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REPUBLIQUE DU SENEGAL
Un Peuple- Un but- Une foi
PRIMATURE
Ecole Nationale d'Administration
E.N.A.
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MEMOIRE DE FIN DE FORMATION
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LES EMPLOYES DE MAISON
DANS LE DROIT SOCIAL
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Présenté par :
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M. Ibra Ndoye
Division administrative
Section Travail et Sécurité Sociale
Cycle A Promotion : 2007/ 2009
Sous la Direction de :
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M. Pierre Marie Coly
Inspecteur du Travail et de la Sécurité Sociale
Directeur des Ressources Humaines de S D V
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I
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
2
l existerait un peu plus 80 000 employés de maison au
Sénégal, composés majoritairement de domestiques,
d'après l'enquête statistique nationale sur le travail des enfants
de Juillet 1993. C'est dire que l'ensemble des foyers sénégalais
au niveau des zones urbaines, Dakar plus particulièrement, reste le plus
grand pourvoyeur d'emplois, et non l'Etat, comme beaucoup le pense. En effet
les effectifs au niveau de la Fonction Publique tourneraient autour de 70 000
personnes.
Ce recours à la main-d'oeuvre domestique dans beaucoup
de foyers, même les moins nantis, tend à se
généraliser ; et il n'est pas rare de voir des maisons où
coexistent deux, voire trois « bonnes » sans compter les services du
gardien. Ce phénomène trouve son explication dans
l'amélioration notoire du statut des femmes au cours des deux
dernières décennies qui ne se contentent plus de rester au foyer.
Elles deviennent de vrais acteurs économiques, qu'elles soient
instruites ou non, avec le fardeau des tâches ménagères
pris en charge par d'autres mains plus ou moins expertes. Dans cette optique,
il est paradoxal que d'autres personnes, les employés de maison, qui
aspirent eux aussi, au même titre que leurs employeurs à
s'émanciper à travers un emploi qui a besoin d'être
reconsidéré et réhabilité, en soient les victimes
expiatoires.
Par ailleurs, l'importance du nombre d'individus qui s'adonne
à ce travail d'employé de maison, qui devrait être un
facteur de promotion et de stabilisation de l'emploi cache mal les drames, les
conflits, le caractère informel, bref la précarité, qui
est l'une des caractéristiques des rapports de travail entre employeurs
et employés de maison. Il est bon de signaler que le corps des gens de
maison s'est largement massifié à la faveur de l'exode rural avec
le flux important de filles et de jeunes femmes qui ont embrassé la
profession. Trois causes fondamentales sont à l'origine de cet exode.
D'abord un déficit d'aménagement du territoire qui a vu des
centres tels que Dakar, St Louis, Thiés... devenir des pôles
urbains florissants émerger au détriment de zones rurales
tournées exclusivement vers des activités agropastorales.
Ensuite, nous avons assisté à un déclin de l'agriculture
avec l'échec de « la révolution verte » qui devait
sanctionner la Nouvelle
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
3
Politique Agricole (NPA) des années quatre-vingt.
Enfin, il y'a eu la désaffection d'une importante frange de la
population du circuit scolaire classique à cause de la longueur du
cursus qui n'aboutit pas toujours à un travail
rémunérateur. Cet exode, devons nous le rappeler, a surtout un
caractère saisonnier car ponctué par de nombreux retours au
village à l'occasion de fêtes ou de cérémonies, ce
qui du reste participe à la complexification des relations de travail.
Dans sa tentative de comprendre les raisons de cette migration, l'étude
intitulée « Mbindaan sans mbindou : les petites bonnes à
Dakar »1 abonde dans le même sens quoique se focalisant
davantage sur les manifestations de cette triptyque. Primo, l'absence
d'activités rémunératrices au village pour la prise en
charge de leurs besoins et ceux de leurs familles, secundo la difficulté
pour leurs parents de vivre des revenus de la terre à cause notamment de
la péjoration pluviométrique, tertio les mirages de la ville qui
subsistent toujours. A l'origine, ce phénomène touchait
essentiellement les hommes ; il a fallu plusieurs années pour que des
femmes de plus en plus jeunes partent à « l'aventure » et
deviennent de véritables soutiens de famille. Ainsi le flux migratoire
touche de plus en plus de jeunes filles déscolarisées pour
l'essentiel. A titre indicatif les statistiques de l'étude citée
plus haut ont montré que 62,50 % d'entre elles sont non
scolarisées chez les moins de 15 ans et 53,10 % le sont dans la tranche
15-18 ans. La demande de très jeunes filles sur le marché du
travail s'explique dans un contexte de crise économique par son faible
coût. Cette entrée prématurée de milliers de petites
bonnes dans le marché du travail est perçue au niveau des
autorités comme un problème crucial en ce sens que le
Sénégal s'est engagé, dans le cadre du Programme
Décennal pour l'Education et la Formation (PDEF) et des Objectifs du
Millénaire pour le Développement (OMD) de promouvoir une
éducation de qualité et sans discrimination qui devrait
normalement impacter sur la qualité des ressources humaines. De
surcroît, le Sénégal ayant ratifié la Convention
n°138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi, appuie toutes
les initiatives prises au niveau international pour l'abolition effective du
travail des enfants notamment le Programme International pour l'Abolition du
Travail des Enfants (IPEC). Ce plan d'action global de l'OIT pour
l'éradication du travail des enfants a été mis en branle
depuis 1992 après le constat de l'ampleur du mal au plan international,
surtout en ce qui concerne les pays en développement.
L'évaluation de la lutte2 dans le cadre du Programme
1 « Mbindaan sans mbindou » Les petites bonnes à
Dakar, de UNICEF/ BIT/ ENDA et Gouvernement du Sénégal, Mars
1994.
2 African newsletter on Occupational Health and Safety
2000 pp. 32-35
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
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Les employés de maison dans le droit social
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IPEC durant plus d'une décennie a été
à l'origine de l'inflexion notée en ce qui concerne l'approche.
Il s'agit désormais de mettre l'accent sur la prévention du
travail des enfants et non le retrait automatique d'enfants déjà
engagés, difficilement récupérables. Cette approche se
focalise notamment sur les causes principalement socioculturelles et
économiques qui engendrent le travail des enfants. En attendant le
rendez-vous du compte-rendu, on note déjà un léger
éclairci. En effet, les dernières
estimations3 de l'OIT révèlent que ce
fléau ne toucherait plus que 217 millions d'enfants âgés de
5 à 17 ans à travers le monde, dont 165 millions auraient entre 5
et 14 ans. Parmi eux, 126 millions seraient victimes des pires formes de
travail des enfants. Ce qui montre une légère baisse de l'ampleur
du phénomène par rapport aux années
précédentes. Cependant, il faut se garder de toute
autosatisfaction car ce changement serait imputable, d'après plusieurs
voix autorisées, à la proportion d'enfants engagés dans
les travaux domestiques et agricoles non prise en compte, sans oublier les
nombreuses naissances non déclarées à l'état-civil.
Aujourd'hui, même si la lutte contre le travail des enfants n'est pas
seulement l'apanage du BIT, on note à tous les niveaux un foisonnement
d'institutions, d'organismes qui en font leur cheval de bataille, alors qu'il
est de notoriété publique qu'aucune action isolée n'aura
d'impact que si elle s'inscrit dans un plan d'action de niveau national.
D'où l'urgence de mettre sur place une approche holistique de
coopération, de consultation et de cohérence entre tous les
acteurs engagés dans ce combat : d'une part la société
civile, les autorités nationales, les employeurs, les syndicats, les
familles et d'autre part l'UNICEF, la Banque Mondiale, l'OIT, le PNUD, les
donateurs et les ONG nationales. Par rapport à cette lutte, il a
été relevé dans ce document ACP-UE que durant ces
dernières années, les efforts ont été
malheureusement concentrés dans le secteur industriel formel, au
détriment du secteur agricole qui emploie le plus d'enfants et le
secteur domestique qui « dissimule » aussi le travail des enfants. En
effet, l'aspect informel et la nature du travail permettent de « cacher
» le travailleur aux yeux des autres. Les problèmes dans ce secteur
sont accentués par les inégalités en termes de culture et
de genre au sein de la société.
En ce qui concerne le Sénégal, le rapport sur le
Programme national pour l'élimination de l'exploitation des enfants aux
Sénégal (1998-2001) BIT/IPEC indique selon des enquêtes
menées de 1993 à 1998 que 293 783 enfants âgés de 6
à 18 ans se trouvaient en situation de travail soit 15 pour cent de ce
groupe d'âge. Le BIT a mis en place ce programme sous-régional
dans huit
3 Document de Travail ACP-UE sur le Travail des
enfants, 14 février 2008
autres pays d'Afrique de l'Ouest pour aider à la lutte
contre le trafic des enfants à des fins d'exploitation de leur travail.
Il s'agit d'une part d'aider le gouvernement à travers ses structures
compétentes et d'autre part les ONG dans l'adoption en amont de mesures
préventives efficaces contre ce trafic. En aval, ces structures et ONG
doivent envisager des mesures de réadaptation en faveur des victimes. Au
Sénégal, les enfants habituellement engagés dans le
processus de production travaillent principalement comme aides familiaux (78%),
salariés (9%), apprentis (6%) et travailleurs indépendants (50%).
IPEC4 indique en outre que de nombreuses filles sont
employées comme domestiques ; elles sont 53 731
à être âgées de moins 18 ans, dont 20% ont 6
à 14 ans. La Commission sur l'application des Normes dans son rapport
2006 invite le gouvernement Sénégalais à lui faire
connaître les mesures qu'il a prises et celles qu'il envisage pour mettre
progressivement en harmonie la situation réelle du pays avec sa
législation et la Convention. Par ailleurs, elle prie le gouvernement de
continuer à fournir des informations sur la manière dont est
appliquée la Convention et apprécierait, en particulier, la
fourniture de données statistiques récentes relatives à
l'emploi des enfants et des adolescents, des extraits de rapports des services
d'inspections et des précisions sur le nombre et la nature des
infractions relevées et les sanctions infligées. Malgré
tous ces efforts déployés par les autorités
étatiques en relation avec des partenaires aussi engagés les uns
que les autres, le BIT, l'UNICEF, l'UNESCO, et d'autres organismes encore qui
sont bien persuadés, comme le disait l'UNESCO dans son rapport de 1996
que « l'une des principales causes du travail des enfants reste leur non
scolarisation », le phénomène ne fait que croître au
vue du nombre d'enfants qui arrive dans le marché de l'emploi domestique
au Sénégal. A cet égard, l'UNICEF préconise six
mesures5 pour en venir à bout :
- l'élimination immédiate de l'emploi des enfants
à des tâches dangereuses
- l'organisation d'un enseignement gratuit et obligatoire
- l'élargissement de la protection légale des
enfants
- l'enregistrement de tous les enfants à leur naissance
- une collecte et un contrôle adéquats des
données
- l'établissement de codes de conduite
En attendant la réalisation de cet ambitieux plan
d'action, les employeurs à mille lieux de ce
branle-bas, alimentent consciemment ou inconsciemment le
phénomène en employant le plus
4 Rapport Commission pour l'application des Normes
2005
5 Source http : // www. Droitsenfant.com/ travail.
htm
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
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normalement du monde cette main-d'oeuvre tendre et
corvéable, qui compte également des moins jeunes partageant tous
le sort peu enviable d'employés de maison qui doivent hélas
lutter davantage pour sortir de la zone que les sociologues du droit appelle
l'infra-droit, c'est-à-dire un droit
déprécié6, qui est une des facettes de la
segmentation du marché du travail. Cependant, la branche
d'activité de la domesticité connue sous le terme
générique employé de maison ne comprend pas que des «
bonnes » et « boys », le phénomène de reconversion
aidant, on trouve notamment des lavandières-repasseuses, des
baby-sitters effectuant toutes des tâches à la
périphérie de la maison et qui sont assimilables à des
employés de maison ; même si la conception qu'en a le texte
réglementaire est plus restreinte.
La féminisation de ce secteur d'activité a
débuté avec le départ des colons qui faisaient appel
exclusivement aux « boys ». Cette perversion de la structure de la
division du travail basée sur le genre n'a pas survécu à
la fin de la colonisation car la répartition sexuelle du travail est
bien ancrée dans les mentalités, la gestion des activités
domestiques reste l'apanage des femmes.
Le législateur sénégalais avait
très tôt senti la nécessité de codifier les
relations de travail particulières, car individualisées, liant
deux personnes physiques, ce qui déroge au contrat de travail plus
classique entre une personne physique et une personne morale. C'est ainsi qu'un
important dispositif législatif et réglementaire méconnu
du grand public existe. Ainsi, il nous semble urgent d'en cerner les contours,
de faire une sorte d'état des lieux, d'apprécier les enjeux, et
surtout d'esquisser des solutions en rapport avec les prescriptions normatives
pour un meilleur devenir de cette activité contribuant à
l'harmonie et la quiétude de milliers de familles. Pour ce faire, nous
nous proposons dans la suite de ce travail de recherche, axé autour de
trois parties essentielles, de revisiter d'abord ce cadre juridique des
employés de maison, ensuite à la lumière de l'analyse de
leurs conditions réelles de travail en insistant sur certains aspects
sociologiques qu'on ne peut éluder, de comprendre les raisons de la non
application de ces dispositions réglementaires et enfin de voir les
enjeux relatifs à cette question qui sont autant de défis
interpellant les différents acteurs qui se préoccupent du sort
des employés de maison. Et nous ne manquerons pas au terme de ce modeste
travail de faire quelques propositions dans le double objectif de voir les
employés de maison se concilier avec la législation sociale et
leurs employeurs.
6 J. Carbonnier, Flexible droit, LGDJ, Paris 1979
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
Le cadre juridique des employés de
maison
7
Chapitre I La typologie des emplois
Une certaine conception réductrice des employés
de maison a fait penser, à tort bien sûr, que les domestiques
constituaient à eux-seuls ce groupe. Il nous semble nécessaire
à ce niveau d'insister sur le terme domestique. En effet, celui-ci est
à mettre en rapport avec le type de services qu'ils rendent. Dans le
contexte sénégalais, ils étaient communément
appelés « mbindaan » qui signifie étymologiquement en
wolof « qui ont l'habitude de passer des contrats
»7. Cette appellation qui avait des relents
péjoratifs, à vrai dire, a connu un glissement sémantique
il y'a quelques années à la faveur d'une certaine
évolution de la perception que les Sénégalais ont eu de
ces travailleurs, surtout lorsque des cas d'abus autrefois tus ont ému
l'opinion par la magie des média. Ainsi comme s'ils s'étaient
passés le mot, le terme « mbindaan » est devenu désuet
et fit place à celui de « jaanx ». Parallèlement
à ce changement, le terme « bonne » qui était aussi
usité en français et qui renvoyait à l'image de «
bonne à tout faire » fit aussi sa mue.
Du reste, si ces travailleurs intervenant dans le cadre
restreint du domicile sont qualifiés d'employés de maison,
d'autres épithètes sont censées les désigner : gens
de maison, travailleurs domestiques, employés à domicile, femmes
de ménage voire employés familiaux. La notion même de
domicile en droit mérite qu'on s'y attarde un peu. Certes l'Inspection
du Travail s'applique à toutes les situations d'emploi, mais dans la
pratique, le domicile privé est en dehors du champ d'application des
inspecteurs du Travail. Cela est d'autant plus vrai que l'article 16 de la
Constitution sénégalaise est sans équivoque lorsqu'il
insiste sur le caractère inviolable du domicile. Elle dispose plus loin
qu'on ne pourra porter atteinte à cette inviolabilité que pour
parer à un danger collectif ou pour protéger des personnes en
danger de mort. En France l'impossibilité
7 « Mbidaan sans mbindou » les petites bonnes à
Dakar, Mars 1994.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
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Les employés de maison dans le droit social
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des inspecteurs du travail de contrôler les employeurs
particuliers est beaucoup plus explicite. L'article L 611-8 du Code du Travail
dispose que « les inspecteurs ne peuvent pénétrer dans les
locaux habités qu'après autorisation des personnes qui l'occupent
», ce qui rend inopérant le contrôle sur le travail des
employés de maison. A l'inverse, le droit de visite à toute heure
des établissements où sont occupés des travailleurs
jouissant de la protection légale que l'article L. 197 du Code du
Travail confère aux inspecteurs ne souffre d'aucune restriction. Nous
reviendrons plus loin sur les incidences de cette situation.
