Chapitre II : L'organisation institutionnelle et la
politique d'armement et d'équipements au Gabon
Lorsque le Gabon accède à l'indépendance
en 1960, sa préoccupation majeure était de mettre en place des
institutions qui permettraient de faire fonctionner le pays. Parmi, ces
constitutions, l'armée constituait un organe important. Or
l'inexpérience des dirigeants gabonais dans ce domaine, malgré
des lacunes d'histoire militaire coloniale, avait besoin d'être
remédiée. La France s'engageait à prêter main forte
au nouvel Etat pour la constitution de ses forces de défense,
jusqu'à ce qu'il devient capable de les gérer seul. C'est en cela
que se propose ce chapitre sur l'organisation institutionnelle militaire de la
défense du Gabon et les questions de financement.
I- Les acteurs de la politique d'armement et
d'équipements militaires et les questions de financement
Premier instrument étatique de souveraineté,
garant de l'intégrité du territoire national et de
stabilité intérieure. L'armée doit par une combinaison
élaborée de leurs moyens et une complémentarité de
leurs actions, être en mesure de faire face aux défis majeurs du
contexte sécuritaire actuel. La vision de modernisation de
l'armée gabonaise s'inscrit dans cette dynamique. Il convient de
décrire la position géostratégique du Gabon.
A- Les organes décisionnels de la défense
Les autorités gabonaises avaient mis en place des
institutions qui devaient gérer et décider des rapports
militaires établis avec l'ancienne puissance coloniale au lendemain de
son indépendance. A ce propos, certaines sont directement
impliquées et prennent véritablement des décisions et
d'autres n'ont qu'un rôle théorique. A la question de savoir,
quels sont les institutions compétentes et juridiques qui organisent les
forces de défense du Gabon ?
En vue de doter son appareil de défense et de structure
organique pour combler un vide juridique et permettre un fonctionnement
harmonieux, et conforme au statut particulier des militaires, divers textes
viennent d'être adoptés. Dans ce cadre les forces de
défenses sont désormais configurées.
Le premier point qui nous préoccupe est celui relatif
aux prérogatives du pouvoir exécutif en matière d'armement
et d'équipements militaires.
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Selon la constitution gabonaise, le président de la
République est le garant de l'indépendance nationale, de
l'intégrité du territoire et du respect des accords19.
A ce titre, il préside les conseils et les comités
supérieurs de la défense nationale. La constitution gabonaise
dispose aussi que le chef de l'Etat détermine en concertation avec le
gouvernement (sous le contrôle du parlement) la politique en
matière de défense et de sécurité. Il en assure la
direction d'ensemble et le cas échéant, la conduite de la
guerre20. Il peut quand les circonstances l'exigent, après
consultation du conseil des ministres et consultation du bureau de
l'assemblée nationale, proclamer par décret « l'état
d'urgence » ou « l'état d'alerte » qui lui
confèrent des pouvoirs spéciaux. A ce propos, il peut prendre
toutes les mesures qu'il estime nécessaires pour garantir la
sécurité de l'Etat et mené une politique d'armement et
d'équipements militaires avec n'importe quel Etat. Il peut toutefois
acheter des armes et le matériel militaire sans forcément passer
par le parlement car les prérogatives de chef suprême des forces
de défense et de sécurité nationale le lui
confèrent. Dans ses compétences militaires, le chef de l'Etat
nomme aux postes supérieurs civils et militaires de l'Etat. Il est
assisté par plusieurs organes de concertation (conseil supérieur
de défense, comité de défense) qu'il préside. Le
chef de l'Etat-major des armées, les commandants en chefs de la
Gendarmerie, le cabinet militaire de la présidence de la
République et le gouvernement l'assistent dans ses missions de
défense. Lorsque nous arrivons à ces analyses, nous constatons
que les pouvoirs du chef de l'Etat en matière de défense sont
incontournables dans ce domaine. Il est en effet, la clé du
système de défense au Gabon. Il contrôle à cet
effet, tous ce qui est de la coopération militaire avec la France. Ceci
est encore assez intéressant par le fait qu'officieusement cette
coopération est censée protéger sa sécurité
et son pouvoir lorsqu'il pourrait se trouver menacer. C'est en cela que les
accords de coopération que la France a justifié son intervention
au Gabon en 1964. Celle-ci a contribué au rétablissement du
président Léon Mba destitué par un groupe de militaire
gabonais. Il faut sans doute rappeler que les armées en Afrique
contribuent d'abord à la sécurisation des chefs d'Etat.
