Mémoire de recherche
Storytelling et Identité de marque :
La place du storytelling dans la construction de
l'identité de marque, apport théorique.
Sous la direction de Jean-François Trinquecoste,
Professeur des Universités.
Etudiante : Christelle Lecomte Master 2 Recherche en Gestion des
Organisations Année universitaire : 2015-2016
2
« Tout être humain a un besoin inné
d'entendre et de raconter des histoires », Harvey Cox.
3
Remerciements
Une année riche et intense s'achève, celle d'une
maman et d'une professionnelle, qui a choisi de reprendre ses études en
suivant le Master 2 de Recherche en Gestion des Organisations à l'IAE de
Bordeaux.
Ce mémoire marque la fin de cette année
universitaire et mes premiers remerciements sincères sont
adressés à mon directeur de mémoire, Monsieur
Jean-François Trinquecoste, Professeur des Universités (IAE de
Bordeaux et université Montesquieu Bordeaux IV) et Directeur de
l'I.R.G.O. Je lui dois un véritable respect pour la distinction et la
qualité de son enseignement et ses conseils précieux dans
l'élaboration de ce travail.
Je tiens également à remercier l'ensemble du
corps professoral du Master 2 RGO et tout particulièrement son
directeur, le Professeur Gérard Hirigoyen, Professeur des
Universités. Les enseignements et les recommandations que les
professeurs nous ont apportés tout au long de l'année sont d'une
grande qualité et forment l'exemplarité de ce Master.
Il me semble aussi important de remercier Pauline Chaveroux,
Secrétaire du Directeur du Pôle Universitaire de Sciences de
Gestion, qui a su m'encourager quand il le fallait.
Mon engagement envers les exigences du Master n'a
été possible que par les conseils et encouragements de
Grégory Bressolles, Enseignant Chercheur à Kedge Business School.
Enfin, je souhaite également saluer Alexandra Vignolles, Enseignante
Chercheur à Inseec Business School, qui au travers de nos
fréquents échanges, m'a donné envie de me lancer dans
cette aventure.
4
Sommaire
Introduction : « Aujourd'hui tout est marque » 7
Partie 1 : L'identité de marque dans la
littérature 10
1.1. L'identité de marque définie par les
auteurs 10
1.2. Distinctions entre personnalité, image,
identité, expérience et capital
de marque 11
1.2.1. La personnalité de marque 11
1.2.2. L'image de marque 12
1.2.3. L'identité de marque 13
1.2.4. L'expérience de marque 13
1.2.5. Le capital de marque 14
1.3. Les éléments constitutifs de
l'identité de marque 17
1.3.1. Le modèle d'identité de marque d'Aaker
(1996) 18
1.3.2. Le prisme d'identité de marque de Kapferer
(1997) 24
1.4. Les objectifs visés par l'identité de
marque 27
1.4.1. Un outil créateur de sens 27
1.4.2. Un outil de communication 28
1.4.3. Un outil de reconnaissance et de différenciation
28
1.4.4. Au service d'une marque unique 28
1.4.5. Un facteur d'attachement 29
1.4.6. Au service d'une stratégie 29
Partie 2 : Le storytelling à travers la
littérature 30
2.1. Le storytelling défini par les auteurs 30
2.2. Mythes ou histoires vraies 31
2.2.1. Les mythes 32
2.2.2. Les histoires vraies 32
2.2.3. Les différents types de récits selon
Denning (2005)
et Simmons (2002) 32
2.3. Les composantes du storytelling 33
2.4. Les objectifs visés par le storytelling 35
2.4.1. Un outil créateur de sens 37
5
2.4.2. Un outil de communication 38
2.4.3. Un outil de reconnaissance et de différenciation
38
2.4.4. Au service d'une marque unique 39
2.4.5. Un facteur d'attachement 39
2.4.6. Au service d'une stratégie 40
Partie 3 : Conclusion du cadre théorique et formulation
des propositions de
Recherche 42 3.1. L'identité de marque comme point de
départ de la construction de la marque
avec le storytelling comme technique narrative au service de
l'identité 42 3.2. Le storytelling, en tant qu'élément
fondateur de l'entreprise, est antérieur à
l'identité de marque et vient l'enrichir 43
Conclusion 46
Références bibliographiques 48
6
Sommaire des encadrés, figures et tableaux
Encadré 1 : Personnalité,
identité et image de marque, Eric Vernette (2002) 16
Encadré 2 : L'expérience de
marque, Brakus, Schmitt et Zarantonello (2009) 16
Encadré 3 : Le capital de marque, Keller
(1993) 16
Encadré 4 : Les cinq facteurs de la
personnalité de marque, Sternberg (1995) 26
Tableau 1 : Brand Identity Models, Source :
Petek et Konecnik Ruzzier (2013) 17
Tableau 2 : Les objectifs visés par
l'identité de marque dans la littérature 27 Tableau 3
: Comparaison entre les différents types de récits selon
Denning (2005)
et Simmons (2002) 33
Tableau 4 : Les objectifs visés par le
storytelling dans la littérature 37
Figure 1 : Capital de marque (« Brand
Equity »), Aaker (1996) 15
Figure 2 : Brand Identity Model, Aaker (1996)
19
Figure 3 : La marque dépasse le produit.
Aaker (1996), Source Branding
Management (Lewi et Lacoeuilhe) 23
Figure 4 : Le « prisme d'identité
», Kapferer (1997) 24
Figure 5 : The Story Model, Fog et al. (2010)
34
Figure 6 : Le storytelling en tant que technique
narrative au service de l'identité
de marque 36 Figure 7 : L'effet du
storytelling sur le capital de marque, Lunqvist et al. (2013) 44
Figure 8 : Le storytelling est antérieur
à la création de l'identité 45
7
Introduction « Aujourd'hui, tout est marque
»
« Aujourd'hui, tout est marque » souligne
Jean-Noël Kapferer (2013) dans son ouvrage Ré-inventer les
marques, la fin des marques telles que nous les connaissons, aux Editions
Eyrolles. De Chernatony et Mc William (1989) rappellent la définition du
terme « marque » par l'American Marketing Association (1960) : «
un terme, un symbole ou design, une combinaison de ces
éléments qui a pour objectif d'identifier les produits ou
services d'un vendeur ou d'un groupe de vendeurs et de les différencier
de ceux de leurs concurrents ». Cette définition met en avant
les attributs du produit ou service et les éléments distinctifs
qui vont permettre l'identification de la marque et la différenciation
des ses produits par rapport à ses concurrents. Or dans un contexte
où la concurrence est accrue et avec l'essor des prises de parole des
marques via une multiplication des canaux de communication, il faut comprendre
derrière l'affirmation de Kapferer « aujourd'hui tout est
marque », qu' « elle soit produit, service, pays, ville,
organisme, université, événement,
célébrité, etc, la marque est devenue un repère de
valeurs agrégeant le tangible et l'intangible pour un environnement en
mouvance permanente. » (Kapferer, 1997).
Il s'agit là d'une vision opérationnelle du
Marketing, et il est intéressant dans le cadre d'une recherche de se
pencher du côté de la littérature scientifique pour
comprendre l'importance de la construction d' identité de marque en
marketing et le rôle que joue le storytelling dans cette construction, en
raison notamment de la globalisation des produits et services, de l'essor des
réseaux sociaux qui imposent aux marques de sans cesse prendre la parole
pour construire leur identité et engager une relation pérenne
avec leurs différents publics.
L'identité de marque est le reflet de ce que
l'entreprise veut pour sa marque et sert de pilote pour tous les efforts
menés dans la construction de la marque (Aaker et Joachimsthaler, 2000).
Par conséquent, les chercheurs soulignent que l'identité de
marque devrait représenter un point de départ pour toute
construction de la marque (Kapferer, 1997 ; Aaker et Joachimsthaler, 2000).
Face à un marché banalisé et saturé, le produit
physique ne suffit plus. Les consommateurs cherchent au-delà du produit
des expériences qui renforceront leur expression de soi. Les histoires
sont au coeur du processus logique des consommateurs (Ardley, 2006), comme les
histoires aident les gens à relier ce qui se passe dans leur vie d'une
manière orientée vers un but qui donne du sens à leur vie
(Escalas, 1998). Lorsque les entreprises et les marques
8
communiquent à travers des histoires, elles s'adressent
directement aux émotions et aux valeurs des consommateurs. Les histoires
de marque deviennent progressivement synonymes de la façon dont les
consommateurs se définissent en tant qu'individus (Brouillard et al.
2010). Une entreprise peut raconteur sa propre histoire pour communiquer les
valeurs de la marque et ce qu'elle représente (Fog et al., 2005). Elle
peut aussi communiquer des histoires, basées sur des faits réels
ou non. Que ce soit des histoires réelles ou fictives, les histoires
donnent du sens aux marques (Halliday, 1998 ; Salzer-Morling et Strannegard,
2004 ; Simmons, 2006), l'essentiel étant pour l'entreprise de partager
des histoires avec ses différentes cibles.
Raconter des histoires est un élément central
d'une communication à succès auprès des consommateurs
(Patterson & Brown, 2005) d'autant plus que Burch (2002) rappelle que
l'histoire aide les forces de vente à réaliser des ventes.
Dans un objectif de construction de marque, l'histoire est un
relai des valeurs dans laquelle l'entreprise véhicule ce qu'elle est et
ce à quoi elle tend. La marque communique les avantages et les valeurs
de ses produits ou services à travers des histoires attrayantes. Le
storytelling permet aux entreprises d'inspirer et de motiver, d'éduquer
ainsi que d'engager et diriger (Love, 2008). Aussi les bonnes histoires ont une
façon d'inspirer, de divertir, d'expliquer et de convaincre, et peuvent
simplifier les messages importants pour les consommateurs (Saarkoski, 2004).
Il convient alors d'essayer de cerner la place du storytelling
dans la construction de l'identité de marque. Au travers de
l'étude approfondie de la littérature scientifique, nous nous
attacherons dans une première partie à définir et
expliquer le concept d'identité de marque. Le champ de recherche
s'efforce ici à explorer la littérature autour du concept
d'identité mais aussi de concepts proches que sont la
personnalité, l'image de marque, l'expérience de marque et le
capital de marque. Après avoir exposé les éléments
constitutifs de l'identité de marque, notamment au travers de 2
modèles, le système d'identité de marque d' Aaker (1996)
et le prisme d'identité de Kapferer (1997), nous développerons
les six principaux objectifs liés à la construction de
l'identité qui ressortent dans la littérature.
Dans une second partie, nous développerons le concept
de storytelling en le définissant et en expliquant, au travers de la
littérature, ses différentes composantes. Comme pour
l'identité de marque, les objectifs liés au storytelling sont
abordés et mis en parallèle avec ceux liés à
l'identité.
9
Une troisième partie est consacrée à la
conclusion théorique sur la place du storytelling dans la construction
de l'identité de marque et des propositions de recherche sont
énoncées.
Avant cela attachons-nous à mieux cerner le concept
d'identité de marque à travers la pensée de
différents auteurs.
