2.3 L'autre façon d'influencer
Après le constat d'une influence limitée, il
convient de s'intéresser aux réponses stratégiques des
Etats membres de l'Union Européenne. Comment la France et l'Allemagne
parviennent-elles à défendre leurs intérêts et que
signifie le terme « reflexe99 » européen? Les
paragraphes suivants décrivent et analysent les diverses
stratégies d'influence mises en place par les deux pays. Pour la partie
française, les réflexions se
97 Ce dernier point pourrait être
contesté par la politique d'ouverture diplomatique lancée par
l'actuel président français : Nicolas Sarkozy.
98 « France is not ready to bow to American demands nor
to submit to the interests to any other country, and will not give away ».
Interview pour le Financial Times, édition du 16 Janvier
1992.
99 Cf. Rapport public du Conseil d'Etat 2007,
jurisprudence et avis de 2006 - L'administration française et
l'Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ?,
2007, EDCE n°58, La Documentation Française, Paris, pp.
334-346.
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basent sur un document officiel récent100
abordant la question de la stratégie européenne. Les
considérations générales qu'il contient trouvent une
résonance toute particulière dans le domaine de la PCC. Ce
rapport relève plusieurs solutions qui s'offrent aux Etats-nations
menacées. Il y est dit par exemple que la France aurait tout
intérêt à anticiper, c'est-à-dire à proposer
et réagir, au tout début du processus de formation des
propositions de la Commission. C'est d'ailleurs dans cette intention que
l'administration française prépare en permanence des analyses
d'impact. Ensuite il s'agirait de bien négocier ses positions. Cela veut
dire principalement savoir s'appuyer sur des alliances diplomatiques et la
société civile. C'est l'idée que les positions
consensuelles ont davantage de chance de convaincre que celles où la
population nationale est divisée. En effet, le rapport note que toute
action doit être conséquente : « l'influence repose aussi sur
la convergence des actions et des positions avec certains de nos partenaires,
avec les milieux concernés et avec les autorités administratives
indépendantes compétentes. »101
On comprend alors le point de vue de Jean-Marie
Paugam102 quand il affirme que les Etats membres doivent en
permanence s'adapter au jeu multilatéral. Il rappelle également
que la France se doit de construire avec les autres pour assurer sa
défense personnelle103 au sein du comité 133. La
perception française du rôle d'un Etat membre dans la politique
commerciale commune est claire. Sylvain Lambert104 avise qu' :
«il [son rôle] n'est pas de remplacer le négociateur
européen mais de nuancer ses arguments, lui rappeler les
priorités et d'indiquer ses propres lignes
rouges105»106. Paugam ajoute qu'une bonne
relation avec la Commission reste indispensable pour imposer son point de vue.
Parallèlement, le lobbying serait d'après lui primordial. A ce
sujet, les groupes d'intérêts auraient tendance à se
focaliser sur leur relation avec Bruxelles. Plus précisément, il
indique que les intérêts offensifs d'un Etat membre seraient
principalement représentés à Bruxelles, alors que ces
intérêts offensifs seraient aussi bien discutés dans la
capitale européenne que dans la capitale nationale. Voilà
peut-être une raison pour laquelle les Etats membres de l'UE sont souvent
perçus comme plutôt conservateurs. L'auteur conclut par la
position conservatrice de l'Europe dans les négociations sur
l'agriculture à l'OMC,
100 Pour la fin de ce paragraphe : Cf. Rapport public du
Conseil d'Etat 2007, jurisprudence et avis de 2006 - L'administration
française et l'Union européenne : quelles influences ? Quelles
stratégies ?, 2007, EDCE n°58, La Documentation
Française, Paris, 432 p.
101 Cf. Ibid. p. 317.
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