acquisition de la terre
|
c. Par alliance
|
2
|
6,2 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Il est permis de vendre la terre
|
OUI
|
3
|
10 %
|
dans notre coutume
|
NON
|
30
|
90 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
a. Ayants droit
|
30
|
90 %
|
Qui vend la terre
|
b. Chef coutumier
|
3
|
10 %
|
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Tenez-vous à la protection des
|
OUI
|
33
|
100 %
|
droits des générations futures
|
NON
|
0
|
0 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Existe-il des conflits fonciers dans
|
OUI
|
33
|
100 %
|
votre village
|
NON
|
0
|
0%
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Quelles sont les types conflits
fonciers qui existent
|
a. Limite des terres
b. Occupation
|
30
|
90 %
|
|
illégale
|
3
|
10 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Quelles sont les causes de ces
|
a. Vente des terres
|
20
|
60,6 %
|
conflits fonciers
|
b. Mésentente
c. Croissance
|
10
|
30,3 %
|
|
Démographique
|
3
|
9,1 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Qui sont les acteurs de ces
|
a. Les esclaves
|
33
|
100 %
|
conflits fonciers
|
b. Les ayants droits
|
0
|
0 %
|
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Source : Notre propre enquête
A la lumière de nos enquêtes menées sur
terrain, il se dégage que dans la conception la plus rependue dans le
milieu rural, la terre est considérée comme appartenant aux
ancêtres, soit 42,4% de la population interrogée
considèrent les
69
ancêtres comme les véritables
propriétaires de la terre, d'ailleurs, 72,7% des terres sont acquis par
l'héritage.
Ainsi, dans le territoire de Madimba, 90% de la population
enquêtée reconnaissent que la terre appartient aux ancêtres
et ne peut par conséquent être vendue. Cependant, 100% des
enquêtés reconnaissent l'existence des conflits fonciers dans
leurs villages et ont souvent pour origine : la vente des terres (soit
60,6%).
Dans le même ordre d'idée, 100% des
enquêtés reconnaissent la protection des droits des
générations futures. Cependant, 90% de la population
enquêtée affirme que les ayants droit foncier procèdent
à la vente de la terre, 100% des enquêtés reconnaissent que
les conflits des limites des terres sont les plus courants dans leurs villages
et que ce sont les anciens esclaves qui en sont auteurs, soit 100% de la
population enquêtée l'affirme.
Tableau 3. Vente des terres par
village
VILLAGE
|
Est-il permis de vendre la terre dans la coutume
?
|
Total des enquêtés
par village
|
Oui
|
Non
|
Ngeba
|
3
|
8
|
11
|
Mbanza-nsudi
|
0
|
11
|
11
|
Kimpanda
|
0
|
11
|
11
|
Total
|
3
|
30
|
33
|
Source : Notre propre enquête
A la lumière des résultats de nos enquêtes
menées sur terrain, il ressort que la vente de la terre est formellement
prohibée dans les villages de Mbanza-Nsundi et Kimpanda. Par contre,
nous constatons que cette pratique est permise dans le village Ngeba.
70
Graphique sur le véritable propriétaire
du sol et du sous-sol selon les personnes enquêtées
|
L'Etat
Les ancêtres Les vivants
|
A la lumière de ce qui précède, il se
dégage que dans la conception la plus répandue, dans le milieu
enquêté que la terre est considérée
premièrement comme étant la propriété des
ancêtres et cette conception reporte 45,5% de la conception
générale, alors que l'Etat qui le suit n'occupe que 39,4% et
enfin les vivants avec 18,2%.
71
ANNEXE 2 : Territoire de Mbanza-Ngungu
Comme pour le cas de territoire de Madimba, nous allons
présenter un échantillon représentatif de toutes les
couches sociales (tableau 1) et ensuite la conception des enquêtés
sur l'appropriation de la terre et les causes de conflits dans le territoire de
Mbanza-Ngungu (tableau 2) et enfin, nous présenterons un tableau sur la
vente des terres (tableau 3).
