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Les employés de maison dans le droit social.par IBRA NDOYE Ecole Nationale d'Administration Sénégal Dakar - Brevet de l'ENA 2009 |
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
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A noter que les employés de maison âgés de moins de 18 ans subiront sur les salaires de l'adulte, les abattements suivants en vertu de l'article 9 de l'arrêté 974 : - de 14 à 15 ans : 50 % - de 15 à 16 ans : 40 % - de 16 à 17 ans : 20 % Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
25 - de 17 à 18 ans : 10 % B. Les majorations du salaire1. INDEMNITE SPECIALE POUR SURCHARGE DE TRAVAILComme mentionné au tableau, les employés classés de la 1ere à la 5eme catégorie bénéficient d'une indemnité pour charge de travail égale à 5 % du salaire de base de la catégorie, lorsque le nombre de personnes vivant habituellement sous le toit familial de l'employeur est supérieur à cinq. 2. PRIME D'ANCIENNETELes employés de maison ont droit, comme tout autre salarié, à une majoration de salaire pour ancienneté. L'ancienneté se calcule à partir de l'embauche. Aux termes de l'article L.70 du Code du Travail, les congés de maternité, les congés payés, les absences pour maladies dûment constatées par un médecin agrée, durée limitée à six mois pouvant être prorogée jusqu'au remplacement du travailleur, les absences du travailleur, autorisées par l'employeur en vertu de la réglementation, de la convention collective ou d'accords individuels, la période d'indisponibilité résultant d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle entrent dans le calcul de l'ancienneté. Le pourcentage de majoration a été présenté ainsi qu'il suit par l'arrêté 974 du 23 janvier 1968 : ? 3 % du salaire de base minimum de la catégorie du salarié, après 3 ans de présence ; ? 5 % du salaire de base minimum de la catégorie du salarié, après 5 ans de présence ; ? 1 % par année du salaire de base minimum de la catégorie du salarié, de la 6eme à la 15eme année incluse. Nous estimons qu'il faut substituer à ces taux ceux prévus par la Convention Collective Nationale en son article 45 qui sont nettement plus favorables, mais qui tout de même ne s'imposent pas aux employeurs. Ils se présentent comme suit : ? 2 % du salaire minimum de la catégorie du salarié, après 2 ans de présence effective et 1 % par année de présence en sus, jusqu'à la 25eme année incluse. 3. PARTICIPATION AUX FRAIS DE TRANSPORTL'article 21 de l'arrêté dit bien que : « l'employé recruté hors du lieu d'emploi ou déplacé de Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
26 ce lieu par l'employeur durant l'exécution du contrat, aura droit au paiement de ses frais de voyage ». Il s'agit en fait de ce qu'on appelle couramment les indemnités de déplacement. Il se pose par ailleurs la question de savoir si les employés de maison peuvent prétendre au paiement de la prime de transport, telle que prévue par la Convention Collective en son article 46 qui en fixe les modalités. Etant donné que cette participation a été fixée par décision de la commission mixte paritaire, elle ne s'impose pas aux employeurs de personnel domestique qui comme toujours n'ont pas pris part aux négociations. Par ailleurs, le travailleur effectuant par ses propres moyens des déplacements fréquents et habituels dans l'exécution de sont contrat se verra allouer une indemnité compensatrice de transport. 4. LES AVANTAGES EN NATURECertains avantages qui ne s'imposent pas à l'employeur dans la mesure où ils ne sont pas obligatoires peuvent être accordés à l'employé de maison. S'il est autorisé à prendre ses repas ou loger chez l'employeur, ces avantages en nature sont alors considérés comme un salaire en nature. L'employeur peut donc les déduire de son salaire net. C'est ce que dit l'article 11 de l'arrêté 974 et la valeur de ces avantages est fixée d'accord parties dans la limite des taux prévus par la réglementation. ? Pour le logement Lorsque le travailleur est logé par son employeur, celui-ci peut retenir, par jour, une somme équivalant à une demi-heure du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG = 209,10 F CFA) Quelle que soit sa rémunération, le travailleur logé par son employeur ne peut se voir retenir mensuellement, que : 209,10/ 2 x 30 = 3136,5 F CFA ? Pour la nourriture Lorsque la nourriture est assurée au travailleur par l'employeur, celui-ci peut retenir par jour, une somme équivalant à : Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
27 - deux fois le taux horaire minimum agricole garanti (SMAG = 182,95 F CFA) pour une ration journalière (deux repas) ou ; - une fois le taux horaire minimum agricole garanti (SMAG) pour un seul repas.
5. AUTRES AVANTAGES SUPPLEMENTAIRESCeux-ci ne dépendent que du bon vouloir de l'employeur. Cependant même si rien ne l'y oblige, il est assez fréquent que les travailleurs perçoivent une indemnité de cherté de vie et une prime de panier. Ladite indemnité d'un montant forfaitaire de 3000 FCFA était allouée à l'ensemble des travailleurs pour faire face à la vie chère dans les années 1990 ; il reste à savoir si elle est intégrée dans les salaires actuels. Quand à la prime de panier, elle pourra être accordée au travailleur dans les conditions suivantes : Montant - 3 fois le montant du SMIG pour chaque heure travaillée Conditions - que le travailleur effectue au moins six heures de travail de nuit (entre 22 heures et 5 heures) ou ; - que le travailleur ait accompli dix heures ininterrompues, ou ; - que le travailleur ait effectué trois heures en plus de son horaire normal. Exceptions La prime n'est due, en aucun cas, si l'employé : - la perçoit en nature, ou ; - travaille comme gardien concierge C. La périodicité de la paieL'employé est payé chaque mois, et à date fixe, en principe le dernier jour du mois. A la demande de l'employé, le salaire pourra être payé chaque quinzaine. C'est ce qu'on retient des dispositions de l'article L.115 du Code du Travail. Par ailleurs, les paiements mensuels Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
28 devront être effectués au plus tard 8 jours après la fin du mois de travail qui donnent droit au salaire et les paiements à la quinzaine au plus 4 jours ou 2 jours après la fin de la quinzaine qui donne droit au salaire. Néanmoins, le paiement du salaire doit se faire selon certaines modalités. D. Les exigences de formeAux termes de l'article L.116 du Code du Travail, tout paiement doit faire l'objet d'une pièce justificative dite bulletin de paie dressée et certifiée par l'employeur et remise au travailleur au moment du paiement. Le double du bulletin de paie établi par polycopie carbone fait office de registre de paiement sur lequel émarge le travailleur à l'occasion de chaque paiement. En cas d'absence de bulletin, il est présumé de manière irréfragable que le travailleur n'a pas été payé, à moins que l'employeur puisse fournir une preuve contraire sous forme écrite. IV. La suspension du contrat de l'employé A. Le congé payé annuel1. LE CONGE PRINCIPALLes employés de maison ont droit au congé dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les autres salariés. L'article 19 de l'arrêté 974 tout comme les articles L. 148 et suivants du Code du travail consacrent leurs dispositions à la jouissance et aux modalités du congé payé. Le droit de jouissance au congé est acquis après une période minimale de service effectif, appelée période de référence, égale à 12 mois. L'année de service effectif c'est la période de 12 mois entre la date d'embauche ou de retour du congé précédent jusqu'au dernier jour qui précède le départ pour le nouveau congé (y compris la période d'essai). La durée du congé principal se calcule à raison de 2 jours ouvrables par mois de service effectif, soit 4 semaines calendaires par année de service effectif. Précisons que le jour ouvrable s'entend comme tout jour de la semaine, du lundi au samedi, à l'exception du dimanche, du jour de repos hebdomadaire qui le remplace, ou des jours fériés chômés. Tandis que le mois de service est un mois de travail de date à date, soit 24 jours de travail (selon un horaire hebdomadaire de travail sur 6 jours), soit 20 jours de travail (si l'horaire est réparti sur 5 jours) ou 22 jours de travail (si l'horaire est réparti sur 5,5 jours). Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
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30 S'il est vrai que le droit de jouissance au congé est acquis après une période minimale de service effectif de12 mois, les parties peuvent s'entendre sur un report de celui-ci qui peut être cumulé sur une période maximum de 3 ans sous réserve d'un congé de six jours ouvrables à prendre obligatoirement chaque année. Ils peuvent également s'entendre sur le fractionnement du congé, l'une des fractions devant toujours être égale à 12 jours. Notons au passage que la prise du congé ne pourra être remplacée par une indemnité compensatrice qu'en cas de rupture ou d'expiration du contrat. Le congé principal peut être majoré notamment en fonction de l'ancienneté ou pour enfants à charge. 2. LES CONGES SUPPLEMENTAIRESL'employé bénéficie d'un congé additionnel payé dans les cas suivants : ? Pour ancienneté La durée du congé principal est augmentée d'un jour ouvrable par période de cinq ans de service chez le même employeur. ? Au titre de la maternité - La mère de famille aura droit à un jour de congé payé supplémentaire par année pour chaque enfant à sa charge de moins de 14 ans enregistré à l'état-civil. Cette disposition légale est complétée par celles de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle en son article 55 qui posant la condition de l'accomplissement de la période de référence dispose que les femmes salariées bénéficient de : - deux jours de congé supplémentaires par enfant à charge si elles ont moins de vingt et un ans au dernier jour de la période de référence ; - deux jours de congé supplémentaire par enfant mineur à charge à compter du quatrième si elles ont plus de vingt et un ans au dernier jour de la période de référence. ? Cas particulier du gardien- concierge Les travailleurs logés dans l'établissement ou à proximité de l'établissement dont ils ont la garde et astreints à une durée de présence de 24 heures continues par jour, sous réserve d'un repos de 24 heures consécutives par semaine, ont droit à un congé annuel payé de deux semaines en sus du congé légal. 3. CAS DES EMPLOYES DE MAISON DONT LES CONGES NE COÏNCIDENT PAS AVEC CEUX DE LEURS EMPLOYEURSCe cas concerne généralement les employés au service d'employeurs expatriés qui passent leurs congés annuels hors du territoire sénégalais, pour des durées supérieures à celles de leurs employés. Dans une telle situation, il peut être envisagé la rupture pure et simple du contrat ou le maintien à l'employé, d'accord parties, de tout ou partie de sa rémunération durant l'absence prolongée de l'employeur. Le Code du Travail penche pour cette seconde option lorsqu'il dispose en son article L.154 que : « lorsque le maintien en activité d'un établissement n'est pas assuré pendant un nombre de jours dépassant la durée fixée pour la durée des congés légaux annuels, l'employeur est tenu, pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant cette durée, de verser aux travailleurs une indemnité qui ne peut être inférieure à l'indemnité journalière de congés payés ». L'inconvénient de la première solution est que l'employeur risque, à son retour de congé, de ne pas trouver son employé. De plus, il pourrait s'exposer au paiement de dommages et intérêts, si la rupture du contrat n'était pas faite selon la procédure légale (paiement de l'indemnité de préavis notamment). L'autre solution consiste à maintenir au salarié, sous forme « d'indemnité d'attente », tout ou partie de son salaire pour la période comprise entre la fin de ses congés et la date de retour de son employeur, ce qui donne à ce dernier plus de chance de retrouver son employé. Mais on peut toujours s'interroger sur la validité de l'accord conclu dans ce cas, lorsque l'indemnité d'attente correspond à une fraction seulement du salaire. Les tribunaux ne se sont pas encore prononcés à notre connaissance sur cette pratique. B. Rémunération du congéLes congés sont rémunérés au moment où ils sont pris. L'employeur doit verser au travailleur, au moment de son départ en congé, une allocation égale à 1/12eme des sommes perçues par le travailleur au cours de la période de référence, à l'exclusion des indemnités ayant le caractère de remboursement de frais, des prestations en nature liées accessoirement à l'emploi. En d'autres termes, les retenues éventuellement opérées au titre de la ration journalière et du logement entrent Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
31 dans la base de calcul de l'allocation de congé. C. Les absences L'article 16 de l'arrêté 974 est très explicite par rapport aux absences et sonne comme un avertissement sur les conséquences encourues par l'employé en s'absentant sans motif ; « l'employé ne peut s'absenter sans autorisation ou justification », dit-il. Il ajoute également que : « Toute absence non autorisée ni justifiée, renouvelée au cours de la même mensualité, peut être considéré comme un abandon du travail justifiant la rupture du contrat sans indemnité ni préavis ». Cependant, des absences de divers ordres avec ou sans salaire, déductibles du congé ou non, sont accordées au travailleur sous certaines conditions.