10
Partie 1 : L'identité de marque dans la
littérature
Cette partie est consacrée aux apports
théoriques autour de l'identité de marque. Deux approches
majeures se font face dans la littérature, celle de la marque
émettrice portée par Aaker (1996) et Kapferer (1997) et celle
liée à l'interaction entre la marque et les consommateurs,
soutenue principalement par Marie-Claude Sicard (2001).
1.1. L'identité de marque définie par les
auteurs
Dans la stratégie de l'entreprise, la marque joue un
rôle prépondérant pour affirmer une présence sur un
marché. Face à la multiplication de l'offre, la marque est
devenue plus qu'un nom et un logo, elle représente aujourd'hui un «
outil puissant au service de l'entreprise, elle est un repère pour
le consommateur » (Lewi & Lacoeuilhe, 2012). Prenons l'exemple
récent de la marque Uber. Au-delà de l'approche disruptive que
l'entreprise propose sur le marché des transports de la personne, la
marque a vu sa notoriété s'envoler avec le néologisme
« Ubérisation » proposé par le publicitaire
Maurice Lévy, en parlant d'économie dans un entretien au
Financial Times en décembre 2014. Aujourd'hui la marque occupe dans
l'esprit des francophones, un territoire de conquérant qui grâce
à l'utilisation des nouvelles technologies va mettre en contact direct
de manière quasi-instantanée des professionnels et des clients.
L'identité de la marque est ainsi un concept qui traduit à la
fois un découplage entre le produit (ou le service) et la construction
à travers le temps d'un ensemble durable de signes, de valeurs et de
mémoire du passé de la marque (Michon, 2000).
A la lecture des différentes approches dans la
littérature, des premières contributions sur l'identité de
marque la placent comme la résultante d'une marque émettrice.
L'identité de marque représente un ensemble de
caractéristiques déterminées par l'entreprise qui
permettent de fonder l'unicité de la marque et ce à long terme.
G. Lewi et J. Lacoeuilhe, dans leur ouvrage Branding Management (2012)
propose une définition large « L'identité de marque est
l'ensemble des attributs proposés qui font que cette marque est bien la
marque recherchée par la cible visée » et
précisent que la difficulté résulte dans la
définition des attributs. Kapferer (1997) fait une distinction entre la
façon dont une marque est perçue et celle dont elle voudrait
être perçue. L'identité selon l'auteur est un concept
d'émission qui cherche à déterminer le sens, le projet de
la marque, alors que l'image en est le résultat, c'est-à-dire une
interprétation des signes reçus. Ces signes sont issus de
l'identité formée autour de six facettes : le physique, la
personnalité, l'univers culturel, la relation, le reflet et la
11
mentalisation. Plus loin dans cette partie (cf. 1.3.2.), nous
étudierons plus en détails la position de Kapferer au travers du
prisme d'identité.
Aaker (1996) envisage la marque comme un émetteur de
signes mais aussi en tant qu'objet de consommation. Pour l'auteur, la
construction de l'identité de marque va déterminer la place que
la marque souhaite occuper dans l'esprit de ses clients ; développer une
marque forte est une volonté stratégique. Le système
d'identité de marque de Aaker (1996) est abordé plus loin (cf.
1.3.1).
D'autres auteurs parlent de territoire, c'est-à-dire un
cadre délimité par des frontières. L'identité de la
marque est le territoire occupé par la marque dans l'esprit des
consommateurs et des prospects (Lewi & Lacoeuilhe, 2012). Quel que soit ce
cadre, le lien avec le consommateur est omniprésent. L'identité
nourrit la relation avec le consommateur en tissant des liens, notamment en lui
servant de repère sur un marché encombré.
Sicard (2001) a réfuté la conception de Kapferer
(1996) qui fait de l'identité de marque un concept d'émission.
Pour elle, l'identité de marque doit définir « l'interaction
complexe entre les entreprises et les consommateurs ». Elle
préconise le développement d'un « système-marque
», appelé « rosace de la marque ».
Dans le cadre de cette recherche sur la place du storytelling
dans la construction de l'identité de marque, nous privilégierons
le concept de marque émettrice proposé par Aaker (1996) et
Kapferer (1997), du fait de son rôle aussi de marque émettrice
lorsqu'elle choisit les histoires qu'elle souhaite raconter à ses
différents publics.
Dans le cadre de ses travaux sur la personnalité de
marque, Vernette (2008) rappelle les différences entre des notions
voisines que sont la personnalité, l'identité et l'image de
marque. Il nous semble utile des les rappeler ici en y ajoutant
également une mise en perspective avec l'expérience de marque,
une notion développée dans la littérature ainsi que le
capital de marque.
1.2. Distinctions entre personnalité, image,
identité, expérience et capital de
marque
1.2.1. La personnalité de marque
Plummer (1984) est considéré comme le premier
chercheur qui propose le terme « personnalité de la marque
». Selon lui, chaque marque a des caractéristiques
classées en trois groupes. Premièrement, ce sont les
caractéristiques ou attributs physiques qui
12
sont vérifiables, indépendamment. Un individu
peut, selon lui, percevoir exactement les caractéristiques physiques
d'une marque. Deuxièmement, les caractéristiques fonctionnelles
(ou bénéfices) sont formulé(e)s par l'utilisation d'une
marque. Ces caractéristiques, également vérifiables
objectivement, comprennent les fonctions internes d'une marque et les
perceptions de l'individu l'utilisant. En troisième lieu, c'est la
personnalité d'une marque créée dans les activités
de communication. La personnalité de la marque est créée
par les traits de personnalité humaine attribués au produit ou au
service. A la différence de l'image de marque, qui est l'ensemble des
représentations que les consommateurs se font de la marque (Keller,
1993), la personnalité de la marque se présente uniquement
à partir des traits de personnalité utilisés pour
caractériser les marques. On peut alors définir la
personnalité de la marque comme « l'ensemble des traits de
personnalité humaine associés à une marque »
(Ferrandi et Valette-Florence, 2002).
En plus de jouer le rôle de dispositif d'identification
simple, les marques peuvent potentiellement développer une
personnalité distincte (Aaker, 1997) et même un statut iconique
(Holt, 2002, 2003). Pour Aaker (1997), la personnalité de la marque est
définie comme « l'ensemble des caractéristiques humaines
associées à une marque ». Pour Azoulay et Kapferer
(2003), la personnalité de la marque se définit comme «
l'ensemble des traits de personnalité humaine applicables et
pertinents pour les marques ».
Alors qu'un positionnement fonctionnel mais unique peut
effectivement différencier une marque dans un domaine concurrentiel, la
personnification des attributs de la marque confère une
personnalité à la marque (Aaker, 1997). Nombre de positionnements
visent à donner des traits de caractère distincts à une
marque pour favoriser la naissance d'émotions et l'attachement des
consommateurs à la marque (Vernette, 2002)
1.2.2. L'image de marque
L'image de marque est définie comme l'ensemble des
représentations mentales, tant affectives que cognitives, qu'un individu
ou un groupe d'individus associent à une marque (Kapferer et Thoenig,
1989). C'est « tout ce qu'un consommateur peut associer à une
marque » (Korchia, 2000), ou plus précisément, «
les perceptions portant sur une marque reflétées par les
associations à la marque détenues dans la mémoire du
consommateur » (Keller, 1993). Aussi, l'image de marque est un
13
ensemble complexe multidimensionnel de perceptions
résultant d'une élaboration mentale de la part du consommateur
(Keller, 1993 ; Aaker, 1994 ; Korchia, 2000).
Keller (2003b) propose de décomposer l'image de marque
en 3 catégories d'associations à la marque : les attributs, les
bénéfices et les attitudes. Selon lui, ses attributs
représentent les traits descriptifs qui déterminent un produit ou
un service, à savoir comment les consommateurs trouvent le produit ou
service. Les bénéfices, quant à eux, sont les valeurs
perçues par les consommateurs après utilisation du produit ou
service. Enfin les attitudes définissent les évaluations globales
du consommateur de la marque, divisées en deux groupes : les attributs
liés au produit et les attributs non liés au produit. Les
attributs non liés au produit comprennent : l'information de prix,
l'information de packaging, l'image de l'utilisateur et l'image de situation
d'utilisation. Keller propose en somme que l'image de l'utilisateur et l'image
de situation d'utilisation puissent constituer la personnalité d'une
marque.
Dans son ouvrage Building Strong Brands, Aaker (1996)
affirme que la connaissance de l'image de marque - comment les clients et les
prospects perçoivent la marque - procure des informations
nécessaires et utiles pour développer l'identité de la
marque.
1.2.3. L'identité de marque
Kapferer (2003) distingue image de marque et identité
de marque. Selon lui, « l'image est un concept de réception,
l'identité, un concept d'émission ». Il distingue
l'identité de marque qui est la représentation que l'entreprise
(émettrice) souhaite avoir sur un marché (domaine du « voulu
») de l'image de marque qui correspond aux interprétations que les
consommateurs ou prospects (récepteurs) se font des signes qu'ils
reçoivent (domaine du « perçu »).
1.2.4. L'expérience de marque
Padget et Allen (1997) rappellent que de nombreuses recherches
sur les services abordent le terme d'expérience avec peu d'explications,
sans doute partant du principe qu'il y a un accord commun entre chercheurs sur
sa signification. Les auteurs précisent donc leur définition de
l'expérience de marque pour éviter toute confusion. Une
expérience dans le cadre des services représentent pour Padget et
Allen (1997) « toutes réactions cognitives, affectives et
comportementales associées à un service spécifique
». Brakus, Schmitt et Zarantonello (2009) ont développé
une échelle de mesure de l'expérience de marque et l'ont
conceptualisée comme étant « les
14
sensations, les sentiments, les connaissances et les
réponses comportementales évoqués par un stimuli de marque
et qui font partie de l'identité et du design de la marque, de son
environnement, son packaging, sa communication ».
1.2.5. Le capital de marque
Aaker (1991) est le premier chercheur à proposer un
schéma (Figure 1) pour présenter les déterminants du
capital de marque. Des chercheurs comme Keller (1993) ont également
travaillé sur le capital de marque à partir des travaux de Aaker.
Keller (1993) définit le capital de marque comme « l'effet
différentiel de la connaissance de la marque sur la réponse du
consommateur au marketing de la marque ». La définition la
plus partagée par les chercheurs est cependant celle de Aaker (1994)
« tous les éléments d'actif et de passif liés
à une marque, à son nom ou à ses symboles et qui apportent
quelque chose à l'entreprise et à ses clients parce qu'ils
donnent une plus-value ou une moins-value aux produits et aux services
». Le capital-marque représente la valeur ajoutée
qu'une marque apporte à un produit, et confère au produit une
personnalité, des valeurs, une fonction, une stature, des
éléments qui dépassent le cadre de la marque (Lacoeuilhe,
1997).
15
Figure 1 : Capital de marque (« Brand Equity
») Aaker (1996)
Pour synthétiser et différentier les
différents concepts autour de la marque, Vernette (2008) reprend dans un
tableau (Encadré 1) les différentes notions
évoquées plus haut que nous complèterons en y ajoutant la
notion d'expérience de marque (Encadré 2) et celle du capital de
marque (Encadré 3).
