INTRODUCTION
La stabilité économique est aujourd'hui l'un des
points marquants de l'élaboration des politiques économiques.
Compte tenu des nombreux effets néfastes associés à la
stabilité économique interne (notamment en ce qui concerne
l'inflation et le chômage) et la stabilité économique
externe (balance commerciale et compte d'ajustement), tous les pays montrent
aujourd'hui un intérêt prononcé pour la maîtrise de
l'inflation, l'atténuation du chômage et de la balance des
paiements. Tout comme les autres grands déséquilibres
économiques, l'inflation, le chômage et la balance des paiements
résultent de l'écart entre l'offre et la demande. Beaucoup de
travaux ont été menés pour identifier les
déterminants de l'inflation du chômage et de la balance des
paiements. Si ces derniers se sont en majorité focalisés sur les
déterminants macroéconomiques (monétaires et
réels), nous assistons depuis les années 90 à la prise en
compte des facteurs monétaires internationaux relatifs à la dette
extérieure.
Que l'on parle des déterminants
macroéconomiques, l'inflation, le chômage et de la balance des
paiements dans le monde résultent toujours de l'incohérence des
politiques économiques. À cet effet, la théorie
quantitative de la monnaie établit un lien direct entre la masse
monétaire et le niveau général des prix. Selon cette
approche, une stimulation monétaire n'a pas d'effets
bénéfiques durables sur l'économie, elle ne
génère que de l'inflation. Toutefois, cette approche ne fait pas
l'unanimité chez les économistes et a été
contestée par les keynésiens. Pour Keynes (1936), une hausse de
la quantité de monnaie peut avoir un effet direct sur l'économie
et le volume de la production. En effet, si les agents économiques ont
plus d'argent en leur possession, ils vont le dépenser ou l'investir, ce
qui entraine une hausse de la production (c'est-à-dire du PIB) et une
baisse du chômage. De plus, les agents économiques peuvent
être victimes d'une « illusion nominale », ce qui signifie
qu'ils perçoivent mal les effets de l'inflation sur leur pouvoir d'achat
(Keynes, 1936).
Il existe deux grandes approches au sujet de l'explication du
phénomène du chômage. La première approche est
d'essence libérale et stipule que le chômage est « volontaire
» et il résulte des défaillances du marché du
travail. En d'autres termes, s'il y a chômage, c'est parce que l'offre et
la demande de travail ne sont pas équilibrées. Cette
théorie s'appuie en effet sur le postulat d'efficience du marché
du travail qui postule que le marché s'autorégule
automatiquement. La deuxième approche quant à elle, est
d'orientation keynésienne qui pense que le chômage est «
involontaire » étant donné que le marché du travail
est lié aux autres marchés. Selon cette approche, il est possible
d'avoir des équilibres de sous-emploi, puisque le
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niveau de l'emploi ne découle pas du seul marché
du travail et de la confrontation entre l'offre et la demande de travail, mais
des équilibres qui existent également sur le marché des
biens et des services. Dans ce cas, seule l'intervention de l'Etat peut
remédier au problème par une politique de relance de la demande
(Snowdon et Vane, 2005). Parler de la stabilité des prix et du plein
emploi revient donc à se focaliser sur les causes de l'inflation et du
chômage.
La balance des paiements est un état statistique qui
résume systématiquement, pour une période donnée,
les transactions économiques d'une économie avec le reste du
monde (Krueger, 1969). Depuis quelques décennies, la question de savoir
si la balance des paiements est un phénomène monétaire est
une question qui se pose dans la littérature économique
monétaire et internationale. Les perspectives sur la question ont
été influencées, d'une part, par l'évolution de la
théorie monétaire et, d'autre part, par les
interprétations de l'histoire monétaire. Bien qu'il existe
d'autres théories des ajustements de la balance des paiements, à
savoir les élasticités et les approches d'absorption
(associées à la théorie keynésienne).
