B- Une portée géostratégique
Il faut remonter au temps de la colonisation française
au Gabon, des rivalités inter coloniales et des résistances
locales à la colonisation pour trouver l'origine de la présence
militaire française au Gabon.
En effet, les nécessités coloniales avaient
conduit à l'installation des administrations militaires là
où c'était nécessaire. A la veille de la première
guerre mondiale, le pouvoir colonial entrepris d'utiliser les ressources de sa
colonie pour les besoins de sa défense. Puis ses besoins
évoluèrent à cause de l'aggravation des tensions
européennes. Durant la première guerre mondiale, près de
25.000 africains moururent. Le rôle joué par l'empire pendant la
grande guerre et plus encore pendant la deuxième guerre mondiale,
Histoire de l'Afrique contemporaine de J. Kizerbo (1972), fit de l'Afrique
française une pièce maîtresse de la
géostratégie française. L'importance de l'Afrique se
traduit dès lors par la conception de son rôle stratégie,
selon P. Chaigneau (1984, pp. 12-16). Le Gabon ne représente qu'un
réservoir de matières premières stratégiques et un
débouché important pour les exportations de la France. Il
constitue aussi un ensemble de positions stratégiques de premier plan,
atout indispensable pour la défense de la liberté des voies de
communication comme nous l'a affirmé le professeur Loungou lors de nos
enquêtes orales. « Dans la géostratégie
française en Afrique, le Gabon reste un atout majeur, elle est le
partenaire historique à cause de l'évolution dans le partenariat,
diplomatie militaire.»
13 Politique africaine, n° 9, mars 1983, pp. 68-84.
14 Nous nous referons à l'article de J. Owona, dans le
mois en Afrique, art. pp. 3-15.
36
Le système français au Gabon s'organisait en
zone d'outre-mer (Z.O.M). Il couvrait l'Afrique occidentale et le Togo,
territoire sous tutelle. Ce dispositif stratégique présentait un
double intérêt pour la France et permettait d'une part, de
s'assurer des approvisionnements en matières premières
stratégiques du Gabon, grâce au contrôle établi de la
Z.O.M.2. Et d'autre part, de conserver les points d'appui c'est- dire voies de
communication, pour des besoins énergétiques et l'installation
des commandements français. L'indépendance rendait caduc ce
dispositif. En réalité, la conception de la défense du
Gabon ne varie que sensiblement.
Le grand dessein de la France consiste dès lors
à élaborer une coopération militaire technique et
maintenir quelques bases militaires qui constituent les fondements de ses
relations avec le Gabon et assurent les conceptions stratégiques du
milieu d'intervention. Quelles sont les bases de la présence militaire
française au Gabon ? La question mérite une réponse car
celle-ci nous permettra de mieux comprendre la stratégie militaire
française au Gabon.
Si les accords de défense constituent le cadre
juridique de la coopération franco-gabonaise, la présence
militaire française sur le territoire gabonais, les forces de
présences basées à la métropole sont des
éléments convainquant. Selon les textes juridiques qui lient
Paris et Libreville, les autorités gabonaises ont le droit de faire
appel aux troupes françaises si elles estiment que leur pays est
menacé. En contrepartie, les autorités françaises peuvent
disposer de l'espace territorial gabonais pour leur besoin. C'est dans ce
contexte qu'il fallait envisager au plan militaire stratégique à
une doctrine d'intervention. Théoriquement, une stratégie
militaire s'imposait. Concrètement il était nécessaire de
créer des unités capables d'agir vite et fortes en
renforçant des forces en présence stationnée en Afrique
placé aux côtés des armées africaines. Pour plus de
clarté dans nos propos Maurice Ligot précise que
A contrario de l'invasion ou de l'ingérence, qui sont
des intrusions dictatoriales d'un Etat dans les affaires intérieures
d'un autre Etat, les interventions sont des actions légales,
menées par un Etat, soit sur demande d'un autre Etat menacé ou en
difficulté, soit pour assurer la sécurité de ses
ressortissants, c'est-à-dire que l'intervention est inscrite, en
permanence, dans le cadre juridique des traités, accords ou conventions,
et qu'elle est demandée ou acceptée par un autre Etat en
difficulté.
Pour répondre plus facilement aux obligations qui en
ressortent des engagements pris par la France auprès des dirigeants
gabonais, la France a trouvé nécessaire de mettre en place
à la fois en France et au Gabon, des dispositifs qui pourrons
répondre efficacement au cas où les circonstances pourraient
l'imposer.
37
Les forces permanentes pré-positionnées (bases
militaires), les compagnies tournantes, les éléments
français d'assistances opérationnelles.
Ces dispositifs permettent de remplir plusieurs missions, qui
ne sont rien d'autre que de participer à la sécurité du
Gabon, de s'engager aux côtés des forces armées nationales
gabonaises comme premier échelon des forces d'intervention, et de
faciliter les interventions au Gabon comme sur le continent africain. Aussi,
assurer la sécurité ou l'évacuation des ressortissants
français menacés en cas de crise grave, sans toutefois oublier
d'assurer les intérêts de la France, et en particulier la libre
circulation de leur approvisionnement ; c'est-à-dire le pétrole,
manganèse, l'uranium. De ce fait, il faut aider les autres pays victime
d'une agression directe ou indirecte avec lesquels la France est liée
par des accords ou une solidarité, et agir par rétorsion à
des actions de chantage ou de terrorisme ou agir par interposition entre
belligérants pour imposer ou faire respecter le cessez-le feu et cela
permettrait de participer à des actions internationales à la
demande de l'ONU.
