Libreville, Décembre 2019
UNIVERSITE OMAR BONGO
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
RAPPORT AU SAVOIR CHEZ LES ENFANTS BABONGO
DU
|
|
VILLAGE MATAGAMATSENGUE
|
|
ENQUETE SOCIOLOGIQUE EN MILIEU RURAL AU
GABON
|
|
MEMOIRE DE MASTER RECHERCHE
(Option : sociologie de l'éducation, des savoirs
et de la socialisation)
Présenté et soutenu par : Sous la supervision de
:
Guy Laroche MOMBO Romaric Franck QUENTIN DE
MONGARYAS
Maître de Conférences (CAMES) en Sociologie de
l'Education
et la direction de :
Dr Orphée Martial SOUMAHO MAVIOGA
Sociologue de la jeunesse et de la socialisation politique
Maître-assistant (CAMES)
Remerciements
Nos sincères remerciements vont d'abord à notre
directeur de recherche, le Docteur Orphée Martial SOUMAHO MAVIOGA et au
Professeur Romaric Franck QUENTIN DE MONGARYAS, pour leur disponibilité
et leur patience tout au long de l'élaboration de notre travail.
Profonde reconnaissance à toute l'équipe
pédagogique du parcours Education ; Savoirs et Socialisation, et
particulièrement au professeur Mesmin-Noel SOUMAHO pour sa relecture du
manuscrit et ses orientations pertinentes.
Toute notre gratitude à :
· Notre épouse et notre fille pour leur soutien
et leur patience durant la rédaction du mémoire ;
· Tous nos frères et soeurs pour le soutien
familial sans cesse renouvelé ;
· Nos promotionnaires, pour la solidarité
manifestée tout au long de notre parcours au département de
sociologie ;
· Tous ceux qui, de près ou de loin, ont
contribué à la consolidation et à la
matérialisation de cette première expérience
scientifique.
Dédicace
A notre tante:
Feue Titine MATSOUNGOU IDANGA notre tante, qui a toujours
souhaité le meilleur pour nous.
Sommaire
Dédicace
Remerciements
Liste des tableaux Sigles et abréviations
Introduction générale 1
PREMIERE PARTIE : PREALABLES EPISTEMOLOGIQUES DE LA RECHERCHE
4
Introduction de la première partie 5
Chapitre premier : Approche théorique de la recherche
6
Section 1 : Construction de l'objet et détermination du
champ d'étude 6
Section 2 : Elaboration de la problématique 17
Chapitre II : Approche méthodologique de la recherche
26
Section 1 : Construction du modèle d'analyse 26
Section 2 : Démarche méthodologique et champ
empirique d'enquête 31
Conclusion de la première partie 40
DEUXIEME PARTIE : De l'expérience scolaire des parents
d'élevés et du rapport au savoir chez les élevés
Babongo a l'inadéquation entre la réalité scolaire en
milieu rural et les
missions fondamentale des politiques éducatives au Gabon
41
Introduction de la deuxième partie 42
Chapitre III : Expérience scolaire des chefs de familles
43
Section 1 : Représentations sociales de l'école et
histoire scolaire des chefs de familles 43
Section 2 : Stratégies d'encouragement et perspectives
professionnelles 48
Chapitre IV : Rapport aux savoirs chez les élèves
Babongo 50
Section 1 : Caractéristiques et Représentation de
l'école chez les élèves 50
Section 2 : Stratégies parentales d'encouragement et
attitude des élèves en situation de
cours et en dehors 66
Chapitre V : Limites des politiques éducatives en milieu
rural 73
Section 1 :Pratiques pédagogiques, rythmes scolaires et
inégal accès à l'éducation et la
formation 74
Section 2: L'école en milieu rural : « une
école où on apprend pour abandonner demain » 80
Conclusion de la deuxième partie 86
Conclusion générale 88
Eléments de bibliographie 91
Table des matières 95
Annexes 99
Liste des tableaux
Tableau n°1 : Répartition des répondant
selon l'âge 12
Tableau n°2 : Répartition selon le niveau
d'étude 12
Tableau n°3 : Répartition des répondants
selon les perspectives professionnelles 13
Tableau n°4 : Effectif d'élèves de
l'école de Nzingui par sexe et par niveau 13
Tableau n°5 : Répartition des élèves
par tranche d'âges, sexes et par niveau 14
Tableau n°6 : Répartition des redoublants par
sexes et par niveau 15
Tableau n°7 : Répartition des nouveaux par sexes
et par niveaux 15
Tableau n°8 : Effectifs de l'école de Nzingui par
niveau et par sexe selon leurs origines 37
Tableau n°9 : Les enquêtés par sexe 37
Tableau n°10: Niveau d'études des parents 43
Tableau n°11 : Répartition des
élèves par tranches d'âges et niveau d'études 50
Tableau n°12 : Perception de l'école chez les
élèves 52
Tableau n°13 : Répartition des
élèves selon les raisons de leurs études 53
Tableau N°14 : Typologies des fréquentations 55
Tableau n°15: Langue utilisée à la maison
60
Tableau n°16 : Répartition des
enquêtés par métier 64
Sigles et abréviations
CEP : Certificat d'Etudes Primaires
DAP : Direction d'Académie
Provinciale
1ère année : Première
Année
2ème année : Deuxième
Année
3ème année : Troisième
Année
4ème année : Quatrième
Année
5ème année : Cinquième
Année
6ème : Sixième
1
INTRODUCTION GENERALE
De nos jours, l'école n'est plus
considérée comme un sanctuaire. C'est tout au contraire un
territoire partagé entre l'institution familiale et scolaire où
sont articulées l'instruction et l'éducation. En effet, la
famille constitue la cellule de base et c'est une institution fondamentale par
rapport à l'école, aux médias et au groupe des pairs, dans
la mesure où c'est en son sein que l'individu débute
l'apprentissage de la vie en société. Elle a un rôle non
négligeable dans nombre de secteurs tels que le social,
l'économique et le politique. Son apport apparait ainsi très
déterminant en ce qu'elle est aussi le groupe de base de la
société qui est en constante évolution. C'est la raison
pour laquelle notre recherche fait un bref retour sur l'histoire scolaire des
parents d'élèves issus du village Matagamatsengue.
Toutefois, on ne peut mener une étude pertinente sur
le rapport aux savoirs des élèves Babongo sans comprendre la
relation que ces familles auxquelles ils sont issus entretiennent avec le fait
d'aller à l'école pour y apprendre. Car le rapport aux savoirs
n'est pas qu'un rapport au sujet lui-même mais est aussi un rapport au
monde social dans lequel il évolue. En d'autres termes, l'analyse du
rapport au savoir nous impose « une lecture de la
réalité sociale »1 avant que de s'y
intéresser à la réalité scolaire.
Ainsi, plusieurs recherches d'universitaires au Gabon font
état d'un important nombre de variables dans le but d'expliquer les
phénomènes auxquels sont confrontées les populations
d'élèves (l'échec scolaire, le redoublement etc.), mais
qui pour nous semble insuffisantes : l'handicap culturel et économique,
la pauvreté, l'effet maitre etc. ces insuffisances sont dues en ce
qu'elles écartent la responsabilité du sujet lui-même,
entant que sujet pensant, qui a la capacité de se mobiliser ou non face
à des activités sur la base de ces choix, attentes, perceptions
et à la manière dont les choses prennent sens en fonction de ce
qu'il valorise. Certes, ces variables sont toutes pertinentes et objectives,
mais leur principale limite réside dans le fait qu'elles
considèrent le sujet comme une `'marionnette» qui ne possède
pas de marge de manoeuvre.
1 Bernard Charlot, (2002), Du rapport au savoir,
Elément pour une théorie, 3ème
édition, Paris, Economica (Coll. « Anthropos »).
Il est donc nécessaire de recentrer le débat
sur le rapport au savoir qui est une notion globalisante pour avoir une vision
plus large dans le cadre de notre analyse.
Par conséquent, quelques questions vont orienter notre
réflexion : Comment les élèves du village Matagamatsengue
se représentent-ils le fait d'aller à l'école ? Autrement
dit, quel sens donnent-ils à la fréquentation scolaire ? Pourquoi
les élèves du village Matagamatsengue
persévèrent-ils dans leurs études malgré le
caractère irrégulier de leur fréquentation scolaire ?
Telles sont les deux questions de départ qui vont servir de boussole
à notre enquête sociologique.
Par ailleurs, l'objectif de cette investigation est de
montrer l'impact du rapport au savoir sur la persévérance
scolaire des élèves Babongo appartenant massivement à la
même origine sociale. Rappelons, en effet, que le rapport au savoir
« nécessite une étude de la part du formé,
d'autant plus que le savoir dispensé par une institution vient en
contradiction avec celui déjà constitué par la famille ou
d'autres institutions. Les manières de faire au sein des institutions
peuvent alors rentrer en conflit avec les propres rapports personnels du sujet.
Ces crispations sont décelables à travers les obstacles à
la formation, les résistances qui menacent l'intégrité
personnelle des sujets »2.
Il est important de se poser de bonnes questions pour
parvenir à saisir le type de relations (de rapports) qui existent entre
ces derniers et l'école.
Nous avons retenu comme cadre empirique le village
Matagamatsengue. Il s'agit d'un village pygmée situé au sud du
Gabon dans la province de la Ngounié, précisément dans le
département de la Louétsi-Wano. Notre population cible
était principalement les élèves issus de ce village et
inscrits en majorité à l'école primaire de Nzingui. Pour
une large compréhension, nous avons ajouté un élève
en situation d'abandon, quatre collégiens et onze chefs de famille. Et
dans l'optique d'un complément d'informations pour cerner les conditions
scolaires dans lesquelles ils évoluent, nous avons eu des entretiens
semi-directif avec les dirigeants de l'école de Nzingui, ceux des deux
villages environnant et la responsable pédagogique des écoles
primaires dudit département.
2 Kalali Faouzia (2007) Rapport au Savoir : Bilan
sur la place du sujet dans les différents travaux, Congrès
international AREF (Actualité de la Recherche en Education et en
Formation).
2
3
Ainsi, ce travail n'a pas été
réalisé sans difficultés. Nous avons rencontré
comme principale difficulté la réticence et
l'indisponibilité des enquêtés, notre lieu de
résidence (Libreville) par rapport au cadre empirique d'investigation
(situé à plus de 500kms) et le problème de langue Babongo
qui impliquait dans certains cas la présence d'un traducteur.
Le présent travail est subdivisé autour de deux
articulations dont l'argumentaire se structure autour de deux parties, cinq
chapitres et dix sections. Premièrement, les préalables
épistémologiques de la recherche à partir des approches
théorique et méthodologique de la notion du rapport au savoir. Et
deuxièmement, une analyse de l'expérience scolaire des parents
d'élèves, du rapport aux savoirs des élèves Babongo
et l'inadéquation entre la réalité scolaire en milieu
rural et les principes fondamentaux de la loi n°21/2011 du 14
février portant organisation générale de
l'éducation, de la formation et de la recherche au Gabon.
Première partie
PREALABLES EPISTEMOLOGIQUES DE LA RECHERCHE
5
Introduction de la première partie
Dans cette étape qui s'assimile aux deux premiers
actes de la démarche sociologique, la conquête et la
construction, il est question de rompre avec les
préjugés (les idées préconçues) sur le fait
social que nous étudions, à savoir le rapport au savoir.
En sciences sociales et en sociologie en particulier, le sens
commun (le langage ordinaire) est porteur de nombreux pièges dans la
mesure où une grande partie de ses idées puisent leur source des
prénotions ; c'est-à-dire des apparences immédiates. En
effet, la rupture consiste précisément à rompre avec ce
qui nous donne l'illusion d'appréhender le rapport au savoir. Cette
rupture va se réaliser à travers quelques étapes :
d'abord, la formulation de la question de départ, ensuite l'exploration
et enfin la problématique. Cependant, cette rupture
épistémologique n'est possible que par de nombreuses lectures,
car tout travail de type scientifique s'inscrit dans un cadre bien
précis. Tout apprentissage scientifique débute par la lecture des
devanciers.
Après avoir conquis le phénomène du
rapport au savoir contre l'illusion du savoir immédiat, nous devons
ensuite le construire par la raison, dans le but de mieux constater les faits
sur le terrain.
Dès lors, il est nécessaire de choisir une
démarche méthodologique appropriée pour mieux
appréhendé notre objet problématique. Notre choix s'est
ainsi porté vers une démarche
hypothético-déductive. Par ailleurs, elle consistera d'abord
à émettre deux hypothèses que nous irons ensuite
vérifier sur le terrain et à construire les concepts fondamentaux
afin de mieux expliquer notre phénomène.
Chapitre premier
APPROCHE THEORIQUE DE LA RECHERCHE
Section 1 : Construction de l'objet et
détermination du champ d'étude
1.1. Le rapport au savoir comme objet d'étude
Comment choisir un thème d'étude sur lequel on
va travailler et construire un objet sociologique en partant de ce thème
initial ? Tel est, selon Serge PAUGAM3, le genre de question que
doit se poser l'étudiant en sociologie avant d'entreprendre une
quelconque recherche. Le choix d'un sujet de recherche n'est jamais anodin, il
est souvent le résultat des motivations, sensibilité
(personnelle), dans certains cas inconscientes ou tout au moins peux
explicitées. Comme celui d'Emile DURKHEIM, qui a travaillé sur le
suicide parce qu'il se considérait lui-même comme un «
neurasthénique4 ».
En effet, pour le cas de notre recherche, le choix du rapport
au savoir comme objet d'étude peut aller de soi ; du fait qu'il a
été retenu à cause notre proximité avec la
communauté Babongo dès la petite enfance. Ainsi, le fait social
selon Emile DURKHEIM « consiste en des manières d'agir, de penser
et de sentir, extérieur à l'individu, et qui sont douées
d'un pouvoir de coercition en vertu duquel il s'impose à lui5
».Le fait social obéit à trois caractéristiques que
sont : la récurrence, l'extériorité et la contrainte. Par
suite, il ne saurait se confondre avec les phénomènes organiques,
puisqu'il consiste en représentation et en action ; ni avec les
phénomènes psychique, lesquels n'ont l'existence que dans la
conscience individuelle et par elle.
3 Serge. Paugam, (2010), L'enquête
sociologique, Paris PUF, p.7-8
4 Selon le petit Larousse, la neurasthénie
est un état durable d'abattement et de tristesse. 5Dans
le cadre de la collection : `'les classiques des sciences sociales»
Site web :
http://www.
Uqac.uquebec.ca/zone30/classique des sciences
sociales/index.html
6
En outre, un objet d'étude peut se définir
comme `'ce sur quoi porte la recherche». Il traite du
phénomène social étudié par le chercheur : il est
d'abord social et, après avoir été soumis aux faits, il
devient un objet sociologique. Aussi, le chercheur construit son objet
d'étude dans le but d'avoir une idée plus ou moins précise
sur l'objet.
Il est primordial alors de définir notre objet
d'étude « rapport au savoir ». La notion de « rapport au
savoir » a été développée dans deux champs
théoriques : le champ de la recherche clinique par Jacky BEILLEROT et le
champ de la sociologie par Bernard CHARLOT.
Selon Jacky BEILLEROT, le rapport au savoir se définit
comme : « un processus par lequel un sujet, à partir des
savoirs acquis, produit des nouveaux savoirs singuliers lui permettant de
penser, transformer et sentir le monde naturel et social
6».Le rapport au savoir est un rapport à son propre
désir, désir de savoir ou comme le dit Freud, apprendre c'est
investir un désir dans un objet de savoir. C'est-à-dire que le
rapport au savoir est avant tout un processus jamais figé, qui
évolue tout le long de la vie, à partir de ce que nous savons ou
non, de façon dont nous nous situons par rapport à ces savoirs et
au fait même de savoir ou de ne pas savoir.
Ainsi, le rapport au savoir est toujours singulier, il se
construit en fonction de l'histoire de chacun et chacune et s'insère
donc dans une dynamique familiale, sociale et historique.
Pour le champ de la sociologie, Bernard CHARLOT
définit ainsi le rapport au savoir : « le rapport au savoir est
un rapport au monde, à l'autre et à soi-même d'un sujet
confronté à la nécessité d'apprendre ; le rapport
au savoir est l'ensemble des relations qu'un sujet entretient avec tout ce qui
relève de « l'apprendre et du savoir ». C'est aussi «un
ensemble d'images, d'attentes et de jugement qui porte à la fois sur le
sens et la fonction sociale du savoir et de l'école, sur la discipline
enseignée, sur la situation d'apprentissage et sur soi-même
»7. Enfin, le rapport au savoir est donc « l'ensemble
(organisé) de relations qu'un sujet humain (donc singulier et social)
entretient avec tout ce qui relève de `'l'apprendre» et
6 Jacky Beillerot, (1996), Pour une clinique du
rapport au savoir, Paris, L' harmattan.
7 Bernard Charlot, (1997), Du rapport au
savoir, Elément pour une théorie, Paris Anthropos
7
8
du `'savoir» : objet, contenu de pensée,
activité ; relation personnelle, lieu, personne, situation, occasion,
obligation, etc., liés en quelques façons à l'apprendre et
au savoir »8.
Par ailleurs, ces définitions nous montrent que le
rapport au savoir concerne à la fois des processus : l'acte d'apprendre,
les situations d'apprentissages et des produits des savoirs. En effet, le
rapport au savoir est à la fois un rapport de sens et relation de
valeur, c'est-à-dire qu'une personne valorise ce qui a du sens pour
elle, et à l'inverse, elle donne du sens à ce qui
représente de la valeur pour elle. La ·valeur · et le
·sens · que donne une personne à un savoir sont
liés à son identité9.
Selon Charlot, « ce qui s'exprime dans le rapport au
savoir, c'est l'identité même de l'individu. Mais cette
identité n'est pas seulement exprimer dans le rapport au savoir, elle y
est aussi en jeu : être confronté à un apprentissage,
à un savoir, à l'école, c'est y engager son
identité et la mettre aussi à l'épreuve10
». On parle donc de rapport identitaire au savoir, quand il s'agit de
comprendre de quelle façon le savoir prend sens pour la personne.
Autrement dit, le rapport identitaire au savoir permet de répondre
à la question : pourquoi apprendre ? Cependant, la question du sens peut
aussi se posée sous la forme : qu'est-ce que apprendre? On parle ainsi
de rapport épistémique au savoir pour s'intéresser
à la nature de l'activité nommée savoir. « Le rapport
épistémique au savoir est cette relation de l'individu à
la nature même de l'acte d'apprendre et au fait de savoir
»11.
En outre, au sens de Bernard Charlot et Jacky Beillerot,
lorsqu'un élève échoue à l'école, la
première question à se poser n'est pas celle des handicaps dont
il est peut-être affecté, elle est de savoir s'il a
travaillé et comment il a travaillé, car s'il ne travaille ou
travaille de façon cognitivement inefficace, il n'est pas
étonnant qu'il échoue. En tant que tel, il construit du sens et
met en oeuvre des activités. Tout individu humain donne sens à ce
qu'il est, à ce qui lui arrive, à la situation dans laquelle il
se trouve, à la société et au monde
8 Bernard Charlot, (1999), Le rapport au
savoir en milieu populaire. Une recherche dans les lycées professionnels
de banlieue. Paris, Edition Economica.
9 Bernard Charlot, (2002), Du rapport au savoir.
Elément pour une théorie. Paris, Editons Economica.
10 Bernard Charlot, E. Bautier, J-Y, (1992),
Ecole et savoir dans les banlieues et ailleurs, Paris, Armand
Colin.
11 E. Bautier, J-Y. Rochex, (1998),
L'expérience scolaire des nouveaux lycéens,
Démocratisation ou massification, Paris, Armand Colin.
9
dans lequel il vit. C'est le cas, notamment, d'un
élève dont l'histoire scolaire n'est pas seulement une
trajectoire, une série de points par lesquels il passe et qui peuvent
être étudiés de l'extérieur, mais elle est aussi une
série d'expériences qu'il vit, qu'il interprète et
auxquelles il donne sens.
En définitive, nous notons que le rapport au savoir
« ne se réduit pas aux relations que nous entretenons avec des
apprentissages ou avec des savoirs. Il se construit également à
travers nos projets d'avenir, nos aspirations professionnelles et sociales, nos
réponses à des sollicitations de l'entourages,
etc.»12. Il n'y a de rapport au savoir que d'un sujet, et il
n'y a de sujet que désirant.
Toute notre vie, nous entretenons avec le savoir un certain
type de relation qui peut influencer et marquer nos trajectoires. Si le rapport
au savoir semble avant tout une question individuelle et singulière, on
peut aussi parler du rapport au savoir d'un groupe, dès lors qu'il
existe des représentations collectives et de valeur collective (de
groupe communautaire). Par ailleurs, c'est dans ce cadre que nous parlerons du
rapport au savoir des élèves Babongo du village Matagamatsengue.
C'est-à-dire de la relation que ces élèves d'origine
Babongo entretiennent avec le fait d'aller à l'école et d'y
apprendre des choses. Car il n'y a pas d'un côté l'identité
du sujet et l'autre son être social, les deux sont inséparables ;
le rapport au savoir est indissociablement social et singulier.
1.2. La sociologie de l'école, de la famille et du
rapport au savoir comme champs scientifiques
Le champ scientifique est représenté ici par
les différentes disciplines dans lesquelles s'inscrit la recherche. Par
ailleurs, notre objet d'étude nous place immédiatement dans la
sociologie de l'école et la sociologie de la famille.
La sociologie de l'école est revendiquée parce
que la réussite scolaire des enfants est visée par la
dépendance qui existe entre le sens et la valeur qu'un sujet donne
à l'école (ou les représentations sociales) et
l'institution scolaire, et en ce que l'école est l'élément
de départ qui favorise l'intégration sociale de l'individu.
12 Bernard Charlot, E. Bautier, J-Y, (1992),
Ecole et savoir dans les banlieues et ailleurs, Paris, Armand
Colin.
La sociologie de la famille est également
interpellée parce que la famille, ainsi que l'école, est une
institution qui a la charge de former, d'éduquer et d'intégrer
les individus dans la société. Toutes les catégories
familiales n'ont pas le même discours sur l'école, dans la mesure
où les projets d'avenir, les aspirations professionnelle et sociale et
la valeur donnée à l'école ne sont pas les mêmes. La
relation entre l'école et la famille, qui sont les deux principales
instances de socialisation de l'enfant, ont des effets qui déterminent
en parti la réussite scolaire des enfants. Par conséquent, la
sociologie de l'école est indissociable de la sociologie de la
famille.
En plus de ces deux champs précités, nous
mobilisons la sociologie du rapport au savoir car la réussite implique
aussi une activité et un désir de la part du sujet (de
l'apprenant). On observe aujourd'hui que la réussite scolaire des
enfants n'est plus toujours fonction des normes sociales des familles et de la
pertinence de l'école quelles soutiennent. Tel est le cas d'un enfant
issu d'une famille de catégorie défavorisée, mais qui met
en oeuvre toutes les stratégies pour y parvenir. C'est-à-dire
cette capacité personnelle dont dispose l'individu à former son
raisonnement (auto développement) et de canaliser des connaissances dans
sa mémoire (auto organisation) ; ce qui participe plus est donc le
« Learning13 ».
Par conséquent, notre étude visant à
démontrer l'impact du rapport au savoir sur la
persévérance scolaire au Gabon et chez les élèves
du village Matagamatsengue en particulier relève donc aussi de la
sociologie de l'école, de la famille et du rapport au savoir.
1.2.1. La persévérance scolaire comme
problème posé par l'objet d'étude
Constat : Le taux de redoublement
qu'enregistre le Gabon dans les établissements scolaires,
inquiète véritablement, les autorités politiques et
même la Banque Mondiale du fait qu'il croît sans cesse. Et il est
d'ailleurs l'un des plus élevés au monde. « Etant
déjà important avant 1990, il est passé de 38,1% à
42,8% durant la période 2010-2015 »14. Par ailleurs, la
période 2010-2015 a connu donc un taux de redoublement de 4,7% de plus
que celle avant 1990 (38,1% - 42,8%).
13 Roger Girod, (1984) « Inégalité
des chances : quelques aspects de l'évolution des théories
», Pouvoir, n°30, Septembre.
14 Gabon : les objectifs du millénaire pour le
développement, Banque Mondiale, 2015.
10
11
De ce fait, pour mieux cerner le problème que pose
notre objet d'étude, nous avons effectué une
pré-enquête dans le village Matagamatsengue. Notre
échantillon était composé principalement de deux
catégories d'individus : dix chefs de famille (dont l'âge varie
entre 20 et 56 ans) et dix enfants scolarisés (dont l'âge varie
entre 8 et 19ans), tous des deux sexes. Cependant, nous avons aussi eu
l'occasion de discuter, un temps soit peut, avec le directeur de l'école
primaire de Nzingui et le vice-président du conseil
départementale de la Louétsi-Wano (responsable de la
défense des peuples autochtones). Sur trente(30) jeunes en âge
d'être scolarisés que nous avons recensé du 12 au 14juillet
2016, vingt (20) se sont toujours inscrits à l'école de Nzingui
sur les deux années académiques allant de 2014 à 2016.
Cependant, le directeur de cette école nous confie que
: « les élèves ressortissant de Matagamatsengue ont
toujours eu une fréquentation irrégulière bien qu'ayant
quelques exception dont 4 ont pu obtenir leur certificat d'études
primaires».Et mentionne« qu'il est rare de voir ces
élèves boucler une année académique ».