16
Encadré 1 : Personnalité, identité et
image de marque Eric Vernette (2002)
Encadré 2 : L'expérience de marque Brakus,
Schmitt et Zarantonello (2009)
Encadré 3 : Le capital de marque Keller (1993)
17
1.3. Les éléments constitutifs de
l'identité de marque
Avant d'observer et de décrire les modèles
d'identité de marque proposés par Aaker (1996) et de Kapferer
(1997), il est intéressant de parcourir les différents
modèles proposés par les chercheurs au travers du tableau
ci-après. Le tableau 1 reprend les éléments constitutifs
de l'identité de marque selon différents modèles
proposés par divers auteurs.
Tableau 1 : Brand Identity Models
Source : Petek et Konecnik Ruzzier (2013)
Des dimensions communes apparaissent dans ces différentes
approches :
- la vision (Melewar, 1993 avec le terme `strategy' ; Ind,
1997 ; de Chernatony, 1999 ; de Chernatony et Harris, 2000 ; Melewar et
Karaosmanoglu, 2006 ; Balakrishnan, 2009 ; de Chernatony, 2010 ; Konecnik
Ruzzier et de Chernatony, 2013)
18
- la personnalité (Van Riel et Balmer, 1997 ; Aaker,
1996 ; Aaker et Joachimsthaler, 2000 ; Kapferer, 1997 ; de Chernatony, 1999 ;
de Chernatony et Harris, 2000 ; de Chernatony, 2010 ; Konecnik Ruzzier et de
Chernatony, 2013)
- la communication (Melewar, 1993 ; Van Riel et Balmer, 1997 ;
Melewar et Jenkins, 2002 ; Melewar et Karaosmanoglu, 2006 ; Balakrishnan,
2009)
- le relation (Aaker, 1996 ; Aaker et Joachimsthaler, 2000 ;
Kapferer, 1997 ; de Chernatony et Harris, 2000 ; de Chernatony, 2010)
- la culture dans laquelle l'histoire de la marque y est
intégrée (Melewar, 1993 ; Kapferer, 1997 ; Ind, 1997 ; de
Chernatony, 1999 ; Melewar et Jenkins, 2002 ; Melewar et Karaosmanoglu, 2006 ;
de Chernatony, 2010)
Pour mieux comprendre les éléments constitutifs
de la marque, revenons sur deux modèles souvent explorés dans les
recherches que sont le modèle d'Aaker (1996) et le prisme
d'identité de marque de Kapferer (1997).
1.3.1. L'identité de marque selon Aaker (1996)
Aaker (1996) définit la marque comme une «
mental box ». En effet pour l'auteur la marque est «
comme une boîte mentale dans la tête de quelqu'un... Même
après quelque temps, on peut retrouver la boîte, on sait si elle
est lourde ou légère, dans quelle pièce elle est
rangée, si c'est dans la pièce des bonnes boîtes ou celle
des mauvaises boîtes, celle qui vous a laissé un bon ou un mauvais
souvenir. » Aaker voit la marque comme une expérience de
consommation qui va laisser des traces, des souvenirs dans la tête du
client. C'est pourquoi, il est essentiel selon lui que la marque
développe et renforce son « capital de marque » (« brand
equity ») qui est constitué de 4 éléments : la
notoriété, la fidélité, la qualité
perçue et les associations spontanées (Figure 1). La marque est
à la fois objet de consommation par ses produits et sujet agissant en
émetteur de signe.
Selon Aaker (1996), l'identité de marque, est au centre
de l'analyse stratégique de la marque. Elle donne la direction, le but
et le sens que la marque doit prendre. D. Aaker (2003) note que
l'identité de la marque est un ensemble d'associations liés
à la marque qui doivent être développés et retenus
pour une stratégie de marque. C'est un élément central de
la vision stratégique de la marque et le conducteur d'une des 4
principales
19
dimensions du capital de marque, à savoir, toujours
selon l'auteur, les associations qui forment le coeur et l'âme de la
marque.
L'identité de marque est un ensemble unique
d'associations que le marketeur aspire à créer ou maintenir pour
déterminer une position que l'entreprise souhaite détenir dans
l'esprit de ses clients. Elle doit contribuer à établir une
relation entre la marque et ses consommateurs en générant une
proposition de valeur impliquant des bénéfices fonctionnels,
émotionnels et d'expression de soi.
Figure 2 : Brand Identity Model Aaker (1996)
Le modèle d'identité de marque d'Aaker (Figure
2) repose sur douze dimensions organisées autour de quatre perspectives.
Elles sont vraiment différentes et ont pour
20
objectif commun d'aider le stratégiste à prendre
en considération les différents éléments et
modèles de la marque qui pourront clarifier, enrichir ou
différencier une identité.
Une entreprise doit considérer la marque selon ces
quatre perspectives : la marque en tant que produit, la marque en tant
qu'organisation, la marque en tant que personne et la marque en tant que
symbole.
- la marque en tant que produit :
o définition du produit (1) : à quel(s)
produit(s) la marque est-elle associée ? Visa = carte de crédit,
Apple = ordinateur, iPhone, iPad, Easyjet = lowcost, Uber = taxi...
Un lien fort entre la marque et une classe de produits
signifie que la marque sera évoquée quand la classe de produits
sera mentionnée. Une marque dominante (comme Kleenex = mouchoir en
papier, TippEx = blanco, Ketchup = sauce tomate...) sera souvent la seule
marque évoquée à l'appel de sa classe de produits.
o attributs du produit (2) : les attributs sont directement
liés à l'achat ou à l'utilisation du produit qui procurent
aux clients des avantages fonctionnels et parfois émotionnels. Un
attribut lié au produit peut créer de la valeur en offrant
quelque chose de plus (comme des fonctionnalités particulières ou
des services inattendus) ou tout simplement en offrant quelque chose de plus.
Les publicités TV de l'Apple Watch présentent plus qu'une montre,
elles valorisent toutes les fonctionnalités et les
bénéfices que procure la montre connectée.
o qualité/valeur (3) : la qualité est un
attribut du produit suffisamment important pour être traité
à part. Dans chaque secteur compétitif, la qualité
perçue implique l'acceptation du prix (la marque doit délivrer un
niveau de qualité minimum pour survivre) et sert de socle face à
la concurrence (la marque avec le plus haut niveau de qualité gagne). La
valeur est très proche de la qualité ; elle enrichit le concept
de qualité en ajoutant la dimension de prix.
o usages (4) : certaines marques parviennent avec
succès à définir une utilisation ou application
particulière, obligeant leurs concurrents à travailler autour de
cette réalité.
o
21
utilisateurs (5) : une autre approche est le positionnement de
la marque en fonction du type de ses utilisateurs. Certaines marques sont
immédiatement associées à un type d'utilisateurs. Red Bull
s'adresse aux gens en recherche d'adrénaline. Evian s'adresse aux
personnes qui veulent rester jeunes...
o pays ou origine (6) : une option plus stratégique
est d'associer la marque avec un pays ou une région qui va lui
conférer de la crédibilité. Chanel fait
référence au luxe à la française, Tipiak fait tout
de suite penser à la Bretagne... Les produits allemands par exemple sont
souvent associés à une haute qualité et à une plus
grande performance mais à un prix élevé. De nombreuses
recherches explorent les effets du pays d'origine. Nous citerons par exemple
les travaux de Kapferer sur la marque France.
- La marque en tant qu'organisation :
o les attributs organisationnels (7) : cette perspective met
l'accent sur les attributs liés à l'organisation plutôt
qu'à ceux liés aux produits ou services. L'innovation, la
conduite de la qualité, les préoccupations liées à
l'environnement... sont le fruit du travail des collaborateurs de l'entreprise.
Les attributs organisationnels sont plus résistants aux attaques
concurrentielles que les attributs du produit/service. Premièrement il
est plus facile de copier un produit que de dupliquer une organisation.
Deuxièmement, les attributs organisationnels se retrouvent dans toutes
les classes de produits adressées par l'entreprise rendant plus
difficiles la compétition sur une classe unique de produits.
Troisièmement, comme il est difficile d'évaluer les attributs
organisationnels tels que l'innovation par exemple, les concurrents auront du
mal à démontrer qu'ils ont rattrapé l'écart
perçu. Il n'est pas facile de prouver qu'une entreprise est plus
innovante qu'une autre.
o locale vs globale (8) : la marque doit-elle être
globale, aves le prestige et la crédibilité que cela sous-entend
ou au contraire viser et s'adapter à un marché local ? Il s'agit
là d'une question de stratégie qui représente un choix
fondamental pour la marque.
22
- La marque en tant que personne :
o la personnalité de la marque (9) : la perspective de
la marque en tant que personne engendre une identité de marque plus
riche et plus intéressante que celle basée uniquement sur les
attributs du produit. Comme une personne, la marque peut être
perçue comme compétente, impressionnante, digne de confiance,
drôle, active, humoristique, décontractée, formelle, jeune
d'esprit ou intellectuelle. La personnalité de marque permet à
ses clients de s'identifier à elle en exprimant leur propre
personnalité. Un client Apple se sent décontracté, pointu,
cool, créatif.
o les relations entre la marque et ses clients (10) : La
personnalité de marque représente les bases de la relation entre
la marque et ses clients et facilite la définition de la communication
autour du produit.
- La marque en tant que symbole :
o l'imagerie visuelle et les métaphores (11) : un
symbole fort apporte de la cohésion et de la structure à
l'identité et rend plus facile l'identification et la
mémorisation. Sa présence peut être un
élément clé du développement de la marque et son
absence peut engendrer un handicap substantiel. La virgule de Nike est sans
doute le meilleur exemple de symbole fort. La simple virgule fait
immédiatement référence à la marque et à ses
attributs.
o l'héritage de la marque (12) : un héritage
significatif peut aussi représenter l'essence même de la marque.
L'histoire de Louis Vuitton et son passé de malletier, notamment pour le
compte de l'impératrice Eugénie, a marqué à jamais
l'identité de la marque de maroquinerie de luxe.
La structure d'identité de marque dans le modèle
d'Aaker inclut une identité principale et une identité
élargie. L'identité principale - centrale, l'essence intemporelle
de la marque - est sensée restée constante tout au long de la vie
de la marque, quels que soient les marchés qu'elle adresse ou les
produits qu'elle propose. L'identité élargie intègre les
éléments de l'identité organisés en groupes
cohérents et significatifs qui apportent texture et
exhaustivité.
23
Aaker rappelle et illustre dans son modèle que
l'approche stratégique de l'identité de marque n'est possible
qu'après une analyse approfondie des clients (tendances de
consommations, motivations, besoins insatisfaits, segmentation), des
marchés et des concurrents (image/identité de marque,
forces/stratégies, faiblesses). Il lui apparaît essentiel
également de mener une analyse précise de la marque (quelle image
actuelle ? Quel est son héritage ? Quelle est son histoire, son pays
d'origine ? Ses « success stories » ? Qui sont ses fondateurs...- ?
Quelles sont ses forces et possibilités, ses valeurs organisationnelles
?).