Dans la limite de 15 jours par année, selon l'article 18 de la Convention Collective que nous préférons substituer aux 10 jours de l'arrêté 974, sous réserve que l'employeur donne son assentiment car les dispositions de la CCNI ne s'imposent pas juridiquement, l'employé peut demander des permissions exceptionnelles, sous certaines conditions, non déductibles du congé réglementaire et n'entrainant pas de retenue de salaire lors des évènements ci-après :
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Conditions d'octroi : ? L'employé a six mois d'ancienneté ; ? L'obtention d'une autorisation écrite préalable de l'employeur ; ? L'absence est à justifier par la présentation de pièces d'état-civil ou d'une attestation délivrée par une autorité administrative qualifiée le plus tôt possible, et au plus tard, huit jours après l'évènement. Prolongations : ? Si l'évènement se produit hors du lieu d'emploi et nécessite un déplacement, les délais peuvent être prolongés d'accord parties mais cette prolongation ne sera pas rémunérée. 3. ABSENCE POUR MALADIE ET ACCIDENT NON PROFESSIONNELS Les absences justifiées par l'incapacité résultant de maladie et d'accident non professionnels ne constituent pas une cause de rupture du contrat de travail dans la limite de six mois, ce délai peut être prorogé jusqu'au remplacement du travailleur. Pendant ce délai, au cas où le remplacement s'imposerait, le remplaçant devra être informé par écrit du caractère de son emploi. Lorsque la maladie du travailleur nécessite un traitement de longue durée, le délai de six mois prévu à l'alinéa 1er du présent article, sera porté, compte tenu de l'ancienneté du travailleur à huit mois pour les travailleurs comptant de sept à quinze ans d'ancienneté et à dix mois au-delà. Formalités à accomplir : ? la maladie doit être constatée par un médecin dans les 48 heures ? Sinon, sauf cas de force majeure, le travailleur doit avertir son employeur du motif de son absence dans un délai de six jours suivant la date de l'accident ou de la maladie. Cet avis est confirmé par un certificat médical à produire dans le délai d'une semaine. L'employeur pourra toujours faire procéder à une contre-visite par un médecin de son choix. D. Les jours fériés La loi 74-52 du 4 novembre 1974 relative à la fête nationale et aux fêtes légales modifiée par la loi 83-54 du 18 février 1983 et la loi 89-41 du 26 décembre 1989 prévoit certaines fêtes civiles ou religieuses comme fériés. Ce sont :
En règle générale, ni la veille ni le lendemain d'une fête légale ne sont considérés comme jours fériés. Exceptionnellement, quand la Korité et la Tabaski tombent un dimanche, le lundi suivant est férié. Jours fériés chômés : Au Sénégal, tous les jours fériés sont chômés (ce sont des jours de repos). Cependant, la loi prévoit spécifiquement que le personnel domestique doit travailler lorsque les besoins de l'employeur le requièrent. Jours fériés chômés et payés : Les jours fériés, chômés et payés ne sont pas travaillés et n'entrainent pas de réduction de salaire. Il s'agit de : la Fête Nationale, la Tamkharit, la Fête du Travail. Pour ceux-ci également, la loi prévoit de manière spécifique que le personnel domestique doit travailler sur demande de l'employeur au risque de s'exposer à des sanctions disciplinaires. V. La disciplineA travers le lien de subordination juridique, c'est à l'employeur qu'est dévolu le pouvoir d'organisation du travail mais aussi le pouvoir de sanction disciplinaire car l'employé qui ne respecte pas les obligations découlant du contrat commet une faute dont la persistance et la Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
34 gravité peuvent mener à la rupture du contrat. Car on n'oublie souvent que dans l'exercice de son contrat, l'employé n'a pas que des droits ; Il est bel et bien tenu de respecter les obligations suivantes : ? d'exécuter de manière consciencieuse le travail, objet du contrat ; ? d'éviter les manquements liés aux négligences et maladresses ; ? de se soumettre au pouvoir de direction de l'employeur et à son autorité ; ? de respecter les prescriptions disciplinaires A. Comment sanctionner les fautes de l'employéMême si la confiance est fondamentale dans la relation entre l'employé et l'employeur, ce dernier peut avoir à sanctionner les éventuelles fautes de son salarié. La sanction se présente le plus souvent sous forme de lettre, mais elle peut belle et bien être orale. Le type de sanction varie en fonction de la gravité de la faute et la sanction doit toujours être proportionnelle à la faute commise. Il existe cinq types de sanctions applicables au personnel aux termes de l'article 16 de la CCNI : - la réprimande, l'avertissement verbal ou écrit, la mise à pied disciplinaire d'un à trois jours, la mise à pied conservatoire de quatre à huit jours et le licenciement. Mais l'appréciation de la gravité de la faute reste néanmoins subjective, faute de définition légale. B. Les différents types de fautesLa faute doit avoir été commise dans le cadre du travail du salarié. Selon sa gravité, elle peut ou non entrainer son licenciement. On distingue plusieurs types de fautes : ? La faute légère Ce type de faute ne donne pas lieu, en principe, à un licenciement. Il peut s'agir de retards sans conséquence pour l'employeur ou d'une infraction occasionnelle à une interdiction mentionnée ou non dans le contrat. Une mise au point orale entre l'employeur et l'employé est souvent suffisante pour éviter que ce genre de faute ne se reproduise. Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye ? La faute grave
35 Il n'y a pas de texte législatif qui définit la faute grave. Elle relève souvent de cas particuliers. En cas de désaccord sur la gravité de la faute, seuls les tribunaux pourront apprécier le degré de la faute. On peut cependant en donner quelques exemples : vols, refus de s'acquitter d'une tâche prévue dans le contrat de travail... ? La faute lourde C'est une faute grave commise avec l'intention de nuire. Dans certains cas, l'employeur peut même poursuivre le salarié devant une juridiction pénale. Il est en droit de le licencier sans préavis et sans indemnité. Il n'est pas obligatoire d'avoir donné un avertissement au salarié avant de sanctionner une faute lourde car elle est suffisamment grave pour constituer par elle-même un motif valable de rupture de la relation de travail. VI. La rupture du contrat de travailLes règles régissant la rupture de travail varient selon le type de contrat entre les parties : le contrat à durée déterminée ou le contrat à durée indéterminée. A. Le contrat à durée déterminéeEn vertu de l'article L. 48 du Code du Travail, il ne peut être mis fin à un contrat à durée déterminée avant terme que dans trois cas : - La faute lourde - L'accord des parties constaté par écrit - La force majeure La méconnaissance par l'employeur de cette règle donne droit au travailleur à des dommages et intérêts. Lorsque le C.D.D. arrive à terme, l'employeur n'a pas l'obligation de le renouveler. Cependant, lorsque les relations contractuelles ne se poursuivent pas à l'issue dudit contrat ou lorsque le travailleur est licencié avant la fin du contrat, celui-ci a droit à une indemnité égale à 7% du montant de la rémunération totale brute due au travailleur pendant la durée du contrat. A titre exceptionnel, cette indemnité n'est pas due dans les cas suivants : - L'employé de maison refuse d'accepter la conclusion d'un contrat à durée indéterminée Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
36 pour occuper le même emploi ou un emploi similaire assorti d'un salaire au moins égal. - En cas de rupture du contrat avant terme due à l'initiative du travailleur ou à sa faute lourde. - Toute absence du travailleur non autorisée, ni justifiée, renouvelée au cours de la même mensualité, peut être considérée comme un abandon de poste justifiant la rupture du contrat sans indemnité. B. Le contrat à durée indéterminée Fin du contrat Lorsque le contrat de travail est conclu entre les parties pour une durée indéterminée, chacun a le droit d'y mettre fin sous réserve des règles sur le préavis et les formes de licenciement. Nécessité d'un préavis En vertu de l'article 4 de l'arrêté 974 du 23 janvier 1968, celui qui prend l'initiative de la rupture doit la notifier à l'autre partie par écrit, 8 jours à l'avance. L'article L. 50 de la loi 97-17 du 1er décembre 1997 insiste quant à lui sur l'obligation de mentionner le motif de la rupture dans la notification. Deux heures par jour, pendant les heures de travail, à l'exclusion des heures de repos, doivent être accordées durant cette période à l'employé de maison pour lui permettre de chercher un nouvel emploi. Ces deux heures, rémunérées, seront prises alternativement, un jour au choix de l'employé, un jour au choix de l'employeur à défaut d'accord entre les intéressés. En cas d'inobservation du préavis, la partie responsable de la rupture devra verser à l'autre une indemnité égale au montant des appointements en espèces et en nature correspondant à la durée du préavis. Exceptions - L'employeur n'est pas tenu de verser l'indemnité de préavis en cas de faute lourde imputable au travailleur. - Si le licenciement survient sans préavis mais pour un motif légitime, ce licenciement sans ne peut être considéré comme abusif, mais le tribunal peut toujours accorder une indemnité pour sanctionner l'inobservance des règles de forme. - Dans le souci de protéger la maternité, la loi permet à la femme enceinte de rompre son Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
37 contrat de travail sans préavis et sans avoir de ce fait à payer une indemnité de rupture du contrat. - Pendant la période d'essai, chaque partie pourra prendre sa liberté sans préavis. - Le travailleur licencié qui se trouve dans l'obligation d'occuper immédiatement un nouvel emploi peut aviser l'employeur de cette obligation et quitter l'établissement avant l'expiration du délai du préavis sans avoir à payer d'indemnité. Attention ! Si la rupture du contrat intervient pendant le congé du travailleur, l'indemnité compensatrice de préavis est doublée. A noter que le domestique saisonnier cessant ses services en fin de saison, conserve pendant un an la priorité d'embauche chez le même employeur et dans la même catégorie d'emploi saisonnier. Passé ce délai, la priorité d'embauche continue à lui être réservée pendant une seconde année, mais son réengagement peut être précédé d'un essai ou d'un stage probatoire d'une durée n'excédant pas un mois pour les débutants et quinze jours pour les autres. C. L'indemnité de licenciementSelon les termes de l'article 5 de l'arrêté 974, l'employé licencié après une année de service a droit à une indemnité pour chaque année de service : - Pour les 5 premières années, 20 % du salaire mensuel du dernier mois. - Pour la période entre la 5eme et la 10eme année incluse, 25 % du salaire mensuel du dernier mois. Exemple Fatou a été engagée le 15 juin 1989. Le 1er août 2000, alors qu'elle gagnait 300 FCFA l'heure, soit 48 000 FCFA/mois ; elle a été licenciée (après plus de 10 ans de service). Son indemnité de licenciement sera calculée de la façon suivante :
- Pour la période au-delà de la 10eme, 30 % du salaire mensuel du dernier mois.
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38 D. Dommages et intérêts pour rupture abusiveToute rupture abusive du contrat peut donner lieu à des dommages et intérêts qui ne se confondent ni avec l'indemnité de préavis, ni avec l'indemnité de licenciement. Plus particulièrement, les licenciements sans motifs légitimes, les licenciements motivés par les opinions du travailleur, son activité syndicale, son appartenance ou sa non appartenance à un syndicat déterminée, sont jugés abusifs. C'est la juridiction compétente qui constatera l'abus par une enquête sur les causes et circonstances de la rupture du contrat, notamment la véracité du motif évoqué par l'employeur. La jurisprudence permet de sérier les motifs de rupture selon qu'ils sont légitimes ou non. 1. LES MOTIFS LEGITIMES - Le vol avéré de même que la tentative de vol constitue une faute de nature à entrainer la perte de confiance et la rupture du contrat de travail. - Le refus d'obtempérer à une demande légitime de l'employeur. - Le salarié profère des menaces et insultes à l'égard de son employeur plusieurs fois et a fait l'objet de plusieurs avertissements. - L'absence injustifiée, car l'article 16 de l'arrêté 974 précise que l'employé ne peut s'absenter sans autorisation ni justification, surtout au cours de la même mensualité, ce qui est considérée comme un abandon du travail. - Le fait pour un gardien de nuit de dormir allégrement et profondément sur les lieux de travail malgré les avertissements répétés de l'employeur constitue une faute lourde justifiant la rupture du contrat de travail. - L'incompatibilité d'humeur - Certaines situations personnelles de l'employeur (perte d'emploi, baisse significative de revenus, décès du conjoint...). - Le déménagement ne constitue un motif de licenciement que si l'employé refuse de suivre l'employeur, mais il doit d'abord lui en faire la proposition. Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
39 - Le licenciement pour accident ou maladie n'est admis que si celui-ci entraine une inaptitude au travail, constatée médicalement. Attention ! Le fait qu'un licenciement soit légitime ne libère pas nécessairement l'employeur de l'obligation de donner le préavis et l'indemnité de licenciement à moins que le travailleur ait commis une faute lourde.