1. Tableau représentatif de
l'échantillon
VARIABLES
|
MODALITES
|
EFFECTIFS
|
POUCENTAGE
|
|
Masculin
|
20
|
60,6 %
|
Genre
|
Féminin
|
13
|
39,4 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
Célibataire
|
10
|
30,3 %
|
Etat civil
|
Marié
|
23
|
69,7 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
Ayants droit
|
3
|
9,1 %
|
Profession
|
Agriculteurs
|
12
|
21,2 %
|
|
Opérateurs économiques
|
8
|
57,6 %
|
|
Enseignants
|
10
|
12,1 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
Primaire
|
3
|
9,1 %
|
Etude
|
Secondaire
|
7
|
21,2 %
|
|
Humanité
|
19
|
57,6 %
|
|
Université
|
4
|
12,1 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
Mbamba
|
11
|
33,3 %
|
Village
|
Mpeté
|
11
|
33,3 %
|
|
Loma
|
11
|
33,3 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Source : Notre propre enquête
Trente-trois personnes ont constitué notre
échantillon d'enquête dans le territoire de Mbanza-Ngungu. Parmi
lesquelles on compte vingt hommes et treize femmes, dont dix
célibataires et vingt-trois mariées. Sur trente-trois personnes
se trouvaient trois ayants droit fonciers, douze agriculteurs, huit
opérateurs économiques et dix enseignants. Par ailleurs, trois
personnes ont fait des études primaires, sept des études
secondaires, dix-neuf des études humanitaires et quatre les
études supérieures.
72
Pour terminer, trois villages ont constitué
l'échantillon de notre enquête. Ces villages sont : Mbamba, Mpete
et Loma. Pour ce faire, nous avons enquêté onze personnes par
village.
2. Tableau représentatif de la conception de
l'appropriation de la terre et des causes de conflits
CARACTERES
|
MODALITES
|
EFFECTIFS
|
POURCENTAGE
|
|
a. L'Etat
|
11
|
33,3 %
|
Pour vous qui est le
|
b. Les ancêtres
|
15
|
45,5 %
|
véritable propriétaire du sol et du sous-sol
|
c. Les vivants
|
7
|
21,2 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Suivant votre coutume
|
a. Héritage
|
24
|
72,7 %
|
quelles sont les différentes
|
b. Achat
|
8
|
24,3 %
|
modalités d'acquisition de la
|
c. Par alliance
|
1
|
3 %
|
terre
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
OUI
|
8
|
24,3 %
|
Il est permis de vendre la terre dans notre coutume
|
NON
|
25
|
75,7 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
a. Ayants droit
|
24
|
72,7 %
|
Qui vend la terre
|
b. Chef coutumier
|
9
|
27,3 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Tenez-vous compte de la
|
OUI
|
33
|
100 %
|
protection des droits des
|
NON
|
0
|
0%
|
générations futures
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
OUI
|
20
|
60,6 %
|
Existe-il des conflits
|
NON
|
13
|
39,4 %
|
fonciers dans votre village
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
a. Limite des terres
|
25
|
75,7 %
|
Quelles sont les types
|
b. Occupation illégale
|
8
|
24,3 %
|
conflits fonciers qui existent
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
a. Vente des terres
|
20
|
60,6 %
|
Quelles sont les causes de
|
b. Mésentente
c. Croissance
|
10
|
30,3 %
|
ces conflits fonciers
|
Démographique
|
3
|
9,1 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
|
a. Les esclaves
|
25
|
75,7 %
|
Qui sont les acteurs de ces
|
b. Les ayants droits
|
2
|
6,1 %
|
conflits fonciers
|
c. les voisins
|
6
|
18,2 %
|
|
Total
|
33
|
100 %
|
Source : Notre propre enquête
73
A la lumière de nos enquêtes menées sur
terrain, il se dégage que dans la conception la plus répandue
dans le milieu rural, la terre est considérée comme appartenant
aux ancêtres, soit 45,5% de la population interrogée
considèrent les ancêtres comme les véritables
propriétaires de la terre, d'ailleurs, 72,7% des terres sont acquis par
l'héritage.