Il faudrait dans la même lancée faire la
distinction entre le travail domestique proprement dit qui correspond à
des services rendus à la personne à son domicile ; des services
de la vie quotidienne : travaux ménagers, gardiennage et des services
à la famille : garde d'enfant, pour ne citer que ceux-là et le
travail à domicile qui est une des formes de télétravail
engendrée par l'éclatement de la bulle technologique. En effet,
ce dernier est souvent employé à tort à la place du
travail domestique. Contrairement aux employés de maison qui
exécutent leurs contrats au domicile de l'employeur, les travailleurs
à domicile, au sens de la Convention n° 177 adoptée en 1996,
exécutent les leurs partout ailleurs qu'au domicile de l'employeur. En
effet, l'article 2 de ladite convention est univoque ; « le travail
à domicile est un travail qu'une personne, désignée comme
travailleur à domicile, effectue :
? à son domicile ou dans d'autres locaux de son choix,
autres que les locaux de l'employeur ? moyennant rémunération en
vue de la réalisation d'un produit ou d'un service répondant aux
spécifications de l'employeur... ».
Cependant si le travailleur dispose d'un certain degré
d'autonomie et d'indépendance dans son travail, il devient tout
simplement un travailleur indépendant.
Pour en revenir aux employés de maison, le rapport
général du BIT de 2004 intitulé : S'organiser pour
plus de justice sociale8, faisait état du
développement des emplois à domicile (domestiques) à
l'échelle mondiale, qui est la résultante, d'après
l'auteur, du déclin de l'Etat-Providence surtout par rapport aux bonnes
et gardes d'enfants. Une autre explication serait l'entrée massive de la
gent féminine dans le marché du travail qui a parachevé
plusieurs décennies de lutte pour l'émancipation avec
l'émergence d'emplois fortement féminisés dans les
8 C. I. T. 92eme session 2004
secteurs de l'éducation, la santé et les
services. Par conséquent, les employés de maison se sont
substitués à ces femmes qui étaient convaincues que leur
libération passait par la conquête du marché du travail.
Donc, c'est tout normalement qu'elles engagent des travailleurs pour s'occuper
de leurs biens, de leur intérieur et d'êtres qui leur sont chers,
ce qui du reste rend complexes de prime abord, les relations de travail dont le
premier fondement reste la confiance.
Même si les domestiques sont notoirement plus connus
dans le registre des emplois à domicile, ils ne sont pas les seuls comme
on l'avait signalé dans l'introduction. En effet, l'article premier de
l'arrêté N° 974 du 23 Janvier 1968 commence par identifier
les gens de maison. Ce sont, dit-il, « tous les salariés
embauchés au service d'un foyer et occupés de façon
continue aux travaux de la maison ». Compte tenu des relations de travail
modernes, on peut dégager la typologie suivante basée sur le
contenu des postes :
1. LA BONNE OU BOY DEBUTANT(E)
Il ou elle ne justifie pas encore de deux ans de pratique et
s'occupe principalement des activités domestiques : travaux
ménagers, repassage etc. Il (elle) peut également préparer
les repas mais n'est pas autonome dans l'organisation du travail.
2. LA BONNE OU BOY SPECIALISE(E)
Il (elle) n'assure qu'une partie des travaux de la maison,
notamment le lavage du linge. Cette catégorie comprend entre autres :
a. La bonne d'enfants
Elle garde les enfants au domicile des parents, s'occupe
d'eux conformément aux directives des parents. Elle prépare leurs
repas, lave leur linge etc.
Cependant la bonne d'enfant peut aussi être
employée à d'autres tâches comme les travaux
ménagers.
b. Le gardien logé ou non de maison d'habitation au
service d'un particulier.
Ce secteur s'est beaucoup développé et
formalisé par le biais des sociétés de gardiennage mais
leur zone d'intervention dépasse le cadre du domicile. Avec
l'émergence de la sous-traitance, il intervient également dans
les secteurs public, parapublic et privé.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
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3. LA BONNE OU BOY AVEC UNE CERTAINE EXPERIENCE
Il (elle) est chargé(e) de l'exécution de
l'ensemble des travaux courants d'intérieur ; il (elle) justifie de plus
de deux ans de pratique.
4. LE BOY CUISINIER OU LA BONNE CUISINIERE
Il (elle) assure l'ensemble des travaux d'intérieur y
compris la cuisine courante.
4. LE CUISINIER OU CUISINIERE QUALIFIE(E) DE MAISON
Comme son nom l'indique, il ou elle s'occupe pour l'essentiel de
faire la cuisine pour un ménage de taille réduite.
6. LE CUISINIER OU CUISINIERE QUALIFIE(E) DE NIVEAU
SUPERIEUR
Il ou elle assure également la cuisine pour un
ménage comprenant cette fois-ci plus de huit personnes. La qualification
est souvent acquise après plusieurs années de pratique.
7. LE MAITRE D'HOTEL
C'est la catégorie la plus élevée au
niveau des employés de maison. L'appellation ne renvoie pas
forcément à un emploi exécuté dans un hôtel,
mais plutôt dans un domicile privé. Par contre le titre de
maître d'hôtel est acquis après une formation initiale
sanctionnée par un diplôme ou au moins une formation continue
permettant au salarié soit d'obtenir un titre qualifiant, soit de
valider et de perfectionner ses acquis professionnels au cours de sa
carrière.
La nomenclature des emplois à domicile fait
apparaître un personnel aux tâches variées qui monnaye son
savoir-faire dans l'intimité de nos familles. Adapté au contexte
Sénégalais, surtout avec la crise économique, il n'est pas
rare de voir l'émergence d'employés touche-à-tout beaucoup
plus « compétitifs ». Par rapport à la tendance qu'ont
les employeurs à recruter un seul employé qui s'occupe de toutes
les tâches domestiques, linge, repassage, cuisine, courses, garde
d'enfants plutôt que deux ou trois spécialisés, la
réglementation leur octroie cette possibilité avec le boy ou la
bonne cuisinière, censé(e) assuré(e) l'ensemble des
travaux intérieurs pourvu que la durée légale du travail
ou celle jugée équivalente soit respectée. L'importante
charge de travail qui peut en résulter nous emmène à nous
interroger sur le cadre normatif international, en l'occurrence les conventions
de l'OIT et national, avec les lois, règlements ou accords
professionnels régissant les modalités d'emploi et de travail des
employés de maison.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
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Les employés de maison dans le droit social
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12
Chapitre II Le cadre juridique des
employés de maison
Le cadre juridique des employés de maison est
constitué d'un ensemble de textes pris au niveau international et
national qui réaffirme les principes de base que l'OIT promeut depuis sa
création en 1919, à savoir, essentiellement le respect par tous
les états des droits économiques et sociaux en ce sens que le
travail joue le double rôle de facteur d'intégration et de
progrès social, donc de développement économique. Ce cadre
est censé codifier les relations de travail, fixer pour les parties
contractantes leurs obligations, leurs moyens juridiques d'intervention... Par
conséquent, l'Etat, en sa qualité de pierre angulaire du
tripartisme Etat-employeur-travailleur, doit jouer pleinement son rôle
d'arbitre en contrôlant l'application de la législation sociale
par tous, travailleurs et employeurs pour la réalisation de la justice
sociale. Ce cadre juridique est constitué de sources d'origine externes
et internes.
I. Les sources externes
A. Les conventions internationales
Le Sénégal est devenu membre de l'OIT depuis
1960 ; à ce titre, il a ratifié les conventions les plus
essentielles (prioritaires et fondamentales). Celles-ci de par leur
portée et leurs caractéristiques tendent à devenir une
législation sociale internationale. A cet égard, elles
édictent des seuils minimaux en matière sociale qui
s'érigent en référence ou en une source d'inspiration pour
les législations nationales. Rappelons que les conventions de l'OIT
signées, ratifiées et publiées par le
Sénégal entrent dans l'ordonnancement juridique et l'engagement
pris de manière formelle doit se matérialiser sur le terrain
glissant des relations de travail.
En ce qui concerne les employés de maison, au niveau
international, aucune convention ni recommandation de l'OIT ne les vise
expressément. Cette omission qu'il ne faudrait pas interpréter
comme un désintérêt à l'égard de ces
travailleurs est contrebalancée par les nombreuses prises de position de
l'organisation en leur faveur. C'est ainsi que tous les rapports globaux du BIT
concernant les quatre catégories de droits fondamentaux, à savoir
le droit de grève et de négociation9, la lutte
contre le travail forcé10, la lutte contre le travail
des
9 BIT : votre voix au travail, Genève 2000, pp
33-34
enfants11, l'absence de
discrimination12, présentent les travailleurs
domestiques comme un des groupes qui souffrent nettement d'un déficit de
droits. Ces droits sont doublement bafoués pour les employés de
maison migrants qui souffrent le martyr dans beaucoup de pays dans le monde.
Cette main-d'oeuvre, dont le lot quotidien reste le travail forcé,
l'absence de dispositions relatives à leurs droits dans de nombreux
pays, voire même l'esclavage est à l'origine de la Convention
n° 97 sur les travailleurs migrants de 1949 révisée et
complétée par la Convention n° 143 sur les travailleurs
migrants de 1975. En réalité, même le Sénégal
n'est pas épargné par le phénomène des domestiques
migrants, le journal Walf Quotidien13 relayait une
affaire de trafic d'employées de maison sénégalaises vers
le Liban déjouée par la Division des Investigations Criminelles
(DIC) et ayant fait l'objet d'un rapport de la Direction de la
Sûreté du Territoire (DST) transmis à la Présidence.
L'affaire consistait en un recrutement de « bonnes »
sénégalaises devant être placées dans des foyers au
Liban moyennant 300 à 400 000 FCFA de leur part. Heureusement pour elles
que l'affaire a échoué, car le plus dur les attendait au bout du
voyage.
Pourtant dans un article de Anne-Marie El Hage du 10 Avril
2008 repris par le même journal et paru dans le site all
africa.com, la journaliste est revenue
largement sur la situation difficile des plus de 100 000 femmes
étrangères employées de maison au Liban dont 34 322
seraient des Africaines, d'après les chiffres officiels. Parmi elles, on
note des Ethiopiennes, de loin la plus importante communauté, des
Malgaches, des Camerounaises, des Togolaises, des Nigérianes, des
Ivoiriennes et aussi des Sénégalaises qui seraient au nombre de
47. Mais qu'est-ce qui pousse ces Africaines à s'expatrier au pays du
Cèdre ?
Parmi les raisons avancées, on évoque bien
sûr la pauvreté, le besoin de bien gagner leur vie, en tout cas
mieux qu'elles ne le feraient dans leurs pays, pour les Africaines francophones
on note l'absence de barrières linguistiques et enfin les
chrétiennes y peuvent librement pratiquer leur religion.
Malgré tous ces atouts qui rendent attractifs la «
destination » Liban pour ces vaillantes dames, tout n'y est pas rose,
comme l'atteste un document du Fonds des Nations Unies pour la population de
2006 à propos de l'exploitation des employées domestiques ; les
réseaux qui
10 BIT : halte au travail forcé, Genève
2001, pp 31-32
11 BIT : un avenir sans travail des enfants 2002, pp
32-34
12 BIT : l'heure de l'égalité au travail
2003, pp 21-22
13 Walf Quotidien, vendredi 19 Décembre 2008, p
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l'alimentent dit-il, ne font ni plus ni moins que de vendre
l'espoir et voler les rêves, ce qui malheureusement n'a pas fait tarir ce
« fleuve puissant mais silencieux » que représente la
migration des femmes.
Certes, la signature d'un contrat de travail en langue arabe,
le seul valable, se fait devant le notaire. Il fixe le salaire mensuel à
135 $ et évoque la nécessité pour l'employée de
bénéficier d'une chambre individuelle. Cependant dans la
réalité, les horaires de travail, la qualité et la
quantité des tâches, les jours de congés, les contacts avec
la famille du pays d'origine et avec les compatriotes sont laissés
à la discrétion de l'employeur. C'est juste pour dire que pour
beaucoup le rêve se transforme rapidement en cauchemar. En effet,
certaines d'entre elles se plaignent d'être payées en retard voire
pas du tout, d'autres d'une surcharge de travail qui n'est ponctuée par
aucune pause même pas le repos hebdomadaire. Les moins chanceuses ne
dorment pas assez, sont maltraitées physiquement ou verbalement et sont
enfermées par leurs patrons de peur qu'elles ne s'enfuient. D'ailleurs,
l'article évoque la situation de six bonnes Sénégalaises
emprisonnées, car dans ce pays, les domestiques dont les papiers ne sont
pas en règle ou qui y entrent illégalement sont détenues.
C'est ainsi que outre les Sénégalaises, 380 Ethiopiennes, 4
Nigérianes et 2 Camerounaises croulent en prison pour l'une ou l'autre
des raisons mentionnées plus haut.
Pourtant on sent que dans ce pays aussi les choses commencent
à bouger grâce à l'action de la presse locale et
étrangère qui ne cessent de dénoncer les conditions de
travail des employées de maison. C'est sous ce rapport qu'un responsable
de Caritas Liban, Najla Chahda estime que : « les cas de maltraitance
semblent en nette diminution 14». Notons également que
l'OIT s'est beaucoup investie dans ce pays pour de meilleures conditions de
travail pour les employées de maison migrantes. Elle a poussé le
gouvernement libanais à mettre en place un comité chargé
de rédiger un projet de loi visant entre autres l'unification des
contrats de travail, l'établissement de fiches de paie
uniformisées et légalisées par l'administration libanaise.
Mais comme le pense la journaliste, les avancées sont très lentes
à cause de la crise que traverse le pays.
Nous avons crû devoir insister sur la situation des
employées de maison migrantes en général, Africaines en
particulier, pour montrer comme l'affirmait le rapport global de l'OIT, le
déficit de droits dont elles sont victimes ici et ailleurs et que l'OIT
n'a jamais cessé de se soucier du sort
14 Site web all
africa. com, les fortunes diverses des
employées de maison Africaines, 10 Avril 2008
des employées de maison, pas celles migrantes
seulement. Néanmoins la question d'une convention de l'OIT sur le
travail domestique « reste un besoin urgent »15. Ce besoin
est non seulement pressant à cause des 100 millions d'actifs qu'il
compte de par le monde, mais aussi que l'idée d'un instrument
spécial pour réglementer les conditions d'emploi de la
main-d'oeuvre domestique, en à croire le bulletin du Fonds de
Solidarité pour les luttes de libération sociale dans le tiers
monde, a été soulevée pour la première fois en
1936. Depuis lors le nombre de travailleurs et travailleuses a crû de
manière exponentielle avec la privatisation des services publics qui a
généré une importante demande de main-d'oeuvre domestique
à l'échelle mondiale. Cette idée émise depuis 1936
ne s'est pas encore concrétisée car d'après Mme Budin :
« Il n'aurait pas fallu attendre 72 ans pour voir le Conseil
d'administration de l'OIT envisager de mettre les travailleurs et travailleuses
à l'ordre du jour de la CIT si les hommes avaient
représenté la majorité des domestiques ». Elle
concluait en disant que l'un des principaux enjeux de cette question reste en
soi, la dimension genre.