La prise en compte des déterminants monétaires
dans l'explication des différences économiques entre les Etats ne
cesse de retenir l'attention des économistes depuis les travaux de
Krugman (1988). Dans le présent chapitre, nous adoptons cette approche
en nous focalisant sur le rôle de la dette extérieure sur la
stabilité économique. En particulier, nous nous
intéresserons aux dimensions solvabilité et soutenabilité
de la dette extérieure. À cet effet, ce chapitre sera
organisé autour de deux sections : la première section analysera
l'influence théorique de la dette extérieure sur la
stabilité économique interne ; la deuxième section quant
à elle, sera consacrée à la présentation de
l'influence théorique de la dette extérieure sur la
stabilité économique externe.
SECTION I : ANALYSE THEORIQUE DE LA RELATION DETTE
EXTERIEURE ET STABILITE ECONOMIQUE INTERNE
La stabilité économique interne
(stabilité des prix et plein emploi) a longtemps monopolisé
l'attention des économistes et des hommes politiques, depuis les
écrits majeurs de Kaldor (1934)12 et Philips
(1958)13. Dès lors, l'inflation et le chômage sont
considérés comme les indices de premier plan qui permettent
d'apprécier l'état de santé d'une économie.
À cet
12 Nicola Kaldor a élaboré les
conditions nécessaires à la détermination de
l'équilibre économique, connues sous le nom de «
carré magique ». Le carré magique est une
représentation graphique des quatre grands objectifs de la politique
économique conjoncturelle d'un pays que sont : la croissance
économique, la stabilité des prix, le plein emploi des facteurs
de production et l'équilibre extérieur.
13 Alban William Phillips a été l'un
des premiers économistes à présenter des preuves
convaincantes de la relation inverse entre le chômage et l'inflation
salariale. En effet, Phillips (1958) a étudié la relation entre
le chômage et le taux de variation des salaires au Royaume-Uni sur une
période de près d'un siècle (1861-1957).
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effet, dans cette première section, nous commencerons
par analyser les effets de la dette extérieure sur l'inflation et par la
suite, nous présenterons son influence sur le chômage.
I.1/ Influence théorique de la dette
extérieure sur l'inflation
La dette extérieure est un facteur de maîtrise de
l'inflation. Sa bonne gestion vise à créer un environnement
macroéconomique propice à l'élaboration des politiques
économiques cohérentes (CEA, 2017). Dans cette sous-section : en
premier lieu, nous examineront les effets de la solvabilité de la dette
extérieure sur la dynamique des prix et en second lieu, nous analyserons
l'influence de la soutenabilité de la dette extérieure et
volatilité de l'inflation.
I.1.1. Impact de la solvabilité de la dette
extérieure sur la dynamique des prix
Réduire les coûts inhérents à
l'inflation dépend fortement de la politique économique qui
prévaut dans une économie. Autrement dit, plus la politique
économique d'un pays est mauvaise, plus l'inflation est
élevée, et à l'opposé, plus cette politique est
bonne, plus l'inflation sera maîtrisée (Ali et Sassi, 2016). Dans
le présent volet, nous discuterons des effets du stock de la dette
extérieure, ainsi que de l'influence du service de la dette
extérieure sur l'inflation.
a) Stock de la dette extérieure et
inflation
L'encours de dette élevés sont associés
à une inflation élevée et volatile. À cet
égard, le niveau élevé de l'encours de la dette
accroît les risques de défaillance, de
rééchelonnement et la volatilité des entrées
futures de capitaux (Mweni, Njuguna et Oketch, 2016). Pour Presbitero et Arnone
(2006), l'encours de la dette a un effet sur la performance économique
via l'incertitude associée à son effet sur l'inflation. En effet,
la dette extérieure crée un problème aigu de
surendettement parce que les pays en développement disposent d'une gamme
beaucoup plus restreinte d'outils de réduction de la dette (Reinhart,
Reinhart et Rogoff, 2012). Ainsi, le surendettement est lié à
l'incertitude et à l'instabilité économiques et oblige les
gouvernements à adopter des politiques financièrement
répressives pour maîtriser l'inflation afin de répondre aux
besoins financiers par seigneuriage, et réduire les dépenses
publiques en intérêts payés sur la dette publique (Atique
et Malik, 2012 ; Assibey-Yeboah et Mohsin, 2014).