Ainsi, dans le territoire de Mbanza-Ngungu, 75,5% de la
population enquêtée reconnaissent que la terre appartient aux
ancêtres et ne peut par conséquent être vendue. Cependant,
60,6% des enquêtés reconnaissent l'existence des conflits fonciers
dans leurs villages et ont souvent pour origine : la vente des terres (soit
60,6%).
Dans le même ordre d'idée, 100% des
enquêtés reconnaissent la protection des droits des
générations futures. Cependant, 72,7% de la population
enquêtée affirme que les ayants droit foncier procèdent
à la vente de la terre, 75,7% des enquêtés reconnaissent
que les conflits des limites des terres sont les plus courants dans leurs
villages et que ce sont les anciens esclaves qui en sont auteurs, soit 75,7% de
la population enquêtée l'affirme.
Vente des terres par village
VILLAGE
|
Est-il permis de vendre la terre dans la coutume
?
|
Total des enquêtés
par village
|
Oui
|
Non
|
Mbamba
|
0
|
11
|
11
|
Mpete
|
5
|
6
|
11
|
Loma
|
3
|
8
|
11
|
Total
|
8
|
25
|
33
|
Source : Notre propre enquête
Les enquêtés menées prouvent à
suffisance que la terre fait l'objet de vente dans le territoire de
Mbanza-Ngungu. C'est ce qu'illustre le tableau ci-haut. Sur 3 villages
enquêtés, nous avons enregistré 2 villages où la
terre se vend. Il s'agit de village Mpeté et Loma. Par contre, cette
pratique est prohibée dans par la coutume locale du village
Mbamba.
74
Graphique global sur le véritable
propriétaire du sol et du sous-sol selon les personnes
enquêtées dans les territoires de Madimba et de
Mbanza-Ngungu
20%
44%
36%
L' Etat
Les ancêtres Les vivants
A l'issu des enquêtes menées sur terrain, il se
dégage que les ancêtres occupent la première position soit
44%, suivis de l'Etat et des vivants soit respectivement 36% et 20%.
Graphique global sur les causes spécifiques de
conflits fonciers dans les territoires de Madimba et de
Mbanza-Ngungu
30%
9%
61%
Vente des terres Mésentente
Croissance démographique
Source : Notre propre enquête
Ce graphique nous montre que 60,6% des personnes
enquêtées affirment que les conflits sont dus vente des terres.
30,1% soutiennent que la cause de ces conflits est la mésentente entre
les ayants droit et les esclaves. Et enfin 9,3% sont d'avis que ces conflits
sont causés par la croissance démographique qui suscite le besoin
d'occupation de nouvelles terres propices à l'agriculture.
75
QUESTIONNAIRES D'ENQUETE N°1
Chers Monsieur et Dame, nous réalisons un travail de fin
de d'étude intitulé « la coutume kongo face aux conflits
fonciers ». Nous vous invitons à participer à cette
enquête en répondant aux questions posées ci-dessous.
Tout en remerciant pour votre participation à cette
enquête, nous vous garantissons que les informations fournies resteront
confidentielles et ne seront pas utilisés à des fins
pécuniaires et /ou politiques.
I. RENSEIGNEMENT SUR L'ENQUETE
1. Sexe : Masculin :
2. Age : Majeur :
3. Etat civil : Marié(e) :
4. Nationalité : Congolais :
5. Niveau d'étude : Primaire :
Université :
6. Profession :
II. QUESTIONS
|
Féminin : Mineur : Célibataire : Etranger :
secondaire :
|
|
1. Pour vous qui est le véritable propriétaire du
sol et du sous-sol ?
R/ L'Etat :
|
Les ancêtres :
|
Les vivants :
|
|
2. Quel est le rôle de l'Etat congolais sur vos terres
?
R/
3. Etes-vous d'accord à l'idée que l'Etat
congolais soit l'unique propriétaire de toutes les terres de notre pays
? justifiez votre
NON
Réponse R/ OUI
76
4. Suivant votre coutume, quelles sont les différentes
modalités d'acquisition de la terre ?
