Les activités artisanales et leur impact sur la vie socio-économique des ménages à Kamina.par Freddy MONGA Université de Kamina - Graduate en sciences économiques et de gestion 2019 |
2.3 COURANT DE PENSEEIl existe autant de variantes dans les définitions de l'artisanat (lorsqu'elles existent) et la manière de traiter ce type de secteur économique au travers des entreprises et des hommes qui le composent, qu'il y a de pays. Il n'existe pas une définition de l'artisanat acceptée par tous, cependant il ressort des différents travaux sur l'artisanat que ces entreprises et ces hommes et femmes partagent des caractéristiques et des visions communes. Pour les économistes du 18ème siècle, tels que Adam Smith, François Quesnay...« le travail est source de valeur, mais de quel travail s'agissait-il ?52(*) Ainsi Smith prône l'industrialisation, la division du travail... les physiocrates comme Quesnay, considèrent que c'est l'agriculture » qui est la principale source productrice de valeur, les autres catégories dont l'artisanat font partie de la classe « stérile ». Turgot considère que le cultivateur produit non seulement son salaire mais le « revenu qui sert à salarier toute la classe des artisans et autres stipendiés ». L'histoire est connue ensuite, l'industrialisation, le développement des relations commerciales internationales, la recherche du profit, la spéculation... ont conduit à considérer, pendant de longues années, l'artisanat comme une survivance du passé. Karl Marx, au 19ème siècle, considérait également que le progrès économique était synonyme de grande entreprise mais que contrairement au prolétariat, qui par nature était la classe révolutionnaire, l'artisanat appartenait à la classe « conservatrice » qui cherche à « faire tourner à l'envers la roue de l'histoire ». Cependant, il révèle cette spécificité que l'artisan n'exploite pas le travail d'autrui mais vend le produit de son propre travail. Le travail étant source de valeur, son organisation devient une question majeure d'où la focalisation des économistes sur l'entreprise et plus particulièrement sur la grande entreprise. Durant toute cette période on assistera à la dichotomie entre le travail qui produit et la valeur qu'il produit et sur laquelle il n'a aucun droit. Il faudra attendre les années 1970 avec Ernst Friedrich Schumacher ( à qui l'on doit « Small isbeautiful », signifiant en Anglais, petit est beau ») pour que la petite entreprise retrouve grâce dans les considérations économiques avec, dans les années 1980-1990, les travaux de Pierre-André Julien, au Canada, et Michel Mar Chesnay, en France, qui la définissent comme « une invention des hommes destiné à s'adapter à la complexité d'un environnement largement subi ». en 1982, Christine Jaeger traite directement de l'artisanat dans son ouvrage au titre évocateur : « Artisanat et capitalisme, l'envers de la roue de l'histoire ». Parallèlement aux développements des considérations sur l'entreprise, les théories sur l'entrepreneur évoluent également et les années 2000 verront en France se développer des études et théories sur l'artisan chef d'entreprise et sur l'entreprise artisanale. Un réseau de chercheurs spécialisés sur l'artisanat verra le jour53(*) et produira des éclairages particuliers sur la spécialité économique et sociale de l'artisanat et de l'entreprise artisanale, l'approche théorique peut se schématiser au travers du concept de « potentiel de ressources » développé par Sophie Boutillier54(*) ; et Dimitri Uzunidis55(*) dont les trois piliers sont les connaissances, les ressources financières et les relations sociales. En ce début du 21ème siècle, l'artisan et l'entreprise artisanale intéressent tous les champs de recherche des « sciences économiques et sociales ». Le rôle de l'artisanat, la considération du lien social commence à être mieux connu et reconnu ainsi que celui qu'il tient dans les processus d'innovation. Au travers de ces travaux apparait une idée de l'artisanat assez éloignée de ce qu'on peut imaginer à la lecture des définitions officielles. Nous sommes maintenant dans une vision moderne d'une société humaine tout aussi éloignée d'une société « passéiste, voire folklorique » dans laquelle on situe encore l'artisanat que de celle des spéculateurs et spécialistes de l'économie virtuelle. L'artisan moderne est de plus en plus un homme ou une femme qui a un bon niveau d'études, qui est parfaitement intégré dans la vie locale, qui est sensible à l'innovation et qui a cette particularité de ne pas envisager la croissance de son activité exclusivement par celui du nombre de ses salariés. Son souhait est de pouvoir contrôler son affaire et de pouvoir vivre dans un environnement où il se sent, peut-être de façon illusoire, libre et indépendant. Dans les faits l'artisan gère, consciemment ou non, son développement en fonction de son potentiel de ressources, de son métier et de sa filière professionnelle qu'il met en avant, en insistant sur leur spécificité, et de son environnement institutionnel et normatif. Ces trois facteurs de développement expliquent les limites de la liberté de l'artisan et la grande diversité des situations rencontrées sur le terrain. En fait un autre facteur, peu souvent mis en exergue, caractérise l'artisanat, c'est à la fois le grand nombre d'entreprises et leur grande dispersion géographique. Ce facteur explique en grande partie à lui seul le rôle de l'artisanat dans la stabilité de la société mais également son rôle de tampon en période de crise économique, la fermeture d'une usine qui emploie plusieurs centaines ou milliers de salariés sinistre très rapidement une région entière et la déstabilise socialement et économiquement pour de longues années ; mais la fermeture d'entreprises artisanales passe inaperçu. Si en ce début du 21ème siècle, l'économie virtuelle semble avoir montré ses limites, l'artisanat, tel qu'il se forme actuellement, en représentant, par opposition, l'économie du réel comme moyen d'évolution de la société vers une meilleure prise en compte des personnes et de l'environnement , pourrait être un espoir pour le bien être des générations futures. L'artisanat n'est plus alors une survivance du passé mais l'un des socles de la société et de son évolution, qui du fait de l'élévation du niveau de formation des chefs d'entreprises, les « entreprenants », pour reprendre le terme de l'OHADA, devrait être un acteur incontournable de tout processus d'innovation. De ce fait, le renouvellement, de la représentation professionnelle évoluera également et les élus redonneront à la politique son sens, qui pour l'artisanat était assez bien et universellement explicité dans une loi française connue sous le nom de loi Royer en son article 1 : « Ils (commerce et artisanat) doivent contribuer à l'amélioration de la qualité de la vie, à l'animation de la vie urbaine et rurale et accroitre la compétitivité de l'économie nationale ». * 52 BOUTILLIER S., « Petite entreprise et entrepreneur : fondements théoriques » dans Sophie Boutillier, Michel David, Claude Fournier (sous la direction), Traité de l'artisanat et de la petite entreprise, Educaweb, 2009, P163. * 53 BOUTILLIER S. -FOURNIER C., « une communauté de pratiques singulières : Le club des dirigeants du réseau Artisanat-université » dans M. Arnaud (dir) pédagogie en ligne, méthodes et outils, Educaweb, 2007, P87. * 54 BOUTILLIER S., « Du capital social au potentiel de ressources » dans Cahier du Lab. RII, N°115, 2006. * 55 BOUTILLIER S. -UZUNIDIS D., « Le potentiel de ressources de l'entrepreneur artisan dans le système territorial de production », dans Cahier du Lab.RII, N°127, 2006. |
|