En cas de rupture du contrat de travail, le salaire, les primes et les indemnités de toute nature dus au travailleur au moment de la rupture doivent être payés dès la cessation de service. A travers le formalisme qui accompagne la procédure de rupture du contrat de travail, le législateur vise bien entendu à protéger le travailleur contre quelque abus que ce soit de la part de l'employeur. Cependant, une autre protection existe, cette fois-ci contre les aléas de la vie, accident du travail, la maternité, la maladie, par la fourniture de revenus supplémentaires. C'est là l'économie du régime de Sécurité Sociale. Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
40 Chapitre IV La protection socialeSelon le principe posé par les dispositions régissant l'Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal, le Code de la Sécurité Sociale et le décret n° 75-895 du 14 août 1975 portant organisation des institutions de prévoyance maladie, le personnel domestique permanent a le droit de bénéficier des prestations fournies par les organismes sociaux, à savoir la Caisse de Sécurité Sociale, l'IPRES et les IPM. Les employeurs utilisant le service de ce personnel sont donc tenus d'affilier celui-ci auxdits organismes et de se conformer à toutes les obligations découlant de cette affiliation (versement des cotisations, déclaration des accidents de travail, déclaration de cessation d'activité en cas de rupture du contrat de travail etc.). I. La Caisse de Sécurité SocialeLa participation du travailleur aux branches de sécurité sociale a été rendue obligatoire. Les cotisations au titre de prestations familiales, des accidents du travail et des maladies professionnelles sont à la charge de l'employeur. Il doit calculer ses cotisations selon trois paramètres : ? L'assiette de cotisation : les cotisations sont assises sur le montant global des rémunérations et assimilés, à l'exclusion des éléments ayant un caractère de remboursement de frais (primes de transport, indemnités de salissure...) ? Le plafond des salaires : on appelle plafond de salaire le montant au-delà duquel les cotisations ne sont pas dues ; Il est de 63 000 francs par mois et par salarié. Le plancher est égal au SMIG (salaire interprofessionnel garanti égal à 36 243 FCFA). ? Les taux des cotisations : les taux de cotisations varient selon les branches : - 7 % (taux uniforme) ? prestations familiales - 1 %, 3 %, 5 % (selon l'activité principale de l'entreprise) ? accidents du travail et maladie professionnelles. Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
41 A. Accidents du travailEn cas d'accident ou de maladie à caractère professionnel, un travailleur peut subir des lésions pouvant engendrer une incapacité temporaire ou permanente. Dans l'éventualité où le travailleur subit un tel dommage, la Caisse de Sécurité Sociale lui versera des indemnités à titre de salaire et de frais pour son traitement. Obligation de l'employeur Il est tenu de verser 1 % de l'ensemble des rémunérations ou gains perçus par le travailleur en contrepartie ou à l'occasion d'un travail, à l'exception des frais professionnels, des indemnités représentatives de frais et des prestations familiales. Versements Trimestriellement dans les 15 premiers jours du mois suivant le trimestre de travail. Sanction Le non respect des délais entraine une majoration de retard de 10 % par mois ou fraction de mois de retard. B. Prestations familialesLe versement des cotisations à la Caisse de Sécurité Sociale par l'employeur donne droit à plusieurs formes d'allocations, notamment, des allocations familiales pour des enfants à charge, des allocations de maternité et prénatales, ainsi que des indemnités journalières de congé de maternité. Obligation de l'employeur Il est tenu de verser 7 % de la même assiette que pour les cotisations d'accidents de travail. L'échéance des versements ainsi que les sanctions sont les mêmes que pour les accidents du travail. ? Cas pratiques - Cas n° 1 : Fatou Fall est employée de maison et perçoit un salaire mensuel de 28 750 FCFA. La cotisation à verser est calculée ainsi qu'il suit : Accidents du travail : 36 243 F x 1/ 100 = 362 F Prestations familiales : 36 243 F x 7/ 100 = 2 537 F Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
42 Total des cotisations dues pour le mois : 2 537 F + 362 F = 2 899 F - Cas n°2 : Souleymane Diouf est jardinier dans une représentation diplomatique et perçoit un salaire mensuel de 39 500 FCFA. La cotisation à verser est calculée ainsi qu'il suit : Accidents du travail : 39 500 F x 1/ 100 = 395 F Prestations familiales : 39 500 F x 7/ 100 = 2 765 F Total des cotisations dues pour le mois : 2 765 F + 395 F = 3 160 F C. Le congé de maternité Conformément aux dispositions de l'article L. 143, alinéa 1 du Code du Travail, « toute femme a le droit de suspendre son travail pendant quatorze semaines consécutives, dont huit semaines postérieures à la délivrance ». Il ajoute plus loin que : « pendant cette période, la femme enceinte a droit à un régime spécial d'assistance en vue d'assurer à la fois sa subsistance et les soins nécessités par son état, dans les conditions prévues par la législation de la sécurité sociale, notamment la loi 73-37 du 31 Juillet 1973 portant Code de la Sécurité Sociale en son article 24 et suivants. Qui peut en bénéficier ? La femme salariée en état de grossesse peut bénéficier d'indemnités journalières de congé de maternité pendant la durée du congé de maternité qui ne peut excéder : - 6 semaines avant la date présumée de l'accouchement - 8 semaines après l'accouchement - 3 semaines maxima de prolongation en cas de maladie résultant de la grossesse ou des couches. Que faut-il faire ? Au moment du départ en congé de maternité, l'intéressée doit remplir une demande d'indemnités journalières fournie par la Caisse de Sécurité Sociale et y joindre : ? Une attestation de travail signée par l'employeur ? Un certificat médical de grossesse ? Une attestation d'arrêt de travail pour congé de maternité signée par l'employeur ? Le dernier bulletin de salaire Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
43 En cas de prolongation du congé de maternité, il faut : > Fournir un certificat médical précisant que la prolongation est en rapport avec la grossesse ou les couches > Une attestation de non reprise de travail signée par l'employeur Au moment de la reprise du travail > Fournir une attestation de reprise de travail signée par l'employeur A combien s'élèvent-elles ? Elles s'élèvent à la totalité du salaire effectivement perçu lors de la dernière paie, à l'exception des primes ou indemnités ayant un caractère de remboursement de frais. Quand sont-elles payées ? > Soit par période de 30 jours > Soit à l'expiration des 6 semaines avant l'accouchement > Soit à l'expiration des 8 semaines après l'accouchement > Soit à l'expiration du congé supplémentaire II. Le régime de retraite (IPRES)En fait l'IPRES gère deux régimes de retraite selon la répartition par la technique des points : ? Le régime général de retraite (R.G.R.), en faveur des salariés régis par le Code du Travail et des agents non fonctionnaires de l'Etat, des collectivités et des établissements publics ; il intègre la section des Employés de maison et des travailleurs occasionnels. ? Le régime complémentaire des cadres (R.C.C.) en faveur des salariés cadres définis par une convention collective. Les travailleurs sont obligatoirement affiliés au régime général, le régime complémentaire est réservé aux cadres. Les cotisations au titre des régimes de retraite sont réparties entre employeurs et employés. La quote-part due par l'employé est donc prélevée sur le salaire du travailleur par son employeur. Obligation Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye
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45 Pour la quote-part du travailleur, un taux de cotisation est assis sur le salaire et les accessoires du salaire, à l'exception des frais professionnels, des indemnités représentatives de frais et des prestations de la Caisse de Sécurité Sociale. Le taux est actuellement fixé par le Conseil d'Administration de l'IPRES. Il est actuellement de 14 % et, est réparti entre l'employeur pour 8,4 % et le travailleur pour 5,6 %. Les cotisations sont assises sur le salaire plafonné du salarié. Le salaire maximum soumis à la cotisation est de 256 000 CFA. Les adhérents, c'est-à-dire les employeurs doivent notifier à l'IPRES, dans un délai maximum d'un mois, toutes modifications (changements d'adresse, départ ou embauche de personnel, cessation d'activité (temporaire ou définitive, etc.). Versement L'employeur assure le reversement de la cotisation totale (salarié et employeur) trimestriellement et au plus tard le 10 du mois suivant l'échéance pour l'employeur. Sanction En cas de non respect des délais, les cotisations font l'objet d'une majoration de 5 % par mois ou fraction de mois de retard jusqu'à concurrence de 50 % du plafond des sommes dues. III. Le régime de la maladieLa cotisation à un régime de maladie n'est pas obligatoire pour les parties à un contrat de travail. Cependant, celles-ci peuvent décider d'adhérer à un régime de maladie dont la prise en charge est assurée au moyen d'une affiliation à une Institution de Prévoyance Maladie (IPM) approuvée. Obligation La cotisation est fixée à 6 % rapportée au salaire mensuel du travailleur (tel que défini pour les prestations familiales ou accidents du travail). Elle est répartie également entre l'employeur et le travailleur. Le salaire maximum soumis à cotisation est de 60 000 FCFA. Quid des impôts sur les salaires ? Les employeurs ont également l'obligation de s'acquitter des impôts dus sur le montant des rémunérations (impôts à la charge du salarié retenus à la source et contribution forfaitaire à la charge des employeurs). Ils doivent aussi en principe procéder au dépôt annuel de la déclaration des salaires versés. Les textes en vigueur ne prévoient pas en effet d'exonération au profit des gens de maison, ni de dispense de déclaration en faveur des employeurs. En ce qui concerne le paiement des impôts, il peut intervenir dans les quinze premiers jours qui suivent la fin de chaque trimestre civil, dès lors que le montant des retenues exigibles ne dépasse pas 20 000 FCFA par mois. Comme nous avons eu à le voir tout au long des développements précédents, le législateur sénégalais a été assez clairvoyant pour légiférer dans une branche d'activité assez complexe, et ce depuis 1968, avec la prise de l'arrêté 974, qui a été plusieurs fois modifié pour adapter ses dispositions au nouveau contexte socioéconomique. Les personnes physiques employeurs ont de quoi s'en tenir pour être à cheval sur les prescriptions légales ; nul n'étant censé ignorer la loi. Dans cette optique, on est en droit de se demander si les pratiques sociales africaines telles que le placement d'enfants en famille d'accueil qui deviennent fatalement des travailleurs « bénévoles », superposées à la course effrénée à l'emploi salarié en ville dans le secteur du travail domestique qui se meut selon ses propres modalités, qui a ses propres réalités, ont-elles pu s'accommoder au formalisme légal ? Autrement dit est-ce que les employeurs, tout comme les employés de maison s'acquittent comme il se doit de leurs obligations légales et contractuelles ? Est-ce que ces travailleurs à part entière et non entièrement à part, même s'ils se soustraient à l'attention du public dans l'intimité de nos maison pour exécuter leur contrat, ont toute la protection que des travailleurs tout court peuvent attendre du droit social ? Tel sera l'objet de la deuxième partie de notre étude. Il s'agira, à la lumière d'un travail de terrain de mettre les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles à l'épreuve de la pratique dans le contexte actuel. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Cependant, l'exercice des bons services de l'Inspection régionale de Dakar s'est souvent heurté à l'incivilité et la mauvaise volonté de certains employeurs de régler les conflits à l'amiable. En effet ; ce ne sont pas moins de 26 procès-verbaux de non-conciliation qui ont été dressés et transmis au tribunal du travail, de janvier à décembre 2008, d'après le tableau ci-dessus :

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Au niveau du tribunal du travail, la procédure de règlement des conflits individuels est à peu près la même qu'à l'inspection du travail, puisque la tentative de règlement à l'amiable y est également une formalité substantielle. L'article L. 251 du Code du Travail que : « lorsque les parties comparaissent devant le président du tribunal du travail, il est procédé à une tentative de conciliation ». C'est seulement en cas d'échec que le président déclare ouverte la phase contentieuse. Malheureusement, cette phase est caractérisée par la lourdeur de la procédure qui peut si elle perdure porter préjudice au requérant ; d'autant plus que les jugements rendus en dernier ressort et les arrêts de la cour d'appel sont susceptibles de recours devant la chambre sociale de la cour suprême. C'est pour dire comme le dit l'adage un mauvais accord vaut mieux qu'un bon procès. Cependant, l'on doit se garder à l'étape de l'inspection du travail d'entériner un accord susceptible de porter atteinte aux intérêts irréfragables du travailleur.
A noter qu'en cas d'urgence, la formation de référé peut permettre d'abréger les délais au niveau du tribunal.
Chaque année de nombreux procès-verbaux de non conciliation sont transmis au tribunal du travail par l'inspection régionale du travail et de la sécurité sociale, dont elle ignore la suite qui leur sera réservés. En effet il n'y a à ce jour aucun feedback en direction de l'inspection, ce qui dénote de l'absence de collaboration entre ces deux maillons du système. Par ailleurs, la réglementation sur le travail domestique que nous avons revisité dans la première partie connaît une application marginale au Sénégal ; d'où la nécessité de voir dans ce qui suit les principales causes de cette situation qu'on peut qualifier de paradoxale.
Les employés de maison dans le droit social présenté par Ibra Ndoye

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En Afrique, il n'y a pas eu de droit du travail pendant une bonne partie de la colonisation, et des drames comme « la traite négrière et le travail forcé étaient même une négation du droit du travail30 ». Ce ne fut finalement qu'après les années trente et surtout à la fin de la seconde guerre mondiale que les premières bribes de législations virent le jour. Cette lente évolution arriva à terme en ce qui concerne les pays francophones en 1952 avec le Code du travail d'outre-mer, largement inspiré des textes métropolitains. Est-ce que ce n'est pas cette référence initiale qui a engendrée des écarts entre le droit et le fait comme beaucoup d'auteurs le pensent ?
