II-LES GRANDES QUESTIONS GEO-POLITIQUES ET STRATEGIQUES
AUTOUR DU NUCLEAIRE IRANIEN
1- Les fondements géostratégiques de la
position américaine
Le Moyen-Orient est l'ensemble d'une superficie de 7,5
millions de km2 et une population de 350 millions d'habitants (2005).
Superficie et population équivalent aux deux tiers de l'Europe (de
l'Atlantique à l'Oural). D'où un espace très important.
Dans cette région sont nées il y a plusieurs millénaires
les grandes inventions qui ont permis à l'humanité de sortir de
l'Âge de pierre : l'écriture, l'urbanisation, l'agriculture, les
sciences physiques et mathématiques...
La possession par l'Iran de l'arme nucléaire n'aura
d'autres fin, selon les Etats Unis d'Amérique, que de vouloir s'imposer
comme une puissance indiscutable dans la région, c'est à dire
comme un moyen de coercition à leur endroit pour leur imposer ses vues.
Cela sera un coup dur pour les Américains. Alors stratégiquement
le risque est particulièrement élevé qu'un jour puissent
être utilisées des armes nucléaires au Moyen-Orient,
où le seul pays qui les possèderaient serait l'Israël qui,
à la différence de l'Iran, n'ont pas ratifié au
Traité de non-prolifération. Selon les estimations, les forces
armées israéliennes possèdent 100 à 400 têtes
nucléaires, y compris des bombes H, avec une puissance
équivalente à presque 4 000 bombes d'Hiroshima. Les vecteurs
comprennent plus de 300 chasseurs étasuniens F-16 et F-15, armés
aussi de missiles israélo-étasuniens Popeye à tête
nucléaire, et environ 50 missiles balistiques Jericho II sur rampes de
lancement mobiles. Israël possède en outre 4 sous-marins Dolphin,
modifiés pour l'attaque nucléaire, fournis par
l'Allemagne.178
Tandis qu'il surveille de près l'Iran, qui ne
possède pas d'armes nucléaires, l'appareil
politico-médiatique laisse dans l'ombre le fait qu'Israël
possède un puissant arsenal nucléaire, hors de tout
contrôle, et que les États-Unis ont signé des accords
pour
178Pierre RAZOUX, Tsahal : nouvelle histoire de
l'armée israélienne, Éditions Perrin, 2008, p.
577.
119
la fourniture à l'Arabie Saoudite, au Bahreïn et
aux Émirats arabes de technologies nucléaires et de
matériau fissile avec quoi ils peuvent se doter, dans l'avenir, d'armes
nucléaires.
Il faut également rappeler que depuis la mise en oeuvre
du Traité de Non-prolifération nucléaire de 1970, quatre
pays - Israël, l'Inde, le Pakistan et la Corée du Nord - ont acquis
l'arme nucléaire. Les trois derniers furent d'ailleurs soumis à
d'importantes sanctions de la part des Etats-Unis avant que, devant le fait
accompli, ils n'entrent dans le club des puissances nucléaires. Ces
précédents soulignent donc que les sanctions économiques
n'ont jamais empêché la prolifération ; les pressions des
puissances occidentales n'ayant souvent réussi qu'à retarder
l'aboutissement d'activités d'enrichissement débouchant tôt
ou tard sur l'acquisition de la bombe.
Les relations internationales se font et se défont au
prix des intérêts. Souvent discutée mais rarement
définie, la politique étrangère iranienne telle
définit dans les textes fondamentaux de la République s'articule
autour de deux axes majeurs : garantir l'indépendance de l'Iran et la
préservation du régime islamique - de constituer autour de l'Iran
une sphère d'influence protectrice. Or la poursuite de ces deux
objectifs a des retombées majeures tant pour le dossier nucléaire
que pour le dossier `'américain au moyen orient».
Malgré tout ce qui est dit sur ses aspects techniques,
le programme nucléaire iranien répond aux mêmes types de
préoccupations géopolitiques. Il faut comprendre que le
nucléaire n'est pas une fin en soi mais un moyen au service de ses deux
objectifs stratégiques - la protection du régime et la promotion
de son influence régionale. L'acquisition de la puissance
nucléaire supporte ces deux impératifs en offrant à
Téhéran : une assurance-vie garantissant la
pérennité du régime islamique et l'indépendance du
pays ; et une source de prestige permettant, en outre, de développer
120
autour de l'Iran et de ses alliés un dôme
protecteur.179 Partant de là, nous pouvons tout simplement
désespérer par rapport à une accalmie dans cette relation,
car les positions sont et restent diamétralement opposées.
Depuis plus d'un quart de siècle, les responsables
occidentaux ont affirmé à plusieurs reprises que l'Iran
était proche de rejoindre le club des pays détenteurs de l'arme
nucléaire. Une telle possibilité a toujours été
considérée comme «inacceptable» et la raison possible
pour une action militaire avec « toutes les options envisageables»
dans le but d'empêcher l'Iran de perturber l'équilibre
stratégique au Moyen-Orient dominé par les Etats-Unis et
Israël.
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