Figure 3 : La marque dépasse le produit. Aaker
(1996) Source Branding Management (Lewi et Lacoeuilhe)
Aaker (1996) complète son modèle de
l'identité de marque en intégrant huit facettes liées
à la marque et qui gravitent autour du produit (Figure 3). Les huit
facettes Ð la personnalité de la marque Ð la symbolique de la
marque Ð la relation avec les clients Ð les bénéfices
émotionnels Ð la valorisation personnelle Ð l'identité
des consommateurs Ð le pays d'origine Ð le rôle de l'entreprise -
jouent un rôle prépondérant dans l'approche
stratégique de l'identité de marque. Même si le produit est
au centre de la stratégie, les huit dimensions qui gravitent autour sont
source de création de valeur et forment un ensemble d'associations
mentales qui vont aider à définir la place de la marque dans
l'esprit des consommateurs et sur un marché, qui accompagneront la
relation avec le client et détermineront les axes de communication et
les investissements financiers, structurels et organisationnels à
consacrer.
Au même titre qu'Aaker (1996) et son système
d'identité de marque, Kapferer (1997) place l'identité dans une
approche stratégique de marque émettrice et a
développé un système d'identité autour de six
factettes.
24
1.3.2. Le prisme d'identité de Kapferer (1997)
La gestion de la marque a jusqu'à présent
été gouvernée par les études d'image. La
préoccupation est de savoir comment l'on est perçu. Le marketing
au contraire, fait de l'identité le concept central de la gestion de
marque : avant de savoir comment 1'on est reçu, il faut savoir qui 1'on
est (Kapferer, 2007). Seule l'identité fournit un cadre de
cohérence (multi-produits, multi-pays), et de continuité
temporelle, source de capitalisation.
Alors qu' Aaker (1996) propose que l'identité de la
marque soit au centre stratégique du positionnement de l'entreprise,
Kapferer (1997) voit dans l'identité de la marque un outil fortement
utile pour créer et conserver une bonne image de la marque dans l'esprit
du consommateur par rapport à la stratégie de positionnement.
Kapferer (1998) souligne en effet les limites du positionnement qui selon lui
ne retranscrit pas toutes les potentialités ni toute la richesse de la
marque. Aussi il observe que le positionnement ne définit pas la
communication à adopter alors que l'identité de la marque peut
guider les modes d'expression de la marque.
Figure 4 : Le « prisme d'identité
» Kapferer, 1997
Kapferer (1997) propose un outil pour façonner
l'identité de marque, « le prisme d'identité »
(Figure 4). Comme pour Aaker, la construction de l'identité de marque
est
25
pour Kapferer une volonté stratégique de
l'entreprise. Elle ne s'arrête pas à l'identité visuelle
(logo, charte graphique...) considérée pendant longtemps comme
l'essentiel de l'identité de marque. Il souligne le rôle
prépondérant que joue l'identité de marque pour orienter
la communication de l'entreprise notamment dans cette époque de
surabondance des messages diffusés. Comme la figure
géométrique, le « prisme d'identité »
de Kapferer se construit autour de six facettes.
Les six facettes du « prisme d'identité
» s'organisent en deux groupes :
(1) les facettes sociales de la marque se trouvent dans la
partie gauche de la figure et se composent du physique, de la relation et du
reflet. Il s'agit des facettes qui font référence à
l'extériorisation de la marque.
(2) à droite de la figure, on retrouve les facettes
d'intériorisation de la marque qui sont : la personnalité, la
culture et la mentalisation
Décrivons les facettes liées à
l'extériorisation :
- Le physique : il renvoie à la catégorie de
produit, au packaging et aux attributs tangibles du produit mis en avant dans
la communication. Comme pour une personne, le physique est extérieur
à la marque. C'est un ensemble de caractéristiques objectives
saillantes ou au contraire latentes, émergées. La marque se
construit d'abord un physique, un socle. Mais le physique n'est pas
suffisant.
- La personnalité : il s'agit de l'ensemble des traits
de la personnalité humaine qui définissent le caractère de
la marque, son style, son attitude (Azoulay, Kapferer, 2003 ; Vernette, 2006).
La personnalité de la marque est intérieure à la marque et
comme pour un être humain, elle se caractérise par un certain
nombre de traits de personnalité. Les consommateurs consomment les
marques pour nourrir la personnalité à laquelle ils aspirent
(Vernette, 2006). Pour décrire la personnalité humaine, on peut
se référer comme de nombreux psychologues à l'approche des
« Big Five » (modèle OCEAN - Encadré 4) de Sternberg,
à savoir que les cinq facteurs principaux de la personnalité sont
:
o la Stabilité émotionnelle (Neurotiscm),
o l'Extraversion (Extraversion),
o l'Ouverture (Openness),
o l'Agréabilité (Agreableness)
26
o et le Caractère consciencieux (Conscioustness).
Encadré 4 : Les cinq facteurs de la personnalité de
marque Sternberg, 1995.
- La culture : « par culture il faut entendre
système de valeurs, source d'inspiration de la marque »
(Kapferer, 2005). Une troisième facette est constituée par
l'univers culturel dans laquelle la marque évolue et se
développe. La culture représente un système de valeurs
dans lequel la marque prend ses racines. La culture se ressent dans les
produits et les communications de la marque. Louis Vuitton par exemple nourrit
la culture du voyage à travers ses produits comme sa
célèbre malle à la toile Monogramme ou dans ses campagnes
publicitaires comme celle de 2013 intitulée «L'invitation au
voyage» dans laquelle l'héroïne s'envole dans une
montgolfière, survole la capitale française pour atterrir
à Venise lors du Carnaval. La marque ancre son identité dans le
voyage en éditant des guides touristiques de grandes villes. La marque
Chanel par exemple puise ses racines dans l'imaginaire de sa créatrice
Gabrielle Chanel et sa soif d'émancipation et de liberté.
Les facettes liées à l'intériorisation :
- La relation : la marque est une relation. L'aspect
relationnel de la marque est essentiel pour comprendre les liens qui sont
tissés entre une marque et ses clients. Dans les entreprises de service,
cet axe est essentiel. Kapferer indique que « les marques sont souvent
l'occasion d'une transaction, d'un échange entre les personnes
».
27
- Le reflet : le reflet représente ce que la marque a
souhaité montrer d'elle. Il prend le visage de la cible
recherchée et se retrouve dans les communications de la marque. La
marque doit renvoyer un reflet valorisant ses clients.
- La mentalisation : si le reflet est le miroir externe de la
cible, la mentalisation en est le miroir interne. Grâce à
certaines marques, nous entretenons un certain type de relations avec
nous-mêmes. C'est l'idéal qu'aimerait atteindre le consommateur en
devenant consommateur de cette marque.
En somme, pour construire une marque forte, cela passe par la
construction d'une identité forte. Il s'agit d'une décision
stratégique qui va guider la marque tout au long de sa vie. D'autres
objectifs sont visés par la construction d'une identité de
marque. Nous les explorons ci-après.
1.4. Les objectifs visés par l'identité
de marque
Au travers de la littérature, on retiendra que
l'identité de marque se construit autour de six objectifs principaux qui
sont repris dans le tableau 2 et expliqués en suivant.
Tableau 2 : Les objectifs visés par l'identité de
marque dans la littérature
1.4.1. Un outil créateur de sens (1)
Pour donner du sens à une marque, il est important de
créer une identité de marque et d'établir ce qui
caractérise la marque et ce qu'elle devrait représenter dans
l'esprit des clients (Keller, 2001). Une identité bien construite aidera
les managers de la marque à
28
renforcer le sens de la marque pour les consommateurs (de
Chernatony et Dall'Olmo Riley, 1998).
1.4.2. Un outil pour la communication (2)
Les marques doivent communiquer vers ou avec les consommateurs
car c'est la condition pour rester présente sur un marché.
L'identité de marque devrait influencer la communication marketing pour
transmettre le bon message sur la marque aux clients par les biais des bons
canaux (de Chernatony, 1999). Elle permet également de communiquer
l'essence de la marque aux parties prenantes et encourage une approche plus
stratégique (Diefenbach, 1992).
1.4.3. Un outil de reconnaissance et de
différenciation (3)
L'identité comprend l'image morale, le but et les
valeurs qui constitue ensemble l'individualité de la marque tout en la
différenciant (de Chernatony, 2002). Le chercheur D. Grundey (2002)
affirme que l'identité de la marque est l'étape la plus
importante de l'identification d'un bien et de la qualité sur laquelle
l'existence future du bien dépend. Par son nom, par son logo, ses
produits mais aussi ses valeurs et ses prises de position (Sicard, 2001), une
marque se crée une identité propre qui lui permettra de se faire
connaître puis reconnaître. Plus ces éléments seront
cohérents entre eux et plus la marque sera forte. L'identité de
marque joue alors un rôle prépondérant dans la
différenciation d'une entreprise sur un marché dès lors
qu'elle possède le même positionnement que ses concurrents. Le
concept d'identité vient rappeler que si, à sa naissance une
marque n'est souvent que le nom d'un produit, elle acquiert avec le temps une
autonomie, un sens propre. La marque délimite un champ de
compétences, de potentialités, de légitimité
(Kapferer, 1997). L'identité de l'entreprise est constituée par
un sentiment qui aide l'entreprise à comprendre qu'elle existe
réellement et que son existence est unique, avec son histoire et son
lieu, en la distinguant des autres (Kapferer, 2003).
1.4.4. Au service d'une marque unique (4)
L'identité aide l'entreprise à comprendre qui
elle est vraiment et ce qui la rend unique, et différente des autres
comme son histoire et sa position (Kapferer, 2003). La conception de
l'identité de marque inclut tous les éléments qui donnent
du sens à la marque et la rendent unique (Janonis et al., 2007). Pour de
Chernatony (2002),
29
l'identité de marque renferme l'image morale, la raison
d'être et les valeurs de la marque et qui ensemble constituent l'essence
de ce qui rend la marque différente et unique.
1.4.5. Un facteur d'attachement (5)
L'identification à la marque, c'est-à-dire
l'adhésion à l'identité de marque, peut être
considéré comme un facteur qui favorise l'attachement et la
reliance à la marque (Michon, 2000). Une identité ou un vision de
marque est l'image aspirationnelle que vous voulez que votre marque renvoie. En
se reconnaissant dans l'identité de marque, le consommateur s'identifie
à elle.
1.4.6. Au service d'une stratégie (6)
Aaker (1996) rappelle que l'identité de marque est
« un ensemble d'associations spécifiques que le manager aspire
à créer ou à maintenir ». Il démontre ici le
caractère stratégique de la démarche de création
d'identité. Pour Aaker (1997), l'identité de la marque est au
centre de l'analyse stratégique de la marque. L'identité de
marque résulte d'une vraie volonté stratégique de
l'entreprise. Construire une marque forte avec une grande équité
offre une foule d'avantages à une entreprise, comme une plus grande
fidélité des clients et moins de vulnérabilité face
aux actions marketing, des marges plus importantes, plus d'acceptation de la
part des clients des hausses et baisses de prix, plus d'échanges
commerciaux et de soutiens, une communication marketing plus efficace, plus
d'opportunités de licences et d'extensions de marque (Keller, 2001).
