I.2.1.3. Le modèle « Stakeholder » :
une redéfinition des rapports entre économie et
société
Le terme de stakeholder a
été employé pour la première fois en 1963 au sein
du Stanford Research Institute. Sa création provient d'une
volonté délibérée de jouer avec le terme de
stockholder (qui désigne l'actionnaire) afin d'indiquer que
d'autres parties ont un intérêt (stake) dans
l'entreprise. Le terme est popularisé par Edward
Freeman qui lui donne un sens très large : «Une partie
prenante est un individu ou un groupe d'individus qui peut affecter ou
être affecté par la réalisation des objectifs
organisationnels».39
Les recherches théoriques autours de
Business Ethics se développaient dès
les années 1960 jusqu'à la problématique des stakeholders.
Un grand nombre de théoriciens ont pris part dans ce débat, afin
d'identifier les attributs des stakeholders et de déterminer les motifs
de leur action. Dans le cadre des théories libérales, nous
pouvons distinguer d'une part la responsabilité de l'entreprise
dominée par les relations avec ses actionnaires mais aussi la
responsabilité de l'entreprise dépendante à l'égard
de ses ressources (acteurs externes, fournisseurs de ressources pour son
activité).40 Cette théorie de la dépendance
permet d'introduire la théorie des parties prenantes qui, en
matière de responsabilité sociale, est omniprésente.
Freeman a également introduit des
concurrents sur la liste des parties prenantes d'une société, une
pratique qui était jusqu'alors ignorée. Certains ont réagi
dans un style propre à Freeman: « Pour nous, la mission
première des entreprises, dans notre société, est de se
livrer une concurrence sans merci ».41
Avant d'entamer une délibération sur qui sont en
fait toutes ces parties prenantes, nous devons constater que leur liste n'est
ni unique, ni définitive. Cela n'est pas étonnant, si l'on
tient
compte du nombre et de la diversité des acteurs qui
oeuvrent dans le domaine de l'économie. Nous allons nous servir de la
figure ci-dessous pour illustrer l'interdépendance, la complexité
et le grand nombre d'acteurs qui créent cet éventail de
stakeholders. 42
38Robert MARKS, «Milton Friedman», AGSM
Magasin, Vol. 2, 13 décembre 2006, p38
39 S. Mercier, L'éthique dans les
entreprises, Paris, La Découverte, 2004, p.10.
40 Vérane Peyron, Yvon Pesqueux, Analyse
du livre de Michel CAPRON et Françoise QUAIREL-LANOIZELÉE
«Mythes et réalités de l'entreprise responsable. Acteurs,
enjeux, stratégies», p. 12.
41 G. Stalk, R. Lachenauer, « Jouer pour gagner
», Perspectives, no. 214, février 2005, p6.
42 A.-S. Binninger, I. Robert, «La relation
consommateur - développement durable: une nouvelle composante dans le
cadre de la responsabilité sociale des entreprises», p30.
43 Archie CARROLL, «The Pyramid of Corporate
Social Responsibility: Toward the Moral Management of Organizational
Stakeholders», Business Horizon, July- August 1991, pp. 39-48.
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Figure 1. Illustration de l'interdépendance
et de la complexité entre les parties prenantes de l'entreprise
:
Source: Archie CARROLL, «The Pyramid of
Corporate Social Responsibility: Toward the Moral Management of Organizational
Stakeholders», Business Horizon, July- August 1991, p. 39
Les protagonistes du concept de la RSE partagent l'idée
que ce qui est bon pour l'entreprise est bon pour la société.
Archie Carroll, qui est l'un des auteurs les plus connus de ce courant, a
classé la responsabilité selon sa nature. Il a construit le
modèle pyramidal de la RSE en quatre niveaux:
1er niveau : la responsabilité
économique;
2ème niveau : la responsabilité
légale;
3ème ni eau : la responsabilité
éthique;
4ème niveau : la responsabilité
philanthropique ou discrétionnaire.
Le modèle de Carroll a été affiné
par Wood en 1991. Chacune des formes de responsabilité proposée
par Carroll peut être déclinée selon trois niveaux
définis par Wood,43 Comme repris dans le tableau en annexe.
(Voir Annexe N°2).
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La plupart des auteurs constatent que l'approche de la RSE par
les théories libérales et les théories des parties
prenantes suppose l'obtention d'une convergence entre les nombreux acteurs
ayant des intérêts différents. Le fait que les
intérêts des acteurs soient différents n'étonne
personne. La différence représente une suite naturelle des
choses. Mais alors où se situe le problème ? Justement dans la
manière d'harmoniser les intérêts des parties prenantes.
Par ailleurs, le tableau ci-après présente de façon
synthétique les attentes des parties prenantes. Il permet de nous
éclairer sur les attentes des trois piliers de la RSE.44
(Voir tableau en annexe N°3).
Freeman et ses collègues
décrivent la gestion des parties prenantes comme le problème
à résoudre afin de créer des richesses.
La valeur économique est créée par des
gens qui s'associent volontairement et qui coopèrent à
l'amélioration des conditions de vie de tous. Ils pensent que les
gestionnaires doivent développer des relations, inspirer leurs parties
prenantes et créer des communautés où tout le monde va
tâcher de donner le meilleur de soi afin de livrer la valeur promise par
la compagnie.45
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