R/
5. Est-ce que dans votre coutume il est permis de vendre la
terre ?
R/ OUI NON
6. Si oui, celui qui vend la terre suit quelle procédure
?
R/
7. Si vous vendez la terre, quelle mesure prenez-vous pour des
générations futures ?
R/
8. Vous arrive-t-il de vendre la terre à plusieurs
personnes ?
R/ OUI NON
9. Si un pareil conflit né comment arrivez-vous à
l'éradiquer ?
R/
Merci pour votre collaboration !
77
QUESTIONNAIRES D'ENQUETE N°2
Chers Monsieur et Dame, nous réalisons un travail de fin
de d'étude intitulé « la coutume kongo face aux conflits
fonciers ». Nous vous invitons à participer à cette
enquête en répondant aux questions posées ci-dessous.
Tout en remerciant pour votre participation à cette
enquête, nous vous garantissons que les informations fournies resteront
confidentielles et ne seront pas utilisés à des fins
pécuniaires et /ou politiques.
I. RENSEIGNEMENT SUR L'ENQUETE
1.
Féminin :
Mineur :
Célibataire :
Etranger :
secondaire :
Sexe : Masculin :
2. Age : Majeur :
3. Etat civil : Marié(e) :
4. Nationalité : Congolais :
5. Niveau d'étude : Primaire : Université :
II. QUESTIONS
1. Pour vous qui est le véritable propriétaire du
sol et du sous-sol ?
R/ L'Etat :
|
Les ancêtres :
|
Les vivants :
|
|
2. Quel est le rôle de l'Etat congolais sur vos terres
?
R/
3. Etes-vous autorisé de vendre des terres ?
R/ OUI NON
4. Vous suivez quelle procédure ?
R/
5. Existe-il des conflits fonciers dans votre village ?
R/ OUI NON
6. Lesquels ?
78
R/
7. Quels sont les acteurs de ces conflits fonciers ?
R/
8. Quelles sont les causes de ces conflits fonciers ?
R/
9. Comment gérez- vous ces conflits ?
R/
10. Quelle procédure suiviez-vous lorsque vous
procéder à la vente d'une terre ?
R/
11. Comment vos ancêtres ont-ils acquis cette terre ?
R/
Merci pour votre collaboration !
79
Le Hameau de MASIELELE dans le Territoire de Mbanza-
Le Hameau de MASIELELE dans le Territoire de Mbanza-
QUELQUES IMAGES DE NOS ENQUETES SUR TERRAIN DANS
LE TERRITOIRE DE MADIMBA ET DANS LE TERRITOIRE
DE MBANZA-NGUNGU
80
Une partie de la terre du village MASIELELE de
MbanzauNgungu
dans le Territoire de Mbanza-Ngungu
Une partie de la terre vendue par les ayants droit du village
MASIELELE dans le Territoire de Mbanza-Ngungu
Une partie de la terre vendue par les ayants droit du village
MASIELELE dans le Territoire de Mbanza-Ngungu
81
Lors de nos enquêtes au village Kimpanda, Groupement de
Mbanza-Nsudi dans le Territoire de Madimba
Lors de nos enquêtes, avec le Chef de Groupement de
Mbanza-Nsundi, Monsieur Emanuel LUSONGONIA
Lors de nos enquêtes dans la terre du village Loma, dans le
Territoire de Mbanza-Ngungu
Lors de nos enquêtes au Bureau du Secteur de Ngeba dans le
Territoire de Madimba
Lors de nos enquêtes dans la terre du village Mbamba, dans
le Territoire de Mbanza-Ngungu
82
BIBLIOGRAPHIE
I. Conventions internationales
· Déclaration Universelle des droits de l'homme du
10 décembre 1948. (B.O., 1949, p.1206)
· Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du
1er juin 1981
· Pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 16 décembre 1966
· Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage du 11 mars
1999
II. Textes officiels
· Charte coloniale du 18 octobre 1908 (B.O. 18 octobre
1908)
· Constitution du 1er août 1964 (J.O.Z.