La surabondance des messages de communication impose aux
marques de créer une identité forte. La décision de cette
construction émane d'une décision stratégique que
l'entreprise choisit d'adopter pour mieux appréhender un marché
et pour maintenir un positionnement dans le temps. Nous avons pu définir
l'identité à travers la littérature, et retiendrons
principalement les six objectifs visés par l'identité. Afin
d'assurer l'atteinte de ses objectifs, les marques peuvent faire appel au
storytelling (« l'art de raconter des histoires », Salmon, 2007), un
concept que nous allons développer dans la seconde partie de ce
mémoire.
30
Partie 2 : Le storytelling à travers la
littérature
« La mémoire humaine est faite d'histoires
» (Schank, 1999)
2.1. Le storytelling défini par les auteurs
De l'inefficacité des messages
La profusion des messages, la multiplication des canaux et des
prises de parole, rend leur lisibilité et leur compréhension
assez opaques, souvent sans atteindre leurs cibles et objectifs. «
Trop souvent aujourd'hui, la profusion des messages dilue la clarté
du sens », estime Jeanne Bordeau dans un article pour l'Express
intitulé La véritable histoire du storytelling. Face
à cette saturation des messages, les marques cherchent à capter
l'attention d'une audience en lui racontant une ou des histoire(s), d'autant
plus que les consommateurs ne choisissent pas les marques, ils choisissent des
vies, des histoires (Fournier, 1998). Les individus veulent croire dans les
mythes et les histoires (Jensen, 1999 ; Kelley et Littman, 2006). Les marques
attribuent d'ailleurs un rôle important dans la vie des histoires des
consommateurs (Fournier, 1998 ; Woodside et al., 2008). Les entreprises
s'efforcent de rendre leur discours de marque plus clair et accessible en
soignant leur récit et la qualité d'expression. Afin de rendre
leur communication efficace, elles utilisent le langage pour créer de la
cohérence et fonder une identité singulière (Bordeau,
2008).
L'art de raconter des histoires
Salmon (2007) voit le storytelling comme « l'art de
raconter des histoires ». Pour l'essayiste, le storytelling a non
seulement pour objectif de convaincre le consommateur, mais aussi il cherche
à le plonger au coeur de l'histoire dont il devient le héros. Le
consommateur, dans ce monde globalisé où règne la
surabondance de l'information, est en manque de repères. Au même
titre que la marque est un repère mental pour Lewi et Lacoeuilhe (2012),
le récit est un moyen d'appréhender le réel (De Certeau,
1990).
Plus techniquement, Sole et Wilson (1999) définissent
le storytelling comme « le partage des connaissances et des
expériences à travers la narration et des anecdotes afin de
communiquer des leçons, des idées complexes, les concepts et les
liens de causalité ». Partant du principe que la narration est
un des meilleurs outils pour comprendre le monde (Barthes, 1985), le
storytelling joue un rôle prépondérant dans la
communication des marques. Pour Jensen (1999), le storytelling est un outil
que
31
l'entreprise peut utiliser pour informer aussi bien ses
clients que ses prospects. Le storytelling est également un des facteurs
qui fait que les marques deviennent des icônes (Holt, 2003 ; Woodside et
al, 2008).
Denning (2006) rappelle « qu'il n'y a pas une seule
façon de raconter des histoires ». La marque peut choisir de
tisser des histoires autour de mythes pour plonger l'audience dans un univers
onirique ou se servir d'histoires réelles pour la motiver.
2.2. Mythes ou histoires vraies
2.2.1. Les mythes
Pour Woodside, Sool et Miller (2008), « un mythe est
une histoire traditionnelle à propos de héros ou d'êtres
surnaturels ». Les histoires présentent des personnages
auxquels les individus peuvent d'identifier et qui donnent du sens à
leur consommation. « Le mythe est un langage » écrit
Roland Barthes (1957). Jean Baudrillard (1970), dans son ouvrage La
société de consommation, ses mythes et ses structures -
cité par Lewi et Lacoeuilhe (2014) - précise à propos des
mythes, « c'est un système de communication et
d'échange, un code de signes continuellement émis, reçus
et réinventés comme langage ». Les mythes peuvent
être considérés comme des cadres dans lesquels les marques
peuvent être intégrées (Kozinets et al, 2010). Ces
histoires représentent ainsi des idéaux et donnent une direction
pour la consommation et la construction de l'identité (Cooper, Schembry
et Miller, 2010). La mythologie regorge d'histoires, de contes et
légendes, que les marques de luxe par exemple, en perpétuelle
recherche d'inspiration, s'approprient en les modernisant. Pour
présenter sa dernière collection automne-hiver 2016-17, la maison
Gucci réinterprète, dans un court-métrage de 10 minutes,
le mythe grec d'Orphée et d'Eurydice.(voir :
https://www.youtube.com/watch?v=V5Mli5mEbx4).
En développant un imaginaire autour de ce mythe, Gucci inscrit sa
collection de prêt-à-porter dans un univers onirique en exploitant
la richesse des illustrations et des métaphores. Le spectateur ne se
rend plus compte qu'il assiste à la présentation de produits
d'habillement mais se laisse porter dans une histoire revisitée. Salmon
(2007) rappelle que « le storytelling n'invente pas un mythe ; il met
au jour une part sensible qui a toujours existé dans l'univers des
marques ».
Le storytelling de la marque peut aussi trouver sa source dans
des histoires réelles ou personnelles.
32
2.2.2. Les histoires vraies et personnelles
Raconter la vérité dans les narrations de la
marque semble être une approche plus efficace pour rendre le message
convaincant. Guber (2006) pointe le fait que les histoires vraies sont celles
qui motivent le plus une audience quelle qu'elle soit à passer à
l'action. L'auteur montre comment les vendeurs utilisent une histoire vraie sur
un produit pour le vendre, comment les managers se servent des histoires
à court terme pour un engagement à plus long terme ou comment un
CEO pourra convaincre des investisseurs ou motiver des équipes au
travers de son histoire. La clé de succès derrière ces
histoires est le caractère authentique du narrateur que Gruber (2006)
voit comme une « qualité cruciale ».
Sevin et White (2011) estiment que le storytelling est une
méthode de communication qui sert à renforcer la pertinence et
encourager l'engagement du public, et que les projets de marque devraient faire
usage d'histoires réelles afin d'être plus pertinents et
engageants que les campagnes de publicité traditionnelle. Les auteurs
sont d'accord avec Herskovitz et Crystal (2010) qu'il est possible
d'établir un lien émotionnel fort entre la marque et le public
à travers des récits et des histoires personnels (Sevin et White
2011).
2.2.3. Les différents types de récits selon
Denning (2005) et Simmons (2002)
Denning (2005) propose huit types d'histoires qui chacune va
servir un objectif. Pour Simmons (2002), il existe six types d'histoires qui
vont servir de base pour en créer d'autres et influencer une audience.
Le tableau 3 reprend les types de récits proposés par les auteurs
et les met en parallèle. Face à un premier type d'histoires pour
Denning (2005) qui est celui qui décrit une action étincelante
Ð à savoir le récit d'un changement qui a engendré un
succès - ou encore un autre type de récits qui sont les histoires
qui permettent de partager des connaissances, on peut mettre en
parallèle la proposition de Simmons (2002) qui est de tirer des
enseignements des histoires. Denning (2005) suggère aussi de partager
des histoires qui permettent à l'entreprise de communiquer sur qui elle
est. Simmons (2002) de la même façon parle `des histoires qui je
suis'. Les deux auteurs sont également d'accord sur l'importance de
partager des histoires qui transmettent les valeurs de la marque, communiquer
sur qui est la marque dans une situation de branding (pour Denning). Pour les
auteurs les marques doivent également tisser des histoires qui vont :
33
- encourager la collaboration (« fostering stories »
pour Denning et « why I am here stories » pour Simmons)
- apprivoiser l'audience (Denning) en montrant que l'on sait
ce qu'elle pense (« I know what you are thinking stories » de
Simmons)
- conduire les gens vers l'avenir (Denning), proposer une
vision d'entreprise (« the vision story » de Simmons)
Tableau 3 : Comparaison entre les différents types de
récits selon Denning et Simmons Denning (2005) et Simmons (2002)
Source : Erkas E. & Baron J., Thesis in MBA Marketing
Management, 2007
2.3. Les composantes du storytelling
Le défi pour les entreprises est de développer
la bonne histoire (Rosen, 2000). Pour Esacalas (2004), les histoires se
composent de 2 éléments : chronologie et causalité. Dans
son ouvrage intitulé Poétique, Aristote explique que «
toute histoire doit avoir un début, un milieu et une fin
». Les auteurs (Escalas, 2004 ; Holt, 2004 ; Fog et al., 2010)
s'accordent sur cette notion de chronologie en 3 séquences :
début, milieu, fin. Pour Herskovitz et Crystal (2010), chaque histoire a
besoin d'un personnage central clairement défini avec lequel les gens
peuvent s'identifier et créer un lien affectif durable. Selon Fog et al
(2010) quatre éléments constituent la base essentielle du
storytelling : le message, le conflit, les personnages, l'intrigue.
- Le message doit être unique et clairement
défini. C'est le thème central de l'histoire. Il sert les
objectifs stratégiques de la marque.
- Le conflit est le moteur d'une bonne histoire. S'il n'y a
pas de conflit, il n'y a pas d'histoires. C'est ce qui incite à l'action
afin de retrouver l'harmonie. Le
34
conflit n'est pas forcément négatif, c'est en
revanche une tension entre 2 pôles que l'auditeur va tenter de
dissoudre.
- Les personnages sont obligatoires dans une histoire qui
commence souvent par un objectif recherche par un personnage. On retrouve
souvent un personnage principal et des personnages opposants. L'auditeur doit
pouvoir s'identifier aux personnages.
- L'intrigue est au coeur de l'histoire et permet de gérer
la tension.
Dans la figure 5, l'axe Y représente l'intensité du
de l'intrigue ou conflit et l'axe X indique la chronologie de l'histoire.
L'ouverture de l'histoire définit le ton de l'histoire. Le conflit (qui
n'est pas forcément négatif) est introduit et attise l'attention
du public. L'intensité augmente jusqu'à un point de non-retour et
la tension ne retombe qu'à la fin de l'histoire, lorsque le conflit est
résolu.
Figure 5 : The Story Model Fog et al. (2010)
Chiu et al. (2012) ont étudié la
littérature sur les éléments d'histoire de marque et ont
identifié quatre caractéristiques qui contribuent à une
bonne histoire de la marque. Ces éléments sont
généralement utiles dans l'engagement du public dans
l'évaluation d'un produit ou d'un service et renforcent leurs
sentiments, afin de créer des corrélations positives avec la
marque et l'intention d'achat. Les éléments sont les suivants
:
1. l'authenticité, qui est associée à la
sincérité, la véracité et l'originalité
2.
35
la concision, qui réduit l'ennui de l'histoire en
excluant les mots inutiles, des phrases ou des détails
3. l'inversion, qui aide les consommateurs à
reconnaître les capacités de résolution de problèmes
et implique des actions à prendre;
4. l'humour, qui augmente l'adhésion à la
marque et peut-être la compréhension du message. (Chiu et al.
