La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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Mémoire pour obtenir le diplôme de
: MASTER 2
RECHERCHE Spécialité DROIT ET SECURITE DES
ACTIVITES MARITIMES ET OCEANIQUES Délivré
par UNIVERSITE DE NANTES Cohabilité par
: ECOLE NATIONALE DE SECURITE ET D'ADMINISTRATION DE LA MER-
ENSAM Présenté par : Bruno
MORIN Administrateur des Affaires Maritimes
En Europe,
la traçabilité des produits de la
mer
permet-elle de contribuer à lutter
contre les pêches illicites ?
Soutenance le 7 mai 2015
Composition du jury :
Patrick CHAUMETTE Professeur, Docteur en droit
social
Directeur du Centre de Droit Maritime et Océanique
Université de Nantes
Cédric LEBOEUF Docteur en droit,
chercheur post-doctorant, université de Nantes
Gaëlle CHAIGNEAU Administrateur de
1ère classe des Affaires Maritimes Docteur en
géographie, université de Nantes
Morgan BOURHIS
|
Administrateur Principal des Affaires Maritimes
|
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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Résumé :
92 Millions de tonnes de poissons sont pêchés
dans les océans en une année, dont 30 % de manière
illégale selon certaines estimations. L'Organisation des Nations unies
et les pays industrialisés, dont l'Europe, ont décidé de
lutter activement contre ces pêches illicites, non
déclarées ou non règlementées. Parmi les moyens
Européen mis en place, la certification de l'origine permet d'attester
que les produits commercialisés sont légaux. Cependant la
complexité du système, tant sur la mondialisation du
marché que sur l'aspect juridique rend difficile les inspections. Ainsi,
parallèlement à la traçabilité sanitaire, une
nouvelle forme de traçabilité externe, permettant de remonter
immédiatement à l'origine d'un lot a été mis en
place en Europe. La mise en oeuvre de ce nouveau mode de surveillance du
marché est en phase de déploiement en France et rencontre des
problématiques qui devront être surmontées. Mais face
à la difficulté de mettre en place ce nouveau système, et
devant la mondialisation de ce commerce, la traçabilité externe
peut-elle permettre de lutter efficacement contre ces pêches illicites
?
Mots clés : pêche illégale - certification -
origine - traçabilité
Abstract
92 million fish are caught in the oceans in one year. 30% are
illegal according some estimates. United Nations Organization and
industrialized countries (as Europe) have decided to fight actively against
fisheries illicit declared or non-regulated. Among the European capacities, the
certification of origin provides to certify that the products are legal
.However, the complexity of the current system both on the globalization of the
market and the legal aspect complicates inspections. Thus, alongside the health
tracking, a new form of external traceability, to go immediately back to the
origin of a lot has been in place in Europe. The implementation of this new
mode of market surveillance is in phase of deployment in France and encounter
issues that must be overcome. But faced with the difficulty of implementing
this new system, and the globalization of trade, can external traceability
allow to effectively combat these illegal fisheries?
Key words: illegal fishing - certification - origin -
traceability
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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Remerciements :
Je tiens avant tout à remercier l'Administrateur de
1ère classe des Affaires Maritimes et docteur en
géographie Gaëlle CHAIGNEAU pour son aide et l'apport de son
expérience dans les diverses réflexions qui m'ont permis la
rédaction de ce mémoire. Son exigence m'a grandement
stimulé tant pour reprendre mes études que pour les
réussir.
Je souhaite également remercier mon Directeur de
Mémoire, le docteur en droit Cédric LEBOEUF, pour le temps qu'il
a consacré à m'apporter les outils méthodologiques
indispensables à la conduite de cette recherche.
Je remercie en particulier l'Administrateur en Chef de
2ème classe des Affaires Maritimes Gaël HOLLIER , de la
Direction interrégionale de la Mer de Nantes, pour toutes les
informations fournies et pour les longs moments d'échanges où il
a pu me faire profiter de son expérience et de ses connaissances.
Merci également à l'Administrateur de
2ème classe des Affaires Maritimes Frédéric
SCHMITT de la Direction des Pêches Maritime et de l'Aquaculture et
à jean BOUDEAU, inspecteur de la Concurrence, de la Consommation et de
la Répression des fraudes, de la Direction Départementale de la
Protection des Populations de Vendée, pour tous les documents et
analyses qu'ils ont eu la gentillesse de me communiquer et commenter.
Je suis également reconnaissant envers l'association
OCEANA et notamment Nicolas FOURNIER et Vanya VULPERHORST qui m'ont
accordé du temps dans leurs bureaux Bruxellois pour m'aider dans mes
recherches.
Enfin un grand merci à ma femme et mes enfants pour
m'avoir encouragé et supporté durant tous ces moments de vie
étudiante.
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La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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Abréviations et acronymes
INN : Illicite, Non déclaré,
Non réglementé
TAC : Taux Admissible de Capture
RMD : Rendement Maximum Durable
FAO: Food and Agriculture Organization
OCDE : Organisation de Coopération et
de Développement Economique
TIDM : Tribunal International du Droit de la
Mer
ONU : Organisation des nations Unies
ORGP : Organisation Régionale de
Gestion des Pêches
UE : Union Européenne
EM : Etat Membre
CTOI : Commission des Thons de l'Océan
Indien
CICTA : Commission internationale pour la
conservation des thonidés de l'Atlantique
BOL: Barcode Of Life
FDA: Food and Drug Administration
IRSN : institut de Radioprotection et de
Sureté Nucléaire
OAV : Office Alimentaire et
Vétérinaire
HACCP: Hazard Analysis Critical Control
Point
DPMA : Direction des Pêches Maritimes
et de l'Aquaculture
DGCCRF : Direction Générale de
la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des
Fraudes
DGAL : Direction Générale de
l'ALimentation
RASSF: Rapid Alert System for Food and
Feed
CNUDM: Convention des Nations Unies sur le
Droit de la Mer
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permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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Table des matières :
Introduction 6
I - Lutter contre les pêches illicites, une priorité
Européenne 14
A - Les moyens européens pour lutter contre ces pratiques
illégales 14
1 - La Politique Commune de la Pêche et la
l'éradication de la pêche INN 14
2 - Les moyens européens déployés pour
lutter contre ces pêches pirates 18
3 - La fraude américaine peut-elle exister en Europe ?
23
B - Identifier les produits de la mer d'origine INN, un enjeu
important pour l'UE 25
1 - Quels sont les enjeux dans cette lutte contre la pêche
INN ? 25
2 - Solutions techniques et juridiques mises en place par
l'Europe? 27
3 - Les données d'origine d'un produit sont-elles
suffisantes ? 29
4 - Les limites juridiques du système existant 32
5 - La certification sanitaire d'un produit peut-elle servir
à rechercher son origine ?34
II - la traçabilité des produits de la mer, du
bon état sanitaire à la bonne origine des lots,
exemple de la France 37
A - Le marché des produits de la mer, d'une
traçabilité séquentielle à une
traçabilité de
contrôle 37
1 - Deux traçabilités pour deux finalités
différentes 37
2 -La mise en place complexe de la traçabilité
externe 40
3 - la responsabilité de l'Etat Membre, le cas de la
France 42
B - Certifier l'origine d'un produit, les responsabilités
de chacun 46
1 - Les portages de responsabilité des différents
opérateurs du marché 46
2 - Les limites de la responsabilité des opérateurs
50
3 - La défaillance de la traçabilité
externe, un risque économique réel 52
Conclusion - Lutter contre la pêche illicite en se
servant de la traçabilité, une utopiste
réalité 55
Bibliographie 56
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Introduction :
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« La pêche en mer est libre, car il est
impossible d'en épuiser les richesses » écrivait en
1609 le juriste Grotius, dans son livre Mare liberum, texte de
référence du droit maritime international proclamant le fait que
les océans étaient des territoires internationaux libres d'usage
pour toutes les nations. Cette citation, maintes fois reprise, était
basée sur la connaissance scientifique du monde de l'époque, avec
une vision inépuisable des ressources halieutiques dans un univers
où la théologie apportait des réponses à
l'incompréhension des mystères de la nature. Cependant ce
postulat fut mis à mal au XXème siècle lorsque les hommes
développèrent la pêche industrielle et se mirent à
exploiter l'intégralité des océans. Ce siècle de
développement des transports maritimes, de l'extraction sous-marine et
de l'exploitation mondiale des stocks halieutiques, même les plus
éloignés, répondait à la base aux besoins
alimentaires, voire cosmétiques, de l'expansion démographique
galopante de la planète.
Durant ce siècle exceptionnel de découvertes et
d'inventions, l'exploitation des ressources des océans est devenue un
enjeu de pouvoir et de puissance des Etats et des sociétés. Ainsi
certaines nations ont déployé des flottes de plus en plus
importantes afin de pêcher dans des endroits jusqu'alors inaccessibles,
dans des conditions pouvant être hostiles, telles les eaux poissonneuses
des îles australes de Kerguelen, Sandwich, Bouver ou Macquarie.
Jusque dans les années 1980, la production halieutique
n'avait qu'un seul objectif, la recherche de la pêche miraculeuse,
prélevant ainsi le plus grand nombre possible de poissons sans
s'imaginer que ce productivisme, cette surexploitation de la nature, allait
générer un effondrement de certains stocks. Même si la
pêche existe depuis la nuit des temps, celle-ci a considérablement
changé depuis une centaine d'années, depuis que les ressources
halieutiques ont apporté une chose supplémentaire à la
notion de nutrition, la notion de profit. En effet, outre l'aspect purement
alimentaire qui, dans une certaine limite, pourrait excuser un comportement de
prédateur, la pêche mondiale a développé un
commerce, pouvant générer énormément d'argent,
autour de cette activité. Certaines espèces halieutiques ont
même été tellement valorisées que des
marchés, à l'identique de marché financiers, ont
été créés comme ce fut le cas pour le thon rouge
sur le marché de
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Tokyo où les prix de vente de cette espèce ont
atteint des records allant jusqu'à 6 000 euros du kilo1.
D'autres espèces ont été également
surexploitées à des fins de commerce de masse comme ce fut le cas
du cabillaud de l'atlantique, du thon blanc, ou encore de la légine et
de beaucoup d'autres espèces. Les quantités de production sont
passées de 20 millions de tonnes de production mondiale en 1950 à
92 millions en 20062, soit une multiplication par presque 5 de ces
captures alors que la population mondiale a été multipliée
par 2,5 passant de 2,52 milliards à 6,46 milliards d'habitants en 2005.
La croissance des captures de poissons a donc évoluée deux fois
plus vite que la population du globe, ce qui s'explique par deux facteurs
principaux, l'amélioration des méthodes de conservation de cette
denrée alimentaire qui a permis de pouvoir les transporter et les
commercer sur des marchés éloignés des zones
côtières, et la valorisation de ces produits en faisant dans
certains cas de la consommation d'espèces, comme le thon rouge, le
saumon ou l'anguille, un met de luxe et donc convoité.
Malgré plusieurs signaux alarmants concernant la
destruction de certaines espèces, comme ce fut le cas pour la
pêche baleinière où une convention internationale fut mise
en place en 1946 pour encadrer cette pêcherie, la première
réelle prise de conscience de la surexploitation des océans fut
actée en 1958 avec la convention sur la pêche et la conservation
des ressources biologiques de la mer signée à Genève.
Cependant, il a fallu attendre les années 80, pour que
les Etats s'accordent sur le fait qu'il était réellement
nécessaire de mettre en place des mesures de gestion mondiales des mers
et de limiter ou réguler les captures de ressources halieutiques. La
convention des Nations Unies pour le Droit de la Mer, signée à
Montégo Bay en 1982 mit en place, entre autre, le système de
gestion actuelle de ces exploitations de ressources basé sur des notions
de taux admissibles de capture, quotité maximum que devrait
prélever, ou laisser prélever, un Etat côtier d'une
espèce pour ne pas la surexploiter et la conduire à son
extinction partant du fait que même si les poissons sont des res nullius,
le devenir de l'humanité allait dépendre des océans et
qu'il fallait s'entendre pour pérenniser ces ressources et
déterminer de réelles conditions de gestion de ces
espèces.
1 : Le 5 janvier 2013, un thon de 222 kilos a été
vendu 1,38 million d'euros sur le marché au poisson de Tsukiji au
Japon.
2 : Source : FAO fisheries - The State of World Fisheries and
Aquaculture, 2008 (
www.fao.org)
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En 1995, la convention sur les stocks migrateurs, dite de New
York, entérina l'existence des organisations régionales de
gestion des pêches en leur octroyant la possibilité de
gérer les stocks chevauchants et les espèces migratrices afin
d'éviter la surexploitation de ce stock.
La même année, la Food and Agriculture
Organization, de l'Organisation des Nations Unies mit en place un code de bonne
conduite pour une pêche responsable.
Cette prise de conscience internationale de la
nécessité de préserver les océans et d'organiser
une exploitation pérenne, a débouché sur la
création de nouveaux concepts comme le développement durable et
le rendement maximum durable qui seront explicités dans ce
mémoire.
Malheureusement, comme toute activité
générant des profits, le développement de la pêche
industrielle a également vu apparaitre des activités de
pêche ne respectant pas ces principes de bonne gestion et
s'affranchissant de toute idée de préserver l'avenir des
ressources marines en ne pensant qu'au profit réalisé sur
l'instant, au détriment des générations futures qui seront
dépendantes des protéines issues des océans.
Ce type de pêche frauduleuse se décline en trois
types de mode opératoire, la pêche Illicite, pratiquée dans
des zones sous souveraineté d'un état sans son accord ou sous une
zone de gestion d'une ORGP sans respecter ses règles, la pêche Non
déclarée, s'affranchissant de toutes règles
déclaratives de gestion des stocks et la pêche Non
règlementée, réalisée par des navires apatrides ou
dont l'état du pavillon ne met pas en place de règlementation
alors que cela s'avère nécessaire. Cette pêche dite
Illicite, Non déclarée et Non réglementée, ou INN,
est devenu un fléau pour les océans. Un rapport de l'Organisation
de Coopération et Développement Economique (OCDE), paru en 2005,
estime que la pêche INN représente 30 pour cent des captures
totales dans certaines pêcheries importantes3. D'après
ce rapport, les facteurs institutionnels incitant à pratiquer de telles
pêches pirates sont : la recherche de chiffre d'affaires et de
réduction de coûts sociaux, les lacunes des dispositifs juridiques
internationaux, la mise en application insuffisante des règlements
nationaux et internationaux, l'existence de paradis fiscaux dans des pays non
coopérants, la médiocrité des conditions
économiques et sociales de certains Etats, et de façon
générale l'absence de moralité de ces fraudeurs.
Des systèmes pour lutter contre cette pêche
illégale ont été initiés par la FAO, les ORGP et
l'Union Européenne, première importatrice de produits de la mer
dans le monde. Ces moyens de lutte, allant du contrôle in situ par le
déploiement de moyens hauturiers de
3 : source OCDE - Pourquoi la pêche pirate perdure : les
ressorts économiques de la pêche INN - 2005 (
www.ocde.org)
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contrôle ou par l'observation satellite comme le fait la
France dans ses eaux australes, au contrôle au débarquement et
à la certification de l'origine des captures lors d'échanges
commerciaux. L'Europe a lancé une vaste lutte contre, aussi bien la
pêche INN , que sa commercialisation sur son territoire, se dotant
d'outils juridiques élaborés et développant la
coopération tant au sein de l'Union qu'avec les Etats tiers importateurs
de produits de la mer. De vastes campagnes ont été mises en
place, telle les plans de déploiement conjoint en
Méditerranée où l'ensemble des Etats Membres
déploient des navires de contrôle lors de la campagne de
pêche au Thon rouge et contrôlent, sous l'égide de l'ORGP
concernée, l`ensemble des navires pêchant cette espèce,
quel que soit leur pavillon.
Outre ce déploiement de moyens sur les zones de
pêche, la recherche de la bonne origine des produits de la mer est
devenue une des solutions plébiscitée par l'ensemble des Etats
comme moyens de lutte efficace contre ces pêches INN.