Ousmane Oumarou Sidibé est de ceux-là ; il soutient que la cause de ces écarts est liée aux deux conceptions différentes qui subsistent toujours en Afrique. D'une part la conception, décalée de la réalité selon laquelle, il existe un cadre formel des relations de travail englobant une minorité de travailleurs, les salariés des villes qui usent de leurs droits à la négociation collective et à l'action revendicative à travers la grève et la protestation. D'autre part, le second modèle correspondant davantage aux réalités africaines puisqu'il concerne à la fois les travailleurs du secteur formel et du secteur non structuré, agriculteurs, artisans, commerçants etc. Malheureusement, les Codes du Travail ne tiennent compte que des travailleurs du cadre formel, classique, plus proches des réalités des pays du Nord. Ce qui milite en faveur de la thèse selon laquelle, « le formalisme excessif des textes inadaptés au contexte africain, ajouté à l'insuffisance notoire des administrations du travail sur le plan logistique et organisationnel font que l'essentiel du monde du travail échappe en pratique à la législation du travail 31». En ce qui concerne les employées de maison, cette exclusion de fait du champ des relations sociales est accentuée par de nombreuses particularités propres à l'activité domestique.
30 Ousmane Oumarou Sidibé, réalités africaines et enjeux pour le droit du travail, Afrilex 2000/00
31 Ibidem
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La première particularité du contrat des gens de maison c'est que dans l'écrasante majorité il n'y a pas de contrat, comme on a eu à le constater lors de nos entretiens. Tout au moins, tout ce qu'il y'a c'est un contrat oral dont les clauses sont imprécises se limitant souvent au montant du salaire. L'oralité qui reste un grand trait de notre civilisation subsiste dans plusieurs domaines et relègue toujours l'écrit au second plan. Cet héritage culturel conjugué à l'analphabétisme endémique chez les femmes, malgré les percées notoires du Programme Décennal pour l'Education et la Formation avec ses composantes accès, qualité et gestion, éloigne de plus en plus le voeu de voir l'adoption de contrats écrits. En dépit des efforts importants réalisés dans le cadre des campagnes d'alphabétisation, seuls 37,8% des adultes (âgés 15 ans et plus), ont la capacité de lire et écrire dans une langue quelconque. C'est dire que le fléau de l'analphabétisme persiste encore surtout chez les femmes avec plus de 70%, d'après les chiffres de 2005 repris dans le DSRP II. Par conséquent l'absence de contrats écrits coule de source ; aucune des parties n'en perçoit la pertinence étant donné que pour établir un contrat de travail il faut au moins savoir lire. Même l'absence de contrat n'entame en rien la validité de la relation de travail, « la preuve de son existence pouvant être apportée par tout moyen32 » il se pose le problème du respect des clauses orales du contrat, le respect de la parole donnée auquel nos anciens tenait beaucoup n'a plus la même importance de nos jours.
Une autre particularité est à rechercher dans les parties en présence, qui sont toutes deux exclusivement des personnes physiques ; l'employeur et le travailleur unis par un lien de subordination fortement personnalisé que le premier exerce sur le second. Cette ascendance démesurée de l'employeur s'explique par la dépendance matérielle33 voire l'assujettissement de l'employé ; celle-ci est accentuée et devient même psychologique lorsque l'employé est logé par son patron. Le caractère invisible du travail domestique rend difficile toute organisation des travailleurs domestiques en vue de revendiquer leurs droits. La conséquence en est, et cela reste la troisième singularité, que le taux de syndicalisation est très faible car l'isolement rend difficile la constitution de syndicats tout comme l'établissement de contacts entre eux.
En outre, la cohabitation avec l'employeur entretient chez le travailleur domestique l'idée qu'il « fait partie de la famille », situation ambiguë dans laquelle la frontière entre les relations
32 Loi 97-17 du 1er Décembre 1997, article L. 32
33 BIT : S'organiser pour plus de justice sociale, rapport du directeur général (Genève, 2004)
professionnelles et les relations affectueuses n'est pas clairement tracée, si bien qu'il est difficile à l'employeur de reconnaître les droits de son employé et à ce dernier de les faire valoir34. En d'autres termes, le travail domestique « occupe aujourd'hui une zone floue entre les relations marchandes et les relations non marchandes »35
Enfin, on peut noter le silence de la législation qui s'est fait sentir dans ce secteur plus que dans tout autre au nom du principe de non-ingérence de l'Etat dans la vie privée qui gêne surtout en ce concerne l'application qui passe forcément par un contrôle.
C'est ce caractère invisible de l'emploi domestique susmentionné qui fait dire qu'il « dissimule36 » ses travailleurs parmi lesquels on compte de nombreuses fillettes qui sont recherchées pour leur docilité, car n'ayant pas encore contracté « de mauvaises habitudes » comme l'ont affirmé certains employeurs et leur coût moindre. Malheureusement, ce travail réalisé à l'abri des regards indiscrets fait le lit de beaucoup d'abus graves tels que les violences physiques, le harcèlement sexuel et même des viols qui finissent rarement en justice car les victimes restent convaincues que la loi les déprotège. Sans compter qu'il est souvent difficile de fournir des preuves du fait que les membres de la famille de l'employeur ne vont jamais témoigner à charge contre leur père, tante ou soeur. A ces caractéristiques du contrat de travailleur domestique se sont ajoutés d'autres facteurs bloquants de divers ordres qui feront l'objet d'une étude minutieuse ci-après, lesquels ont tous contribué à son essor sans que l'encadrement juridique ne suive.
Conformément à une tradition répandue en Afrique, il n'était pas rare de voir des familles élargies, pauvres, « prêter » une ou deux jeunes filles à un parent citadin qui avait besoin d'un coup de main dans les tâches domestiques. En retour, ce dernier les soulageait des charges liées à la subsistance et à l'éducation qui est censée être de meilleure qualité en ville, dans la famille d'adoption. Cette pratique appelée aussi « confiage » se faisait dans un contexte où le rôle des filles et des femmes étaient limité à ceux d'épouse et de mère. C'est ainsi que les filles grandissaient avec leur famille d'accueil qu'elles connaissaient bien et étaient plus ou moins acceptées. Il se pose la question de savoir si on était bien en présence d'un contrat proprement dit,
34 Ibidem
35 B. Anderson, Migration policies and vulnerabilities of domestic workers, Hong Kong fév. 2003 p. 16
36 Document de travail ACP-UE sur le travail des enfants, 14 février 2008
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on est tenté de répondre par la négative du fait du caractère ambigu de la relation, lié au fait que le placement de la fille dans une famille d'accueil visait d'une part à préparer la jeune fille à ses futures tâches de maîtresse de maison, d'autre part il relevait d'un processus de socialisation37. De surcroît, la fille qui s'intégrait bien dans sa famille d'accueil en devenait un membre, ce qui excluait toute revendication ou réclamation au risque de se voir « renvoyé ». Face à l'incertitude relative aux rapports de type familial et ceux de simples échanges marchands chez les employeurs, nous pouvons constater que « plus le salaire est élevé moins on traite les domestiques comme des membres de la famille38 ». Néanmoins, dans d'autres cas l'adulte qui accueillait la fille jouait le double rôle de tuteur et d'employeur paradoxalement, ce statut hybride ne la mettait pas à l'abri d'éventuelles maltraitances, d'autant moins que le non respect de ses droits était mis sur le compte de l'éducation et de la socialisation.
Plus tard, avec le développement de l'exode rural suite aux vagues de sécheresse du début des années quatre-vingt qui ont eu pour conséquence le dépeuplement des campagnes, il a été noté un important flux migratoire saisonnier de jeunes des deux sexes qui était l'unique réponse face aux nombreuses contraintes de la campagne. C'est ainsi que des jeunes filles sans moyen et même sans aucune qualification parvenaient à se procurer un revenu synonyme de nouvelles perspectives dans la vie. Cette nouvelle opportunité économique qui s'offrait à des milliers de jeunes filles a progressivement sonné le glas de l'assistance ménagère intrafamiliale, sans transition, ce qui augurait de l'impréparation dans laquelle les employeurs étaient pour s'acquitter de manière adéquate des nouvelles obligations qui pesaient sur eux. D'autant plus que le déséquilibre dans la relation de travail employeur-employé en défaveur de ce dernier, s'accentue dans le travail domestique, le transfert de main-d'oeuvre se faisant des ménages pauvres vers les foyers riches. Bref, c'est une nouvelle division du travail qui s'instaure entre des citadines souvent éduquées et femmes migrantes dont l'emploi tout comme les conditions de travail sont souvent précaires.
D'abord il faut dire qu'on choisit rarement d'être domestique, mais c'est à la suite de problèmes tels que la négligence des parents qui prive les enfants de leurs droits fondamentaux ou de drames familiaux (décès du père qui subvenait aux besoins de la famille, divorce, décès du
37 « Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes à Dakar, mars 1994
38 Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184
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mari ; les hommes étant beaucoup plus âgés que leurs épouses) qui plongent les filles et jeunes femmes dans cette activité.
Dans ce même ordre d'idées, l'appartenance à une famille nombreuse dont le chef ne peut subvenir aux besoins primaires de sa progéniture est également considérée comme un facteur d'impulsion.
Il y'a également des facteurs d'attraction tels que la reproduction sociale et l'influence des pairs qui se sont opérés dans un contexte de mutation sociale. En effet, « le processus d'urbanisation a été à l'origine d'un changement social qui a modifié le rôle des femmes et des mères qui doivent à présent trouver des solutions pour s'occuper de leurs foyers et de leurs enfants39 ».
La précarité du travail domestique se mesure à l'aune du marché essentiellement informel où il s'échange, des termes des contrats implicites qui s'y nouent et enfin des motifs de rupture dont nous avions parlé dans les développements précédents.
L'examen des conditions de travail nous a permis de voir que les journées de travail sont longues et qu'il n'y a presque pas de congés hebdomadaires ni annuels. Et pis encore, il n'y a pas de congé de maternité ni de maladie. Par conséquent, la pénibilité du travail engendre une dégradation précoce de la santé.
Par ailleurs, on remarque aussi que « la rémunération du travail domestique est aussi affectée par le manque de prise en charge médicale, des risques du travail et de la vieillesse qui influent directement sur la reproduction et sur le travail des enfants qui prennent la relève en cas d'incapacité des parents, pour assurer la retraite ou pour améliorer le revenu, suivant le modèle de solidarité familiale des communautés domestiques40 ».
La seule note d'espoir réside dans le fait que le marché non qualifié des travailleuses domestiques se structure ; une identité professionnelle et des causes communes à défendre ensemble sont nées, bref une prise de conscience grosse de perspectives. Toutefois, la structuration du marché du travail domestique est loin d'être homogène, on n'y a noté une dichotomie ; ce qui vient confirmer la thèse défendue par les tenants de la segmentation du marché de l'emploi.
39 Travail domestique des enfants en Ouganda, Tanzanie, Zambie et au Kenya : bonnes pratiques innovantes pour le combattre, Dakar, BIT, 2007
40 Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184
La théorie de la segmentation du marché du travail si chère à P. B. Doeringer et M. J. Piore fait référence au mythe d'un système inégalitaire. Ainsi, on est non plus en présence d'un mais de deux marchés du travail. Sur le premier, on trouverait les emplois stables, relativement bien payés avec à l'appui une possibilité de carrière. Dans ce compartiment, les travailleurs sont nantis d'une certaine valeur ajoutée qui reste l'élément décisif. A contrario, sur le marché secondaire, on trouve des entreprises confrontées à des contraintes conjoncturelles et concurrentielles qui répercutent l'incertitude sur leurs salariés.
Une autre variante de cette segmentation au sein des grandes entreprises se manifeste par le dualisme qui permet de distinguer un marché interne où les salariés bénéficient de nombreuses garanties avec des perspectives de promotion, et un marché externe sur lequel retombent les contraintes de la flexibilité. C'est ainsi que par le biais de l'externalisation, le gardiennage et les services d'entretien sont effectués par des entreprises recourant à une main-d'oeuvre déprotégée.
Le marché du travail domestique41 au Sénégal n'échappe pas à cette donne, sauf qu'ici les segments sont multiples. « Nous avons pu remarquer que le groupe professionnel précaire des travailleuses domestiques est constitué de plusieurs segments caractérisés par le niveau de qualification et de salaire qu'il induit. Les segments aux niveaux de qualification les plus faibles connaissent les plus bas salaires et sont majoritaires dans les marchés les plus ouverts et les plus instables. Les segments avec un haut niveau de qualification sont les plus nombreux dans les marchés les plus fermés et les plus stables ».