En attendant la prise d'un instrument formel,
spécifique aux travailleurs domestiques, par l'OIT, on peut tout de
même citer une brassée de conventions qui leurs sont applicables,
même si elles ne les concernent que de manière incidente. Nous
avons notamment :
? La Convention n° 87 sur la liberté syndicale et la
protection du droit syndical (1948), ? La Convention n° 98 sur le droit
d'organisation et de négociation collective (1949),
? La convention n°138 sur l'âge minimum d'admission
à l'emploi (1973), qui doit être au moins égal à
quinze ans correspondant à celui de la fin de la scolarité
obligatoire.
Le respect de cette convention est l'un des plus grands
défis de l'Etat Sénégalais en ce sens que rien que dans le
secteur du travail domestique le programme IPEC avait recensé
en 2005, 53 731 jeunes filles âgées de -18 ans dont
20% étaient âgées de 6 à 14ans.
? La Convention n°111 concernant la discrimination en
matière d'emploi et de profession (1958),
? La Convention n°29 sur le travail forcé (1930).
Cette convention vise à lutter contre le travail forcé quelque
soit ses oripeaux actuels car il n'y a qu'un pas entre lui et l'esclavage.
Comme on a eu à le voir plus haut les employées de maison
migrantes en son souvent victimes.
15 Barbara Budin (UIAT), SOLIFONDS, Bulletin
d'information n° 57 Avril 2008
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
15
? La Convention n°102 sur les normes minima en
matière de sécurité sociale (1952). Elle consacre le
principe de la solidarité et la justice sociale dans le monde du travail
par l'instauration de prestations pour faire face aux risques encourus par les
travailleurs et leurs familles.
? La Convention n°81 sur l'inspection du travail dans
l'industrie et le commerce de 1947 qui constitue l'une des
pièces-maitresses de tout ce dispositif. Elle insiste sur la
nécessité de lui octroyer des moyens humains, matériels et
juridiques suffisants pour mener à bien ses missions, sans quoi elle
sera confinée dans un rôle purement statique voire attentiste dans
des relations de travail où l'abus et l'arbitraire sont monnaie
courante.
Naturellement, l'esprit de ces importantes conventions
applicables aux employés de maison transparaît de manière
plus explicite dans la législation sénégalaise.
II. Les sources internes
B. La Constitution
La Constitution sénégalaise, dans son
préambule réaffirme son adhésion aux principes et droits
fondamentaux contenus dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen de 1789, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10
décembre 1948, la Convention sur l'élimination de toute forme de
discrimination à l'égard des femmes, la Convention relative aux
droits de l'enfant et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples
de 1981 surtout par rapport aux droits économiques et sociaux. C'est
dire que cette Constitution renferme des dispositions qui accordent ces droits
inaliénables à tous les travailleurs y compris les
employés de maison.
L'article 8, l'article 9 et l'article 25 de manière
plus explicite reconnaissent respectivement aux travailleurs la liberté
syndicale, le droit au travail, énoncent les peines encourues par les
auteurs d'entraves volontaires à l'exercice de ces droits, le droit
d'organisation, le droit de grève, la mission des
délégués du personnel, la sécurité dans les
lieux de travail et l'absence de discrimination dans le cadre du travail.
En principe la Constitution renvoie aux lois et aux
règlements par rapport aux modalités d'exercice des droits
énoncés dans la loi fondamentale. Le cadre législatif
sénégalais fournit une base solide qui permet l'instauration de
conditions d'emploi et de travail décentes pour les employés de
maison, respectueuses de tous les principes et droits fondamentaux
évoqués ci-dessus.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
C. Les textes législatifs
16
? La loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant
Code du Travail ne mentionne pas explicitement les employés de maison,
le champ d'application des dispositions de l'article L2 relatives au contenu du
mot travailleur au sens du Code est assez large pour inclure cette
catégorie d'employés.
« Est considéré comme travailleur, quels
que soient son sexe et sa nationalité, toute personne qui s'est
engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant
rémunération, sous l'autorité et la direction d'une
personne physique ou morale publique ou privée ».
C'est ainsi que nous avons diverses dispositions applicables
aux employés de maison concernant par exemple la durée du
travail, les repos, les permissions, la rémunération etc.
? La loi 73-37 du 31 décembre 1973 portant Code de la
Sécurité Sociale qui institue un régime de protection
sociale au profit des travailleurs salariés, en vertu de la Convention
102. Ce régime comprend :
- une branche de prestations familiales
- une branche de réparation des accidents de travail et de
maladies professionnelles
- éventuellement toute autre branche de
sécurité sociale qui sera instituée
ultérieurement.
Ce régime est exclusivement géré par la
Caisse de Sécurité Sociale.
? La loi 75- 50 du 18 mars 1975 relative aux institutions de
prévoyance sociale qui accorde aux travailleurs salariés et
à leurs familles, en vertu des conventions collectives ou des contrats
individuels des avantages destinés à compenser les risques
sociaux de toute nature.
En application de ces lois, d'autres textes d'ordre
réglementaires ont été pris.
D. Les règlements
En sus de beaucoup de règlements pris en application de
la loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant Code du Travail,
d'autres décrets et arrêtés concernent de manière
spécifique les gens de maison :
? Le décret 75-455 du 24 avril 1975 qui rend obligatoire
pour tous les employeurs et pour tous les travailleurs l'affiliation à
un régime de retraite. Celui-ci est censé servir une
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
17
allocation :
- aux anciens salariés ayant cotisé au moins un
an
- aux veufs, veuves et orphelins d'un salarié ou d'un
retraité décédé.
Signalons qu'il existe au sein de l'IPRES, une branche
exclusivement destinée aux gens de maison incluse dans le régime
général.
? L'arrêté ministériel n° 7301 MFPT/
DTSS/ TMO du 17 mai 1963 (cf. journal officiel du 22 juin 1963 page 835) rend
obligatoire la déclaration d'engagement de tout travailleur domestique
sur un imprimé de déclaration de mouvement de travailleur. Ces
imprimés réglementaires sont disponibles dans les librairies et
papeteries.
La déclaration doit être adressée
dès la fin de la période d'essai à l'inspecteur du travail
du ressort, contre récépissé sur le dernier exemplaire
conservé par l'employeur. Il est recommandé d'établir
cette déclaration en quatre exemplaires afin de pouvoir en adresser un
exemplaire à la Caisse de Sécurité Sociale contre
récépissé ou sous pli recommandé.
? L'arrêté ministériel n° 974 du 23
janvier 1968, la référence juridique de base à ce jour, en
ce sens qu'il fixe les conditions générales et les
modalités d'emploi des gens de maison. Celui-ci a été
modifié par l'arrêté n° 3006 du 20 mars 1972 et celui
n° 10117 du 12 septembre 1975, par l'arrêté n°1610 du 7
février 2000 et enfin par l'arrêté n° 1036 du 9 avril
2002. Ce texte réglementaire constitue l'une des principales
références juridiques de la branche d'activité de la
domesticité dans la mesure où il expose dans les moindres
détails les droits et obligations des employés de maison.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
18
Chapitre III Les Conditions générales
d'emploi et de travail des gens de maison
I. L'engagement
A. Forme et modalité d'engagement
Au Sénégal, l'engagement du personnel domestique
est libre et s'opère selon les mêmes règles applicables aux
autres catégories de travailleurs. Cependant la question relative au
contrat se pose ; ne les appelle-t-on pas « Mbindaan » ?
La réponse nous est fournie par le Code du travail en
son article L. 31 qui précise qu'à l'exception du contrat
à durée déterminée et du contrat d'engagement
à l'essai qui doivent être constatés par écrit, la
forme que prendra tout autre contrat de travail dépendra de la
volonté des parties. Cela veut dire en clair que le contrat à
durée indéterminée qui reste le droit commun en
matière de contrat peut être conclu verbalement ou par
écrit ; ce dernier étant fondamentalement un moyen de preuve qui
présente l'avantage d'être très utile en cas de litige,
étant donné que les termes du contrat seront vérifiables.
Cependant le contrat de travail se prouve en l'absence d'écrit par tous
moyens admis : témoignage, aveu, serment, documents dans le cadre de
l'exécution du contrat.
Rappelons que la formalité de l'écrit n'est que
le dernier mouvement du contrat de travail qui vient couronner la relation qui
existait déjà dés que les parties tombent d'accord sur la
prestation à fournir, sur le salaire sans oublier le lien de
subordination juridique.
Le décret 63-118 MFPT/DTSS du 19 février 1963
fixant les formes et modalités d'établissement du contrat de
travail et de l'engagement à l'essai nous expose en détails le
contenu du contrat de travail. Celui-ci doit comporter obligatoirement les
énonciations suivantes : l'identité des parties, le sexe, la date
et le lieu de naissance, la filiation, le domicile et la nationalité du
travailleur, le lieu de travail (le domicile de l'employeur dans ce cas-ci), la
nature et la durée du contrat, la qualification et la catégorie
du travailleur, le salaire et ses accessoires etc.
Ce texte réglementaire mentionne aussi une rubrique
relative aux clauses particulières convenues entre les parties dont le
but est d'anticiper sur tout différend pouvant survenir dans l'exercice
du
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
19
contrat. Elle énonce :
- L'horaire mensuel et l'horaire hebdomadaire de travail
- Toutes précisions utiles sur la prise effective du
repos hebdomadaire (le dimanche ou, d'accord parties, un autre jour, ou deux
demi-journées dans la semaine).
- L'indication des avantages en nature dûment
chiffrés lorsque les repas ou le logement sont fournis.
- Si l'employé est logé par l'employeur, la
liste nominative des membres de sa famille autorisés à loger avec
lui, le cas échéant.
En sus des conditions de forme que doivent revêtir les
contrats « précaires », ceux qui dérogent au droit
commun, le contrat d'engagement à l'essai, le contrat à
durée déterminée, le contrat du travailleur
remplaçant un autre travailleur dont le contrat est suspendu, dont le
non respect entraine leur requalification en contrat à durée
indéterminée, nous avons également d'autres conditions de
validité requises. D'abord le consentement du travailleur qui ne doit
souffrir d'aucune ambiguïté, le travail forcé étant
banni en vertu des dispositions de l'article L. 4 du Code du Travail, ensuite
la licéité de la cause et de l'objet du contrat, et enfin sa
capacité à contracter conformément aux prescriptions
relatives à l'âge minimum d'admission à l'emploi.
A noter également que le contrat de travail ne lie ni
plus ni moins que deux personnes, à savoir l'employé
exclusivement personne physique et l'employeur qui peut être une personne
physique ou morale ; il est également conclu pour une durée
limitée.
Par rapport à ses modalités, l'article 4 du
décret 63-118 tout comme l'article 2 de l'arrêté 974
insistent sur l'importance de la visite médicale d'embauche à la
charge de l'employeur qui loin d'être une formalité, est en fait
une obligation qui en cas d'inaptitude annule purement et simplement le
contrat. En effet, le certificat médical délivré par un
médecin du lieu d'embauchage doit attester expressément que
« le travailleur est physiquement apte à satisfaire aux obligations
relatives à la nature et au lieu de travail stipulés au contrat
».
Le primat du contrat écrit se retrouve à nouveau
dans l'obligation qui est faite aux employeurs de déposer tout contrat
de plus de trois mois à l'Inspection du Travail du ressort avant tout
commencement d'exécution pour qu'elle puisse en vérifier la
conformité aux prescriptions légales et son respect par les
parties.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
20
Enfin, lorsque l'engagement nécessite l'installation de
l'employé de maison hors de sa résidence habituelle, cet
engagement doit être constaté par écrit soumis au visa de
la Direction Générale du Travail et de la Sécurité
Sociale.
B. L'engagement à l'essai
Aux termes de l'article L.36 du Code du Travail, il y'a
engagement à l'essai lorsque l'employeur et le travailleur, en vue de
conclure un contrat définitif verbal ou écrit, décident au
préalable de s'« essayer ». Le premier pourra apprécier
la qualité des services et le rendement du travailleur qui aura
l'occasion d'avoir une idée sur ses conditions de travail, de vie, de
rémunération.
Si l'employeur choisit de soumettre le travailleur à
une période d'essai il ne pourra le faire que dans les délais
prescrits nécessaires pour mettre à l'épreuve le personnel
engagé, à savoir, au maximum un mois pour les
débutants et quinze jours pour les autres. Comme
noté plus haut, la durée exacte de la période d'essai doit
être fixée par écrit au moment de l'engagement. Il peut
être inclus dans le corps d'un contrat définitif. A la question de
savoir comment le travailleur sera rémunéré durant cette
période, l'article 12 du décret 63-118 répond que ce
dernier doit être payé au taux de la catégorie
professionnelle dans laquelle il a été engagé. L'article
11 du même décret précise que la poursuite de la relation
de travail à l'expiration de la période d'essai, sans
l'établissement d'un nouveau contrat, équivaut à la
conclusion d'un contrat à durée indéterminée
prenant effet à la date du début de l'essai.
Le contrat d'engagement a ceci de particulier qu'il peut
cesser à tout moment par la volonté de l'une ou l'autre des
parties sans préavis, ni dédommagement, sauf dispositions
expressément prévues au contrat.
II. La durée du travail
La durée du travail sera analysée en fonction
des heures normales et des heures effectuées en deçà de
celles-ci, étant entendu que les employés de maison sont soumis
à un régime d'équivalence.
A. Horaire normal
Le principe de la durée légale du travail de 40
heures par semaine reste l'une des plus belles conquêtes du monde du
travail ; il est consacré par l'article L. 135 du Code du Travail qui
dispose que « dans tous les établissements visés à
l'article L. 3, la durée légale du travail ne peut
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
21
excéder 40 heures par semaines. Cependant, l'article 4
du décret 70-183 du 20 février 1970 fixant le régime
général des dérogations à la durée
légale du travail a prévu un régime d'équivalence
pour les préposés à certains travaux. Il s'agit d'une
durée de présence supérieure à la durée
légale mais réputée équivalente à celle-ci
en raison du caractère intermittent de l'activité. C'est ainsi
que les employés de maison en raison des arrêts et temps morts
inhérents à cette profession, la durée des services des
employés de maison est fixée à 260 heures par mois en
vertu de l'article 13 de l'arrêté 974 correspondant par
référence à un travail effectif mensuel de 173 H 33.
Ainsi, l'employé de maison qui effectue moins de 60 heures par semaine
mais plus de 40 heures percevra le salaire normal de sa catégorie.
Par contre conformément aux dispositions de l'article 4
du décret 70-183 du 20 février 1970, lorsque la durée de
présence de l'employé de maison soumis à
l'équivalence de 260 heures de présence par mois correspondant
à 173 heures 33 minutes de travail effectif, est inférieure
à 40 heures par semaine les heures de présence sont
assimilées à des heures de travail effectif et
rémunérées comme telles.
B. Les heures supplémentaires
A la question de savoir si les employés de maison ont
droit aux heures supplémentaires qui constituent une autre
dérogation à la durée légale du travail, la
législation répond par l'affirmative. L'article 138 du Code du
Travail précise que : « les heures effectuées au-delà
de la duré légale hebdomadaire, ou de la durée
considérée comme équivalente, donneront lieu à
majoration de salaire ». En d'autres termes, pour les employés de
maison, les heures supplémentaires sont décomptées
à partir de la 61e heure et rémunérées
comme suit :
- De la 61e à la 68e heure,
1/173,33 du salaire mensuel majoré de 10 % pour chaque heure. -
Au-delà de la 68e heure, 1/173,33 du salaire mensuel
majoré de 35 % pour chaque heure. - Les heures effectuées le jour
de repos hebdomadaire sont majorées de 50 %
Bien que le texte ne le précise pas, il s'agit
vraisemblablement dans ce dernier cas des heures supplémentaires
effectuées au-delà de la 61e heure, cette fois-ci sans
aucune distinction de niveau de majoration.
