II.2.2. Efficacité de l'endettement externe et
croissance économique
Une contribution importante des finances publiques est que la
dette publique doit être évaluée tout au long de sa
trajectoire plutôt qu'à un moment précis. En effet, la
dette est créée pour une raison ou dans un but précis, par
exemple pour financer un investissement public spécifique. Ensuite, ses
effets se manifestent au fil du temps, et ces effets doivent être pris en
compte dans l'évaluation de la relation entre la dette et la croissance
puisqu'ils peuvent, ou non, contribuer au remboursement futur de la dette en
fonction des flux de trésorerie directs ou indirects qu'elle
génère. Naturellement, la simple mesure du niveau d'endettement
à un moment donné peut être non informative ou
trompeuse.
Pour être plus précis, supposons que le montant
de la dette Dt au moment t est observé. Ainsi, le
ratio de la dette au PIB correspondant est dt Dt/Yt. Il faut d'abord
reconnaître que ces niveaux d'endettement et de ratio dette/PIB
appartiennent aux trajectoires communes (Dt-k, ...., Dt-1),
(Yt-k, ...., Yt-1), (dt-k, ...., dt-1)
déterminées par la séquence sous-jacente des politiques
budgétaires et leurs conséquences sur l'économie. Les
valeurs observées Dt et dt peuvent être le
résultat d'une trajectoire efficace ou inefficace,
alors qu'elles peuvent s'avérer durables ou non durables par la
suite. Ainsi, la trajectoire de la dette peut être
considérée comme efficiente si l'utilisation de la dette est
conforme à son objectif en termes de critères
généraux d'efficience économique et si elle n'a aucun
effet de distorsion sur l'équité sociale et le bien-être
social.
L'efficacité implique la durabilité ex
ante. Toutefois, la dette sur une trajectoire efficiente peut
s'avérer insoutenable a posteriori en raison
d'événements imprévus. Deux autres scénarios sont
possibles : la dette peut être inefficace, mais viable, et la dette peut
être à la fois inefficace et insoutenable. Ces quatre
scénarios ont des implications très différentes en termes
de croissance et, ce qui est plus important, le niveau de la dette et le niveau
correspondant du ratio
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DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
de la dette au PIB le long de la trajectoire ne sont pas
pertinents en soi. Ce faisant, si la dette est créée en
période d'effondrement et remboursée pendant la reprise afin
d'égaliser le revenu national sur l'ensemble du cycle économique,
l'efficacité et la viabilité (et l'équité
intergénérationnelle) sont atteintes. Le profil temporel de la
dette peut être très différent selon les conditions
spécifiques : théorie du rôle de stabilisation cyclique de
la politique budgétaire de Musgrave (1959).
Miller et Modigliani (1961) ont plutôt fait remarquer
qu'une augmentation de la dette publique (intérieure et
extérieure) peut être avantageuse pour la génération
actuelle, mais qu'elle impose un fardeau aux générations futures,
ce qui entraine une réduction du stock disponible de capitaux
privés, entrainant ainsi une diminution des flux futurs de biens et
services. Des conclusions analogues ont été tirées par
Bowen et al (1960), selon lesquelles, même si le remboursement du
principal de la dette est continuellement retardé, chaque
génération actuelle supporte une charge représentée
par les impôts utilisés pour payer les intérêts de la
dette9. Mais, une présomption contre une augmentation de la
dette publique peut constituer un frein aux mesures correctives rapides du
gouvernement face au déclin de son activité économique
(Vickrey, 1961 ; Mishan, 1963).
Un autre thème classique de cette littérature
qui mérite d'être mentionné est la soi-disant «
règle d'or » des finances publiques (Musgrave, 1964). Cette
règle fait l'objet d'une branche de longue date des finances publiques
qui n'est pas examinée ici, alors qu'il est important de noter sa place
dans les quatre scénarios. Comme chacun le sait, la règle stipule
que l'équilibre entre les dépenses courantes et les recettes doit
être nul, tandis que la dette publique n'est autorisée que comme
moyen de financer les investissements productifs. Ici, les critères
d'efficacité et de durabilité sont encore plus transparents.
L'investissement productif est réalisé sous la forme de
dépenses axées sur l'accroissement de la croissance et
l'efficacité exige l'égalité entre le produit marginal et
le coût social. La durabilité devrait être garantie par
l'égalité entre l'augmentation marginale des recettes due
à la croissance supplémentaire et le service de la dette.
L'équité réside dans le fait que la
génération qui paie la dette bénéficie
également d'un niveau de revenu plus élevé.
Dans cette sous-section, nous avons montré que la
durabilité et l'efficacité de la dette extérieure sont
affectées par l'ampleur de la corruption qui sévit dans un pays
et l'absence de
9 Il convient de noter que cet argument ne repose pas
nécessairement sur l'effet direct keynésien des dépenses
de déficit sur l'activité économique.
Mémoire PTCI 37
DETTE EXTÉRIEURE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE EN
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
l'obligation de rendre compte à l'autorité
hiérarchique. Les effets conjugués de ces facteurs ternissent les
indicateurs de performance économique en occurrence la croissance
économique.
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