L'expérience a montré qu'à chaque fois qu'un chef d'Etat
est menacé dans son pouvoir, l'armée française intervient
en faveur de celui-ci. Le président de la République Gabonaise
s'assure du contrôle de la défense et de la
sécurité. Il est secondé dans ses prérogatives
militaires par le Premier ministre qui a pour mission d'appliquer la politique
de défense de la nation.
19 Journal Officiel de la République Gabonaise (J.O.R.G),
loi n°/91 du 23 mars 1991, article 8, modifiée par la loi
n°01/94 du 18 mars 1994 portant constitution de la république
gabonaise
20 J.O.R.G, décret n°419/PR du 31 mars 1980 relatif
à l'organisation de la défense nationale et loi n°01/94 du
18 mars 1994, article 2
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Selon la loi fondamentale gabonaise, le gouvernement, sous la
responsabilité du Premier ministre, conduit la politique de la nation en
matière de défense. De ce fait, il est aidé par
l'administration et par les forces de défense. Le Premier ministre est
responsable de la défense nationale et de la mise en oeuvre par le
gouvernement des décisions prises en conseils des ministres et en
comité de défense. Il est évident que lorsqu'une crise
menace la sécurité de l'Etat, il dispose des pouvoirs
exceptionnels21. Quand les circonstances l'imposent, il a le droit
après délibération du conseil des ministres et information
des présidents des chambres du parlement (Assemblée Nationale,
Senat) à déclarer par arrêté l'état d'alerte
ou l'état de mise en garde dans les conditions fixées par la
loi22. C'est différents états proclamés peuvent
être assimilés à une mobilisation partielle pour ne pas
recourir à une mesure radicale quand les circonstances ne l'exigent pas.
La mise en garde et l'état d'alerte sont déclarés aux
termes des dispositions constitutionnelles23 et contresignés
par le ministre de l'intérieur en cas de situation grave qui peuvent
constituer une menace pour l'ordre public en cas d'évènements qui
présentent leur nature et leur gravité.
Dès lors, les autorités des régions
concernées prennent des décisions exécutoires, la garde
à vue des individus dangereux pour l'ordre publique. La suspension
à l'exercice de certains droits, notamment la liberté des
réunions, la liberté de circulation des personnes et des biens,
la fermeture des salles de spectacles, l'établissement du couvre-feu.
Bien que tous ces pouvoirs soient attribués au Premier ministre gabonais
dans l'exercice de la conduite de la politique de défense de l'Etat
gabonais, il n'en demeure pas moins que lorsqu'on observe la structure du
pouvoir gabonais, son rôle en matière de défense est
purement théorique. En réalité, le président de la
République s'accapare de tous les droits surtout dans ce domaine qui est
très important. Ainsi, pour ce qui est de la coopération
militaire, le Premier ministre ne peut pas prendre de décision ; tout se
passe à la présidence de la République. Il en est de
même pour le ministre de la défense nationale avec la
différence que ceux qui sont souvent à la tête de ce
ministère sont les proches du chef de l'Etat donc ils ont un rôle
plus important à jouer dans la coopération militaire avec la
France.
Le deuxième point à éclairer porte sur
l'armement de la centralité du Ministère de la défense
nationale et la place des autres ministères.
21 J.O.R.G, n°45/59 du 12 novembre 1959.
22 J.O.R.G, loi n°3/91 du 26 mars 1991, article 29.
23 J.O.R.G, n°45/59 du 12 novembre 1959.
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En effet, sous l'autorité du chef de l'Etat et du
Premier ministre, le ministre de la défense est responsable de
l'exécution de la politique militaire, plus précisément de
l'organisation, de la gestion et de la mobilisation des forces
militaires24. Il coordonne les stratégies relevant de chaque
département ministériel, fixe les concepts d'emploi des forces
armées et arrête leur composition. Dans la réalité,
le ministre de la défense met en pratique les décisions prise au
niveau de la présidence de la République. En ce qui concerne la
coopération militaire avec la France, tout est décidé au
sommet de l'Etat. Etant donné que c'est le président de la
République qui nomme aux hautes fonctions de la défense, il
s'assure de ce fait de la fidélité de ceux qui vont occuper les
postes de haut commandement militaire pour que sa politique de défense
soit efficace pour sa sécurité et la pérennisation de son
pouvoir.