n° spécial 1er août 1964)
· Constitution du 24 juin 1967 (J.O.Z. n°
spécial 15 juillet 1967)
· Constitution de la transition du 5 avril 2003 (J.O.
n° spécial 5 avril 2003)
· Constitution du 18 février 2006 tel que
modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant
révision de certains articles de la Constitution de la République
Démocratique du Congo. (J.O., n° spécial, 5 février
2011)
· Loi n°73-021 du 20 juillet 1973 portant
régime général des biens, régime foncier et
immobilier et régime des suretés, telle que modifiée et
complétée par la loi n°80-008 du 18 juillet 1980. (J.O.,
n° spécial, 1er décembre 2004)
· Loi n° 87-010 portant code de la famille (J.O.Z.,
n° spécial, 1er août 1987)
· Loi n°06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et
complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal
congolais (J.O., n° spécial, 1er août 2006).
· Loi n°11/022 du 24 décembre 2011 portant
principes fondamentaux relatifs à l'agriculture (J.O., n°
spécial, 24 décembre 2011).
· Loi n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l'ordre
judiciaire (J.O., n° spécial, 11 avril 2013).
· Loi n°15/015 du 25 août 2015 fixant le statut
des chefs coutumiers (J.O., n° spécial, 25 août 2015).
· Ordonnance de l'Administrateur général au
Congo du 14 mai 1886 sur les principes à suivre dans les
décisions judiciaires. (B.O., 1886, pp.188 et 189)
· Décret du 17 mars 1938 portant sur les
juridictions indigènes. (B.O. 1938, p.471)
· Ordonnance-loi n°74/148 du 2 juillet 1974 portant
mesure d'exécution de la loi foncière. (J.O.Z. n°
spécial 15 octobre 2005)
· Ordonnance-loi n° 66 - 343 du 17 juin 1996 assurant
à la République Démocratique du Congo la plénitude
de ses droits de propriété sur son domaine
KALAMBAY (G.), Droit civil, Régime foncier et immobilier,
vol. 2,
Kinshasa, P.U.C, 1999
83
et a pleine souveraineté dans la concession des droits
fonciers, forestiers et miniers sur toute l'entendue de son territoire (J.O.Z.,
n° spécial, 17 juin 1996)
? Décret du 30 janvier 1940 portant code pénal
congolais, tel quel modifié à ce jour (B.O. 1940)
? Décret du 7 mars 1960 portant code de
procédure civile (M.C., 1960, p.961, erratum, p.1351)
? Arrêté ministériel n °006 CAB/ MIN/
AFF- COUT/GMP/NMR/2017 modifiant et complétant l'arrêté
004/CAB/MIN/AFF-COUT/2017 du 11 mars 2017 portant création, composition,
organisation et fonctionnement des commissions consultatives de
règlement des conflits coutumiers
III. Ouvrages
BENGONO AZELE (S.), Traité élémentaire de
droit coutumier du Congo
belge, Bruxelles, Larcier, 1954
CARBONNIER (J.), Droit civil, Introduction, Paris,
P.U.F, 1991
DE PAGE (H.) et DEKKERS (R.),
Traité élémentaire de droit civil belge,
Tome 9, Les successions, Bruxelles, éd. Etablissements Emile Bruyant,
1974
DE QUIRINI (P.), Comment procédé pour acheter une
parcelle ou louer
une maison ?, Kinshasa, CEPAS, 2001
DIBUNDA KABUINJI MPUMBUAMBUJI,
Répertoire général de la jurisprudence
de la Cour Suprême de Justice 1969-1985, Kinshasa, C.P.D.Z, 1990
DURIEUX (A.), Droit écrit et droit coutumier en Afrique
central,
Bruxelles, Académie royale des Sciences d'outre-mer,
Classe des Sciences morales et politiques, N.S français, XXXVI - 2,