Ainsi, tant l'OCDE dans son rapport de 2005 que l'union
Européenne dans plusieurs règlements et la FAO, via une directive
de février 2014, ont mis en avant que la méthode la plus efficace
serait d'être capable de tracer tous les produits mis sur le
marché et de déterminer la zone, la date et le navire qui a
capturé l'espèce commercialisée.
La détermination et la possibilité de
vérifier la véracité d'un affichage d'origine
s'avère donc être une méthode que l'ensemble des acteurs,
tant étatiques que commerciaux, voudraient pouvoir développer.
Cependant, la problématique de pouvoir vérifier des
éléments de certification sans enfreindre la souveraineté
ou les droits souverains d'un Etat côtier s'avère complexe, car si
cet Etat ne coopère pas avec les autres Etats, nul ne peut lui imposer
d'autoriser une quelconque vérification. Cette analyse a
récemment été confirmée par le Tribunal
International du Droit de la Mer (TIDM) suite à une demande d'avis
consultatif de la Commission sous régionale des pêches concernant
les obligations de l'Etat du pavillon en cas de pêche illicite , non
déclarée et non réglementée4.
La seule solution étant de faire pression sur ces Etats
non coopérants en essayant de réduire le chiffre d'affaires des
navires de ces Etats pratiquant ces pêches illicites ou en augmentant
significativement leurs charges d'exploitation. Là encore, l'OCDE
préconise des sanctions fortes, allant de l'interdiction d'importation
à la mise en place de sanctions sévères, notamment la
prison, la confiscation des navires et des captures, en passant par
l'éradication des paradis fiscaux.
4 : Source : TIDM - Demande d'avis consultatif soumise par la
commission sous régionale des pêches - 29 novembre 2013 (
www.itlos.org)
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Finalement, cela démontre que tant que les
opérations de pêches illicites, non déclarées et non
réglementées resteront rentables, il sera extrêmement
difficile de les supprimer.
Cependant être en capacité de détecter une
fraude sur un lot vendu et de pouvoir trouver et sanctionner le commettant ne
peut passer que par une phase de détermination de l'origine du produit
vendu.
Cette méthode de traçage de l'origine de la
chose vendue est dénommée traçabilité. Ce concept,
essentiellement utilisé jusqu'à récemment à des
fins de sécurité alimentaire, parait devenir un
élément clé de la sécurité des stocks
halieutiques.
Depuis l`antiquité, la traçabilité,
qu'elle soit commerciale ou sanitaire, a toujours été un
élément essentiel du commerce des animaux. Du marquage
indélébile au fer rouge, comme imposé par le code
d'Hammourabi en Mésopotamie il y a 3800 ans, aux règles
sanitaires du Codex Alimentarus imposées de nos jours sur le plan
international, en passant par le marquage et les certificats mis en place entre
la XIV et XIX siècle pour lutter contre les épizooties ou encore
l'arrêt du conseil du Roi de France du 16 juillet 1784 pour lutter contre
les maladies contagieuses des animaux, l'existence de risque a toujours
incité les dirigeants à prendre des mesures de prévention
et de surveillance, ce que nous appellerions aujourd'hui l'analyse de
risque.
Dans sa notion internationale, la traçabilité
des produits s'est particulièrement développée au
XXème siècle, suite à l'internationalisation des
échanges et du commerce, afin de répondre dans un premier temps
au modèle Fordiste de production de masse. Ce mode de production,
relancé par les besoins de reconstruction d'après-guerre, mit sur
le commerce des volumes de produits de plus en plus considérables sur
l'ensemble de la planète.
Afin d'obtenir la confiance des acheteurs et du
système, il fallut maitriser la parfaite et immédiate
identification des objets de transaction. Avec ces nouveaux marchés
mondialisés, l'échelle de risque change également, si bien
que des possibilités de produire des erreurs en série ou de
fraudes à grande échelle deviennent des réalités et
il s'avère impératif d'être en capacité de retrouver
facilement la série d'origine de ces produits ou de pouvoir retrouver
leur destination pour éventuellement les retirer du marché.
La traçabilité mise en place fut
déclinée en trois approches distinctes, la
traçabilité ascendante, descendante et en amont, l'ensemble
étant la traçabilité de l'entreprise5.
5 : Source : Lee Hong Tnah - la traçabilité
géographique, Ed Blais P. 190 à 198
La traçabilité des produits de la mer
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La traçabilité ascendante est la capacité
de pouvoir retrouver l'ensemble du processus de commercialisation et
d'intervenants ayant manipulé ce produit, afin de remonter, en passant
par chaque stade, à son origine.
La traçabilité descendante qui se
révèle être la prise en charge par un intermédiaire
du produit et une identification du lot, engage ainsi la responsabilité
de cet intermédiaire du marché sur la qualité du
produit.
La traçabilité en amont désigne les
procédures et outils mis en place pour pouvoir retrouver un produit et
éventuellement procéder à un retrait d'urgence du
marché.
On peut ainsi se rendre compte que finalement la certification
sanitaire est un concept ancien dont l'esprit est de protéger les
populations contre des risques sanitaires.
Cependant, la traçabilité, telle que nous la
concevons aujourd'hui, est beaucoup plus qu'une certification de la chose
vendue, elle permet de connaitre toutes les phases de manipulation entre sa
genèse et sa fin. Cette approche a évolué dans un monde ou
la communication entre les gens, entre les peuples à grandement
changé et où le consommateur veut connaitre ce qu'il mange,
souvent dans un esprit de doute ou de suspicion de consommer un produit
à risque.
« La traçabilité répond ainsi
à une fulgurante ascension de nos peurs et de nos angoisses dans un
univers de risques ». Cette analyse, écrite par Philppe
Pédrot6, directeur du Centre d'Etudes et de Recherches
Appliquées aux Nouvelles Technologies, reflète parfaitement le
sentiment que bon nombre de consommateurs ressentent face à une
quantité et un choix important de denrées dont l'origine est
affichée mais dont les fraudes fréquentes et
médiatisées laissent à penser qu'il est possible que la
chose achetée ne soit pas ce qu'elle devrait être.
Toutes les règles en matière de
traçabilité sont déterminées par des normes et des
organismes de contrôle nationaux ou internationaux7 et sont
souvent amenées à évoluer afin de suivre les
progrès techniques et scientifiques du marché.
Lorsqu'un produit a une genèse tellurique, les
méthodes de traçabilité existantes peuvent donc permettre
de trouver, en remontant par la traçabilité ascendante chaque
stade de la vie du produit, l'origine de celui-ci. En cas de fraude
avérée, une rupture de la traçabilité permettra aux
services d'enquête d'identifier le responsable de cette fraude car il ne
sera pas en capacité de prouver l'origine de la chose achetée. En
effet, même dans le cadre de commerces internationaux, il est possible de
vérifier physiquement une production de
6 : Source : Philippe PEDROT - Traçabilité et
responsabilité - ed. Economica (2003) P.IX
7 : Source : Union Européenne, livre blanc sur la
sécurité alimentaire, 2009, P.20
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produits car, outre la vérification documentaire, un
inspecteur pourra se rendre sur la zone de production et établir si
celle-ci existe ou pas et si elle respecte les critères
règlementaires établis. Notre bonne connaissance de l`ensemble
des terres de notre planète permet ainsi de pouvoir s'assurer que la
production annoncée par les données de traçabilité
existe. Par exemple, la viande ovine, consommée en France pourra venir
d'élevages Argentins ou Néo calédoniens et pourra
être contrôlée à tous les stades de transformation,
même lors de l'élevage. Ainsi, tous les aliments, issus du mode de
production agricole, pourront, certes parfois avec difficultés,
être tracés.
Ce système peut arriver à fonctionner car il est
basé sur deux éléments clés, un endroit
géographique de productions vérifiable physiquement et une
production quantitative issue de l'élevage ou de cultures quantifiables.
En effet, un producteur ou un éleveur ne pourra pas dépasser un
niveau de production par hectare ou de pâturage, ce qui permet de
déterminer si ce qu'il commerce correspond à ses capacités
de production.
Mais lorsque l'un de ses deux paramètres n'est plus
vérifiable, ou est inexistant, la vérification devient plus
difficile et approximative. En effet, un producteur dont il s'avère
impossible de connaitre réellement sa surface de production peut mettre
sur le commerce autant de produits qu'il le désire, même d'origine
frauduleuse, puisqu'il ne sera pas possible de déterminer si la
quantité de produits vendue est en adéquation avec la
quantité produite. Dans le même état d'esprit, s'il est
impossible de vérifier la véracité de la zone de
production, la traçabilité sera donc d'une efficacité
très limitée.
De nos jours, cette sécurité alimentaire et
sanitaire est mondialisée car il n'existe pratiquement plus d'endroit
terrestre de la planète qui ne puisse répondre aux
critères de traçabilité imposés sur le plan
international, dès lors bien sûr que ces produits soient
commercés avec d'autres Etats.
Depuis le début des années 2000, une nouvelle
forme émergente de traçabilité a vu le jour avec une
finalité différente de celle que nous connaissions, ce fut la
mise en place de la traçabilité des produits de la mer, pas sur
un plan sanitaire, mais sur le plan de l'origine du produit. Cette
traçabilité, dite externe ou de contrôle, a pour vocation
la sécurité des stocks halieutiques. En Europe, deux
règlements essentiels de 2009 et 2011, ont imposé cette forme de
traçabilité à l'ensemble des Etats membres. Cependant,
cette traçabilité, actuellement en cours de mise en place au sein
de l'Union, se heurte aux principes précédemment
évoqués, de zones géographiques vérifiables et de
capacité de production. En effet, autant nous connaissons avec
précision les surfaces telluriques, autant les océans,
représentant 70 pour cent de la surface de la terre, sont encore, en
grande partie, mal
La traçabilité des produits de la mer
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connus voire inconnus. Aussi, les critères
élaborés pour la traçabilité sanitaire et le modus
operandi nécessaire aux contrôles doivent être
différents et sont en cours de mise en place car les objectifs
alloués par l'Union Européenne sont des objectifs de
résultat et non de méthode.
Cependant, cette nouvelle forme de traçabilité
des produits de la mer, outil nécessaire à la bonne gestion de
ressources fragiles et surexploitées, peut-elle permettre de lutter
contre les pêches illicites, non déclarées et non
réglementées ?
Il faut tout d'abord comprendre le risque et l'engagement des
Etats, et en particulier de l'Europe face aux pêches INN, et pour ce
faire appréhender les outils mis en oeuvre dans cette lutte pour
pérenniser les ressources halieutiques. En effet, cette approche
permettra, dans un premier temps de comprendre les enjeux et la position
unanime de tous les Etats Membres.
Après la mise en évidence que l'Union
Européenne s'est fortement engagée dans cette lutte, la mise en
application de ces règles, et la confrontation aux méthodes
existantes en matière de traçabilité permettra de mieux
aborder la valeur ajoutée de cette recherche de trace et les
difficultés de mise en oeuvre. Pour se faire, l'exemple de l'application
au sein d'une Etat Membre, en l'occurrence la France, donnera au lecteur une
vision plus détaillée des problématiques d'application
rencontrées.
Page :
13
La traçabilité des produits de la mer
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PARTIE I: Lutter contre les pêches illicites, une priorité
pour Européenne
|
A- Les moyens européens pour lutter contre ces
pratiques illégales
Page :
14
1 -La Politique Commune de la Pêche et
l'éradication de la pêche INN
Lors de la genèse de la politique commune des
pêches, l'approche des États Membres en matière de gestion
de la ressource était productiviste. Les politiques mises en place
avaient pour objectif de nourrir les populations et de développer le
secteur économique des pêches. Ces politiques, issues du
traité de Rome et conduites jusque dans les années 70, n'avaient
pas encore intégré des notions d'épuisement des ressources
halieutiques, et encore moins de Rendement maximum Durable8. La mise
en place de taux admissibles de capture (TAC) dans ce qui était encore
la Communauté Européenne fut le départ d'une prise de
conscience de la nécessaire bonne gestion des ressources. En effet,
cette notion de TAC, novatrice pour l'époque, avait pour objectif de
définir les capacités globales maximales de captures afin
d'éviter la surpêche. Cette notion est apparue dans le
règlement de 1983, portant la politique commune des pêches, qui
fût rédigée à la même époque que
l'élargissement des Zones Économiques Exclusives des États
Membres à 200 Milles marins, suivant ainsi le mouvement international
insufflé par la Convention de Montégo Bay sur le droit de la
mer9.
Cette convention, sur le droit de la mer, a prévu, dans
son article 61, également cette notion de taux admissibles de capture,
en édictant des règles d'échanges ou de commerce de ces
captures entre États. Ainsi, un État côtier, qui ne
pêche pas l'ensemble du TAC d'un stock doit autoriser,
éventuellement par le biais de licences ou d'autorisations, les captures
dans sa Zone Économique Exclusive par un État Tiers. Ce
système international de commercialisation des TAC fût un des
piliers de la mise en place du volet extérieur de la PCP
8 :http // :
ec.europ.eu : « .Le rendement
maximal durable (RMD) est le volume optimal de capture qui peut être
prélevé chaque année sur un stock de poisson donné
sans menacer sa capacité de reproduction future.
9:www.un.org « convention des nations unies sur le
droit de la mer »- 1982
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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tandis que les États Membres mettaient en commun leurs
ZEE afin de se fédérer et ainsi ne pas créer de distorsion
de concurrence au sein de la Communauté.
Lors de ses différentes réformes, la Politique
Commune de la Pêche a progressivement intégré des notions
de risque d'épuisement des ressources, tout d'abord avec cette notion de
TAC et de quotas10 , puis, lors de la réforme de la PCP de
2002 (nota RCE), avec la notion de développement durable. Ce concept,
créé en 1987 par Madame Gro Harlem Bruntland dans son rapport
« Notre avenir à tous »11 définit cette
notion comme « un développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs».
Cette nouvelle approche apporte une vision prospective de la
pêche en proposant de mettre en place des politiques prenant en compte,
outre les nécessaires captures et commerces de celles-ci, des objectifs
de respect de l'environnement et de développement
socio-économique. Le délicat équilibre à trouver
entre ces trois piliers est plus que toujours d'actualité. Cependant, la
récente réforme de la Politique Commune de la Pêche de
201312, renforce les objectifs en intégrant, entre autre, la
recherche du rendement maximum durable pour les stocks sous TAC d'ici 2025.
Cette prise de conscience progressive par les Etats Membres
d'une gestion pérenne des ressources a amené l'Europe à se
poser la question du risque de dépassement des captures sur des stocks
soumis à TAC, notamment par la surpêche. Durant la phase
productiviste de la PCP, l'objectif étant la quantité et le
commerce, il fallait trouver des approvisionnements nécessaires au
marché et donc soit ces captures provenaient d'un Etat Membre soit d'un
État tiers, sachant que l'Union Européenne importe environ 60 %
des produits de la mer consommés13. Avec la mise en place des
notions de développement durable, et notamment du volet environnemental,
l'Europe a voulu s'orienter vers un respect des taux admissibles de capture et
une fin de la surpêche.
Autant il était aisé de surveiller les captures
dans les ZEE européennes, autant cet exercice commençait à
être plus difficile sur les navires battant pavillon d'un État
Membre et pêchant dans les eaux d'un pays tiers, mais connaître
l'état des pêcheries d'un État tiers, voire
10 : Règlement CEE 170/83
11 : « Notre avenir à tous » (Our Common future)
- Commission mondiale sur l'environnement et le développement de l'ONU -
1987
12 : Règlement UE 1380/2013 du 11 décembre 2013
13 : Site de la commission européenne -
http://ec.europa.eu
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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16
connaître, et éventuellement surveiller, les
capacités et l'effort de pêche des État non membres
était difficilement envisageable. En effet, la gestion des ressources
biologiques de la mer dans les ZEE relèvent des droits souverains, de
l'imperium de l'État côtier14.