Ensuite, sur les 10 élèves que nous avons
retenus et interrogés sur l'item de la fréquentation, 9 ont
coché la case « irrégulier ». Et sur l'item du projet
professionnel, 5 ont répondu « dans les corps habillés
», 2 répondent «enseignant », 1 souhaite être
infirmier et 2 autres « chauffeur ». Sur les 1O chefs de famille
ayant rempli le questionnaire sur ce même item du projet professionnel, 5
souhaitent que leurs enfants intègrent les « corps habillés
», 2 dans le domaine de « la santé », 1 pour celui des
« eaux et forêts » et 2 dans « l'enseignement ».
12
1.2.2. Présentation des données de la
pré-enquête Tableau n°1 : Répartition des
répondants selon l'âge
Classe d'âges
|
Parents
|
élèves
|
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
8 à 15 ans
|
0
|
0
|
0
|
5
|
3
|
8
|
15 à 20 ans
|
0
|
0
|
0
|
1
|
1
|
2
|
20 à 30 ans
|
1
|
0
|
1
|
0
|
0
|
0
|
30 à 40 ans
|
1
|
1
|
2
|
0
|
0
|
0
|
40 à 50 ans
|
3
|
1
|
4
|
0
|
0
|
0
|
50 à 60 ans
|
2
|
1
|
3
|
0
|
0
|
0
|
Total
|
7
|
3
|
10
|
6
|
4
|
10
|
|
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2016
Il apparait ici que la grande partie des élèves
se situe dans la tranche d'âge de 8 à 15 ans et chez les parents,
la majeure partie se situe dans celle de 40 à 50 ans (soit 4 parents) et
de 50 à 60 ans (3 parents).
Tableau n° 2 : Répartition selon le niveau
d'études
Niveau d'étude
|
Parents
|
élèves
|
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
Inferieur ou égale au CM2
|
7
|
3
|
10
|
2
|
4
|
6
|
Inférieur ou égal à la
3eme
|
0
|
0
|
0
|
4
|
0
|
4
|
Total
|
7
|
3
|
10
|
6
|
4
|
10
|
|
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2016
13
Nous pouvons noter ici que les parents tout comme les
élèves ont, de manière générale, un niveau
d'études inférieur ou égal au CM2, exceptés 4
élèves qui ont un niveau d'études inférieur ou
égal à la classe de troisième et tous de sexe masculin.
Tableau n°3 : Répartition des
répondants selon les perspectives professionnelles
Professions
|
Parents
|
Elèves
|
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
Infirmier / médecin
|
0
|
2
|
2
|
0
|
1
|
1
|
Force de l'ordre
|
4
|
1
|
5
|
4
|
1
|
5
|
Enseignant
|
2
|
0
|
2
|
0
|
2
|
2
|
Agent des eaux et forêts
|
1
|
0
|
1
|
0
|
0
|
0
|
Chauffeur
|
0
|
0
|
0
|
2
|
0
|
2
|
Total
|
7
|
3
|
10
|
6
|
4
|
10
|
|
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2016
Pour ce qui est du projet professionnel, il ressort que 10
(dix) sur les vingt (20) individus interrogés
(parents/élèves) ont une préférence pour les
métiers des forces de l'ordre et les 10 (dix) autres pour tout autre
corps de métiers tels que : infirmier, enseignant, eaux et forêt
et chauffeur.
Tableau n°4 : Effectif d'élèves de
l'école de Nzingui par sexes et par niveau d'études.
1ère A
|
2ème A
|
3ème A
|
4ème A
|
5ème A
|
Total
|
G
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
17
|
08
|
25
|
04
|
04
|
08
|
08
|
07
|
15
|
03
|
04
|
07
|
04
|
01
|
05
|
36
|
24
|
60
|
|
Source : Rapport de la rentrée scolaire 2017-2018,
école de Nzingui
14
Tableau n°5 : Répartition des
élèves par âges, sexes et par niveaux
Ages
|
Niveaux
|
|
2ème A
|
3ème A
|
4ème A
|
5ème A
|
Total
|
|
F
|
G
|
F
|
G
|
F
|
G
|
F
|
G
|
F
|
G
|
F
|
T
|
6 ans
|
01
|
02
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
1
|
2
|
3
|
7 ans
|
02
|
03
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
02
|
03
|
05
|
8 ans
|
02
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
02
|
00
|
02
|
9 ans
|
05
|
01
|
01
|
01
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
06
|
02
|
08
|
10 ans
|
02
|
01
|
01
|
01
|
02
|
01
|
00
|
00
|
00
|
00
|
05
|
03
|
08
|
11 ans
|
00
|
01
|
02
|
01
|
02
|
02
|
01
|
00
|
00
|
00
|
05
|
04
|
09
|
12 ans
|
00
|
00
|
00
|
00
|
01
|
01
|
01
|
01
|
01
|
00
|
03
|
02
|
05
|
13 ans
|
00
|
00
|
00
|
00
|
01
|
00
|
02
|
01
|
00
|
01
|
03
|
02
|
05
|
14 ans
|
00
|
00
|
00
|
00
|
01
|
01
|
00
|
01
|
00
|
01
|
01
|
03
|
04
|
15 ans
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
01
|
01
|
01
|
00
|
02
|
01
|
03
|
|
30
|
22
|
52
|
|
Source : Rapport de la rentrée scolaire 2017-2018
école de Nzingui modifié
En outre, selon le rapport de la rentrée scolaire de
l'année 2017-2018 de l'école publique de Nzingui, on observe de
manière générale que les élèves de cette
école sont en situation de retard scolaire, c'est-à-dire que
l'âge de ces derniers ne correspond pas au niveau d'études dans
lequel ils se trouvent : c'est notamment le cas de la classe de première
année où l'on observe que la majorité des
élèves ont 9 ans. Dans ce même rapport, « on observe
une parité entre le nombre de redoublants et celui des nouveaux sur
l'ensemble de l'établissement (21 nouveaux et 21 redoublants)
»15. Par contre, la fiche technique de la rentrée
scolaire 2018-2019 révèle que le nombre de redoublants est
supérieur à celui des nouveaux (32 contre 21).
15 Voir annexe n°6, portant sur le rapport de la
rentrée scolaire2017-2018 et la fiche technique de la rentrée
scolaire 2018-2019 de l'école de Nzingui.
15
Tableau n°6 : Répartition des redoublants par
sexes et par niveaux
Niveau d'études
|
Garçon
|
Fille
|
Total
|
1ère année
|
08
|
05
|
13
|
2ème année
|
03
|
04
|
07
|
3ème année
|
05
|
05
|
10
|
4ème année
|
00
|
02
|
02
|
5ème année
|
00
|
00
|
00
|
Total
|
16
|
16
|
32
|
|
Source : Fiche technique de l'année scolaire 2018-2019,
école de Nzingui
Tableau n°7 : Répartition de nouveaux
élèves par sexe et par niveau d'études
Niveaux
|
Garçon
|
Fille
|
Total
|
1ère année
|
02
|
01
|
03
|
2ème année
|
02
|
02
|
04
|
3ème année
|
01
|
01
|
02
|
4ème année
|
02
|
06
|
08
|
5ème année
|
04
|
00
|
04
|
Total
|
11
|
10
|
21
|
|
Source : Fiche technique de l'année scolaire 2018-2019,
école de Nzingui
Selon le directeur de l'école, le redoublement de ces
élèves en général et en particulier ceux d'origine
Babongo du village Matagamatsengue trouverait son explication dans le fait que
ces derniers, lors de certaines évaluations, sont souvent absents ou
abandonnent en cours d'année pour revenir l'année suivante se
réinscrire. Enfin, toujours dans le cadre de notre
pré-enquête, nous avons rencontré le 12 juin 2018, le
vice-président du conseil départemental de la
Louétsi-Wano, qui travaille aussi en collaboration avec l'ONG «
AGAFI » dans le cadre de la défense des peuples autochtones. Ainsi
; il nous confie : que « ces élèves ressortissant de
Matagamatsengue, même bien qu'ayant obtenu le certificat d'études
primaires ont du mal à dépasser le niveau 3eme
».
16
Et il rejoint le directeur de l'école en parlant de
leur fréquentation scolaire en « dents de scie »,
c'est-à-dire le fait de fréquenter l'école de
manière épisodique. Il poursuit en disant que ces
élèves, « s`inscrivent en début d'année,
sont plus ou moins réguliers entre octobre et mi-
décembre, absents entre mi-décembre et
février, réapparaissent sur les bancs de l'école la
période de mars/avril, et certains repartent avant la fin des cours.
Mais l'année scolaire suivante, ils reviennent quand même se
réinscrire». Il conclut en ajoutant : que « ce va et
vient des élèves s'observe pour ceux qui sont inscrits à
l'école primaire de Nzingui, ceux inscrits au lycée de Lebamba et
celui de Bongolo».
Dans cette perspective, en considérant qu'un
problème de recherche est un écart entre une situation actuelle
insatisfaisante et une situation désirable, notre problème
apparait donc sous l'angle d'une discordance entre la réussite scolaire
et la valeur ou le sens que l'on donne à l'école. C'est en effet,
cette situation de `'persévérance scolaire» qui nous a
conduit à nous intéresser au rapport que les élèves
issus de Matagamatsengue et leurs familles entretiennent avec le savoir, le
fait d'aller à l'école et d'y apprendre des choses, alors
même que ces enfants ont un grand retard scolaire, sont souvent
obligés de s'absenter de long mois, et que leur environnement social et
scolaire n'est pas propice à la réussite scolaire.
1.2.3. Les questions de départ de notre
recherche
Toute recherche débute par un questionnement de
départ clair. C'est ce dernier qui guide et oriente le travail en
fonction des objectifs à atteindre. Une bonne question de départ,
selon QUIVY et CAMPENHOUDT16, doit obéir à trois
critères fondamentaux : « la clarté », « la
pertinence » et « la faisabilité ». En effet, il faut que
la question soit précise et que son sens ne prête pas à
confusion. Ensuite, il faut qu'elle soit ouverte afin de laisser
16 Luc Van Campenhoudt et Raymond Quivy, (2011),
Manuel de recherche en sciences sociales, 4éme éd,
Paris, Dunod.
place à plusieurs réponses différentes.
Et enfin, celle-ci doit être réaliste en rapport avec les
ressources qui sont à la disposition du chercheur.
Par ailleurs, cette question du rapport au savoir
soulève plusieurs interrogations qui constitueront le fil conducteur de
notre recherche dans l'optique de mieux comprendre et d'expliquer ce
phénomène chez les élèves d'origine Babongo du
village Matagamatsengue.
- Comment les élèves du village Matagamatsengue
se représentent-ils le fait d'aller à l'école ? Autrement
dit, quel sens donnent-ils à la fréquentation scolaire ?
- Pourquoi les élèves du village
Matagamatsengue persévèrent-ils dans leurs
études malgré le caractère irrégulier de leur
fréquentation scolaire ?
Nous avons là donc, les deux principales
interrogations qui nous servirons de boussole tout au long de notre
investigation et auxquelles nous tenterons d'y répondre.
Section 2 : Elaboration de la problématique
Lors d'une investigation de type scientifique, et de
sociologie en particulier, la problématique est présentée
comme une étape fondamentale entre la rupture et la construction de
l'objet. Si l'on se réfère à QUIVY et CAMPENHOUDT, cette
phase désigne : « l'approche ou la perspective théorique
qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par
la question de départ. Elle est l'angle par lequel les
phénomènes vont être étudiés, la
manière dont on va les interroger »17.
L'élaboration de la problématique se réalise en deux
grandes étapes. Dans un premier temps le chercheur doit faire le point
sur les problématiques antérieur : Celle-ci consiste donc pour
nous à recensé les travaux des prédécesseurs et
à faire des comparaisons, avant d'expliquer sa propre
problématique dans un second temps : adopter un cadre théorique
dont on est à mesure de maitriser.
2.1. La revue de la littérature
Dans le but de répondre à la question de savoir
d'où surviennent les inégalités scolaires,
différentes approches ont été développées
par les sociologues. Il est en effet nécessaire de faire une revue de la
littérature en ce que cette thématique (d'inégalité
scolaire) suppose d'être observée avec distanciation,
objectivité et toujours en contexte.
17 Luc Van Campenhoudt et Raymond Quivy, (2011)
Op.cit, p 16
17
Ainsi, nous vous ferons un bref aperçu de quelques
travaux sur cette question dans la sociologie de l'éducation en
général, et en référence au contexte gabonais.
2.1.1. Dans la littérature sociologique
* Bernard CHARLOT18, dans son
livre, Le rapport au savoir en milieu populaire, définit le
rapport au savoir comme l'ensemble (organisé) de relations qu'un sujet
humain (donc singulier et social) entretient avec tout ce qui relève de
`'l'apprendre» et du `'savoir» : objet, contenu de pensée,
activité ; relation personnelle, lieu, personne, situation, occasion,
obligation, etc., liés en quelques façons à l'apprendre et
au savoir.
Il montre par cette définition que le rapport au
savoir ne se réduit pas aux relations que nous entretenons avec des
apprentissages ou avec des savoirs, mais Il se construit également
à travers nos projets d'avenir, nos aspirations professionnelles et
sociales, nos réponses à des sollicitations de l'entourages.
Cette analyse nous amène à aborder dans un premier temps
l'expérience scolaire des parents Babongo avant que d'aborder le rapport
au savoir chez les enfants Babongo de Matagamatsengue.
* Jacky BEILLEROT19, quand
à lui dans son livre Pour une clinique du rapport au savoir,
parvient à montrer que le rapport au savoir est avant tout un
processus jamais figé, qui évolue tout le long de la vie, le
rapport au savoir est à la fois un rapport de sens et relation de
valeur, c'est-à-dire qu'une personne valorise ce qui a du sens pour
elle, et à l'inverse, elle donne du sens à ce qui
représente de la valeur pour elle.
Selon Jacky Beillerot, la réussite scolaire d'un
élève dépend du sens que celui-ci donne à ses
études. Cette analyse nous intéresse en ce quelle place
l'élève (l'individu) au centre de sa réussite ou de son
échec scolaire.
* François DUBET20, dans
son livre sur l'expérience sociologique, s'efforce de montrer
comment la sociologie se pose sans cesse les mêmes questions, construit
des réponses qui relèvent autant de choix théoriques que
de la nature des conflits, des débats et des expériences que la
sociologie doit dégager des routines sociales de la vie. La sociologie
y
18 Bernard Charlot, (1999), Le rapport au savoir
en milieu populaire. Une recherche dans les lycées professionnels de
banlieue. Paris, Edition Economica.
19 Jacky Beillerot, (1996), Pour une clinique du
rapport au savoir, Paris, L' harmattan.
20 François Dubet (2007),
L'expérience sociologique, Paris, la Découverte.
18
apparait moins comme une doctrine, que comme une aventure
intellectuelle et une manière de définir l'action sociale par des
choix de méthodes.
Selon Dubet, « si l'on part de l'hypothèse que
les acteurs sont des acteurs et qu'ils possèdent donc des
capacités d'actions et de réflexions, se
sont-elles que le chercheur doit mobiliser plutôt que se conférer
un monopole du sens qui ne risque guère de lui être
contesté par ceux qu'il étudie, car il est rare qu'ils lisent ces
ouvrages ou ces articles ».
Cette approche de Dubet propose que ce soit en observant les
acteurs que l'on peut comprendre dans quelle société nous vivons,
plutôt que d'inférer mécaniquement le sens d'une action du
contexte où elle se forme. En outre, le principe d'autonomie conduit les
acteurs à ne pas se considérer comme des victimes (jouet de
destin final), mais comme acteurs de la construction de leur propre vie.
L'approche que développe Dubet ici, nous parait
très pertinente pour notre étude car elle met en avant l'acteur
capable d'agir, de réagir et parfois d'inventer des réponses.
*Marie DURU-BELLAT, contrairement à
Dubet, met l'accent sur l'effet-établissement. Pour
elle, les causes de l'inégalité des chances scolaires doivent
être recherchées au sein de l'établissement car chaque
établissement, ayant un mode particulier de fonctionnement et
d'organisation (spécificité de management), influence fortement
le rendement scolaire des élèves.
Ici, l'idée qui se dégage est celle des
contextes scolaires variés et inégaux, qui favorisent une
inégalité de réussite au profit des familles qui usent de
stratégies en inscrivant leurs enfants dans des contextes plus
favorables à la réussite.
Cette perspective est pertinente pour notre étude en
ce qu'elle relève la diversité des contextes scolaires qui est
aussi plus ou moins observable au Gabon entre les «
établissements du centre et ceux de la périphérie
» 21ou encore entre ceux des zones urbaines et ceux des
zones rurales.
21Orphée Martial Soumaho Mavioga et Dany
Daniel Békale, (2017) « Offre scolaire au Gabon et
problématique de l'inégalité des chances dans
l'enseignement primaire », Romaric Franck Quentin de Mongaryas (dir.)
refonder l'école gabonaise : enjeux et perspectives, Saint
Denis, Publibook.
19
20
Notre étude se déroule en zone rurale, et
à l'épreuve des observations de terrain, il se lit une forte
disparité scolaire qui se traduit en termes de structures scolaires,
d'enseignants et d'outils pédagogiques. L'environnement scolaire dans
cette zone rurale pose des limites dans la réussite scolaire des
apprenants.
* Pierre MERLE22, pour sa part,
envisage de comprendre les phénomènes de mobilisation et de
découragement scolaire à partir de l'expérience subjective
des élèves. Selon lui, ce qui pourrait être à la
base de l'inégalité de chance scolaire d'après les
élèves eux-mêmes est l'effet maître,
c'est-à-dire l'interaction entre maître et
élève.
Dans son étude, il montre que les élèves
ne sont poussés à travailler que dans la mesure où les
compétences rationnelles et didactiques des professeurs ont une
influence positive sur les élèves. Dans ce cas, le maître a
une part de responsabilité de bons ou de mauvais résultats des
élèves. En d'autres termes, il est à l'origine de la
performance de ces derniers.
Par ailleurs, la précarité qui touche les
maîtres dans les zones rurales ne motive pas celui-ci à
s'intéresser à la réussite scolaire des
élèves. Tout au plus, ils vont veiller à leur donner
l'essentiel des savoirs à acquérir pour un niveau
donné.
* Pierre BOURDIEU et Jean-Claude
PASSERON23 s'intéressent aux logiques de la
reproduction sociale par le biais de l'héritage culturel. Leur
hypothèse centrale était que l'école reproduit les
inégalités sociales à travers les méthodes et les
contenus d'enseignement qui privilégient de manière implicite une
forme de culture propre aux classes dominantes, ce qui désavantage les
élèves issus des classes dominées.
Selon eux, l'école remplit une fonction de
légitimation en transformant les inégalités sociales en
inégalités présentées comme naturelles (d'aptitude,
de goûts, etc.). Pour rendre compte de ce processus qui lie la
performance scolaire au milieu social, ils ont développé la
notion de « capital culturel ». Toujours selon eux, plus le niveau
culturel de la famille est
22 Pierre Merle, (2004), « Mobilisation et
découragement scolaires : l'expérience subjective des
élèves », Education et Société,
n°13. pp.193-208
23 M. Cacouault et F. Oeuvrard, (1995),
Sociologie de l'éducation, 4éme éd, Paris, (`'la
découverte» coll. « Repères »).
élevé, plus l'enfant a des chances de
réussir à l'école du moment où c'est ce capital qui
est valorisé à l'école. Cela revient à dire que le
système éducatif est destiné aux enfants qui dès le
départ possèdent un capital qui leur permet de s'orienter plus
aisément dans le milieu scolaire et de le transformer en diplôme.
Cependant, les enfants issus des milieux défavorisés ont un
capital culturel qui est opposé à la culture valorisée par
l'école dans ces valeurs et son langage, ce qui implique de leur part un
plus grand effort.
Cette approche est très intéressante. Mais sa
principale limite provient du fait qu'elle ne présente que l'implication
de la famille et de l'école sur l'échec qui affecte les
populations d'élèves. Ce qui laisse entendre que les
inégalités de réussite des élèves ne
s'expliquent que par les inégalités de distribution du capital
culturel que médiatisent les dispositions individuelles socialement
déterminées (l'habitus) et donc écarte la
responsabilité de l'élève lui-même.
* Viau ROLLAND24, pour sa part
montre que la « motivation » en contexte scolaire,
est un état dynamique qui a ses origines dans la perception que
l'élève a de lui-même et de son environnement, et l'incite
à choisir une activité, à s'y engager et à
persévérer dans son accomplissement afin d'atteindre un but :
« si un élève ne donne du sens aux activités
scolaires, il ne peut travailler fort ».
Cette étude nous paraît pertinente en ce qu'elle
rejoint, peu ou prou, notre préoccupation dont l'objectif est de
comprendre la persévérance scolaire individuelle
d'élèves appartenant massivement aux mêmes
catégories sociales.
2.1.2. Que pensent les universitaires gabonais ?
Quelques travaux de recherche universitaire ont fait l'objet
* Axel Eric AUGE25, dans son
mémoire de maitrise intitulé Evaluation du paradigme de la
reproduction sociale au milieu universitaire au Gabon pour une lecture de
l'école reproductrice, tente de vérifier le paradigme de la
reproduction sociale de Bourdieu qui
24 Rolland Viau. Rolland (1994), La Motivation en
contexte scolaire, Paris, Bruxelles. De Boeck et Lacier S. a.
25 Axel Eric Augé, Evaluation du paradigme
de la reproduction sociale en milieu universitaire au Gabon, pour une lecture
de l'école reproductrice, mémoire de maitrise en sociologie,
Libreville, FLSH, UOB, Septembre 1997.
21
postule que l'origine sociale conditionne le destin social.
Il va ainsi constater que l'origine sociale modeste est une source de
motivation pour les étudiants de familles populaires. Il démontre
par la suite que, si pour Bourdieu l'origine sociale modeste condamne les
étudiants au sein des sociétés capitalistes comme la
France, l'effet n'est pas le même au Gabon.
Cette approche est aussi très intéressante ;
mais au fond, elle n'explique pas pourquoi la capacité d'auto
organisation et d'auto développement du savoir varie en fonction d'un
élève à un autre, dans la mesure où le principe
d'autonomie26 conduit l'acteur à ne
pas se voir comme une victime mais comme un acteur capable de donner un sens
à ce qui lui arrive.
*Hermine MATARI27,
quant à elle, en s'appuyant sur le paradigme Bourdieusien,
tente de montrer que la structure familiale a pour fonction la reproduction
sociale, biologique et scolaire. Ceci en tentant de maintenir, et si possible
d'améliorer, la position de la famille dans l'espace social. Ces travaux
tentent de comprendre et d'expliquer la nature des rapports que les familles
Gabonaise entretiennent avec l'institution scolaire.
Cette approche ne fait pas suffisamment place aux cas
marginaux et ne nous permet pas elle aussi de comprendre la
persévérance scolaire individuelle d'individu appartenant aux
mêmes catégories sociales. Elle rejoint ainsi, peu ou prou, la
position de Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON sur la variable de
l'origine sociale pour expliquer la réussite scolaire.
* Mesmin-Noël SOUMAHO28,
dans sa thèse de doctorat démontre que l'héritage peu
modifié de la colonisation, ce que l'on désigne
généralement sous le vocable « système
éducatif gabonais », n'est que la transposition d'un modèle
déjà périmé en France. C'est-à-
26 François Dubet, Op.cit, p 18
27 Hermine, Matari, Trajectoire scolaire dans
l'enseignement primaire et famille au Gabon. Pour une étude du rendement
à partir de l'origine sociale des élèves.
Mémoire de maitrise en sociologie, Libreville, FLSH, UOB, Octobre
1999.
28 Mesmin-Noël Soumaho, Objectifs de
l'enseignement primaire et contenu des manuels de lecture. Contribution
à une étude sociologique du curriculum au Gabon, 2tomes,
thèse de Doctorat 3e cycle en sciences de l'éducation.
Paris, université René Descartes-Paris V, 1987.
22
23
dire qu'il ne prend pas en compte les réalités
socioculturelles en ce que l'enseignement dispensé à
l'école primaire au Gabon est inadapté, parce que
n'intégrant pas une réalité culturelle fondamentale dans
l'éducation : la langue maternelle. De ce fait, dès que l'enfant
arrive à l'école, il perd toute spontanéité et
adopte une attitude passive. « C'est que l'enfant est brusquement soumis
à la nécessité de se plier à une discipline dont la
valeur n'est pas comprise, il doit travailler seul au lieu d'agir au sein d'un
groupe. La tâche demandée lui est étrangère sans
rapport avec la vie et enseignée dans une langue inconnue ». Et par
conséquent, ces savoirs inculqués à l'école sortent
l'enfant de son milieu et le rend très inutile à ce milieu.
L'aspect de transposition spontanée d'un modèle
sans un effort de contextualisation qu'aborde Mesmin-Noël SOUMAHO sur la
question du système éducatif gabonais est très pertinent
pour notre étude en ce qu'il touche la question du « rapport
à la langue ». Le français est la langue
légitimée à l'école au Gabon ; or en milieu rural
gabonais (à Matagamatsengue en particulier), la langue vernaculaire est
la plus utilisée dans l'espace privé ainsi que dans l'espace
public. Cet écart entre socialisations familiale et scolaire a
nécessairement une incidence dans le rapport.
