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Les relations politiques Iran-USA 1979-2002.par Doumbia ALI Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Master d'histoire contemporaine 2017 |
II-LA GUERRE IRAN-IRAK (1980-1988) : COMME UNE GUERRE DEPOSITIONNEMENT DES AMERICANS.Le 22 septembre 1980, l'Irak laïc du Saddam Hussein attaque l'Iran islamique de l'imam Khomeiny, avec les encouragements des Occidentaux et bien sûr des autres pays arabes. Les uns et les autres veulent profiter de l'affaiblissement apparent du régime khomeyniste pour lui donner le coup de grâce. La guerre dure huit ans et fait un million de morts. Elle a pour principal effet de ressouder le peuple iranien autour des mollahs ainsi que de relancer le conflit pluriséculaire entre Perses et Arabes, chiites et sunnites. 1- Les causes de la guerre : l'expression du containment arabe contre la révolution islamique d'IranLes incriminations des pays arabes contre le pouvoir de Téhéran sont plurielles. Se référant à ses discours révolutionnaires et sa politique en Irak, au Liban et en Palestine, certains dirigeants arabes accusent la République islamique d'ingérence dans les affaires arabes. D'autres soupçonnent l'Iran d'oeuvrer à la formation d'un « Arc chiite » qui menace les pouvoirs sunnites. Cette guerre ouverte par l'Irak représente en quelque sorte pour ces pays voisins, le symbole du rejet et du mécontentent avec le pouvoir Chiite de Téhéran. Les raisons lointaines de cette guerre prennent leur source dans les tracées de la frontière entre l'Iran et l'Irak. Cette frontière est le fleuve Chatt-Al-Arab qui les sépare. Ce fleuve prend sa source en Turquie et borde sur une distance de 90 kilomètres l'Iran. Ce fleuve qui était un lieu d'échanges pendant l'époque islamique est devenue au XXe siècle le grand fleuve pétrolier du monde. Il représente pour l'Irak, la seule ouverture sur la mer. C'est pour cela que le partage de ce fleuve ne satisfait pas les deux pays. Depuis le début du XXe siècle, plusieurs traités ont été signés entre les deux pays pour leur différend. Au 99 titre des traités, nous notons celui de Constantinople en 1913 qui avait divisé le fleuve par les eaux basses de la Perse. Ce traité favorise l'Iran. Outre les revendications territoriales, des différends politiques sont également à l'origine du déclenchement de la guerre Iran-Irak. Dans une perspective régionale, les pays arabes producteurs de pétrole voient d'un mauvais oeil la révolution islamique iranienne de 1979 qu'ils considèrent comme un facteur de déstabilisation économique, politique et social de la région. À cela s'ajoute la méfiance de Bagdad envers son voisin iranien qui appuie le groupe irakien chiite Al-Dawa, opposé au gouvernement bassiste de Saddam Hussein Dans un article intitulé « Un nouveau calife à Bagdad », l`écrivain et journaliste Français François Schlosser, nous retrace les motivations qui ont poussé Saddam Hussein à s'attaquer à Téhéran « ...Prudent, avisé et calculateur, pourquoi a-t-il (Hussein) pris le risque de cette guerre ? D'abord, parce qu'il fallait, de toute manière, pour restaurer l'Irak dans ses dimensions historiques, lui rendre ces petits bouts de territoire que le chah d'Iran, quand il était au sommet de sa puissance, lui avait arrachés. Ensuite, parce que le nouveau régime islamique de Téhéran, depuis des mois, appelait les chiites irakiens à la révolte. C'était pour l'Irak, dont la majorité de la population est de rite chiite, un danger mortel. Et sur cette question, Saddam Hussein ne badine pas (...) En prenant ces objectifs à son compte, Saddam Hussein se taille, à coups de canons, un profil de grand dirigeant arabe, tout en réalisant sur le terrain son propre dessein national. Reste à savoir si les dirigeants irakiens n'ont pas sous-estimé la capacité de résistance de l'ancien géant militaire iranien. Et si la fortune des armes finit par sourire vraiment à Saddam Hussein, beaucoup dépendra de la manière dont il saura se dégager de cette guerre, c'est-à-dire la terminer.»151 Les rivalités entre le chiisme et le sunnisme ont créé depuis des siècles, une guerre froide persistante entre l'Iran et son voisin du sud, l'Arabie saoudite. En effet, la religion Musulmane se compose de plusieurs courants. Les deux principaux sont le sunnisme 151Josette ALIA, Pierre BLANCHET, « Pourquoi Khomeiny défie Carter» Le Nouvel Observateur, 29 septembre 1980, p. 24. 