1970
GENARD (J-L.) et LE MAIRE (J.),
Enjeux patrimoniaux en contexte postcolonial : patrimoine
développement en République démocratique du Congo, Paris,
l'Harmattan, 2017
GUINCHARD (S.) et DEBARD (T.),
Le lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2019-2020
84
KANGULUMBA MBAMBI (V.),
La loi n°73-021 du 02 juillet 1973 portant régime
générale des biens et régime des suretés au Congo,
trente ans après : quel bilan ? Essai de l'évolution, Kinshasa,
éd. KAZI, sd
KATUALA KABA KASHALA,
Code judiciaire zaïrois annoté, Kinshasa,
édition Asyst SPRL, 1995
LE PETIT ROBERT, Dictionnaire de la langue française,
Paris, Paul
Robert, 2002
LUBAMBA BIKOKI (J.), Les proverbes juridiques kongo,
Kinshasa,
Mediaspaul, sd
MALENGREAU (G.), Droits fonciers coutumiers chez les
indigènes du
Congo belge : essai d'interprétation juridique,
Bruxelles, Falk fils, 1947
MPONGO-BOKAKO BAUTOLINGA (E.),
Institutions politiques et droit constitutionnel, Kinshasa,
XIème édiction, E.U.A, 2001
MUGANGU (S.), La crise foncière à l'Est de la RDC,
BUKAVU,
2009
NSUMBU KABU (O.), Jurisprudence coutumière kongo,
Kinshasa,
Mediaspaul
POURTIER (R.), Afrique centrale dans la vie courante : les
enjeux
de la guerre et de la paix au Congo et alentour, in
Hérodote, 111, Quatrième trimestre, 2003
SOHIER (A.), Le mariage en droit coutumier congolais,
Bruxelles, Mem. Inst. Royal Colonial belge, 1942
X, Les conflits fonciers en Ituri, de l'imposition à
la
consolidation de la paix, RCN, 2009
IV. Articles
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définition des terres foncières coutumières, Trimestriel
de l'information de monde paysan publié par FOPAC n°012, mars-mai
2009
? HERRERA (A.) et GUGLIELMA DA PASSANO (M.), Gestion
alternative des conflits fonciers, Organisation des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture, ROME, 2007
? HERRERA (A.) et GUGLIELMA DA PASSANO (M.), Gestion
alternative des conflits fonciers, Organisation des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture, ROME, 2010
85
· MACHOZI (C.), BORVE (J.), Guide pratique de
résolution et de prévention des conflits, in Réseau Haki
na Amani, septembre 2010
· MATONDO LUMINUKU (G.), De la gestion conflictuelle du
foncier à Mbanza-Ngungu : entre droit moderne et droit coutumier »,
in Enjeux patrimoniaux en contexte post colonial en RDC, Paris, l'Harmattan,
2017
· NSOLOSHI, Statut et protection juridique des droits
fonciers en vertu de coutume et de usage locaux en RDC », in Nsoloshi,
2ème année, n°4 vol.2, janvier 2013
· OMPI, « Droit coutumier et savoir traditionnel
», organisation mondiale de la propriété intellectuelle,
1ère année n°7, vol1, janvier 2016
· Registre des principes coutumiers régissant la
terre en chefferie de Baswanga
· X, Organisation foncière chez le Kongo «
Revue de droit et des sciences politiques au Graben », CEJA N°4,
décembre, 2007
V. Mémoires et TFC
· KAHAMBA SEKERAVITI, Les répercussions des
conflits fonciers sur la vie sociale en chefferie des Baswagha, Travail de fin
cycle, inédit, ENACTI, Butembo
· KALULE PILIPILI (D.), Résolution
extrajudiciaire des conflits fonciers en Territoire de Masisi, Mémoire
édicté, UNIKIS, 2009 - 2010
· KIANI KALUMBULA (A.), Du dualisme juridique dans la