Au Sénégal, dans ce segment plus qualifié où les emplois sont stables, on trouve les domestiques qui sont au service des employeurs expatriés ou Libano-syriens dans une certaine mesure, plus attentifs à la législation car échappant aux pesanteurs socioculturelles. La qualification passe, entre autres, par une certaine maîtrise de la langue française, de certains appareils électroménagers, une certaine ouverture d'esprit, des aptitudes culinaires. De ce fait, les traitements salariaux sont proches de ceux convoités, la protection sociale est garantie ; bref leurs compétences sont reconnues et valorisées. Cependant, il faut noter que ces segments, bien qu'échelonnés, ne sont pas cloisonnés, ce qui génère une certaine précarité de l'emploi étant donné que certaines travailleuses mécontentes de leur sort, sont à l'affût et n'hésitent pas à
41 Ibidem
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s'engager pour le compte d'un plus-offrant, car la non application de la réglementation, par delà les manifestations liées à la sociologie des professions, s'explique également par de multiples causes dont la vulnérabilité qui frappe ce groupe professionnel.
Les travailleuses domestiques sont vulnérables en ce sens qu'elles sont entre l'enclume d'une réglementation qui peine à leur forger un statut véritable dans l'univers des travailleurs et le marteau du diktat des employeurs qui retardent encore leur aspiration à gagner leur vie avec dignité. Cette situation découle de la conjonction de plusieurs facteurs notamment leur situation de femmes (filles) migrantes issues du milieu rural, analphabètes ou déscolarisées dont l'unique espoir reste le louage de leur savoir-faire et leur savoir-être dans un marché du travail saturé, très ouvert car n'exigeant pas de qualification poussée, d'autant moins que c'est « un travail de femme 42». Cette vulnérabilité est accentuée par l'absence de leurs parents biologiques surtout chez les plus jeunes, et l'absence de réseaux de soutien à même de faire un lobbying à leur faveur, donc elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes. La non prise en compte du travail domestique dans beaucoup de pays, le fait qu'il ne peut pas encore se départir d'une dimension servile qui avait prévalu à une certaine époque, l'absence de protection sociale, bref tout ces « déficits de droits » sont liés à une question de genre : les femmes étant toujours victimes de discriminations nonobstant les campagnes tapageuses pour l'émancipation et la parité. On avait évoqué l'isolement, la dépendance et le cloisonnement qui caractérisent l'activité domestique qui font de ces travailleuses des proies faciles face à des employeurs malintentionnés en ce qui concerne des abus physiques, psychologiques, sexuels ou moraux. Le journal, Walf'Grand-place43 est revenu sur l'affaire opposant une domestique à son employeur, polygame vivant seul à Ouest-Foire, qu'elle a accusé de viol. Ce dernier l'avait trouvée au rond-point Liberté 6 et ils étaient tombés d'accord sur un salaire de 30.000 FCFA. Le plus grave c'est que ce monsieur est un récidiviste puisqu'il avait été condamné à six mois de prison ferme en septembre 2008 pour une accusation de viol sur une domestique. Dans cette seconde affaire, il a expliqué que c'étaient des rapports consentants pour flouer le tribunal. Des scandales pareils ne sont pas rares au niveau des familles employeuses mais l'on opte souvent pour le règlement à l'amiable ou la dénégation, ce qui rend la fourniture de preuve très ardue pour les victimes qui finissent par ne plus se perdre
42 Travail domestique des enfants en Ouganda, Tanzanie, Zambie et au Kenya, op cit p. 71
43 Walf'Grand-place, N° 1015, vendredi 24 avril 2009
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dans les dédales de la justice. C'est dire que quand une affaire s'ébruite, il y'en a des dizaines tues. Ainsi, il faudrait nécessairement qu'une structure d'assistance judiciaire soit mise en place pour que de tels abus cessent.
Ce n'est donc pas un hasard si l'on constate au niveau des domestiques une proportion élevée de mère-célibataires, de grossesses précoces et une forte propension à l'infanticide voire l'avortement clandestin car un enfant sur le dos ne rime pas avec un bon rendement dans le travail, si l'on se met à la place de l'employeur. Celles qui, malgré tout, trouvent du travail doivent se contenter d'un salaire dévalué. Peut-être qu'une éducation à la santé de la reproduction, sur la prévention du VIH serait tout à fait indiquée pour cette cible pour éviter ces déboires.
A coté des conditions de travail peu enviables, il faut souligner que les conditions de vie sont aussi déplorables. Plus de 3/4 des travailleuses domestiques logent par groupe de 11 personnes, en moyenne. Elles s'entassent dans des pièces mal aérées sommairement équipées, loin de sanitaires, sans accès directe à l'eau courante, dans des quartiers mal famés, puisque ce sont les seules habitations à portée de leurs maigres avoirs. C'est pourquoi beaucoup préfèrent habiter chez l'employeur, ce qui leur permet de faire des économies sur le transport, le loyer et la nourriture, même si le travail n'y connaît pas de répit.
En outre, s''il est vrai que le harcèlement sexuel est courant dans le monde fermé du travail domestique, il ne faudrait pas toujours jeter l'anathème sur les employeurs, car il existe de filles, une minorité je présume, qui sèment le trouble dans de paisibles ménages par des pratiques moralement détestables, si l'on en croit aux dires de Tata Michelle, une intermédiaire qui a pignon sur rue au rond-point Liberté 6. Cela nous emmène à nous interroger sur la connaissance des prescriptions légales incombant aux deux parties.
L'employée de maison n'a pas que des droits, même si beaucoup d'entre ceux qui lui sont reconnus par la législation sociale ne sont pas encore tombés dans son escarcelle, elle a aussi des devoirs. Ceux qui relèvent des clauses du contrat de travail, aussi implicites soient-elles, et des principes moraux qui doivent régir son comportement dans la gestion et le respect du bien d'autrui. Durant les entretiens, certaines ont insisté sur « le double rôle de domestiques et de gardiennes qu'elles jouent durant la journée, ce qui les expose à de nombreuses difficultés, car
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leur responsabilité est engagée pour tout dommage ou toute disparition 44». Ce qui leur vaut parfois d'être amenées au commissariat et interrogées sans ménagement.
Les domestiques doivent veiller à :
- S'acquitter consciencieusement de leur travail et à respecter les biens de l'employeur
- Ne pas outrepasser leurs prérogatives
- Ne pas mettre en péril l'équilibre des couples - Ne pas perturber l'harmonie familiale
Les employeurs ont beau détenir le pouvoir de direction, de sanction mais pourvu qu'ils s'acquittent normalement des obligations qui pèsent sur eux, ne serait-ce qu'en reconnaissant le rôle central que joue les travailleuses dans l'équilibre de leur foyer. « Nous aspirons aux mêmes idéaux que nos employeurs qui sont des femmes comme nous. Nous assumons les tâches domestiques, nous les libérons en leur donnant le temps de se mesurer à d'autres ou de monnayer leur talent pour que respect et admiration leur soient dus45 ». Par conséquent, il est aujourd'hui impérieux que :
- Les employeurs aient une meilleure considération de leurs employées de maison, et plus de respect pour elles.
- Les tâches et les horaires de travail tiennent compte de leurs capacités, de leurs compétences et de leurs aspirations légitimes.
- La parole donnée lors des négociations en vue d'établir le contrat de travail soit respectée.
II. Le caractère temporaire de l'activité Ce caractère découle de plusieurs facteurs :
C'était une activité qui n'était qu'une parenthèse dans la vie de la jeune fille, en ce sens qu'elle lui permettait de gagner sa vie pour subvenir à ses besoins immédiats (habillement, nourriture etc.), à aider ses parents en attendant de trouver un mari et rentrer au village.
La finalité de ce « modèle marchand » était la même qu'avec le système du placement dans une famille d'accueil connu aussi sous le vocable de « prêt social ». Ce dernier, dont on a déjà parlé,
44 « Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes à Dakar, ENDA, 1993, p. 29
45 Ibidem
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consistait à transférer la responsabilité de l'éducation, de la socialisation qui incombait aux parents biologiques vers une tierce personne, souvent un parent. Dans les deux cas, le travail prenait fin avec le mariage et l'ex-employée rejoignait le domicile conjugal nantie d'une expérience durement acquise qu'elle va mettre à son propre profit.
Aujourd'hui, celles-ci sont souvent caractérisées souvent par une certaine pénibilité à cause de la durée de la journée de travail, de l'absence de repos, de la non prise en charge de la maladie et de la maternité qui génèrent un surmenage physique et psychologique, bref une dégradation précoce de la santé qui mènent beaucoup vers une retraite anticipée tout aussi incertaine. Heureusement, le phénomène de la reproduction aidant, il arrive souvent que ces vaillantes dames encouragent ou obligent leurs enfants à suivre leur trace. Cela est d'autant plus facile que leur connaissance du milieu leur permet de placer leurs filles, nièces qui peuvent malheureusement être retirées de l'école si elles font l'affaire.
En réalité, cette retraite doit être relativisée car celles qui ne retournent pas au village se reconvertissent dans d'autres activités pour pallier la perte de revenu.
Elle se traduit par une reconversion partielle ou totale dans une autre activité ; celle-ci dépend de plusieurs facteurs notamment l'âge, la situation matrimoniale, l'état physique de la personne. La reconversion partielle, puisque la sphère de travail reste la maison ou sa périphérie, se fait par des contrats de prestations de service qui concernent principalement le lavage du linge et le repassage une fois par semaine au profit de plusieurs familles, rétribués journalièrement ou mensuellement. Une femme reconvertie, qui s'est lancée dans ce « filon » évalue ses aspects positifs en termes d'autonomie, donc absence de lien de subordination fort, de temps de repos suffisant et de gains corrects. « Nous pouvons gagner autant ou plus pour un travail moindre » dit-elle. Seulement, le problème qui se pose reste la fidélisation des clients pour avoir d'importantes commandes. Mais il faut dire que la reconversion concerne aussi de jeunes filles avec peu d'expérience.
D'autres femmes choisissent d'être des pileuses ou vendeuses d'eau et opèrent dans les quartiers en construction. A celles-là s'ajoutent les intermédiaires ou courtiers qui encadrent et placent de
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jeunes domestiques aux niveaux des aires de regroupement moyennant commissions.
La reconversion totale se fait dans le secteur du petit commerce : vente de céréales, de couscous qui nécessite un petit capital. Cependant d'autres projets plus ambitieux tels que les salons de coiffure, la couture germent dans la tête de ces travailleuses car le travail domestique ne leur offre pas les opportunités dont elles ont rêvées.
Le contexte de crise économique durement ressenti par les familles employeuses qui s'est traduit par des conditions de travail difficiles n'a pas infléchi le flux migratoire qui alimente le marché qui a atteint son seuil de saturation. L'enquête publiée dans le DSRP2 a montré que les ménages ruraux sont plus pauvres que ceux urbains d'où ce phénomène d'appel d'air qui a fini par désorganiser les structures villageoises avec le départ des bras valides.
Par ailleurs, la saisonnalité de l'activité est un autre des traits particuliers du travail domestique au Sénégal.
Elle empêche le passage à un stade de professionnalisation de l'activité, synonyme d'une marchandisation de services domestiques, stable qui romprait avec son informalité. Cette précarité « a plongé les relations entre employeurs et employées dans une crise latente qui affecte les femmes employeuses alors qu'elles comptent de plus en plus sur la participation des domestiques aux tâches ménagères pour pouvoir s'en libérer elles-mêmes46 ». Le marché a beau être saturé mais les départs cumulés durant certaines périodes telles que la saison des pluies sont synonymes de fluctuations du marché qui entrainent la diminution de l'offre. Néanmoins il faut relativiser l'impact de cette « morte-saison », car c'est le moment choisi par une autre catégorie de travailleuses à temps partiel pour prendre la relève. Il s'agit essentiellement d'élèves qui contrairement aux autres sont toujours dans le circuit scolaire et dont la principale motivation est de mettre de l'argent à de côté pour faire face aux futures dépenses scolaires : frais de scolarité, effets vestimentaires etc.
Au vu de tous ces aspects sociologiques qui empêchent l'appropriation des textes réglementaires
46 Gassama A., Les marchés du travail domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p. 171-184
par les deux parties car n'étant pas en phase avec les us et coutumes du milieu, ce qui permet de tirer la conséquence suivante : «bien qu'il existe des textes de loi sur le personnel domestique, le marché de l'emploi reste « informel » et échappe largement aux régulations officielles47 ».
« La réglementation ne cadre pas avec les réalités socio-économiques ; si la situation perdure et, est tolérée, c'est parce que la masse s'y complait48».