Quant aux captures réalisées en haute mer, elles
peuvent être réalisées dans le cadre d'Organisations
Régionales de Gestion des Pêches (ORGP)15, ou d'accords
internationaux, tels les accords des stocks chevauchants16, ce qui
nécessite l'adhésion de l'État, dont le navire effectue
ces captures, à ces accords, traités ou organisations. La CNUDM
incite les États à adhérer à ces organisations et
accords et demande de tout mettre en oeuvre pour amener les États non
contractant à accepter les règles de gestion de ces ORGP.
Face à la difficulté d'aller réguler les
captures réalisées par ces navires battant pavillon d'État
non partie aux accords internationaux, ou ayant ratifié ces derniers
mais ne respectant pas les termes de ces accords, et afin cependant de
rechercher l'éradication de pêches entamant la
pérennité des ressources halieutiques, la Food and Agriculture
Organization (FAO)17 a créé la notion de pêche
Illicite, Non déclarée ou Non réglementée, dans un
premier temps en actant le fait que les États devraient empêcher
la surexploitation de leurs stocks, par son code de bonne conduite18
(1995) puis en durcissant les exigences de lutte contre les pêches
illicites en prenant un plan d'action «visant à
prévenir, contrecarrer et éradiquer la pêche illicite, non
déclarée et non réglementée » 19.
Cette notion, ayant pour objectif de fédérer
l'ensemble des Etats dans une démarche constructive de pêche
responsable, permet ainsi de catégoriser des navires ou États
n'ayant aucune démarche de lutte contre les surcapacités ou
contre le commerce des ressources issues de ces pêcheries.
L'union européenne, 5? producteur mondial et premier
importateur mondial de produits de la mer, et conformément à
l'esprit basé sur le développement durable de sa politique commun
de la pêche de 2002, a mis en place des mesures réglementaires
pour lutter contre les pêches INN. Partant du postulat que « la
pêche INN appauvrit les stocks de poissons,
14 : Convention de MontegoBay -CNUDM- article 56
15: Les ORGP sont créées par les États
côtiers conformément aux articles 63, 64,65 et 118 de la
Convention de MontegoBay
16 : Accord relatif à la conservation et à la
gestion des stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs - New York -
1995
17 : Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et
l'agriculture (Rôme)
18 :
www.fao.org
19 : Plan d'action édité à Rome par la FAO -
2001
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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détruit les habitats marins, entraîne une
distorsion de concurrence pour les pêcheurs honnêtes et affaiblit
les communautés côtières, notamment dans les pays en
développement »20, l'Union a mis en place une
réglementation permettant de lutter contre ces pratiques.
Ainsi, en 2008, un règlement destiné à
lutter contre les pêches INN a été pris par le Conseil,
arguant dans ses considérant que : « La pêche illicite,
non déclarée et non réglementée (INN)
représente l'une des menaces les plus graves pesant sur l'exploitation
durable des ressources aquatiques vivantes et met en péril le fondement
même de la politique commune de la pêche et des efforts
déployés à l'échelle internationale en faveur d'une
meilleure gouvernance des océans. »21.
Cette volonté affirmée de l'Union
Européenne de s'engager dans la lutte contre ces pratiques illicites a
également comme fondement la stabilité de la balance commerciale
de l'UE concernant le marché des produits de la mer. En effet, l'UE
étant la principale importatrice de ces produits, elle ne peut accepter
la mise sur le marché européen de produits à des prix trop
bas, ce qui est la première particularité des ressources issues
de la pêche INN de par le faible coût de production, créant
une concurrence déloyale, un risque de pertes de parts de marché
et à terme un effondrement économique de la filière de
production halieutique européenne. Ce règlement donne aussi la
possibilité d'inscrire sur une liste les navires pratiquant la
pêche INN et de pays tiers non coopérants, permettant ainsi de
leur interdire tout accès aux ports de l'UE ou toute importation de
produits de la mer.
Ce règlement de 2008 fut complété par un
règlement d'application en 200922 qui définit les
modalités d'encadrement du contrôle des navires de pêches
des États tiers dans les ports des États Membres et édicte
les règles encadrant la certification de capture applicable aux
importations et aux exportations de produits de la mer.
20 : Site de la commission européenne -
http://ec.europa.eu
21 : Règlement (CE) n° 1005/ 2008 du conseil du 29
septembre 2008 (
http://eur-lex.europa.eu)
22 : Règlement (CE) n° 1010/2009 du 22 octobre 2009
portant modalités d'application du Règlement (CE) 1005/2008 (
http://eur-lex.europa.eu)
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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2 - Les moyens européens déployés pour
lutter contre ces pêches pirates
L'Union Européenne, est membre de droit de nombreuses
ORGP car, dans le cadre de la pêche, et conformément au
traité sur le fonctionnement de l'UE23, elle défend
les intérêts de l'Europe auprès des États Tiers et
des ORGP. Ce volet de politique extérieure de l'Union, prévu et
détaillé dans le règlement portant politique commune de la
pêche24, permet la mise en place de liens forts avec les
partenaires internationaux pour lutter contre les pêches illicites.
En effet, les Organisations Régionales de Gestion des
Pêches ont établi des listes de navires de pêche INN suite
aux divers constats effectués dans leurs zones de compétences.
Fort de cela, l'Union Européenne a permis d'intégrer directement
ces listes de navires sur les listes du Règlement INN25 et
d'appliquer ainsi l'ensemble des mesures coercitives prévues par les
textes. La mise en place de cette mesure se traduit par la parution au journal
officiel de l'Union Européenne d'un règlement établissant
la liste des navires INN. Le dernier règlement paru a été
établi en 201026 et une mise à jour est en cours
d'élaboration. Les navires ainsi identifiés font l'objet d'une
exclusion des eaux de l'UE et ne peuvent accéder aux ports des
États membres, bénéficier de services portuaires ou
débarquer dans ces ports, nonobstant bien sûr, les cas de force
majeure ou de détresse prévus par la CNUDM27.
Cette disposition, simple dans sa forme, revêt un
endroit juridique très important. En effet, ce modus opérandi
permet d'intégrer des infractions constatées par des navires de
contrôle d'États membre d'une ORGP dans le droit de l'Union.
Ainsi, un navire de contrôle, battant pavillon de la République de
Madagascar, qui contrôlerait un navire en infraction aux règles de
gestion édictées par la Commission des Thons de l'Océan
Indien (CTOI)28, pourrait faire inscrire le navire contrevenant sur
la liste INN de la CTOI. Cette liste étant intégrée dans
la réglementation de l'Union Européenne, ce navire serait
classé INN dans les eaux Européennes. Donc, l'action coercitive
d'un État, non membre de l'UE, peut indirectement
23 : Traité sur le fonctionnement de l'Union
Européenne, Article 43, paragraphe 2 -
http://eur-lex.europa.eu
24 :Règlement UE 1380/2013 du 11 décembre 2013
Partie VI (
http://eur-lex.europa.eu)
25 : Règlement (CE) n° 1005/ 2008 article 30 (
http://eur-lex.europa.eu)
26 : Règlement (UE) n° 468/2010 de la commission du
28 mai 2010 établissant la liste de l'UE des bateaux engagés dans
des activités de pêche illicite, non déclarée et non
réglementée
27 : Convention de Montego Bay -CNUDM- article 18
28 : CTOI - ORGP couvrant les thons de l'océan Indien -
site :
www.iotc.org
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
Page :
19
être validée par le droit de l'Union
Européenne. Cette démarche d'intégration de ces listes au
sein du droit européen démontre la volonté forte de
l'Union d'utiliser tous les outils possibles pour lutter activement contre ces
pêches illégales.
Les principales ORGP ont également un système
d'échange de liste de ces navires, ce qui permet ainsi une lutte active
mondiale contre les navires pêchant de façon illicite.
En sus de la liste de navires INN, l'union a également
classé certains pays comme non coopérant. Ce classement a pour
effet de suspendre tout commerce de produits de la mer et de navires de
pêche avec ces États afin de les inciter à adopter des
pratiques de pêche conformes aux règles soit de l'Union, soit des
ORGP de leurs eaux de capture. Lors d'une décision en date du 24 mars
201429, le Conseil a classé le Belize, la République
du Cambodge et la Guinée comme État non coopérant et lors
de sa décision du 27 janvier 201530 a ajouté le Sri
Lanka à cette liste et certains Etats, comme la République des
Philippines, ont reçu une décision valant
avertissement31 .
Cependant, l'Union ne voulant pas stigmatiser un État
tiers de par son actuel comportement complaisant au regard de la pêche
INN, la réglementation, continue d'inciter cet État à
mettre en place une gestion cohérente avec les politiques
internationales et européennes de bonne gestion des ressources
halieutique. Ainsi, lorsqu'un État apporte « la preuve qu'il a
remédié à la situation ayant justifié son
inscription sur la liste »32, l'UE pourra lever ce
classement INN et éventuellement inscrire cet État dans un
partenariat commercial.
Ce partenariat peut être aidé
financièrement par l'UE, comme le prévoit le règlement
PCP, ce qui a pour effet d'inciter ces États non coopérants
à entamer des démarches constructives de lutte contre les
pêches INN et d'éviter tout isolement commercial.
Ces accords doivent cependant s'inscrire dans une
démarche de « pêche durable », c'est-à-dire une
exploitation des ressources halieutiques dans le respect des TAC, voire une
recherche du RMD. Ces États peuvent être soutenus dans cette
démarche par l'Agence Européenne de Contrôle des
Pêches (AECP)33, qui fournit l'expertise technique
nécessaire comme prévu par le règlement PCP article 30.
29 : Décision n° 2014/170/UE établissant
une liste des pays tiers non coopérants dans le cadre de la lutte contre
la pêche INN (
http://old.eur-lex.europa.eu)
30 : Décision n° 2015/200/UE établissant
une liste des pays tiers non coopérants dans le cadre de la lutte contre
la pêche INN (
http://old.eur-lex.europa.eu)
31 : Décision n° 2014/ c 85/03/UE relative
à la notification d'un pays tiers que la Commission pourrait
considérer comme pays tiers non coopérant (
http://eur-lex.europa.eu)
32 : Règlement (CE) n° 1005/ 2008 - article 34
33 : http ://
efca.europa.eu
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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20
Pour arriver à lutter efficacement contre les
pêches illicites, l'Union Européenne, a essentiellement axé
son corpus juridique sur l'aspect commercial des flux de produits biologiques
de la mer. Dans l'ensemble de la réglementation européenne, les
moyens mis en place se focalisent sur les entrants et les sortants. En effet,
l'inscription sur une liste des navires pratiquant des pêches INN, ou le
classement d'États en États non coopérants, ne sont qu'une
partie de la méthode de lutte contre ces modes de production illicites,
car, in fine, l'objectif est de garantir que les produits issus de ces
pêches ne soient pas mis en vente sur le marché européen.
Le règlement INN impose donc des moyens complémentaires à
ces listes afin de lutter activement contre ces pratiques.
Dans son chapitre II, le règlement INN prévoit
la mise en oeuvre d'inspection au port. Ce régime d'inspection a pour
objectif de centraliser sur des points précis les débarquements
des produits de la mer des navires en provenance d'états tiers, ou les
opérations de transbordement entre un navire provenant de ces
États et un navire d'un État membre. Outre ces obligations de
débarquement ou transbordement dans des ports dits
désignés, devant être clairement identifiés par
chaque État membre, une notification préalable à
l'accès au port, assortie d'une autorisation, est prévue dans ce
règlement. En effet, le territoire de l'Union Européenne est
tellement vaste, qu'il paraissait indispensable au législateur de
canaliser ces flux entrants de produits dans des points donnés afin de
pouvoir mettre en place des contrôles stricts de la marchandise.
Des objectifs quantitatifs de contrôle de
débarquement de produits de la mer provenant de navire d'États
tiers, à hauteur de 5 %, sont imposés par cette
réglementation. Ces contrôles étant axés sur un
croisement de données, entre la déclaration des captures
effectuées par le capitaine du navire de pêche et les
espèces contrôlées par les inspecteurs des pêches.
Cet objectif de contrôle est complété par un système
de ciblage dont l'objet est essentiellement basé sur les listes INN ou
sur la suspicion de pratiques liées à la pêche INN. Ce
modus operandi a d'ailleurs été repris en 2009 par la FAO dans le
cadre de son accord relatif aux mesures de l'état du port visant
à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche
INN34.
34 : Accord approuvé par la résolution n°
12/2009 FAO du 22 novembre 2009 -
www.fao.org
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
Page :
21
Pour compléter ce dispositif, l'Union Européenne
a mis également en place un système de certification des captures
pour les importations et exportations des produits de la pêche. Dans son
article 12, le règlement INN érige comme élément de
base que « l'importation de produits de la pêche INN est
interdite ». Partant de cette base, tous les produits de la mer
importés, lorsqu'ils touchent le territoire de l'union soit dans un port
désigné pour les débarquements, soit via un poste
d'inspection frontalier (PIF), doivent être accompagnés d'un
certificat de capture. Certaines organisations régionales de gestion des
pêches ont édicté également ce système de
certification, l'union reconnaît ces certificats comme équivalents
aux certificats INN exigés par l'Union35.
Ces certificats, devant être communiqués
auprès de l'État membre dans lequel le produit est
importé, est validé par l'État du pavillon du navire de
pêche. Si les produits transitent par un État
intermédiaire, ce dernier, en sus du certificat de capture, devra
attester que ces produits n'ont pas subi de transformation.
Au regard des quantités importantes importées
depuis des pays tiers, et afin de sécuriser au maximum ces circuits
d'importation, l'UE a créé un statut d'opérateur
économique habilités. Ce statut, créé par le
règlement établissant le code des douanes
communautaires36 avait à la base pour vocation une
simplification des formalités douanières et octroyant à
des entreprises une habilitation après vérification du
système de gestion interne desdites entreprises et un système de
suivi et d'audit interne. Le règlement d'application INN de 2010 a
étendu le champ d'habilitation de ces opérateurs
économiques à l'importation de produits de la mer. Ainsi, ces
opérateurs bénéficient de simplifications
douanières et de simplifications administratives pour importer des
produits de la mer certifiés.
Cette certification est établie par l'Etat du pavillon
du navire de pêche et a pour objectif d'attester l'origine du produit de
la mer concerné et certifier que le produit en question a
été pêché selon des critères respectant les
règles de bonne gestion des stocks halieutiques. Ces critères
sont essentiellement liés au respect des TAC dans les ZEE, selon les
règles édictées par la CNUDM et par le respect des
résolutions, accords ou traités internationaux ou
régionaux dans le cas des ORGP. Cette certification, basée sur la
confiance de l'UE envers les Etats importateurs, est également
régulièrement évaluée par des membres de la
Commission Européenne, assisté par des experts de l'Agence
Européenne de Contrôle des
35 : Règlement (CE) n° 1005/ 2008 - article 13
36 : Règlement (CE) n° 2454/93 du 2 juillet
1993fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) no
2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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pêches dans le cadre d'audits. Ces Etats, dont la
majeure partie bénéficie d'aides financières
prévues par la Politique Commune des Pêches, ont tout
intérêt à coopérer lors de ces audits.
En cas de manquements suspectés lors d'une inspection
dans un des ports de l'Etat membre, où lors d'un contrôle de
certificat d'importation, les éléments de constatation et de
preuves peuvent conduire à lancer des investigations de la part de la
commission. S'il s'avère qu'un navire ne respecte pas les
critères minimaux de capture conformes à la bonne gestion des
pêcheries imposés par l'UE, ce navire sera inscrit sur la liste
des navires INN avec toutes les conséquences économiques que cela
peut entrainer.
Concernant les Etats tiers, si ces derniers ne respectent pas
les règles en matière de gestion des ressources halieutiques de
leur ZEE en adoptant un régime de lutte contre les pêches INN, ou
s'ils ne luttent pas effectivement contre des pratiques INN de la part des
navires battant leur pavillon, ces Etats s'exposent à une
impossibilité de commerce de produits de la mer, ou de navires de
pêche, avec l'Union Européenne.