Les heures ci-dessus sont celles prescrits par l'article 14 du
décret 974 du 23 janvier 1968. Cependant, les parties peuvent s'entendre
pour appliquer les taux prévus par la Convention
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
22
Collective Nationale du 27 mai 1982 qui sont beaucoup plus
favorables, mais qui ne peuvent en aucun cas s'imposer aux employeurs dans le
secteur de la domesticité. Ceux-ci se présentent comme suit :
- 15 % de majoration pour les heures effectuées de la
61e à la 68e heure ; - 40 % de majoration pour les
heures effectuées au-delà de la 68e heure ;
- 60 % de majoration du taux pour les heures
supplémentaires effectuées le jour de repos hebdomadaire ou
pendant les jours fériés.
Lorsqu'il s'occupe exclusivement à des
opérations de gardiennage ou de surveillance, l'employé
logé dans la maison d'habitation dont il a la garde, ou à
proximité de celle-ci, est soumis à une présence continue
de jour et de nuit. En revanche, il a droit à un repos hebdomadaire de
24 heures consécutives et d'un congé annuel payé de deux
semaines en sus du congé légal. Cette présence continue
équivaut dans les conditions indiquées à 40 heures de
travail effectif.
C. Le repos hebdomadaire
L'article L. 147 du Code du Travail dispose que : « le
repos hebdomadaire est obligatoire. Il est au minimum de vingt-quatre heures
consécutives par semaine. Il a lieu en principe le dimanche.
Néanmoins, il peut être fixé d'accord parties un autre jour
ou à raison de deux demi-journées dans la semaine d'après
l'arrêté 974.
III. La rémunération
A. Echelle des salaires hiérarchisés
Le salaire, contrepartie du travail, est un
élément fondamental du contrat de travail à cause de la
double fonction qu'il joue : il a un caractère juridique en tant que
contrepartie du travail et un caractère alimentaire puisque c'est la
principale source de revenu du travailleur qui lui permet de subsister, pour ne
citer que ceux-là. En pratique le salaire se négocie l'essentiel
c'est qu'il soit au moins en conformité avec le SMIG qui
représente le salaire-plancher dont l'employé de maison peut
prétendre. L'employeur devra donc le considérer comme le salaire
minimum de référence. Il varie en fonction de l'ancienneté
et de la catégorie professionnelle de l'employé.
L'article 8 de l'arrêté 974 fixant les salaires
minima correspondant aux différentes catégories professionnelles
de la branche d'activité des gens de maison a été
abrogé et remplacé par l'arrêté 10117 du 12
septembre 1975 car son application aurait pu poser problème dans la
pratique. A
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
23
titre d'exemple, le maître d'hôtel qui est
à la 7eme catégorie aurait gagné au moins le SMIG
majoré de 100 %. L'arrêté de 1975 remit les pendules
à l'heure avec un certain flou en disposant que : « le Ministre
chargé du Travail fixe par arrêté... les salaires minima
correspondant aux catégories professionnelles ... de manière que
l'échelle des salaires minima hiérarchisés des domestiques
et gens de maison corresponde à celles définies par les
conventions collectives au profit des travailleurs des niveaux de qualification
des diverses branches d'activité comparables aux catégories
professionnelles des domestiques et gens de maison ».
Toutefois il reprend les dispositions relatives à
l'indemnité de 5 % du salaire de base dont bénéficient les
domestiques et gens de maison de la 1ere à la 5eme catégorie
lorsque le nombre de personnes vivant habituellement sous le toit de
l'employeur est supérieur à 5.
Ce processus de révision à la hausse de la
rémunération des employés de maison va se renforcer
davantage avec l'arrêté 1609 du 7 février 2000
qui a été lui-même modifié par celui
n° 1036 du 9 avril 2002 qui est intervenue suite à
l'augmentation généralisée des salaires dans le secteur
privé par décision n° 00 061 du 24 janvier 2002.
L'arrêté de 2002 fixe les échelles de salaire suivantes en
fonction des catégories professionnelles :
Catégorie
|
Description
|
Salaire horaire (FCFA)
|
Indemnité s'il y'a plus de 5
habitants sous le toit familial
|
Salaire mensuel (FCFA)
|
1e catégorie
|
Boy ou bonne débutant ou avec moins de 2 ans de
pratique.
|
226,800
|
5 % du salaire de base
|
39 550
|
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
24
2e catégorie
|
Boy ou bonne n'assumant
qu'une partie des travaux de la maison notamment le lavage du
linge. Cette catégorie comprend, entre autres :
-La bonne d'enfant ;
-Le gardien, logé ou non, de maison d'habitation au
service d'un particulier.
|
232,030
|
5 % du salaire de base
|
40 225
|
3e catégorie
|
Boy ou bonne d'enfants avec plus de 2 ans d'expérience
et
chargé d'exécuter l'ensemble
des travaux courants d'intérieur.
|
246,933
|
5 % du salaire de base
|
42 800
|
4e catégorie
|
Boy cuisinier ou bonne assurant
l'ensemble des travaux d'intérieur y compris la cuisine
courante.
|
247,569
|
5 % du salaire de base
|
42 911
|
5e catégorie
|
Cuisinier ou cuisinière qualifié de maison.
|
248,997
|
5 % du salaire de base
|
43 158
|
6e catégorie
|
Cuisinier ou cuisinière qualifié
de popote de plus de 8 personnes.
|
286,723
|
Non attribuée
|
49 697
|
7e catégorie
|
Maître d'hôtel.
|
290,081
|
Non attribuée
|
50 300
|
A noter que les employés de maison âgés de
moins de 18 ans subiront sur les salaires de l'adulte, les abattements suivants
en vertu de l'article 9 de l'arrêté 974 :
- de 14 à 15 ans : 50 % - de 15 à 16 ans : 40 % -
de 16 à 17 ans : 20 %
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
25
- de 17 à 18 ans : 10 %
B. Les majorations du salaire
1. INDEMNITE SPECIALE POUR SURCHARGE DE TRAVAIL
Comme mentionné au tableau, les employés
classés de la 1ere à la 5eme catégorie
bénéficient d'une indemnité pour charge de travail
égale à 5 % du salaire de base de la catégorie, lorsque le
nombre de personnes vivant habituellement sous le toit familial de l'employeur
est supérieur à cinq.
2. PRIME D'ANCIENNETE
Les employés de maison ont droit, comme tout autre
salarié, à une majoration de salaire pour ancienneté.
L'ancienneté se calcule à partir de l'embauche. Aux termes de
l'article L.70 du Code du Travail, les congés de maternité, les
congés payés, les absences pour maladies dûment
constatées par un médecin agrée, durée
limitée à six mois pouvant être prorogée jusqu'au
remplacement du travailleur, les absences du travailleur, autorisées par
l'employeur en vertu de la réglementation, de la convention collective
ou d'accords individuels, la période d'indisponibilité
résultant d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle
entrent dans le calcul de l'ancienneté. Le pourcentage de majoration a
été présenté ainsi qu'il suit par
l'arrêté 974 du 23 janvier 1968 :
? 3 % du salaire de base minimum de la catégorie du
salarié, après 3 ans de présence ; ? 5 % du salaire de
base minimum de la catégorie du salarié, après 5 ans de
présence ;
? 1 % par année du salaire de base minimum de la
catégorie du salarié, de la 6eme à la 15eme année
incluse.
Nous estimons qu'il faut substituer à ces taux ceux
prévus par la Convention Collective Nationale en son article 45 qui sont
nettement plus favorables, mais qui tout de même ne s'imposent pas aux
employeurs. Ils se présentent comme suit :
? 2 % du salaire minimum de la catégorie du
salarié, après 2 ans de présence effective et 1 % par
année de présence en sus, jusqu'à la 25eme année
incluse.
3. PARTICIPATION AUX FRAIS DE TRANSPORT
L'article 21 de l'arrêté dit bien que : «
l'employé recruté hors du lieu d'emploi ou déplacé
de
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
26
ce lieu par l'employeur durant l'exécution du contrat,
aura droit au paiement de ses frais de voyage ». Il s'agit en fait de ce
qu'on appelle couramment les indemnités de déplacement. Il se
pose par ailleurs la question de savoir si les employés de maison
peuvent prétendre au paiement de la prime de transport, telle que
prévue par la Convention Collective en son article 46 qui en fixe les
modalités. Etant donné que cette participation a
été fixée par décision de la commission mixte
paritaire, elle ne s'impose pas aux employeurs de personnel domestique qui
comme toujours n'ont pas pris part aux négociations.
Par ailleurs, le travailleur effectuant par ses propres moyens
des déplacements fréquents et habituels dans l'exécution
de sont contrat se verra allouer une indemnité compensatrice de
transport.
4. LES AVANTAGES EN NATURE
Certains avantages qui ne s'imposent pas à l'employeur
dans la mesure où ils ne sont pas obligatoires peuvent être
accordés à l'employé de maison. S'il est autorisé
à prendre ses repas ou loger chez l'employeur, ces avantages en nature
sont alors considérés comme un salaire en nature. L'employeur
peut donc les déduire de son salaire net. C'est ce que dit l'article 11
de l'arrêté 974 et la valeur de ces avantages est fixée
d'accord parties dans la limite des taux prévus par la
réglementation.
? Pour le logement
Lorsque le travailleur est logé par son employeur,
celui-ci peut retenir, par jour, une somme équivalant à une
demi-heure du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG
= 209,10 F CFA)
Quelle que soit sa rémunération, le travailleur
logé par son employeur ne peut se voir retenir mensuellement, que :
209,10/ 2 x 30 = 3136,5 F CFA
? Pour la nourriture
Lorsque la nourriture est assurée au travailleur par
l'employeur, celui-ci peut retenir par jour, une somme équivalant
à :
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
27
- deux fois le taux horaire minimum agricole garanti (SMAG =
182,95 F CFA) pour une ration journalière (deux repas) ou ;
- une fois le taux horaire minimum agricole garanti (SMAG) pour
un seul repas.
Quelle que soit sa rémunération, le taux maximum
de la contre-valeur de la nourriture fournie, susceptible d'être retenue
sur le salaire de l'employé est de :
- pour une ration journalière : (182,95 x 2)= 365,9 par
jour soit (182,95 x 2) x 26 = 9.513 FCFA par mois (sur la base d'une semaine de
travail de 6 jours)
- pour un seul repas : 182,95 par jour soit (182,95 x 26 =
4.757 FCFA) par mois (sur la base d'une semaine de travail de 6 jours.
|
5. AUTRES AVANTAGES SUPPLEMENTAIRES
Ceux-ci ne dépendent que du bon vouloir de l'employeur.
Cependant même si rien ne l'y oblige, il est assez fréquent que
les travailleurs perçoivent une indemnité de cherté de vie
et une prime de panier. Ladite indemnité d'un montant forfaitaire de
3000 FCFA était allouée à l'ensemble des travailleurs pour
faire face à la vie chère dans les années 1990 ; il reste
à savoir si elle est intégrée dans les salaires actuels.
Quand à la prime de panier, elle pourra être accordée au
travailleur dans les conditions suivantes :
Montant - 3 fois le montant du SMIG pour chaque heure
travaillée
Conditions - que le travailleur effectue au moins six
heures de travail de nuit (entre 22
heures et 5 heures) ou ;
- que le travailleur ait accompli dix heures ininterrompues, ou
;
- que le travailleur ait effectué trois heures en plus de
son horaire normal.
Exceptions La prime n'est due, en aucun cas, si
l'employé :
- la perçoit en nature, ou ;
- travaille comme gardien concierge
C. La périodicité de la paie
L'employé est payé chaque mois, et à date
fixe, en principe le dernier jour du mois. A la demande de l'employé, le
salaire pourra être payé chaque quinzaine. C'est ce qu'on retient
des dispositions de l'article L.115 du Code du Travail. Par ailleurs, les
paiements mensuels
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
28
devront être effectués au plus tard 8 jours
après la fin du mois de travail qui donnent droit au salaire et les
paiements à la quinzaine au plus 4 jours ou 2 jours après la fin
de la quinzaine qui donne droit au salaire. Néanmoins, le paiement du
salaire doit se faire selon certaines modalités.
D. Les exigences de forme
Aux termes de l'article L.116 du Code du Travail, tout
paiement doit faire l'objet d'une pièce justificative dite bulletin de
paie dressée et certifiée par l'employeur et remise au
travailleur au moment du paiement. Le double du bulletin de paie établi
par polycopie carbone fait office de registre de paiement sur lequel
émarge le travailleur à l'occasion de chaque paiement.
En cas d'absence de bulletin, il est présumé de
manière irréfragable que le travailleur n'a pas été
payé, à moins que l'employeur puisse fournir une preuve contraire
sous forme écrite.
IV. La suspension du contrat de l'employé A. Le
congé payé annuel
1. LE CONGE PRINCIPAL
Les employés de maison ont droit au congé dans
les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les
autres salariés. L'article 19 de l'arrêté 974 tout comme
les articles L. 148 et suivants du Code du travail consacrent leurs
dispositions à la jouissance et aux modalités du congé
payé.
Le droit de jouissance au congé est acquis après
une période minimale de service effectif, appelée période
de référence, égale à 12 mois. L'année de
service effectif c'est la période de 12 mois entre la date d'embauche ou
de retour du congé précédent jusqu'au dernier jour qui
précède le départ pour le nouveau congé (y compris
la période d'essai).
La durée du congé principal se calcule à
raison de 2 jours ouvrables par mois de service effectif, soit 4 semaines
calendaires par année de service effectif. Précisons que le jour
ouvrable s'entend comme tout jour de la semaine, du lundi au samedi, à
l'exception du dimanche, du jour de repos hebdomadaire qui le remplace, ou des
jours fériés chômés. Tandis que le mois de service
est un mois de travail de date à date, soit 24 jours de travail (selon
un horaire hebdomadaire de travail sur 6 jours), soit 20 jours de travail (si
l'horaire est réparti sur 5 jours) ou 22 jours de travail (si l'horaire
est réparti sur 5,5 jours).
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
29
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
30
S'il est vrai que le droit de jouissance au congé est
acquis après une période minimale de service effectif de12 mois,
les parties peuvent s'entendre sur un report de celui-ci qui peut être
cumulé sur une période maximum de 3 ans sous réserve d'un
congé de six jours ouvrables à prendre obligatoirement chaque
année. Ils peuvent également s'entendre sur le fractionnement du
congé, l'une des fractions devant toujours être égale
à 12 jours.
Notons au passage que la prise du congé ne pourra
être remplacée par une indemnité compensatrice qu'en cas de
rupture ou d'expiration du contrat. Le congé principal peut être
majoré notamment en fonction de l'ancienneté ou pour enfants
à charge.
2. LES CONGES SUPPLEMENTAIRES
L'employé bénéficie d'un congé
additionnel payé dans les cas suivants : ? Pour ancienneté
La durée du congé principal est augmentée
d'un jour ouvrable par période de cinq ans de service chez le même
employeur.
? Au titre de la maternité
- La mère de famille aura droit à un jour de
congé payé supplémentaire par année pour chaque
enfant à sa charge de moins de 14 ans enregistré à
l'état-civil. Cette disposition légale est
complétée par celles de la Convention Collective Nationale
Interprofessionnelle en son article 55 qui posant la condition de
l'accomplissement de la période de référence dispose que
les femmes salariées bénéficient de :
- deux jours de congé supplémentaires par enfant
à charge si elles ont moins de vingt et un ans au dernier jour de la
période de référence ;
- deux jours de congé supplémentaire par enfant
mineur à charge à compter du quatrième si elles ont plus
de vingt et un ans au dernier jour de la période de
référence.
