PARTIE I : LE TRAVAIL PRÉCAIRE DES
AUXILIAIRES DE VIE SOCIALE
A) Le salaire
Les auxiliaires de vie sociale (AVS) interrogées
travaillent pour un service public territorial (2 sur 6), par une association
à but non lucratif (3 sur 6) ou par une entreprise privée (1 sur
6). Ces différentes structures sont prestataires, c'est-à-dire
qu'elles vendent un service à la personne dépendante. Dans cette
optique, le salaire des AVS dépend du nombre d'heures effectuées,
mais aussi d'un cheminement politique et administratif complexe entre plusieurs
acteurs : de l'employeur (association à but non lucratif ou service
public territorial) aux administrations locales chargées de fixer des
tarifs horaires de remboursement et celles chargées de définir
les besoins des personnes dépendantes (Weber, Trabut et Billaud,
2014).
Une personne âgée souhaitant
bénéficier d'un accompagnement à domicile peut
bénéficier d'aides sociales pour payer en totalité ou en
partie les heures d'intervention des auxiliaires de vie sociale. Ces aides sont
versées par le conseil départemental, par l'assurance-maladie ou
les caisses retraites (ces deux derniers cas restant les plus rares) de la
personne âgée. En France, les conseils départementaux
peuvent attribuer aux personnes âgées dépendantes
l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA) en fonction des besoins et
des ressources financières de la personne dépendante. On compte
en décembre 2017, 768 837 bénéficiaires de l'APA à
domicile9. Pour définir les besoins de la personne
âgée, une équipe médico-sociale (EMS) intervient
pour évaluer son niveau de dépendance grâce à un
outil qui se nomme la grille Aggir. Il existe six degrés de
dépendance, correspondant à six « groupes iso-ressources
» (Gir). Les Gir sont fixés de 1 à 6, du moins autonome au
plus autonome. « Seules les personnes appartenant aux Gir 1 à 4
peuvent demander l'Apa, c'est-à-dire l'allocation personnalisée
d'autonomie. Les personnes qui relèvent des Gir 5 et 6 peuvent
bénéficier d'autres types d'aides financières de leur
département et/ou de leur caisse de retraite (sous conditions de
ressources). »10 . Par la suite, si la personne
âgée répond aux critères d'attribution de l'APA, un
dossier est constitué en direction du Conseil départemental. Pour
mettre en place les heures d'interventions des AVS, un évaluateur du
conseil général va se déplacer au domicile de la personne
dépendante pour définir un plan d'aide fixant le tarif horaire
pris en charge par le
9 DREES, enquêtes aides sociales série
longue < 2000-2017
10 « Les grilles utilisées par les professionnels :
Aggir et les Gir », maisons-de-retraite. Web. 2015
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département. Le reste à financer doit être
payé par la personne âgée avec ses propres revenus.
Après que l'évaluateur du Conseil départemental et la
personne âgée (ou la famille de la personne âgée) se
soient accordés sur un devis et sur le choix d'une structure de service
à la personne, l'évaluateur prend contact avec l'organisme en
question. Par conséquent, la directrice ou une responsable de secteur de
la structure de « service à la personne » rend visite à
la personne dépendante afin de créer un planning
d'intervention.
Sur les 5 personnes âgées interviewées, 4
sont bénéficiaires de l'APA. Sur les bénéficiaires,
3 souhaiteraient avoir droit à davantage d'heures prises en charge par
le département.
« J'ai l'aide du conseil départemental. L'APA.
J'ai droit à 3h par jour ce n'est pas assez, j'aimerais avoir davantage
d'heures pour l'entretien de mon appartement et pour pouvoir sortir de temps en
temps avec mes auxiliaires. »
(Personne âgée, 70 ans, bénéficiaire
de l'APF association des paralysés de France)
« On me paie une partie de l'heure, j'ai le droit
à quelques heures. Mais j'aimerais avoir plus, surtout des services le
weekend. Mais on en a décidé ainsi et puis je ne peux pas les
payer. » (Personne âgée, 77 ans,
bénéficiaire de l'aide à domicile du Haut-Médoc
ADHM)
« L'évaluateur du département estime ce
dont tu as besoin et il te donne. Mais ils sont très radins [...] En
général ils te donnent 3h par jour, mais pour le matin, midi et
soir. Donc les heures sont entrecoupées. Et si tu demandes plus, il faut
toujours justifier encore plus. »
(Personne âgée, 72 ans, bénéficiaire
de l'APF)
En effet, dans le but de réduire les dépenses
publiques, les interventions prévues par les plans d'aide des
départements sont très courtes et éparpillées.
Cette baisse des montants de prise en charge par le Département de l'APA
sont parfois très inférieurs aux coûts des interventions
des structures. Et ce phénomène ne va pas en décroissant
car les structures d'aides à domicile subissent une augmentation de
charges financières.
C'est donc dans ce contexte très délicat que
sont définis le nombre d'heures de travail et le salaire d'une
auxiliaire de vie sociale. Les employées sont payées 9,2 euros
net de l'heure. Selon l'enquête Emploie de l'Insee de 2014, 47% des aides
à domiciles à temps complet ont un salaire mensuel net de moins
de 1250e. Ce salaire à peine équivalent au Smic est
expliqué par ce contrat de travail indirect entre la personne
âgée et l'auxiliaire, tous deux dépendant d'une
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grande spirale économique et politique. Les 6 auxiliaires
de vie sociales interviewées réclament à
l'unanimité une revalorisation de leurs salaires.
« Je touche le SMIC [...] c'est pas assez payé,
c'est pas assez payé, c'est pas assez payé ! »
(Auxiliaire de vie sociale (AVS), 21 ans, APF)
« Je pense que travail mériterait d'être
mieux payé. Surtout que ça fait 18 ans que je fais ce
métier et il y a pas eu d'augmentation de salaire. Il y a la petite
augmentation légale mais cela reste minime. »
(AVS, 54 ans, ADOMI)
« Pour tout ce que l'on peut faire en une heure
seulement, on devrait être plus payé ! »
(AVS, 54 ans, CCAS de Lormont)
« On est à peine au SMIC pour 35h. » «
Non pas du tout. On est pas assez payé à l'heure. »
(AVS, 24 ans, ADHAP)
«Ce mois-ci, j'ai touché 1300e [...]
Non, j'aimerais être entre 1800 et 2000 € parce qu'on ne fait pas
seulement auxiliaire de vie on est kiné, psy, aide-soignante. On exerce
pas un métier mais plusieurs à la fois. On doit être mieux
payé »
(AVS, 23 ans, ADHM)
« Notre salaire, c'est une honte ! Une honte pour les
professions du social. »
(AVS, 27 ans, APF)
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