Cette forme de protectionnisme du marché des produits
de la mer européen aurait pu être mal perçue par l'ensemble
des Etats de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) car ce système
positionne l'Union Européenne en situation de monopole commercial de par
le fait que certains Etats ne commercent ces produits qu'avec l'UE. Cependant,
ce système ayant des bases fondamentales dans les diverses
résolutions et accords internationaux portés par l'Organisation
des Nations Unies et la FAO, aucun Etat tiers ne peut s'engager dans une
démarche de contestation du système européen d'importation
des produits de la mer.
En effet, tous les États ayant des flux commerciaux de
ressources halieutiques avec l'UE sont, certes, astreints à un
régime de certification, mais sont également aidés et
assistés par l'Union pour leur permettre de développer et
soutenir une « pêche durable »37 .
La mise en place de ces règlements européens,
axés essentiellement sur la maitrise des flux entrant et sortant, a pour
objectif d'être en capacité de déterminer si un produit a
licitement été capturé. Cette certification de l'origine
d'un produit, si elle n'est pas appliquée peut avoir des
répercussions économiques fortes et créer une concurrence
déloyale auprès des producteurs de l'État d'importation.
Une étude récente, réalisée au sein
37 : Règlement INN 1005/2008 - Titre II -art :31 (
http://eur-lex.europa.eu)
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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des États Unis d'Amérique a
démontré les incidences que peut produire une non-certification
des captures.
3 - La fraude Américaine peut-elle exister en Europe
?
En février 2013, l'organisation non gouvernementale
OCEANA38 a rendu un rapport concernant une étude sur le
marché américain en analysant, selon une méthode
d'échantillonnage scientifique basée sur l'analyse ADN des
produits de la mer commercialisés sur le marché des USA. Cette
étude portait sur 1251 échantillons de poissons collectés
dans 674 points de vente sur le sol américain.
L'objectif de cette ONG était de vérifier
l'adéquation entre l'origine des produits proposés à la
vente et l'étiquetage de ces produits.
Pour établir l'origine de ces ressources halieutiques,
OCEANA s'est basée sur une analyse comparative entre l'ADN des poissons
collectés et une base de données publique. Ces données
publiques ont été collectées via un système de
plate-forme collaborative internationale, initié en 2003 par Paul
Hebert, chercheur à l'Université de Guelph, dans l'Ontario
(CANADA). Cette base de donnée, nommée BOL (Barcode Of Life)
39 est incrémentée par les données ADN fournies par
plusieurs laboratoires d'analyses internationaux, en partenariat avec le «
DNA Data Bank of Japan » Japonais, le « GenBank »
Américain et le « European molecular Biology Lab »
européen.
A ce jour, plus de 350 000 espèces et sous
espèces animales ont été répertoriées dont
les principales espèces halieutiques commerciales (Soles, Cabillaud,
Thons, Vivaneaux,...), et l'intégralité des informations ADN de
ces spécimens sont accessibles au public. Le projet BOL a pour vocation
de créer une base de données mondiale accessible à tous,
et permettant de conserver les codes ADN de toute la vie sur notre
planète. Ainsi, outre les prélèvements effectués
sur les espèces vivantes, le système Barcode DATA40
collecte également les données issues des Muséums
d'Histoire Naturelle, ou tous les tissus cellulaires d'espèces disparues
mais dont on peut encore extraire de l'ADN.
38 : ONG financée par Pex Charitable Trust - site :
www.oceana.org
39 : Site :
http://www.boldsystems.org
40 : Site :
http://www.barcodeoflife.org
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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L'étude d'OCEANA, utilisant ce système a donc pu
vérifier l'origine d'un produit et comparer la véracité
des éléments d'étiquetage présents. Ainsi, cette
ONG a pu démontrer qu'environ 33 % des espèces
commercialisées sur le sol américain possédaient un
étiquetage frauduleux41. Cette vaste fraude sur l'origine des
produits de la mer concernait aussi bien des poissons d'élevage que des
espèces surexploitées. De plus, certaines espèces, dont la
teneur en mercure était élevée et
déconseillée aux enfants et aux femmes enceintes, selon l'agence
américaine des produits alimentaires et des médicaments
(FDA)42 ont fait l'objet d'une substitution d'étiquetage,
comme le bar, avec les risques sanitaires et sur la santé que cela
entraînait. Cette fraude aux origines a donc eu un impact
médiatique fort et le gouvernement américain, fort de ce constat,
a mis en place une politique de lutte contre le marché du poisson
d'origine frauduleuse.
Le 18 juin 2014, le bureau du secrétaire de la
Maison-Blanche a publié une fiche d'information sur la protection des
océans et des zones côtières. Lors d'une
déclaration, Barack Obama, Président des États Unis
d'Amérique, en date du 17 juin 2014, a donné des instructions
43 aux agences fédérales afin d'élaborer un
programme global visant à contrecarrer la pêche illicite et la
fraude à l`étiquetage. Cette prise de conscience
américaine sur les risques liés aux pratiques des pêches
INN est assez novatrice dans la méthode de détection du
problème, car elle est à l'initiative d'une ONG et est axé
sur les problématiques liées à l'incidence du non-respect
des origines des produits commercialisés sur la santé et le
commerce et non dans une approche sur la pêche durable ou, à
minima, respectueuse des règles internationales.
D'après l'administration américaine, ces
commerces illégaux, sont « évalués à 20 %
des prises de poisson à l'état sauvage et coûterait 23
milliards de dollars par an aux entreprises de pêche légitimes
dans le monde ».
De l'autre côté de l'océan Atlantique,
l'Europe a plutôt axé ses moyens de lutte contre les pêches
INN sur le débarquement et la certification de l'origine d'un produit
par un État tiers. Cette nouvelle approche de l'identification de
l'origine d'un produit par des méthodes autres
41 : Rapport « Oceana Study reveals Seafood Fraud Naton wide
» - février 2013 (auteurs : Kimberly Warner, Ph.D., Walker Timme,
Beth Lowell et Michael Hishfield, Ph.D) - site :
www.oceana.org
42 : FDA Food and Drug Administration - site :
http://www.fda.gov
43 : Cette déclaration se trouve sur le site :
http://iipdigital.usembassy.gov
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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25
que la certification administrative pourrait être
transposé dans le système européen, car l'objectif premier
de la politique commune de la pêche est de « garantir que les
activités de pêche soient durables à long terme sur le plan
environnemental et gérées en cohérence avec les objectifs
visant à obtenir des retombées positives économiques,
sociales et en matière d'emploi et à contribuer à la
sécurité de l'approvisionnement alimentaire ».
À travers cet objectif principal, et afin de ne pas se
retrouver dans une situation similaire aux fraudes constatées sur le
marché américain, garantir une bonne origine des produits
commercialisés sur le marché européen paraît devenir
un enjeu important.
B - Identifier les produits de la mer d'origine INN, un
enjeu important pour l'UE
1- Quels sont les enjeux dans cette lutte contre la
pêche INN ?
La mise sur le marché de produits d'origine illicite ou
douteuse peut avoir des incidences importantes dans plusieurs domaines. Dans un
premier temps sur la ressource halieutique et sa gestion pérenne comme
détaillé dans le chapitre précédent, mais les
incidences peuvent être également économiques, sociales,
voire sanitaires. En effet, la mise sur le marché de produits INN
provoque une baisse de compétitivité des productions
européennes, car ce coût de production des produits de la mer des
États membres, ayant l'obligation de respecter les exigences techniques,
de sécurité et sociales européennes, est de fait plus
élevé que le coût d'un État tiers ayant une
législation et un revenu moyen par marin ou ouvrier aquacole beaucoup
plus bas. De plus, selon, une étude la FAO réalisée en
201444, l'importation de produits de la mer devrait augmenter de 3
million de tonnes, passant de 10 à 13 millions de tonnes, d'ici 2030.
Cette concurrence, si elle est déloyale, peut conduire
à des phénomènes de surpêche, car pour essayer de
faire baisser ce coût de production, les pêcheurs compensent en
augmentant au maximum les quantités capturées et rentre dans un
cercle non vertueux de
44 : « The State of World Fisheries and Aquaculture 2014
», p. 201, publié par FAO (
www.fao.org)
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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26
pêche excessive, dépassant parfois les TAC et
quotas alloués. Ces dépassements et surpêche pèsent
lourd sur l'économie des États membres concernés, car la
Commission Européenne impose le respect de ces règles. Ainsi en
date du 11 août 2014, la Commission a réduit les quotas de 10
États membres pour compenser cette surpêche45. Cette
réduction aura directement un impact économique sur les
entreprises propriétaires des navires de pêche.
Un rapport, nommé « Jobs lost at sea
»46, rédigé par NEF, une organisation non
gouvernementale, estime que plus de 100 000 emplois ont été
perdus à cause de la surpêche en ayant comme argument que les
captures réalisées au-delà des quotas par ces
pêcheurs auraient pu bénéficier à d'autres dans le
cadre d'une répartition équitable. Dans ce rapport, la notion de
surpêche n'est pas considérée comme une pêche
au-delà des quotas mais comme une pêche au-delà du
rendement maximum durable.
Cette quête de l'équilibre entre ce que les
ressources biologiques de la mer peuvent fournir sans être
impactées et donc exister durablement, et les besoins
socio-économiques des entreprises et salariés du secteur
halieutique revêt aujourd'hui un enjeu majeur pour le futur.
Parallèlement à cela, la nécessité
de garantir les apports de matières première halieutique est
également une préoccupation de l'Union. Le 3 décembre
2012, le Conseil a pris un règlement spécifique pour suspendre
les taxes et droits financiers à l'importation sur certains produits de
la mer afin de diminuer le coût de production de certains transformateurs
européens de ces produits et qu'ainsi ils puissent rester
compétitif sur le marché47.
Sur l'aspect sanitaire, la lutte contre la pêche INN
revêt un enjeu crucial de santé publique. En effet, un produit
introduit sur le marché européen dont l'origine est incertaine
pourrait être contaminé, par exemple avec des métaux
lourds, tel le mercure que l'on peut trouver dans le bar, et se retrouver dans
l'assiette des consommateurs. À la suite de la catastrophe de
Fukushima48, l'Institut de la Radioprotection et de la
Sûreté Nucléaire (IRSN)49 a mis en
45 : Communiqué de presse : Lutte contre la
surpêche: la Commission européenne annonce des déductions
sur les quotas de pêche de 2014 - source :
http://europa.eu
46 : Rapport : « jobs Lost at sea, Overfishing and the
jobs that never were » - février 2012 - (auteur Rupert Crilly et
Aniol Esteban) - source :
http://assets.ocean2012.eu
47 :Règlement (UE) N o 1220/2012 du Conseil du 3
décembre 2012 relatif à des mesures commerciales visant à
garantir l'approvisionnement des transformateurs de l'Union en certains
produits de la pêche de 2013 à 2015,
48 : Accident nucléaire industriel majeur qui a eu lieu
le 11 mars 2011 au Japon, à la suite du séisme et du tsunami de
2011 de la côte Pacifique du Tôhoku.
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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Page :
27
place un réseau de surveillance de contamination au
Césium50 des poissons migrateurs particulièrement
sensibles à ce contaminant. Dans le cas de mises sur le marché de
ces espèces, issues d'une pêcherie INN, le risque en
matière de santé serait très élevé,
particulièrement pour les personnes fragiles comme les enfants et les
femmes enceintes.
Les enjeux de lutte contre les pêches INN couvrent,
comme cela a été démontré, un spectre en
matière de risque très large allant de l'équilibre
écosystémique, à la santé humaine en passant par le
développement socio-économique. Pour lutter activement contre ces
fraudes, l'Union Européenne s'est dotée d'outils juridiques
venant compléter l'ensemble de la réglementation INN.
2 - Solutions techniques et juridiques mise en place par
l'Europe
La réglementation européenne de lutte contre la
pêche INN a été mise en place parallèlement à
d'autres réglementations techniques relatives au contrôle des
pêcheries. En effet, les deux règlements de 2008 et 2010 ont
édicté les principales règles concernant les apports du
marché des produits de la mer et la certification de ceux-ci en
provenance des États Tiers ou suspectés d'être
pêché de façon illicite.
En 2009, le Conseil a pris un règlement, nommé
« règlement contrôle »51, qui avait pour
objectif de synthétiser l'ensemble des règlements techniques pris
par l'UE depuis les années 90 concernant le contrôle des
pêches et qui avait pour vocation de clarifier et d'harmoniser les
méthodes d'inspections des États membres. Cette
réglementation, devenu le document de référence du
système de contrôle de la pêche européenne, fût
complété par un règlement d'application en
201152.
Ce corpus réglementaire a fourni un certains nombres
d'outils permettant aux inspecteurs de lutter activement contre les apports et
la mise sur le marché de ressources halieutiques
49 :IRSN :établissement public de l'État à
caractère industriel et commercial placé sous la tutelle
conjointe des ministres chargés de la défense, de
l'environnement, de l'industrie, de la recherche et de la santé en
charge, entre autre, de la veille permanente en matière de
radioprotection
50 : Contaminant Isotope hautement radioactif
51 : Règlement (CE) No 1224/2009 DU CONSEIL du 20
novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin
d'assurer le respect des règles de la politique commune de la
pêche.
52 : Règlement d'exécution (UE) N o 404/2011 de la
commission du 8 avril 2011 portant modalités d'application du
règlement (CE) n o 1224/2009 du Conseil instituant un régime
communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de
la politique commune de la pêche
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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28
issues de pêche INN. De plus, ces règlements ont
imposé aux États membres des systèmes de sanction dont
l'objectif fut d'harmoniser les pratiques entre États Européens
et de s'assurer que tous les États membres s'impliquaient dans la lutte
contre les pêches illicites. Ces outils juridiques ont pour vocation de
faire respecter la bonne application de la politique commune de la pêche.
La lutte contre les pêches INN étant le premier objectif de la
PCP, le règlement contrôle et son règlement d'application
sont donc les outils juridiques techniques complémentaires aux
règlements INN.
Parmi les outils mis en place par ces règlements,
l'encadrement de la mise sur le marché européen des produits de
la mer s'avère le système principal choisi par l'Union.
Que ce soit lors des débarquements, puis lors de la
première mise sur le marché, l'ensemble des produits de la mer
doivent être certifiés quant à leurs origines. Le
règlement contrôle donne la possibilité de pouvoir
contrôler le marché des produits de la mer sur l'ensemble du
territoire européen en imposant un système de communication entre
États membres, et en donnant une validité des constats
d'infractions à l'échelle européenne. Ainsi, un rapport
d'inspection d'un inspecteur dûment accrédité, soit
communautaire, soit d'un État membre, aura une valeur juridique dans un
autre État membre pour engager des poursuites administratives ou
judiciaires53.
Ce règlement encadre également les
débarquements avec une pesée différée, ce qui
permet une certaine souplesse concernant la mise sur le marché des flux
de produits de la mer. En effet, un navire battant pavillon d'un État
tiers, pourra débarquer dans un port d'un État membre, en
respectant les notions de préavis et d'autorisation de
débarquement et de transmission de la certification de capture, ainsi
que les éventuels contrôles au port, et pourra faire peser sa
marchandise par un opérateur de pesée qui se trouvera dans un
autre État membre, sous réserve qu'un plan de contrôle
commun, validé par la Commission Européenne, entre ces deux EM
soit mis en oeuvre.
Enfin, le 25 octobre 2012, l'Union Européenne, a
donné par voie réglementaire, pouvoir à la
Commission54 pour prendre des mesures d'exécution pour
limiter ou interdire tout accès au marché européen aux
produits de la mer issus d'un pays autorisant une pêche non durable.
53 : Règlement 1224/2009 du 20 novembre 2009 - article
77
54 : Règlement (UE) n ° 1026/2012 du Parlement
européen et du Conseil du 25 octobre 2012 concernant certaines mesures
aux fins de la conservation des stocks halieutiques en ce qui concerne les pays
autorisant une pêche non durable
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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Au travers de ce texte, l'Union crée une nouvelle
disposition réglementaire définissant le statut d'un État
pratiquant une pêche non durable et laissant la possibilité
d'appliquer des restrictions identiques aux États
non-coopérants.
