CONCLUSION
Dans ce chapitre, nous avons analysé des
déterminants de la croissance économique en nous focalisant sur
la dimension monétaire appréhendée ici par la dette
extérieure. À cet effet, nous avons montré que la
qualité de gestion de la dette extérieure est une source
importante d'attractivité qui vient renforcer les atouts
économiques d'un pays. Elle se présente comme un bouclier, une
sorte de garantie que des chocs autres qu'économiques ne viendront pas
entraver le bon déroulement des activités des investisseurs
(Henisz et Williamson, 1999 ; Henisz, 2000). Cette condition est importante
parce que les agents disposent d'une meilleure information sur la situation
économique et peuvent par conséquent faire des anticipations
adéquates. En revanche, il est plus difficile de prévoir le
comportement futur des dirigeants et la réaction des agents
économiques face à ce changement. De ce fait, une bonne gestion
de la solvabilité de la dette extérieure (maitrise du service et
du stock de la dette extérieure) et une bonne gestion de la
soutenabilité de la dette extérieure (évaluation des
risques et viabilité de la dette extérieure) sont indispensables
pour encourager l'accroissement des performances économiques. Toutefois,
les nombreuses ambiguïtés soulevées tout au long de ce
chapitre nous amènent à pousser cette analyse encore plus loin en
cherchant à déterminer empiriquement lesquels des
différents éléments développés
théoriquement sont réellement adaptés au continent
africain en sa partie subsaharienne: tel est l'objectif du chapitre suivant.
DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
CHAPITRE II :
ANALYSE EMPIRIQUE DE LA RELATION DETTE
EXTÉRIEURE
ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE
SUBSAHARIENNE
Mémoire PTCI 38
Mémoire PTCI 39
DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
INTRODUCTION
Dans le chapitre précédent, nous avons
analysé le lien théorique entre la dette extérieure et la
croissance économique. Malgré des ambiguïtés non
moins pertinentes relevées, nous avons effectivement montré que
l'influence de la dette extérieure et la croissance économique
n'est pas une utopie. Toutefois, ses dimensions n'auraient pas les mêmes
effets dans tous les contextes. Il est alors indispensable d'identifier parmi
celles-ci, les plus pertinentes dans le cas des pays d'Afrique subsaharienne.
En ce sens, il existe déjà quelques travaux sur cette
problématique avec des résultats assez mitigés. Pattillo,
Poirson et Ricci (2002) ont montré par exemple, que la dette
extérieure est efficace sur la croissance économique
jusqu'à un seuil évalué à 40% du PIB ceci sur un
panel de 17 pays à revenu intermédiaire. Un résultat
similaire avait déjà été obtenu par Nguyen,
Clements et Bhattacharya (2003) lorsqu'ils analysaient l'impact de la dette
extérieure sur la croissance de 55 pays à faible revenu. Ces
auteurs parviennent au résultat selon lequel le surplomb de la dette est
compris entre 30 à 37% du PIB et 115 à 120% de l'exportation
au-delà de ce seuil, la dette extérieure constitue un frein pour
la croissance économique ; par contre une augmentation de 1 point de
l'investissement public agit en sorte pour accroître le PIB de 0,2 point.
En revanche, Eichengreen et Portes (1985) et Kumar et Woo (2010) n'ont pas pu
trouver de lien significatif entre l'endettement extérieur et la
croissance économique. C'est donc cette absence de consensus qui nous
amène à effectuer une nouvelle évaluation empirique en
nous recentrant sur les pays d'Afrique Subsaharienne.
Pour ce faire, nous utiliserons principalement les
données de la CNUCED pour les IDE, des World Development Indicators (WDI
2018) pour les variables macroéconomiques. Les données sur la
dette extérieure sont disponibles de 1986 à 2017, mais ce n'est
qu'à partir de 2002 qu'elles sont devenues presque continues. Compte
tenu de cette contrainte, notre période d'étude s'étend de
2002 à 2017. Notre champ d'études quant à lui couvre
l'Afrique subsaharienne. Toutefois, à cause de la
non-disponibilité des données pour certains pays, nous avons
dû les retirer de notre échantillon. En fin de compte, celui-ci se
compose de 32 pays et les pays ayant été retirés sont : le
Djibouti, l'Érythrée, l'Eswatini, le Lesotho, le Libéria,
Sao Tomé et Principe, les Seychelles, la Somalie, le Soudan, le Soudan
du Sud, la Zambie et le Zimbabwe.
L'objectif du présent chapitre étant
d'identifier empiriquement les indicateurs de la dette extérieure qui
améliorent la croissance économique en Afrique subsaharienne, il
sera organisé tel qu'il suit : dans la première section, nous
effectuerons une analyse descriptive; dans la
Mémoire PTCI 40
DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
seconde section, nous ferons recours aux méthodes
économétriques pour déterminer les indicateurs de la dette
extérieure pertinents pour les pays d'Afrique subsaharienne.