? Cas particulier du gardien- concierge
Les travailleurs logés dans l'établissement ou
à proximité de l'établissement dont ils ont la garde et
astreints à une durée de présence de 24 heures continues
par jour, sous réserve d'un repos de 24 heures consécutives par
semaine, ont droit à un congé annuel payé de deux semaines
en sus du congé légal.
3. CAS DES EMPLOYES DE MAISON DONT LES CONGES NE
COÏNCIDENT PAS AVEC CEUX DE LEURS EMPLOYEURS
Ce cas concerne généralement les employés
au service d'employeurs expatriés qui passent leurs congés
annuels hors du territoire sénégalais, pour des durées
supérieures à celles de leurs employés.
Dans une telle situation, il peut être envisagé
la rupture pure et simple du contrat ou le maintien à l'employé,
d'accord parties, de tout ou partie de sa rémunération durant
l'absence prolongée de l'employeur. Le Code du Travail penche pour cette
seconde option lorsqu'il dispose en son article L.154 que : « lorsque le
maintien en activité d'un établissement n'est pas assuré
pendant un nombre de jours dépassant la durée fixée pour
la durée des congés légaux annuels, l'employeur est tenu,
pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant cette
durée, de verser aux travailleurs une indemnité qui ne peut
être inférieure à l'indemnité journalière de
congés payés ».
L'inconvénient de la première solution est que
l'employeur risque, à son retour de congé, de ne pas trouver son
employé. De plus, il pourrait s'exposer au paiement de dommages et
intérêts, si la rupture du contrat n'était pas faite selon
la procédure légale (paiement de l'indemnité de
préavis notamment).
L'autre solution consiste à maintenir au
salarié, sous forme « d'indemnité d'attente », tout ou
partie de son salaire pour la période comprise entre la fin de ses
congés et la date de retour de son employeur, ce qui donne à ce
dernier plus de chance de retrouver son employé. Mais on peut toujours
s'interroger sur la validité de l'accord conclu dans ce cas, lorsque
l'indemnité d'attente correspond à une fraction seulement du
salaire. Les tribunaux ne se sont pas encore prononcés à notre
connaissance sur cette pratique.
B. Rémunération du congé
Les congés sont rémunérés au
moment où ils sont pris. L'employeur doit verser au travailleur, au
moment de son départ en congé, une allocation égale
à 1/12eme des sommes perçues par le travailleur au cours de la
période de référence, à l'exclusion des
indemnités ayant le caractère de remboursement de frais, des
prestations en nature liées accessoirement à l'emploi. En
d'autres termes, les retenues éventuellement opérées au
titre de la ration journalière et du logement entrent
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
31
dans la base de calcul de l'allocation de congé.
C. Les absences
L'article 16 de l'arrêté 974 est très
explicite par rapport aux absences et sonne comme un avertissement sur les
conséquences encourues par l'employé en s'absentant sans motif ;
« l'employé ne peut s'absenter sans autorisation ou justification
», dit-il. Il ajoute également que : « Toute absence non
autorisée ni justifiée, renouvelée au cours de la
même mensualité, peut être considéré comme un
abandon du travail justifiant la rupture du contrat sans indemnité ni
préavis ». Cependant, des absences de divers ordres avec ou sans
salaire, déductibles du congé ou non, sont accordées au
travailleur sous certaines conditions.
1. LES ABSENCES DE COURTE DUREE
Elles sont justifiées par un évènement
grave et fortuit dûment constaté, intéressant directement
le foyer du travailleur (tel qu'incendie de l'habitation,
déménagement involontaire, accident ou maladie grave du conjoint,
d'un ascendant ou descendant vivant avec lui) qui n'entrainent pas la rupture
du contrat de travail, seulement sa suspension, sous réserve que
l'employeur soit avisé au plus tard dans les quatre jours qui suivent
l'évènement et que la durée de l'absence soit en rapport
avec l'évènement qui l'a motivée. A la question de savoir
si celles-ci sont rémunérées, le silence des textes,
notamment l'article 18 de la Convention Collective, porte à croire que
l'employeur n'est pas tenu de verser le salaire dans ces cas-là.
2. LES PERMISSIONS EXCEPTIONNELLES
Dans la limite de 15 jours par année, selon l'article
18 de la Convention Collective que nous préférons substituer aux
10 jours de l'arrêté 974, sous réserve que l'employeur
donne son assentiment car les dispositions de la CCNI ne s'imposent pas
juridiquement, l'employé peut demander des permissions exceptionnelles,
sous certaines conditions, non déductibles du congé
réglementaire et n'entrainant pas de retenue de salaire lors des
évènements ci-après :
Mariage du travailleur
|
3 jours
|
Mariage d'un de ses enfants, d'un frère ou d'une
soeur
|
1 jour
|
Décès d'un conjoint ou d'un ascendant en
ligne directe
|
4 jours
|
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
32
Les employés de maison dans le droit social
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33
Décès d'un ascendant en ligne directe d'un
frère ou d'une soeur
|
2 jours
|
Décès d'un beau-père ou d'une
belle-mère
|
2 jours
|
Naissance d'un enfant
|
1 jour
|
Baptême d'un enfant
|
1 jour
|
Première communion
|
1 jour
|
Hospitalisation d'un conjoint ou d'un enfant du
travailleur
|
1 jour
|
Conditions d'octroi :
? L'employé a six mois d'ancienneté ;
? L'obtention d'une autorisation écrite préalable
de l'employeur ;
? L'absence est à justifier par la présentation de
pièces d'état-civil ou d'une attestation délivrée
par une autorité administrative qualifiée le plus tôt
possible, et au plus tard, huit jours après
l'évènement.
Prolongations :
? Si l'évènement se produit hors du lieu d'emploi
et nécessite un déplacement, les délais peuvent être
prolongés d'accord parties mais cette prolongation ne sera pas
rémunérée.
3. ABSENCE POUR MALADIE ET ACCIDENT NON PROFESSIONNELS
Les absences justifiées par l'incapacité
résultant de maladie et d'accident non professionnels ne constituent pas
une cause de rupture du contrat de travail dans la limite de six mois, ce
délai peut être prorogé jusqu'au remplacement du
travailleur.
Pendant ce délai, au cas où le remplacement
s'imposerait, le remplaçant devra être informé par
écrit du caractère de son emploi. Lorsque la maladie du
travailleur nécessite un traitement de longue durée, le
délai de six mois prévu à l'alinéa 1er
du présent article, sera porté, compte tenu de
l'ancienneté du travailleur à huit mois pour les travailleurs
comptant de sept à quinze ans d'ancienneté et à dix mois
au-delà.
Formalités à accomplir :
? la maladie doit être constatée par un
médecin dans les 48 heures
? Sinon, sauf cas de force majeure, le travailleur doit
avertir son employeur du motif de son absence dans un délai de six jours
suivant la date de l'accident ou de la maladie. Cet avis est confirmé
par un certificat médical à produire dans le délai d'une
semaine. L'employeur pourra toujours faire procéder à une
contre-visite par un médecin de son choix.
D. Les jours fériés
La loi 74-52 du 4 novembre 1974 relative à la
fête nationale et aux fêtes légales modifiée par la
loi 83-54 du 18 février 1983 et la loi 89-41 du 26 décembre 1989
prévoit certaines fêtes civiles ou religieuses comme
fériés. Ce sont :
Le 4 avril (Fête Nationale)
|
Le 1er janvier
|
Pâques
|
Lundi de Pâques
|
L'Ascension
|
La Pentecôte
|
Lundi de Pentecôte
|
Le 1er mai (Fête du Travail)
|
Korité
|
Le 15 août (Assomption)
|
Tabaski
|
Le 1er novembre (Toussaint)
|
Le 25 décembre (Noël)
|
Maouloud
|
La Tamkharit
|
En règle générale, ni la veille ni le
lendemain d'une fête légale ne sont considérés comme
jours fériés. Exceptionnellement, quand la Korité et la
Tabaski tombent un dimanche, le lundi suivant est férié.
Jours fériés chômés : Au
Sénégal, tous les jours fériés sont
chômés (ce sont des jours de repos). Cependant, la loi
prévoit spécifiquement que le personnel domestique doit
travailler lorsque les besoins de l'employeur le requièrent.
Jours fériés chômés et
payés : Les jours fériés, chômés et
payés ne sont pas travaillés et n'entrainent pas de
réduction de salaire. Il s'agit de : la Fête Nationale, la
Tamkharit, la Fête du Travail. Pour ceux-ci également, la loi
prévoit de manière spécifique que le personnel domestique
doit travailler sur demande de l'employeur au risque de s'exposer à des
sanctions disciplinaires.
V. La discipline
A travers le lien de subordination juridique, c'est à
l'employeur qu'est dévolu le pouvoir d'organisation du travail mais
aussi le pouvoir de sanction disciplinaire car l'employé qui ne respecte
pas les obligations découlant du contrat commet une faute dont la
persistance et la
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
34
gravité peuvent mener à la rupture du contrat.
Car on n'oublie souvent que dans l'exercice de son contrat, l'employé
n'a pas que des droits ; Il est bel et bien tenu de respecter les obligations
suivantes :
? d'exécuter de manière consciencieuse le travail,
objet du contrat ; ? d'éviter les manquements liés aux
négligences et maladresses ;
? de se soumettre au pouvoir de direction de l'employeur et
à son autorité ; ? de respecter les prescriptions
disciplinaires
A. Comment sanctionner les fautes de
l'employé
Même si la confiance est fondamentale dans la relation
entre l'employé et l'employeur, ce dernier peut avoir à
sanctionner les éventuelles fautes de son salarié. La sanction se
présente le plus souvent sous forme de lettre, mais elle peut belle et
bien être orale.
Le type de sanction varie en fonction de la gravité de
la faute et la sanction doit toujours être proportionnelle à la
faute commise. Il existe cinq types de sanctions applicables au personnel aux
termes de l'article 16 de la CCNI :
- la réprimande, l'avertissement verbal ou
écrit, la mise à pied disciplinaire d'un à trois jours, la
mise à pied conservatoire de quatre à huit jours et le
licenciement.
Mais l'appréciation de la gravité de la faute
reste néanmoins subjective, faute de définition légale.
B. Les différents types de fautes
La faute doit avoir été commise dans le cadre du
travail du salarié. Selon sa gravité, elle peut ou non entrainer
son licenciement. On distingue plusieurs types de fautes :
? La faute légère
Ce type de faute ne donne pas lieu, en principe, à un
licenciement. Il peut s'agir de retards sans conséquence pour
l'employeur ou d'une infraction occasionnelle à une interdiction
mentionnée ou non dans le contrat. Une mise au point orale entre
l'employeur et l'employé est souvent suffisante pour éviter que
ce genre de faute ne se reproduise.
Les employés de maison dans le droit social
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? La faute grave
35
Il n'y a pas de texte législatif qui définit la
faute grave. Elle relève souvent de cas particuliers. En cas de
désaccord sur la gravité de la faute, seuls les tribunaux
pourront apprécier le degré de la faute. On peut cependant en
donner quelques exemples : vols, refus de s'acquitter d'une tâche
prévue dans le contrat de travail...
? La faute lourde
C'est une faute grave commise avec l'intention de nuire. Dans
certains cas, l'employeur peut même poursuivre le salarié devant
une juridiction pénale. Il est en droit de le licencier sans
préavis et sans indemnité. Il n'est pas obligatoire d'avoir
donné un avertissement au salarié avant de sanctionner une faute
lourde car elle est suffisamment grave pour constituer par elle-même un
motif valable de rupture de la relation de travail.
VI. La rupture du contrat de travail
Les règles régissant la rupture de travail
varient selon le type de contrat entre les parties : le contrat à
durée déterminée ou le contrat à durée
indéterminée.
A. Le contrat à durée
déterminée
En vertu de l'article L. 48 du Code du Travail, il ne peut
être mis fin à un contrat à durée
déterminée avant terme que dans trois cas :
- La faute lourde
- L'accord des parties constaté par écrit
- La force majeure
La méconnaissance par l'employeur de cette règle
donne droit au travailleur à des dommages et intérêts.
Lorsque le C.D.D. arrive à terme, l'employeur n'a pas l'obligation de le
renouveler. Cependant, lorsque les relations contractuelles ne se poursuivent
pas à l'issue dudit contrat ou lorsque le travailleur est
licencié avant la fin du contrat, celui-ci a droit à une
indemnité égale à 7% du montant de la
rémunération totale brute due au travailleur pendant la
durée du contrat.
A titre exceptionnel, cette indemnité n'est pas due dans
les cas suivants :
- L'employé de maison refuse d'accepter la conclusion d'un
contrat à durée indéterminée
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
36
pour occuper le même emploi ou un emploi similaire assorti
d'un salaire au moins égal. - En cas de rupture du contrat avant terme
due à l'initiative du travailleur ou à sa faute lourde.
- Toute absence du travailleur non autorisée, ni
justifiée, renouvelée au cours de la même
mensualité, peut être considérée comme un abandon de
poste justifiant la rupture du contrat sans indemnité.
B. Le contrat à durée
indéterminée Fin du contrat
Lorsque le contrat de travail est conclu entre les parties
pour une durée indéterminée, chacun a le droit d'y mettre
fin sous réserve des règles sur le préavis et les formes
de licenciement.
Nécessité d'un préavis
En vertu de l'article 4 de l'arrêté 974 du 23
janvier 1968, celui qui prend l'initiative de la rupture doit la notifier
à l'autre partie par écrit, 8 jours à l'avance. L'article
L. 50 de la loi 97-17 du 1er décembre 1997 insiste quant à lui
sur l'obligation de mentionner le motif de la rupture dans la notification.
Deux heures par jour, pendant les heures de travail, à l'exclusion des
heures de repos, doivent être accordées durant cette
période à l'employé de maison pour lui permettre de
chercher un nouvel emploi. Ces deux heures, rémunérées,
seront prises alternativement, un jour au choix de l'employé, un jour au
choix de l'employeur à défaut d'accord entre les
intéressés.
En cas d'inobservation du préavis, la partie
responsable de la rupture devra verser à l'autre une indemnité
égale au montant des appointements en espèces et en nature
correspondant à la durée du préavis.
Exceptions
- L'employeur n'est pas tenu de verser l'indemnité de
préavis en cas de faute lourde imputable au travailleur.
- Si le licenciement survient sans préavis mais pour un
motif légitime, ce licenciement sans ne peut être
considéré comme abusif, mais le tribunal peut toujours accorder
une indemnité pour sanctionner l'inobservance des règles de
forme.
- Dans le souci de protéger la maternité, la loi
permet à la femme enceinte de rompre son
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
37
contrat de travail sans préavis et sans avoir de ce fait
à payer une indemnité de rupture du contrat.
- Pendant la période d'essai, chaque partie pourra prendre
sa liberté sans préavis.
- Le travailleur licencié qui se trouve dans
l'obligation d'occuper immédiatement un nouvel emploi peut aviser
l'employeur de cette obligation et quitter l'établissement avant
l'expiration du délai du préavis sans avoir à payer
d'indemnité.
Attention ! Si la rupture du contrat
intervient pendant le congé du travailleur, l'indemnité
compensatrice de préavis est doublée.
A noter que le domestique saisonnier cessant
ses services en fin de saison, conserve pendant un an la priorité
d'embauche chez le même employeur et dans la même catégorie
d'emploi saisonnier. Passé ce délai, la priorité
d'embauche continue à lui être réservée pendant une
seconde année, mais son réengagement peut être
précédé d'un essai ou d'un stage probatoire d'une
durée n'excédant pas un mois pour les débutants et quinze
jours pour les autres.
C. L'indemnité de licenciement
Selon les termes de l'article 5 de l'arrêté 974,
l'employé licencié après une année de service a
droit à une indemnité pour chaque année de service :
- Pour les 5 premières années, 20 % du salaire
mensuel du dernier mois.