2012)
Pour Simmons (2002) « en fin de compte, c'est la
meilleure histoire qui gagne. Pas la bonne histoire, ni même l'histoire
la plus souvent racontée mais l'histoire qui a le plus de sens et ce,
pour le plus grand nombre, l'histoire dont on se souvient ».
2.4. Les objectifs visés par le storytelling
Le storytelling de marque procure du plaisir aux gens car
selon Bagozzi et Nataraajan (1999), les consommateurs ont besoin d'aide pour
trouver ce qui les rend heureux, et c'est ce que fait le marketing. En leur
racontant une histoire, la marque apporte du bonheur aux consommateurs (Bagozzi
et Nataraajan, 1999). « L'histoire de marque et les séquences
narratives ont aujourd'hui remplacé image de marque et campagnes
publicitaires » démontre Christian Salmon dans son essai
Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater
des esprits.
Les marques deviennent importantes aux yeux des consommateurs
au travers du storytelling (Esaclas, 2004b ; Holt, 2004) et les récits
de la marque et les mythes caractéristiques dans la culture populaire
renforcent cet effet. Les auditeurs peuvent se réapproprier les vues et
positions racontées dans une histoire si celle-ci est une bonne
narration (Lämsä et Sintonen, 2006). Et ils auront tendance à
créer une nouvelle histoire en se l'appropriant (Denning, 2006).
Des objectifs communs entre storytelling et identité
Le storytelling est un outil puissant de communication
(Cooper, Schembry et Miller, 2010). Dans la littérature
académique, il y a une forte croyance dans les avantages du storytelling
dans le marketing et l'image de marque (Marzec 2007; Amour 2008; Woodside et al
2008 ; Fog et al 2010). Wylie (1998) voit dans le storytelling un outil
efficace pour vendre des produits, des services, des idées et pour
construire une culture corporate.
36
Dans la première partie de ce mémoire, nous
avons expliqué les six principaux objectifs (tableau 2) visés par
l'identité de marque. En effet les auteurs voient dans l'identité
de marque un outil créateur de sens (1), au service d'une marque unique
(2), un outil de communication (3), de reconnaissance et de
différenciation (4), un facteur d'attachement (5), au service d'une
stratégie (6).
Tableau 2 : Les objectifs visés par l'identité de
marque dans la littérature
A la lecture de la littérature autour du storytelling,
nous avons pu observer et attacher au storytelling les six mêmes
objectifs principaux accordés à l'identité de marque par
les auteurs. Ces objectifs sont repris dans le tableau 4 et expliqués
ci-après.
37
Tableau 4 : Les objectifs visés par le storytelling dans
la littérature
2.4.1. Partager l'information et donner du sens (1)
Le cerveau a une capacité prodigieuse à
percevoir l'information quand celle-ci lui est présentée sous une
forme narrative (Bruner, 1996). Au même titre que les communications
commerciales peuvent encore renforcer les significations de marque,
cultuellement constituées par la consommation (Mc Cracken, 1986),
l'histoire renforce la compréhension du message. Les histoires nous
aident à comprendre qui nous sommes, d'où nous venons, et ce que
nous souhaitons devenir (Soin et Sceytt, 2006). Les histoires créent du
sens dans la vie des individus et les aident à mémoriser
l'information plus facilement (Woodside, 2010). Pour Lundqvist et al. (2013),
les histoires aident les consommateurs à comprendre les avantages d'une
marque, et développent des associations favorables et uniques à
une marque. Les histoires expliquent et donnent du sens aux actions
menées par l'entreprise et à ses produits (Salzer Ð Morling
et Stranneberg, 2004). Raconter une histoire influence la façon dont les
auditeurs se sentent et considèrent la réalité, impactant
les conclusions qu'ils font à propos de cette réalité et
les actions qu'ils prennent (Simmons, 2007). Selon Fog et al. (2010),
l'histoire emballe l'information dans un contexte significatif, ce qui rend
l'information plus compréhensible par l'audience et lui donne plus de
sens. Les scientifiques pensent que les histoires stimulent l'utilisation des
deux parties du cerveau (l'hémisphère gauche, la logique et
l'hémisphère droit, la créativité), ce qui signifie
que le message est compris dans les faits ainsi que visuellement et
émotionnellement (Fog et al., 2010). La
littérature sur le storytelling de marque apporte de nombreuses preuves
de la création de sens par le storytelling (Escalas, 2004b, Padgett et
Allen, 1997 ; Shankar, Elliott, et Goulding, 2001 ; Woodside, Sood et Miller,
2008). Les marques deviennent saillantes pour les consommateurs grâce au
storytelling (Escalas, 2004b ; Holt, 2004).
2.4.2. Communiquer sur des émotions et des valeurs
(2)
Kelly et Zak (1999) soulignent l'utilisation fréquente
du storytelling dans le management des organisations et se posent la question
de son utilisation peu fréquente dans d'autres fonctions, comme le
marketing et la communication par exemple. Suchan (2006), à ce sujet,
précise que les normes en communication de l'entreprise sont
établies et difficiles à faire évoluer. Les histoires ont
la capacité de stimuler les émotions et d'orienter les
émotions des gens dans une certaine direction, en influençant
leurs croyances subjectives et tout en communiquant des données
objectives (Simmons, 2007). Ces données objectives sont guidées
par l'identité de marque. Le storytelling comme l'identité de
marque cherchent à communiquer sur des valeurs. Au travers de son
identité la marque exprime les valeurs auxquelles elle croit et les
raconte ou les transmet avec les histoires qu'elles tissent. Une histoire
puissante communique les valeurs de la marque d'une manière
compréhensible et parle à l'émotion des consommateurs
(Brouillard et al. 2010) et ce peut-être parce que les histoires sont
elles-mêmes chargées de valeurs renforçant ainsi la
croyance et l'adhésion des membres d'une organisation (Cragen &
Shields, 1998).
Selon Baker et Boyle (2009) les histoires parlent aux deux
parties de l'esprit humain, la raison et l'émotion, mais quand il y a du
ressenti, il est plus susceptible d'être partagé avec d'autres.
D'un point de vue managérial, les histoires renforcent l'engagement des
collaborateurs de l'entreprise envers la marque et ses valeurs (de Chernatony
et al., 2006). Les histoires renferment et communiquent des traditions, des
valeurs et des croyances culturelles (Cooper, Schembri et Miller, 2010). Les
histoires et le storytelling assistent les individus à travers les
âges, à comprendre l'expérience de la vie et le monde qui
les entoure (Adaval et Wyer, 1998 ; Woodside et Chebat, 2001)
38
2.4.3. Un outil de reconnaissance et de
différenciation (3)
39
Les histoires que la marque choisit de raconter lui sont
propres et sont plus difficiles à copier par les concurrents qu'un
produit ou service. Le storytelling sert entre autre une stratégie de
différenciation. Pour Lewi, dans son ouvrage e-branding :
Stratégies de marque sur Internet publié aux éditions
Pearson en 2013 « c'est cette stratégie de
différenciation qui va être à la base du storytelling.
L'histoire, originelle, originale, `mythique' que va raconter l'e-brand
à l'internaute va rapprocher la marque online de la marque offline.
(É). Le brand content (l'histoire) va apporter une couleur, une
sensorialité, un territoire d'expression spécifique à
l'e-brand, qui va pouvoir faire communautés en complément de son
nom et de son offre. »
2.4.4. Au service d'une marque unique, forte et durable
(4)
Papadatos (1996) voit dans le storytelling une façon
efficace et fiable de développer une marque forte et durable.
L'attachement émotionnel que développe le storytelling est propre
à la marque et lui confère ainsi un avantage concurrentiel. Holt
(2004) va plus loin en affirmant que l'histoire de la marque est la clé
pour créer une identité de marque précieuse et est
nécessaire pour le développement d'une marque
emblématique. Mark et Pearson (2001) suggèrent que la
création des marques extraordinaires passe par la puissance des
archétypes. Selon Mark et Pearson (2001), les histoires des marques
fortes se construisent sur la base d'archétypes puissants. En combinant
archétype mythique et médium puissant comme un film par exemple,
le consommateur est davantage engagé et s'approprie les histoires de la
marque.
Le storytelling est aussi un facteur qui permet à
l'entreprise de devenir une icône (Holt, 2003 ; Woodside et al. 2008). En
construisant l'activité d'une entreprise autour d'une histoire, et en
suscitant ainsi les émotions du consommateur, l'entreprise peut gagner
une position unique dans l'esprit du consommateur (Mossberg et Nissen Johansen,
2006).
2.4.5. Un facteur d'attachement (5)
Les psychologues reconnaissent dans le storytelling une
clé pour développer le raisonnement cognitif (Polkinghorne,
1988), les échanges sociaux (Schank, 1990), la mémoire (Schank et
Abelson, 1995). Les histoires aident également à façonner
les opinions que les individus se font des uns et des autres (Gergen et Gergen,
1988 ; Mc Adams, 1993). Le storytelling permet d'atteindre les consommateurs de
manière inconditionnelle en allant au-delà des faits et des
informations à résonner en
40
profondeur (Baker et Boyle 2009). Le storytelling est un outil
puissant qui peut être utilisé pour donner vie à des
messages marketing et à engager le public par le biais de son approche
authentique (Love 2008).
Du point de vue de l'engagement interactionnel, l'histoire de
la marque devient une partie de la propre histoire d'une personne (Sheehan
& Morrison 2009). Selon Lindqvist et al. (2003), les consommateurs
exposés à une histoire de marque sont plus susceptibles de
réagir positivement à la marque. Les auteurs affirment qu'une
histoire efficace facilite le bouche-à-oreille positif, incite aux
recommandations positives et incite les consommateurs à devenir des
ambassadeurs de la marque (Linqvist et al. 2003). Les histoires facilitent la
co-création autour de la marque, le storytelling facilitant les
échanges entre le narrateur et l'audience qui peut intervenir dans la
création des histoires (Boje, 1991 ; Marzec, 2007). Grâce à
une réaction émotionnelle efficace, une entreprise peut
transformer les consommateurs en ambassadeurs de la marque (Guber 2007).
2.4.6. Au service d'une stratégie (6)
Dans une histoire, non seulement vous glissez beaucoup
d'informations dans le récit mais vous suscitez aussi les
émotions et l'énergie de votre auditeur (Mc Kee, 2003). Dans un
article paru dans la célèbre revue managériale, Harvard
Business Review, et consacré à la technique du storytelling au
service du management, Stephen Denning (2004) relate une expérience
vécue en management alors qu'il était Directeur du programme de
gestion des connaissances de la Banque mondiale. Dans les années 90,
lors d'une conférence auprès des équipes de management, au
lieu de démarrer son intervention avec une `classique'
présentation powerpoint à laquelle personne n'accorde
d'intérêt, Stephen Denning raconte une histoire. Il raconte
l'histoire d'un habitant de la Zambie travaillant dans la santé à
la recherche d'informations sur le traitement de la Malaria. Il trouve ces
informations sur le site Internet « Centers for Disease Control ».