En outre, les pays en proie à l'instabilité
politique ont probablement de grandes activités clandestines qui
augmentent la taxe sur l'inflation optimale, ce qui implique un niveau
d'inflation élevé et instable (Barugahara, 2015). La
présence d'une grande économie souterraine peut être
inflationniste en raison de l'incitation à utiliser l'impôt sur
l'inflation pour répondre
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aux besoins budgétaires lorsque de larges pans de
l'économie ne sont pas enregistrés et donc non imposés
(Canzoneri et Rogers, 1990). De même, une grande économie
informelle menace non seulement l'assiette fiscale, mais a également des
implications pour la politique de stabilisation. Dans ces circonstances, un
gouvernement qui n'est pas certain de son assiette fiscale est plus susceptible
d'adopter des mesures à court terme au détriment de la
cohérence des politiques (Mazhar et Jafri, 2017). Ainsi,
l'économie souterraine influe sur les résultats de la politique
monétaire parce qu'elle est associée à une demande accrue
de monnaie, et sur les résultats de la politique budgétaire en
raison de son incidence sur l'importance des recettes fiscales
(Martinez-Vazquez et al., 2015).
b) Service de la dette extérieure et
inflation
La relation entre l'endettement extérieure et
l'inflation a été très préoccupante au cours des
dernières décennies et a suscité beaucoup d'attention ces
derniers temps. Plusieurs auteurs ont observé que l'existence
d'obligations importantes en matière de service de la dette
extérieure se traduit généralement par une
instabilité des prix due à la surévaluation de la monnaie
et les déficits budgétaires importants (Dornbusch, 1993).
Le lien entre le service de la dette extérieure et la
dynamique des prix a été largement débattu dans le
paradigme économique selon lequel un service de dette extérieure
importante réduit la souplesse de la politique budgétaire. En
effet, Comme il est presque impossible de réduire les paiements du
service de la dette, en particulier dans les situations où on
procède à une correction du taux de change, l'ajustement a un
impact plus sérieux sur les dépenses intérieures, y
compris celles effectuées pour les biens non échangeables ; ce
qui provoque le chômage (Reinhart, Reinhart et Rogoff, 2012). Compte tenu
des difficultés inhérentes à la mobilisation des recettes
et à la réduction des salaires, les corrections prendront
vraisemblablement la forme d'un gel des salaires, d'une hausse de la dette
intérieure, ou d'une activation de la planche à billets, nuisant
ainsi sérieusement à la compétitivité
nécessaire pour améliorer l'aptitude à assurer le service
de la dette. La contradiction entre l'amélioration de la
compétitivité et le maintien d'un budget équilibré
est plus sérieuse en conditions d'endettement public élevé
(Dornbusch, 1993).
Ainsi, pour corriger ces effets que la théorie s'est
préoccupée du lien étroit qui existe entre endettement et
performances économiques. En ce sens que, le paiement du service de la
dette (dans le présent comme dans le futur) peut réduire
l'investissement (courant et futur) et par la suite la croissance
économique. Dans la mesure où, la croissance est tronquée
dans le
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présent, si le fardeau de la dette affecte le flux
courant de ressources disponibles pour le pays ; dans le futur un taux
élevé de ressources destinées au paiement du service de la
dette décourage l'investissement (Rajan, 2007). De plus, le fardeau de
la dette comme paiement son service ainsi que son rééchelonnement
peut affecter l'environnement politique en vigueur et pervertir les politiques
économiques.
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