- Pour la période entre la 5eme et la 10eme
année incluse, 25 % du salaire mensuel du dernier mois.
Exemple
Fatou a été engagée le 15 juin 1989. Le
1er août 2000, alors qu'elle gagnait 300 FCFA l'heure, soit 48
000 FCFA/mois ; elle a été licenciée (après plus de
10 ans de service). Son indemnité de licenciement sera calculée
de la façon suivante :
- 20
- 25
|
% x 48 % x 48
|
000= 9 600 x 5 (années) 000= 12 000 x 5 (années)
|
?
?
|
48
60
|
000 ; et 000 ; et
|
- Pour la période au-delà de la 10eme, 30 % du
salaire mensuel du dernier mois.
- 30 % x 48 000= 14 400 x 45/365 (année) ? 1 800.
Total indemnité = 109 000 F CFA
|
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
38
D. Dommages et intérêts pour rupture
abusive
Toute rupture abusive du contrat peut donner lieu à des
dommages et intérêts qui ne se confondent ni avec
l'indemnité de préavis, ni avec l'indemnité de
licenciement. Plus particulièrement, les licenciements sans motifs
légitimes, les licenciements motivés par les opinions du
travailleur, son activité syndicale, son appartenance ou sa non
appartenance à un syndicat déterminée, sont jugés
abusifs. C'est la juridiction compétente qui constatera l'abus par une
enquête sur les causes et circonstances de la rupture du contrat,
notamment la véracité du motif évoqué par
l'employeur. La jurisprudence permet de sérier les motifs de rupture
selon qu'ils sont légitimes ou non.
1. LES MOTIFS LEGITIMES
- Le vol avéré de même que la tentative de
vol constitue une faute de nature à entrainer la perte de confiance et
la rupture du contrat de travail.
- Le refus d'obtempérer à une demande
légitime de l'employeur.
- Le salarié profère des menaces et insultes
à l'égard de son employeur plusieurs fois et a fait l'objet de
plusieurs avertissements.
- L'absence injustifiée, car l'article 16 de
l'arrêté 974 précise que l'employé ne peut
s'absenter sans autorisation ni justification, surtout au cours de la
même mensualité, ce qui est considérée comme un
abandon du travail.
- Le fait pour un gardien de nuit de dormir allégrement
et profondément sur les lieux de travail malgré les
avertissements répétés de l'employeur constitue une faute
lourde justifiant la rupture du contrat de travail.
- L'incompatibilité d'humeur
- Certaines situations personnelles de l'employeur (perte
d'emploi, baisse significative de revenus, décès du
conjoint...).
- Le déménagement ne constitue un motif de
licenciement que si l'employé refuse de suivre l'employeur, mais il doit
d'abord lui en faire la proposition.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
39
- Le licenciement pour accident ou maladie n'est admis que si
celui-ci entraine une inaptitude au travail, constatée
médicalement.
Attention ! Le fait qu'un
licenciement soit légitime ne libère pas nécessairement
l'employeur de l'obligation de donner le préavis et l'indemnité
de licenciement à moins que le travailleur ait commis une faute
lourde.
2. LES LICENCIEMENTS ABUSIFS
- Licenciement fondé sur le motif d'essai alors que la
lettre d'embauche prévoyait un contrat de travail sans période
d'essai.
- Dans certains cas, la demande de modification du contrat de
travail par l'employeur sans motif légitime peut équivaloir
à un licenciement abusif.
- Licenciement d'un travailleur victime d'un accident ou
durant la période de suspension de son contrat, en prétextant
d'autres motifs inexacts.
- Licenciement de la femme enceinte durant la suspension de
son contrat selon les dispositions de l'article L. 143 dernier
alinéa.
3. AUTRES OBLIGATIONS EN CAS DE RUPTURE DU CONTRAT
a. Remise du certificat de travail
A l'expiration du contrat, l'employeur doit remettre au
travailleur, au moment du départ, un certificat indiquant exclusivement
la date de son entrée, celle de la sortie, la nature et les dates des
emplois successivement occupés ainsi que la catégorie de la
convention collective (si elle existe) dont le travailleur relève.
b. Paiement du salaire dû
En cas de rupture du contrat de travail, le salaire, les
primes et les indemnités de toute nature dus au travailleur au moment de
la rupture doivent être payés dès la cessation de
service.
A travers le formalisme qui accompagne la procédure de
rupture du contrat de travail, le législateur vise bien entendu à
protéger le travailleur contre quelque abus que ce soit de la part de
l'employeur. Cependant, une autre protection existe, cette fois-ci contre les
aléas de la vie, accident du travail, la maternité, la maladie,
par la fourniture de revenus supplémentaires. C'est là
l'économie du régime de Sécurité Sociale.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
40
Chapitre IV La protection sociale
Selon le principe posé par les dispositions
régissant l'Institution de Prévoyance Retraite du
Sénégal, le Code de la Sécurité Sociale et le
décret n° 75-895 du 14 août 1975 portant organisation des
institutions de prévoyance maladie, le personnel domestique
permanent a le droit de bénéficier des prestations fournies par
les organismes sociaux, à savoir la Caisse de
Sécurité Sociale, l'IPRES et les IPM. Les employeurs utilisant le
service de ce personnel sont donc tenus d'affilier celui-ci auxdits organismes
et de se conformer à toutes les obligations découlant de cette
affiliation (versement des cotisations, déclaration des accidents de
travail, déclaration de cessation d'activité en cas de rupture du
contrat de travail etc.).
I. La Caisse de Sécurité Sociale
La participation du travailleur aux branches de
sécurité sociale a été rendue obligatoire. Les
cotisations au titre de prestations familiales, des accidents du travail et des
maladies professionnelles sont à la charge de l'employeur. Il doit
calculer ses cotisations selon trois paramètres :
? L'assiette de cotisation : les cotisations sont assises sur
le montant global des rémunérations et assimilés, à
l'exclusion des éléments ayant un caractère de
remboursement de frais (primes de transport, indemnités de
salissure...)
? Le plafond des salaires : on appelle plafond de salaire le
montant au-delà duquel les cotisations ne sont pas dues ; Il est de 63
000 francs par mois et par salarié. Le plancher est égal au SMIG
(salaire interprofessionnel garanti égal à 36 243 FCFA).
? Les taux des cotisations : les taux de cotisations varient
selon les branches :
- 7 % (taux uniforme) ? prestations familiales
- 1 %, 3 %, 5 % (selon l'activité principale de
l'entreprise) ? accidents du travail et maladie professionnelles.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
41
A. Accidents du travail
En cas d'accident ou de maladie à caractère
professionnel, un travailleur peut subir des lésions pouvant engendrer
une incapacité temporaire ou permanente. Dans
l'éventualité où le travailleur subit un tel dommage, la
Caisse de Sécurité Sociale lui versera des indemnités
à titre de salaire et de frais pour son traitement.
Obligation de l'employeur
Il est tenu de verser 1 % de l'ensemble des
rémunérations ou gains perçus par le travailleur en
contrepartie ou à l'occasion d'un travail, à l'exception des
frais professionnels, des indemnités représentatives de frais et
des prestations familiales.
Versements
Trimestriellement dans les 15 premiers jours du mois suivant le
trimestre de travail.
Sanction
Le non respect des délais entraine une majoration de
retard de 10 % par mois ou fraction de mois de retard.
B. Prestations familiales
Le versement des cotisations à la Caisse de
Sécurité Sociale par l'employeur donne droit à plusieurs
formes d'allocations, notamment, des allocations familiales pour des enfants
à charge, des allocations de maternité et prénatales,
ainsi que des indemnités journalières de congé de
maternité.
Obligation de l'employeur
Il est tenu de verser 7 % de la même assiette que pour les
cotisations d'accidents de travail. L'échéance des versements
ainsi que les sanctions sont les mêmes que pour les accidents du
travail.
? Cas pratiques
- Cas n° 1 : Fatou Fall est
employée de maison et perçoit un salaire mensuel de 28 750
FCFA.
La cotisation à verser est calculée ainsi qu'il
suit :
Accidents du travail : 36 243 F x 1/ 100 = 362 F
Prestations familiales : 36 243 F x 7/ 100 = 2 537 F
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
42
Total des cotisations dues pour le mois : 2 537 F + 362 F = 2 899
F
- Cas n°2 : Souleymane Diouf est
jardinier dans une représentation diplomatique et perçoit un
salaire mensuel de 39 500 FCFA.
La cotisation à verser est calculée ainsi qu'il
suit :
Accidents du travail : 39 500 F x 1/ 100 = 395 F
Prestations familiales : 39 500 F x 7/ 100 = 2 765 F
Total des cotisations dues pour le mois : 2 765 F + 395 F = 3 160
F
C. Le congé de maternité
Conformément aux dispositions de l'article L. 143,
alinéa 1 du Code du Travail, « toute femme a le droit de suspendre
son travail pendant quatorze semaines consécutives, dont huit semaines
postérieures à la délivrance ». Il ajoute plus loin
que : « pendant cette période, la femme enceinte a droit à
un régime spécial d'assistance en vue d'assurer à la fois
sa subsistance et les soins nécessités par son état, dans
les conditions prévues par la législation de la
sécurité sociale, notamment la loi 73-37 du 31 Juillet 1973
portant Code de la Sécurité Sociale en son article 24 et
suivants.
Qui peut en bénéficier ?
La femme salariée en état de grossesse peut
bénéficier d'indemnités journalières de
congé de maternité pendant la durée du congé de
maternité qui ne peut excéder :
- 6 semaines avant la date présumée de
l'accouchement
- 8 semaines après l'accouchement
- 3 semaines maxima de prolongation en cas de maladie
résultant de la grossesse ou des couches.
Que faut-il faire ?
Au moment du départ en congé de
maternité, l'intéressée doit remplir une demande
d'indemnités journalières fournie par la Caisse de
Sécurité Sociale et y joindre :
? Une attestation de travail signée par l'employeur
? Un certificat médical de grossesse
? Une attestation d'arrêt de travail pour congé de
maternité signée par l'employeur ? Le dernier bulletin de
salaire
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
43
En cas de prolongation du congé de maternité, il
faut :
> Fournir un certificat médical précisant que la
prolongation est en rapport avec la grossesse ou les couches
> Une attestation de non reprise de travail signée par
l'employeur
Au moment de la reprise du travail
> Fournir une attestation de reprise de travail signée
par l'employeur A combien s'élèvent-elles
?
Elles s'élèvent à la totalité du
salaire effectivement perçu lors de la dernière paie, à
l'exception des primes ou indemnités ayant un caractère de
remboursement de frais.
Quand sont-elles payées ?
> Soit par période de 30 jours
> Soit à l'expiration des 6 semaines avant
l'accouchement > Soit à l'expiration des 8 semaines après
l'accouchement > Soit à l'expiration du congé
supplémentaire
II. Le régime de retraite (IPRES)
En fait l'IPRES gère deux régimes de retraite selon
la répartition par la technique des points :
? Le régime général de retraite
(R.G.R.), en faveur des salariés régis par le Code du
Travail et des agents non fonctionnaires de l'Etat, des collectivités et
des établissements publics ; il intègre la section des
Employés de maison et des travailleurs occasionnels.
? Le régime complémentaire des cadres
(R.C.C.) en faveur des salariés cadres définis par une
convention collective.
Les travailleurs sont obligatoirement affiliés au
régime général, le régime complémentaire est
réservé aux cadres. Les cotisations au titre des régimes
de retraite sont réparties entre employeurs et employés. La
quote-part due par l'employé est donc prélevée sur le
salaire du travailleur par son employeur.
Obligation
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
44
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
45
Pour la quote-part du travailleur, un taux de cotisation est
assis sur le salaire et les accessoires du salaire, à l'exception des
frais professionnels, des indemnités représentatives de frais et
des prestations de la Caisse de Sécurité Sociale.
Le taux est actuellement fixé par le Conseil
d'Administration de l'IPRES. Il est actuellement de 14 % et, est réparti
entre l'employeur pour 8,4 % et le travailleur pour 5,6 %. Les cotisations sont
assises sur le salaire plafonné du salarié. Le salaire maximum
soumis à la cotisation est de 256 000 CFA.
Les adhérents, c'est-à-dire les employeurs
doivent notifier à l'IPRES, dans un délai maximum d'un mois,
toutes modifications (changements d'adresse, départ ou embauche de
personnel, cessation d'activité (temporaire ou définitive,
etc.).
Versement
L'employeur assure le reversement de la cotisation totale
(salarié et employeur) trimestriellement et au plus tard le 10 du mois
suivant l'échéance pour l'employeur.
Sanction
En cas de non respect des délais, les cotisations font
l'objet d'une majoration de 5 % par mois ou fraction de mois de retard
jusqu'à concurrence de 50 % du plafond des sommes dues.
III. Le régime de la maladie
La cotisation à un régime de maladie n'est pas
obligatoire pour les parties à un contrat de travail.
Cependant, celles-ci peuvent décider d'adhérer
à un régime de maladie dont la prise en charge est assurée
au moyen d'une affiliation à une Institution de Prévoyance
Maladie (IPM) approuvée.
Obligation
La cotisation est fixée à 6 % rapportée
au salaire mensuel du travailleur (tel que défini pour les prestations
familiales ou accidents du travail). Elle est répartie également
entre l'employeur et le travailleur. Le salaire maximum soumis à
cotisation est de 60 000 FCFA.
Quid des impôts sur les salaires ?
Les employeurs ont également l'obligation de
s'acquitter des impôts dus sur le montant des rémunérations
(impôts à la charge du salarié retenus à la source
et contribution forfaitaire à la charge des employeurs). Ils doivent
aussi en principe procéder au dépôt annuel de la
déclaration
des salaires versés.
Les textes en vigueur ne prévoient pas en effet
d'exonération au profit des gens de maison, ni de dispense de
déclaration en faveur des employeurs.
En ce qui concerne le paiement des impôts, il peut
intervenir dans les quinze premiers jours qui suivent la fin de chaque
trimestre civil, dès lors que le montant des retenues exigibles ne
dépasse pas 20 000 FCFA par mois.
Comme nous avons eu à le voir tout au long des
développements précédents, le législateur
sénégalais a été assez clairvoyant pour
légiférer dans une branche d'activité assez complexe, et
ce depuis 1968, avec la prise de l'arrêté 974, qui a
été plusieurs fois modifié pour adapter ses dispositions
au nouveau contexte socioéconomique. Les personnes physiques employeurs
ont de quoi s'en tenir pour être à cheval sur les prescriptions
légales ; nul n'étant censé ignorer la loi. Dans cette
optique, on est en droit de se demander si les pratiques sociales africaines
telles que le placement d'enfants en famille d'accueil qui deviennent
fatalement des travailleurs « bénévoles »,
superposées à la course effrénée à l'emploi
salarié en ville dans le secteur du travail domestique qui se meut selon
ses propres modalités, qui a ses propres réalités,
ont-elles pu s'accommoder au formalisme légal ? Autrement dit est-ce que
les employeurs, tout comme les employés de maison s'acquittent comme il
se doit de leurs obligations légales et contractuelles ? Est-ce que ces
travailleurs à part entière et non entièrement à
part, même s'ils se soustraient à l'attention du public dans
l'intimité de nos maison pour exécuter leur contrat, ont toute la
protection que des travailleurs tout court peuvent attendre du droit social ?
Tel sera l'objet de la deuxième partie de notre étude. Il
s'agira, à la lumière d'un travail de terrain de mettre les
dispositions légales, réglementaires et conventionnelles à
l'épreuve de la pratique dans le contexte actuel.
LE TRAVAIL DOMESTIQUE : ENTRE
PRINCIPES ET REALITES
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
46
Chapitre I Les conditions réelles de
travail des employés de maison
« Nous sommes debout du matin au soir, sans
répit, avec beaucoup de corvées et de difficultés. Nous
bénéficions rarement de jours de fête. Nous subissons des
injustices de la part des employeurs et de leurs familles. Nous gagnons peu
d'argent par rapport à notre charge de travail. Nous ignorons nos
droits, mais nous savons qui nous sommes ».