* Gilbert NGUEMA ENDAMNE29 , dans
l'école pour échouer fait un point des avatars d'une
ouverture précoce de l'école à toutes les couches
sociales. Il montre qu'en zone rurale, les directeurs d'écoles sont
appelés à faire les arbitrages entre la loi et la pression
villageoise. Les conditions de vie précaire des directeurs et
enseignants (certains sont nourris et logés par les villageois)
réduisent leur autonomie. En outre, cette volonté d'instruire
tous les enfants en âge scolarisable va se heurter à des
difficultés économique et financière qui ne permettent pas
de répondre à l'exigence d'une éducation de
qualité, susceptible d'atteindre les finalités qui lui ont
étés assignées.
Tout comme dans la thèse doctorale de Mesmin-Noël
SOUMAHO, cet aspect nous ait aussi pertinent en ce qu'il met en avant les
limites d'une ouverture de l'école pour tous, en
29Gilbert, Nguema Endamne. (2011) L'Ecole pour
échouer. Une école en danger. Crise du système
d'enseignement gabonais. Paris, Publibook
24
notant toutefois l'effet de contexte scolaire rural pour
montrer l'échec d'un système éducatif qui favorise
à son tour l'échec scolaire.
* Romaric Franck QUENTIN DE
MONGARYAS30, quant à lui, s'intéresse au
rapport à la lecture des étudiants de sociologie (licence 3 et
Master 1) à Libreville. Il montre à l'aide de la théorie
du rapport au savoir développée par Bernard Charlot, que chez ces
étudiants gabonais de l'Université Omar Bongo, il y a une absence
de culture sociologique, une faible construction intellectuelle et scientifique
qui s'explique par leurs comportements paradoxaux en matière de lecture
dans la mesure où ils ne parviennent pas à développer une
compétence lectrice qui est nécessaire à tout
étudiant qui souhaite poursuivre des études supérieures.
En d'autres termes, ces étudiants n'ont pas un habitus lectoral
ou encore n'entretiennent pas des habitudes ou des comportements qui
favorisent le goût du livre ou de la lecture.
Tout comme les précédentes analyses, celle-ci
nous paraît intéressante en ce qu'elle parvient à montrer
l'importance d'un habitus lectoral dans le cadre de la construction
d'une culture sociologique nécessaire à la poursuite des
études universitaires, tout en mettant au centre le sujet
lui-même.
Au terme de ce retour sur ces quelques travaux de nos
prédécesseurs, et après avoir élucidé leurs
problématiques, nous passons à la seconde phase dans le but de
nous donner une problématique qui sied à notre questionnement de
départ. Il s'agit de savoir en contexte gabonais, dans quelle mesure le
rapport au savoir peut expliquer la motivation des élèves
à persévérer dans la poursuite des études.
2.2. La perspective sociologique de notre
problématique
L'objectif de notre recherche est d'expliquer principalement
l'écart entre le rapport au savoir et l'acharnement des
élèves à poursuivre des études malgré un
contexte familial et scolaire complexe (une « école pour
échouer31») à partir d'une enquête au
village
30Romaric Franck Quentin De Mongaryas, Culture
intellectuelle et scientifique dans l'enseignement supérieur gabonais :
Analyse du rapport à la lecture des étudiants de sociologie
(Licence 3 et Master 1) à Libreville,
http://WWW.regalish.net,
p17
31Gilbert Nguema Endamne, (2011), op.cit.,
p22.
25
Matagamatsengue. Et pour ce faire, nous convoquons Bernard
Charlot comme auteur de référence.
Ses travaux de recherche qui retiennent notre attention
portent sur le sens et la valeur que présentent pour les
élèves et leurs familles l'école, et le fait même
d'apprendre. Il tente d'identifier les processus qui structurent les histoires
scolaires des jeunes : mobilisation à l'école et sur
l'école, et les processus épistémiques. Ces recherches
montrent qu'une histoire scolaire n'est jamais jouée d'avance, et que
les jeunes des milieux populaires pensent l'école en termes d'avenir
plus que de savoir, et qu'apprendre ne présente pas un sens univoque.
Dans le but d'atteindre notre objectif, la théorie
sociologique du sujet de BERNARD CHARLOT32 est celle que nous avons
retenue dans le cadre de notre recherche, dans la mesure où elle porte
tout autant sur la part du social et du psychique, que sur les conceptions du
sens, du savoir et de l'apprendre. Cette perspective entre en dialogue avec une
psychologie qui pose comme principe que tout rapport à soi passe par le
rapport à l'autre. Une lecture en positive s'attache au sens que
l'élève donne à ce qui lui arrive. Car l'univers de sens
est ce qui différencie les populations d'élève et non tel
ou tel autre phénomène considéré isolément.
Le choix de ce cadre théorique est aussi justifié par l'objectif
de saisir les cas marginaux (les singularités).Connaissant que le cadre
théorique a pour fonction d'organiser notre représentation de la
réalité, une question fondamentale va ainsi orienter notre
investigation : Comment les élèves du village Matagamatsengue se
représentent-ils le fait d'aller à l'école ? Autrement
dit, quel sens donnent-ils à la fréquentation scolaire ? Pourquoi
les élèves du village Matagamatsengue
persévèrent-ils dans leurs études malgré le
caractère irrégulier de leur fréquentation scolaire ?
Telle sera la question que ce travail se propose d'éclaircir.
32 Bernard Charlot, (1982), « je serai ouvrier
comme mon papa, à quoi ça me sert d'apprendre ? Echec scolaire,
Démarche pédagogique et rapport social au savoir », GFEN ;
Quelles pratiques pour une autre école, Paris, Casterman.
26
CHAPITRE II
APPROCHE METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
Section1 : Construction du modèle d'analyse
1.1. L'énonciation des hypothèses
Le but de notre recherche est de comprendre et d'expliquer
l'influence du rapport au savoir sur la persévérance scolaire des
élèves issus d'une minorité ethnique et dont le contexte
social, politique et familial et scolaire leur est défavorable voire
hostile.
Selon QUIVY et CAMPENHOUDT, « un travail ne peut
être considéré comme une véritable recherche s'il ne
se structure autour d'une ou de plusieurs hypothèses ».
L'hypothèse se présente comme une réponse provisoire
à la question de départ de la recherche, qui demande à
être vérifiée.
Par ailleurs, nous rappelons ici que notre questionnement de
départ est de savoir : Comment les élèves du village
Matagamatsengue se représentent-ils le fait d'aller à
l'école ? Autrement dit, quel sens donnent-ils à la
fréquentation scolaire ? Pourquoi les élèves du village
Matagamatsengue persévèrent-ils dans leurs études
malgré le caractère irrégulier de leur
fréquentation scolaire ? En d'autres termes, quelle pertinence
sociologique peut-on accorder à la corrélation entre le
rapport au savoir des élèves et la
persévérance scolaire ?
Hypothèse 1
Les élèves issus de la communauté
Babongo accordent véritablement un sens social aux études dans la
mesure où ils développent une persévérance scolaire
qui se construit autour d'un projet familial essentiellement centré
autour d'une relative réussite sociale qui se traduit par un emploi
rémunéré, qui permettra à l'enfant plus tard
d'aider toute la famille.
Hypothèse2
Le contexte scolaire en zone rural étant
défavorable, les élèves Babongo du village Matagamatsengue
accordent un sens épistémique et identitaire restreint aux
études, non pas dans la perspective de sortir de leur catégorie
sociale, tout au plus pour apprendre à lire et à écrire
afin de solliciter des tâches subalternes dans la division sociale du
travail moderne.
1.2. Définition et construction des
concepts
1.2.1. Définition des concepts
Cette étape est nécessaire en ce que les
concepts permettent d'expliquer le phénomène à
étudier. En effet, le cadre théorique permet de spécifier
les concepts, de les définir et de préciser les limites de ces
définitions. En outre, c'est la relation entre les concepts clés
retenus qui va constituer le fondement de notre manière de concevoir le
problème et de l'aborder.
· Le rapport au savoir
Le rapport au savoir désigne «
l'ensemble d'images, d'attentes et de jugements qui portent à la fois
sur le sens et la fonction sociale du savoir et de l'école, sur la
discipline enseignée, la situation d'apprentissage et soi-même
»33 . Aujourd'hui, « c'est une relation de sens, et donc
de valeur entre un individu (ou un groupe) et les processus ou produit du
savoir ».34
· La persévérance
scolaire35
La persévérance scolaire peut
être définie au sens strict comme la poursuite des études
jusqu'à l'obtention d'un premier diplôme ou d'une qualification.
Pour soutenir cette persévérance, il faut que les études
soient suffisamment valorisées auprès des jeunes :
33 Bernard charlot. (1982) « Je serais ouvrier
comme papa, alors à quoi ça me sert d'apprendre ? L'échec
scolaire, vécu pédagogique et rapport social au savoir ».
GFEN. Quelle pratique pour une autre école ? Tous capable !
Paris, Tournai, Casterman.
34 B Charlot. Bautier, E. et Rochex, J-Y. (1992)
Ecole et savoir dans les banlieues... et ailleurs. Paris : Armand.
35 Persévérance scolaire :
définition et situation à Montréal.
https:/www. Reseauréussitemontréal. Ca/
persévérance.../
persévérance.sc...
27
28
- que ces derniers soient motivés et s'y investissent,
- qu'ils se sentent capables de réussir un parcours
adapté à leurs capacités et aspirations,
- que les exigences de leur vie d'élèves
s'harmonisent avec les autres dimensions de leur vie.
En outre, les déterminants de celle-ci sont : la
motivation, l'enseignement, l'estime de soi, l'encadrement parental, le climat
scolaire et les ressources du milieu. De ce fait, si l'influence de ces
déterminants est positive, on parle ainsi de facteurs de protection qui
favorisent la persévérance scolaire du jeune.
Le taux de diplômes des élèves issus de
Matagamatsengue n'étant pas archivé par la Direction
d'Académie Provinciale de la Ngounié (DAP) et par le centre
d'examen de Nzingui, dans la présente investigation la mesure de la
persévérance scolaire s'est faite sur la base des
déterminants citée précédemment et des
données recueillies sur le terrain, dans l'objectif de palier à
l'absence de rapport de fin d'année.
En effet, dans le cadre de notre travail, nous
définissons la persévérance scolaire comme une
capacité à poursuivre des études au-delà des
handicaps liés à l'origine sociale, au retard scolaire et
à un contexte scolaire défavorable qui condamneraient les
élèves à l'avance à des abandons. Mais cette
persévérance scolaire sensée être positive ne permet
pas aux élèves issus de la communauté Babongo de
véritablement sortir de leurs conditions sociales
défavorisées à la fin de leurs études. Au plus, ces
élèves espèrent dépasser le niveau scolaire de
leurs parents et trouver un emploi subalterne dans l'appareil de production de
l'Etat.
· Mobilisation à l'école et sur
l'école36
La notion de mobilisation à l'école
désigne l'investissement dans le travail scolaire. Elle fait appel
à plusieurs processus : l'incitation par les membres de la famille,
l'aide technique, l'appropriation de la demande familiale. Cette demande
devient volonté personnelle de réussir. La mobilisation à
l'école est la force de la demande inscrite dans le réseau des
36 Bernard Charlot, (1992), « Rapport au savoir
et rapport à l'école dans deux collèges de banlieue
», sociétés contemporaines, n°11-12 ?
P119-147
37 Gaston. Mialaret (1979), Vocabulaire de
l'éducation. Education et Sciences de l'Education, Paris, PUF, p.
392
29
relations familiales, plus que l'aide technique
apportée par les parents qui soutiennent la mobilisation des jeunes sur
l'école (l'élève est ici dans un « rapport aux
apprentissages professionnels »).
Par contre, la notion de mobilisation sur l'école
désigne l'investissement dans le fait scolaire lui-même. Elle
implique que l'on attribue du sens au fait même d'aller à
l'école pour y apprendre des choses. Ici, c'est l'activité
intellectuelle qui donne sens à l'école, activité de
construction progressive d'un savoir qui, dans sa phase ultime, objective et
nomme ce savoir (l'élève est dans un « rapport à la
culture »).
De ce fait, même la didactique la plus performante se
révélerait impuissante (inefficace) face à un
élève qui n'en a rien à faire de l'école. Il est
donc important qu'un élève se mobilise sur l'école pour
qu'il se mobilise à l'école. Tout individu, dominé
soit-il, est actif, agit sur et dans le monde, en fonction du sens qu'il
attribue à ce monde.
· Le retard scolaire
Au sens de Gaston MIALARET37, on parle de
retard scolaire pour désigner un élève qui se
retrouve en-dessous de la norme par rapport à son âge ;
C'est-à-dire un élève qui est dans une classe
inférieure à celle qu'il devrait être par rapport à
son âge. En effet, plusieurs facteurs peuvent expliquer le retard
scolaire notamment : le décrochage, l'échec (redoublement),
l'entrée tardive dans le système scolaire, etc.
1.2.2. Construction des concepts
La construction des concepts consiste, dans un premier temps,
à déterminer les dimensions qui les constituent, avant que de
préciser les indicateurs par lesquels les dimensions pourront être
mesurées.
30
Concept
|
Dimensions
|
Indicateurs
|
Rapport au savoir
|
Epistémique
|
*avoir un esprit critique
*maitriser la lecture et l'écriture *faire des exercices
ou des lectures hormis ceux que donne le maitre
|
Identitaire
|
*Devenir un monsieur *Devenir `'un blanc»
|
Social
|
*avoir un travail à la fin des
études*inciter l'enfant par des
conseils à faire ses exercices de maison
*Aider la famille grâce à un emploi
rémunéré
|
Persévérance scolaire
|
familiale
|
- encourager les enfants à faire les exercices
- Encourager les enfants à aller à
l'école
- Dépasser le niveau d'études des parents
|
Pédagogique
|
- Se réinscrire chaque année - Apprendre à
lire et écrire
- Apprendre à parler français
|
Identitaire
|
- Devenir un monsieur - Avoir une profession,
|
31
Section2 : Démarche méthodologique et
champ empirique de l'enquête
2-1 Démarche méthodologique
L'élaboration de notre objet d'étude
formalisé en concept bien clair pose le problème de la
méthodologie qui en garantit la validité scientifique. Nous
allons préciser dans ce qui suit un ensemble de techniques ou de
procédures d'analyses en définissant une voie pour nous guider
dans l'élaboration de la théorie où nous avons inscrit
notre objet d'étude. Et pour ce faire nous avons utilisé comme
technique principale d'investigation l'enquête par entretien. Cette
technique sera soutenue par des récits de vie et par l'observation d'une
classe en pleine leçon.
2.1.1. L'entretien semi-directif et les récits
de vie comme techniques de collectes des informations (données)
* L'entretien semi directif est un instrument
de mesure et de mise en forme des informations qui permettront au chercheur
d'avoir un contact avec la réalité vécue par les acteurs
sociaux. Il complète la lecture en permettant au chercheur de prendre
conscience des aspects du phénomène auquel il n'était pas
forcément sensible au départ.
Ainsi, il est réalisé en langue nzébi. En
utilisant le questionnaire lors de notre pré enquête, nous avons
été confronté aux problèmes de la langue de
médiation avec certains de nos enquêtés qui
présentaient des difficultés dans la compréhension de nos
questions, ce qui nécessitait parfois des relances en nzébi.
Cet outil est donc celui qui sied le mieux à notre
étude, au regard du nombre d'élèves qui nous permet
d'avoir un temps suffisant pour les entretiens.
* le récit de vie peut constituer un
instrument remarquable d'extraction de savoir pratique à condition de
l'orienter vers la description d'expériences vécues
personnellement et des contextes aux seins desquels elles se sont inscrites.
Cette fonction descriptive appelée encore description en profondeur
de l'objet social qui prend en compte ses configurations internes des
rapports sociaux, son rapport de pouvoir, ses tensions, ses précautions
et de reproduction permanente et ses dynamiques de transformation.
32
« Le récit de vie n'est pas n'importe quel
discours : c'est un discours narratif qui s'efforce de raconter une histoire
réelle et qui, de plus, à la différence de
l'autobiographie écrite est improvisée au sein d'une relation
dialogique avec un chercheur qui a d'emblée orienté l'entretien
vers la description d'expériences pertinentes pour l'étude de
sous objets. En d'autres termes, un récit de vie constitue un effort
pour raconter une histoire réellement vécue.
Pour bien comprendre ce que cela signifie, il faut distinguer
trois éléments :
- La réalité historico-empirique de
l'histoire réellement vécue (trajectoire). Notons au passage que
ce parcours inclut non seulement la succession des situations objectives des
sujets mais aussi la manière dont il les a vécu,
c'est-à-dire perçu et agit sur le moment ; de même les
événements de son parcours ;
- La réalité psychique et sémantique
constituée par ce que le sujet sait et pense
rétrospectivement de son parcours biographique ; elle résulte de
la totalisation subjective que le sujet a fait de ses expérience
jusqu'ici.
- Et enfin, la réalité discursive du
récit lui-même tel que produit dans la relation dialogique de
l'entretien, correspondant à ce que le sujet veut bien dire, de ce qu'il
sait (ou qu'il croit savoir) et pense de son parcours. »
Cette seconde technique de collecte de données que nous
avons retenu, nous permettra de mieux saisir la relation que les
élèves du village Matagamatsengue entretiennent avec le fait
d'aller à l'école et d'y apprendre des `'savoirs savants»,
en nous replongeant dans leur histoire scolaire.
2.1.2. L'analyse de contenu comme technique de
traitement des données
Une analyse de contenu consiste en un examen
systématique et méthodologique des documents textuels ou visuels.
Dans cette méthodologie qualitative utilisée en sciences sociales
et humaines, le chercheur tente de minimiser les éventuels biais
cognitifs et culturels en s'assurant de l'objectivité de sa
recherche.
33
Dans le cadre de notre travail, l'analyse des données
recueillies suis une logique inductive qui permet de partir des données
brutes pour en construire le sens. Pour analyser le verbatim recueilli, on a
opté pour `'l'analyse de contenu thématique»,
c'est-à-dire une analyse qui consiste à un travail de
réduction ou de synthèse du corpus qui peut être
très vaste. Cette synthèse permet de réduire le corpus en
exprimant tout simplement l'essentiel de ce qui ressort du verbatim recueilli.
Notons, qu'une fois le verbatim recueilli, on s'est posé la question de
savoir, quel est l'essentiel qui se dégage des propos des
élèves Babongo et leurs parents au sujet de l'école ?
Qu'y-a-t-il de fondamental dans les relations que les élèves
entretiennent avec le fait d'aller à l'école ? Plus
précisément, ces entretiens s'articulaient autour de plusieurs
thématiques qui ont fait l'objet d'analyse, à savoir, les
représentations sociales de l'école, le rapport à
l'école, les perspectives professionnelles et les stratégies
parentales d'encouragement. Aussi, on a procédé à un
résumé des thèmes de l'entretien semi-directif en mettant
en exergue les citations fortes (une sorte d'argumentaire des
enquêtés en rapport avec l'idée principale : les dires
très éloquents ou démonstratifs).
En effet, nous avons principalement interrogé deux
catégories d'enquêtés, les élèves d'origine
Babongo et les chefs de familles du village Matagamatsengue. Par ailleurs,
vingt (20) étaient de sexe masculin (11 garçons et 9 Hommes) et
Cinq (5) de sexe féminin (3 filles et 2 femmes).
Nous avons fait recourt à ce type d'analyse car d'une
part, elle nous permet d'échapper à l'analyse statistique des
données qui caractérise l'analyse de contenu classique
faisant du langage un simple instrument dénotatif et d'autre part, parce
que l'analyse de contenu thématique permet une analyse
approfondie de contenu.
2.2. Champ empirique d'enquêtes
2.2.1. Position géographique de l'univers
d'enquête
Le champ empirique de notre investigation est le village
Babongo Matagamatsengue. Le village Matagamatsengue se situe dans la province
de la NGOUNIE, précisément dans le département de la
LOUETSI-WANO à 36 kilomètres de LEBAMBA (chef-lieu du
département),
34
sur l'axe Malinga-Mourembou.IL est entre le village Mbelnaltembe
et Nzingui, à 144 kilomètres de MOUILA : capitale provinciale.
Matagamatsengue, nom du village de notre terrain
d'investigation, désigne « le début du
monde », et le nom des habitants de ce village est « Babongo
»qui signifie « Peuple de la forêt ».
2.2.2. Présentation de la population
d'enquête
Rappelons que la présente investigation a pour objectif
de cerner le rapport aux savoirs des enfants d'origine Babongo du village
Matagamatsengue. Faisant partie des groupes ethniques minoritaires et
étant une communauté aux caractéristiques et attitudes
traditionnelles particulières, il est donc nécessaire
d'élucider leur mode d'organisation sociale, politique,
économique et culturelle dans le but de mieux saisir leur rapport aux
savoirs.
La population cible de notre travail est d'origine Babongo.
Elle est assimilée à ceux qu'on appelle les pygmées du
Gabon. De manière générale, les communautés
pygmées encore appelée peuples autochtones, sont des peuples
`'semi-nomades». Le terme pygmée vient du grec «
pugmaois » qui signifie « haut d'une coudée
»38. Les communautés autochtones vivent
habituellement en petits groupes en forêt et dans des huttes faites en
terre battue ou en feuilles. Ils sont souvent
marginalisées39 car ils constituent des groupes qui
« au niveau social, politique, économique ou culturel sont
exclus ou bien opprimés dans la société ou dans leurs
communautés».40
Ordinairement, l'éducation de l'enfant dans
ces communautés a pour objectif le préparer à devenir
autonome. Pour eux, l'enfant est perçu comme l'avenir de demain. Ainsi,
il est donc nécessaire qu'il soit éduqué. Dans cette
perspective il doit intérioriser les normes et les valeurs du milieu
dans lequel il évolue pour assurer la stabilité et la
pérennité de la communauté par la préservation du
patrimoine culturel, mais aussi pour venir en aide à la
38Noël Jollif. (1992) Les pygmées de
la grande forêt. Paris, L'harmattan
39Séverin Cécile Abega, (2006)
Marginaux ou marginalisés? Cas des pygmées BAKA. Dans
s-c ABEGA & P. Bigombo Logo (eds), la marginalisation des
pygmées de l'Afrique centrale, Paris, Maisonneuve et Larose pp.
25-42.
40Abdel Koulaninga, l'éducation chez les
pygmées de Centrafrique
https://wwwlibrairie
siloelarochesuryon.fr/.../1189656-/-éducation-c...
famille. La compétence est de ce fait la principale
qualité à laquelle l'enfant doit être socialisé ; et
à cette dernière, s'ajoutent les qualités morales et le
respect des valeurs du groupe. Par ailleurs, l'éducation de ce dernier
est assurée par la famille et la communauté, par la participation
aux activités économique et culturelle.
Sur l'aspect économique, leurs ressources sont
souvent tirées de la forêt. La résolution de la question
d'alimentation constitue la première préoccupation. Il faut aussi
noter qu'il existe une répartition sexuée des tâches : la
chasse est généralement virile et la pêche ou la cueillette
est réservée aux femmes, bien que cette distribution des
tâches ne soit pas toujours figée. En effet, cette structuration
basée sur un mode de vie communautaire et sur un système de
parenté et de classe d'âge41, participe elle aussi
au maintien des valeurs et des techniques qui leur permettent de vivre dans une
parfaite harmonie avec leur milieu.
De plus, l'autorité dans cette
communauté revient à un ancien qui dispose du savoir
spirituel et a la charge de veiller au bien-être et à la
protection des membres de son groupe : épauler par un conseil de sage,
il règle principalement les questions d'initiation et de maladie, puis
les litiges, la question du mariage, etc.
Par ailleurs, la communauté qui nous intéresse
ici fréquente l'école bien avant les années 1980 et a
quitté la forêt (le bord de la
Ngounié42) pour construire l'actuelle Matagamatsengue en
1984 afin de se rapprocher de la route et vivre à proximité de
leurs voisins bantous. Vivant désormais dans un contexte opposé
à celui de leur milieu d'origine (la forêt), cela a
entrainé un bouleversement profond de leur mode de vie ; dans la mesure
où ils s'intègrent aujourd'hui dans un milieu dit moderne qui
implique une autre organisation et surtout l'adoption d'une nouvelle langue (le
français). Cependant, Tout en respectant leurs valeurs ancestrales et
leur rapport à la forêt, ils tentent de faire corps avec leur
nouveau milieu et ses implications. Ainsi, ils découvrent
progressivement certaines choses qui agrémentent l'existence des enfants
d'autres groupes ethniques, telle que l'école. Et ne pouvant
résister à la modernité, ils décident de faire
comme les autres :
41Fondaf bipindi, (2011) Scolarisation des enfants
pygmées Bagyeli au Cameroun. Solidarités. Info/scolarisation :
https://parrainages.Org>enfants-cameroun
42 Le bord de la Ngounié est le lieu du dernier
village dans la forêt où ils ont été avant de
rejoindre les communautés bantoues. Ce lieu sert aujourd'hui de zone de
chasse et de pèche.
35
«Nous avons observé comment les autres
envoyaient leurs enfants à l'école, et nous aussi, nous avons
décidé de le faire pour qu'ils se transforment aussi »
(chef du village Matagamatsengue).
