Section 3. Les
problèmes rencontrés dans ces processus
3.1. Obstacles de la
réussite de démobilisation, d'intégration et de
réinsertion des enfants ex soldats
Nous avons constaté ainsi que quatre
facteurs clés entravent un lancement aisé du DDR et affectent les
schémas de la mobilisation : dilemmes sécuritaires au niveau
local entre et au sein des communautés ; résistance des
élites dotées d'un agenda politique ; incitations perverses
destinées aux commandants ; et processus sociaux parmi les anciens
combattants de base, qui se retrouvent ainsi « recyclés » en
tant que rebelles.
-Problèmes de sécurité au
niveau local
Dans la plupart des conflits de l'est du Congo, les conflits
autour de la terre, des moyens de subsistance, de l'identité et du
pouvoir engendrent pour les groupes armés des dilemmes
sécuritaires qui entravent le processus de DDR. En effet, il peut
arriver qu'un groupe armé ne soit disposé à déposer
les armes qu'à condition que ses liens de parenté, et les
commandants doivent consulter les chefs et les autres individus qui jouent un
rôle clé dans l'armement des milices.
-Structures incitatives destinées aux
commandants
Par le passé, l'intégration dans l'armée
et l'obtention d'un grade ont servi à inciter les commandants des
groupes armés à quitter la brousse. Il est toutefois
inquiétant de constater que certains accords de paix, et la politisation
du processus de DDR, ont en réalité encouragé une
mobilisation armée, comme observé lors de la conférence de
Goma de 2008.
Cependant, courant 2013, le gouvernement de Kinshasa a
abandonné l'idée d'une intégration
généralisée des groupes armés et de l'attribution
de postes et de grades aux commandants. Ce changement de stratégie est
notamment imputable aux effets préjudiciables que celle-ci avait sur
l'armée--favorisant notamment l'apparition de « bataillons cadres
» (des bataillons composés exclusivement d'officiers de haut rang
qui n'étaient pas opérationnels et souvent dotés d'une
formation ou d'une instruction limitée). Cependant, depuis qu'il a
abandonné cette politique, il est difficile de savoir ce que le
gouvernement peut proposer aux dirigeants de groupes armés qui sont
encore disposés à déposer leurs armes. De nombreux hauts
commandants et commandants de rang intermédiaire s'attendent à
recevoir des avantages similaires à ceux auxquels ils auraient pu
prétendre par le passé et, par conséquent, ils refusent
les programmes de DDR qui n'offrent pas de tels avantages, ou tentent
secrètement de les entraver.Il est donc essentiel de revoir les mesures
destinées à encourager les commandants à prendre part
à toute future initiative de DDR.
- Résistance des élites politiques
Sans volonté politique des élites, un processus
de DDR est impossible. Dans l'est du Congo, la manipulation politique engendre
une mobilisation armée et, en même temps, dissuade les combattants
d'avoir confiance dans le DDR : les élites exploitent souvent les
craintes xénophobes et se servent des milices pour négocier des
postes au sein des instances politiques. Contrairement aux combattants
individuels, les élites n'ont pas grand-chose à gagner du DDR.
Par le biais d'intermédiaires, tels que des représentants des
autorités coutumières ou des hommes d'affaires, les élites
politiques peuvent investir des capitaux pour mobiliser des anciens combattants
ou leur fournir des armes. Les chefs coutumiers, dont un grand nombre assument
également des fonctions politiques, incarnent d'importants
intérêts ethniques, politiques et économiques.
-Une porte tournante pour les hommes de
troupe
Bien que les thèmes de l'identité sociale et du
statut social aient pour l'instant été largement ignorés
des programmes de DDR, lesquels mettent essentiellement l'accent sur les moyens
de subsistance, ils sont tout aussi importants dans les processus de
démobilisation. Pendant les Guerres du Congo, toute une
génération de jeunes Congolais s'est habituée à une
vie de rebelles.
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