Denning fait alors remarquer à son assistance que le plus regrettable
dans cette histoire, ce n'est pas la distance de 600 km qui séparent
cette personne de la capitale et des centres de soin, c'est que pour une
organisation comme la Banque mondiale qui détient toutes ces
connaissances, ce ne soit pas cette même organisation qui ait pu informer
des millions de gens concernés par la maladie. Il termine en les
invitant à imaginer quelle organisation la Banque mondiale pourrait
devenir. Cette simple histoire a non seulement réussi à capter
l'attention de son
41
audience mais à surtout convaincu les managers et les
équipes de revoir leur vision de l'organisation et du partage des
connaissances. Il explique plus loin dans son article qu'une histoire qui a
pour objectif d'insuffler le changement a besoin d'évoquer le futur
Ð d'indiquer la direction à prendre Ð mais sans être trop
précise. Aussi ressort-il des études que le storytelling, quelle
que soit sa forme, incite l'audience à passer à l'action (Adaval
et Wyer, 1998 ; McKee, 2003 ; Wells, 1988). C'est un moyen de manipuler une
audience en commençant par la convaincre d'agir. McKee (2003) remarque
ainsi : « si vous pouvez exploiter l'imagination et les principes
d'une histoire bien racontée, alors vous faites lever l'assistance dans
un tonnerre d'applaudissements au lieu de les voir bailler et vous ignorer
».
Eriksson et Gianneschi (2004) établissent que le
storytelling `corporate' est un outil de communication stratégique et
que les entreprises utilisent des histoires (vraies ou fictives) pour atteindre
un but. L'histoire n'est donc pas choisie au hasard et sert une
finalité. Salmon (2007) démontre même, sans oublier d'en
souligner les risques et dérives, que « l'histoire de marque et
les séquences narratives ont aujourd'hui remplacé image de marque
et campagnes publicitaires ».
Dans le storytelling marketing, le propriétaire de la
marque, à savoir la société, est le conteur, et le
marché est le public (Salzer-Morling et Strannegard, 2004). Les
histoires peuvent aussi servir de cadre et de référence pour le
développement de nouveaux produits pour un marché (Mossberg,
Therkelsen, Huijbens, Björk et Olsson, 2010). Jensen (1999) affirme que
les histoires sont des outils que l'entreprise utilise pour informer autant
leurs prospects que leurs clients sur ce qu'elle représente.
Nous avons étudié les différentes
approches de l'identité de marque au travers de divers travaux de
chercheurs, et notamment constaté qu'il s'agit d'une décision
stratégique de la marque qui se positionne en tant que marque
émettrice (Aaker, 1996 ; Kapferer, 1997). Il nous est désormais
possible d'envisager des propositions de recherche.
42
Partie 3 : Conclusion du cadre théorique et
formulation des propositions de recherche
Cette recherche à travers la littérature a fait
émerger le lien entre l'identité de marque et le storytelling,
notamment au regard des six mêmes objectifs visés. Aussi, qu'il
s'agisse de la construction de l'identité de marque dans l'approche de
Kapferer (1997) ou de Aaker (1996) ou du storytelling, la littérature
évoque une décision stratégique de l'entreprise qui
positionne sa marque en émetteur. Il ressort cependant de la part des
chercheurs un manque de clarté sur la place du storytelling dans la
construction de l'identité de marque.
3.1. L'identité de marque comme point de
départ de la construction de la marque avec le storytelling comme
technique narrative au service de l'identité. Dans la
première partie de ce mémoire nous avons défini le concept
d'identité de marque comme étant une approche stratégique
qui va définir ce la marque doit représenter et servira de pilote
pour les efforts menés dans la construction de la marque (Aaker et
Joachimsthaler, 2000). Par conséquent les chercheurs rappellent que
l'identité devrait être le point de départ de toute
construction de marque (Kapferer, 1997 ; Aaker et Joachimsthaler, 2000).
L'identité de marque joue donc un rôle prépondérant
dans une approche de branding et sert six objectifs principaux (créer du
sens, communiquer des valeurs, favoriser la reconnaissance et la
différenciation de la marque, rendre la marque unique, créer de
l'engagement et de l'attachement, servir une stratégie). En
développant l'analyse du concept de storytelling dans la
littérature, il en ressort que « l'art de raconter des histoires
» (Salmon, 2007) sert les mêmes six objectifs que l'identité
de marque. En quelque sorte développer le storytelling dans la
construction de l'identité de marque va renforcer celle-ci puisque
orienté dans la même direction.
Dans le système d'identité de marque
proposé par Aaker (1996), qui repose sur douze dimensions
organisées autour de quatre perspectives (Figure 2), le storytelling en
tant que technique narrative peut servir à renforcer la
définition et la représentation de chaque dimension et
perspective (Figure 6).
43
44
Figure 6 : Le storytelling en tant que technique narrative au
service de l'identité de marque Proposition 1 : adaptation du
modèle « Brand Identity Model » d'Aaker (1996)
Nous pouvons établir ainsi une première proposition
de recherche.
Proposition 1 : l'identité est le point de
départ de la construction de la marque, le storytelling est une
technique narrative (« l'art de raconter des histoires »,
Salmon, 2007) au service de l'identité qui la vient renforcer.
3.2. Le storytelling, en tant qu'élément
fondateur de l'entreprise, est antérieur à l'identité de
marque et vient l'enrichir.
Dans leurs recherches Lundqvist et al. (2013) mettent en
valeur l'importance de l'histoire dans la construction de la valeur de la
marque. Comme représenté dans la figure 7, le lien
émotionnel procuré par l'histoire renforce la
différenciation de la marque vis-à-vis des concurrents, car plus
difficiles à atteindre que les attributs du produit. L'histoire vient
renforcer les attributs du produit et les lie directement à la marque.
L'expérience de marque en est enrichie, impactant directement la valeur
associée à la marque dans l'esprit du consommateur.
Figure 7 : L'effet du storytelling sur le capital de
marque Lunqvist et al. (2013)
Lunqvist et al. (2013) ont examiné dans leur recherche
comment une histoire à l'origine de la création d'une entreprise
influe sur l'expérience de la marque des consommateurs, en comparant les
expériences de marque de deux groupes de consommateurs. Un groupe a
été exposé à l'histoire et un groupe non. Une
marque existante a été utilisée dans l'étude, qui
n'a pas été lancée dans le pays visé. Des entrevues
approfondies ont été menées avec des personnes dans les
deux conditions expérimentales. La comparaison a
révélé des différences notables entre les deux
groupes. Les consommateurs qui ont été exposés à
l'histoire décrivent la marque dans des termes nettement plus positifs
et étaient prêts à payer plus pour le produit. Auparavant
d'ailleurs, Padgett et Allen (1997) suggèrent que les annonces
narratives sont plus convaincantes que les annonces argumentatives, pour
lesquelles il est plus facile de construire des contre-arguments. La
concurrence s'empare plus facilement des annonces argumentatives en copiant ou
en cassant les attributs du produits. En revanche il est plus difficile de
s'emparer d'une histoire et de la reproduire.
Au départ de la création d'une entreprise, il y
a l'histoire, l'histoire de la marque, l'histoire du fondateur, l'histoire des
collaborateurs, l'histoire d'une aventure... De nombreuses marques se sont
créées avec une histoire forte et emblématique. La marque
de confection Le Slip Français n'aurait pas vu le jour si l'histoire
d'un défi de création d'entreprise lancé entre amis
après leurs études n'avait pas existée. Le Camion qui fume
, un des premiers `food-trucks' parisiens, n'aurait pas été
créé et lancé la mode de la restauration gastronomique
ambulante, si Kristin Fredericks, sa fondatrice, n'avait pas
préféré la France aux Etats-Unis, son pays d'origine, pour
lancer son entreprise. Uber, la fameuse marque qui fait trembler et gronder le
secteur des taxis et des chauffeurs privés, n'aurait pas
été lancée si ses fondateurs Travis Kalanic et Garrett
Camp n'avaient pas eu « toutes les difficultés du monde à
héler un taxi à Paris » comme cela est raconté sur le
site Internet de la marque (voir
https://www.uber.com/fr/our-story/).
Trois exemples dans 3 secteurs d'activité
45
différents qui montrent la puissance d'une histoire au
départ d'une activité et qui influence la création de la
marque. Dans un contexte de branding, Kotler et Pfoertsch (2008) incluent
l'histoire de la marque dans les éléments qui composent la
marque. Les autres éléments clés de la marque sont le nom,
le logo, le slogan. Ces éléments servent à identifier et
différencier un produit ou service, et ensemble ils forment un bloc
crucial du capital de marque. Aussi, Holt (2004) rappelle que l'histoire de la
marque est la clé pour créer une identité de marque
précieuse et inhérente à la création d'une marque
iconique. Ceci nous amène à une nouvelle proposition
illustrée dans la figure 8.
Figure 8 : Le storytelling est antérieur à la
création de l'identité
Proposition 2 : en tant que marque émettrice, le
storytelling nourrit l'identité de la marque, il est antérieur
à la construction de l'identité de marque et va servir à
enrichir le capital de la marque.
46
Conclusion
Si « aujourd'hui tout est marque » (Kapferer, 2003),
les entreprises doivent s'efforcer de construire des marques fortes pour
s'ancrer dans l'esprit des consommateurs et délimiter leur « mental
box » (Aaker, 1996). La construction d'une identité de marque est
non seulement une volonté stratégique de l'entreprise (Aaker,
1996 ; Kapferer, 1997) mais c'est aussi un moyen efficace pour renforcer la
valeur de la marque. L'identité de marque, en temps que marque
émettrice, nourrit six objectifs principaux, à savoir
créer du sens, communiquer des valeurs, permettre la reconnaissance et
la différenciation, rendre la marque unique, créer de
l'attachement et de l'engagement et enfin comme évoquée
être au service d'une stratégie d'entreprise.
A travers la littérature, nous avons pu observer
l'ampleur des recherches autour du storytelling, une technique narrative mais
aussi un outil efficace qui nourrit les mêmes objectifs que
l'identité de marque, sans toutefois voire émerger de
façon évidente et démontrée la place du
storytelling dans la littérature. Des recherches comme celle de Lunqvist
et al. (2013) ont rapporté l'impact positif du storytelling sur la
valeur de la marque mais en se limitant à son intégration dans
l'identité visuelle. Or l'identité de marque va au-delà de
l'identité visuelle (Kapferer, 1997, 2003). Elle comprend plusieurs
facettes, de six (Kapferer, 1997) à douze dimensions (Aaker, 1996) selon
les chercheurs. L'histoire de la marque étant la clé pour
construire une marque iconique (Holt, 2004), nous avançons la
proposition qu'en tant que marque émettrice, le storytelling nourrit
l'identité de la marque, il est antérieur à la
construction de l'identité de marque et va servir à enrichir le
capital de la marque. Afin de générer des hypothèses
autour de cette proposition, il conviendrait de mener une étude
qualitative avec des entretiens en profondeur auprès de deux
échantillons de consommateurs pour comprendre l'impact de l'histoire
dans la construction de l'identité de marque. Un premier groupe serait
exposé à une identité construite sans histoire à sa
base, le second groupe serait face à la même marque dont
l'identité aurait été construite à partir d'une
histoire.