Dès lors, le ministre de la défense
développe les relations militaires avec la France selon les
recommandations du chef de l'exécutif. A partir de ce moment, les
autorités gabonaises, pour s'assurer de la mainmise sur les instruments
de la défense, avaient délibérément fait en sorte
que jusqu'en 1980, l'Etat gabonais ne dispose pas d'une administration centrale
pouvant gérer les questions de défense. Il existait un
secrétariat d'Etat puis une délégation
ministérielle rattachée à la présidence de la
République qui assurait la coordination de la politique de
défense et la gestion des rapports militaires avec la France. Le
délégué ministériel, sous la responsabilité
du président, s'occupait de tout ce qui concernait la défense
civile pendant que le domaine de la défense militaire était sous
la direction du chef de l'Etat et du ministre de la défense
nationale.
Le délégué ministériel assumait sa
tâche en fonction des recommandations du chef suprême des
armées. A ce propos, il ordonnait la préparation de la mise en
oeuvre des mesures de défense incombant aux divers départements
ministériels. C'est seulement à partir de 1980 que le
président de la République met en place un ministère
délégué à la présidence de la
République chargé de la défense nationale et des anciens
combattants. Il devait donc se charger de la préparation des forces
armées et de leur liaison avec les armées
étrangères ou alliées. C'est dans ce dernier volet que son
rôle fut défini et que le pouvoir de ce ministère par
rapport aux relations avec l'armée française, dans le cadre de la
coopération, fut élargi. Pour
24 J.O.R.G, décret n°4/PM du 6 décembre 1960
portant organisation et recrutement des armées gabonaises.
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apporter de l'éclaircissement à tout cela, une
administration centrale fut mise à sa disposition et comprenait, le
commandant en chef des forces armées, le commandant en chef de la
gendarmerie, l'inspecteur général, le cabinet civil, le
conseiller militaire. Nous remarquons ainsi que les attributions de ce
ministère furent étendues et contrôlait la défense
intérieure et extérieure, et que son rôle grandissait dans
la coopération avec l'ancienne puissance coloniale, bien
évidemment dans le strict contrôle du chef de l'Etat gabonais.
Pour s'assurer de tout cela, le ministre Mpouoho Epigha, représentant du
chef de l'Etat pour les questions de défense, ministre chargé de
la défense nationale et des anciens combattants. Par un décret du
7 avril 1982, il devint aussi ministre de la sécurité publique
par la suite. Ce dernier s'occupe de la défense civile dans le cadre de
la coopération militaire avec la France. C'est dans ce sens que
l'assistance militaire technique apporte sa contribution au ministère de
l'intérieur gabonais dans ses missions. Il s'agit des missions police,
secours. C'est ainsi qu'on peut observer dans toutes les directions de la
sécurité intérieure des assistants militaires
français. On les retrouve en effet, par exemple à la direction de
la documentation et des frontières (D.D.F), la direction des services
pénitentiaire (D.S.P), la direction de la protection civile (D.P.C) et
la direction de la sécurité mobile (D.S.M). La coopération
militaire travaille aussi de concert avec le ministère des mines et des
hydrocarbures pour la gestion des produits stratégiques.
Au ministère des affaires étrangères, de
la coopération et de la francophonie il y'a une direction militaire qui
ne se limite qu'à l'information et à la négociation afin
de mettre en lumière les vues gabonaises pour éviter tous les
malentendus et désamorcer les crises actuelles. Une fois que l'essentiel
a été mise en place pour mettre en pratique l'organisation
militaire du Gabon, il ne serait plus pour les autorités de
présenter l'organisation des forces de défense du Gabon.
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