gestion du domaine foncier en République démocratique du Congo,
UCG, 2002-2003, Mémoire, inédit
· LUZOLO SALAZAKU, Les causes des conflits fonciers dans
la commune de Mbanza-Ngungu, Faculté de droit, Université kongo,
Travail de fin de cycle, 2016-2017
· MAKETAMA MALONDA (D.),
L'acceptation du droit foncier et les modes d'accès
à la terre dans la Province du Kongo Central : cas des territoires de
Madimba, de Mbanza-Ngungu et de Songololo, Université kongo,
Faculté de droit, 2017- 2018
· MUTUNDYA KANDUKI, Les causes et sources des conflits
fonciers coutumiers et leurs impacts sur le développement en Territoire
de Lubero, Travail de fin de cycle, ENACTI, Butembo, 2008-2009,
inédit
· MYLORD VOKA (R.), L'accès à la terre en
droit écrit et en droit coutumier congolais, Travail de fin de cycle,
Université kongo, Faculté de droit, 2017-2018
86
VI. Autres documents
· ALONI MUKOKO (Y.), Cours de droit civil : Les biens,
Université Kongo, Faculté de droit, 2016-2017, inédit
· BABEKI (J.), BANUNGU (G.), al,
La culture du Kongo central au regard du régime foncier
congolais, Séminaire, Université Kongo, Faculté de Droit,
2016 -2017, inédit
· BOMPAKA NKEYI MAKANYI,
Cours d'introduction générale à
l'étude du droit, Faculté de Droit, Université Kongo,
2015-2016, inédit
· KALAMBAY (G.),
Droit de l'environnement, Université kongo,
Faculté de droit, PUK, 2019-2020
· KAMUNFUEKETE LUVEMBU,
Cours d'histoire et culture Kongo, Université kongo,
Faculté de droit, 2016-2017, inédit
· KWAMBAMBA BALA (T.),
Droit coutumier congolais, Université de Kinshasa,
Faculté de droit, 2010-2011, inédit
· LUZOLO BAMBI LESSA (E.J.),
Cours d'organisation et compétence judiciaire,
Université de Kisangani, Faculté de droit, 20042005,
inédit
· OMEYONGA TONGOMO (B.),
Cours de Droit constitutionnel, Faculté de Droit,
Université Kongo, Mbanza-Ngungu, premier graduat, 2015-2016,
inédit
· OURAOGO (H.), Etude comparative de la mise en oeuvre
des plans fonciers ruraux en Afrique de l'Ouest, In Etudes juridiques de
FAO, janvier 2005
· SHOMBA KINIAMA (S.), Cours de structure et
institutions sociopolitiques traditionnelles africaines : Université
Kongo, Faculté de droit, 2015-2016
· TELOMONO (M.), Cours de Droit coutumier,
Université Kongo, Faculté de droit, 2016-2017,
Inédit
87
VII. Sites internet
· http//:www.google/Qu'est-ce que la coutume, page
consultée le 11 février 2020, à 11h ;
· http//www.google/ Mani et Flo en RDC « Droit
écrit et coutumier » canal
blog. Com, consulté le 09
février 2020
·
http://WWW.international-Alert.Org
·
http://www.terrepouvoir.Com
VIII. Interview
· Chef de groupement de KIMPANDA, propos recueillis par
nous lors de nos enquêtes
· Chef de groupement de Mbanza-Nsundi, propos recueillis
par nous lors de nos enquêtes le 12 mai 2020
· Chef de groupement de Tshela, A. Mbumba, propos
recueillis par nous lors de nos enquêtes
· Chef de groupement de Tumba, propos recueillis par
nous lors de nos enquêtes le 17 /04/2018 au village Songa Kongo 2
· Chef de secteur de Ngeba, propos recueillis lors de
nos enquêtes
· Chef de secteur de Ngeba, propos recueillis lors de
nos enquêtes
· Chef de village Zamba 2, propos recueillis par nous
lors de nos enquêtes.