Contrairement à la communauté
Bagyeli43 du Cameroun, ils participent à la vie
politique nationale (par le vote lors des élections), aux mutations
sociales, ils se savent gabonais (par leur acte de naissance pour certains et
d'autres par leur carte d'identité) et tout comme les
Bakoya44dans l'Ogooué-Ivindo, plusieurs d'entre eux
ont épousé des femmes bantou et ont adopté les mêmes
pratiques agricoles que les non pygmées (notamment le manioc) et il
habitent désormais dans des maisons construites avec les mêmes
matériaux qu'utilisent les bantou.
Au regard de ce qui précède, on se rend compte
que l'image véhiculée sur les communautés autochtones
(communauté marginalisée) ne s'observe plus de la même
manière chez celle-ci, d'une contré à une autre.
Enfin, dans le cadre de cette analyse, notre population cible
est constituée de trois catégories d'enquêtés. La
première est composée des élèves âgés
de 9 à 25 ans dont la majorité est inscrite à
l'école publique de Nzingui. La seconde, des chefs de familles et la
troisième catégorie est constituée d'enseignants de
l'école publique de Nzingui et du président de l'Association des
Parents d'Elèves (APE) de cette école (le président de
l'APE nous intéresse du fait qu'il soit du village Matagamatsengue).Par
ailleurs, nous précisons que la première et la seconde
catégorie d'enquêtés sont celles qui nous
intéressent principalement.
En effet, la taille de notre échantillon est de 28
individus dont 10 élèves inscrits à l'école
primaire de NZINGUI, 4 collégiens, 11 chefs de famille, 2 enseignants de
l'école primaire de NZINGUI et le président de l'APE, tous de
sexe confondu.
43 Fondaf bipindi, (2011) Scolarisation des enfants
pygmées Bagyeli au Cameroun. Solidarités. Info/scolarisation :
https://parrainages.Org>enfants-cameroun
44 Soengas Lopez. B (2010) La subsistance des
pygmées Bakoya à l'épreuve de l'agriculture : dynamique
des savoirs ethnobotaniques et des pratiques (Département de la
Zadié, Ogooué-Ivindo, Gabon) :
http://halarchives
ouvertes.fr/docs/00/48/02/70/PDF/manuscrit
thèse Seoengas. Pdf
36
37
Tableau n°8 : Effectifs de l'école de Nzingui
par niveau et par sexe selon leurs origines
Origines sociales
|
Niveau d'études
|
total
|
1ère année
|
2ème année
|
3ème année
|
4ème année
|
5ème année
|
G
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
G
|
F
|
T
|
Bantou
|
4
|
2
|
6
|
2
|
4
|
6
|
3
|
4
|
7
|
1
|
5
|
6
|
00
|
00
|
00
|
10
|
15
|
25
|
Babongo
|
6
|
3
|
9
|
3
|
2
|
5
|
2
|
3
|
5
|
1
|
3
|
4
|
3
|
00
|
3
|
15
|
11
|
26
|
Total
|
10
|
05
|
15
|
05
|
06
|
11
|
05
|
07
|
12
|
02
|
08
|
10
|
03
|
00
|
03
|
25
|
26
|
51
|
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019
Selon les données de terrain représenté
dans le tableau, on observe que la population d'élèves de
l'école de Nzingui est composée d'enfants d'origine bantou et
Babongo (autochtone), mais aussi qu'il existe un équilibre entre ces
deux catégories d'élèves (25 bantous et 26 Babongo). Et
contrairement à tous les autres niveaux, La classe de
5ème année est composée de 3 garçons
d'origine Babongo uniquement. En effet, sur les 26 élèves
d'origine Babongo, 10 ont été disposé à passer des
entretiens avec nous.
Tableau n°9 : Effectifs des enquêtés
par sexe
Sexe
|
Elèves
|
Parents
|
Total
|
Masculin
|
11
|
9
|
20
|
Féminin
|
3
|
2
|
5
|
Total
|
14
|
11
|
25
|
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019
Ce tableau nous montre que les garçons et les chefs de
familles de sexe masculin sont ceux qui ont majoritairement accepté de
passer des entretiens, plus précisément 11 garçons contre
3 filles et 9 hommes contre 2 femmes.
2.3. L'intérêt sociologique de
l'étude
L'intérêt de notre étude se justifie
premièrement par le fait que très peu de travaux de recherche
scientifique au Gabon se sont intéressés à lire la
réalité de l'école en milieu rural,
38
et d'autre part parce que nous observons aussi une population
(minorité ethnique) que les recherches sociologiques au Gabon estiment
marginale.
Deuxièmement, dans le but de démontrer que le
rapport aux savoirs des élèves joue un rôle important sur
le rendement scolaire. En outre, le phénomène de la
persévérance scolaire nous permettra d'évaluer si
l'analyse de Bernard Charlot sur le rapport aux savoirs des
élèves peut être applicable en contexte rural. Il s'agit de
lire le rapport aux savoirs non pas en terme d'échec ou d'abandon
scolaire, mais en terme de persévérance scolaire qui s'explique
d'une part par la dimension sociale (la demande familiale) et d'autre part la
dimension épistémique.
En effet, il est question de comprendre dans quelle mesure la
relation qu'entretiennent les élèves avec le fait d'aller
à l'école et d'y apprendre des choses peut-être à
l'origine de la persévérance scolaire.
Des lors, la persévérance scolaire
nécessite d'être traitée avec beaucoup de rigueur en ce
qu'il est un phénomène non quantifiable nonobstant le taux
d'échec scolaire élevé du système éducatif
gabonais.
2.4. Les limites de l'étude
Dans le cadre de notre travail de recherche, plusieurs
difficultés théoriques et méthodologiques ont
jalonné la rédaction de notre mémoire de master.
Cependant, nous vous présentons les limites fondamentales
rencontrées durant la recherche.
- La nécessité d'un
interprète
Nos enquêtés s'expriment pour la majorité
en langue nzébi. Il était donc indispensable de notre part
d'avoir un interprète afin de nous permettre de mieux échanger
avec certains d'entre eux. Seulement deux sur onze (2/11) récits de vie
ont de ce fait été réalisés en français. Et
pour ce qui est des entretiens avec les élèves, ils ont
été quant à eux réalisés en français.
Cependant, il y avait certains élèves qui donnaient de temps
à autre des réponses en nzébi.
39
- La réticence et l'indisponibilité des
enquêtés
Ce point constitue l'une des difficultés majeures de
notre travail. La réticence et l'indisponibilité sont la
caractéristique du peuple Babongo de Matagamatsengue. Selon le
chef du village, leur réticence s'explique par le fait pour eux
d'être constamment des victimes de l'arnaque et de fausses promesses
`'des étrangers» qui arrivent chez eux, en particulier des hommes
politiques auxquels nous avons été confondu à cause de
notre arrivée juste après la période électorale
(législatives et locales, octobre 2018). En effet, cet aspect est plus
observable chez les femmes et les jeunes filles. C'est d'ailleurs
l'élément explicatif de la faible présence de points de
vue de ces dernières dans notre travail.
Les travaux champêtres étant la principale
activité du peuple Babongo, nous étions contraint d'attendre
chaque jour leur retour des champs au tour de 16 heure pour certains voire 18
heure pour d'autres afin d'avoir les parents d'élèves en
entretien.
En outre, nous avons eu trois jours d'inactivité due
à un décès dans le village. En effet, lorsqu'une telle
tragédie survient, aucune autre activité ne peut être
menée à tel point que même l'école avait
été aussi fermée durant ce temps de deuil. A ces trois
jours d'inactivité liés au deuil, se greffent ceux liés
à l'absence des enseignants. Lorsqu'arrive la période du 25 du
mois les enseignants se déplacent pour la ville dans le but de toucher
leur salaire mais aussi dans le l'optique de passer du temps en famille.
« La période du 25 ou de la fin du mois est
pour nous non seulement l'occasion de sortir pour nos salaires mais c`est aussi
le temps que nous avons pour voir nos familles afin de répondre à
nos obligations » (enseignante en 1èreannée
à l'école publique de Nzingui).
- Notre lieu de résidence durant le
séjour
N'ayant pas eu une famille d'accueil à Matagamatsengue,
nous vivions donc à trois kilomètres de l'école dans un
village voisin (Mbinambi). Par manque de véhicule, nous nous rendions
chaque matin à pieds à l'école de Nzingui pour les
entretiens avec les élèves et les observations en situation de
cours et les soirs à Matagamatsengue pour les entretiens avec les
parents d'élèves. La durée de notre séjour a
été de 34 jours (du 9 novembre au 12 décembre 2018).
40
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Le rapport au savoir, en tant que fait éducatif, est
l'objet d'étude sur lequel porte notre recherche. Il s'inscrit
simultanément dans trois champs disciplinaires Sociologie :
l'école, la famille et le rapport au savoir. Cet objet, pose un
problème qui constitue la préoccupation majeure de notre
investigation : l'incidence du rapport au savoir sur la
persévérance scolaire (l'influence que peut avoir le sens que
l'on donne à l'école et au fait d'apprendre sur la
persévérance scolaire des élèves Babongo).
L'univers d'enquête que nous avons retenu dans le cadre
de notre étude est le village Matagamatsengue, Situé dans la
province de la NGOUNIE, précisément dans le département de
la LOUETSI-WANO à 36 kilomètres de LEBAMBA (chef-lieu du
département), sur l'axe Malinga-Mourembou.IL est entre le village
Mbelnaltembe et Nzingui, à 144 kilomètres de Mouila : capitale
provinciale
L'objectif est de savoir, en contexte gabonais, dans quelle
mesure le rapport aux savoirs peut rendre compte de manière pertinente
des échecs dans le système éducatif gabonais. Ainsi, la
perspective théorique que nous avons adoptée est celle de Bernard
CHARLOT. Deux hypothèses ont étés émises. Primo,
les élèves issus de la communauté Babongo accordent
véritablement un sens social aux études dans la mesure où
ils développent une persévérance scolaire qui se construit
autour d'un projet familial essentiellement centré autour d'une relative
réussite sociale qui se traduit par un emploi
rémunéré, qui permettra à l'enfant plus tard
d'aider toute la famille. Secundo, Le contexte scolaire en zone rurale
étant défavorable, les élèves Babongo du village
Matagamatsengue accordent un sens épistémique et identitaire
restreint aux études, non pas dans la perspective de sortir de leur
catégorie sociale, tout au plus pour apprendre à lire et à
écrire afin de pouvoir solliciter des tâches subalternes dans la
division sociale du travail moderne.
Les outils de collecte des données que nous avons
utilisés dans l'optique de vérifier ces hypothèses sont
les récits de vie et le guide d'entretien. Les résultats
de cette enquête feront l'objet de la deuxième partie de ce
travail.
Deuxième partie
DE L'EXPERIENCE SCOLAIRE DES PARENTS D'ÉLEVES ET
DU RAPPORT AU SAVOIR CHEZ LES ELEVES BABONGO A L'INADEQUATION ENTRE LA REALITE
SCOLAIRE EN MILIEU RURAL ET LES MISSIONS FONDAMENTALE DES POLITIQUES EDUCATIVES
AU GABON.
Introduction de la deuxième partie
La notion de rapport au savoir met en avant une dialectique
entre intériorité et extériorité,
entre sens et efficacité45, ou encore entre
activité et subjectivité46. Cette
dialectique est fondamentale dans le cadre de notre travail en ce qu'elle
permet d'objectiver les situations observées. Par conséquent, la
question du « sens » est centrale ici car elle nous met en rupture
avec les autres sociologies : sociologie de la reproduction et du handicap
socioculturel, pour lesquelles le sujet n'est pas central. «Se demander
quels sont les mobiles de l'enfant qui travaille à l'école, c'est
s'interroger sur le sens que l'école et le savoir présentent pour
lui. Quel sens cela a-t-il pour l'enfant d'aller à l'école (...)
47» ?
En outre, mettre en évidence l'expérience
scolaire des parents d'élèves ici nous permettra de mieux saisir
la représentation sociale de l'école des familles Babongo de
Matagamatsengue d'une part, et de cerner les relations qu'entretiennent les
élèves issus de ces familles avec l'école d'autre part.
Après avoir mis en évidence l'expérience
scolaire des chefs de famille et le rapport au savoir des élèves
dans le chapitre trois (3) et quatre(4), le cinquième chapitre sera
axé sur les politiques éducatives en milieu rural gabonais en
général et en particulier celui du village Nzingui. Il s'agit ici
d'un regard critique sur les réalités scolaire en milieu rural
gabonais à partir des observations de terrain sur l'offre scolaire et
sur la loi n°21/2011 du 14 février 2012 portant organisation
générale de l'éducation, de la formation et de la
recherche au Gabon.
De ce fait, quel sens les chefs de familles et les
élèves donnent-ils à l'école et au fait d'apprendre
? Et que peut-on dire sur les politiques éducatives en contexte rural
gabonais ? Tel est le fil conducteur de cette deuxième partie.
45Bernard Charlot, (2000). La problématique du
rapport au savoir. In A. Chabchoub (Ed), rapports aux savoirs et
apprentissages des sciences. Tunis : Publications de l'association
Tunisienne des Recherches Didactiques.
46 Rochex, J-Y. (1995). Le sens de
l'expérience scolaire. Paris : PUF.
47 Charlot, B, Bautier ; E. et Rochex, J-Y. (1992).
Ecole et savoir dans les banlieues et ailleurs. Paris : A. Colin
42
Chapitre III
EXPERIENCE SCOLAIRE DES CHEFS DE FAMILLE
Pour mieux saisir le rapport au savoir, des
élèves du village Matagamatsengue, nous avons choisi d'interroger
aussi les parents d'élèves pour cerner leur rapport social au
savoir. Car « le rapport au savoir est un rapport social en ce qu'il
exprime les conditions sociales d'existence des individus (...) leur attente
face à l'avenir et à l'école exprimant les rapports
sociaux qui structures notre société »48
Cette deuxième catégorie d'enquêtés
de notre échantillon est composée de 9 hommes et 2 femmes dont
l'âge varie entre 21ans et 62 ans.
Section 1 : représentations sociales de
l'école et histoire scolaire des chefs de familles Tableau
n°10: Niveau d'études des parents
Niveau d'étude
|
effectifs
|
H
|
F
|
CP1/ CE1
|
5
|
0
|
CE2/ CM2
|
2
|
0
|
6ème
|
0
|
1
|
Sans
|
2
|
1
|
Total
|
9
|
2
|
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019
Sur 11 chefs de familles, 5 ont un niveau inférieur ou
égal au CE1, 2 ont un niveau inférieur ou égal au CM2, une
a un niveau 6ème et 3 n'ont jamais fréquentés
l'école. De manière générale, on se rend bien
compte que le grand nombre des parents d'élève a un niveau
d'étude inférieur ou égal au CM2.
48 Beautier, E., Charlot, B, et Rochex, J, Y (2000).
« Entre apprentissages et métier d'élève : le rapport
au savoir » VAN ZANTEN, A. (Dir). L'école : l'état des
savoirs. Paris, la Découverte 179-188.
43
1.1. Représentation sociale de l'école
Pour les parents d'élèves, l'école est
·quelque chose de bien·, de ·grand
· et ·d'important · dans la mesure où
elle offre la possibilité de sortir d'un état difficile.
Pour d'autre l'école c'est la réussite, car on peut avoir un
emploi en cas de réussite. Ils voient dans la scolarité de leurs
enfants un moyen de changer leur position dans la société.
«L'école c'est la réussite, si tu
réussi c'est le travail )) (Enquêté P2)
«L'école c'est quelque chose de bien, c'est le
moyen pour vivre alaise et de sortir d'un état difficile ))
(EnquêtéP9).
«L'école c'est la réussite ))
(EnquêtéP7)
Notons que pour ces chefs de familles, lorsqu'ils
fréquentaient encore l'institution scolaire, ils ne réalisaient
pas en ce temps son n'importance, mais ce n'est qu'au fil du temps qu'ils ont
commencé à donner de l'intérêt au fait d'aller
à l'école. C'est-à-dire à construire du sens au
fait d'apprendre. C'est pourquoi certains nous confient :
« Nous avons observé comment les autres
envoyaient leurs enfants à l'école et nous aussi on avait
décidé de le faire pour qu'ils se transforment aussi »
(chef du village MATAGAMATSENGUE)
«Je pense aujourd'hui que c'est quelque chose de bien
avant je ne le savais pas )) (EnquêtéP4)
« C'est aujourd'hui que je vois que c'est quelque
chose de bien, quand je vois certaines personnes avec les véhicules, les
bureaux )) (Enquêté P6).
En outre, la grande partie des responsables de familles
Babongo voudraient que leurs enfants puissent réussir à
l'école, c'est-à-dire avoir des diplômes pour qu'ils se
démarquent d'eux. Et aussi pour la possibilité d'obtention
d'emploi ; car l'école pourrait permettre grâce à la
mobilité ascendante un ascenseur social.
«Je l'envoie à l'école pour qu'il soit
transformé comme les autres )) (EnquêtéP11). «
Ils vont à l'école pour devenir des personnes
»(EnquêtéP10).
« Pour évoluer afin de devenir un blanc comme les
autres ». (EnquêtéP9)
44
45
« Le premier problème est
celui de moyen, nous n'arrivons pas à tous les inscrire et il y'a eu
encore augmentation de la mutuelle scolaire. Celui qui a 5 enfants ne peut pas
supporter cette charge donc ceux qui restent vont avec nous au champ. Plus
difficile encore celui qui est au collège il y a la chambre à
payer en tant que cultivateur nous ne pouvons pas. On a un problème de
route et de commerçant pour écoulé le manioc ou la viande.
S'il était possible de donner le manioc ou le poison à
l'école nos enfants feraient l'école sans problème.
L'autre problème est celui des papiers, il y a des enfants non
déclarés et qui non pas d'acte de naissance. »,
(Président de l'association des parents d'élèves)
Une autre partie inscrit leurs enfant dans l'optique
d'apprendre au moins à lire et écrire leur nom, pour ne plus
qu'ils soient des sujets de moquerie comme eux ils l'ont toujours
été. Mais de manière générale, les parents
souhaitent voir leur enfant travailler plus tard, quel que soit l'endroit. Leur
souci fondamental est l'instruction et le salaire qui viendraient couronner
leurs études et leurs permettraient de venir en aide aux familles. Le
but du savoir scolaire est donc ici de préparer l'avenir de l'enfant,
dans la mesure où ces familles associent l'importance de l'apprentissage
scolaire à la finalité de l'école.
« Mon coeur a changé, je ne veux plus qu'ils
soient comme moi, je les inscris pour connaitre au moins écrire leur nom
»(EnquêtéP4)
« Pour qu'ils réussissent et ne deviennent pas
comme moi ? Et pour ne plus que l'on se moque encore d'eux comme nous»
(EnquêtéP7)
« Pour que lui aussi devienne quelqu'un de grand
différent de moi » (EnquêtéP6). 1.2.
Histoire scolaire des chefs de famille
L'histoire scolaire des parents se caractérise par une
confrontation à plusieurs épreuves. Après leur
sédentarisation à Matagamatsengue, ils ont davantage
été amenés à fréquenter le milieu scolaire
par l'influence des peuples bantou environnant, cependant, ils ignoraient en ce
temps l'importance de cette institution.
« (...) nous avons commencé à aller
à l'école parce que nous voyons les autres envoyer leurs enfants
à l'école » (chef du village Matagamatsengue)
46
Les règles et les principes de fonctionnement de
l'école étaient opposés à leur mode de vie en ce
qu'elle impliquait une présence totale de leur part. Or cela rentrait en
contradiction avec le rythme de vie qui était le leur.
« Nous on vivait à l'époque seulement
à l'aide de la forêt, s'il fallait rester toute une semaine
à la maison juste pour aller à l'école nous devons mourir
de faim et perdre nos champs
»49(EnquêtéP6)
« Oh l'école était pour le blanc, nous on
allait comprendre ça ! »50
(EnquêtéP4).
Sur les onze chefs de famille interrogés, neufs (9) ont
été les premiers dans leur famille à avoir
été à l'école, mais aucun d'eux n'a pu
dépasser le cap du CM2. Par conséquent ils ne
bénéficiaient d'aucun suivi scolaire à la maison et le
seul savoir dont ils pouvaient jouir était celui que détenait
l'enseignant. De manière générale, la volonté
d'apprendre qu'ils manifestaient afin d'être comme les enfants des
nouvelles communautés voisines se heurtait au problème de langue
: c'est-à-dire que la langue qui est légitimé par
l'institution scolaire ne leur permettait pas l'accès au bien qu'offre
l'école (l'instruction, les diplômes etc.) et leur
intégration. Pour y parvenir, il fallait selon eux « penser
à son avenir ».
Au-delà des difficultés d'intégration
liées au conflit de langue et au mode de vie, s'ajoutaient ceux
liés au capital économique et les symboles en milieu scolaire.
Le capital économique. Selon nos
enquêtés, les frais de scolarité en leur temps se levait
à 1000franc et en ce temps, avoir cette somme c'était
extrêmement compliqué et les parents n'y parvenaient pas à
la réunir.
« (...) l'école était dure et le
français aussi mais le manque de soutient nous a fait défaut, la
scolarité était 1000franc et c'est cette somme que les parents ne
parvenaient pas à payer (...) l'école c'est vraiment important
aujourd'hui »51 (EnquêtéP8).
« Je trouvais l'école et parler
français difficile, j'ai arrêté au CM2 n'ayant plus de
moyens pour continuer mais en réalité j'ai envie de repartir
à l'école pour faire des
49 Bessa la fuadeng moyi ndi na pindi, sal va nzo
tsone yodji ndi mu lu coli mbe la kua na ma nzale na ma nougi bongna
50 O lucol labadga ikumbu cha ibambe bess lambé
tchikss biéna !!
51 Ifuale na lucole a ba bunône ba sucki
à ba tchavè lufunu la lucoli à ba ndi lukumi la-dol ngaga
mè issatoge fute badole vè. Lole lucol ikumbe cha i buè
47
formations car cela m'intéresse davantage en voyant
ce que deviennent les autres » (EnquêtéP9)
La poursuite des études au collège
n'était pas chose facile dans la mesure où cela impliquait aux
rares cas qui obtenaient leur Certificat d'Etude Primaire (CEP) de «
prendre totalement leur vie en mains ». C'est le cas d'une jeune
femme qui avait décroché en 6ème faute de moyen.
« Ici on peut se forcer d'apprendre, mais quand on va
au lycée, on se retrouve sans famille ni moyen pour vivre et louer. J'ai
bien voulu continué mon école mais le manque d'argent ma
ramené au village parce que là-bas il faut donc prendre
totalement sa vie en mains » (EnquêtéP7).
Les symboles en milieu scolaire. En milieu scolaire
la distinction des bons et des mauvais élèves se faisait par
l'utilisation des symboles tel que : les chênettes faites à base
de tête ou de dents d'animaux, celle-ci a été à
l'origine de leur rapport conflictuel avec l'école et leur
intégration. En effet, il était imposé à tous ceux
qui s'exprimaient en langue vernaculaire en classe de porter des
chênettes et de l'avoir à l'école et en dehors dans la
perspective de faire savoir aux camarades et aux parents que la langue
vernaculaire n'était pas légitimée à
l'école.
« Quand on accompagnait les autres à
l'école, c'était interdit de parler le nzébi en classe,
celui qui sortait un mot en nzébi l'enseignant lui portait la
chênette qui avait la tête ou les dents des animaux pour montrer
aux autres et aux parents que la langue que l'école utilise c'est le
français et non le nzébi. Pour ne plus la porter j'avais
lavé les mains»52. (EnquêtéP5).
Par ailleurs, les chefs de familles Bakongo avaient une
relation conflictuelle avec l'institution scolaire. Ce conflit était
principalement lié à l'obligation de l'apprentissage du
français qui leur permettrait de communiquer avec les autres et de se
faire comprendre par ces derniers. Ainsi, l'apprentissage du français se
présentait en ce temps comme le moyen fondamental
d'intégration et de considération sociale.
Cependant, au-delà des souvenirs
52 Va la tosnge bambegi gu lucole bo inzebi yambele
vè wa poss libige ru inzebi, mulongchi a ka luatesse ndè mulong
mutsuè kè mine ma niame. Wé ka lénge na ndè
mu muess ba mbegi na ngaga ti ndaga y ba yambela ru lucole ifuale a inzebi
vè. Mu kol bié luata me na réte.
négatifs de leur fréquentation scolaire,
ils souhaitent néanmoins que leur progéniture fasse mieux et
cela se justifie par le fait qu'ils ont tous décidé que leurs
enfants aillent à l'école.
Ainsi, quelles sont leurs stratégies d'encouragements
et les perspectives professionnelles qu'ils souhaitent pour leurs enfants.
Section 2 : Stratégies d'encouragements et
perspectives professionnelles
La représentation actuelle de l'école des chefs
de familles Babongo étant cernées, nous nous intéresserons
maintenant aux stratégies d'encouragements et aux perspectives
professionnelles qu'ils souhaitent pour leurs enfants.
2.1. Stratégies d'encouragement
Les familles en générale et en particulier
celles de Matagamatsengue faisant partie des groupes ethniques minoritaires,
n'ont pas de capital économique conséquent pour inciter leurs
enfants au travail ; leur stratégie d'encouragement se limite donc aux
conseils exclusivement.
« Je ne travaille pas, je n'ai pas d'argent, je donne
seulement la nourriture et les conseils pour ne pas être comme moi.