Cette disposition réglementaire a également pour
objectif de permettre une réactivité en adéquation avec
les importations de ces produits sans avoir à attendre la mise en place
d'un règlement spécifique qui mettrait beaucoup de temps à
être applicable de par le système européen de
codécision.
En effet, un règlement européen doit, pour
être adopté, être voté par le Conseil et le Parlement
dans des termes identiques55. Cette procédure,
particulièrement démocratique, a l'inconvénient de pouvoir
être très longue, parfois sur plusieurs années, ce qui ne
correspond pas à l'échelle de temps d'un marché
économique basé sur l'importation, comme celui des produits de la
mer.
3 - les données d'origine d'un produit sont-elles
suffisantes ?
L'esprit de l'ensemble des textes réglementaires ayant
comme objet la lutte contre les pêches illicites est axé sur
l'échange d'informations en États membres. Le but étant de
suivre le plus efficacement possible les flux de produits de la mer circulant
sur le territoire de l'Union Européenne.
Le point névralgique du système mis en place est
basé sur l'allotissement des produits débarqués ou
importés.
Cette notion de lot est la clé de voûte de
l'ensemble du système permettant de certifier l'origine d'un produit. En
effet, l'ensemble des produits débarqués ou importés
doivent être identifiés afin de pouvoir s'assurer que l'origine
soit légale, que ces produits proviennent d'un pays tiers ou d'un
État membre. Allotir des produits entrant et circulant sur le sol de
l'Union Européenne permet de posséder une clé
numérique d'identification afin de permettre de remonter jusqu'à
l'origine de ces produits. La notion de lot découle donc de la
certification d'une capture, que ce soit par l'importation ou pour les produits
issus des pêcheries des États membres.
55 : Principe, appelé législature ordinaire, mis en
place par le traité de Lisbonne. - Traité sur le fonctionnement
de l'Union européenne article 288 et suivants. - source :
http://europa.eu
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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Le marché étant organisé à
l'échelle européenne, un règlement spécifique
d'organisation commune a été pris en 1999 puis a
été révisé en 2013 pour être en
adéquation avec la nouvelle politique commune de la pêche. Ce
dernier règlement, portant organisation commune des marchés
(OCM)56 dans le secteur des produits de la pêche, a pour objet
d'harmoniser le marché européen afin d'éviter toute
concurrence déloyale, tout en offrant une sécurité
alimentaire et une information complète du consommateur concernant les
produits mis sur le marché.
La principale difficulté que rencontre le
système de lutte contre la mise sur le marché de produits
d'origine INN étant la possibilité de remonter jusqu'à
l'origine d'un lot, le règlement OCM impose des normes
d'étiquetage des lots tout au long de la chaîne commerciale. En
effet, que le produit soit issu d'une importation, d'un débarquement
d'un navire d'un État tiers ou d'un État membre, le
règlement OCM impose des normes d'étiquetage pour l'ensemble des
produits afin d'identifier l'origine de ceux-ci, notamment, la
dénomination commerciale, le mode de production, la zone de capture et
la congélation éventuelle. Ces informations minimales, à
destination du consommateur, sont complétés soit par une
identification de lot pour les produits issus des pêcheries
européennes, soit du certificat de capture pour les produits en
provenance d'un État tiers ou d'un navire battant pavillon d'un
État tiers.
Rechercher l'origine d'un lot issu d'une pêcherie
européenne est, normalement, possible car les règles issues des
règlements « contrôle » et OCM permettent aux
inspecteurs, non seulement d'avoir accès à des données
d'identification du lot, mais également de pouvoir prendre des
renseignements nécessaires à leur inspection auprès de
l'État membre où le lot a été mis pour la
première fois sur la marché. En effet, chaque État membre
dispose d'un bureau unique, prévu par l'article 5 du règlement
1224/2009, qui est le point d'entrée en ce qui concerne la collecte
d'informations sur le contrôle des pêches et peut donc être
saisi par la commission ou l'agence européenne de contrôle des
pêches ou directement par un autre État membre.
Lors d'une inspection d'un lot de produits issu d'une
pêcherie non européenne, les données disponibles
accompagnant ces produits devraient permettre aux inspecteurs de pouvoir
56 :Règlement (UE) N o 1379/2013 du Parlement
Européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant organisation
commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de
l'aquaculture, modifiant les règlements (CE) n o 1184/2006 et (CE) n o
1224/2009 du Conseil et abrogeant le règlement (CE) n o 104/2000 du
Conseil
source :
http://europa.eu
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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retrouver, dans un premier temps, le point d'entrée sur
le territoire de l'Union, puis de déterminer l'origine de ce lot avec
les mêmes outils réglementaires que les lots issus des
pêcheries européennes. Cependant, après avoir
identifié le point d'entrée sur le territoire de l'Union et
posséder un certificat de capture mentionnant l'origine des produits,
établir la véracité des informations de ce certificat
s'avère plus compliqué.
Sur les pêcheries européennes, quel que soit
l'endroit sur la planète, les navires de pêche possèdent un
système de suivi de navires (SSN), une balise, permettant de
connaître leur position, leur route et leur vitesse. Les données
issues de ce système sont transmises auprès de chaque État
membre dont le navire bat pavillon et peuvent être disponible, sur
demande, par la Commission ou l'Agence.
De plus, une autre balise, dite de détection des
navires, ayant pour objet l'anticollision durant la navigation, est
également disponible via plusieurs accès publics et libres de
droits. Ainsi, le croisement de l'historique de ces données permet de
déterminer si la zone des captures déclarées par le
capitaine du navire de pêche ciblé est conforme. Ensuite, un
croisement de données avec les éléments de licence, de
note de vente établit lors de la première mise sur la
marché permet de vérifier l'intégralité des
éléments liés à l'origine des lots de produits de
la mer.
De même, pour la production aquacole, des registres
d'élevages sont disponibles auprès des opérateurs et
permettent de vérifier l'adéquation entre l'étiquetage et
l'origine d'un lot.
Dans le même état d'esprit que le système,
Barcode Of Life, un programme de mise en place d'une base de données ADN
européenne des produits de la mer a été lancé en
2007. Ce programme, appelé FishPopTrace57 est financé
par le 7ème programme cadre de recherche de l'Union Européenne. A
la différence du système BOL, la base de données
européenne édicte clairement un objectif de lutte contre les
pêches illégales en instituant des méthodes de recherches
criminalistiques. L'objectif de ce programme étant de fournir aux
services d'inspection des données de référence, permettant
de comparer le lot inspecté avec le stock d'origine, via une analyse
comparative de l'ADN. Cette démarche, très novatrice, se base sur
les évolutions technologiques à venir, notamment la
possibilité de pouvoir effectuer des analyses rapidement et à
faible coût.
Cette volonté d'utiliser l'ADN comme moyen de
vérification de l'origine d'un lot est plébiscité par
l'Union Européenne dans plusieurs règlements en vigueur. Ainsi,
dans le
57 : Système « FichPopTrace » consultable sur le
site : https//
fishpoptrace.jr.ec.europa.eu
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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règlement portant organisation commune des
marchés, le considérant 23 stipule que « ... le
présent règlement devrait utiliser pleinement les technologies
disponibles, notamment les tests ADN, en vue de dissuader les opérateurs
d'étiqueter les captures de poisson de manière trompeuse
». Le règlement « contrôle » donne
également la possibilité à la Commission d'imposer
l'utilisation de dispositifs de contrôles électronique et d'outils
de traçabilité telles les analyses
génétiques58.
L'Union européenne s'est dotée de nombreux
outils techniques et juridiques permettant de contrôler la
véracité de l'origine d'un lot, cependant, lorsque ces
vérifications s'opèrent sur des produits issus de pêcheries
ou d'aquacultures en provenance d'un État Tiers, ces outils se heurtent
à des limites fondamentales de droit.
4 - Les limites juridiques du système existant
La maîtrise des flux des produits de la mer circulant
sur le territoire de l'Union Européenne est, comme cela a
été abordé, un enjeu majeur pour la
pérennité des apports et l'économie de ce secteur. Le
système européen offre le modus operandi nécessaire pour
remonter jusqu'au point d'entrée de l'Union des produits issus de
pêcheries ou d'aquaculture provenant d'un État tiers.
En amont de ce point d'entrée, les seules
données accessibles sont les certificats de capture émis par ces
États. Ainsi, vouloir vérifier l'origine d'un lot de produits
au-delà des frontières de l'Union, ne peut se faire qu'avec
l'accord et la collaboration de l'État certificateur. En effet,
l'ensemble de la réglementation européenne octroie une
compétence rationeloci aux inspecteurs de l'Union, uniquement sur le
territoire ou les navires de l'Union.
Il existe également des compétences
délivrées aux inspecteurs membres des ORGP, pour permettre
l'inspection de navires membres de cette ORGP. Cependant, la compétence
d'inspection délivrée aux inspecteurs dans État tiers
relève du droit souverain de cet État. Les inspecteurs de l'Union
Européenne n'ont donc aucune compétence dans ces États.
Il semble donc que la possibilité de vérifier la
véracité d'un certificat de capture relève davantage de la
forme diplomatique que de l'inspection classique. L'accès aux
données permettant de vérifier un certificat, que ce soit des
données déclaratives provenant des pêcheurs ou
électroniques comme les balises SSN, sera réalisé
obligatoirement par l'état
58 : Règlement 1224/2009 -article 13 - J.O du
22/11/2009
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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33
certificateur, sauf si ce dernier communique
déjà ces informations auprès de l'ORGP de la zone de
pêche.
Cette principale problématique limite donc la
possibilité de récolter quelques éléments de
preuves valides permettant de confirmer ou d'infirmer la véracité
de l'origine de captures émanant d'un pays tiers. Lors d'une suspicion
concernant l'origine d'un lot, l'UE n'ayant pas de légitimité
pour diligenter une inspection au sein de l'État tiers concerné,
ne pourra agir qu'au travers du système d'inspection de cet État.
Si ce dernier est défaillant, des mesures coercitives, allant jusqu'au
classement de cet État en État non coopérant pourraient
être prises.
Cependant, au regard du nombre d'inspection menées dans
le cadre du contrôle des pêches59, et aux énormes
quantités de produits de la mer circulant sur le marché
européen (12,3 millions de tonnes en 2011)60, les inspecteurs
de l'Union auront beaucoup de difficultés pour vérifier l'origine
affichée d'un lot.
Les moyens mis à disposition pour surveiller ces
importations, s'articulent sur des priorités. La première d'entre
elles étant la sécurité alimentaire. Aussi, un État
faisant commerce de denrées alimentaires avec l'Union Européenne
doit accepter des conditions d'audit de la Commission. Ainsi, chaque
année, l'Office Alimentaire et Vétérinaire (OAV)
61 de la Commission européenne conduit des audits dans des
États tiers afin de garantir la bonne qualité sanitaire des
produits importés sur le territoire de l'UE.
Ces audits ont pour vocation d'évaluer la
qualité des méthodes de production, que ce soit par la capture ou
l'élevage, et de rechercher des éléments qui
présenteraient des risques pour la santé humaine ou animale. Ces
audits ne traitent pas la question de gestion durable des pêches ou de
lutte contre les pêches INN mais uniquement de questions sanitaires.
Cependant, ces règles en matière d'hygiène alimentaire
imposent des systèmes, notamment un système de
traçabilité issu d'une méthode basée sur l'analyse
de risque, nommé HACCP62, qui impose à tous les
acteurs commerciaux de denrées alimentaires ou animales de pouvoir
garantir la qualité sanitaire des aliments vendus. Ce système de
suivi sanitaire semble pouvoir être utilisé pour rechercher
l'origine d'un produit.
59 : 12752 inspections réalisées selon le journal
« le marin » - édition du 06 mars 2015
60 : « Le Marché Européen du Poisson » -
Edition 2014 - Commission Européenne - EUMOFA (European Market
Observatoy for Fisheries and Aquaculuture Products) Tableau 4 p. 7 - source :
http://ec.europa.eu/fisheries/market-observator
61 : Site de l `OAV :
http://ec.europa.eu/food/food_veterinary_office/index_en.htm
62 : Hazard Analysis Critical Control Point
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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Page :
34
5 - La certification sanitaire d'un produit peut-elle
servir à rechercher son origine ?
La base normative internationale encadrant le commerce des
denrées alimentaires est encadré par le « Codex
Alimentarius», code alimentaire rédigé sous l'égide
de la FAO et dont les normes ont pour objet de « garantir des
denrées alimentaires sûres et saines pour tous et partout
»63. Dans une directive de 2003 et révisée
en 2006, le Codex demande que les systèmes de contrôle des
importations alimentaires doivent prévoir la reconnaissance du
système de contrôle des aliments appliqué par le pays
exportateur.64 C'est dans cet état d'esprit que l'Union
Européenne a mis en place une réglementation sanitaire,
reconnaissant et listant les exportateurs agréés.
Plusieurs règlements ayant trait à cette
matière et dont l'ensemble est surnommé le « paquet
hygiène » ont été pris en 200465. Ces
textes ont pour objet de définir les normes et contraintes sanitaires
minimales obligatoires pour effectuer un commerce de denrées
alimentaires sur le territoire de l'Union. Les produits de la mer
importés ou débarqués par des navires battant pavillon
d'un pays tiers sont, de fait, soumis à ces normes.
Ce système communautaire de suivi sanitaire des
importations de produits alimentaires est basé sur la
responsabilité qui incombe à l'importateur dans le cas de
produits halieutiques importés ou du contrôle sanitaire de
l'État membre dans le cas des produits débarqués, puis sur
la responsabilité de chaque intervenant. Ceux-ci doivent être
enregistrés et posséder un agrément sanitaire,
délivrés par l'autorité en charge de la
sécurité sanitaire de l'État membre.
La base du système de surveillance sanitaire des
denrées alimentaires est la capacité de garantir qu'à
chaque étape de la commercialisation d'un produit, celui-ci ne
présente aucun risque pour le consommateur. Cette notion est
basée sur la responsabilité engagée des opérateurs
de la chaine de commercialisation. Ainsi, un intermédiaire,
commerçant un produit alimentaire devra posséder un
agrément délivré par l'autorité chargée de
la surveillance sanitaire pour chaque Etat membre. Pour obtenir cet
agrément, l'opérateur doit respecter des normes d'hygiène
de travail de ces denrées mais aussi être en capacité de
63 : Site :
http://www.codexalimentarius.org
64 : Directive CAC:GL 47-2003 du Codex alimentarius - article 13
p. 5 (
http://www.codexalimentarius.org/standards/list-of-standards/)
65 : Règlement 852, 853 et 854 du Parlement et du Conseil
du 29 avril 2004 - JOUE 25/06/2004
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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35
produire un plan de traçabilité interne à
son entreprise dons la finalité est d'être capable de justifier de
l'identité du fournisseur de ses produits. En effet, dans le cadre de la
règlementation européenne sanitaire, un opérateur appose
sur la denrée alimentaire vendue, sauf pour la vente directe en petite
quantité, un numéro d'agrément sanitaire, attestant ainsi
que la denrée vendue est en bon état sanitaire. En cas de
problème, un enquêteur ou inspecteur pourra donc connaitre
l'opérateur qui a vendu ce produit et effectuer des vérifications
auprès de cette entreprise. Cette dernière fournira l'origine du
produit acheté, c'est-à-dire les noms et adresse de son
fournisseur.
Grâce à ce système, il sera possible, en
cas de problème, de remonter au fournisseur précédent afin
de déterminer les causes de l'anomalie. Cette capacité de
retracer un produit jusqu'à l'origine du problème peut
s'avérer complexe car les enquêteurs devront inspecter tous les
intermédiaires d'une chaine de commercialisation pour trouver l'origine
de l'anomalie. Ce genre d'enquête, si de plus elle doit être
menée à l'échelle européenne, peut prendre
plusieurs années, ce qui fut le cas pour le scandale de la viande de
cheval, vendue entre autre par la société française
Spanghero66, dont les investigations ont commencé en
septembre 2012 pour une mise en examen des protagonistes en novembre 2014. Ces
investigations, dont le but était de rechercher l'origine des lots
grâce à la traçabilité sanitaire dura donc plus de
deux ans et mobilisa un nombre très important d'inspecteurs et
d'enquêteurs. De plus, étendre ces investigations à
l'extérieur des limites territoriales de l'Union Européenne
s'avère difficile car cela nécessite l'entière
collaboration des services sanitaires de l'Etat tiers concerné, et
s'effectue sous son entière juridiction. Seuls les moyens de pressions
commerciales, liés aux importations sur le sol de l'Union, permettent de
faciliter ce genre d'investigations.