88
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 1
CHAPITRE I : DE LA COUTUME 4
Section 1 : Théorie générale sur la coutume
4
§1. Définition et place de la coutume en droit
congolais 4
A. Définition 4
B. Place de la coutume dans la hiérarchie des normes
juridiques en droit
congolais 9
C. Eléments constitutifs de la coutume 12
1. Elément matériel 12
2. Elément psychologique 12
D. Naissance de la coutume 13
E. Force de la coutume 13
F. Limites de la coutume 14
Section 2 : Coutume kongo et conception de la terre 15
§1. Appartenance à une parentèle 16
A. Structure de la famille 16
1. Foyer 17
2. Parentèle 17
3. Clan 18
§2 : Appropriation du sol 20
A. Par rapport au droit écrit 20
1. Caractères de la propriété 20
a. Un droit universel 20
b. Un droit exclusif 21
c. Un droit absolu 21
d. Un droit de propriété inaliénable 21
e. Un droit imprescriptible 21
2. Accès à la terre urbaine en droit congolais
23
a. Procédure d'accès à la terre urbaine
23
1° Le lotissement et la mise de la terre à la
disposition du public 23
2° Le contrat de location : droits et obligations des
parties 24
3. Accès à la terre rurale en droit congolais 25
a. Procédure d'acquisition des terres rurales 26
1° De l'enquête préalable 26
b. Conception de la propriété foncière
kongo 27
1° Propriétaire du sol en droit coutumier 30
2° Gestion de la terre en droit coutumier 31
a. Rôles du chef de clan 32
89
1. Du rôle religieux 32
2. Du rôle de représentant 33
3. Du rôle juridique 33
3. Modes d'acquisition de la terre en droit coutumier 33
A. Modes pacifiques d'acquisition de la terre en droit coutumier
33
a. Droit du premier occupant 34
b. Du droit de hache et le droit de feu 35
c. Du mode d'acquisition par relation économique 35
d. Du mode d'acquisition par alliance 36
e. Des terres pignoratives 36
f. De la location de la terre comme mode d'acquisition temporel
de la terre 37
g. Les esclaves 37
B. Modes violents d'acquisition de la terre en droit coutumier
38
a. Mode d'acquisition par déposition brutale 38
b. Le vol de la terre comme mode d'acquisition 38
CHAPITRE II : LES CONFLITS FONCIERS 40
Section 1. Les conflits fonciers dans les territoires
de Madimba et de Mbanza-
Ngungu 40
§1. Types de conflits fonciers 41
A. Les conflits des limites des terres 41
B. Les conflits de l'occupation illégale des terres 42
C. Les conflits des terres héritées 43
D. Les conflits fonciers dus au non-paiement de redevance 44
§2. Les causes de conflits fonciers 45
A. Vente des terres 45
B. Croissance démographique 46
C. Absence des mesures d'application de la loi foncière
46
D. Manque de délimitation correcte des terres
coutumières 47
E. Contestation privée des décisions judiciaires
47
F. Mésentente entre les esclaves et les ayants droit
fonciers 48
§3. Les conséquences de conflits fonciers 48
A. Les conséquences sur le plan politique 48
B. Les conséquences sur le plan économique 49
C. Les conséquences sur le plan social 49
Section 2. Les modes de résolution de conflits fonciers
50
§1. Modes extra judicaires 50
A. De la conciliation 50
B. L'arbitrage 51
C. La palabre 53
D. La Commission consultative de règlement des conflits
coutumiers 54
§2. Modes judiciaires de résolutions de conflits
55
90
A. Les juridictions compétentes à la matière
55
1. Les tribunaux civils 55
a. Le tribunal de paix 55
b. Le tribunal de grande instance 56
2. Les juridictions répressives 58
a. Le tribunal de paix 58
b. Le tribunal de grande instance 59
§3. Présentation des infractions courantes et
interprétation 59
A. Territoire de Madimba 60
1. Présentation des infractions courantes 60
2. Interprétation des données 60
B. Territoire de Mbanza-Ngungu 61
1. Présentation des infractions courantes 61
2. Interprétation des données 61
CONCLUSION 63
ANNEXES 66
BIBLIOGRAPHIE 82
TABLE DES MATIERES 88
|