Je cherche les moyens nécessaires en faisant la brousse, ils sont
inscrits à l'école publique de
Nzingui»53(EnquêtéP1).
« Quand je peux l'aidé je fais les devoirs
avec elle, et je lui montre le bon comportement »
(EnquêtéP7)
En ce qui concerne l'organisation du suivi des études,
les familles Babongo n'envoient pas leurs enfants à la maternelle par
manque de structure dans leur milieu. Ces derniers inscrivent en
majorité leurs enfants en première année entre 7 et 8 ans.
Ils estiment qu'à 6 ans l'enfant est encore trop petit pour se rendre
à l'école et pour le séparer de ses parents ?
« Toi aussi !!! 6 ans l'enfant est encore petit, je
ne peux pas encore l'inscrire et le laisser »54.
(EnquêtéP7)
53 Mè dol vè mè mudianze
vè, mè yèbi ndi bogl na ma ndongi muti acka iba
nganamè.
54 Nawka !!! muane bileme ki bisamne, me chi toga pa
com ndè ndoge na niag ndè vè
48
En plus, ils envoient leurs enfants dans les écoles
publiques à cause de la proximité et des coûts minimes.
Pour le grand nombre, l'ignorance dans l'activité scolaire et le manque
de temps affectent le suivi scolaire des enfants à la maison. Le suivi
des devoirs des enfants est peu régulier certes, mais les parents
tentent de s'impliquer tant bien que mal dans la scolarité de leur
enfants et cela se manifeste par : la participation dans la révision des
leçons, les devoirs de maison (lorsque cela est possible) et les
conseils.
2.2. Les perspectives professionnelles
La majorité des familles, n'ont pas de modèle de
réussite dans leur parenté pour servir de référence
à leurs enfants. Mais six (6) familles sur onze (11) souhaitent que leur
progéniture travaille dans les forces de l'ordre sans pour autant donner
une véritable raison pour ce choix. Trois (3) familles sont
indécises car pour elles le véritable choix revient- à
celui qui va à l'école car c'est lui-même qui connait ce
qu'il peut faire avec ses diplômes (« ses papiers
»).
« L'enfant lui-même choisira ce qu'il va faire
demain, après avoir eu les papiers. C'est lui qui connait ce qu'il peut
faire avec »55 (EnquêtéP2)
Et deux (2) familles souhaitent juste que leurs enfants
deviennent des « hommes bien dans l'avenir » ou qu'ils
« passent des concours et travaillent quelque part ». De ce
fait, le type de métier n'est nullement ce qui importe ; l'essentiel est
avoir un travail et de l'argent pour venir en aide à la
famille
Aux confins de ce qui précède, nous nous
intéressons dans les lignes qui suivent au rapport aux savoirs des
élèves d'origine Babongo.
55 Ndè muèn i wha tôg sol muti
ichang chi ndè ki bara ndè yebi bi ndè ki tog sa na
chô
49
50
Chapitre IV
RAPPORT AU SAVOIR CHEZ LES ELEVES BABONGO
Dans ce chapitre, il s'agit de découvrir le sens que
les élèves assignent à l'institution scolaire. En d'autres
termes, il est question de découvrir la valeur que les
élèves donnent au fait d'apprendre.
Par ailleurs, le but de notre étude est donc de mettre
en exergue les attentes et les motivations de nos enquêtés en
rapport avec l'école, mais aussi de mettre en évidence le type de
relations qu'ils entretiennent avec l'institution scolaire afin de mieux
expliquer la question de la persévérance scolaire en milieu
rural.
Section 1 : Caractéristiques des
élèves et représentation de l'école chez les
élèves
1.1. Caractéristiques des élèves
Tableau n°11 : Répartition des
élèves par tranches d'âges et le niveau d'étude
:
Age
|
Effectif
|
Niveau d'étude
|
Moins de 10 ans
|
1
|
4ème année
|
10 ans-12 ans
|
3
|
3ème année
|
12 ans-14 ans
|
6
|
4èmea année/ 5ème
année
|
Plus de 14 ans
|
4
|
5ème/ 4ème
|
total
|
14
|
|
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019
Sur les quatorze (14) élèves interrogé, la
part de ceux qui ont entre 13 ans et 14 ans est la plus importante (6
élèves).
51
Et le niveau d'étude des élèves
appartenant à cette tranche d'âge se situe entre la 4ème
année et la 5ème année. Ensuite, ceux qui ont
plus 14 ans (soit 4 élèves), c'est-à-dire 16 ans voir 21
sont tous au collège et ils ont un niveau d'étude qui se situe
entre la 5ème et la 4ème. En outre, Il y a
trois (3) élèves qui sont compris dans celle de 10 ans et 12 ans
et ont un niveau 3ème année.
A l'inverse, la tranche d'âge la moins représente
est celle de moins de 10 ans (soit une élève). Il s'agit
précisément ici d'une fille de 9 ans qui a un niveau
4ème année.
Partant de ces données, on se rend compte que ces
élèves sont en grande partie en retard scolaires, dans la mesure
où il y a une inadéquation entre leur âge et leur niveau
auquel ils se trouvent. L'âge avancé par rapport au niveau
d'étude, trouve son fondement dans le fait de l'entrée tardive
dans le système scolaire d'une part et parce qu'ils ont
déjà tous connu au moins un redoublement.
Par ailleurs, les présentes données nous
démontrent qu'aucun élève Babongo ne parvient à
atteindre le niveau 6ème à l'âge de 10 ans.
Cependant, selon l'âge de l'obligation scolaire au Gabon (de 3 à
16 ans) et les réforme du cursus scolaire au primaire, ils devaient
arriver au collège au moins à cette âge.
Ainsi, il est nécessaire de noter que cette
réalité n'est pas propre à ces élèves
d'origine Babongo, elle s'observe en effet chez la grande partie des
élèves en milieu rural. On peut donc dire selon ces
données, que dans une cohorte de 14 individus en milieu rural et en
particulier Babongo, un (1) seul parvient à atteindre le niveau
4èmeannée à l'âge de 9 ans, pendant que
le reste de la cohorte enregistre un retard scolaire de 1 ans voire plus 5 ans
par rapport à leur âge.
1.2. L'école comme lieu d'apprentissage
Pour découvrir le sens que donnent nos
enquêté à l'école, deux questions leur ont
été posé : que représente l'école pour vous
? Et pourquoi étudiez-vous ? Ces deux questions ouvertes ont
été posée sans distinction quant au niveau de
scolarité des élèves.
Les réponses qui nous ont été
proposées par les élèves ont fait l'objet d'une
catégorisation sous forme de tableau en fonction des idées
majeures.
social
épistémique
Tableau n°12 : Perception de l'école chez les
élèves
Perception de l'école
|
Effectif
|
G
|
F
|
L'école c'est avenir
|
3
|
0
|
L'école est un lieu de
développement et de réussite
|
2
|
0
|
L'école est une chose importante
|
1
|
2
|
L'école est un lieu d'apprentissage
|
3
|
1
|
Pas de réponse
|
2
|
0
|
Total
|
11
|
3
|
52
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019
Si l'on se réfère à cette
catégorisation, on se rend compte qu'il ressort de celle-ci deux (2)
niveaux de perception de l'école chez nos enquêtés (sociale
et épistémique) : huit ont une perception sociale et quatre
épistémique.
Ainsi, la première perception de l'école se
justifie en ce que :
- l'école est perçue comme étant leur avenir
de demain : « pour moi l'école c'est
l'avenir, c'est aussi bien pour apprendre »
(Enquêté E5).
- l'école est un lieu de développement et de
réussite : « l'école est un lieu
de développement et de réussite »
(Enquêté E10).
- l'école est une chose importante. «
L'école c'est quelque chose d'important, mais
j'ai arrêté faute d'avoir frappé sur un enseignant
» (Enquêté E4)56.
Et la deuxième perception quant à elle se justifie
par le fait que :
56 Cette élève a été
exclue l'année antérieure (2017 - 2018) mais il n'a plus voulu se
réinscrire pour cette année académique.
53
- l'école est perçue comme étant un lieu
d'apprentissage : « pour moi l'école est un lieu
d'apprentissage exemple pour apprendre à lire et écrire... »
(EnquêtéE13).
A l'inverse de ce qui précède, deux
enquêtés n'ont pas répondu à cette question, ce qui
laisse percevoir qu'ils ne parviennent pas à attribuer un sens à
l'école.
Ainsi, au regard de ce qui précède, on peut
déduire que de manière générale les
élèves en milieu rural et en particulier ceux du village
Matagamatsengue se représentent l'école comme étant un
lieu d'apprentissage, de développement et d'avenir. Bien que la valeur
qu'ils attribuent à l'institution scolaire reste pour la majorité
sociale.
Tableau n°13 : Répartition des
élèves selon les raisons de leurs études
Les raisons des études
|
effectif
|
Sens
|
pour apprendre à lire et écrire
|
7
|
Epistémique
|
Pour devenir comme les autres (chercher un avenir meilleur)
|
6
|
social
|
Parce que je voie les autres
|
1
|
Autre
|
Total
|
14
|
|
Dans le cadre de la justification de la raison de leur
étude, c'est-à-dire du pourquoi de leur étude, il se
dégage trois idées majeures qui nous ont permis de regrouper les
enquêtés en trois catégories d'élèves.
D'abord, pour ce qui est de la première
catégorie d'élèves, le fait pour eux d'aller à
l'école se justifie par le « désire d'apprendre à
lire et écrire » (7 élèves).
« Je viens à l'école pour apprendre
à lire et à écrire » (EnquêtéE13).
« Je viens à l'école pour apprendre à lire
et à écrire» (EnquêtéE11).
Ensuite, la seconde catégorie
d'élèves dit faire l'école dans le but de devenir comme
les autres, c'est-à-dire avoir un métier ou encore pour chercher
un avenir meilleur pour demain (6 élèves). C'est dans cette
optique que certains affirment:
« Je vais à l'école pour apprendre et
devenir comme les autres, par exemple enseignant »
(EnquêtéE10)
« Je vais et j'irais toujours pour chercher l'avenir de
demain » (EnquêtéE7).
En effet, en observant ces deux grandes premières
tendances on se rend compte que les élèves Babongo
fréquentent l'institution scolaire pour deux objectifs fondamentaux,
notamment :
- Pour apprendre à lire et écrire : ils se
rendent à l'école pour une raison épistémique
- Et parce qu'ils voient en celle-ci la possibilité de
réussir, ce qui leur permettrait d'avoir un métier ou encore
d'assuré leur avenir : leur présence à l'école a
une raison sociale et identitaire.
En fin, la troisième catégorie
d'élèves la fréquentation de l'école est sans
objectif, ils vont à l'école juste parce qu'ils observent les
camarades.
« Je vais à l'école parce que je vois les
autre» (EnquêtéE2).
Par ailleurs, ces élèves non de ce fait aucun
projet ni vocation. Ils se rapprochent de ceux que
François Dubet appel « les étudiants dépourvus de
projet, de vocation, mais intégrés à la vie universitaire,
(...) force est de reconnaître qu'il s'agit là d'une figure
très particulière de l'expérience étudiante
puisqu'ils sont justement à l'université pour « la vie
étudiante », pour le milieu qu'elle offre, pour la raison sociale.
Dans le langage bordelais, il s'agit-là de l'étudiant «
branleur », généralement du jeune étudiant
arrivé dans la grande ville où il découvre la
liberté et l'autonomie, la chaleur des amitiés nouvelles et qui
décroche de ses études pour un an ou pour toujours
»57.
1.3. La relation aux études
Dans cette partie, il s'agit pour nous de ressortir les types
de relations qui existe entre nos enquêtés et l'institution
scolaire. En d'autre terme il est question de mettre en exergues les tensions
qui existe entre les élèves Babongo et le fait pour eux d'aller
à l'école. Pour réussir à les mettre en
évidence nous avons posé les questions suivantes :
57 Dubet François, (1994), Dimension et
figures de l'expérience étudiante dans l'université de
masse. In ; Revue française de sociologie. 35-4. Monde
étudiant et monde scolaire. p 511-532
54
55
- Allez-vous tous les jours à l'école ? Pourquoi
?
- Qu'est-ce qui vous intéresse à l'école
?
- Quelle langue parlez-vous à l'école ? Et laquelle
parlez-vous couramment à la
maison ?
- Avez-vous des difficultés pour vous exprimer couramment
en français en classe ? Si
oui comment faite vous lorsque vous avez une idée à
exprimer ?
- Combien de frère et de soeur avez-vous et combien
sont-ils scolaire ?
Les réponses de la première interrogation ont
fait l'objet d'une réorganisation sous forme de tableau. Ce qui nous a
permis de ressortir deux types de catégories d'élèves :
celle des réguliers et les irréguliers.
Tableau N°14 : Typologies des
fréquentations
Types de fréquentation
|
effectif
|
régulier
|
4
|
irrégulier
|
10
|
Total
|
14
|
Source : Données de terrain, MOMBO Guy Laroche, 2019
Pour ce qui est de la catégorie des
élèves réguliers, ils estiment que le fait de
manquer aux cours ou encore s'absenté pour toute une journée
pourrait avoir une conséquence sur leur devoirs, sur leur examens de fin
d'année pour le cas de certains élèves de cinquième
(5ème) année. Ce qui serait selon eux synonyme
d'échec.
« Pour apprendre et pour lire, je vais tous les jours
à l'école pour ne pas manquer les cours. Si je manque les cours
je pourrais échouer aux examens de fin d'année »
(EnquêtéE14).
« Mais si je manque les cours je ne peux pas avoir la
moyenne au devoir et je vais échouer »
(EnquêtéE12).
56
Le deuxième type d'élèves est celui des
irréguliers. L'irrégularité de ces derniers est
liée à quatre facteurs : l'absence des enseignants, les
moqueries des camarades et les blâmes des enseignants, Les absences
scolaires liées aux travaux champêtres et le capital
économique. Ce type d'élève est cependant celui qui
regroupe le plus grand nombre d'élève.
L'absence des enseignants : Nous relevons qu'ici la
majeure partie d'élèves est composée des
élèves de 1ère en 3ème
année. Lors de notre travail de terrain nous avons pu constater
l'absence de l'enseignant de la classe de 2ème et
3ème année. Cet enseignant est du moins après
son affectation arrivé pour laisser ses effet mais n'est plus jamais
revenu jusqu'à notre départ. « Et pour celui qui doit
remplacer il a apporté ses affaires, mais jusque-là aucune
idée sur la raison de son non-retour » (enseignante de
1ère année). Néanmoins, la majeure partie
d'élèves de cette classe sont présent chaque jour dans
leur salle.
« Parfois je pars tous les jours parfois pas aussi.
On passe toute la journée en classe sans rien faire, le maitre n'est pas
encore venu donc je pars quand il n'y a personne à la maison, Oui, pour
apprendre à lire et à écrire.»
(EnquêtéE3).
« Quand je pars le matin et que le maître de la
5ème année me puni à cause du bruit, ma
mère me dit de ne plus repartir le soir ou même demain, parfois on
part en brousse parce que les leçons on ne fait pas »
(EnquêtéE2).
Les moqueries des camarades et les blâmes des
enseignants : Cet aspect est souvent en grande partie observable chez les
filles. Pour certaines, lorsqu'elles répondent à une question ou
interviennent en classe et qu'elles commettent une erreur qui suscite des
moqueries de leurs camarades, elles murissent une honte qui parfois les conduit
à se renfermé et peuvent même ne plus intervenir le reste
de la journée. Et pour d'autres, les réprimandes ou les
blâmes des enseignants entrainent de la peur chez elles pouvant conduire
à des absences de courte ou de longue durée.
« Les élèves Babongo que nous avons
sont très sensibles surtout les filles, lorsque vous les
blâmée ou que les camarades de classe se moquent d'eux, ils se
renferment au point de ne plus s'exprimer tout une journée. Il y a des
temps ou par honte ou par peur ils peuvent faire un bon moment sans venir aux
cours (...) » (enseignant de 4ème et
5ème année).
57
« Je n'aime pas quand on me gronde à
l'école ou que les autres se moquent de moi quand je fais les fautes ou
que je ne parle pas bien. Même quand on joue parfois les autres nous
traite de pygmée, c'est à cause de ça que je ne suis pas
partie à l'école hier et aujourd'hui »
(EnquêtéE6).
Le problème de sociabilité au monde
extérieur manifesté par les élèves n'est en
réalité que le reflet de la société Babongo en
générale et en particulier celui des femmes de ce milieu du fait
que la famille constitue la première instance de socialisation des
enfants (individus) dans l'optique de les préparer à vivre en
société. Nous avons pu le constater par la réticence de
certains parents d'élèves à toutes nos tentatives
d'approches pour des éventuels entretiens, parfois lorsque nous nous
rapprochons d'eux ils rentraient dans les maisons et ne ressortaient
qu'après notre départ. A cela s'ajoute le fait qu'une femme
Babongo n'a pas le droit de s'exprimée en milieu publique lorsqu'il y a
un homme proche. Ainsi, au regard des observations faites et des points de vus
de nos différents enquêtés, nous pouvons dire que les
élèves Babongo présente ici un double problème : la
sociabilité avec le monde extérieur au leur et celui de
la construction de l'identité d'élève. Ce qui
explique en partie la fréquentation irrégulière de
l'école.
« Je ne pars pas tous les jours, je tombe
bêtement malade quand je suis à l'école et je suis bien
à la maison au village » (EnquêtéE7).
Les absences scolaires liées aux travaux
champêtres : Lorsqu'arrive les périodes ou les parents
doivent se rendre au campement pour les activités champêtres ou de
pêches de longue durée, les enfants en bas âges ne peuvent
rester au village juste à cause de l'école car, selon eux, la
sécurité de ces derniers passerait avant tout.
«(...) Non, il y a des fois quand les parents partent
en brousse pour durer, ils m'amènent avec eux, parce qu'ils ne veulent
pas qu'on reste avec nos grands-frères, peut-être on peut tomber
malade derrière eux » (EnquêtéE1).
« Oooh !!! Je vais laisser mes petits enfants avec
qui !!! Ils vont à l'école quand je suis là
moi-même58»
(EnquêtéP11).
58 « Oooh, banes bèm bapésse nane mè
qui niaga !!! bôba yende gu l'école va meliva mè muene
» (parent d'élève).
58
Le capital économique : Celui-ci vient par
contre expliquer la situation d'abonda épisodique de certain et les
inscriptions tardives. Ce facteur touche principalement les collégiens.
Pour ces derniers leur situation actuelle d'abandon ou
d'inscription tardive est liée selon eux aux capitaux
économiques. L'absence du capital économique suffisant pour eux
entraine des inscriptions tardives et c'est ce qui expliquera le fait pour eux
de se rendre à l'école en milieu d'année ou l'année
suivante.
« Je vais tous les jours mais faute de moyen je suis
ici, donc je débute au second trimestre »
(EnquêtéE10).
« Oui, mais je suis là parce qu'il n'y a pas de
moyen. Je cherche à me réorienté à l'école
de santé de Bongolo » (EnquêtéE7).
En outre, l'augmentation des frais de scolarité vient
davantage cristalliser les abandons, tel est le cas des élèves du
primaire en ce que le nombre d'enfant par famille constitue une limite
importante.
« Mon fils, j'ai 10 enfants, la scolarité a
augmenté cette année à cinq Milles franc (5000fr). Je
trouve tout cet argent où ? Ce que je trouves j'inscris certains et les
autres attendent d'abord59 ». (Président de
l'association des parents d'élèves de l'école de
Nzingui).
« (...) Pour mettre tous les enfants à
l'école c'est l'argent avec le manioc que je fais tu crois que je peux
tous les inscrire 60» (EnquêtéP6).
1.3.1. L'intérêt pour l'école :
L'intérêt pour l'école chez les
élèves Babongo repose sur trois facteurs fondamentaux :
l'apprentissage du français, le désir de lire et écrire et
la mobilité sociale. Ces trois éléments constituent donc
une source de motivation. L'école apparait comme un salut,
c'est-à-dire comme une garantie de mobilité sociale.
Pour la grande partie de nos enquêtés, devenir
« un grand monsieur » ou « comme les autre (avoir un emploi)
» est en effet le fondement du « désir d'apprendre ».
59 « Ah muana mè, mè bane lukumi, le funu la
lecol bama comsa bô ka tochiniadol chi ilèm mè babotchi gu
mè baga, mua ba mè baga mè ka come dji i mè toge
bana baka pa tale »
60 « Mu come ma ndoge ma bane botchi bombe dole ? Na bapite
ba mè sa wè tasse-ti mè tor bôbotchi come ma ndoge
»
59
« J'aime apprendre pour devenir un grand monsieur.
Pour apprendre à lire et écrire, c'est cela qui m'attire à
l'école » (EnquêtéE5).
«Pour apprendre afin d'être quelqu'un comme les
autres» (EnquêtéE8).
Cependant, pour atteindre cet objectif qui n'est pas facile
d'ailleurs ces derniers doivent fournir un véritable effort,
c'est-à-dire se donné à apprendre à parler
français. Ainsi, d'autres affirment sans ambages que :
«(...) Suivre les cours et suivre ce que dit le
professeur. Ce qui m'intéresse à l'école c'est parler
français et chercher une bonne branche pour obtenir mon diplôme ou
mon avenir » (EnquêtéE10).
« Ce qui m'attire à l'école, c'est
surtout apprendre à lire et écrire pour être comme les
autres. Parce que j'aime lire et écrire»
(EnquêtéE9).
« Ce qui m'intéresse à l'école
c'est apprendre à lire et écrire pour gagner »
(EnquêtéE13).
Par ailleurs, les conditions précaires dans lesquelles
ils évoluent et leur handicap lié à la langue les poussent
à « s'investir » dans le but de pouvoir sortir de là et
aspirer à un meilleur avenir.
Contrairement à ce qui précède, une autre
catégorie d'enquêtés présente le désir
d'apprendre pour avoir un emploi, mais faire l'école en utilisant une
langue qui n'est pas propre à leur milieu rend l'apprentissage difficile
et conduit à des abandons pour d'autre.
«Parce que je vois les autres et pour l'avenir.
J'apprenais pour avoir un bon travail demain comme les autres, mais
l'école qu'on fait seulement en français là vraiment
m'embêtait trop. Tout ce fait en français entre temps moi ce que
je parle bien c'est le nzébi. J'ai arrêté cette
année. C'était déjà difficile »
(EnquêtéE4).
1.3.2. Le rapport à la langue utilisée
à l'école
Le système éducatif gabonais utilise le
français comme le moyen de transmission ou de socialisation de ses
populations d'élèves. En d'autre terme le français est la
langue légitimé à l'école.
Cependant, la langue maternelle est en milieu rural et
à Matagamatsengue en particulier celle utilisée au quotidien. De
ce fait, cet écart influence donc négativement les performances
scolaires des élèves dans la mesure où il sort les
élèves de leur milieu et les rend plus ou moins passif en milieu
scolaire. C'est en effet dans cette optique que Soumaho Mesmin dira que «
l'enseignement dispensé au primaire au Gabon est inadapté
parce qu'il n'intègre pas une réalité culturelle
fondamentale : la langue maternelle. De ce fait, dès que l'enfant arrive
à l'école il perd toute spontanéité et adopte
une attitude passive»61.
L'élève Mubongo est donc spontanément
soumit à une double difficulté: l'apprentissage du
français et la nécessité de se soumettre à une
discipline dons la valeur est peut assimilée et parfois il ne parvient
pas à construire un véritable sens lui permettant de se
motivé.
En outre, ces élèves entretiennent un rapport
conflictuel avec le français, ce qui fait que ces derniers ont plus de
difficulté à l'école car l'écart est plus coriace
pour eux quand ville ou le français est la langue la plus utilisé
en milieu familiale et en lieu publique. Comme affirme Jean-Jacques DEMBA :
« toutes les activités parascolaires, c'est-à-dire tout
ce qu'ils font en dehors de l'établissement : les travaux familiaux, les
activités sociales (...) explique le redoublement et donc les
échecs scolaire »62.
Par conséquent nous distinguons ici trois types de figures
d'élèves. Tableau n°15: Langue utilisée
à la maison
Langue utilisée
|
effectif
|
Total
|
G
|
F
|
Français
|
0
|
2
|
2
|
Nzébi et français
|
3
|
1
|
4
|
Nzébi
|
8
|
0
|
8
|
Total
|
11
|
3
|
14
|
61Mesmin-Noel Soumaho. (1987), Objectifs de
l'enseignement primaire et contenu des manuels de lecture. Contribution
à une étude sociologique du curriculum au Gabon, 2tomes,
thèse de Doctorat 3e cycle en sciences de l'éducation.
Paris : université René Descartes-Paris V,
62 Jean-Jacque, Demba, (2014), Etude
exploratoire des cause du redoublement selon le point de vu
d'élèves d'un lycée gabonais, programme de
maîtrise en didactique, Université Laval. Mai
60
61
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019
La première figure est celle de ceux qui ne parlent que
le français à la maison. Celle-ci ne présente pas de
difficulté à s'exprimer en français en classe et elle est
constituée uniquement des filles.
« A la maison je parle en français et je
réponds bien en français en classe ))
(EnquêtéE12).
« À la maison, je parle le français ;
j'étais à Libreville et donc je ne parle que le français.
J'ai juste 2ans ici et je n'ai pas de problème en classe ))
(EnquêtéE11).
