1.1.6. Financement et fonctionnement
Les partis politiques ont des moyens différents de
financement selon qu'ils sont au pouvoir ou dans l'opposition. Les moyens
financiers des partis au pouvoir proviennent, en majeure partie, des
cotisations obligatoires de leurs membres occupant des fonctions publiques
(Ministres, Gouverneurs de provinces, Dirigeants des entreprises publiques,
etc.). Le caractère obligatoire de ces cotisations assure une source
sûre de financement des partis au pouvoir en même temps qu'il
constitue le canal par lequel les dirigeants de ces partis utilisent les
fonctions publiques comme outil facile de financement. Quant aux partis de
l'opposition, ils doivent se contenter des contributions plus au moins non
obligatoires de leurs militants et de la vente de cartes aux membres. Le
déséquilibre dans les structures de financement entre les partis
au pouvoir et ceux de l'opposition est un danger potentiel au
développement d'un climat démocratique serein. L'inexistence des
critères clairs pour un financement public laisse subsister des zones
d'ombre favorables à des pratiques de corruption.14
D'après ses dirigeants, le parti du peuple pour la
reconstruction et la démocratie (PPRD) ne reçoit point de
subvention de l'Etat, mais vit des cotisations des membres et de la vente des
insignes du parti. Les membres se cotisent proportionnellement à leurs
revenus. Ainsi, de façon générale, le PPRD est
financé par ses membres qui sont "Aux affaires" (Ministres, mandataires
publics, députés, sénateurs) qui remettent au parti 10% de
leurs salaires.15
Au mouvement de libération du Congo (MLC), les
mécanismes de financement du parti sont semblables à ceux
déployés par le PPRD. En plus des cotisations de chacun des
militants, ce sont les membres élus et siégeant au parlement
(sénat et assemblée nationale) et dans les assemblées
provinciales, qui se cotisent pour le fonctionnement du parti.
Par contre, hier comme parti de l'opposition
extraparlementaire, et ne disposant pas de membres dans les institutions
publiques ni dans les entreprises publiques, l'Union pour la démocratie
et le progrès social (UDPS) vivait essentiellement des cotisations de
ses militants, lesquels contribuaient mensuellement 500Fc et de vente des
cartes des membres à 1000Fc. Mais Le plus gros du financement de l'UDPS
provenait des cotisations des militants de la diaspora. Ceux-ci contribuent
à la proportion de leurs avoirs, sans qu'aucun montant
14 MUKUNA Pierre et Ali, les élections
libres, démocratiques et transparentes en RDC : menace ou
opportunités, Afrique et développement, Faculté
Catholique de Kinshasa, 2004, p.63.
15 BOSHAB E, République
Démocratique du Congo : entre les colombes et les faucons, où
vont les partis politiques ?, Kinshasa, PUC, 2001, p.47.
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précis ne leur soit fixé. Chaque
fédération récolte cet argent et le verse au
secrétariat général du parti. C'est avec ces
différentes cotisations et libéralités que le parti
arrivait à prendre en charge les frais des activités politiques,
des voyages, de la presse, et d'autres besoins nécessaires à la
vie du parti. Actuellement les choses ont désormais
changé.16
Quant à l'opposition, la plupart des petits partis ont
une situation financière préoccupante. Même les grands
partis de l'opposition sont financièrement fragiles, leurs moyens de
financement étaient très précaires du fait de la
pauvreté généralisée des couches sociales
populaires qui composent la majorité de leurs membres.
La pratique de levée des fonds auprès de grosses
fortunes n'existe pas au Congo de façon légale, et les
cotisations des membres étant dérisoires, principalement pour les
petits et moyens partis, le chef du parti est généralement le
seul à pouvoir financer les activités du parti. C'est là
une situation qui donne à ce dernier une large latitude de prendre des
décisions à sa guise, considérant que le fondateur, et
bailleur de fonds qu'il est, est logiquement habilité à user du
parti comme sa propriété personnelle.
Dans le but de concourir à l'établissement d'une
démocratie véritable, l'expression du suffrage, au renforcement
de la conscience nationale et à l'éducation civique, tâche
dévolue aux partis politiques.17 La constitution
prévoit d'accorder des subventions aux partis qui remplissaient les
conditions déterminées par la loi. Le parlement a voté la
loi n°08/005 du 10 Juin 2008 portant financement public des partis
politiques. D'après la loi, le financement public concourt à :
1. Stabiliser et consolider la démocratie pluraliste
par le renforcement préalable de la capacité d'action des partis
politiques,
2. Assurer une plus grande indépendance des partis
politiques,
3. Garantir l'égalité des chances entre tous
les partis politiques représentés aux Assemblées
délibérantes par un mode de calcul simple qui repose sur le
nombre de leurs élus respectifs.
4. Contribuer à la moralisation de l'activité
politique par une plus grande transparence ;
5. Promouvoir la vertu de l'égalité de
traitements ;
6. Doter les partis politiques d'un maximum de moyens pour le
financement de leurs activités politiques. Elle prévoit un
financement public aux partis remplissant les conditions suivantes :
- Etre régulièrement enregistré au
Ministère ayant les affaires intérieures dans ses attributions
;
- Avoir un siège connu et attesté par un titre de
propriété ou par un contrat de bail ;
- Disposer d'un compte bancaire ayant un solde créditeur
d'au moins CDF 2.500.000 ;
- Tenir une comptabilité régulière et
disposer d'un inventaire de ses biens meubles,
immeubles et produire l'attestation fiscale du dernier exercice
;
- Tenir compte de la parité homme femme, lors de
l'établissement des listes électorales ;
16 BOSHAB E. ; op.cit., p.48.
17 TSHIBANGU C, "A quoi servent les partis politiques
dans une élection" in revue Mbegu Dossier Jeunes, Lubumbashi,
Février, 2008.