L'une des bases essentielles de la sécurité
alimentaire, édictée par ces règlements est donc la
traçabilité67. Cependant, cette notion de trace ayant
pour vocation la surveillance du bon état sanitaire de la chose, montre
ses limites quant à la recherche de l'origine de la chose. Même si
elle peut permettre de rechercher cette origine, elle ne peut cependant
s'appliquer facilement que sur des produits issus de l'élevage ou de
production classique. Dans le cas de produits capturés en mer, et
commercialisés sur un marché mondialisé, comme les
66 : Fraude détectée le 17/09/12 par un inspecteur
sanitaire de Newry en Irlande du nord lors d'un contrôle sur de la viande
utilisée dans des lasagnes, ce scandale impliqua 6 pays européens
(Royaume Uni, France, Roumanie, Chypre, Luxembourg et Suède).
67 : Règlement 853/ 2004 - considérant n°15 -
JOUE 25/06/2004
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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ressources halieutiques, la traçabilité
sanitaire est essentiellement destinée a garantir la
sécurité du consommateur. En effet, la vocation première
de la recherche de la bonne origine sanitaire d'une denrée animale est
de garantir une absence de risque pour le consommateur et non une
surexploitation de la ressource consommée.
Afin de répondre à ce nouveau défi qu'est
la recherche d'une capture de ressources halieutiques respectant des principes
de TAC, voire de RMD, l'Union Européenne a développé une
nouvelle notion de traçabilité, dite traçabilité de
contrôle.
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La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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PARTIE II : la traçabilité des produits
de la mer, du bon état sanitaire à la bonne origine des lots,
exemple de la France
A- Le marché des produits de la mer, d'une traçabilité
séquentielle à une traçabilité de
contrôle
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1 - Deux traçabilités pour deux
finalités distinctes
La mise en oeuvre des règles en matière de
traçabilité sanitaire s'appuie sur un système dit
séquentiel ou interne. En effet, chaque intervenant du marché
porte la responsabilité du lot qu'il vend doit être capable de
fournir les coordonnées de son fournisseur et de ses clients. Cette
succession d'intervenant forme la chaine de commercialisation et chacun est
garant du bon état sanitaire de la chose. Ainsi, le détenteur
d'un agrément sanitaire engage sa responsabilité en affirmant que
la chose vendue est consommable sans risque, conformément aux
règlements européens et au livre II du code rural et de la
pêche maritime. En cas d'anomalie détectée sur un lot,
l'opérateur à l'obligation d'informer son fournisseur et les
acheteurs du lot68 mais ne porte la responsabilité du bon
état sanitaire de la chose que pour la séquence de
commercialisation qui le concerne, sauf en cas de tromperie
avérée69. Ainsi, conformément aux règles
européennes en vigueur, le choix des systèmes de
traçabilité est du ressort de l'opérateur qui doit avoir
un système et des procédures et qui engage sa
responsabilité dans le choix de la traçabilité dans son
entreprise70.
Ce système s'avère être pérenne si
la qualité recherchée de la chose vendue est organoleptique ou
bactériologique car cette traçabilité s'appuie sur des
notions de responsabilité de la chose par le vendeur et ne
présage pas l'engagement de sa responsabilité si, lorsqu'il a
acheté ce produit, ce dernier était contaminé et qu'il ne
pouvait en avoir connaissance. Cette première forme de
traçabilité, plus commune et plus connue a
68 : Code rural et de la pêche maritime - article L
232-1
69 : Code de la consommation - Article L 215-3
70 : Règlement (CE) No 178/2002 du parlement
européen et du conseil du 28 janvier 2002 établissant les
principes généraux et les prescriptions générales
de la législation alimentaire, instituant l'Autorité
européenne de sécurité des aliments et fixant des
procédures relatives à la sécurité des
denrées alimentaires
La traçabilité des produits de la mer
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donc comme objectifs la protection des consommateurs et la
protection économique du marché. En cas d'anomalie sur la
qualité des produits commercialisés, des systèmes d'alerte
et d'information ont été mis en place au niveau de l'Union
Européenne, tel le système RASFF (Rapid Alert System for Food and
Feed), afin de pourvoir intervenir rapidement sur l'ensemble du territoire
européen et retirer du marché des produits présentant un
risque pour le consommateur.
Cependant, si la finalité de l'information de
traçabilité recherchée est axée sur l'origine
écologique, environnementale ou ecosystémique de la chose, le
système séquentiel ne répond que très difficilement
à cette finalité. Ainsi, un lot vendu en bout de chaine de
commercialisation, indiquant juste la nature du produit, par exemple du
cabillaud, même s'il indique qu'il s'agit de cabillaud pêché
et non élevé, ne pourra répondre à des
critères liés aux notions de quotas, de légalité de
capture ou d'origine d'un stock précis, sachant que certaines
espèces identiques, ayant le même nom vernaculaire pourront
provenir de stocks différents (par exemple le cas du cabillaud du stock
de la mer du nord et du cabillaud d'atlantique).
Pour répondre à ces nouveaux enjeux liés
à la pérennisation des ressources, une nouvelle
traçabilité dite de « contrôle », mise en place
par le règlement 1224/2009, a appliqué le concept de
traçabilité de l'origine de la chose et non sur la trace
laissée par la chose. Cette nouvelle notion a d'ailleurs
été abordée au niveau international par la FAO par son
sous-comité du commerce du poisson en mettant en place une directive sur
les pratiques optimales en matière de traçabilité, mais
cette volonté d'harmoniser les pratiques sur l'ensemble du marché
mondial du poisson n'en est pour l'instant, qu'au stade de
projet71.
Cette forme de traçabilité n'était
auparavant appliquée que dans la traçabilité humaine. En
effet, cette notion de trace, d'origine criminalistique, est très
ancienne car elle avait pour objet la recherche de la personne à
l'origine d'un crime. Dans le cas de la traçabilité de l'homme,
l'origine recherchée est l'identité de la personne, que ce soit
au travers d'empreintes, ou d'ADN. L'enquêteur recherchera
l'identité du criminel en remontant sa trace, car à l'origine il
y a un seul individu ayant commis le crime, celui-ci étant fiché
et ayant une seule et unique identité.
Dans le cadre de la recherche de l'origine d'une espèce
halieutique, comme l'exige la règlementation européenne, la
démarche est très proche, car il n'est possible de mettre sur le
marché des produits de la mer que si l'enquêteur peut remonter
jusqu'au stade de la
71 : Directive sur les pratiques optimales en matière de
traçabilité - réf : COFI : FT/XIV/2014/7 - FAO - Bergen
(Norvège) du 24 au 28 février 2014 (site :
www.fao.org)
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permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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capture ou de la récolte72. Donc la
recherche de l'origine d'un produit, son identité première, doit
pouvoir être retrouvée tout au long de la chaine commerciale, et
s'affranchit donc du système séquentiel de la
traçabilité sanitaire. Les recherches actuellement menées
sur l'identité ADN des produits de la mer commercialisés
s'inspirent d'ailleurs de méthodes d'investigations criminalistiques.
Ces deux formes de traçabilité sont pourtant
complémentaires, l'une assurant la sécurité alimentaire et
l'autre la sécurité de la ressource dans un esprit de principe de
précaution.
Il est cependant nécessaire de dissocier la
traçabilité, quelle que soit sa forme, de l'étiquetage des
produits, la finalité étant différente. En effet,
l'étiquetage est une information destinée au consommateur afin
qu'il puisse effectuer un choix, en toute transparence, sur un
produit73. Par opposition, la traçabilité est la
composante de police administrative détenant les informations, parfois
sous forme de codes électroniques (code barre, ...), destinée
à assurer la sécurité des consommateurs ou des ressources.
Les informations contenues dans ces deux formes de traçabilité
n'étant pas transformable en une étiquette lisible et
compréhensible pour tous.
Ces contraintes administratives imposant d'être capable
de connaitre l'origine du produit et la qualité du produit peuvent
cependant être interprétées comme un obstacle au
libre-échange en étant qualifiées de protectionnisme.
Cependant, les différents scandales concernant l'origine de produits
alimentaires, comme celui de la vache folle, démontre la
nécessité de construire la confiance du consommateur qui, seule,
permet un libre échange durable74.
La mise en oeuvre de la traçabilité sanitaire
est actuellement pleinement appliquée sur le territoire de l'Union
Européenne et se montre plutôt efficace, tandis que la
traçabilité de contrôle est en cours de mise en oeuvre.
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39
72 : Règlement 1224/2009 - article 58 paragraphe
3
73 : M.A. HERMITTE -« La traçabilité des
personnes et des choses » - TRACABILITE ET RESPONSABILITE - ed. Economica
(2003) - p. 29
74 : M. Matthee - « L'identification et l'étiquetage
des OGM : la démocratie existe-t-elle sur le marché des aliments
génétiquement modifiés ? » - Le commerce
international des OGM, la documentation française, p. 97
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2 - la mise en place complexe de la
traçabilité externe
Le Règlement 1224/2009 impose, dans son article 58,
plusieurs mentions de traçabilités obligatoires en se basant sur
une identification de lot lors de la première vente, le code
alpha75 de l'espèce, la date de capture ou de production et
le nom du navire de pêche ou de l'unité de production aquacole.
Ces mentions de traçage d'origine devront suivre en permanence les
produits, même si ceux-ci sont divisés en sous-lots. Cependant la
mise en place des systèmes et procédures permettant d'effectuer
le lien entre les opérateurs, c'est-à-dire d'être capable
de remonter à tout moment à l'origine du lot, relève du
ressort de l'Etat Membre. Ainsi, l'Union Européenne édicte des
règles basées sur le résultat et non sur la
méthode, laissant à chaque Etat la possibilité de mettre
en place leur propre système national.
Ainsi, chaque opérateur devra être capable de
fournir à tout moment les mentions d'origine du lot qu'il commercialise,
soit sous la forme d'un document commercial qui doit accompagner physiquement
le lot, soit sous forme électronique du type code, code barre, puce
électronique ou dispositif semblable76. Cette dernière
forme de marquage électronique étant obligatoire pour les
espèces soumises à plan pluriannuel77 et à
l'aquaculture.
Les produits importés hors de l'Union
Européenne, relevant du champ d'application du règlement INN
1005/2008 et ayant donc déjà un certificat de capture, ne sont
pas concernés par les mentions imposées par le règlement
« contrôle ». Ils restent cependant soumis à
l'obligation de résultat concernant la disposition des mentions
d'origine du lot.
Cette notion de résultat concernant l'origine du lot
s'applique avec difficulté sur le territoire de l'Union. En effet,
chaque Etat membre mettant en place son propre système de
traçabilité « contrôle » et n'ayant pas
forcément le même niveau en matière de gouvernance
administrative, la mise en place de cette traçabilité de
façon optimale sur l'ensemble du territoire de l'union n'est toujours
pas atteinte. Ainsi, certains Etats, dont la France, sont toujours en cours de
mise en oeuvre de cette règlementation.
En outre, le règlement d'application 404/2011 demande
aux Etats Membres de coopérer entre eux afin de se communiquer les
éléments nécessaires afin de retracer l'origine d'un
lot
75 : Code international de trois lettres dit « code alpha 3
» correspondant à une espèce édicté par la FAO
(
www.fao.org)
76 : Règlement 404/2011 - article 67 paragraphe 5
77 : Au terme de l'article 4.5 du règlement (CE)
1224/2009, sont définis comme « plan pluriannuels » : «
les plans de reconstitution visés à l'article 5 du
règlement (CE) n° 2371/2002, les plans de gestion visés par
l'article 6 du règlement (CE) n° 2371/2002, ainsi que d'autres
dispositions spécifiques adoptés sur la base de l'article 37 du
traité CE et établissant des mesures de gestion
spécifiques applicables à des stocks de poissons particuliers
pour plusieurs années »
La traçabilité des produits de la mer
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et s'ils utilisent des moyens électroniques de
traçage, ces derniers doivent « être
élaborés sur des normes et spécifications
internationalement reconnues »78.
Enfin, la problématique principale concerne la division
ou la fusion de lots. Lorsqu'un opérateur acquiert plusieurs lots de la
même espèce, mais d'origines différentes, les transforme et
les commercialise en plusieurs lots, il s'avère complexe de
déterminer pour chaque sous-lots vendus l'origine de chaque produit. Ces
operateurs intermédiaires doivent être en capacité au sein
même de leur entreprise de mettre en oeuvre une traçabilité
interne permettant de ne pas perdre les informations liées aux lots
transformés ou manipulés, ce qui correspond aux principes de la
traçabilité sanitaire, dite traçabilité interne. En
sus de ce traçage classique, et pour respecter le principe de la
traçabilité de contrôle, une traçabilité
externe doit donc également être réalisée dont
l'état d'esprit correspond au principe suivant : « du cul de chalut
à l'assiette »79.
Autant un opérateur maitrisera sans difficultés
particulières sa traçabilité interne car il aura dû
mettre en place ce système pour obtenir son agrément sanitaire,
autant il s'avère complexe d'incrémenter un système de
traçabilité externe, surtout sur un marché de la taille de
l'Union Européenne. En effet, pour qu'un système de
traçabilité « contrôle » soit efficace, il faut
que l'opérateur puisse disposer sans difficultés des informations
d'origine du lot, qu'il vienne du marché national, européen ou
international. Or, la disponibilité de ces informations n'est pas encore
harmonisée sur le territoire de l'Union. Ainsi, un opérateur se
fiera aux données transmises par son fournisseur, via toute forme de
support commercial ou électronique, ce qui revient à la
même méthode que la traçabilité sanitaire. De plus,
plus les lots sont divisés et fusionnés, plus le nombre
d'informations accompagnant le sous lot vendu augmente. Ainsi, un
opérateur fournissant un lot de filets d'une espèce, par exemple
du cabillaud, ayant acheté à trois opérateurs
différents cette espèces et ayant mélangé les
produits de ces operateurs devra fournir un document de
traçabilité édictant le fait que le lot vendu est issu de
trois navires, de trois captures différentes et de trois lots initiaux.
Si les fournisseurs de cet opérateur ont eux aussi chacun acheté
ces produits à trois navires différents, le lot final aura donc 9
origines différentes, ce qui complexifie considérablement la
documentation de traçabilité. Si, en plus un des lots d'origine
est importé, il faudra ajouter les mentions du certificat d'importation
prévu par la réglementation INN. En finalité, un lot de
filet de poisson pourra posséder un nombre très important de
documents de traçabilité
78 : Règlement 404/2011 article 67 paragraphe
8
79 : Lignes directrices de la commission européenne - CE
MARE/A/4/VL D (2012)
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externe qu'un enquêteur aura du mal à
vérifier, ce qui ne renforcera pas, la lutte contre les produits
commercialisés d'origine illicite.
Face à cette masse importante d'information de
traçabilité, seule une solution informatique et numérique
peut permettre de remonter rapidement et efficacement aux origines du lot. A
cette fin, le règlement « contrôle » et son
règlement d'application imposent donc une solution par code barre, puce
électronique ou système équivalent. Cependant, un tel
système demande qu'une base de données soit mise en place et
puisse être incrémentée par les opérateurs. Chaque
Etat Membre portant la responsabilité du résultat final de la
mise en oeuvre de la traçabilité de contrôle au sein de son
territoire, une telle base informatique ne peut être portée
qu'à minima au niveau de chaque Etat membre.
La France a opté pour un tel système, mis
à disposition auprès des opérateurs, sans pour autant
l'imposer car certains opérateurs, notamment la grande distribution
ayant ses propres navires de capture, ont élaboré leur propre
système de traçabilité externe en sus de la
traçabilité sanitaire, interne.