Du coté des employeurs, on dénonce les prescriptions du droit social, car certains se disent aussi victimes d'écarts par rapport au SMIG par exemple, ou qu'ils sont étrangers à toute sorte de régulation car évoluant dans le secteur informel. Mais nous savons bien que cet argumentaire ne saurait prospérer, la loi étant impersonnelle et s'imposant à tous. Le SMIG (209,10 FCFA /heure) du fait qu'il remonte à 1996 est largement dépassé aujourd'hui, d'autant plus que, même le salaire conventionnel hiérarchisé du manoeuvre première catégorie, c'est-à-dire sans qualification est à 317,94 FCFA.
En outre, si la réglementation donne à l'employeur le droit de déduire du salaire de son employé la valeur de la nourriture et du logement, si ceux-ci sont fournis, force est de constater qu'il est de coutume chez la quasi-totalité des employeurs sénégalais d'accorder ces éléments du salaire indirect gratuitement. Cette prédisposition chez beaucoup d'employeurs est significative car elle montre que la loi, si elle va à l'encontre de nos valeurs culturelles a du mal à s'imposer. Ainsi, les salaires quelque modiques qu'ils soient pourraient même dépasser le salaire minimum si on évaluait toutes ces libéralités octroyées.
Craignant d'être perdantes si les employeurs mettaient en oeuvre cette prérogative, retenues fiscales et salariales, les intéressées elles-mêmes, paradoxalement doit-on dire, préfèrent le statu quo et militent plutôt pour une application progressive et non aveugle de la loi.
Malgré le fait que la pilule des salaires ne puisse pas encore être avalée par les employeurs, les autorités compétentes (le ministre du Travail par voie réglementaire) n'ont de cesse de rehausser les salaires des employés de maison. Ce fût le cas depuis la dévaluation du franc CFA où de nombreuses augmentations de salaires ont été consenties dans l'optique d'indexer les salaires sur le coût de la vie. De ce fait, les salaires minima prévus par l'arrêté ministériel n° 1609 du 7
47 Ibidem
48 Entretien avec Mamadou Ndiaye, coordonnateur ENDA Graf, Golf Sud Dakar
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février 2000 qui consacrait la dernière hausse enregistrée ont été revalorisés par celui n° 1036 du 9 avril 2002. Seulement, ces avancées sont d'autant plus incongrues que dans la pratique les salaires hiérarchisés prévus par l'arrêté 974 du 23 janvier 1968 ne sont pas respectés par la grande masse des employeurs qui semble anesthésiée ou dépassée par ces conquêtes virtuelles. Cela renforce le caractère irréaliste de ces dispositions réglementaires qui se heurtent à un mur d'incompréhension au soubassement culturel voire socioéconomique. Ainsi, on peut bien se demander pour qui cette réglementation est-elle faite ? Sûrement pas pour les seuls employeurs expatriés ou la poignée de sénégalais nantie qui y prête attention. L'indifférence des autres découle d'une ignorance des textes dont la teneur et la portée ne sont connues que des seuls spécialistes du droit du travail. Par conséquent, un large travail de sensibilisation doit être mené dans le cadre des stratégies à mettre en place par les différents intervenants qui se préoccupent du devenir des employées de maison qui aspirent aussi au mieux-être, à la dignité, pour une jouissance effective du fruit de leur labeur.
Autant, le dire toute de suite, cette lutte n'est pas gagnée d'avance et les employées auront à compter sur leurs principales alliées ... elles-mêmes, car ne sont-elles pas les mieux placées pour parler et agir pour la défense de leurs droits ?

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Malgré leur condition de vie et de travail, les employées de maison se sont organisées entre elles, par affinité ethnique (Diolas, Sérères, Wolofs), c'est-à-dire en fonction de leur lieu d'origine. C'est ainsi que nombreuses associations ont été mises en place, tournées essentiellement vers la gestion de situations d'urgence (décès, maladies, autres problèmes) mais également de modestes investissements au village (réfection salles de classes, réparation de forages etc.).
Elles vivent en groupes solidaires dans les quartiers populaires des grandes villes du pays. Cette vie communautaire obéit très souvent aux traditions du village. L'ainée joue le rôle de protectrice de toutes. Elle représente ses camarades auprès du propriétaire de la maison. C'est encore elle qui effectue la médiation en cas de conflit entre un membre du groupe et son employeur, son action est aussi décisive pour recouvrer un salaire non versé.
A l'origine, ces associations d'entraide par carré communautaire ne se focalisaient pas sur l'amélioration de leurs conditions de travail. Il a fallu le contact avec d'autres personnes ou groupes de personnes et structures pour mettre sur pied de manière formelle des associations
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pouvant transcender les clivages ethniques et régionaux qui prennent en charge la lutte pour de meilleures conditions de vie et de travail. L'association des « Dames de Coeur » s'est illustrée dans ce domaine.
B. L'association des Dames de Coeur
Soucieux de participer au développement humain et à l'épanouissement des couches déshéritées, il a été créé cette association aux HLM grand Médine, conformément aux dispositions statutaires de la loi n° 61-09 du 15 janvier 1961. C'est une association de femmes unies et animées d'un esprit de bénévolat et d'entraide, apportant ainsi leur modeste contribution à l'amélioration des conditions de vie et d'existence des populations. Cette association a des objectifs d'ordre général, mais consacre une part importante de son action aux employées de maison.
Entre autres objectifs, l'association vise à :
- Contribuer à l'émancipation sociale et à la formation civique des femmes,
- Lutter contre la pauvreté et l'analphabétisme,
- Sensibiliser les femmes sur des fléaux tels que le paludisme, le VIH/ Sida, les IST, les
viols et les harcèlements sexuels, les grossesses précoces, le refus de paternité,
l'avortement provoqué (sic)...,
- Offrir des formations aux membres dans des activités génératrices de revenus,
- Créer une mutuelle d'épargne et de crédits plus particulièrement pour les domestiques,
- Sensibiliser le grand public sur les droits des enfants,
- Contribuer à l'amélioration des instruments juridiques de protection de la femme et de
l'enfant.
Ce sont : ? Enda Tiers monde ? Tous les media confondus
? Le Ministère de la santé ? Les Daaras
L'association « Dames de Coeur » a eu à mener diverses activités touchant des domaines variés.
a. Aide et assistance aux talibés
A ce jour 20 (vingt) Daaras bénéficient du soutien de l'association qui concerne 1250 enfants.
b. Aide et assistance aux filles domestiques
Plus de 500 filles domestiques sont assistées, encadrées et suivies sur le plan sanitaire. Parmi celles-ci, certaines ont été prises en charge à cause des problèmes personnels qu'elles ont rencontrés dans le cadre de leur travail. C'est ainsi que deux bonnes émigrées, l'une au Liban et l'autre en Angola, ont été rapatriées et rétablies dans leur droit, sans oublier la prise en charge médicale d'une domestique engrossée par son patron qui a refusé la paternité.
En quinze ans d'existence, l'association a relevé une augmentation des abus liés au droit du travail et surtout la prédominance de l'exploitation sexuelle des employées de maison (viols, harcèlement sexuel etc.). Quarante-sept cas de grossesses non reconnues ont été signalés.
Dans la même veine, l'association s'active particulièrement autour de l'affaire M. D. qui est toujours pendante devant la justice.
Agée de 16 ans, M.D. est une employée de maison, fille d'employée de maison. Sa vieille mère travaille depuis 17 ans pour la famille Sarr au Parcelles Assainies comme lingère. Le chef de famille vit avec son frère et tous deux sont polygames. Le premier a 3 épouses, son frère en a deux. La dame travaille cinq jours sur sept pour la famille Sarr. Elle se fait aider par deux de ses filles toutes employées de maison, qui une fois revenues du travail, prêtent main forte à leur vieille maman. Un des fils de M. Sarr, à force d'harcèlement finit par engrosser la petite M. D. Interpellé sur les faits, le garçon refuse d'assumer son forfait au grand dam de la fille. Aujourd'hui, elle a accouché d'une petite fille qui n'aura peut-être pas la chance d'être reconnue par son père. L'association espère bien que la justice tranchera l'affaire en faveur de M. D.
Malgré les nombreuses contraintes, « Dames de Coeur » voit l'avenir avec confiance.
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- Construction et équipement d'un centre d'accueil pour enfants en situation difficile et filles domestiques,
- Formation des filles domestiques dans des activités génératrices de revenus,
- Parrainage des enfants talibés et appui des marabouts pour l'amélioration de leurs conditions de vie,
- Diversification des partenaires,
Ces actions notoires de l'association visent entre autres à regrouper les employés de maison pour qu'elles puissent aller en ordre serré dans le sens de poser leurs revendications. C'est d'ailleurs la raison d'être du syndicat des employés de maison.
En vertu des dispositions des conventions 87 et 98 de l'OIT, portant respectivement sur les principes de liberté syndicale et de protection du droit syndical et du droit d'organisation et de négociation collective, qui soit dit en passant, font partie des huit conventions fondamentales, lesquels sont repris par la constitution sénégalaise en son article 25, le syndicat national des domestiques et gens de maison a été mis sur pied, et, est affilié à la CNTS. Son secrétaire général M. Aliou Tandian, est revenu sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés ; elles ont pour noms : « salaires non conventionnels, harcèlements sexuels, longues heures de travail, absence de bulletin de paie ». En outre, ce syndicat plus que tout autre, doit relever de nombreux défis à commencer par la massification qui reste le premier argument d'un syndicat alors que le recrutement se heurte à plusieurs écueils : le caractère hétérogène de ce groupe, son caractère informel, la faiblesse des niveaux de qualification, la répartition ethnique, géographique et l'analphabétisme. En sus de ces contraintes de nature socioculturelle, d'autres liés à l'exercice de la profession concourent à plomber la montée en puissance de ce syndicat. On peut citer pêle-mêle l'isolement, l'ampleur des heures de travail, la non appréhension du véritable rôle du syndicat, comme en atteste le faible nombre d'adhérents.
C'est pour inverser cette tendance défavorable que le syndicat a mis en place un centre de formation et une mutuelle. Il s'agira d'abord d'assurer la formation des membres dans le domaine
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de la teinture et de la couture. Ensuite, il leur permettra de connaître davantage leurs droits. Le centre se propose d'être un outil de vulgarisation à la disposition des employeurs pour leur fournir toutes les informations utiles sur les modalités d'embauche et les dispositions réglementaires. Le syndicat national des domestiques et gens de maison peut compter sur l'expertise de la CNTS pour atteindre ses objectifs, entre autres la massification. « C'est dans cette politique de rassemblement de tous les domestiques que nous essayons de renforcer les capacités de leurs différentes déléguées pour leur permettre d'accroître la sensibilisation » a déclaré Mme Fatou Binetou Yafa, présidente du comité national des femmes de la CNTS. En lui emboitant le pas, Mme Véronique Niouky, présidente des domestiques dit tout l'espoir qu'elle porte sur ce centre de formation, « la démarche est salutaire, elle permet la formalisation de notre travail et l'élimination des sévices auxquels nous sommes confrontées », ajoute-t-elle. C'est dire que beaucoup reste à faire pour que le syndicat des gens de maison occupe sa place dans l'univers syndical sénégalais.
Par rapport à la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle dont ce syndicat était signataire, déjà en 1982, elle dispose en son article premier, quatrième alinéa que « des annexes par branche ou groupe de branches professionnelles tenant compte des particularités de chaque branche, notamment en ce qui concerne les catégories professionnelles dans lesquelles sont classés les travailleurs seront conclus entre les employeurs et les travailleurs représentant les branches considérées ». Il n'a pas été donné de suite favorable à cette disposition, faute d'avoir une organisation patronale représentative. Par conséquent, les employeurs des gens de maison ne sont aucunement liés par ses dispositions qui sont plus favorables. De ce fait, le secteur domestique tout comme le secteur agricole sont déshérités par rapport aux autres secteurs régis par des annexes de la Convention Collective nationale interprofessionnelle. Il appartiendra au syndicat des gens de maison et d'autres qui suivront plus tard , à travers une action éducative d'envergure, de lobbying et de plaidoyer d'aboutir à moyen terme à une organisation forte susceptible d'infléchir dans le sens souhaité la situation des employés de maison. D'où la nécessité de faire appel à d'autres acteurs étatiques ou non qui par leurs actions contribuent à rendre l'avenir beaucoup plus radieux.
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D. L'action des acteurs impliqués
a. Le Ministère de la Fonction Publique, du Travail et des Organisations Professionnelles
Il appartient à l'Etat de par ses fonctions régaliennes de veiller entre autres à la bonne tenue de l'ordre public social ou du climat social, comme on a coutume de dire à travers ses structures compétentes. Ce travail exaltant est dévolu à ce ministère à travers son bras armée, la Direction du Travail et de la Sécurité Sociale qui chapeaute les onze Inspections Régionales, toutes mises à contribution dans l'élaboration des projets de loi et de règlements dans le domaine social et le suivi de leur application, la prévention et le règlement des différends, pour ne citer que ces missions.
La loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du travail, déclinait ses ambitions dans l'exposé des motifs en ces termes ; il s'agit d'adapter le Code du Travail « aux réalités sociales et économiques de notre pays, en faire un vecteur dynamique de la croissance et assurer à notre pays un développement durable, dans l'équité et la justice ». Au nom du principe d'équité et de justice il doit davantage contribuer à changer les mentalités et les comportements par la dénonciation des abus et violation de toutes sortes. Contrairement à beaucoup de pays où les employés domestiques évoluent dans une zone de non-droit, les dispositions légales prévues par le ministère de tutelle sont une volonté manifeste du législateur sénégalais de mettre fin à l'illégalité, un engagement pour la justice sociale. C'est par des actions conjointes impliquant d'autres ministères que cette question transversale pourra être résolue.
b. Le Ministère de la Femme de La Famille et de l'Entreprenariat Féminin
Le Ministère de la Famille, de la Solidarité Nationale, de l'Entreprenariat féminin et de la Micro finance, en tant que point focal de la lutte contre la traite et les pires formes de travail des enfants développe des stratégies consistant à intervenir au niveau des zones de départ. Une étude menée dans le département de Nioro a permis de juger de l'ampleur du mal. Selon ses résultats, 42 % des 400 000 enfants recensés dans la rue y prennent leur départ pour s'infiltrer dans les différentes régions. Pis encore, 37 000 jeunes filles de 7 à 19 ans travaillent comme employées de maison. Fort de ce constat, la délégation ministérielle qui s'est déplacée sur Nioro s'est engagée à
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mettre en oeuvre toutes les stratégies idoines pour rester en conformité avec la convention 182 de l'OIT dont l'un des principaux axes consiste à lutter contre la pauvreté et à protéger les enfants.
C'est pour soutenir cette lutte que le gouvernement italien a mis à la disposition du Sénégal, en décembre 2008, un fond d'urgence de 117 millions de franc CFA pour le financement d'une cinquantaine de microprojets en faveur des enfants et des familles vulnérables. « En touchant les familles vulnérables, nous touchons les enfants vulnérables. C'est dans ce cadre que des activités génératrices de revenus seront mises à la disposition des familles pour qu'elles fixent les enfants dans les foyers et éviter ainsi les travaux domestiques précoces, les abus et la mendicité », a confié le ministre de la famille.
Dans la même lancée, nous pensons que ce ministère pourrait s'investir davantage dans le conseil puis le financement de projets de reconversion d'employées de maison dans le maraîchage, la restauration, le commerce etc. Cependant, la question des employées de maison intéressent au premier chef d'autres acteurs qui se sont déjà illustrés sur la scène nationale.
a. Enda Tiers Monde
Environnement et développement du Tiers Monde peut-être considérée comme l'un des partenaires privilégiés des femmes en général et de la cause des travailleuses domestiques en particulier.
Un des axes stratégiques majeurs en chantier s'intitule : « l'égalité femmes! hommes, le genre en question ? », propositions pour susciter questionnements et débats, et croiser le regard de la diversité des visions, des acteurs et actrices d'Enda et de ses partenaires sociaux.
Enda a intégré la perspective de genre dans sa mission institutionnelle lorsqu'elle s'est rendue compte :
- de l'importance du travail invisible et gratuit des femmes (2!3 des heures travaillées dans le monde si l'on prend en compte les travaux domestiques et les soins à la famille non comptabilisés dans le PIB mondial,
- de la féminisation croissante de la pauvreté (70% des personnes vivant avec moins d'un dollar par jour sont des femmes),
- de l'injuste surexposition des femmes aux violences, aux mutilations, aux conséquences des conflits armés, aux MST, à tous les types de discrimination.
Des entités et programmes d'Enda mettent en oeuvre des actions en direction des femmes pour soutenir, valoriser, améliorer, transformer leurs activités notamment traditionnelles dans le domaine :
du micro crédit féminin (commerce, artisanat, agriculture...) de la santé communautaire et de la reproduction
soutien aux organisations féminines offrant des services à leurs communautés (jardins d'enfants, tontines, caisses de crédit, restaurants communautaires, coopératives, gestion d'équipements sanitaires, recyclage, maraîchage...)
Intervention auprès des femmes en situation vulnérable (travailleuses domestiques, filles de la rue).
Au niveau national, Enda a mis en place plusieurs programmes d'accompagnement des enfants travailleurs et d'organisation des travailleuses domestiques qui ont connu beaucoup des succès. On peut citer à titre d'exemple, la coordination des enfants travailleurs qui regroupe une dizaine d'associations (Dakar, St Louis, Kolda, Fatick), les caisses populaires des femmes, les mutuelles de santé féminines, la lutte contre la déscolarisation des filles et les mariages précoces. On peut également souligner les initiatives prises par des privées pour la professionnalisation de l'activité domestique.
b. Les GIE de placement
Dans le sillage de la première génération d'intermédiaires ou courtiers qui opèrent au niveau des aires de regroupement, a suivi une seconde génération à cols blancs plus soucieuse de rompre avec l'informalité et prônant la professionnalisation des relations de travail. Les techniques de recherche de travail consistant à faire du porte-à-porte ou l'attente au niveau de certaines places stratégiques portent de moins en moins leurs fruits, ainsi l'on se tourne vers des canaux plus modernes tels que la presse écrite avec les petites annonces. Cependant, les clients qui deviennent de plus en exigeants ne se fient plus aux annonces tout comme ils ne veulent plus recruter directement une personne dont ils n'ont aucune référence.
C'est justement pour combler ce vide que l'agence Oxo, sise à l'avenue Blaise Diagne, a été
mise sur pied, il y'a juste deux mois. Cette nouvelle agence de placement qui recrute dans tous les secteurs avec ou sans diplômes a fait des émules puisque une autre agence, Touch'Atout s'est lancée dans la même activité. Les secteurs dont il s'agit sont : le travail domestique, le gardiennage, la restauration, la fourniture de chauffeurs, les agents commerciaux etc.
Oxo a lancé sa première phase qui consistait à recueillir une base de données de personnes chercheuses d'emploi par une campagne agressive de publicité à travers divers canaux médiatiques. C'est ainsi que des prospectus ont été distribués dans tous les bus de Dakar (DDD). A l'issue de cette phase les objectifs escomptés ont été largement atteints puisque l'agence disposait d'un fichier de plus de 200 personnes.
Les fiches d'inscription individuelles permettent d'avoir les différents profils ; on y trouve la photo d'identité, le niveau d'instruction, la situation matrimoniale, les aptitudes, l'emploi souhaité, les prétentions salariales etc. Les frais de dossier s'élèvent à 2000 FCFA et la commission pour un placement simple est de 10 000 FCFA à la charge de l'employeur. La commission est beaucoup plus onéreuse pour un placement intérimaire car l'agence souscrit à une police d'assurance pour rembourser le client en cas de dommage, mais ici la relation devient tripartite ; le salaire étant versé indirectement par l'agence.
La clientèle de l'agence va des sénégalais ordinaires aux expatriés qui spécifient exhaustivement leurs besoins ; certains s'attachent même à des détails qui violent toutes les dispositions relatives à la non discrimination à l'embauche : ethnie, religion...
Un autre problème relevé est relatif au non respect du SMIG, car autant des employeurs proposent des salaires en dessous du SMIG, autant les employées elles-mêmes ne font pas de fixation sur le salaire-plancher, et prétendent parfois à des salaires de 30 000 FCFA alors qu'un employeur n'a pas le droit de payer en deçà du SMIG, même d'accord partie. Face à ce dilemme, l'agence appelle toujours les employeurs à se conformer à la réglementation tout comme elle les incite à déclarer leurs travailleurs aux institutions de prévoyance sociale (la Caisse de sécurité sociale et l'Ipres). Cependant, le directeur reconnaît que le salaire minimum au niveau de l'agence est de 30 000 FCFA.
Le travail de facilitation que fait l'agence sur la base des dossiers fournis se base sur des critères objectifs de compétence et il n'est pas rare qu'elle fasse des redressements, c'est-à-dire renégocier
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des contrats plus avantageux sur la base du profil présenté. C'est le cas d'une fille bachelière qui cherchait un emploi domestique qui a été réorientée dans le secteur des services avec une meilleure rémunération.
Aujourd'hui, le succès de la première phase est tel que l'agence a du mal à satisfaire toutes les sollicitations de ses clients, alors que la deuxième phase va débuter bientôt avec des objectifs beaucoup plus ambitieux.
Ainsi, comme nous venons de le voir, la question d'un meilleur devenir pour les employés de maison implique différents acteurs à divers niveaux. Elle justifie la prise d'initiatives hardies que nous avons passées en revue plus haut et dont l'évaluation nous permettra de formuler des recommandations à la lumière de l'aspiration des parties et des exigences du travail décent.
L'action normative de l'OIT qui s'est manifestée pendant plusieurs décennies par la prise d'instruments, de conventions, recommandations et protocoles en l'occurrence, s'est orientée de plus en plus vers l'adoption de déclarations. Celles-ci traduisent de nouvelles préoccupations fondamentales pour l'OIT qui sont contenues dans la déclaration sur les principes et droits fondamentaux au travail et celle sur le travail décent dont l'objectif final reste la justice sociale pour tous.
Cette aspiration suprême de l'OIT passe par l'appropriation par tous de la Déclaration sur les principes et droits fondamentaux au travail et celle relative au travail décent.
Elle date de 1998 et consiste en une obligation «de respecter de bonne foi et conformément à la Constitution de l'OIT, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet desdites conventions», à savoir :
? La liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective (C 87 & C 98),
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? L'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire (C 29 & C 105), ? L'abolition effective du travail des enfants (C 138& C 182),
? L'élimination de la discrimination en matière d'emploi (C 100& C 111).
Il demeure certain que la mise en oeuvre de la déclaration dans le monde du travail permettra de mettre en place les jalons d'une justice sociale essentielle pour assurer une paix universelle durable, dans la mesure où la croissance économique n'est pas une condition suffisante d'équité et de progrès social. Cependant, l'atteinte des objectifs demeure un sérieux challenge en général et particulièrement dans le domaine de l'activité domestique où beaucoup de conquêtes restent à faire.
C'est pour pallier cette difficulté que l'OIT a mis en place un mécanisme promotionnel relatif aux principes et droits fondamentaux au travail par l'assistance technique, le suivi annuel et la publication d'un rapport global quadriennal sur la prise en charge de chaque catégorie de principes et droit dans le monde. L'ampleur de la tâche et les résultats qui sont en deçà de ceux escomptés ont poussé l'OIT, huit ans plus tard à formuler une autre déclaration.
« Le concept de travail décent a été formulé par les mandants tripartites de l'OIT comme un moyen d'identifier les priorités majeures de l'organisation et de moderniser son approche pour le 21eme siècle. Il est fondé sur l'acception du travail comme source de dignité personnelle, de stabilité familiale, de paix dans la communauté, de démocratie au service des peuples et de croissance économique qui augmente les possibilités d'emplois productifs et de développement de entreprises49 ».
Dans ce que l'OIT appelle l'agenda social, économique et politique pour le travail décent, qui doit être une sorte de tableau de bord, qui doit mobiliser à la fois les principales institutions du système multilatéral et les acteurs majeurs de l'économie mondiale, nous avons quatre objectifs stratégiques :
La création d'emploi pour lutter contre le chômage qui est à la base de la détresse sociale ;
La garantie des droits au travail, c'est-à-dire obtenir
la reconnaissance et le respect des droits
des travailleurs. Tous les
travailleurs, et en particulier les travailleurs défavorisés ou
pauvres,
49 Travail, N° 57, septembre 2006, p. 5
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ont besoin de représentation, de participation et de lois justes qui soient appliquées et servent véritablement leurs intérêts ;
L'extension de la protection sociale qui passe par la promotion de l'intégration et la productivité en s'assurant qu'hommes et femmes jouissent de conditions de travail sûres, qui leur accordent suffisamment de temps libre et de repos, qui prennent en considération les valeurs familiales et sociales, fournissent une indemnisation adéquate en cas de perte d'emploi ou de salaire et donnent accès à un système de soins appropriés ; et
La promotion du dialogue et la résolution des conflits pour les régler pacifiquement. Le dialogue social, impliquant des organisations de travailleurs et d'employeurs fortes et indépendantes, est primordial pour augmenter la productivité, éviter les conflits au travail, et construire des sociétés cohésives.
Comme nous allons le voir par la suite, les employés de maison ne veulent rien d'autre que des conditions de travail décentes conformément à leurs aspirations. Nous nous efforcerons enfin de formuler quelques recommandations dans l'optique d'un meilleur devenir pour les employés domestiques.
Ces aspirations ont été présentées le 1er mai 1994 où l'on vit pour la première fois les employées de maison manifester pour la reconnaissance de leurs droits et l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail.
Dans leur cahier de doléances adressé à Monsieur le Président de la République du Sénégal, on pouvait lire : « Nous, employées de maison, venons faire part à Monsieur le Président de la République, nos doléances et propositions pour l'amélioration de nos conditions de travail.
