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Les relations politiques Iran-USA 1979-2002.par Doumbia ALI Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Master d'histoire contemporaine 2017 |
Chapitre II : LA REMISE EN CAUSE DES INTERETS AMERICAINS DANS LE GOLFE PAR LA MONTEE EN PUISSANCE DE L'IRANLa surface économique d'un pays qui se veut puissant et imposant ne se limite pas à ses frontières naturelles et fixes, elle va au-delà. Khomeiny avait très bien cerné cette assertion. L'émancipation de Khomeiny des Américains touche directement les intérêts économiques et géopolitiques de Washington, dans la région du Golfe Persique. Le Guide rêve très grand, étendre son champ hégémonique au-delà de ses frontières propres et la guerre avec l'Irak intervient dans ce contexte. I-LA REVOLUTION IRANIENNE : UNE MENACE IDEOLOGIQUE ET CULTURELLE CONTRE LES ALLIES AMERICAINS DU MOYEN-ORIENTLes voisins iraniens du Golfe sont les premières victimes de l'ambition expansionniste de Khomeiny, notre l'analyse portera sur le rêve du Guide : les moyens techniques et idéologiques mis en jeu et la frayeur que cette `'folle» ambition va occasionner dans toute la région. 1- L'ambition régionale de KhomeinyKhomeiny a pris le pouvoir sous le double signe du nationalisme et de la religion. Sa force a été de pouvoir utiliser tout un réseau qui servait, depuis des siècles, de force conservatrice au service d'une société d'oppression et d'exploitation, celui du clergé chiite139, pour encadrer une mobilisation massive et profonde des couches populaires lancées à l'assaut de la dictature. Dès l'instauration de la République islamique en 1979, 139Définition par Professeur Konin Severin, Département d'histoire Université de Cocody. Le chiisme (ou chî?isme) constitue l'une des trois principales branches de l'islam avec le sunnisme et le kharidjisme. Il regroupe environ 10 à 15 % des musulmans, dont 90 % de la population iranienne. Les chiites sont souvent appelés péjorativement sous le nom de Râfidhites. Les religieux chiites, qui forment une hiérarchie décentralisée, se sont organisés en Iran avec l'adoption de l'Islam chiite comme religion d'Etat au XVIème 92 François Thual fait remarquer que le clergé iranien cesse d'être le contre-pouvoir qu'il était au cours du 19e siècle. « Il n'est plus en recul, comme sous la dynastie des Pavlavi ; il est au sommet de l'Etat. Il sera bientôt un pouvoir absolu »,140 Sa force a été de pouvoir utiliser une idéologie réactionnaire, moyenâgeuse, comme drapeau d'une révolte populaire contre l'oppression, l'injustice et la tyrannie. Il a joué sur les préjugés religieux largement répandus et anciens. Mais il a joué aussi sur les aspirations à la liberté et à la justice. Khomeiny a aussi triomphé parce qu'il a apporté aux pauvres un sentiment de revanche sociale. Le régime a mis ceux qu'il appelle les « déshérités » au premier plan de sa propagande. C'est parmi les chômeurs, les misérables, qu'il a recruté ses miliciens, les militants de ses comités. Ce n'est certes pas pour autant que la population détenait le moindre pouvoir, mais ces positions ont apporté sans doute, en tout cas à une partie d'entre elle, la satisfaction d'être au moins considérée. Aux pauvres, il a apporté aussi un sentiment de revanche politique. Il est devenu l'incarnation du défi des masses populaires d'Iran à la première puissance mondiale ; les États-Unis d'Amérique. Alors le Guide espérait étendre davantage la Ouma141 et sa domination sur toute la péninsule arabique. De plus, Carter promulgua ce qui est couramment appelé la doctrine Carter lors du discours sur l'état de l'Union du 23 janvier 1980 en affirmant qu'une « tentative par une force extérieure pour prendre le contrôle de la région du golfe Persique sera considérée comme une attaque contre les intérêts vitaux des États-Unis »142. Même si ici, le discours vise clairement l'Union Soviétique, mais aucun autre prétendant à cette partie du monde ne doit être toléré par les Américain, dont l'Iran. 140 François THUAL Géopolitique du chiisme, Paris, Arléa, 1995, p.41 141 C'est la communauté des musulmans, la nation islamique, mais là, Khomeiny ne prend pas en compte toute la communauté musulmane, mais les Chiites, groupe opposé aux sunnites. 142 Jimmy CARTER Library, Jimmy CARTER State of the Union Address 1980, 23 janvier 1980, en ligne, http://www.jimmycarterlibrary.gov/documents/speeches/su80jec.phtml, consulté le 27 novembre 2012. 93 Mais la réorientation de la politique étrangère iranienne ne concerne pas seulement, loin de là, les relations avec Washington. Téhéran en a depuis longtemps défini les axes stratégiques, dictés par ses intérêts régionaux et par la prise en compte des rapports de forces plus que par l'idéologie. Les progrès militaires de l'Iran sur la scène régionale depuis dix ans sont impressionnants. Il a agi avec beaucoup d'habileté et de réalisme dans ce domaine, le deuxième en importance aux yeux des dirigeants après le domaine militaire. Plusieurs centres de recherche spécialisés se sont créés autour du Conseil de discernement des intérêts supérieurs du régime et du ministère des affaires étrangères. Depuis 1997, le Centre des recherches stratégiques, fondé en 1989 sous la tutelle de ce conseil, produit en permanence des rapports destinés aux dirigeants sur des questions-clés. Très éloignées du ton de la propagande officielle, les analyses qui y sont développées relèvent de la stratégie plutôt traditionnelle, et la revue n'hésite pas à faire appel à des spécialistes étrangers. L'Iran manoeuvre dans un environnement compliqué en faisant preuve d'une grande souplesse. Sur le front oriental, le Pakistan est sa principale source d'inquiétude143. Son rôle en Afghanistan, son alliance avec les Etats-Unis d'Amérique, l'abri qu'il offre aux islamistes les plus radicaux, sans parler de son arme nucléaire, le préoccupent, de même que l'instabilité née de ses engagements hégémoniques. |
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