3 - La responsabilité de l'Etat Membre, le cas de la
France
L'autorité française en charge de la
traçabilité « contrôle » ou externe du
marché halieutique est la Direction des Pêches Maritimes et de
l'Aquaculture (DPMA), direction dépendante du Ministère de
l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie (MEDDE).
Jusqu'en mai 2012 cette direction relevait du Ministère
de l'Agriculture de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et
de l'Aménagement du Territoire (MAPRAT) et le conseil
général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
de ce ministère avait, dans un rapport de janvier 201280,
préconisé la mise en place d'un système national de
traçabilité des produits de la mer. Ce rapport a également
mis en avant la nouvelle norme internationale proposée par
l'organisation internationale de normalisation, norme ISO81 ayant
pour objectif d'éviter le doublement des procédures de
traçabilité sanitaire et externe, surtout à des fins
d'exportations hors du territoire de l'Union. La mise en oeuvre de cette norme
par un
80 : P. FERLIN & N. LUCAS - CGAAER - « Mise en place
d'un système national de traçabilité des produits de la
mer » - Janvier 2012 - site :
http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/CGAAER_11105_2012_Rapport_cle0298ff.pdf
81 : Norme ISO 12875 :2011 - Traçabilité des
produits de la pêche - Spécifications relatives aux informations
à enregistrer dans les chaines de distribution de poissons issus de la
pêche -
www.iso.org
La traçabilité des produits de la mer
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opérateur pourrait même lui permettre d'envisager
une certification qualité sur la traçabilité des produits
issus de la pêche qu'il commercialise.
Dans la continuité de ce rapport, la DPMA,
qualifiée d'autorité unique au sens de la règlementation
européenne82 et point d'entrée et de sortie des
informations concernant tous les problèmes halieutiques entre la France,
l'Union Européenne et les Etats tiers, a continué à mettre
en place ce système de management de la traçabilité dans
la concertation et le dialogue avec tous les acteurs de la
filière.Parallèlement à cette direction, la Direction
Générale de l'Alimentation (DGAL) du MAPRAT, devenu
Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Foret (MAAF),
est, quant à elle, chargé de l'application de la
traçabilité interne, et du système de veille et d'alerte
sanitaire83. Ces deux directions ayant des attributions et des
objectifs différents mais complémentaires, lors de
l'élaboration du système de base de données
français de traçabilité externe, conformément au
règlement « contrôle », la DPMA a étroitement
associé la DGAL dans la conception de cet outil informatique.
Le résultat de ces échanges, commencés en
2012, fut la création d'un outil national informatique, non obligatoire,
nommé Système Automatisé en Ligne de
Traçabilité pour les Opérateurs (SALTO)84. Ce
système devrait, dans les mois qui viennent, permettre de
répondre aux obligations édictées par le règlement
« contrôle » et son règlement d'application.
Cette base de données sera basée sur le principe
de l'allotissement des produits débarqués ayant comme base un
numéro de lot et celui-ci s'incrémentera du numéro
d'entreprise ayant acheté le produit. Ensuite cet acheteur alimentera
cette base avec le numéro de son client et ainsi de suite. Ce
système devrait permettre de pouvoir remonter à tout moment
à l'origine du lot.
La direction des pêches a également
édictée une note technique en novembre 201485 afin de
clarifier l'ensemble des éléments de traçabilité
qui doivent être obligatoirement mis en place par les opérateurs
et, en l'attente de l'application pleine et entière des obligations
européennes dans ce domaine par la mise en route de SALTO, permettre aux
opérateurs de
82 : Règlement (CE) n° 1224/2009 -article 5
paragraphe 5
83 : Décret n° 2014-412 du 16 avril 2014 relatif aux
attributions du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la
forêt
84 : Source :
http://www.developpement-durable.gouv.fr/(Accueil
du site> Mer et littoral > Les pêches maritimes et
l'aquaculture > Espace professionnel > Traçabilité )
85 : Note technique du 6 novembre 2014 relative à la mise
en oeuvre de la traçabilité des produits de la pêche et de
l'aquaculture au titre du règlement (CE) n°1224/2009 du Conseil du
20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle
afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la
pêche (www.circulaire.gouv;fr)
La traçabilité des produits de la mer
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ne pas porter la responsabilité du retard de la mise en
oeuvre nationale de la traçabilité contrôle.
En outre, la recherche de produits de la mer illicites
étant une priorité, la note technique relative au plan national
de contrôle des produits de la pêche maritime et de l'aquaculture
marine bisannuel 2014-2015 imposée par la DPMA aux services de
contrôle stipule dans ses objectifs que le respect des obligations
déclaratives86 « ... sont le support de la lutte
contre la pêche INN et du système de traçabilité,
toutes les captures devant être documentées et
tracées. » . Ce plan national est
décliné au sein de chaque région en plan régionaux,
car les préfets de régions sont juridiquement les
autorités administratives en charge de l'application du volet
régalien de la police des pêches et ont été
désignés, en septembre 200087, par le premier ministre
pour animer et coordonner le contrôle des pêches. Cette position de
pilotage de politiques régaliennes ayant été à
nouveau confirmée par une récente instruction du gouvernement du
17 février 201588. Ces plans régionaux
définissent des objectifs de contrôle précis, basés
sur une analyse de risque et place le contrôle des obligations
déclaratives comme un des objectifs principaux en cherchant ainsi
à lutter activement contre le commerce de produits pêchés
ou importés illégalement.
Afin d'aller encore plus loin dans la lutte active contre ces
pratiques illicites, certaines initiatives régionales ont
été prises pour créer de nouveaux outils de lutte contre
la commercialisation des pêches INN.
Ainsi la Direction Interrégionale de la Mer de la zone
Nord Atlantique Manche Ouest (DIRM NAMO) a mis en place un réseau
d'agents interrégional entre la région Pays de la Loire et
Bretagne, nommé réseau INN, afin d'optimiser l'efficience du
dispositif existant en matière de contrôle des pêches et de
permettre des investigations à grande échelle afin de lutter
contre ces pratiques illicites.
Ce réseau, associé aux autres services de
contrôle comme les services de la répression des fraudes, de la
gendarmerie ou de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA),
doit permettre de rechercher des produits de la mer d'origine INN
écoulés sur l'ensemble du territoire et ce malgré un
système commercial complexe et vaste en se basant
86 : Note technique du 31 octobre 2014 relative au plan
national de contrôle des produits de la pêche maritime et de
l'aquaculture marine bisannuel 2014-2015 (www.circulaire.gouv;fr)
87 : Circulaire du 8 septembre 2000 relative à
l'organisation générale du contrôle des pêches
maritimes et des produits de la pêche (
www.legifrance.gouv.fr)
88 : Instruction du Gouvernement du 17 février 2015
relative à la coordination opérationnelle du régime de
contrôle applicable à la politique commune des pêches (
www.circulaire.gouv.fr)
La traçabilité des produits de la mer
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sur des principes de comptabilité de la chose
achetée et vendue. Ainsi, ce nouvel outil permettra de détecter
si les quantités de produits écoulés correspondent bien
aux quantités légales débarquées ou
importées initialement.
Dans le domaine de l'information des consommateurs,
l'étiquetage des produits de la mer est un élément qui
découle de facto des éléments de
traçabilité. Afin de vérifier la véracité
des éléments affichés, et donc de contribuer à
rechercher d'éventuelles origines frauduleuses de produits de la mer
commercialisés, la Direction Générale de la Concurrence,
de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), direction
placée au sein du Ministère des Finances, a élaboré
en septembre 2014 une note d'information89 relative à
l'information des consommateurs reprenant les obligations en matière
d'étiquetage des règlements OCM et « contrôle
».
Le but recherché par la France est non seulement de
respecter les principes édictés par l'Union Européenne en
matière de traçabilité mais surtout de préserver le
marché et d'éviter toute forme de concurrence déloyale et
néfaste à son économie. A cette fin, l'ensemble des
acteurs de l'Etat, issus de plusieurs ministères différents,
s'associe à la DPMA pour mettre en oeuvre les dispositions
nécessaires à l'application des règles de
traçabilité, sanitaire ou interne, de « contrôle
» ou externe et d'information des consommateurs permettant, à
terme, de sécuriser le marché national et ainsi de lutter
activement contre la commercialisation de produits illicites.
Ce dispositif de lutte contre l'écoulement de ces
produits illicites impose de fait la participation des opérateurs de la
filière et leur confère des responsabilités qui sont
variables en fonction du type traçabilité appliquée ou
recherchée.
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45
89 : Note d'information de la Direction générale de
la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
n°2014-176 du 23 septembre 2014 relative à l'information des
consommateurs sur les produits de la pêche et de l'aquaculture (
www.circulaire.gouv.fr)
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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B - Certifier l'origine d'un produit, les
responsabilités de chacun
Page :
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1- Le portage de responsabilités des
différents opérateurs du marché
La filière de commercialisation des produits de la mer
est forte de plusieurs types d'opérateurs, allant du producteur et de
l'importateur au détaillant en passant par les halles à
marée, les grossistes, les conserveries et les grandes et moyennes
surfaces dotées de centrale d'achat. Ce vaste réseau commercial
doit donc s'accorder avec les règles en matière de
traçabilité sanitaire, de contrôle de la bonne origine et
respecter l'étiquetage des produits.
En matière sanitaire, la responsabilité de
l'opérateur est pleine et entière. Comme cela a
déjà a été mentionné
précédemment, un opérateur mettant sur le marché
des denrées alimentaires porte la responsabilité du bon
état sanitaire de la chose vendue. En effet, le règlement
européen n° 178/2002 édicte le fait que « Les
exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale
veillent, à toutes les étapes de la production, de la
transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous
leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires ou les
aliments pour animaux répondent aux prescriptions de la
législation alimentaire applicables à leurs activités et
vérifient le respect de ces prescriptions90 ».
Cette obligation, reprise par le paquet hygiène de 2004 et reprise en
droit national par le code rural et de la pêche maritime, est une
obligation de résultat que seul l'opérateur porte. En cas de
défectuosité qualitative de la denrée alimentaire,
l'opérateur devra la retirer du marché, voire mettre en place un
rappel de produit. Cependant, la trace sanitaire devra être
remontée pour comprendre et faire cesser la cause de la corruption du
lot incriminé. Dans ce cas, la responsabilité de
l'opérateur portera sur le résultat et non sur l'origine. Ainsi,
un exploitant vendant des denrées altérées, portera une
responsabilité en cas de dommage causé à des tiers, aura
l'obligation de rappeler les produits incriminés, mais ne sera pas
forcement tenu pour responsable de la chose si lui-même a
été victime de son fournisseur. En outre, un retrait de produits
demandé par l'autorité sanitaire ne pourra permettre à
l'opérateur de justifier une diminution de ses effectifs sociaux et il
devra
90 : Règlement (CE) No 178/2002 du parlement
européen et du conseil du 28 janvier 2002 établissant les
principes généraux et les prescriptions générales
de la législation alimentaire, instituant l'Autorité
européenne de sécurité des aliments et fixant des
procédures relatives à la sécurité des
denrées alimentaires - article 17 (
www.eurlex.eu)
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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47
assumer cette perte financière91. Ce portage
plein et entier de responsabilité civile incitera donc les
opérateurs à contracter des assurances de perte d'exploitation
pour prévenir ce risque. Ces exploitants ont donc un
intérêt particulier à respecter les normes sanitaires et la
traçabilité attachée à celle-ci afin de ne pas, en
sus de la responsabilité qu'ils portent, perdre des parts de
marché.
De même, les informations en matière
d'étiquetage, à destination des consommateurs, relèvent
également de la responsabilité pleine et entière de
l'opérateur. Ces informations, dont le cadre général est
couvert par un règlement européen commun à toutes les
denrées alimentaires92 et dont les spécificités
en matière halieutique sont régies par le règlement
européen portant organisation commune des marchés, doivent
être portées à la connaissance de l'acheteur.
L'incomplétude ou l'absence de ces mentions seront directement opposable
à l'operateur qui s'exposerait à des poursuites pénales en
vertu du code de la consommation93. Ces mentions ont pour objectif
de permettre au consommateur de mieux choisir le produit acheté, dans un
univers ou la médiatisation de l'appauvrissement des océans en
ressources halieutiques est souvent un sujet d'actualité, voir l'objet
de reportages ou de films cinématographiques. Cependant
l'intégralité des mentions exigées, comme le nom
vernaculaire et commun de l'espèce ainsi que la zone et le type de
production, ne peuvent exister que si une trace de l'origine du produit existe.
Les manquements en la matière doivent inciter les services de
contrôle à investiguer pour identifier l'origine de ce manquement,
c'est-à-dire soit une défaillance de l'opérateur, qui sera
donc pénalement responsable, soit, si celui-ci a acheté de bonne
foi ce produit, une possible vente de produits d'origine illicites.
Concernant l'origine du produit vendu, les opérateurs
doivent être capables de fournir les données de
traçabilité externe, ou « contrôle », de la chose
vendue. Le règlement « contrôle » leur confère
cette responsabilité mais en l'état actuel du système
français, l'application de l'article 58 du règlement n°
1224/2009 est en attente de la mise en place du système SALTO. La note
de la DPMA du 6 novembre 2014 permet aux opérateurs de fournir les
données de traçabilité soit sous forme
électronique, si l'opérateur en question est doté d'un tel
système, soit sous forme documentaire. Un délai de 24 heures est
octroyé aux
91 : Cours de cassation - Chambre sociale - audience publique du
mercredi 20 octobre 1999 - N° de pourvoi: 97-42820
92 : Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement
européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des
consommateurs sur les denrées alimentaires
93 : Code de la consommation - article R214-13
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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opérateurs pour fournir les documents de
traçabilité externe demandés lors d'une inspection avec la
possibilité de consigner les produits en attente de ces informations. Ce
délai, accordé par l'administration française peut
être interprété comme non conforme au règlement
« contrôle » qui impose dans son article 58 une transmission
immédiate de ces informations. Une application stricto sensu de cet
article engagerait ainsi la responsabilité de l'opérateur alors
que le système national n'est toujours pas opérant. Le modus
operandi accordé pour permettre aux opérateurs de réunir
et communiquer les informations nécessaires aux fins de contrôle
de la traçabilité externe édictée par la DPMA
permet ainsi aux exploitants de ne pas porter la responsabilité de la
carence d'informations immédiates sur ce sujet. Cet engagement de
l'administration française parait logique car les opérateurs,
même s'ils sont collaborateurs de la création du système
SALTO, ne peuvent porter la responsabilité du retard de mise en place de
ce système. Donc, les opérateurs sont responsables de fournir les
données de traçabilité externe lors d'un contrôle,
mais dispose d'un délai pour cela afin de collecter les documents
demandés. Cette disposition particulière prendra normalement fin
lors de la mise en place de la base de données SALTO, prévue dans
les prochains mois.
Lorsque ces produits sont issus de l'importation, le
certificat de capture, sera de fait la forme documentaire de la
traçabilité externe de ces produits.
Le système de traçabilité externe ou de
contrôle prend donc la forme du schéma suivant :
Source : DPMA - Cahier des charges du volet
Traçabilité du Règlement « Contrôle »
Ainsi le lot « X », lors d'un contrôle, et
dans l'attente du système informatique SALTO, devra être
accompagné des documents de traçabilité permettant de
remonter aux trois navires
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
FRA1, FRA2 et FRA3 soit une masse documentaire très
importante et complexe à vérifier pour les services
d'inspections.
Si les services d'inspections veulent vérifier les
documents de traçabilité externe des espèces figurant sur
la photo ci-dessous, transmis sous forme de document accompagnant la
marchandise, cela s'avérera extrêmement difficile et chronophage.
En effet, si l'on prend l'exemple précédent d'un lot avec trois
navires à l'origine du lot et donc trois historiques de
traçabilité externe à vérifier et qu'on le
multiplie par le nombre d'espèces de l'illustration suivante, soit une
douzaine, les services d'inspection devraient vérifier 36 origines
différentes pour un seul étal.