Aussi l'identité doit-elle être le point de
départ de toute construction de marque (Kapferer, 1997 ; Aaker et
Joachimsthaler, 2000). Etant donné qu'ils répondent aux
mêmes objectifs, l'intégration du storytelling comme technique
narrative dans chaque dimension qui compose l'identité de marque peut
amener à la sublimer. Notre proposition est en conséquence que
l'identité est le point de départ de la construction
47
de la marque, et le storytelling en tant que technique
narrative (« l'art de raconter des histoires », Salmon,
2007) est au service de l'identité pour la renforcer. La
méthodologie préconisée pour cette proposition serait de
mener une étude qualitative auprès d'experts du marketing afin de
comprendre la place du storytelling à chaque étape de la
construction d'une identité de marque et suivre dans le temps la
construction de l'identité de deux marques distinctes, l'une faisant
appel au storytelling dans sa construction et l'autre non.
Force est de souligner ici les limites de ce mémoire
qui certes apporte une contribution théorique afin de mieux cerner la
place du storytelling dans la construction de l'identité de marque mais
qui ne propose pas de recherches empiriques.
D'un point de vue managérial, du fait de «
l'état de surconsommation dans lequel nous vivons et du marketing de
la ressemblance lié à la multiplication des `me too' »
(Kapferer, 2003), définir une identité est une
nécessité. La marque peut utiliser le storytelling pour parfaire
son identité et mieux la communiquer, pour engager ses publics dans une
relation durable, voire même les transformer en ambassadeurs de marque.
Des marques de luxe comme Louis Vuitton et son « Invitation au voyage
» par exemple se servent déjà du storytelling pour renforcer
l'adhésion à la marque. D'autres encore, comme Chanel,
construisent au fil du temps toute son identité sur l'histoire de sa
créatrice Gabrielle Chanel et augmentent ainsi le capital de la
marque.
48
Références bibliographiques
Articles :
Aaker J. (1997), Dimensions of Brand
Personality, Journal of Marketing Research, 24, 347-356.
Aaker J., Fournier S. & Brasel A., (2004),
When good brands do bad, Journal of Consumer Research, 31, juin, 1-18.
Adaval R. & Wyer R.S. Jr. (1998), The role
of narratives in consumer information processing, Journal of Consumer
Psychology, 7, 207-246.
Barry A. (2006), Telling Stories about
Strategies : A Narratological approach to Marketing Planning, Marketing Review,
Vl. 6, Issue 3, p.197-209.
Boje D.M. (1991), The Storytelling Organization
: A Study Of Story Performance in an Office-Supply Firm, Administrative Science
Quaterly, 36(1), 106-126.
Borth K. (2013), Creative Storytelling, Smart
Business Columbus, p.15.
Brown S., Patterson A. (2005), No tale, No sale,
A novel Approach to Marketing Communication, The Marketing Review 5, p.
315-328.
Brown S. & Patterson A. (2010), Selling
Stories : Harry Potter and the Marketing Plot, Psychology & Marketing, Vol.
27(6), p.541-556.
Cooper H., Schembri S. & Miller D. (2010),
Brand-Self Identity Narratives in the James Bond Movies, Psychology &
Marketing, Vol. 27(6), p.557-567.
Cragan J. F. & Shileds D.C. (1998),
Understanding communication theory : The communicative forces for human action,
Needham Heights, MA : Allyn & Bacon. De Chernatony L., Cottam S.,
Segal-Horn S. (2006), Communicating Services Brand's Values Internally
and Externally, Service Industrial Journal, 26(8), 819-836. De
Chernatony L. & Dall'Olmo Riley F. (1998), Defining a brand :
beyond the litterature with experts'interpretations, Journal of Marketing
Management, 14, 417443.
Denning S. (2004), Telling Tales, Harvard
Business Review.
Denning S. (2006), Effective storytelling :
Strategic business narrative techniques, Strategy & Leadership, 34(1),
42-48.
Escalas, J.E. (2004b), Narrative processing :
Building consumer connections to brands, Journal of Consumer Psychology, 14,
168-180.
Fisher W.R. (1984), Narration as a human
communication paradigm : The case of public moral argument, Communication
Monographs, Vol. 51, Issue 1, 1-22.
49
Guber P. (2007), The four truths to the
storyteller, Havard Business review, 85, 5259.
Herskovitz, S., Crystal, M. (2010), The
essential brand persona : storytelling and branding, Journal of Business
Strategy 31 (3), 21-28.
Hirshman E.C. (2010), Evolutionary branding,
Psychology & Marketing, Vol. 27(6), p.568- 583.
Holt, D.B. (2003), What becomes an icon most ?,
Harvard Business Review 3, 43-49. Holt, D.B. & Thompson, C.J.
(2004), Man-of-action heroes: The pursuit of heroic masculinity in
everyday consumption, Journal of Consumer Research, 31, 425-440.
Janonis V., Dovaliené A., Virvilaité R. (2007),
Relationship of Brand Identity and Image, Engineering Economics, N°1
(51).
Kapferer J.N. (1994), La fin d'un marketing,
Revue Française de Gestion, sept.-oct., 65-70.
Kapferer J.N. (1988), Maîtriser l'image de
l'entreprise : le prisme d'identité, Revue Française de Gestion,
Nov-Dec, p 76-82.
Kaufman B. (2003), Stories that sell, stories
that tell, Journal of Business Strategy, 24 (2); p. 11-15.
Keller K. L. (1993), Conceptualizing, Measuring
and Managing Customer-Based Brand Equity, Journal of Marketing, Vol. 57, No. 1,
pp. 1-22.
Keller K. L. & Lehmann D. R. (2006), Brands
and Branding: Research Findings and Future Priorities, Marketing Science, 25
(6), p.740-759.
Koebel M-N. & Ladwein R. (1999),
L'échelle de personnalité de la marque de Jennifer L. Aaker :
Adaptation au contexte français, Décisions Marketing,16, 81-88.
Lacoeuilhe J. (1997), Le concept d'attachement à la
marque dans la formation du comportement de fidélité, Revue
Française du Marketing, n°165, 5, 29-42.
Lacoeuilhe J. (2000), L'attachement à la
marque : proposition d'une échelle de mesure, Recherche et Applications
en Marketing, volume 15, N° 4, p. 61-77.
Lämsä A-M. & Sintonen T. (2006), A
narrative approach for organizational learning in a diverse organisation,
Journal of Workplace Learning, 18, 106-120.
Marzec M. (2007), Telling the corporate story :
vision into action, Journal of Business Strategy, 28(1), 26-36.
McCracken, G. (1986), Culture and consumption: A
theoretical account of the structure and movement of the cultural meaning of
consumer goods, Journal of Consumer Research, 13, 71-84 .
50
McKee R. (2003), Storytelling that moves people:
A conversation with screenwriting coach, Robert McKee, Harvard Business Review,
80, p. 51-55.
Megehee C., Woodside A. G. (2010), Creating
visual narrative art for decoding stories that consumers and brands tell,
Psychology & Marketing, Vol. 27(6), p.603622.
Merchant A., Ford J. B., Sargeant A. (2010),
Charitable organizations' storytelling influence on donors' emotions and
intentions, Journal Of Business Research, Vol. 63 (7), p.754-762.
Michon C. (2000), La marque : son rôle
stratégique au coeur du marketing, Revue Française du Marketing,
N° 176, 7-21.
Mosarrat F. (2014), Implication of Brand
Identity Facets on Marketing Communication of Lifestyle Magazine: Case Study of
A Swedish Brand, Journal of Applied Economics and Business Research, 4(1) :
23-41.
Padgett D. & Allen D. (1997), Communicating
experiences : A narrative approach to creating service brand image, Journal of
Advertising, 26, 49-63.
Polkinghorne D.E. (1988), Narrative Knowing and
the Human Sciences, State University of New York Press, Albany, NY.
Rosen E. (2000), The anatomy of buzz: how to
create word-of-mouth marketing, Doubleday, New York.
Schembri S., Merrilees B., Kristiansen S.
(2010), Brand consumption and narrative of the self, Psychology &
Marketing, Vol.27 (6), p.623-637.
Schank R.C. (1990), Tell Me a Story, Charles
Scribner's Sons, New York .
Schank R.C. & Abelson R.P. (1995), Knowledge
and memory : the real story, In: Wyer Jr. R.S. (Ed.), Advances in Social
Cognition, vol. 8. Erlbaum, Hillsdale, NJ. Shankar A., Elliott R.,
& Goulding C. (2001), Understanding consumption : Contributions
from a narrative perspective, Journal of Marketing Management, 17, 429-453.
Simmons J. (2006), Guinness and the role of
strategic storytelling, Journal of Strategic Marketing, Vol. 14 (1),
p.11-18.
Soin K. & Scheytt T. (2006), Making the case
for narrative methods in cross-cultural organizational research, Organizational
Research Methods, 9, 55-77.
Suchan J. (2006), Changing organizational
communication practices and norms : a Framework, Journal of Business and
Technical Communication, 20, 5-47.
51
Vernette E. (2002), Les atouts et les
pièges de la personnalité de marque, Décisions
Marketing.
Woodside A.G. (2010), Brand-Consumer
Storytelling Theory and Research : Introduction to a Psychology & Marketing
Special Issue, Psychology & Marketing, Vol. 27 (6), p.531-540.
Woodside A.G., Sood S., & Miller K.E.
(2008), When consumers and brands talk : Storytelling theory and
research in psychology and marketing, Psychology & Marketing, 25,
97-145.
Wylie A. (1998), Storytelling : A powerful
form of communication, Communication World, 15, 30-33.
Ouvrages :
Aaker D. A. (1996), Building strong brands, The
Free Press.
Aaker D. A. (1991), Managing Brand Equity, The
Free Press.
De Certeau M. (1990), L'invention du quotidien :
Arts de faire, Paris, Gallimard. Diefenbach J. (1992), The
corporate identity as the brand. In : Branding : a key marketing tool.
Ed. Murphy, John, Basingstoke, MacMillan, pp 155-164.
Holt, D. B. (2004), How brands become icons :
The principles of cultural branding, Boston, Harvard Business School Press.
Kapferer J. N. et Laurent G. (1992), La
sensibilité aux marques, Editions d'Organisation.
Kapferer J.N. (1998), Les marques, capital de
l'entreprise, 3e éd., Editions d'Organisation.
Kapferer J.N. (2013), Ré-inventer les
marques, la fin des marques telles que nous les connaissons, Eyrolles.
Lewi G. (2013), e-branding : Stratégies
de marque sur Internet, Pearson.
Lewi G. et Lacoeuilhe J. (2014), Branding
Management 3è édition: la marque de l'idée à
l'action, Pearson.
Salmon C. (2007), Storytelling, la machine
à raconter des histoires et à formater des esprits, La
Découverte.
Sicard M.C. (2001), Ce que marque veut dire ?,
Ed. d'Organisation.
Semprini A. (1992), Le marketing de la
marque, Approche sémiotique, Editions Liaisons.
|