Vu : - L'insécurité dans l'exercice de notre travail - Les abus dont nous sommes victimes, - Le peu de considération et de respect envers nos personnes, demandons :
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-Une meilleure considération sur le plan humain et professionnel ; - Un cadre de vie et de travail décent ;
- Le respect par les employeurs des clauses négociées lors de l'engagement ;
- La consignation par écrit des accords et engagements avec les employeurs, afin d'engager un recours en cas de remise en en question de ces accords ;
- La fin des harcèlements et violence physique pour pouvoir travailler en paix ;
- Des horaires de travail respectueux des besoins de repos de notre organisme et de nos besoins d'éducation de base et de formation professionnelle ;
- Que nos tâches et responsabilités tiennent compte de notre âge et de notre force de travail ;
- Que nos salaires soient en réelle conformité avec les tâches et responsabilités assumées effectivement et qu'ils soient régulièrement payés et sans fractionnement ;
- Des congés annuels payés
- Que les employeurs et l'Etat nous prennent en charge en cas de maladie et surtout pendant et après une grossesse ;
- Des opportunités de formation et d'éducation de base pour accéder à d'autres emplois ;
- Des mesures de formation et d'accompagnement en vue de notre retour définitif au village. - Qu'on soit associé à la formulation de mesures en notre faveur.
Ce cri de coeur poussé pour la première fois il y'a 15 ans est resté un voeu pieux, autrement dit les doléances sont restées entières mêmes si des efforts notoires ont été réalisés par les employées de maison pour porter leur combat au grand jour. Cependant, au vu de l'ampleur de la tâche, seule une synergie d'actions pourra venir à bout des nombreuses difficultés d'ordre structurel, conjoncturel et socioculturel qui freinent les velléités de changement. Pour avoir prêté une oreille attentive aux plaintes et complaintes des employés domestiques durant ces mois de recherche, nous demeurons convaincus qu'ils méritent tout notre respect afin qu'ils retrouvent toute leur dignité. Les quelques recommandations que nous formulerons serons présentées sous forme de tableau pour une meilleure lisibilité. Il est évident que les mesures préconisées ci-
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dessus n'ont pas la prétention d'être absolues quant à leur efficacité, ni exhaustives dans leur énumération.
Il s'agira de décliner les principaux objectifs à atteindre à moyen terme ainsi que les stratégies à adopter, lesquelles seront traduites en actions concrètes interpellant les différents acteurs.
|
OBJECTIFS |
STRATEGIES |
ACTIONS |
ACTEURS |
|
Développer une politique socio- économique à l'endroit du monde |
Créer un environnement propice au maintien des populations- Baisser le flux migratoire |
Mise en place ou redynamisation des L'organisation de loisirs, d'activités récréatives et |
Pouvoirs publics Associations locales Partenaires au développement Associations d'employées ... |
|
Améliorer les conditions de travail des domestiques Promouvoir une nouvelle approche du travail domestique |
Procéder au réexamen des textes régissant le travail domestique Veiller ensuite à leur application effective Eduquer et former les domestiques sur les |
parents Sensibilisation des employeurs pour l'allègement de la charge de travail Limitation des Adoption d'un code de conduite des employeurs Formation et placement des domestiques Relation triangulaire employeurs/ |
Agences de placement Partenaires sociaux Autres associations concernées Associations d'employés de ENDA BIT Ministère du Travail |
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|
Améliorer les conditions de vie |
Influer sur les conditions des Promouvoir l'alphabétisation fonctionnelle Faciliter l'accès à la formation professionnelle |
Les pouvoirs publics doivent se soucier de cette catégorie de travailleurs, dans le cadre de la Financement des projets de reconversion Meilleure organisation et structuration domestiques |
Ministère de l'habitat Ministère de la femme Ministère de l'alphabétisation ONGs partenaires |
|
Lutter contre le |
Appliquer les |
Large sensibilisation des |
Ministère du |
|
travail des jeunes filles |
dispositions sur l'âge |
parents |
travail |
|
domestiques |
minimum d'admission |
Politique de |
Ministère de |
|
à l'emploi |
discrimination positive à |
l'Education |
|
|
Renforcer la politique |
l'endroit des filles |
BIT UNICEF |
|
|
pour un meilleur accès puis maintien à l'école des filles |
Bon maillage de la carte scolaire |
Parents d'élèves Ministère de la |
|
|
Femme |

A
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u terme de ce travail de recherche dont le fil d'Ariane a été une tentative de mieux comprendre les raisons de la disqualification, de fait, dont sont frappés les employés de maison du champ social, il nous a été donné de constater que les causes de ce « déficit de droit » tant au niveau national qu'international sont principalement d'ordre socioculturel et économique.
Au niveau international, le front de la résistance pour le respect des droits sociaux et de la dignité humaine s'organise, avec aux avant-postes les plus vulnérables d'entre les employés de maison, celles migrantes. Elles souffrent doublement d'autant plus qu'elles sont exposées au travail forcé, aux abus de toutes sortes.
Par exemple, à l'heure actuelle, 235 000 femmes immigrées travaillent comme employées de maison à Hong Kong, la plupart venant des Philippines et d'Indonésie. Tant dans leur pays qu'à Hong Kong, elles font l'objet d'une exploitation éhontée, principalement de la part des agences de recrutement.
Même en Suisse, pays modèle en matière de droits de l'homme en général et qui abrite le Bureau International du Travail (BIT), on y foule aux pieds les droits des travailleuses domestiques qui sont pour l'essentiel issues de l'immigration. Elles sont employées par des ménages privées, sans assurances sociales ni protection en cas de maladie ou d'accident.
C'est pour essayer de juguler ce mal un peu partout à travers le monde qu'une conférence internationale a été organisée du 8 au 10 novembre 2006 au Pays Bas. Cette conférence a été un tournant décisif au vu du nombre de participants et de la pertinence des thèmes débattus. En effet, elle regroupait quelque 60 représentants de syndicats d'employées de maison, d'associations et de réseaux régionaux, internationaux de travailleuses domestiques, du groupement Global Unions et d'ONGs de soutien du monde entier.
Les participants à ce forum ont exprimé leur indignation commune devant :
·
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L'exploitation de nombreuses travailleuses domestiques à travers le monde, et particulièrement des travailleuses migrantes très vulnérables ainsi que des enfants qui font ce travail ;
· Le manque de reconnaissance de la contribution des travailleuses domestiques sans laquelle les sociétés et les économies ne pourraient fonctionner ;
· L'absence continue de la reconnaissance du travail des domestiques en tant que « travail » par les législations du travail de beaucoup de pays, ce qui prive ces travailleuses des droits et du respect qu'elles méritent.
Par conséquent, les participants exigent le travail décent pour les employées domestiques. Elles n'ont pas manqué de formuler des recommandations dont la première sera la constitution d'un groupe de travail intérimaire qui comprendra des membres du groupe leader de la conférence, plus des représentants des organisations de travailleuses domestiques de toutes les régions du monde. Les tâches de ce groupe de travail consiste entre autres à :
Explorer les besoins et le potentiel d'un réseau international de défense des droits des travailleuses domestiques, en prenant garde de ne pas reproduire les réseaux internationaux qui existent déjà, mais d'y apporter une valeur ajoutée ;
D'explorer, en collaboration avec le groupement « Global Unions », la possibilité d'obtenir une convention de l'OIT concernant les droits des travailleurs domestiques, qu'ils soient nationaux ou migrants.
De soutenir l'organisation des travailleuses à tous les niveaux local, national, régional et international, à travers :
= une plus grande implication des syndicats à tous les niveaux dans le soutien des employées de maison et de leurs organisations ;
= un inventaire des organisations de travailleuses domestiques ou de leurs groupes de soutien à travers le monde, afin de promouvoir leur visibilité, de se représenter l'ampleur de l'effort déjà entrepris en faveur de ces travailleuses domestiques, et d'encourager leur implication dans un réseau ;
= l'échange d'informations et de stratégies, par une plus grande implication exemple à travers un nouveau site Internet consacré aux droits des employées de maison ;
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? un développement plus important de programmes de formation et d'éducation en faveur des groupes, syndicats, associations et réseaux d'employées de maison, et ce dans des domaines comme la définition de stratégies, l'organisation, l'accès aux fonds, la comptabilité, etc.
? un développement du potentiel de financement des organisations de travailleuses domestiques ;
? un mécanisme d'appel urgent dans les cas d'abus et d'exploitations extrêmes de travailleuses domestiques/employées de maison ;
? de plus amples recherches dans le rôle des travailleuses domestiques/employées de maison (y compris sur la vaste migration de personnes devenant des travailleuses domestiques) en tant que (a) soutien à la mondialisation néolibérale et (b) mécanisme de perpétuation de la discrimination basée sur le genre dans le travail ménager, afin d'aider à promouvoir le développement de politiques plus fortes aux niveaux international et national pour la protection des travailleuses employées de maison et de leurs droits.
Il faut bien comprendre que pour être efficace, la lutte des employées de maison doit s'inscrire dans un cadre sous-régional, régional voire global. En effet, le Sénégal, comme nous avons eu à en a parler dans la première partie, exporte de la main-d'oeuvre domestique essentiellement vers le Liban où leurs conditions de travail sont peu enviables, et où beaucoup de domestiques sans-papiers sénégalaises croupissent en prison. L'association Dames de Coeur s'est illustrée récemment malgré ses modestes moyens en rapatriant deux employées de maison, l'une du Liban et l'autre d'Angola.
Au niveau national, les entretiens menés çà et là au niveau des aires de rassemblement permettent de juger des conditions de travail préoccupantes des domestiques qui peinent à s'imposer aux yeux de l'opinion comme des travailleurs à part entière. Les droits inaliénables que leur confère la réglementation en vigueur sont ignorés parce que les employées de maison sont souvent jeunes, très jeunes même, analphabètes ou déscolarisées, de sexe féminin, déqualifiées et désunies incapables de se projeter dans l'avenir pour engager sérieusement la lutte. « La condition des bonnes est davantage compliquée par le milieu de travail : la famille, dans son intimité. L'évolution du monde ne s'est pas encore insinuée jusque dans les foyers et les attitudes. Le métier de domestiques est encore marqué par l'asservissement. Pourtant, la société actuelle, à
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travers différentes formes d'expression (chants, théâtre) ne cesse de dénoncer cette injustice et de réaffirmer que le travail domestique n'est ni une vie, ni un statut social mais un métier comme un autre50 ».
Mais comme on le dit souvent, les préjugés ont la vie dure et il faudrait qu'on dépasse l'étape des voeux pieux et des déclarations d'intention pour changer les mentalités. L'heure est à l'action comme l'ont compris la poignée de structures, organisations, associations caritatives qui s'investissent de manière directe ou indirecte pour le respect des droits des employées de maison. Il s'agit notamment du droit au travail décent et à une formation qualifiante pour pouvoir prétendre à d'autres emplois. Enda TM, l'association Dames de Coeur, l'Agence de placement Oxo sont toutes au coeur de l'action. On peut également citer toutes les réalisations d'autres structures non moins importantes qui opèrent au niveau des zones de départ en actionnant deux leviers ; à savoir, la lutte contre l'exode rural par des projets structurants et l'éducation par un système de parrainage d'enfants engagés dans le cycle primaire. Plan International, CARITAS Sénégal, le Centre Emmanuel etc. oeuvrent dans ce sens.
On est en droit de se demander si l'Etat sénégalais joue sa partition ? On ne saurait dire le contraire ; cependant on peut déplorer un certain attentisme des autorités compétentes qui se manifeste par un manque de volonté politique ne serait-ce que pour promouvoir le respect des dispositions réglementaires que la majorité viole, y compris elles-mêmes. Peut-être que cet immobilisme provient du fait que l'Etat veut se cantonner à son rôle d'arbitre en ce qui concerne les partenaires sociaux d'autant plus que la structuration des organisations d'employées de maison a été tardive, ce qui pose un problème de légitimité et de représentativité afin que les actions et revendications soient fédérées. Au niveau interne, l'impact d'organisations d'employées de maison fortes à envergure nationale sera décisif dans ce sens tout comme le sera au niveau externe les agences de placement qui jettent les bases d'une nouvelle forme de contractualisation, susceptible de bannir l'informalité et le paternalisme, tous générateurs d'abus.
Nous n'avons pas d'autre ambition à travers cette étude que de soumettre à l'ensemble de la communauté des décideurs, des employeurs et du public en général, à un ultime questionnement sur le quotidien des employés de maison. Nous avons fait ressortir dans ce travail le hiatus net qui
50 « Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes à Dakar, ENDA, 1993, p. 47
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subsiste entre les principes légaux et la pratique afin que tous ceux qui voudront bien le lire s'emploient à soutenir, en toute objectivité leur combat pour la dignité et un meilleur devenir.