Cette figure ne présente pas de problème
d'adaptation, d'intégration dans le milieu scolaire et à
construire des relations avec d'autres élèves. Ces
élèves quant - à eux vivent une épreuve plus ou
moins facile à surmonter dans la mesure où ils disposent d'un
code culturel important légitimé à l'école (le
français) qui leur permet de mieux s'adapter et ils développent
aussi une conscience plus vive de l'utilité de l'école.
La seconde figure est constituée des
élèves qui parlent plus ou moins les 2 langues à la
maison, mais dont la langue maternelle demeure la plus pratique. De ce fait,
elle présente quant à elle moins de difficulté à
s'exprimer en français en classe. Cependant, l'abandon ou le retard
scolaire s'explique chez ces derniers par le fait qu'ils sont moins
performants, peu intéressé, passif et ils confèrent
à leurs études une utilité limitée au désir
d'apprendre à lire ou écrire.
«Le nzébi et le français. A la maison
je parle le nzébi et le français mais je parle plus le
nzébi, en classe je n'ai pas de difficulté mais parfois il peut
arriver que je sois bloqué )) (EnquêtéE6)
« Je parle le français et le nzébi mais
quand je suis ici au village c'est le nzébi cent pour cent. Et je n'ai
pas vraiment de problème à m'exprimer en français en
classe )) (EnquêtéE7).
Enfin la troisième figure est celle qui parle
uniquement le nzébi. Elle regroupe la majeur partie
d'élèves, elle est aussi celle qui présente le plus de
difficulté à parler français en classe.
« Oui et quand je suis bloqué pour
répondre quelque fois je m'exprime en nzébi, le maitre ne se
fâche pas il me redit juste en français ma réponse »
(EnquêtéE2).
« Oui et quand je ne peux pas les autre
répondent. Quand je réponds à des questions en classe, il
y a des mots qui me bloquent mais comme on ne parle pas le nzébi en
classe je ne dis plus rien et quand je peux en français je donne la
réponse » (EnquêtéE8)
« (...) vraiment quand je suis bloqué je fais
recours aux camarades pour me donner l'expression qui correspond ))
(EnquêtéE10).
Cette question du rapport à la langue est en effet un
aspect en milieu rural qui est à la base des faibles performances et
explique aussi la question du »retard scolaire» ce qui est
observable dans notre contexte actuel pour tous les enquêtés de
cette catégorie qui vivent une expérience scolaire en opposition
à l'école. C'est-à-dire qu'ils vivent une
expérience « contre l'école ))63
Lors de nos observations des déroulements des cours
à l'école primaire de Nzingui (en classe de
1ère année et
4ème/5ème année), on s'est tout de
suite rendu compte de la difficulté des élèves à
s'exprimé en français.
Cas 1, classe de 1ère année
: Pendant un cours portant sur l'apprentissage des expressions qui
permettent de situe : une personne, un animal ou une chose. En utilisant
des images, la maîtresse demande à ses élèves ou se
situe les petites voiture blanche par rapport au camion ; ils répondent
spontanément en langue vernaculaire : gubusu (devant) et
gumbis (derrière). Cette réaction démontre que
ces élèves ont des réflexes («habitus
»64) qui les renvoient directement à l'utilisation
de la langue locale, car elle est celle utilisée au quotidien. La classe
de 1ère année est celle où l'on rencontre le
plus d'élèves de toutes origines confondu qui ne s'expriment
qu'en langue vernaculaire et même pour s'interpeler entre eux, ils
utilisent les pseudonymes (les petits noms de maison). Ils se forcent
néanmoins à utiliser le français au moment où ils
rentrent en dialogue avec l'enseignant.
« Oui nous avons des problèmes lors des
explications, déjà ils ne parlent tous que le nzébi, moi
je suis Sango et quelquefois je fais recours à d'autres
élèves pour me donner l'expression
63 François Dubet, (2007) Expérience
sociologique, Paris, Ed la découverte
64 Pierre Bourdieu (1979), Critique sociale du
jugement, Paris, Editions de minuit, p 190.
62
63
en leur langue qui correspond avec celle que je veux
expliquer ou je demande à celui qui suit de redire à ses camarade
en langue. Il peut arriver que tu poses une question et spontanément ils
te répondent en nzébi. Mais on est obligé de les
recadrés à chaque fois » (maîtresse de
1ère année, école de Nzingui).
Cas 2, classe de
4ème/5ème année : les
élèves de ce niveau rencontrent aussi le même
problème bien qu'ici il n'a plus la même teneur. Lors de la
révision d'un cours d'éducation civique (sur les symboles de
la république gabonaise), l'enseignant demande à chaque
élève de faire un résumé oral. Le constat fait est
que ces derniers ont des bons éléments de réponse, mais ne
parviennent pas à formuler des phrases avec aisance, car eux aussi se
retrouvent rattraper par le réflexe de la langue vernaculaire. Certain
n'arrivent pas à aller jusqu'au terme de leur pensée, cependant
d'autres pour y arriver rajoutent des expressions en Nzébi.
Au regarde ces observation nous pouvons déduire que
plusieurs tensions se greffent au rapport au savoir de nos enquêtes, ce
qui par la suite explique en générale l'échec scolaire en
milieu rural notamment : le capital économique, le rapport à la
langue et le sens (valeur) attribuée à l'école.
En outre pour ces derniers, la valeur de l'école se
limitera à son utilité car l'école selon eux est
indispensable pour s'en « sortir », c'est-à-dire pour
leur avenir. En effet le goût de l'école se limite donc au simple
désir d'apprendre à lire et écrire de manière
générale car aucun de nos enquêtés ne se rend
à l'école pour des raisons intellectuelle (ou pour un
intérêt lié à la connaissance, pour certaines
discipline voir même pour les enseignants). Ainsi, dans une école
de masse, chaque élève doit se construire son propre rapport au
savoir (aux études) ; or pour le cas de nos enquêtes, ils
présentent une difficulté d'adaptation et d'intégration au
monde scolaire. Ces différentes tensions vont donc constamment conduire
le jugement scolaire à leur invalidation dans la mesure où
l'école de masse ne cesse d'affirmer que chaque élève est
responsable de son échec voir de sa réussite scolaire.
Par conséquent quelles sont les perspectives
professionnelles et leur modèle de réussite ?
64
1.4. Perspectives professionnelles et modèles de
réussite
1.4.1. Perspectives professionnelles
Tableau n°16 : répartition des
enquêtés par métier
Métiers
|
effectifs
|
|
G
|
F
|
Force de sécurité
|
4
|
0
|
Enseignant
|
1
|
1
|
Infirmier
|
0
|
2
|
Autres :
(peu importe le travail - je ne sais pas
encore)
|
6
|
0
|
Total
|
11
|
3
|
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO, 2019
Suite à la question portant sur les projets
professionnelles avenir, trois types de métiers sont mis en avant par la
majeur partie de nos enquêté : les forces de l'ordre, enseignant
et dans le domaine de la santé (infirmier). Dans ce groupe
d'élève la part de ceux qui souhaitent travailler dans les forces
de l'ordre est la plus importante : quatre sur huit pour les corps habiller, 2
veulent devenir enseignant et 2 autres dans le domaine de la santé.
A l'opposé, la seconde moitié de nos
enquêté est d'une part incertaine voir imprécise sur le
métier dont elle souhaite faire après ses études,
« Je ne sais pas encore»
(EnquêtéE3).
D'autre part, selon eux le choix d'un métier n'est pas
ce qui importe, car un métier reste un métier quel que soit sa
nature.
« Peu importe le travail, je suis prêts à
le faire (...) » (EnquêtéE6)
Par conséquent, on peut dire que pour ces
élèves l'utilité des études est donc à la
foi urgente et abstraite, d'autant plus évanescente que les
élèves vivent une expérience scolaire sans suffisamment
valorisée ou donnée un véritable sens à ce qui leur
arrive. Ainsi, l'utilité de l'école demeure alors sans cesse
différée dans un avenir incertain.
65
La relation que ces élèves entretiennent avec le
fait d'apprendre est vide de sens, c'est-à-dire qu'elle ne renferme ni
projet, ni vocation, intégration et même un véritable
intérêt. En effet, cette relation conflictuelle entretenue va donc
conduire les plus fragiles face à des épreuves complexes
(difficiles) à disparaitre, donc à sortir du système
(abandonner) au bout d'un temps. Cette situation va s'observée tout au
long du cursus scolaire par une inadéquation importante entre les
inscrits en 1ère année et ceux en 5ème
année (aux examens) :
«(...) par exemple le fait qu'en
1ère et 2ème année on retrouve un
nombre important d'élèves et à partir de la
3ème année où la demande d'implication au
travail scolaire commence à croitre, un important déclin va
s'observé entre la 3ème et la 5ème
année (abandon, redoublement, etc.). C'est ce qui fait que le nombre
d'inscrit aux examens soit de manière générale entre 0 et
5 candidats et en particulier trois pour cette année »
(Enseignant de 4ème /5ème années)
Par ailleurs, quels sont les sources de motivations qui ont
conduit nos enquêtés au choix de ces différents
métiers ?
1.4.2. Modèles de réussites
Pour ce qui est des modèles de réussite, nos
enquêtés ont pour référence des agents de forces de
sécurités de manière générale excepter trois
qui ont respectivement pour modèle : un enseignant, un agent des eaux et
forêts et un élève de première.
« Quand je terminerais mes études, je serais
policier. Parce que je le veux tout juste, aucun autre métier ne
m'intéresse. Je veux être comme mon grand frère ya COPIN,
il est aussi policier » (EnquêtéE5)
« Je souhaite être gendarme parce que je veux
aider mes parents en achetant la nourriture, mon modèle c'est mon grand
frère il est aussi gendarme » (EnquêtéE13).
«Je veux être médecin mais dans la
médecine je n'ai pas de modèle. Mon modèle est dans
l'armée et il est caporale » (EnquêtéE7).
66
« Je veux être maitresse parce que j'ai un
parent qui est enseignant, c'est le petit frère de mon père. Il
enseigne à Mabanga » (EnquêtéE9).
L'aspiration à ces différents métiers est
lié au besoin d'argent pour venir en aide à la famille pour
certains et au fait de vouloir devenir comme un membre de la famille qui
travail pour d'autre.
Au-delà du désir de ressemblé à un
membre de la famille, l'influence parentale contribue aussi au choix de c'est
différents métiers dans la mesure où les parents expriment
aussi des attentes face aux études de leur enfants. En plus les corps de
métiers sont très peut représenter en milieu rural, ce qui
par la suite cristallise les perspectives professionnelles et les
modèles de réussite à ceux près cités : il y
a donc un effet contexte qui limite les possibilités de choix de
métiers. De ce fait, les métiers en présence en milieu
rural sont le plus souvent : force de l'ordre, enseignant, infirmier, forestier
et commerçant.
Section 2 : Stratégies parentales
d'encouragement selon les élèves et l'attitude des enquêtes
en situation de cours et en dehors
2.1. Stratégies parentales d'encouragement
Le désir des parents pour la réussite de leurs
enfants, pousse ces derniers à adopter certaines méthodes
susceptibles d'être bénéfiques pour la réussite de
leurs progénitures.
Ainsi, pour cerner ces méthodes et techniques, nous
avons posé aux élèves des questions qui portent sur le
suivi scolaire dans la mesure où « l'histoire scolaire ne doit
pas être pensée en terme de capital culturel pour les jeunes des
familles populaires, mais en termes de capital de mobilisation sur
l'école et à l'école »65.
65Bernard Charlot, (1992) « rapport au savoir et
rapport à l'école dans deux collèges de banlieue. »
In société contemporaines, n°11-12.Pp119-147.
67
2.1.1. Le suivi scolaire à la maison
L'apport parental dans le suivi scolaire se fait de
manière variée. Premièrement, les élèves
ayant des parents qui connaissent au moins lire et écrire,
bénéficient des temps de répétition et d'exercice
en plus de ce qu'ils font à l'école.
«Oui, pour les exercices, ils m'aident en utilisant
le tableau, ils écrivent et je recopie »
(EnquêtéE3).
« Oui. Ils lisent mais leçons et me montre en
cas d'erreur. Ils prennent mes cahiers et me demandent si j'ai des devoirs de
maison et ils mettent sur papier mes exercices pour qu'on travail »
(EnquêtéE12).
«Mon père et ma mère m'aident à
faire certains exercices quand ils peuvent, et me font réciter les
leçons » (EnquêtéE14).
Il est nécessaire de noter ici que ceux qui
bénéficient de ce soutien parental sont uniquement les
élèves du niveau primaire car le niveau d'études des
parents se situe pour la majorité entre la 1ère et la
3èmeannée, donc n'est pas suffisant pour aider ceux du
niveau collège ou lycée.
«Ici mes parents non pas dépassez la
3ème année ils vont faire comment pour m'aider,
à Libreville ils m'envoyaient souvent l'argent et me payaient les
cours» (EnquêtéE7).
Deuxièmement : pour ce qui ont des parents qui ne
savent ni lire ni écrire, ils se tournent vers les aînés
qui fréquente ou qui ont fréquenté l'école dans la
famille ou dans la communauté. Et pour d'autre l'aide des
aînés n'est possible que lorsque ceux qui sont au collège
reviennent au village.
« Quand je ne maîtrise pas un mot lorsque je
fais la lecture, ce qui connaisse dans le village m'aident »
(EnquêtéE9).
« Mes grande frère ne sont pas ici mais quand
ils reviennent de Lebamba ils travaillent avec moi »
(EnquêtéE10).
Et troisièmement, dans le cas où les familles
placent un certain espoir de réussite en chaque élève, les
parents, bien que n'ayant pas un niveau requis pour un suivi scolaire pertinent
de
68
leur enfants, tentent de palier à ce handicap culturel
en motivant d'une part les aînés à faire le suivi scolaire
de leur cadets.
«(...) Ils nous demandent de faire nos devoirs, et
mes parents demande à mes frères de m'aider. Ils m'envoient
à leur recherche s'ils ne sont pas à coté pour venir faire
les devoirs avec moi » (EnquêtéE2).
2.1.2. L'incitation parentale par des conseils
Les élèves Babongo du village Matagamatsengue,
n'ayant pas grand-chose à recevoir de leurs parents au plan scolaire,
peuvent tout de même compter sur leur « soutien moral ». Par
conséquent c'est ce soutient qui leur donne la motivation d'accomplir
des exploits dans le but de prétendre à un meilleur avenir.
C'est-à-dire à une mobilité sociale.
En prenant compte des réponses de nos enquêtes,
on constate que la quasi-totalité des élèves de notre
échantillon bénéficie d'un soutien moral sans
réserve de la part de leurs parents. Pour les parents bien que n'ayant
pas atteints des niveaux d'étude assez élevés,
espèrent ce qu'il y a de meilleur pour leurs enfants. C'est en effet
cette raison qui pousse les parents à présenter tous les
bienfaits et les avantages qu'ils peuvent tirer de l'école ; tel que :
un meilleur statut social ou un future emploi bien
rémunéré.
«Mes parents me disent : il faut aller à
l'école, respecter les règles de l'école, d'apprendre, de
devenir comme les policiers ou comme les autres et ce que le maitre demande de
faire tu le fait ». (Enquêté E14)
«Ils nous conseillent à tout moment et
demandent ce qu'on a fait. Par exemple : Nous on n'a pas réussi donc il
faut que tu réussisses » (Enquêté E6).
Ainsi cette incitation à aimer l'école et
à ne pas surtout abandonner s'ils veulent réussir dans la vie et
faire mieux qu'eux devient comme une obsession parentale. Les familles
espèrent pour leur enfant ce qu'ils n'ont pas pu avoir ou obtenir par le
biais de l'école. C'est en effet ce qui explique l'inculcation de
certaines valeurs. Par ailleurs, l'école se présente donc pour
eux comme le meilleur moyen de réussite sociale, les parents
usent donc de toutes les possibilités qui sont à leur pouvoir
pour tenter de motiver en offrant par exemple des cadeaux (l'argent).
69
« Parfois ils me donnent de l'argent et me disent
pour avoir beaucoup d'argent il faut faire l'école sinon tu seras comme
nous ». (Enquêté E10).
« Ils me disent d'apprendre pour être comme les
autres » (Enquêté E8).
Il faut préciser que la motivation par les conseils
des parents se présente dans certains cas inefficace ou insuffisant
dans la mesure où elle ne permet pas à d'autres
élèves de braver les difficultés qui se présentent
à eux(ou pour leur survie en milieu scolaire). C'est d'ailleurs ce qui
conduit certain de nos enquêtes, tel que E4, à dire :
« Ils m'ont toujours dit : suit l'école pour
être comme les autres. Mais je n'ai pas pu, j'ai arrêté
cette année c'était difficile ». (Enquêté
E4).
Mais cette demande familiale devient pour ces
élèves une volonté personnelle de réussir
au-delà des épreuves auxquelles ils font face : «c'est
la force d'une demande inscrite dans le réseau des relations familiales,
plus que l'aide technique apportée par les parents qui soutiennent la
mobilisation des jeunes sur l'école »66.
2.1.3. Les biens culturels
Nous entendons par bien culturel, tout instruments didactique
qui servent d'aide à la compréhension mais aussi à
l'approfondissement des cours tel que : livres, dictionnaires voir même
les instruments de géométrie etc.
De tous les élèves interrogé il en
ressort que ceux qui possèdent au minimum un ou deux biens culturels
sont les élèves de 4ème et
5ème année, alors que ceux de la première
année ne possèdent aucun bien culturel. Ce qui de facto est un
véritable frein pour le suivi scolaire en milieu familial, car il est
quasi impossible pour les enseignants de laisser aux élèves des
exercices conséquent au moment de leur absence ou pour les week-ends. En
effet, pour les enseignants tout comme pour les élèves, les
manuels utilisés sont quelque fois pas au programme pour certaines
discipline soit ils n'en ont carrément pas.
66Bernard, Charlot, (1992) « rapport au savoir et
rapport à l'école dans deux collèges de banlieue. »
In société contemporaines, n°11-12.pp119-147
70
« (...) Tout les élèves que ce soit
ceux qui viennent de l'autre coté (Matagamatsengue) ou d'ici, ils n'ont
pas de manuels scolaire. Vous pouvez le constater de vous-même, certains
élèves viennent de fois sans cahiers, d'autres juste avec des
ardoises et repartent sans cours ni exercices. La situation est
différente si vous vous rendez en 4ème et
5ème année » (maitresse de
1ère année de l'école publique de Nzingui).
2.2. L'attitude des élèves en situation de
cours et en dehors
La manière dont les élèves se tiennent en
classe et en dehors (hors du contexte scolaire) a fait l'objet d'une
observation particulière. Celle-ci s'est faite en particulier dans les
classes de 1ère, 4ème et 5ème
année. En outre, elle a aussi nécessité de vivre au
quotidien avec ses derniers dans le but de ressortir leurs activités
majeures en dehors du milieu scolaire.
2.2.1. Attitude des élèves en classe
Parmi les trois niveaux observés, les
élèves de la 5ème année sont les plus
attentifs en classe avec plus ou moins ceux de la 4ème
année tandis que les rêveurs et ceux qui font tout autre chose en
classe sont ceux de la 1ère année. Ainsi, la classe de
1ère année est très mouvementée par les
faits et gestes des élèves, les quinze élèves sont
entre bavardage et perturbation. Mais curieusement lors que la maitresse
demande de recopier la leçon tous sortent leur cahiers et ardoises.
Pendant les cours, les élèves de
4ème et 5ème année sont attentifs
aux explications de l'enseignant parce qu'ils veulent acquérir un
certain savoir nécessaire à la réussite aux examens. De ce
fait, pour l'acquérir, il faut suivre ce que dit le maitre. C'est dans
cette optique que certains disent :
« Ce qui m'intéresse c'est suivre les cours,
suivre ce que dit le professeur pour réussir »
(Enquêté E10).
71
«(...) J'aime quand je suis en classe pour
écouter ce que dit le maitre pour gagner mon CEP et mon Concours
quand je serai en 5ème année»67
(Enquêté E11).
N'ayant pas des outils (les manuels) et des parents
outillés pour leur suivi scolaire à la maison, ces
élèves sont obligés de mettre tout en oeuvre pour tirer
profit de la présence de l'enseignant (du détenteur du savoir
savant). Par ailleurs, l'enseignant étant la seule chose dont il
dispose, ils sont donc obligés de se concentrer sur le savoir que
transmet l'enseignant pour espérer réussir.
Par conséquent, ceux qui adoptent une attitude «
contre l'école »68sont en majorité les
élèves de la 1ère année. Cette attitude
contre l'école s'observe aussi lors des récréations. Pour
certains c'est une occasion de pouvoir repartir à la maison pour ne plus
revenir le reste de la matinée et d'autres même pour toute la
journée.
2.2.2. Attitude en dehors du contexte scolaire
En dehors du milieu scolaire les élèves Babongo
sont entre jeu et activité champêtres et faire des exercices
scolaires n'est nullement une priorité. Sur les dix élèves
inscrits à l'école publique de Nzingui que nous avons
observé, une seule élève fait des exercices à la
maison en dehors de ce que donne l'enseignant en classe :
«(...) Même quand je n'ai pas d'exercices, papa
me donne des devoirs à faire dans les livres à la maison
» (Enquêté E12).
« (...) constatez de vous-même j'ai
donné des exercices vendredi mais il n'y a à peine que deux dans
la classe qui l'ont fait. Les raisons qu'ils donnent sont toujours : on n'a pas
eu de temps on était en brousse avec les parents (...) En
réalité cette manière de faire nous embête aussi
» (maitre de 4ème et 5ème
année).
67 « Me tonde va me li tsoh class mu yoga bi mulongchi a
lèle mu baga cep na concours a mè »
68 Nous entendons par « attitude contre
l'école » le fait qu'un élève soit en situation de
cours un perturbateur,
rêveur et le fait de faire toute autre chose en classe.
Cela d désigne aussi le fait de décrocher en milieu de
journée et qu'un élève ne trouve pas de temps à
faire ses exercices durant les week-ends ou les périodes de vacances.
72
Les week-ends ou les mercredis après-midi, les
élèves sont le plus préoccupés à suivre les
parents en brousse à remplir leur devoir domestique ou à faire
tout autre chose que le travail scolaire. Le plus surprenant est que ces
élèves parlent de manque de temps ou d'oubli lorsqu'il s'agit
d'activités intellectuelles. Cependant, nous avons pu remarquer
qu'à la demande de piquet pour la fabrication de la clôture du
jardin de l'école, les élèves ont manifestés une
volonté de le faire au point où ils ont même
interpellé leurs parents. Et au sortir du week-end, chaque
élève s'est présenté à l'école avec
ses piquets.
Au regard de ce qui précède, nous pouvons donc
dire que pour nos enquêtés le travail physique est facilement
exécutable contrairement au travail cognitif De ce fait, il ne
développe donc pas un rapport au travail scolaire suffisant permettant
la réussite scolaire, ce qui par la suite explique leur retard
scolaire.
73
Chapitre V
LES POLITIQUES EDUCATIVES EN MILIEU RURAL
Le présent chapitre aborde la question de l'offre
scolaire en milieu rural gabonais en général et en particulier
celui du village Nzingui où les enfants Babongo de Matagamatsengue sont
pour le grand nombre inscrits. Ainsi pour mieux cerner les politiques
éducatives en milieu rural, nous nous appuyons sur la loi n°21/2011
du 14 février 2012 portant organisation générale de
l'éducation, de la formation et de la recherche. Celle-ci énonce
dans les articles 2, 5 et 6 que l'éducation et la formation au Gabon
sont obligatoires. De ce fait, l'accès à l'éducation et la
formation est assurée à tous les jeunes gabonais ou
étrangers résidant au Gabon, âgés de 3 à 16
ans.
En outre, parmi les missions générales de celle-ci,
il y a notamment:
- ancrer les apprenants dans leurs racines multi culturelles
tout en les ouvrant au savoir et au savoir-faire moderne,
- de promouvoir les langues locales, véhicule essentiel
de la culture et des valeurs de chaque civilisation, ainsi que les technologies
de l'information et de la communication,
- les infrastructures et les équipements
d'enseignements et de formation doivent, à cet effet permettre, selon
les niveaux, l'appropriation des connaissances et des compétences en
matière : la langue locale, (...).
Ce bref retour sur la loi n°21/2011 nous permet de voir
que celle-ci fait l'éloge d'une école de qualité au Gabon.
Nous entendons par `'école de qualité», une école qui
offre à tous jeunes résidant sur le territoire gabonais les
mêmes possibilités d'accès à la formation, à
l'instruction et à l'éducation.
Cependant, peut-on parler d'une adéquation entre la loi
n°21/2011 et les réalités scolaires en milieu rural ?
Autrement dit, y a-t-il un équilibre entre la théorie, les
pratiques pédagogiques et le comportement du gouvernement en termes
d'investissement et de planification dans le cadre de l'éducation et la
formation au primaire ?
74
Dans l'objectif de cerner la réalité du contexte
scolaire rural, nous avons été dans deux villages voisins
(Mbelnaltembe et Mbinambi) pour une observation plus large et effectué
des entretiens avec les enseignants des écoles de ces différents
villages.