La puissance de la France a été
déterminée par les autorités gabonaises eux-mêmes
dans la mesure où ils ont reconnu juridiquement le poids de sa
présence sur le territoire. Il est certain qu'il ne s'agit pas là
de traités de défense classique15. Les avantages du
Gabon portent d'une part, sur l'organisation, aux plus avantageuses, des
institutions militaires et d'autre part, sur l'assurance de participation
française à leur défense extérieure et parfois
à leur sécurité interne. Au regard de cette analyse, la
coopération militaire franco-gabonaise apparait comme un
intérêt pour le Gabon désireux d'être au
côté d'une puissance. Cette présence obéit à
ce que disait Gaston Monnerville, lorsqu'il s'adressait à
l'assemblée consultative en 1945 rappelait que « l'existence de
l'Empire français, au moment de la répartition des
responsabilités à Yalta et à Postdam, avait permis
à la France d'être un pays victorieux et par conséquent de
siéger parmi les grands du conseil de sécurité de l'ONU.
» Après avoir montré les fondements de la présence
française au Gabon, nous allons nous attacher à décrire
son rôle. Les forces françaises pré-positionnées au
Gabon sont sous l'appellation du 6ème Bataillon d'infanterie
de la Marine (BIMa). Elles sont appuyées par un détachement de
l'armée de l'air française. La plus importante base se trouve
à Libreville, plus précisément au « Camp de Gaulle
». C'est à cet endroit que sont stockés sur une surface de
29 hectares, les matériels, le carburant et les approvisionnements
indispensables pour les éventuelles interventions. Une autre base existe
dans la province natale de l'ancien chef d'Etat gabonais, Omar Bongo
15 Voir accords de défense dans l'annexe
38
Ondimba. Il s'agit de la base de Mvengué qui
possède un dispositif non négligeable. On ne saurait oublier la
base de Port-Gentil dans la capitale économique du Gabon, qui
protège les installations pétrolières ainsi que les
ressortissants français qui s'y trouvent.
A la fin de ce chapitre, il était question pour nous
d'aborder les fondements juridiques de la coopération franco-gabonaise
qui lient les deux Etats en matière d'armement et d'équipements
des forces de défense. En effet, dans le cadre de la coopération
justement, nous constatons que l'aspect juridique fut un élément
très important dans le processus de la signature des accords de
défense entre les deux Républiques. Alors, la
problématique qui nous a permis de donner un sens à ce travail
était de savoir ; sur quoi s'appuyaient les fondements juridiques de
cette coopération ? Au vue de cette problématique, s'est
dégagé un certains nombres d'arguments qui nous ont permis de
faire des analyses objectives et critiques.
Le premier argument que nous retenons est celui du contenu des
accords de défense qui nous permet de mieux cerner les conventions en en
matière de défense. Le second argument est celui d'assistance
militaire technique. Il faut dire aujourd'hui que le nombre de
coopérants français a largement diminué depuis la
révision de 2010. Enfin il y'a les enjeux de cette coopération
qui nous parait assez intéressant dans les relations bilatérales
entre les deux Etats. D'une part nous avions les enjeux géopolitiques,
et d'autre part, les enjeux géostratégiques qui nous permettent
de comprendre la présence française au Gabon et pourquoi la
France reste aujourd'hui un verrou pour la France.
En somme, il se confirme que la période 1959-1960
marque davantage une charnière qu'une période homogène.
Les deux sous-périodes qui ont été distinguées
apparaissent difficilement comparables puisque au cours de la première,
le Gabon est placé dans la dépendance française, par le
truchement de l'aide, et ce n'est qu'au cours de la seconde période que
le Gabon commence vraiment à prendre en charge son destin en main.
L'analyse finale que l'on peut porter sur les fondements de cette
coopération selon la période que nous nous sommes
focalisée ou que l'on situe cette analyse. Nous constatons que le Gabon
est parvenu jusqu'en 1960 à prendre le relai de l'aide Française
pour mieux assurer l'organisation de son armée. Le Gabon qui
accède le 6 décembre 1966 au concert des nations
indépendantes, les autorités politiques de l'époque
décident de la mise sur pied d'une armée. Immédiatement,
en 1961, le besoin des effectifs se fait ressentir, un recrutement est
lancé à travers le pays pour grossir les effectifs des personnels
exécutants et de l'encadrement. En 1966, l'organisation des
unités à l'intérieur du pays s'impose. Des
détachements dans les provinces se réalisent à
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Oyem, Franceville, Mouila et Tchibanga. Ces
détachements en effet, sont aujourd'hui devenus des régions
militaires.
En 1972, avec l'augmentation des effectifs et l'acquisition de
nouveaux matériels, l'armée gabonaise devient les `'Forces
Terrestre et Navales» avec pour devise : QUI S'Y FROTTE, S'Y PIQUE».
Cet aspect a constitué à l'époque une des raisons
fondamentales qui a motivé les dirigeants gabonais à signer avec
la France les accords de coopération militaire. Tel qu'il se
présente, cette partie se propose d'aborder l'organisation
institutionnelle et la politique d'armement et d'équipements militaires
entre la France et le Gabon.
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