AUX FONDEMENTS DE LA COOPERATION FRANCO- GABONAISE EN
MATIERE D'ARMEMENT ET D'EQUIPEMENTS MILITAIRES DU GABON
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Chacune des parties contractantes des accords de
coopération militaire obéissaient à une logique
dictée par leurs besoins et intérêts du moment. L'ancienne
puissance coloniale
voyait par ce canal un moyen d es liens et les
intérêts qu'elle avait
avec le nouveau pays indépend q te partie de notre
étude essaie de circonscrire les fondements de la coopération
franco-gabonaise en matière d'armement et d'équipements des
forces de défense du Gabon. En effet, elle met exergue les relations
historiques et stratégiques qu'entretenaient la France et le Gabon
depuis la colonisation. De plus, elle évoque le processus vers le chemin
de l'indépendance du Gabon en août 1960, mais aussi de la
construction d'une armée pour sa défense intérieure et
extérieure. A cet effet, elle comprend deux chapitres, l'un historique,
l'autre juridique. Le chapitre I présente les déterminants
historiques et stratégiques de la coopération franco-gabonaise,
le chapitre II, décrit brièvement l'arsenal juridique militaire
de la coopération entre les deux Etats.
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Chapitre I : Les déterminants historiques et
stratégiques
Par déterminants historiques, il faut entendre le
contexte des années 1960 ; et par déterminants
stratégiques, les rapports la volonté de projection de la
puissance en Afrique avec comme point d'appui le Gabon.
Cela étant, la grille de lecture la plus commode et, la
plus utilisée couramment en relation internationale, est celle des Etats
et des rapports qu'ils entretiennent entre eux. En admettant que les relations
internationales soient des relations entre unités politiques
territorialement organisées, ce qui ferait la spécificité
de telles relations est la légitime à la légalité
du recours à la force armée de la part des acteurs, R. Aron
(1967, p. 843). Le présent chapitre qui porte sur les fondements
historiques et stratégiques de la coopération militaire
franco-gabonaise, met en exergue les déterminants des deux pays.
I- Le réalisme des partenaires
franco-gabonais
La signature des accords de défense entre le Gabon et
la France fait ressortir des raisons multiples dans les domaines variés
; celles-ci tiennent du réalisme des Etats partenaires, par exemple, le
rôle de plateforme stratégique du Gabon pour la France (A). Les
domaines visés touchent la sécurité, la défense et
de la stratégie qui apparaissent les plus évidents. Les aspects
politico-diplomatiques ne sont pas à négliger (B).
A- Le Gabon : une plate-forme stratégique pour la
France
La France, en tant que puissance coloniale, avait plusieurs
raisons lui conduisant à sceller, voir améliorer la signature des
accords de défense avec son ancienne colonie, le Gabon qui venait
d'avoir son indépendance. Elle y avait des gros intérêts
qui couraient le risque d'être menacés au point de faire du Gabon
une zone assez stratégique.
Le Gabon fait partie d'un vaste géographique et d'une
grande importance. Il est situé dans le continent africain, qui dans
l'histoire de la géostratégie mondiale, est un verrou
incontournable qu'il faut avoir dans sa zone d'influence. Une conception du
rôle d'Afrique dans les stratégies mondiales fait apparaitre la
place imminente occupée dans ce continent par le bloc des Etats
francophones dont le Gabon fait partie. A ce titre, on distingue trois
grandes
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phases du rôle stratégique du continent africain.
La période antérieure à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, la période de la Guerre froide et l'époque
contemporaine.
Dans la première partie de la période, l'Afrique
était perçue comme un « pactole inépuisable » J.
Ki-Zerbo (1978, p. 429-450) de matières premières. Elle
était analysée comme un « réservoir d'hommes »
J-B. Duroselle (1978, p. 53-56) et un ensemble de positions stratégiques
de premier plan pour la liberté des voies de communications ayant des
bases escales à finalités économiques, commerciales et
militaires. Pendant le Second conflit mondial, l'Afrique relevait son
importance militaro-stratégique. Elle se transformait en un lieu refuge
pour ceux qui ont perdu la bataille et en phase de reconquête.
D'ailleurs, Brazzaville fut la capitale de la France libre. Après le
Second conflit mondial, le continent noir deviendra l'atout majeur de la
stratégie occidentale. Pour comprendre tout cela, il conviendrait de
rappeler la conception stratégique du monde dans les années
cinquante. Selon ces derniers, le monde est schématiquement
divisé en deux ensembles. D'une part, la masse continentale ayant
à sa périphérie des appendices allant de la scandinave au
Japon ; d'autre part, les grands blocs terrestres constitués de
l'Afrique et l'Australie.
Dans cette configuration planétaire, l'Afrique
revêt d'offrir un espace continental qui fait défaut ; c'est pour
cela qu'il faut y maintenir une influence très dense. Les
stratèges de l'époque s'appuient sur l'expérience de la
Seconde Guerre mondiale qui élaborait la théorie selon laquelle,
si un conflit a lieu, son théâtre serait européen. Lors des
indépendances, cette conception n'avait pas du tout changé.
L'Afrique continuait à être perçue comme une base de
reconquête. Ainsi, la Guerre froide fit de l'Afrique une des pierres
angulaires de la stratégie indirecte des indépendances. On
comprend alors pourquoi l'Afrique une fois indépendante est dans cette
Guerre froide, l'espace d'affrontement entre les deux grands : Union des
Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et les Etats-Unis.
D'où l'intérêt pour les dirigeants politiques
français de l'époque de maintenir leur influence en Afrique
à travers les accords de coopération militaire. Ils pensaient
d'ailleurs que « Face à la menace générale, l'Afrique
naguère tenait toute son importance du rôle de grand
arrière du théâtre européen qui lui était
d'ailleurs imparti par période. Aujourd'hui, directement menacé,
elle est l'enjeu dont la perte entrainerait la rupture au
bénéfice du monde communiste, de l'équilibre mondial
réalisé depuis 1945». Dans cette note, l'ancienne puissance
coloniale française clarifiait sa position par rapport à
l'Afrique et justifiait ainsi stratégiquement les accords de
défense et d'assistance militaire. Elle identifiait clairement l'ennemie
qui est l'union soviétique. L'URRSS étant paralysée dans
son expansionnisme vers l'Europe du fait « parapluie nucléaire
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américain », exerçait des
velléités vers d'autres régions dont l'Afrique fait
partie. Parmi les multiples facteurs qui conditionnent les décideurs
français dans la politique militaire en Afrique dans les années
soixante, il y a un phénomène majeur qui joue, c'est la
poussée de l'influence soviétique en Afrique. Pour cet Etat aux
frontières interminables, l'éloignement du continent noir
était un argument suffisant. A l'époque du Tsar, deux pays ont
seulement retenu l'attention de la Russie : l'Ethiopie et l'Afrique du Sud.
Après la révolution de 1917, Lénine et ses successeurs
n'avaient pas tourné leurs regards vers ce monde lointain. Sur le plan
diplomatique, les motivations de la France par l'importance que rêvait le
Gabon, désormais membre de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et
présent dans d'autres instances internationales en tant que pays
francophone et se situant dans la zone d'influence française, il pouvait
constituer un appui pour faire passer les décisions françaises
sur les questions internationales.
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