Ce témoignage résume à lui seul le grand
hiatus existant entre les belles prescriptions textuelles et les nombreuses
difficultés auxquelles sont confrontés les employés de
maison dans l'exercice quotidien de leur activité. Cependant, il faut
tout de même saluer la clairvoyance du législateur
sénégalais lorsqu'il entreprit de normer sur la base de textes
législatifs et réglementaires l'activité domestique si
l'on sait que le rapport global de 2000 de l'OIT intitulé « Votre
voix au Travail » a noté que dans de nombreux pays les
employés de maison sont exclus de la législation du travail et
qu'on ne leur reconnaisse pas le droit de se syndiquer. Par voie de
conséquence, cette activité est marginalisée,
passée sous silence à tel point que les employés
domestiques n'ont pas encore tirés profit des nombreuses conquêtes
sociales engrangées par leurs homologues d'autres secteurs
d'activités. Pourtant il ne suffit pas d'être spécialiste
du droit social pour constater l'écart net qui existe entre les
prescriptions légales et la pratique ; tout observateur averti, ne
serait-ce qu'à travers la presse peut se faire une opinion
là-dessus. Le trafic d'employées de maison
sénégalaises vers le Liban, l'affaire opposant des
employées de maison à la famille de Youssou Ndour, l'affaire de
la bonne retrouvée morte chez son employeur Libano-syrien, pour ne citer
que
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
47
ces affaires qui ne sont pas que des faits divers ayant fait
les choux gras de la presse, sont symptomatiques du malaise, du mal-être
et même du mal-vivre des employés de maison au
Sénégal. Est-ce que l'Etat en tant que de garant de la paix
sociale a le droit de laisser faire, de se tenir à l'écart
lorsque les présomptions de violations des droits de ces travailleurs
sont récurrentes ? Est-ce que les employeurs sont conscients que leurs
conditions d'emploi sont aux antipodes de celles édictées par la
réglementation ? Est-ce que les employés eux-mêmes savent
qu'il y'a des textes de loi qui régissent leur activités ?
Voilà autant de questions que nous ne manquerons pas d'aborder dans la
suite de ce travail. En attendant d'y revenir, par souci d'objectivité
qui caractérise tout travail qui se veut scientifique, nous nous sommes
attelés à revisiter les conditions réelles des
employés de maison par un travail de terrain sous forme d'enquêtes
avec des groupes d'employés sur leurs conditions de travail. Les
puristes regretteront sûrement qu'on s'en tienne à une cueillette
de données axée principalement sur une écoute de groupe et
non par questionnaires individuels. Ce choix qui n'est pas fortuit s'explique
par des limites techniques en ce sens que notre cursus universitaire et
professionnel ne nous permet pas de prétendre à l'exactitude
statistique dont serait nantie une étude de la Direction de la
Statistique. Néanmoins, les données statistiques de
l'étude intitulée Mbidaan sans mbindou seront
sollicitées chaque fois que de besoin afin de procéder à
une analyse sans complaisance des conditions de travail des employés de
maison.
I. L'engagement
Le préalable à l'embauche reste la rencontre
entre la demande et l'offre de travail qui se fait selon des canaux propres
à la société sénégalaise que le support des
nouvelles technologies de l'information de même que le
développement de l'audiovisuel et de la presse écrite n'ont
presque pas influencé. Au même titre que dans d'autres secteurs,
le travail domestique est fortement touché par la crise
économique qui pose des problèmes d'absorption de la forte
main-d'oeuvre qui vient tenter sa chance en ville, ce qui reste jusqu'à
présent la principale réponse face au dénuement des
campagnes. A. Gassama revenant sur l'importance de ces chercheuses d'emploi
affirme que : « le nombre de domestiques à la recherche
d'emploi semble être égal ou supérieur à celui des
domestiques en poste et l'accès à l'emploi devient de plus en
plus problématique pour les postulantes dont nous pouvons noter le
désarroi à travers les techniques de recherche d'emploi ».
En tirant les conséquences de cette situation, elle ajoute :
« Elles constituent une armée de réserve qui contribue
à faire baisser les prix de leurs services déjà peu
valorisés à
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
48
cause de leur affectation au rôle
féminin16 ». Plusieurs études statistiques
ont montré qu'au Sénégal la pauvreté affecte plus
les ménages ruraux qu'urbains, et davantage les femmes que les hommes.
Par conséquent, l'offre de travail qui ne cesse de croître a
entrainé dans son sillage deux phénomènes ; à
savoir la dégradation des conditions de travail et la difficulté
de trouver du travail.
A. La recherche d'emploi
Le système de placement en famille d'accueil qui
rendait la frontière entre les relations marchandes et non marchandes
ténues et qui ne cadrait pas forcément avec les attentes des
filles à cause du caractère bénévole du travail a
perdu du terrain pour laisser la place à une véritable
opportunité économique. C'est dire qu'on est passé du
modèle familial au modèle marchand. A en croire les
résultats du questionnaire17, le système de
recommandation d'une tierce personne reste l'une des principales
modalités de recrutement avec 21,2% des enquêtées. Nous
avons également dans une moindre mesure la rencontre avec une patronne
de la même ethnie qui a la magie d'instaurer des relations de confiance
mutuelle.
A ces modes de recherche relationnelle viennent s'ajouter
d'autres beaucoup volontaires tels que le porte à porte et le
regroupement dans certains lieux stratégiques de Dakar dans l'attente
d'éventuels employeurs. C'est le cas au rond point Liberté 6, au
Point E, à la rue Amadou Assane Ndoye etc.
La première méthode que certaines fustigent car
mettant l'employeur en position de force pour le marchandage requiert beaucoup
de patience et de persévérance comme l'a affirmé une fille
:
« Dés notre arrivée à Dakar,
nous nous levons le matin pour aller de porte en porte chercher du travail. Au
départ, c'est difficile car les gens ne sont pas accueillants.
Quelquefois à peine tu ouvres la bouche pour parler qu'on te claque la
porte au nez. Au premier moment je me demandais comment on pouvait trouver du
travail dans ces conditions. J'avais honte de continuer.
Le soir après avoir raconté tout ce que
j'avais enduré dans la journée, mes copines se mirent à
rire. Je croyais qu'elles à leur tour se moquaient de moi. Non
c'était pour me dire que cela se
16 Gassama A., Les marchés du travail
domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p.
171-184
17 Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p.25
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
49
passait comme ça et qu'il fallait
insister. Le lendemain, je repris le chemin avec plus de volonté que la
veille et une femme me demanda de rentrer dans la maison. Elle me posa des
questions sur mes compétences et mon salaire.
Rapidement nous sommes tombés d'accord sur 8 000
FCFA le mois avec un repas le soir car je ne devais pas passer la nuit. Elle me
demanda de commencer séance tenante (il était 10h 30 mn). Je lui
proposai d'attendre le lendemain pour que je puisse amener ma tenue de travail.
Elle me dit alors que dans ce cas je ne voulais pas travailler et que je
pouvais laisser tomber.
Consciente du risque de ne pas trouver du travail
rapidement, je commençai sans attendre et elle fit sortir le linge de
toute la famille qui semblait être accumulé depuis longtemps ;
Toute la journée et même le lendemain, je fis le linge.
Malgré tout je suis restée avec la dame ».
Le regroupement au niveau des lieux stratégiques
répertoriés comporte des avantages aussi bien que des
inconvénients. Certes il est plus aisé de rester debout ou assis
en attendant le potentiel employeur qu'un besoin urgent presse, ce qui donne le
sentiment d'être en position de force, mais là s'arrête la
comparaison. En effet, il se pose une question de concurrence sans merci entre
les filles qui peuvent se regrouper par grappes de plus de cent guettant
l'oiseau rare. Certaines n'hésitent pas à allier les deux
méthodes de recherche d'emploi pour maximiser leur chance comme l'a
affirmé une des filles rencontrées : « Actuellement,
nous qui sommes ici, cherchons toutes du travail. C'est impossible d'en
trouver. Nous sommes là depuis quinze jours ; Le matin on passe de
maison en maison pour arriver en ville à midi. Ici (le lieu de
regroupement) c'est presque pour se reposer. Avant, il paraît que les
patrons venaient chercher des domestiques ici, mais maintenant on en trouve
partout. On reste presque comme ça jusqu'à 16 heures,
après les gens commencent à rentrer. On ne mange pas ; le soir,
ce sont nos voisins qui nous aident à manger. Certaines d'entre nous ont
été à l'école jusqu'en troisième secondaire.
On ne trouve rien et c'est difficile de baisser les bras car les parents
restés au village ne peuvent pas se prendre en charge, à plus
forte raison nous qui avons également beaucoup de besoins : les effets
vestimentaires, le loyer etc. ».
Un article publié dans
PressAfrik.com et repris par
l'Observateur18 abonde dans le même sens :
« Au rond point Liberté 6, elles sont plus d'une
centaine de domestiques. Elles attendent
18 Observateur N° 1580 du Mardi 30
décembre 2008 p. 4
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
50
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
d'éventuelles clientes ou client en cette fin de
mois de décembre. Ndeye Diouf, la vingtaine dépassée est
de ce lot. De retour à Dakar depuis une semaine à Dakar, cette
native de Khombole (région de Thiés) espère trouver du
travail. « J'ai eu à discuter avec des clientes, mais on a pas pu
trouver un accord sur la rémunération. Le salaire (35 000 FCFA)
que je demande semble trop élevé selon les clientes. Elles me
proposent entre 20 000 et 25 000 alors que je dois payer le courtier, ma
location et satisfaire mes besoins », argue Ndeye Diouf. Pour ce montant,
elle dit ce qu'il est capable d'apporter à son employeur : « Je
suis capable de gérer toute seule une maison », explique t-
elle.
Le courtier dont parle la jeune fille est un homme d'une
quarantaine d'années. Il reçoit les clients ou clientes et
discute avec eux, En fonction des besoins exprimés mais aussi des
tâches à faire, il met en rapport ce client avec l'une de ses
protégées. A coté de celles qui sont au rond point
Liberté 6 entrain d'attendre, d'autres préfèrent se
déplacer de porte en porte... ».
Le courtier dont il est question dans l'article de presse est
une sorte d'intermédiaire ayant une certaine notoriété et
aussi une certaine emprise sur ses protégées qu'il met en
relation avec les employeurs moyennant une commission. Pour chaque recrutement
au niveau du regroupement, l'employeur paie 2 000 FCFA sur le champ plus la
commission que l'embauchée donne au courtier dés qu'elle
reçoit son premier salaire. Michelle Diallo, la cinquantaine
sonnée, que ses protégées appellent affectueusement Tata
Michelle refuse de parler dans un premier temps avec un « membre de
l'administration » car, dit-elle, elles n'avaient vu personne de ce
service lorsqu'elles ont eu un sérieux différend avec la famille
du célèbre chanteur Youssou Ndour, qui avait d'ailleurs
défrayé la chronique. Il a fallu moult arguments pour qu'elle
accepte de délier sa langue : « Notre ainé c'est le
vieux Samaké qui officie ici depuis 1974 ; il n'y a jamais de contrat
écrit, tout ce que nous réussissons à avoir c'est le
numéro de téléphone de l'employeur, son adresse ou
l'adresse du chef de quartier, les patrons rechignent à donner une copie
de leur carte d'identité. Ainsi nous pouvons faire le suivi
post-embauche et la médiation surtout en cas de conflits : salaire non
versé, coups et blessures, accusation de vol etc. Il n'est pas rare que
l'affaire atterrisse à la police ou à la gendarmerie pour
contraindre les employeurs à respecter leur engagement »,
dit-elle. Elle ajoute d'un air ferme : « Moi, je n'abandonne jamais
les filles que je place dans le pétrin, il y'a des choses que je ne
tolère pas venant des employeurs ».
B. Les stratégies de marketing
51
Comme mentionné plus haut, beaucoup d'employeurs
recrutent leurs employées par l'entremise d'une tierce personne qui
s'érige en garante de la bonne moralité de l'employée.
Cela se conçoit dans un contexte de méfiance vis-à-vis de
l'autre, celui qu'on ne connaît pas, en milieu urbain. Cette psychose
sécuritaire est alimentée par le développement d'actes
incivils et violents qui ont entamé la charpente de valeurs telles que
la solidarité et le sens de l'hospitalité qui étaient
quelques uns des caractères dominants de la société
africaine. Ce climat difficile n'a pas empêché les employés
domestiques de développer des stratégies pour décrocher un
bon contrat qui soit plus ou moins conforme à leurs attentes, à
l'issue du marchandage. La première règle de ce face-à-
face connue de tous dans le milieu est : « de ne surtout pas se
laisser impressionner ni faire preuve de timidité ou de faiblesse devant
l'employeur ».19
D'une manière générale, les salaires des
employés domestiques décroissent du centre ville et des quartiers
résidentiels aux quartiers populaires de la proche et lointaine
banlieue. C'est dire que les salaires versés à Rufisque, Pikine,
Guédiawaye sont plus faibles qu'aux Parcelles Assainies, aux HLM qui
à leur tour sont moindres qu'à Nord Foire, Sacré Coeur et
Almadies. La conséquence en est que la recherche de travail est
sélective et se fait selon l'hypothèse tout à fait valable
que les ménages les plus aisés payent mieux que les autres. C'est
pourquoi, les filles logeant ou habitant Yeumbeul, Thiaroye, Pikine ne
préfèrent pas travailler à coté de chez elles mais
vont jusqu'au centre-ville pour pouvoir gagner plus.
Cette catégorisation des employeurs
sénégalais a été également notée dans
l'étude conjointe BIT/ UNICEF/ ENDA. Les employés de maison
distinguent « les grands patrons », des « moyens patrons »
et des « petits patrons ». Cette hiérarchisation prend en
compte outre le critère géographique, le standing du logement. A
la base se situe le troisième groupe qui regroupe à la fois des
employeurs des quartiers populaires et ceux ayant des revenus faibles et des
familles nombreuses.
A coté des employeurs sénégalais, nous
avons les employeurs libano-syriens, ceux ressortissant de pays africains et
les employeurs expatriés. De prime abord, ceux-là appliquent la
législation dans une certaine mesure car leur statut d'étranger
(beaucoup de libano-syriens ont la nationalité
19 Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p.25
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
52
sénégalaise) fait que le non-respect de la loi
leur soit préjudiciable en cas de conflit. Si beaucoup
d'expatriés appliquent scrupuleusement la législation, nous
reviendront, ce n'est pas le cas de tous les libano-syriens même si
quelques uns font souvent des contrats et délivrent des bulletins de
paie. En revanche, ils sont réputés exigeants par rapport
à l'exécution des tâches ; toute perte est déduite
du salaire. Cette communauté qui n'emploie pas de petites filles,
recherche des employés ayant une certaine instruction donc sachant lire
et s'exprimer en français. Une fille ayant travaillé avec des
libano-syriens a livré ce témoignage :
« Une des difficultés que j'ai vécue
personnellement, et souvent rencontrées par les filles, est celle-ci :
je travaillais chez une libanaise. Un jour, elle m'a informée qu'elle
allait recevoir ses beaux-parents qui venaient de la France. Que cela
entrainerait un surcroît de travail. Donc, elle allait m'augmenter ; je
gagnerais donc 30 000 F CFA / mois et elle me demandait de descendre
dorénavant à 20 h. Au départ de ses beaux-parents,
apparemment satisfaite de mon travail, elle m'a encore augmentée 5 000 F
CFA. Elle possède deux maisons et emploie 5 « janx » (jeune
fille domestique). Un jour, je repassais ses habits. Il y'avait « les
pantalons-gaine là ! » (body), en le repassant, je l'ai
brûlé. Elle avait acheté ce pantalon à 15 000 F CFA
en France. Elle m'a dit de le rembourser, par mensualités de 5 000 F
CFA. J'ai accepté. Et j'ai continué à travailler pour elle
pendant trois mois. Elle m'a toujours remis des reçus quand je percevais
mon salaire. Elle devait partir pour quelques temps en France. Elle m'a dit que
normalement, elle devait me verser des droits. Quand tu fais le linge pour
elle, elle compte devant toi les morceaux que tu dois laver. Quand tu as fini
de laver et de repasser, elle recompte les habits ».