100 (80% des fidèles) et le chiisme (15%)152. La majorité des pays arabes est sunnite tandis que les chiites sont majoritaires en Iran, en Irak ainsi qu'au Yémen. L'Iran et l'Arabie saoudite représentent des leaders de ces courants. Dans les années 1980, le royaume avait soutenu ouvertement le régime de Saddam Hussein dans sa guerre contre l'Iran, et en 1987 à la Mecque, la police avait ouvert le feu sur des pèlerins qui manifestaient contre les Etats-Unis d'Amérique et l'Israël, tuant plus de quatre cents d'entre eux, dont deux cent cinquante Iraniens. En 1979, la chute du Shah d'Iran et l'embargo américain sur les livraisons d'armes, causé par la crise des otages, affaiblissent considérablement l'armée iranienne. À l'opposé, l'Irak est à l'apogée de sa puissance politique et militaire. La situation se dégrade le 17 septembre 1980 lorsque Saddam Hussein dénonce l'accord d'Alger de 1975, prévoyant la libre navigation sur le Chatt al-Arab153. Cette position ravive un vieux différend territorial entre les deux pays. En effet, le tracé de la frontière a fait l'objet d'innombrables accords ou arrangements entre l'Empire ottoman et la Perse puis entre l'Iraq et l'Iran. Le dernier en date est l'accord d'Alger (1975)154 élaboré sous la houlette de Houari Boumediene. Cet accord spectaculaire veut marquer une réconciliation entre monde persan et monde arabe. La délimitation reprend les tracés antérieurs (sur le Chatt, le tracé de la frontière est celui du talweg)155. Bagdad accepte car dans le même temps l'Iraq rencontre des difficultés avec les Kurdes, et le Shah, en contrepartie, doit cesser toute aide aux Kurdes irakiens. En fait l'accord n'a jamais été vraiment accepté par l'Iraq, Il fut contesté en 1980 par l'Iraq, qui déclara la guerre à l'Iran le 22 septembre 1980, le président Saddam Hussein décide alors de porter un coup décisif à l'ennemi iranien en envahissant le 152La répartition entre ces deux courants apparaît clairement sur la carte du Moyen-Orient 153Le Chatt el-Arab, ou « rivière des Arabes », suit la frontière Iran-Iraq sur 90 km. C'est depuis toujours une frontière politique, historique et culturelle entre deux empires (l'ottoman et le perse) et deux mondes (l'arabe et l'aryen) avec deux légitimités de l'islam, l'une sunnite, l'autre chiite. Le pétrole l'a transformée en voie d'eau essentielle dans les échanges internationaux. 154le 6 mars 1975, à l'issue d'une conférence de l'O.P.E.P. à Alger, Saddam Hussein, alors vice-président irakien, signa un accord avec le Shah par lequel l'Irak accédait aux revendications iraniennes en abandonnant sa souveraineté sur le Chatt al-Arab 155 Encyclopédie Larousse, en ligne, http://www.larousse.fr/encyclopedie/riviere-lac/Chatt_al-Arab/113108 101 Khouzistan156. Cette région riche en pétrole est le théâtre d'affrontements violents entre l'aviation et l'artillerie lourde des deux belligérants. Pour les occidentaux ; le bloc Américain et alliés, inquiets de la naissance de la République islamique iranienne, voyaient en l'Irak un pays qui pourrait évoluer vers la laïcité et le modernisme et faire contrepoids à l'Iran. C'est pourquoi ils ne s'opposent pas dans un premier temps à l'offensive irakienne, allant jusqu'à la soutenir ensuite. C'est en particulier le cas de l'URSS, de la France et des États-Unis d'Amérique. |
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