SECTION I : DETTE EXTÉRIEURE ET CROISSANCE
ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE, ANALYSE DESCRIPTIVE
L'évolution de la croissance économique en
Afrique subsaharienne a connu une progression non moins négligeable
même si celle-ci reste encore inférieure à celle des autres
régions dans le monde. Si l'on se réfère aux 10 premiers
forts10 et aux 10 derniers faibles11 taux de croissance,
on notera qu'il existe cependant de grandes disparités entre ces deux
sous-groupes. En effet, le premier groupe a 4,29 % par an au cours de la
période 2002-2017 contre 0,50 % pour le second groupe. En outre, il
semble exister une plus grande disparité dans la répartition des
taux de croissance dans le second groupe comparativement au premier. À
titre illustratif, pour une moyenne de 4,29 % par an, l'écart-type dans
le premier groupe n'est que de 0,90, tandis que dans le second groupe, il est
de 0,85 pour une moyenne de 0,50 %. Dans cette catégorie, la RCA a connu
des taux de croissance négatifs au cours de 2002-2017, soit - 0,82 %
contre 1,46 % pour la cote d'ivoire. Dans l'optique d'expliquer ces
disparités, cette section présentera l'influence de la
solvabilité de la dette extérieure sur la croissance
économique en Afrique Subsaharienne d'une part (I.1) et celle de la
soutenabilité de la dette extérieure d'autre part d'autre part
(I.2).
I.1/ L'influence de la solvabilité de la dette
extérieure sur la croissance économique en Afrique
Subsaharienne
Afin de déterminer l'influence potentielle de la
solvabilité de la dette extérieure sur la croissance
économique en Afrique Subsaharienne, nous nous focaliserons sur
l'évolution de l'indicateur du service de la dette extérieure et
sur celle du stock de la dette extérieure. À cet effet, nous
distinguerons deux cas : celui des 10 plus forts taux de croissance et celui
des 10 plus faibles taux de croissance en Afrique subsaharienne.
I.1.1. Solvabilité de la dette extérieure
sur la croissance économique : cas des 10 plus forts taux de
croissance
Le service de la dette extérieure est très
élevé dans ce premier groupe de pays au cours de la
période 2002-2017 puisqu'il a été en moyenne de 0,934
milliard de dollars. Pour être plus
10 L'Ethiopie, Le Rwanda, L'Angola, Le
Nigéria, Le Ghana, Le Mozambique, L'Ile-Maurice, La Sierra Leone, La
Tanzanie, Le Tchad.
11 La Cote d'ivoire, Le Mali, Le Benin, Le Niger, Le
Togo, La RDC, La Gambie, Le Gabon, Le Burundi, La RCA.
Mémoire PTCI 41
DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
précis, on note que celui-ci a même
augmenté pour l'ensemble de ces pays. En effet, cet indicateur est de
1,34 milliard de dollars ; 1,75 milliard de dollars et 1,63 milliard de dollars
en 2015, 2016 et 2017 contre 0,37 milliard de dollars ; 0,41 milliard de
dollars et 0,44 milliard de dollars pour les années 2002, 2003 et 2004
respectivement. Toutefois, notons qu'il existe des divergences assez non
négligeables si l'on s'en tient aux performances des uns et des autres.
Le service de la dette extérieure pour l'Ethiopie (pays ayant le plus
fort taux de croissant en Afrique subsaharienne avec 6,37 % en moyenne) a
été de 0,42 milliard de dollars contre 0,115 milliard de dollars
pour le Tchad qui n'est que dixième destination avec 3,54 % de taux de
croissance en moyenne. En outre, un seul des 10 pays semble avoir fait de
grands efforts afin de réduire sa dette extérieure, il s'agit de
l'Angola qui a obtenu une performance moyenne de 3,73 milliards de dollars.
Toutefois, notons que ce pays n'a pas été constant puisqu'il a
connu un relâchement au cours des dernières années. En
effet, de 2002 à 2007, l'Angola a connu des notes croissantes en la
matière et celles-ci sont devenues décroissantes depuis 2008.
Graphique 2.1 : Évolution de
l'indicateur de service de la dette extérieure en fonction de la
croissance économique (Groupe 1)
RWA
GHA
MOZ
MUS
SLE
TCDTZA
AGO
NGA
0 1.00e+09 2.00e+09 3.00e+09 4.00e+09
SEDEmean
PIBmean Fitted values
Source : Auteur, à partir des données de la
Banque Mondiale (WDI 2018)
Le stock de la dette extérieure dans les 10 pays ayant
le plus fort taux de croissance a été particulièrement
élevé au cours de la période 2002-2017. Toutefois, ces
pays ont été moins mauvais en la matière comparativement
à la lutte contre la pauvreté puisque l'indicateur du stock de la
dette extérieure y a été de 9,32 milliards de dollars
contre 0,93 milliard de dollars pour le service de la dette extérieure.
De même, si l'on note une baisse considérable du stock de la dette
extérieure entre 2002 et 2012, celle-ci n'a cessé d'augmenter
depuis 2013. En effet,
Mémoire PTCI 42
DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
pour la première sous-période, le stock de la
dette extérieure a été de 11 milliards de dollars en
moyenne contre 14,96 milliards de dollars pour la deuxième
sous-période. En outre, la baisse du stock de la dette extérieure
n'a pas connu la même tendance dans tous ces pays. Les pays tels que le
Nigéria (23,9 milliards de dollars), l'Angola (19,14 milliards de
dollars), le Ghana (11,51 milliards de dollars) ont été
particulièrement mauvais tandis que les pays comme le Rwanda (1,5
milliard de dollars) et le Tchad (2,25 milliards de dollars) ont fait des
efforts remarquables. Toutefois, la « palme d'or » revient à
la Sierra Leone qui a obtenu une note moyenne de 1,3 milliard de dollars.
Graphique 2.2 : Évolution de
l'indicateur stock de la dette extérieure en fonction de la croissance
économique (Groupe 1)
GHA
MOZ
MUS
TZA
SLE
TCD
AGO
NGA
0 5.00e#177;09 1.00e#177;10 1.50e#177;10 2.00e#177;10
2.50e#177;10
STDEmean
PIBmean Fitted values
Source : Auteur, à partir des données de la
Banque Mondiale (WDI 2018)
|