Ce chapitre consiste donc à mettre en évidence
les réalités scolaires en milieu rural gabonais. Dans un premier
temps, il est question d'un regard critique à partir des observations de
terrain sur l'offre scolaire. Notre regard a porté sur trois aspects que
nous estimons comme fondamental pour un système éducatif qui se
veut égalitaire: les pratiques pédagogiques, le rythme scolaire
et l'accès à la formation ou l'éducation (section 1). Et
dans un second temps, nous exposons les incidences de cette offre scolaire. Il
est question de démontrer que les insuffisances des politiques
éducatives en milieu rural font de cette école, une école
ou l'on apprend pour abandonner demain (section 2).
Section 1 : Pratique pédagogique, rythme
scolaire autonome et inégal accès à la formation ou
à l'éducation
1.1. Des programmes pédagogique et rythmes scolaire
autonome
A l'école publique de Nzingui, il n'y a pas une
organisation précise sur la progression pédagogique tout au long
de l'année. Pour le cas de la 4ème et
5ème année, les cours sont faits sur la base des
« notions qui reviennent le plus souvent aux examens de fin
d'année ». Cette autonomie de programme se vérifie par
l'absence de manuel au programme. Les enseignants ne disposent pas des manuels
ou de tous autres outils au programme, ce qui implique que la
préparation des cours et les évaluations se font à
l'ancienne : c'est-à-dire que chaque enseignant est totalement libre et
responsable de la production des savoirs. Ce qui compterait pour les
autorités du secteur éducatif ce sont les résultats ;
c'est dans cette perspective que le directeur de l'école de Nzingui nous
confit :
« (...) les inspecteurs viennent faire de la
comédie, ils connaissent les conditions dans lesquelles nous
travaillons. Ce qu'ils réclament ce sont les résultats et les bon
résultats peut importe comment on travaille. Mais personne ne fait rien
pour que ça marche c'est une vrai comédie. C'est la raison pour
laquelle chacun évalue à sa manière.
75
Et moi j'estime que les résultats ne sont plus
fiables, au moins avant tout était plus ou moins uniforme. Aujourd'hui
lorsqu'on fait état des conditions matérielles à notre
hiérarchie, ils nous demandent de nous équiper nous-mêmes
et que cela fait partir de la formation » (directeur de
l'école publique de Nzingui).
De plus les enseignants des trois écoles
observées s'accordent sur la non application du programme et du non
utilisation des cahiers de situation cible dans le cadre des
évaluations, ils font «chacun des devoirs comme ils peuvent et
ils notent ». À cet aspect vient s'ajouter celui des
infrastructures défectueux le manque d'équipement d'enseignements
et de formation de première nécessité :
« Déjà il n'y a pas de programme c'est
l'enseignant qui fait lui-même son programme, il n'y a pas de manuel quel
programme alors ? On donne les cours en fonction des nations prioritaire donc
on fait l'essentiel, il y a une masse de notion et des disciplines (...) Comme
difficulté en général les conditions de salles de classe
(tables banc et tableaux défectueux et les murs délabrés),
absence de latrine, des matériaux essentiel tel que la craie et les
manuels... tout ça c'est notre propre argent » (maitresse de
la 1ère année de l'école publique de
Nzingui)
Ainsi, l'Etat peine toujours à améliorer son
offre scolaire par un investissement suffisant en matière
d'infrastructures et en équipement en matériaux d'enseignement
pouvant garantir l'appropriation des connaissances et des compétences
dans des conditions saine et de qualité.
Le constat qui est fait de manière
générale, montre, que les réalités scolaires sont
différentes d'un village à un autre. C'est donc pour dire, qu'en
milieu rural le contexte scolaire est variés et qu'il existe, non
seulement une inégalité entre les élèves qui
évoluent en ville et ceux des villages, mais il y a aussi une
inégalité de chance d'accès et de réussite entre
les différent élèves qui apprennent en milieu rural. Cela
se manifeste par le fait que d'un village à un autre, les
réalités scolaire ne sont pas les mêmes. Tel est le cas des
écoles des trois villages dans lesquels nous nous sommes rendus.
Premièrement l'école primaire de Mbenaltembe :
elle à un bâtiment de trois classe dans lesquelles sont repartie
les cinq niveaux et 3 enseignants.
76
Lors de nos différentes visites les trois enseignants
étaient toujours à leur poste de travail. De plus pour palier au
problème de manuel didactique, le directeur de cette école s'est
équipé des outils informatiques (ordinateur portable et
imprimante) et le rythme scolaire est plus ou moins régulier
au-delà des absences de chaque fin de mois lié à la prise
de salaire à la capitale provinciale.
« J'ai été obligé de me
procuré ces deux appareils pour mieux travailler et venir en aide au
collègue et à nos élèves qui manquent un peu de
tout en leur fournissant au moins à chaque foi des documents pour des
exercices de maison » (directeur de l'école primaire de
Mbenaltembe).
Deuxièmement, l'école primaire de Nzingui
quant-à-elle a aussi un bâtiment de 3 salles de classes pour les
cinq(5) niveaux et trois enseignants affecté, mais il n'y a que deux
enseignants qui ont la gestion des cinq(5) niveaux, car le troisième
enseignent après la prise de service n'est plus jamais revenu pour
répondre à son devoir. On note en plus une insuffisance de manuel
au programme. Les deux enseignants ont chacun un manuel « super en
mathématique» qui répond aux normes. Mais la
préparation des cours se fait à l'aide de tous d'autre manuel
pour atteindre l'objectif qui est demandé par leur hiérarchie :
« les résultats peu importe comment on les obtient
».
« Ici, les enseignants sont constamment absent, ils
viennent sans leur familles, ils peuvent être la durant un moment et
ressortent pour des semaines. C'est le cas de la maitresse de
1ère année qui était sortie pour prendre son
salaire et là on est déjà à une semaine elle n'est
pas toujours revenu ? Vraiment c'est dure chaque année c'est la
même chose » (président de la association des parents
d'élève de école de Nzingui).
« Mon absence s'explique par la prise de salaire et
j'ai profité à faire des achats car ici il y a un problème
de route et le ravitaillent alimentaire (...) en réalité il est
impossible de rattraper les jours perdu, mais pour celui qui a
l'expérience il peut faire la collection des notions prioritaires
» (maitresse de 1ère année, école de
Nzingui),
Et troisièmement l'école de Mbinambi, à 1
bâtiment de trois salles de classes pour 5 niveaux et deux enseignants
dont il n'y a qu'un présent. L'enseignant titulaire (le directeur) est
quant à lui absent depuis près de deux (2) mois et celui qui nous
a reçu a été victime d'un
accident de circulation et bien que présent dans le
village l'école restera fermée le temps de son
rétablissement.
« Mon directeur était là le premier
mois mais cela peut faire deux mois déjà presque qu'il est absent
pour des raisons qui me sont inconnues, (...) l'école est fermée
juste pour le temps de convalescence mais dès que possible tout rentrera
dans l'ordre, sauf si mon directeur revient entre temps (...) en
réalité les outils de travail c'est nous même »
(enseignant à l'école de Mbinambi).
On se rend bien compte, que le rythme scolaire et les
conditions de travail sont belle et bien fonction du lieu où l'on se
trouve. Le calendrier académique tel que conçu de manière
à promouvoir et garantir l'idéal d'une école accessible et
de qualité tant prôné par le politique sont en milieu rural
l'ombre d'eux-mêmes dû à la confrontation aux conditions
géographique qui viennent limités une fois de plus la
démocratisation scolaire des familles.
Dans l'optique d'un prolongement de cette réflexion,
Orphée Martial SOUMAHO MAVIOGA et Dany Daniel BEKALE69 disent
que « la demande scolaire au primaire est caractérisée
par une offre publique insuffisante » et poursuivent en disant que
« l'offre scolaire divise la société gabonaise en classe
et ne garantit pas la mixité sociale. Elle apparait comme une politique
publique éducative qui participe à la ségrégation
sociale et limite l'accès à certains biens et privilèges
sociaux aux enfants issus des quartiers populaires »
Dès lors, plus les contextes scolaires sont
variés, plus ils sont différents et inégaux : certains
favorisent la réussite scolaire et d'autres le décrochage,
l'abandon et donc l'échec scolaire. Cet aspect entraine
nécessairement des inégalités de chance de réussite
au profit des familles qui vivent en ville et qui usent de stratégie en
inscrivant leurs enfants dans les meilleurs contextes que ceux du milieu
rural.
Par conséquent, les raisons du décrochage ou de
l'abandon des élèves Babongo trouvent une part de leur fondement
au sein même de l'établissement (« effet
établissement »70) pour rejoindre Marie
DURU-BELLAT. Car chaque établissement par son
69 Orphée Martial Soumaho Mavioga et Dany
Daniel Békale, (2007), « offre scolaire au Gabon et
problématique de l'égalité des chances dans l'enseignement
primaire », Romaric Franck Quentin de Mongaryas (dir) Refonder
l'école gabonaise : Enjeux et perspectives, Saint-Denis, Publibook,
Pp 23-41
70 Marie Duru-Bellat, « les causes sociale des
inégalités à l'école », Comprendre,
n°4, Octobre 2003
77
organisation et son fonctionnement particulier, exerce une
influence sur le rendement scolaire des élèves.
C'est-à-dire sur leur performance ou leur survie dans le monde
scolaire.
1.2. Inégale accès à la formation et
l'éducation
L'inégale possibilité d'accès en milieu
rural s'explique ici par deux éléments principaux : le manque
d'établissement pré-primaire et l'occultation de la langue
vernaculaire en milieu scolaire.
1.2.1. L'absence d'établissements
pré-primaire
L'égalité d'accès à
l'éducation et à la formation dès l'âge de trois(3)
ans prôné par l'Etat, est quasi impossible, dans la mesure
où il n'y a pas d'établissement préscolaire. Les familles
en milieu rural sont donc réduit à patienter jusqu'à
l'âge de six (6) ans (voir huit(8) ans chez les familles Babongo) pour
espérer inscrire leurs enfants dans les écoles de leur
village.
D'autres villages à dominante Babongo tel que Foungui
(un village pygmée de la même contré) n'ont ni école
pré-primaire, ni école primaire. Ainsi, dans ces zones de
désert scolaire, les familles qui tiennent par ailleurs à envoyer
leurs enfants à l'école sont obligés soit de changer de
village ou de trouver une famille d'accueil à Matagamatsengue.
L'écart qui existe entre l'orientation
générale de l'éducation, la formation et l'investissement
dans le secteur éducatif au Gabon renforce la thèse de Quentin De
MONGARYAS71 sur l'idée d'une « société
contre l'école » et des autorités qui font la promotion
d'une « école du sous-développement
»72 dans les faits, en ce que l'école en milieu
rural connait une forte précarité.
71 Romaric Franck Quentin De Mongaryas (2012),
l'Ecole gabonaise en question. Quel système de pensée, pour
quelle société ? Paris, L'Harmattan.
72 Romaric Franck Quentin De Mongaryas,
Charles-Philippe Assembe Ela et Eloge Bibalou (2017), Refonder l'Ecole
gabonaise : enjeux et perspectives, Saint-Denis, Publibook, P203.
78
1.2.2. L'occultation de la langue vernaculaire
En contexte rural, le non prise en compte de la langue
vernaculaire par le système éducatif constitue l'un des facteurs
majeur du décrochage scolaire (ou de l'abandon) des élèves
en général et en particulier ceux issus du village
Matagamatsengue. Ces derniers, ayant un rapport restreint avec la langue que
légitime l'école (le français), seront confrontés
à des importantes difficultés, notamment, celles liées
à la compréhension des cours et d'intégration dans le
milieu scolaire. « L'école deviendrait une séance de
magie ou les maitres font disparaitre l'origine familiale »et donc
sort ces élèves de leur milieu, ce qui rentre totalement en
contradiction avec les missions de l'éducation et de la formation que
met en avant la loi n°21/2011 qui mentionne en ses articles 5 et 6, que
l'une des mission générale est l'adaptation aux
réalités locales et à la promotion des langues locales.
La réussite et la survie en milieu scolaire de ces
derniers, implique donc de leur part de fournir des efforts
supplémentaire : l'apprentissage du français et le
développement d'une relation harmonieuse avec le fait d'aller à
l'école et d'y apprendre des choses. En d'autres termes il est question
de construire du sens au fait d'apprendre nécessaire à un
rendement scolaire positif.
En soutenant la thèse selon laquelle l'école
primaire divise par l'offre scolaire publique insignifiante (par la
précarité que constituent les « conditions
matérielles » 73 dans lesquelles la formation et
l'éducation s'effectuent. On peut déduire que les populations
d'élèves issu des familles Babongo, sont réduit au simple
désir d'apprendre à lire et écrire pour solliciter des
métiers qui ne nécessitent pas forcement des longues
études.
Section2 : L'école en milieu rural : « une
école où l'on apprend pour abandonner»
En parlant «d'une école où l'on apprend
pour abandonner », nous voulons dans la même perspective que
celle de nos devanciers sociologues gabonais (M-N SOUMAHO, G NGUEMA ENDAMNE,
R.F QUENTIN DE MONGARYAS), démontrer les limites du système
73 Mesmin-Noël, Soumaho, (1987), Objectif de
l'enseignement primaire et contenu des manuels de lecture. Contribution
à une étude sociologique du curriculum au Gabon,
thèse pour le 3ème cycle en sciences de
l'éducation, Université René Descartes- Paris V (Sciences
humaines, Sorbonne).
79
80
éducatif gabonais. Il s'agit pour nous de ressortir les
carences des politiques éducatives de l'Etat en milieu scolaire rural
(les réalités de l'offre scolaire dans les villages au Gabon et
à Nzingui en particulier).
Contrairement à l'idée d'une école de
qualité qui est véhiculée par la loi
n°21/2011 du 14 février 2012 portant organisation
générale de l'éducation, de la formation et de la
recherche au Gabon, trois (3) éléments fondamentaux nous ont
conduit à qualifier l'école en milieu rural gabonais d'une
école où l'on apprend pour abandonner, c'est-à-dire,
une école ou l'on se rend aujourd'hui pour décrocher demain, ou
à la moindre occasion on abandonne toute activité et où
l'on est conduit à mettre très peu d'entrain à effectuer
une activité proposé (aux élèves) ou demander (aux
enseignants).Notamment :
- l'absence de motivation: chez les enseignants, elle est
liée aux conditions précaires
de travail et pour les élèves à leur rapport
au français,
- un rythme scolaire en dents de scie,
caractérisé par : l'absence des enseignants chaque fin du mois et
l'absence scolaire liée aux travaux champêtres, les moqueries des
camarades et les blâmes des enseignants,
- et la disqualification parentale (liée à leur
faible niveau d'études) ou le désinvestissement de l'Etat (manque
d'établissements pré-primaires, occultation de la langue
vernaculaire, structures vieillissantes, etc.).
2.1. L'absence de motivation
Pour ce qui est des enseignants, celle-ci s'explique par les
conditions de vie précaires (logement) auxquelles ils font face d'une
part et l'absence d'équipement d'enseignement scolaire (manuels,
tableaux défectueux, tables de banc) et structure vieillissantes d'autre
part.
« Comment pouvons-nous travailler dans des telles
réalités ou même le minimum n'existe pas. Je vis dans une
classe de la vieille bâtisse faite en terre battue qui servait
d'école avant et l'on attend quel rendement venant de moi ? »
(Enseignante de la 1ère année).
Or pour les élèves la démotivation
viendrait du rapport conflictuel qu'ils entretiennent avec la langue
légitimée par l'école et l'irrégularité des
enseignants qui entrainent des lourdeurs, de la passivité face à
l'exigence de l'école.
En effet, l'absence de motivation participe donc à la
mort de la volonté d'apprendre et donc de l'école, dans la mesure
où, la motivation en contexte scolaire est un état dynamique qui
puise ses origines dans la perception qu'ont les différents acteurs (les
élèves, enseignants et parents), d'eux même et de leur
environnement, qui par la suite va les inciter ou non à s'y engager dans
les activités et à persévérer dans l'optique de
leur accomplissement afin d'atteindre les différents objectifs.
2.2. Un rythme scolaire en dents de scie
Le rythme scolaire tel que prévu par l'article
8674 de la même loi, n'est non plus de mise. Il se
caractérise par l'irrégularité ou la non présence
au poste des enseignants. N'ayant pas leur famille avec eux, les enseignants
sont amenés à se rendre le plus souvent en ville pour avoir un
regard et résoudre les besoins de famille et administratifs.
« (...) cela fait plus de cinq (5) ans que je
travaille dans la contré en regardant les réalités de ce
type d'école et la précarité des conditions de vie, je ne
peux amener mes enfants pour apprendre ici ou permettre que ma famille vienne
pour subir ça. C'est donc pourquoi nous sortons constamment »
(directeur de l'école de Nzingui).
« (...) nous sortons le plus les périodes de
fin de mois et c'est à cette occasion que nous restons un peu avec la
famille et profitons aussi à résoudre nos problèmes, ceux
de nos familles et administratifs » (maitresse de
1ère année, école de Nzingui).
En plus, au-delà des prises de service, on constate
cependant des absences au poste qui explique de ce fait que l'on retrouve dans
certains village un (1) ou deux (2) enseignants pour les cinq (5) niveaux et
des écoles constamment fermées pour d'autres. Par
conséquent,
74 Loi 21/2011 du 14 février 2012; «
Article 86- le calendrier et le rythme scolaires et académiques sont
conçues de manière à garantir l'idéal d'une
école accessible à tous, tout au long de la vie. (...)
2. au primaire et au secondaire général : une
année scolaire régie par les mêmes principes que ceux du
pré-primaire, une semaine scolaire organisée, du lundi au
vendredi, et comprenant chaque jour, en alternant intercours, repas et repos :
chaque matin, quatre heures trente minutes de cours fondamentaux ; chaque
après-midi une heure de travaux pratiques ou de travaux dirigés,
une heure trente minutes de cours fondamentaux, une heure de cours de sport ou
d'activités artistiques, (...) ».
81
82
l'incapacité à suivre une classe en plus va
limiter le rôle des enseignants à celui de surveillant. Il est
question ici de veiller à ce qu'il n'y ait pas de désordre pour
que ces élèves qui sont dans les classes sans enseignant, ne
perturbent le déroulement des cours dans les classes voisines. C'est le
cas non seulement de la classe de 3ème et
2ème année de l'école publique de Nzingui qui a
un enseignant affecté mais non présent depuis le début
d'année mais aussi de l'école de Mbinambi qui est
fermée.
« Pour cette classe-là, je ne peux donner des
cours ou évaluer, ce que je peux faire c'est les surveiller pour ne pas
perturber » (directeur, école de Nzingui).
« Là c'est le problème du directeur je
ne peux rien c'est lui le chef, soit il les renvoie à la maison
jusqu'à l'arrivé de l'enseignant ou il les prend en plus
» (maitresse, école de Nzingui).
« Au vu de ma situation, les élèves
sont obligés d'attendre mon rétablissement, sauf si entre temps
le collègue revient » (enseignant de Mbinambi)
2.3. La disqualification parentale et le
désinvestissement de l'Etat
2.3.1. La disqualification parentale
Pour les familles, le suivi scolaire des enfants se limite de
manière générale à l'inscription et aux conseils,
bien que l'on relève quelques-unes qui tentent bien que mal à
veiller à demander aux enfants ce qu'ils ont eu à faire à
l'école et à faire les exercices quand ils peuvent. Ce qui
importe pour ces familles après l'inscription c'est de savoir que chaque
matin leur progéniture se lève pour l'école. Cela se
justifie par le fait qu'un seul parent se présente au nom de tous les
élèves lors d'une convocation à une réunion des
parents d'élèves ou à la signature (ou
récupération) des bulletins.
Lorsque nous avons posé aux parents la question de
savoir s'ils étaient informés sur le fait que leurs enfants
inscrit en 3ème et 2ème année
n'avaient pas d'enseignants et passaient des journées à ne rien
faire, ils nous répondent :
« Chaque matin mon enfant va à l'école
et il y a deux (2) enseignants à l'école pourquoi le garder
à la maison ? L'année dernière à Mbinambi il n'y
avait qu'un seul enseignant pourtant tous les enfants étaient à
l'école et ont eu des résultats. Alors pourquoi pas ou il y a
deux enseignants ? » (Président de l'A.P.E de Nzingui).
« (...) ce que je sais c'est que mon enfant est
à l'école et ce qui se passe là-bas regarde les
enseignants »75 (P1).
On se rend bien compte au vu de ce qui précède,
que ce qui se passe à l'intérieur de l'institution scolaire
n'inquiète nullement les chefs de familles. Cela nous emmène
à déduire que nous sommes face à des parents dont le
faible niveau d'instruction limite l'intérêt pour l'école
parce qu'ils ne parviennent pas à conférer une véritable
valeur au tour de cette institution.
2.3.2. Le désinvestissement de l'Etat
Le désinvestissement est perçu ici comme le
manque d'intérêt de la part de l'Etat face à l'école
en contexte rural. Celui-ci s'observe particulièrement part les
réactions des responsables académiques (Ngounié sud),
l'absence de traçabilité des résultats des examens de fin
d'année (le Certificat d'Etude Primaire et le concours d'entrée
en 6ème), structure vieillissantes, absence
d'équipement d'enseignement scolaire, etc.
Ainsi, suite aux absences répéter et à la
non présence au poste des enseignants observé à Nzingui,
nous avons rencontré la responsable Académique du
département de la Louétsi-Wano dans l'optique de comprendre
l'organisation du suivi des enseignent et des pratiques pédagogiques.
La responsable académique du département de la
Louétsi-Wano nous affirme au sujet des absences et la non
présence au poste des enseignants de l'école de Mbinambi et
Nzingui que : « (...) pour ce qui est de l'absence au poste du
directeur de Mbinambi et de l'enseignant de Nzingui, nous ne sommes pas
actuellement informé. Mais de manière générale
à notre niveau, ce que nous faisons face à de telle situation
c'est juste des blâmes,
75 Tso matass même, mèyebi ti muana
mè gu lecol ali, mamaviog gona matal ndi balogchi
83
84
des demandes d'explication et en cas de reprise, nous
faisons des rapports à notre hiérarchie. Nous n'avons non plus de
moyen roulant pour faire constamment la boucle de tous ces
villages».Cependant, sur les pratiques pédagogues en tant
qu'inspecteur leur pouvoir de control se présente d'avantage
limité en ce que les écoles ou encore les enseignants ne
disposent pas de manuel didactique au programme. « La faute n'est pas
à nous ou aux enseignants, du moment qu'ils ne disposent pas de manuel
que peuvent-ils faire ils sont obligé en réalité de faire
les cours à l'ancienne. L'Etat n'équipe pas ses écoles et
c'est pas aux agents non plus de le faire ».
De plus, en nous rendant à la Direction
d'Académie Provinciale de la Ngounié pour avoir les rapports
d'examens de fin d'année sur au moins quatre ans du centre d'examens de
Nzingui, un seul rapport a été disponible (celui de
l'année académique 2017-2018). Mais celui-ci ne contenait pas les
données sur le taux de réussite ou d'échec, ou encore
l'effectif des garçons présents dans le récapitulatif
était supérieure à l'effectif des candidats
présenté par ce centre d'examen. En définitive ce rapport
ne permettait pas de lire la réalité des résultats.
Face à toute cette réalité, nous pouvons
donc affirmer qu'il existe au Gabon une véritable faiblesse des
politiques éducatives, qui se traduit par un écart entre
l'école en milieu urbain et celle en milieu rural. En d'autre terme, il
n'existe pas d'égalité de chance de réussite entre les
élèves des milieux urbains et ceux des milieux ruraux. De plus,
il serait donc quasi-impossible d'évalué de manière
pertinente les performances des élèves qui évolue dans ce
contexte scolaire où l'Etat n'accorde aucun intérêt.
En effet, la démocratisation scolaire au Gabon s'est
certes traduite par une massification dans l'enseignement primaire, Mais,
l'école reste non accessible à tous en fonction des contextes
(des régions). L'inégalité scolaire (ou sociale face
à l'école) au Gabon reste donc d'actualité dans la mesure
où il existe encore dans certaines zones des déserts
scolaires et dans d'autre des écoles fermées. De plus, cette
inégalité se manifeste par la qualité du rythme scolaire
en milieu rural, la non prise en compte de la langue vernaculaire, la
précarité dans laquelle se font les cours et au nombre
d'enseignant par établissement qui imposent aux élèves de
fournir un grand effort pour y parvenir.
Ainsi, l'obligation scolaire au Gabon n'est « qu'un
acquis international de l'universalisme des grandes lois scolaires des
années 1880 de la IIIème république en France
et complété par les conventions de 1989 des droits de l'enfant
»76. Les fondements de l'école gabonaise reposent de ce
fait sur des repères extérieurs, une école pensée
hors du contexte gabonais qui ne tient pas compte des réalités
culturelles voir même économique du pays. C'est ce qui fait dire
à Gilbert NGUEMA ENDAMNE « on a plutôt assisté
à une africanisation scolaire qui consiste encore de nos jours à
offrir l'école à tous les enfants d'âge scolarisable sans
se poser des questions simples : pourquoi offrir l'école ? Qui voulons
nous former et pourquoi ? Quel objectif voulons nous atteindre et avec quels
moyens ? »77. Ces différents aspects n'ont pas
été vus par l'Etat gabonais dans la formulation de ses politiques
éducatives et ont donc limité le Gabon à offrir à
sa jeunesse en milieu rural, une éducation de base (lire, écrire
et compter) sans réellement faire face aux défis de la
démocratisation scolaire. C'est alors ce qui explique toutes les
inégalités observable en fonction des contextes, de chaque niveau
d'instruction, tel que le manque de structures d'accueils, d'outils
pédagogiques, etc. Au-delà de la loi 21/2011 du 14 février
2012, nous pouvons dire que l'école gabonaise échoue dans sa
mission de réduire les inégalités, car elle accentue
d'avantage la ségrégation sociale.