Source : photo du site « mes courses à la loupe
» avec leur autorisation
L'informatisation et l'électronisation de cette
traçabilité externe apparait donc être une condition
sinequanon à la bonne réalisation de la surveillance du commerce
des produits de la mer quant à la vérification de l'origine des
lots.
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permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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2 - Les limites de la responsabilité des
opérateurs
Malgré ce système mis en place, et le
délai accorder, un opérateur ne pourra cependant fournir que les
données dont il dispose. En effet, lors d'une transaction commerciale,
le fournisseur délivrera les documents de traçabilité
externe concernant les produits de mer vendu, documents qu'il détiendra
de son propre fournisseur. Ainsi, au bout de la chaine de commercialisation un
détaillant pourra être l'operateur final de plusieurs
intermédiaires. Lors d'une inspection, cet opérateur devra
fournir, sous un délai de 24 heures les informations concernant
l'origine du lot. Cette exigence sera particulièrement difficile
à satisfaire s'il ne possède pas une documentation parfaite des
produits vendus. En effet, si un document s'avère incomplet, ou
manquant, l'opérateur demandera à son fournisseur de lui fournir
le complément d'information. Ce dernier aura peut-être la
nécessité de demander à son propre fournisseur, et ainsi
de suite jusqu'au point de débarquement ou d'importation du produit. Le
délai pour réunir ou corriger un défaut de
traçabilité peut s'avérer long, et largement
dépasser les heures allouées. Ainsi, l'operateur final devrait
vérifier systématiquement, lorsqu'il achète un lot, que
l'ensemble des informations de traçabilité externe accompagne
bien le lot en question. Cependant, le système tel qu'il est
actuellement organisé ressemble étroitement à la
traçabilité sanitaire. En effet, les opérateurs sont
dépendants de leurs fournisseurs quant à l'accès aux
informations de traçabilité et ne peuvent, en l'état
actuel des choses, remonter à l'origine du produit commercialisé
de façon immédiate. La traçabilité externe, telle
qu'elle est actuellement mise en oeuvre dans l'attente du système SALTO,
ne présente qu'une valeur ajouté minime au regard des objectifs
assignés par le règlement « contrôle ».
Pourtant, les obligations déclaratives imposées
aux producteurs, faisant l'objet d'un suivi très strict de par les
systèmes de surveillance électroniques (VMS, journal de
pêche électronique) mis en place ainsi que les objectifs de
contrôle imposés par la réglementation européenne et
le plan national de contrôle des pêches, ou aux importateurs dans
le cadre de la certification de captures, permettent de recueillir de
façon fiable l'intégralité des informations sur l'origine
des produits lors des débarquements. La difficulté principale
réside dans la division et la fusion de lots, surtout s'ils sont
accompagnés de supports documentaires qui se démultiplieront
autant de fois qu'il y aura de mélange ou division de lots. De plus les
applications informatiques liées aux activités de production ne
sont pas communicables ou ineffaçables avec l'application SALTO ce qui
générera donc un surcroit de
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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travail de saisie informatique auprès des premiers
acheteurs et imposera aux producteurs de communiquer les informations de zone
et de date de capture en double, une pour saisie sur les applications
réglementaires électroniques à bord et une pour le premier
acheteur.
Cette complexité du marché de par sa taille et
le nombre d'intermédiaires ne parait pas pouvoir, de façon
fiable, permettre un retraçage rapide vers l'origine d'un lot sans
informatisation de l'ensemble des informations incrémentées tout
au long de la chaine. Aussi, la responsabilité des opérateurs
devient de fait, limitée aux éléments dont il peut avoir
accès. Malgré l'obligation de résultats
édictée par la règlementation européenne qui
incombe à ces opérateurs, si l'Etat membre est défaillant
dans la mise en place de moyens permettant de tracer l'origine des produits de
la mer commercialisés, les opérateurs incriminés ne
pourront être responsables de ces carences, sauf s'il s'agit d'une
tromperie volontaire de leur part.
Actuellement, seul le Thon Rouge, (thunnus thynnus) fait
l'objet d'une traçabilité externe élaborée. En
effet, cette espèce, pêchée sous l'égide de la
Commission internationale pour la conservation des thonidés de
l'Atlantique (ICCAT ou CICTA)94, ORGP dont l'ensemble des pays
commercialisant cette espèce en sont membres. Ainsi, conformément
aux recommandations de cette organisation, l'ensemble des thons rouges
commercialisés doit être accompagné d'un document de
capture, nommé « Bluefin Catch Document », obligation
également reprise dans un règlement européen95
spécifique, qui suit chaque lot et la division de ces lots jusqu'au
détaillant. Ainsi, il s'avère donc normalement possible de
remonter à tout moment l'origine du thon rouge vendu.
Cette particularité n'est évidemment pas
applicable à toutes les espèces car cela représenterait
non seulement une masse documentaire considérable, mais imposerait une
gestion mondiale de la traçabilité de contrôle même
si cette dernière évolution correspond à la volonté
affichée de la FAO. Ainsi, un étal de détaillant bien
achalandé devrait posséder plusieurs dizaines, voire centaines,
de documents de traçabilité externe des produits qu'il
commercialise ce qui parait très difficilement réalisable mais
qui pourtant est, dans l'attente de SALTO, la seule solution. Aussi, la
position Française, d'avoir acté dans une note, un
94 : Organisation intergouvernementale, crée en 1969 dont
le siège est à Madrid. (www.iccat.int)
95 : Règlement (CE) n° 302/2009 du conseil du
06/04/09 relatif à un plan pluriannuel de reconstitution des stocks de
thon rouge dans l'Atlantique Est et la Méditerranée
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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système transitoire en attendant cette application
informatique, permet également à l'ensemble de la filière
de se concerter et de préparer la mise en place de cet outil de la
façon la plus efficace possible.
Cependant, dans l'attente des évolutions à
venir, l'absence ou la difficulté d'obtenir ces éléments
sur l'origine de la chose vendue peux générer des
difficultés importantes tant lors d'inspections que de commerce vers un
autre Etat membre.
3- La défaillance de la traçabilité
externe, un risque économique réel.
Récemment, une entreprise française a obtenu un
marché italien concernant un lot de quelques tonnes de produits de la
mer. Ainsi, cette entreprise a expédié, via un transporteur
frigorifique, le lot commandé. Lors de l'arrivé de la cargaison
en Italie, une inspection de la marchandise a été
réalisée par les services sanitaires italiens. Ces derniers,
malgré le constat d'un bon état sanitaire et des
éléments de traçabilité interne parfaits, ont
bloqué ce lot car les mentions de traçabilité «
contrôle » étaient incomplètes. En effet, la
tolérance accordée par l'administration française
concernant la mise en place de la traçabilité externe n'a de
valeur que sur le marché français. Il aura donc fallu
l'intervention de la direction des pêches française auprès
du gouvernement Italien pour que ce lot soit débloqué.
Cette affaire a démontré les limites du
système actuellement mis en place et le manque d'harmonisation au sein
du territoire de l'Union pose de réels problèmes pouvant avoir un
impact négatif sur la filière commerciale des produits de la
mer.
En effet, tous les produits qui transitent sur le territoire
de l'Union doivent être traçables, mais si lors d'inspections les
produits commercialisés sont bloqués ou consignés, la
perte financière pour l'opérateur sera très importante. De
plus le risque de perte de parts de marché s'avère grandissant si
un exploitant ne peut expédier ses produits hors du sol national en
toute quiétude. La mise en place d'un système harmonisé
entre Etats membres s'avère donc nécessaire afin de ne pas
risquer de bloquer ou de dégrader le commerce de cette filière.
De plus, l'électronisation de cette traçabilité parait
indispensable du fait du nombre très important d'informations que
peuvent accompagner un lot. Le risque de surcoût de traitement de
l'information, du au temps nécessaire à la mise a disposition
actuelle des documents accompagnant les lots, est très
élevé. Ce qui a pour finalité
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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53
d'augmenter les charges des operateurs alors que
paradoxalement cette traçabilité externe a vocation à
garantir une sécurité de la ressource pour assurer un
développement de l'économie liée aux produits de la
mer.
En outre, le risque de mise en oeuvre partielle ou
approximative des règles en matière de traçabilité
externe pourrait également générer des distorsions de
concurrence au sein même de l'Union Européenne car s'il existe une
inégalité d'application des règles et que cette
inégalité génère des surcouts pour certains
opérateurs, toute l'économie de production halieutique de l'Etat
membre ayant ce surcoût pourrait s'effondrer.
Actuellement, le système français de
contrôle de la filière de commercialisation des produits de la mer
est essentiellement basé sur la vérification des mentions
d'étiquetage et éventuellement de traçabilité
externe. En effet, les contrôles ciblés sur les espèces
halieutiques font partie de plans nationaux ou régionaux de
contrôle propre à chaque type de traçabilité ou de
commercialisation, il existe donc des plans de surveillance sanitaire, de
conformité à l'étiquetage ou des pêches. Les agents
de ces ministères étant plutôt spécialisés
dans leur domaine de compétence, ils auront pour objectif premier
l'application des contrôles édictés par leur direction et
collaboreront à l'atteinte des objectifs des plans des autres
directions.
Ainsi, la répartition des effectifs de contrôle
correspondra aux principaux centres d'intérêts des plans de
l'administration dont dépend l'unité de contrôle. Les
agents des Directions Départementales de la Protection des Populations
(DDPP), ayant pour direction de tutelle la DGAL ou la DGCCRF seront en premier
lieu focalisés sur les contrôles liés à l'aspect
sanitaire ou au respect du code de la consommation. Les agents des douanes,
sous l'autorité du ministère des finances, seront axés sur
la bonne validité des certificats de capture dans les postes
d'inspection frontaliers. Enfin, les agents du Dispositif de Contrôle et
de Surveillance (DCS) de la Direction des Affaires Maritimes seront
plutôt axés sur l`application des plans de contrôle des
pêches et notamment l'application de la traçabilité
externe.
Cependant, même si l'ensemble des inspecteurs
participent aux inspections sur cette traçabilité externe, les
enjeux liés à ces actions de contrôle ne peuvent pas
être perçus à l'identique des agents du DCS dont c'est le
coeur de métier. En effet, les notions d'épuisements des stocks
halieutiques, de lutte contre les pêches INN, de maintien de
l'activité socio-économique de la pêche ne seront pas
forcément les infractions recherchées par un inspecteur d'une
administration concourante à ces plans et qui exerce, par exemple,
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
dans l'Est du territoire Français, à plusieurs
centaines de kilomètres de la mer. De plus, les agents
spécialisés dans ce domaine étant essentiellement
basés le long des départements littoraux, ils ne conduisent pas
d'inspection au sein du territoire national, exception faite des investigations
menées par le réseau INN de la DIRM NAMO qui, pour l'instant,
reste à l'échelle des régions Pays de Loire et
Bretagne.
Le risque économique de par le manque de
spécialisation des unités de contrôle est réel car
l'écoulement des produits issus de modes de productions illégaux
se feront sur des marchés de masse, de par la quantité vendue.
Ces marchés étant évidement proportionnels aux
populations, les grandes métropoles sont principalement les zones ou
l'écoulement de produits d'origine illégale se fera plus
facilement. Si ces métropole ne dispose pas d'un système
d'inspection spécialisé, ou si les systèmes en place ne
sont pas suffisamment formés, il sera aisé pour un
opérateur mal intentionné de commercialiser des produits
frauduleux. En effet, un inspecteur n'ayant pas une expertise
particulière à l'architecture du système de
traçabilité contrôle pourra facilement croire qu'une
absence de mention peut être un simple oubli, ou bien ne verra pas
forcément qu'une espèce présentée sur un
étal est commercialisée malgré une interdiction de
capture, un quota fermé ou provenant d'un état non
coopérant.
Le fait que la surveillance de la traçabilité
externe ne puisse se faire sans pouvoir vérifier immédiatement la
légalité de l'origine de la chose vendue, crée un risque
que des circuits frauduleux se pérennisent au détriment des
activités légales de production et de commercialisation.
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La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
Conclusion - Lutter contre la pêche illicite en se servant de la
traçabilité, une utopiste réalité.
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55
Etre en capacité de remonter à l'origine d'un
produit de la mer en partant de n'importe quel point de la filière
commerciale est en soit un objectif plébiscité par l'ensemble des
pays occidentaux et particulièrement par l'Union Européenne. Les
différentes réglementations, ainsi que les résolutions et
recommandations internationales, ont toutes comme objectif de vouloir
préserver les océans en luttant activement contre les
pêches Illicites, Non déclarées et Non
réglementées avec, pour action principale, de certifier l'origine
des captures. Sur le territoire européen, les règles en
matière de traçabilités externe existent mais se heurtent
à des difficultés importantes de mise en oeuvre de par la
complexité du marché et la différence des types de
gouvernance nationale.
Les pouvoirs alloués tant aux inspecteurs qu'au
système d'inspection peuvent permettre, de façon laborieuse
actuellement, le temps que cette réglementation se mette en place, de
remonter jusqu'à l'origine d'un produit. Mais le fait qu'il n'existe pas
de système identique dans chaque Etat Membre peut facilement poser des
problèmes de communication d'information de traçage entre ces
Etats.
Cependant cette origine ne pourra être que le point
d'entrée sur le territoire de l'Union. En effet les limites juridiques
des pouvoirs des Etats ne peuvent permettre d'enquêter sur un sol
étranger. Cela restreint donc les effets de cette
traçabilité comme outil de lutte contre les pêcheries
illicites car il ne sera que très difficilement possible de
vérifier l'origine d'un produit au delà des frontières de
l'Europe.
La traçabilité externe pourra surement
être le meilleur moyen de lutter contre les pêches illicites, si et
seulement si les règles en la matière deviennent internationales
et fassent l'objet, à l'identique de certaines pratiques maritimes
illicites, telle la piraterie, d'un traité ou accord international
permettant de mener des actions de contrôle sur tous les navires suspects
et offrant la possibilité de sanctionner lourdement ces pilleurs des
océans.
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non
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(CE) no 1936/2001 et (CE) no 601/2004 et abrogeant les règlements (CE)
no 1093/94 et (CE) no 1447/1999
· Règlement (CE) n° 1010/2009
du 22 octobre 2009 portant modalités d'application du Règlement
(CE) 1005/2008
· Règlement (UE) n° 468/2010
de la commission du 28 mai 2010 établissant la liste de l'UE des bateaux
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· Décision n° 2014/170/UE
établissant une liste des pays tiers non coopérants dans le cadre
de la lutte contre la pêche INN (
http://old.eur-lex.europa.eu
· Décision n° 2015/200/UE
établissant une liste des pays tiers non coopérants dans le cadre
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http://old.eur-lex.europa.eu)
· Décision n° 2014/ c 85/03/UE
relative à la notification d'un pays tiers que la Commission pourrait
considérer comme pays tiers non coopérant (
http://eur-lex.europa.eu)
· Règlement (CE) n° 2454/93 du
2 juillet 1993fixant certaines dispositions d'application du règlement
(CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes
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visant à garantir l'approvisionnement des transformateurs de l'Union en
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· Règlement (CE) No 1224/2009 DU
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règles de la politique commune de la pêche
La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
Master 2 DSAMO - 2015
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58
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mesures aux fins de la conservation des stocks halieutiques en ce qui concerne
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Parlement Européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant
organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la
pêche et de l'aquaculture, modifiant les règlements (CE) n o
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http://europa.eu
· Règlement (CE) No 178/2002 du
parlement européen et du conseil du 28 janvier 2002 établissant
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l'Autorité européenne de sécurité des aliments et
fixant des procédures relatives à la sécurité des
denrées alimentaires
· Règlement (UE) n° 1169/2011
du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant
l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires
· Règlement (CE) n° 302/2009
du conseil du 06/04/09 relatif à un plan pluriannuel de reconstitution
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La traçabilité des produits de la mer
permet-elle de lutter contre les pêches INN ?
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février 2015 relative à la coordination
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www.circulaire.gouv.fr)
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www.circulaire.gouv.fr)
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59
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