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- Introduire une demande écrite à la commission
interinstitutionnelle prévue aux articles 12 et suivant la
loi.18 Il est néanmoins prévu que, l'Etat ne participe
au financement des campagnes électorales que de manière à
posteriori, c'est-à-dire après le déroulement des
élections.19
La loi ne donne aucune précision sur la hauteur
précise du financement que le gouvernement peut accorder. Elle se borne
à indiquer dans son exposé des motifs que ce montant ne peut
être ni inférieur à 0,5% ni supérieur à 1% de
la totalité des recettes à caractère national revenant
à l'Etat et, d'autre part, à la participation de l'Etat au
financement des compagnes électorales à écrire dans la loi
de financement consultant de l'année qui suit l'organisation de chaque
consultation électorale est fixée à 2% des recettes
visées ci-dessus. Par ailleurs, la loi est si restrictive que
très peu de parti y sont éligibles. Montant exigé de CDF
2.500.000, est discriminatoire dans la mesure où plusieurs partis ne
disposent ni de comptes bancaires ni d'avoir financiers dans leurs comptes,
faute de ressources ; s'il est pertinent d'exiger de tenir une
comptabilité régulière, claire et exacte des avoirs et des
dépenses du parti, il est malheureusement évident que très
peu de partis possèdent une gestion rigoureuse et transparente de leurs
avoirs, l'ordonnancement des dépenses se faisant souvent de façon
orale, il n'est pas habituel de la part des partis politiques congolais de
présenter une attestation fiscale des biens et activités, et
l'exigence du respect de la parité homme-femme dans
l'établissement des listes électorales n'est ni chose courante ni
même facile du fait, souvent de l'absence de femmes dans les structures
dirigeantes des partis. Il est de ce fait utile, voire indispensable, pour
l'Etat, d'assouplir les conditions d'accès au financement public, en
particulier en ce qui concerne le montant des avoirs propres.20
Il y a une autre source possible de financement des partis,
c'est l'apport extérieur. Mais la loi interdit les fonds privés
directs provenant des pays étrangers. Les partis politiques ne peuvent
donc recevoir que de l'aide au renforcement des capacités à
travers l'organisation des séminaires de formation politique. Cependant,
les partis se plaignent régulièrement, parce qu'ils attendent
beaucoup plus de ces organisations internationales comme l'International
Foundation for Election Systems (IFES). La Fondation Kanrod Adenouer (FKA), la
national Democratic Institute (NDI), ou l'Electoral Institute of Southern
Africa (EISA). A la place d'éternels et innombrables séminaires
et sessions de renforcement des capacités civiques, électorales
et managériales, les dirigeants des partis attendent plutôt les
moyens financiers pour descendre sur le terrain, pour organiser les structures
provinciales et locales du parti, et pour soutenir les activités de ces
dernières. Cette préoccupation revient
régulièrement et comme inévitablement dans la plupart des
semaines de formations organisées par les organisations internationales
pour les partis politiques. Du fait de la pauvreté en ressources
propres, les femmes particulières ainsi que les partis politiques
dirigés par des femmes expriment de manière forte cette
préoccupation à moins égards
légitime.21
18 Loi n°04/002 du 15 Mars 2004 portant
organisation et fonctionnement des partis politiques en RDC.
19 Idem
20 NGOMA BINDA et Ali, RDC : Démocratie et
participation une évolution des premiers pas dans la 3ème
République, open society, Southern Africa, 2010, p.64.
21 BRECHON P, Les partis politiques Africains,
Paris, Edition la Documentation Française, 2005, p.47.
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Au regard du rôle leur conférer par l'article 11
de la constitution, rôle consistant à éduquer civiquement
la population et à former la conscience nationale, les partis politiques
doivent, conformément aux dispositions pertinentes de l'article 12 de la
Constitution, bénéficier d'un appui de la part de l'Etat.
Cet appui financier à l'entendement du
législateur a aussi, comme objectif de donner les mêmes chances
à tous les partis politiques. L'on évitera ainsi qu'il y ait d'un
côté les partis politiques qui se servent du trésor public
et de l'autre ceux marginalisés, en violation de l'article 58 de la
constitution qui édicte que :
"Tous le Congolais ont le droit de jouir des richesses
nationales. L'Etat a l'obligation et le devoir de les distribuer
équitablement et de garantir le droit au
développement"22
Cela est d'autant plus vrai que les partis politique à
travers leurs projets de société ont des prédispositions
de conduire à la démocratie et, partant au développement
et au progrès social.
C'est pourquoi, l'Assemblée Nationale et le
sénat doivent faire diligence pour élaborer et voter une loi sur
le financement des partis politiques comme le prévoit l'article 12 de la
constitution de la transition (ce qui n'est pas le cas jusqu'aujourd'hui).
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