85
76 Mesmin-Noël Soumaho, (2010), «
l'obligation scolaire au Gabon : une analyse sociologique des principes
fondamentaux des textes officiels », revue Palabres de la fondation
Raponda- Walker, n°4, PP.311-325.
77 Gilbert Nguema Endamne, (2011), L'Ecole pour
échouer. Une école en danger. Crise du système
d'enseignement gabonais. Paris, Publibook.
86
Conclusion de la deuxième partie
En somme, les élèves Babongo n'aspirent pas en
réalité à ce qui est très élevé, mais
plutôt à ce qui est nécessaire pour eux. Ils
désirent simplement s'assurer un emploi qui leur permettrait de changer
de statut social par rapport à celui de leurs parents. L'apprentissage
ou encore la persévérance scolaire a une valeur sociale et
épistémique.
Bien que l'expérience scolaire des parents limite
l'aide parentale dans le suivi scolaire, une partie des enquêtés
se motive à faire mieux et aspire à un meilleur avenir, ce qui
leur permettrait de venir en aide aux familles. C'est dans ce cadre que
l'école apparait ainsi pour ces derniers comme le moyen le plus
sûr de réussite sociale.
Le sens que donnent ces derniers à l'école, se
limite à une valeur sociale et cela s'explique par ailleurs par
plusieurs facteurs tels que leur attitude contre l'école (n'accordent
pas de véritable valeur à l'école) et l'incapacité
des enquêtés à articuler la mobilisation sur l'école
et la mobilisation à l'école.
Il est question ici d'un faible investissement dans le travail
scolaire et dans le fait scolaire lui-même. Pour certains, le rapport aux
études est un rapport professionnel : « on fait ce que nous demande
le maitre », «respecter les règles de l'école »,
et non un rapport à la culture et au cognitif au savoir lui-même,
qui implique que celui qui va à l'école attribue un
véritable sens au fait d'apprendre des choses à
l'école.
En outre, l'accès au métier ici est lié
pour eux à la simple fréquentation de l'institution scolaire et
à l'obéissance de ses règles en occultant le savoir
lui-même.
C'est dans cette perspective que Bernard Charlot stipule que :
«l'accès au métier est lié à l'acquisition
des savoirs, au fait d'apprendre : c'est grâce au savoir acquit et non
à la simple fréquentation qu'on peut avoir un bon métier
»78.
Cette réalité nous conduit à
déduire que la majeure partie des élèves Babongo ont un
rapport aux études non seulement conflictuel mais cette relation aux
études n'implique pas le rapport au savoir lui-même. En
majorité, la fréquentation de l'institution scolaire s'explique
par le désir d'apprendre à lire et à écrire pour
solliciter un emploi quelconque. En
78Bernard Charlot, (1992) « rapport au savoir et
rapport à l'école dans deux collèges de banlieue. »
In société contemporaines, n°11-12.pp119-147
87
d'autres termes, la volonté que manifestent ces
derniers et leurs parents constitue l'élément fondamental qui
justifie leur présence à l'école.
Notons que « l'un des principaux facteurs de la
médiocrité du rendement de l'enseignement au primaire en milieu
rural, c'est la précarité que constituent les conditions
matérielles dans lesquelles cet enseignement s'effectue : manque ou
indigence des locaux scolaires et des logements des mobiliers et fournitures
scolaires ».
Ainsi, l'obsolescence manifeste de la loi n°21/2011
traduit immédiatement que les priorités de l'Etat sont toute
autre que l'éducation et la formation au Gabon. En outre, le principe
d'égalité qui exige un même traitement pour toute la
jeunesse en âge scolaire n'est en réalité qu'une utopie ;
en ce que l'on observe une véritable ségrégation entre les
possibilités d'accès et de chance de réussite scolaire qui
existent entre ceux qui apprennent en ville et ceux qui sont dans les villages.
Les familles urbaines bénéficient de plusieurs
possibilités par nombre d'établissements public ou privé ;
or les familles rurales sont condamnées à envoyer leurs enfants
à l'école à l'âge de six (6) ans, et dans des
écoles où il manque le strict minimum pour un enseignement de
qualité.
A cette difficulté d'accès à
l'école et de qualité des structures se greffent l'obligation de
ces élèves à l'apprentissage du français et aux
difficultés liées au capital économique qui entraine de
manière générale l'abandon, malgré toute leur bonne
volonté qui se lit à travers leur persévérance
scolaire.
88
CONCLUSION GENERALE
L'étude du rapport aux savoirs chez les apprenants est
une question sensible et qui nécessite beaucoup de rigueur pour parvenir
à comprendre les différences de réussite, l'échec ;
et dans notre cas, la persévérance chez les élèves
issus d'une même appartenance sociale ou contexte géographique.
Pour cerner le rapport aux savoirs des élèves, il est
nécessaire de faire un retour sur leur histoire familiale et sociale.
Mais que l'on s'intéresse aussi aux pratiques pédagogiques et au
contexte scolaire qui participe à la construction de ce dernier. Car le
rapport au savoir est un rapport au monde, à soi-même et
aux autres.
Dans cette étude, qui a été
réalisée en milieu rural Babongo, essentiellement avec les
élèves issus du village Matagamatsengue, il est question de
cerner le sens que ces derniers donnent au fait d'aller à l'école
et d'y apprendre des choses, afin de comprendre pourquoi ils
persévèrent au-delà du caractère irrégulier
de leur étude. En effet, notre but était de montrer à
partir de la théorie sociologique du sujet (la théorie du sujet),
comment le rapport au savoir constitue un élément fondamental
à la survie ou non de ces élèves en milieu scolaire.
En outre, pour mieux élaborer notre
problématique, nous nous somme inscrit dans l'optique des investigations
de Bernard CHARLOT.
En nous inspirant de la perspective élaborée par
Bernard CHARLOT, nous avons émis deux hypothèses selon lesquelles
:
- Les élèves issus de la communauté
Babongo accordent véritablement un sens social aux études dans la
mesure où ils développent une persévérance scolaire
qui se construit autour d'un projet familial essentiellement centré
autour d'une relative réussite sociale qui se traduit par un emploi
rémunéré, qui permettra à l'enfant plus tard
d'aider toute la famille.
- Le contexte scolaire en zone rural étant
défavorable, les élèves Babongo du village
Matagamatsengue accordent un sens épistémique et identitaire
restreint aux études, non pas dans la perspective de sortir de leur
catégorie sociale, tout au plus pour apprendre à lire et à
écrire afin de solliciter des tâches subalternes dans la division
sociale du travail moderne.
89
Le problème que pose notre objet d'étude
étant non quantifiable (la persévérance scolaire), nous
avons fait une pré-enquête de terrain afin de mieux constater
notre phénomène avant de s'y engager dans l'investigation
proprement dite. Par ailleurs, lors de notre investigation définitive,
nous avons soumis à notre population cible, constituée
prioritairement d'élèves Babongo du village Matagamatsengue et de
leurs parents, un protocole d'enquête par entretien articulé
autour de cinq (5) items. Et pour un complément d'informations nous
avons aussi eu des entretiens avec le corps enseignant et la responsable
pédagogique du département de la Louétsi-Wano. Le guide
d'entretien et le récit de vie étaient construits de
manière à ce qu'ils donnaient à voir le type de relation
qu'entretient les familles Babongo en général et en particulier
les élèves issus de ces familles avec l'institution et le savoir
lui-même, afin de comprendre l'incidence de celle-ci sur le devenir de
ces derniers en milieu scolaire. Le choix de cette population cible n'a donc
pas été anodin car il découle de notre désir de
savoir le sens et la valeur que les familles Babongo et leur progéniture
attribuent au fait d'apprendre.
A la suite du traitement des données recueillies sur le
terrain et de l'analyse qualitative, il ressort en définitive que nos
hypothèses ont été confirmées.
Dès lors, les données révèlent que
les élèves Babongo entretiennent des relations conflictuelles
avec le fait d'apprendre, notamment sur le plans épistémique et
identitaire, ce qui par la suite limite leur survie en milieu scolaire. Les
relations qu'ils développent face à l'école ne favorisent
pas la réussite scolaire. Certes le sens et la valeur qu'ils attribuent
au fait d'aller à l'école leur permet de construire des projets
et des vocations, mais ils ne parviennent pas à s'intégrer ;
c'est pourquoi ces élèves, à la moindre occasion, sortent
du système pour ne plus y revenir ou pour faire surface quelque temps
plus tard. Ne parvenant pas à s'intégrer dans le milieu scolaire,
cela va donc constituer un frein à la construction d'une identité
d'élève car malgré la valeur sociale qu'ils donnent
à l'école, celle-ci parait insuffisante pour qu'ils parviennent
à faire face aux obstacles et aux implications qu'impose l'institution
scolaire.
Tous les parents ont des niveaux d'instruction qui ne leur
permettent pas de venir en aide de manière efficace aux enfants
lorsqu'il est question d'exercices, d'explications et tout ce qui a un lien
avec leur apprentissage.
90
C'est donc pourquoi leurs stratégies d'encouragements
se limitent de manière générale, à prodiguer des
conseils.
En effet, les élèves voient en l'école la
possibilité d'un lendemain meilleur, c'est-à-dire le moyen
d'avoir un emploi et donc de répondre à la demande familiale qui
devient un désir personnel d'apprendre dans le but d'aspirer à
une meilleure position sociale et par là devenir un « blanc
)) comme les enfants des autres communautés voisines.
L'école apparait pour eux comme le moyen le plus sûr de «
délivrance )) et de « sortie des conditions difficiles
))
L'importance de l'école se limite à la simple
fréquentation et de prétendre ipso-facto à un
métier quelconque, à une vie meilleure que celle de leurs parents
et non au savoir lui-même (à ce qu'ils sont censés faire et
y apprendre). L'école n'a en réalité chez la
communauté Babongo qu'une valeur sociale, et c'est cette dernière
qui explique en définitif leur persévérance scolaire,
au-delà du fait qu'ils ont une fréquentation
irrégulière et qu'ils soient pour la majorité en situation
de retard scolaire.
A la suite de tout ce qui précède, vient se
greffer la réalité d'une école précaire où
le stricte minimum en terme d'équipement scolaires fait défaut et
crée une démotivation chez les enseignants, dans la mesure
où le rythme scolaire ne développe pas le goût de
l'école. Nous sommes là donc face à un système
éducatif qui ne favorise pas l'égal accès à
l'éducation, mais plutôt l'inégalité des chances de
réussite scolaire et ce malgré le fait que les
élèves persévèrent. Ceux qui vivent en milieu rural
ont donc plus de difficultés que ceux qui apprennent en ville : ils
doivent d'abord, apprendre la langue que légitime l'école avant
de si intégré de manière parraine. Afin de dépasser
le seuil de métier d'élève auquel ils se limitent et de
s'y impliquer dans le travail d'apprenant, des taches et d'exercice qui les
conduira à une activité cognitive par laquelle le savoir
s'émancipe.
En définitive, le non effort de contextualisation du
système éducatif gabonais par la prise en compte des
réalités locales et en particulier l'intégration de la
langue vernaculaire ne cessera de condamner les élèves Babongo au
simple fait d'apprendre à lire et écrire pour solliciter des
corps de métier qui ne nécessite pas toujours des longues
études. Mais participera à la conservation d'une école
primaire qui divise et donc de ségrégation sociale.
91
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DICTONAIRE
MIALARET Gaston, (1979), Vocabulaire de
l'éducation. Education et Sciences de l'Education, Paris, PUF, P.
392.
TEXTE OFFICIEL
93
Banque Mondiale, Gabon :(2015) les objectifs
du millénaire pour le développement,
94
WEBOGRAPHIES
DURKHEIM Emile. Les règles de la
méthode sociologique. Dans le cadre de la collection : `'les classiques
des sciences sociales». Site web :
http://www.
Uqac.uquebec.ca/zone30/classique des sciences sociales/index.html
; consulter le 3 décembre 2018.
KOULANINGA Abdel, l'éducation chez les
pygmées de Centrafrique
https://wwwlibrairie;
consulter le 3 décembre 2018.
Persévérance scolaire : définition et
situation à Montréal. https:/www.
reseauréussitemontréal. Ca/ persévérance.../
persévérance.sc...
siloelarochesuryon.fr/.../1189656-/-éducation-c...
; consulter le 3 décembre 2018.
FONDAFBIPINDI, (2011) Scolarisation des
enfants pygmées Bagyeli au Cameroun. Solidarités.
Info/scolarisation :
https://parrainages.Org>enfants-cameroun;
consulter le 18 mars 2019.
SOENGAS LOPEZ. B (2010) la
subsistance des pygmées Bakoya à l'épreuve de
l'agriculture : dynamique des savoirs ethnobotaniques et des pratiques
(Département de la Zadié, Ogooué-Ivindo, Gabon) :
http://halarchives
ouvertes.fr/docs/00/48/02/70/PDF/manuscrit
thèse Seoengas. PDF ; consulter le 18 mars 2019.
95
Table des matières
Dédicace
Remerciements
Liste des tableaux Sigles et abréviations
Introduction générale 1
PREMIERE PARTIE : PREALABLES EPISTEMOLOGIQUES DE LA
RECHERCHE 4
Introduction de la première partie 5
Chapitre premier : Approche théorique de la
recherche 6
Section 1 : Construction de l'objet et détermination du
champ d'étude 6
1.1. Le rapport au savoir comme objet d'étude 6
1.2. La sociologie de l'école, la famille et du rapport au
savoir comme champs scientifique 9
1.2.1. La persévérance scolaire comme
problème posé par l'objet 10
1.2.2. Présentation des données de la
pré-enquête 12
1.2.3. Les questions de départ de notre recherche 16
Section 2 : Elaboration de la problématique 17
2.1. La revue de la littérature 17
2.1.1. Dans la littérature sociologique 18
2.1.2. Que pensent les universitaires gabonais ? 21
2.2. La perspective sociologique de notre problématique
24
Chapitre II : Approche méthodologique de la
recherche 26
Section 1 : Construction du modèle d'analyse 26
96
1.1 . Enonciation des hypothèses 26
1.2 . Définition et construction des concepts 27
1.2.1. Définition 27
1.2.2. Construction des concepts 29
Section 2 : Démarche méthodologique et champ
empirique d'enquête 31
2.1. La démarche méthodologique 31
2.1.1.L'entretien et les récits de vie comme techniques de
collecte des informations
(données) 31
2.1.2 L'analyse de contenu comme technique de traitement 32
2.2. Champ empirique d'enquête 33
2.2.1. Position géographique de l'univers d'enquête
33
2.2.2. Présentation de la population d'enquête 34
2.3. L'intérêt sociologique de l'étude 37
2.4. Les limites de l'étude 38
Conclusion de la première partie 40
DEUXIEME PARTIE : DE L'EXPERIENCE SCOLAIRE DES PARENTS
D'ELEVES ET DU RAPPORT AU SAVOIR CHEZ LES ELEVES BABONGO A L'INADEQUATION ENTRE
LA REALITE SCOLAIRE EN MILIEU RURAL ET LES MISSIONS FONDAMENTALE DES POLITIQUES
EDUCATIVES AU
GABON 41
Introduction de la deuxième partie 42
Chapitre III : Expérience scolaire des chefs de
familles 43
Section 1 : Représentation sociale de l'école et
histoire scolaire des chefs de familles 43
1.1 .Représentation sociale de l'école 44
1.2 . Histoire scolaire des chefs de familles 45
97
Section 2 : Stratégies d'encouragement et perspectives
professionnelles 48
2.1. Stratégies d'encouragement 48
2.2. Perspectives professionnelles 49
Chapitre IV : Rapport aux savoirs chez les
élèves Babongo 50
Section 1 : Caractéristiques et Représentation de
l'école chez les élèves 50
1.1 . Caractéristiques des élèves 50
1.2 . L'école comme lieu d'apprentissage 51
1.3.La relation aux études 54
1.3.1. L'intérêt pour l'école 58
1.3.2. Le rapport à la langue utilisée à
l'école 59
1.4. Perspective professionnelles et modèles de
réussite 64
1.4.1. Perspectives professionnelles 64
1.4.2. Modèle de réussite 65
Section 2 : Stratégies parentales d'encouragement selon
les élèves et attitude des élèves en
situation de cours et en dehors 66
2.1. Stratégies parentale d'encouragement selon les
l'élèves 66
2.1.1. Le suivi scolaire à la maison 67
2.1.2. L'incitation par des conseils 68
2.1.3. Les biens culturels 69
2.2. Les attitudes des élèves en situation de cours
et en dehors 70
2.2.1. Attitudes des élèves en classe 70
2.2.2. Attitudes des élèves en dehors du contexte
scolaire 71
98
Chapitre V : Limite des politiques éducatives en
milieu rural 73
Section 1 : Les Pratiques pédagogiques, rythmes scolaires
et inégal accès à l'éducation et la
formation 74
1.1 . Des pratiques pédagogiques et rythmes scolaire
autonome 74
1.2 . Inégal accès à l'éducation et
à la formation 78
1.2.1. L'absence d'établissement pré-primaire
78
1.2.2. L'occultation de la langue vernaculaire 79
Section 2 : L'école en milieu rural : « une
école où l'on apprend pour abandonner
demain » 80
2.1. L'absence de motivation 80
2.2. Un rythme scolaire en dent de scie 81
2.3. La disqualification parentale et le désinvestissement
de l'Etat 82
2.3.1. La disqualification parentale 85
2.3.2. Le désinvestissement de l'Etat 83
Conclusion de la deuxième partie 86
Conclusion générale 88
Eléments de la bibliographie 91
Table des matières 95
Annexes 99
ANNEXES
ANNEXE n°1 : Protocoles d'enquête : guide
d'entretien et récit de vie
GUIDE D'ENTRETIEN PORTANT SUR LE RAPPORT AUX SAVOIRS
CHEZ LES ENFANTS BABONGUE DU VILLAGE MATAGAMATSEGUE.
IDENTIFICATION :
Age :
Sexe :
Niveau d'études :
Profession de vos parents :
REPRESENTATION SOCIALE DE L'ECOLE :
Qu'est-ce que l'école pour vous ?
Pour quoi étudier vous ?
RAPPORT A L'ECOLE :
Allez-vous tous les jours à l'école ? Pourquoi ?
Qu'est-ce qui vous intéresse à l'école ?
Quelle langue parlez-vous à l'école ?
Quelle langue parlez-vous couramment à la maison ?
Avez-vous des difficultés pour vous exprimer couramment en
français en classe ? Si oui
comment faite vous lorsque vous avez une idée à
exprimer ? Combien de soeur avez-vous et combien sont-ils scolaire ?
PERSPECTIVES PROFESSIONNELLES :
Quel métier souhaitez-vous faire après vos
études et pourquoi le choix de celui-ci ?
Avez-vous un modèle de réussite ? Si oui qui est-il
pour vous et quelle est sa profession ?
STRATEGIES PARENTALES D'ENCOURAGEMENT
:
Vos parents suivent vos études à la maison ?
Comment font-ils pour vous aider ?
Les aînés font-ils le suivi scolaire des cadets ?
Les parents encouragent-ils les aînés à faire
le suivi scolaire aux cadets ?
Quel discours utilisent-ils pour vous encourager à
poursuivre vos études ?
RECIT DE VIE PORTANT SUR LE RAPPORT AUX SAVOIRS DES
ENFANTS DU
VILLAGE MATAGAMATSEGUE.
Identification:
Âge :
Sexe : f Q m Q Niveau d'étude
Profession :
Représentation sociale de l'école
:
Que représente l'école pour vous ?
Pourquoi envoyez-vous vos enfants à l'école ?
Expérience personnelle:
Avez-vous été à l'école, à
quel niveau vous vous êtes arrêté et pourquoi ?
Présentez-vous en ce temps des difficultés à
vous exprimer en français en classe ?
Êtes-vous la première personne de votre famille
à avoir été à l'école ?
STRATEGIES PARENTALES D'ENCOURAGEMENT
:
Comment faites-vous pour mettre vos enfants à
l'école ?
Dans quels types d'école inscrivez-vous vos enfants ?
PERSPECTIVES PROFESSIONNELLES :
Quel métier souhaitez-vous pour votre enfant quand il sera
grand ? Pourquoi le choix de
celui-ci ?
Avez-vous un modèle de réussite ? Si oui, qui
est-il pour vous et quelle est sa profession?
ANNEXE n°2 : Photographies
IMAGE DU VILLAGE MATAGAMATSENGUE
Photo n°1
Photo n°2
Photo n°3
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre
2018
IMAGES DE L'ECOLE ET DES ELEVES EN SITUATION DE COURS
Photo n°4
Photo n°5
Photo n°6
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre
2018
CLASSE DE 4EME/5EME ANNEE EN SITUATION DE
COURS
Photo n°7
Photo n°8
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre
2018
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre
2018
CLASSE DE 1ERE ANNEE EN SITUATION DE COURS
(Des élèves qui font tout autre chose pendant que
la maitresse explique un cours.)
Photo n°9
Photo n°10
Photo n°11
Photo n°12
IMAGES D'UNE CLASSE SANS ENSEIGNANT
(Classe de 2ème et
3ème année : Des élèves
présents chaque jour à l'école pour être puni les
longueurs de journée. Une classe sans enseignant depuis le mois
d'octobre)
Photo n°14
Photo n° 13
Photo n°15
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre
2018
IMAGES DU LOGEMENT DE LA MAITRESSE DE 1ERE ANNEE DE
L'ECOLE DE NZINGUI
Photo n°16
Photo n°17
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre
2018
MANUELS SCOLAIRE DISPONIBLE
Photo n°18 l'unique manuel officiel utilisé en
1ère année
Photo n°19 cours sur l'apprentissage des expressions
permettant de situer une chose ou une personne
Photo n°20 l'unique manuel dont dispose l'enseignant de
4ème/5ème année
Source : Données de terrain, Guy Laroche MOMBO. Novembre
2018
Keywords: Relationship to knowledge, academic
perseverance, epistemic / social sense, motivation.
Rapport au savoir chez les enfants BABONGO du village
MATAGAMATSENGUE Enquête sociologique en milieu rural au
Gabon
Résumé du mémoire
Au Gabon, le contexte scolaire en zone rural est certes
défavorable, mais aussi, la fréquentation scolaire des
élèves du village Matagamatsengue revêt un caractère
irrégulier et des trajectoires scolaires impactées par un retard.
Par ailleurs, malgré un contexte scolaire hostile et le caractère
irrégulier de leur fréquentation, on observe chez ces
élèves une persévérance scolaire. Partant de ces
considérations, la présente contribution s'interroge sur Comment
les élèves du village Matagamatsengue se représentent-ils
le fait d'aller à l'école ? Autrement dit, quel sens donnent-ils
à la fréquentation scolaire ? Pourquoi les élèves
du village Matagamatsengue persévèrent-ils dans leurs
études malgré le caractère irrégulier de leur
fréquentation scolaire ? Autrement dit, quelle pertinence sociologique
peut-on accorder à la corrélation entre le rapport au savoir
des élèves et la fréquentation scolaire ? Les deux
hypothèses énoncées postulent que, les
élèves issus de la communauté BABONGO accordent
véritablement un sens social aux études dans la mesure où
ils développent une persévérance scolaire qui se construit
autour d'un projet familial. Le contexte scolaire en zone rural étant
défavorable, les élèves BABONGO du village Matagamatsengue
accordent un sens épistémique restreint aux études, non
pas dans la perspective de sortir de leur catégorie sociale, tout au
plus pour apprendre à lire et à écrire afin de solliciter
des tâches subalternes dans la division sociale du travail. En s'appuyant
sur la théorie du rapport au savoir, le propos expose les
résultats d'une analyse de contenu d'entretiens recueilli auprès
d'élèves BABONGO et les chefs de familles.
Mots-clés: Rapport au savoir,
persévérance scolaire, sens épistémique/social,
motivation.
Relationship to the knowledge of the BABONGO children
of the village MATAGAMATSENGUE
Sociological survey in rural Gabon
Summary
In Gabon, the school context in rural areas is certainly
unfavorable, but also, the school attendance of the students of the village
Matagamatsengue is irregular and school trajectories impacted by a delay.
Moreover, despite a hostile school context and the irregular nature of their
attendance, we observe in these students a perseverance school. On the basis of
these considerations, this contribution questions the question: How do the
students of the Matagamatsengue village think they are going to school? In
other words, what meaning do they give to school attendance? Why do the
students of Matagamatsengue village persevere in their studies despite the
irregular nature of their school attendance? In other words, what sociological
relevance can be given to the correlation between pupils' relation to knowledge
and school attendance? The two stated hypotheses postulate that, students from
the BABONGO community really give a social meaning to the studies as they
develop a perseverance school which is built around a family project. As the
rural school context is unfavorable, BABONGO students in Matagamatsengue
village give a limited epistemic sense to studies, not in order to leave their
social category, at most to learn to read and write in order to solicit tasks.
Subordinate in the social division of labor. Based on the
knowledge-to-knowledge theory, the talk presents the results of a content
analysis of interviews collected from BABONGO students and heads of
families.
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