A l'exception de celles qui s'occupent des bébés
et ayant resté longtemps avec la famille, les personnes qui travaillent
avec les Libano-syriens passent rarement la nuit chez leur employeur. L'emploi
dans ce milieu est plutôt stable et il n'est pas rare de voir une
domestique en activité dans une famille transmettre cet emploi à
sa soeur, sa fille.
Autre son de cloche chez les employeurs
sénégalais qualifiés de « petits patrons » qui
sont à l'origine de beaucoup de maux dans la profession en ce sens
qu'ils peinent à verser le salaire normalement, à assurer une
prise en charge médicale, à respecter les tâches
définies à l'embauche, à nourrir convenablement leurs
employés. Cette classe moyenne naguère prospère
aujourd'hui rétrogradée et fortement prolétarisée
subit de plein fouet les coups de boutoir de la crise économique qui a
entrainé dans son sillage la cherté de la vie.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
53
Après toute ces considérations
socio-économiques survient le marchandage qui se fait rarement sur la
base du salaire minimum réglementaire mais dépend intimement du
standing de la maison : une maison à étage étant
censée comprendre une charge de travail plus importante, du nombre
d'enfants, du nombre de personnes vivant sous le toit, de la prise en charge de
la nourriture, du fait que l'employé loge chez son patron ou rentre en
fin de journée et enfin de la gestion des principales tâches : le
linge, la vaisselle, la cuisine et le ménage. On assiste de plus en plus
à une spécialisation des employés qui choisissent une ou
deux tâches au plus ; le ménage moins contraignant est
apprécié du fait qu'on dispose de plus de temps libre que la
cuisine qui requiert qu'on reste un peu plus tard. Il existe également
d'autres tâches annexes telles que l'aide à la préparation
des repas, les innombrables courses pour toutes la famille, le fait de
s'occuper des bébés et certaines sont même
sollicités pour le petit commerce (vente de sachets d'eau, de
crème...)
C. Le contrat de travail
L'entretien mené avec des employés de maison au
niveau des lieux de regroupement vient confirmer les résultats des
recherches menés dans ce sens. Il démontre de façon
manifeste qu'en ce qui concerne le contrat de travail, l'absence d'écrit
est la chose la plus commune. Il s'agit donc d'un contrat oral aux clauses
imprécises qui s'arrête souvent au montant du salaire, les autres
tâches déclinées à l'embauche pouvant grossir une
fois ce cap franchi. Certains employeurs essaient même de
renégocier le salaire sous divers prétextes ultérieurement
comme l'a affirmé cette jeune femme originaire de la région de
Fatick :
« Les Wolofs, quand tu viens négocier avec
eux, elles acceptent toutes les conditions que tu poses : des
rémunérations de 15 000 F CFA ou plus. Après accord, elles
te remettent tout leur linge sale. Une fois que tu as tout lavé, elles
te confient tous leurs travaux ménagers. Après avoir
effectué toutes ses tâches, elles t'appellent et te disent que
leur mari trouve la rémunération trop élevée. Et
elles te demandent de réduire le tarif à 10 000 F CFA ou
même 8 000 F CFA. Si tu ne veux pas, elles te renvoient, et promettent de
te payer le travail que tu as déjà effectué pour elles,
tout en sachant qu'elles ne le feront pas ».
Cependant, il faut se garder de généraliser car
certains employeurs, malgré l'absence d'écrit, sont soucieux de
leurs conditions de travail et discutent avec elles lorsqu'elles commettent des
erreurs
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
54
dans leur travail. Un subterfuge trouvé dans le milieu
consiste à se faire assister d'une tierce personne, le courtier une
ainée ou une amie pour que l'employeur ne puisse pas revenir sur les
clauses du contrat plus tard.
II. La durée du travail
L'une des plaintes les plus courantes des employés de
maison reste l'importante charge de travail qui dépend de l'humeur de la
patronne. Cela est accentué par la subordination à l'ensemble des
membres de la famille qui ne se prive pas pour demander des services et la
taille des familles même si le nombre de familles mononucléaires
augmente. Les recherches menées à cet égard
présentent un tableau peu reluisant.
A. Des « bonnes » à tout faire ?
Les tâches quotidiennes des domestiques sont diverses et
variées. Certains ménages, compte tenu de leur taille (la moyenne
nationale étant de 8,7 personnes par ménage20 ont
plusieurs employées à leur service, entre les lesquelles les
tâches sont réparties.
Les horaires sont dans l'ensemble supérieurs aux normes
édictées dans les textes réglementant le travail des
enfants : chez les 15-18 ans, 51,9 % effectuent entre 9 et 11 heures de travail
par jour et 17,2 % en font plus de 12 heures ; seuls 15,6 % font entre 6 et 8
heures. Celles qui passent la nuit débutent leur journée entre 5h
30 et 6 h du matin et finissent souvent au coucher des
employeurs.21
Quant aux plus de 18 ans, 47 % font tous les travaux, 22,7 %
tout sauf la cuisine et 16,7 % s'occupent des enfants. Le matin, les horaires
ne sont toujours respectés par celles qui ne logent pas chez
l'employeur. De même que les employeurs respectent rarement les horaires
légaux. Dans la journée, très peu sont celles qui ont
droit à un moment de repos, ne serait-ce qu'une petite pause comme le
font tous les autres travailleurs. Beaucoup ne voient pas d'un bon oeil que
leur employé fasse la sieste, ce qui est le comble de la paresse aux
yeux des patronnes. Lors de l'entretien beaucoup ont regretté le fait
que certaines dames ne lèvent pas le petit doigt dans la maison,
même pour boire elles se font servir.
Celles qui passent la nuit peuvent être
sollicitées à tout moment de la nuit, c'est ce qu'a
déploré
20 Direction de la Statistique du
Sénégal : enquête sur la situation des enfants
travailleurs, enquête des ménages, 1993
21 Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p. 28
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
55
une jeune fille qui travaillait pour une Béninoise aux
Parcelles Assainies et qui a fini par quitter car ne pouvant plus supporter les
caprices de son employeuse : « Ma patronne avait pris la
fâcheuse habitude de me réveiller la nuit au-delà de 22
heures, lorsqu'elle revenait de ses cours, pour que je lui épluche des
oignons alors que je dormais puisqu'elle ne m'autorisait pas à regarder
la télé. C'était juste un prétexte pour me
créer des histoires car comme lui avait suggéré son mari,
elle pouvait préparer son omelette toute seule ». Par rapport
au début de la journée de travail, elle ajoute : « la
journée commence souvent à 6h du matin pour ne finir
qu'au-delà du diner. Durant la pénurie de gaz, on me
réveillait bien avant 6h pour chauffer de l'eau de bain de la petite
avec un fourneau... », dit-elle avec résignation.
Face aux nombreuses plaintes de surcharge de travail, il
serait intéressant de voir comment se présente la situation par
rapport aux dispositions relatives à la rémunération en
général et aux heures supplémentaires en particulier.
B. Quid des heures supplémentaires ?
Il ressort de ce qui a été dit sur l'importance
de la charge de travail que le décompte des heures
supplémentaires pourrait un tant soit peu améliorer la condition
des employés de maison. Malheureusement, il n'a été
mentionné nulle part la prise en compte de ces heures dans la
rémunération. Le forfait versé habituellement qui n'est en
rien proportionnel au volume de travail ne souffre d'aucune hausse. Au
contraire, certaines patronnes sont promptes à retenir les jours non
travaillés même si c'est une absence pour maladie. Il faut savoir
que conformément à l'article 4 du décret 70-183 du 20
février 1970 fixant le régime général des
dérogations à la durée légale du travail, les gens
de maison sont soumis à un régime d'équivalence que
l'arrêté 974 du 23 janvier 1968 fixe à 60 heures par
semaine réputées correspondre à 40 h. Ce qui veut dire que
les majorations ne seront décomptées qu'au-delà de la
61eme heure. Généralement les intéressés
eux-mêmes ne réclament pas des heures supplémentaires ;
tout ce qu'ils veulent c'est que leur aspiration au repos soit prise en compte
et surtout que le salaire conclu soit payé intégralement et
à date échue.
III. La rémunération
A. Des salaires en hausse ?
La rémunération que l'employeur consent à
verser dépend de plusieurs facteurs dont les plus
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
56
essentiels sont : « le statut social du travail
domestique, l'âge, le sexe, la situation matrimoniale, la
résistance à l'effort (la corpulence), l'expérience...
mais c'est également, à travers les coutumes, les normes
sociales, les pressions des groupes sociaux que nous arrivons à
comprendre la formation des prix22 ». La cartographie des
rémunérations, en fonction de la structure des quartiers qui est
un élément important de la recherche de travail, fait
apparaître des zones à risque où les conflits sont
susceptibles de subvenir pour défaut de versement ou versement
irrégulier du salaire. C'est le cas de certains quartiers populaires et
périphériques durement affectés par la
désindustrialisation, avec ses conséquences en termes de perte
d'emploi et de diminution du pouvoir d'achat qui fait que certains engagements
ne peuvent être tenus que difficilement. Car, mieux vaut le dire toute
suite, toutes les familles qui font appel à une main-d'oeuvre domestique
salariée n'en n'ont pas toujours les moyens. Ce facteur
économique, conjugué à une mauvaise volonté, est la
cause directe des retards et du fractionnement du salaire que certaines de nos
interlocutrices ont déploré, et dont ils n'ont pas beaucoup
d'emprise, en raison de l'importance de l'offre dans cette branche dont nous
avons parlé dans les développements précédents.
Les entretiens ont montré que les salaires ont subi une
hausse face à la cherté de la vie mais ils ne se
présentent pas de manière homogène, mais prennent en
compte les déterminants salariaux mentionnés plus haut. Ils se
présentent comme suit au niveau de Dakar- ville :
? 20 000 F CFA pour les petites filles de 15, 16 et 17 ans.
? 30 000, 35 000, 40 000 avec un plafond de 60 000 F CFA pour
les plus expérimentées ayant donc une certaine ancienneté
incluant le transport et les repas pour un travail important comme par exemple
le ménage d'une maison à étage du rez de chaussée
en haut quotidiennement. Il a été même noté des
contrats de 65 000 F CFA, certes rarissimes, pour des conditions de travail
analogue.
Peuvent être considérés comme
complément du salaire les avantages en nature dont l'employé
bénéficie le plus souvent gratuitement de son employeur tels que
: le repas du soir, l'utilisation de certains de ses biens, à savoir :
savon, eau, les repas servis à celles qui passent la nuit et le logement
etc. Par rapport à cette rémunération
complémentaire, il faut noter que rares sont les
22 Gassama A., Les marchés du travail
domestique au Sénégal, p. 171-184
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
57
employeurs qui font des retenues à ce titre, même
s'ils arrivent dans certains cas que le petit-déjeuner ne soit pas
fourni, ou qu'il soit en quantité insuffisante.
D'après les entretiens, le règlement des
salaires est un vrai casse-tête pour les employés de maison. Si au
niveau des zones résidentielles, les salaires tombent au plus tard le 5
du mois de travail, tel n'est pas le cas dans les quartiers populaires.
Malgré le fait qu'on n'y trouve les salaires les plus modiques, ceux-ci
sont payés souvent avec retard et de manière fractionnelle. Les
retards atteignent parfois 3 à 4 mois. Dans ce cas, il faut
l'intervention du courtier, d'un parent pour que l'employeur s'exécute,
c'est souvent le cas à la veille du retour au village. Les moins
chanceuses qui ne peuvent pas grand-chose devant l'incurie de leur employeur se
remettent à Dieu. C'est le cas d'une fille rencontrée à
Liberté 6 qui a déclaré avoir travaillé pendant un
an moyennant un salaire de 50 000 CFA pour un couple. Malheureusement, elle n'a
été payée qu'une fois en plus d'une avance de 15 000 CFA.
Elle est restée pendant tout ce temps « par dignité »
selon elle. La dame prétextait le fait que son mari, un ancien maire
fût déchu. Elle court toujours pour recouvrer les 150 000 FCA
qu'on lui doit.
Généralement, ce sont les femmes qui
gèrent les employés de maison depuis l'embauche. Elles
négocient le salaire, fixent les tâches à faire et
naturellement versent les salaires que le mari leur donne. C'est ce qui
explique souvent le reproche qu'on leur fait de détourner la paie
à d'autres fins, de verser le salaire de manière
fractionnée souvent à l'insu du mari. Les hommes sont
censés être de meilleurs employeurs que leurs compagnes et les cas
de retard de salaire sont rares avec eux.
B. Le bulletin de salaire
Parler de bulletin de salaire dans ce secteur est
considéré comme une provocation car beaucoup ne voient pas
l'utilité du bulletin de paie, ce qui importe c'est que lui salaire soit
versé. L'entretien à montrer que dans la plupart des cas, il n'y
a ni bulletin, ni décharge et ni même aucune signature pour
attester du versement, ce qui ne manque pas de poser d'énormes
difficultés au cas où l'employé nie avoir
été payé rapport à la présentation
d'éléments de preuve. Le législateur
sénégalais a été très explicite par rapport
à l'obligation pesant sur l'employeur de fournir une pièce
justificative appelée bulletin de paie devant accompagner le versement
du salaire à tel point qu'en cas de litige y afférant, l'article
L. 117 du Code du Travail dit que le non-
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
58
paiement est présumé tant que l'employeur n'est
pas en mesure de fournir le registre de paie dûment émargé
par le travailleur. Par conséquent, même si
l'analphabétisme reste un frein par rapport a la prescription
légale, au vu du nombre important d'employeurs et d'employés
illettrés, il est tout à fait possible que l'employeur se
débrouille pour tenir un cahier où émarge le travailleur
chaque mois pour que tous les deux soient à l'abri de mauvaises
surprises. Par ailleurs, on peut se demander si les employeurs respectent les
dispositions relatives au repos, qui reste l'une des principales
doléances des travailleuses domestiques.
IV. Les cas de suspension du contrat
A. Le repos hebdomadaire et les jours
fériés
La législation est très stricte à propos
du repos hebdomadaire qui est obligatoirement de 24h consécutives par
semaine, accordé en principe le dimanche. Cependant, la
spécificité de ce secteur d'activité fait qu'il peut
être pris un autre jour ou à raison de deux demi-journées.
De manière générale, le respect de cette disposition se
fait de manière mitigée. En à croire les résultats
des entretiens, tout dépend de l'humeur des patrons, de leur «
humanisme ». La question du repos hebdomadaire se pose de deux
manières selon qu'on loge chez l'employeur ou que l'on rentre le soir.
Même si quelques uns qui ne logeaient pas chez le patron ont
déclaré qu'il leur arrivait de ne pas travailler le dimanche, la
tendance qui se dessine est ce qu'on appelle dans le jargon, « le
système des 15 jours » c'est-à-dire 1 jour de repos par
quinzaine très usité dans les deux cas par les employeurs. Ce
jour précieux est consacré, pour celles vivant chez l'employeur,
à rendre visite aux parents et amies du même village, rompre avec
l'isolement et papoter sur leurs conditions de travail.
Il faut noter que les filles ne viennent jamais de
manière isolée en ville mais elles le font à travers un
circuit bien huilé entretenu par des « recruteurs », qui sont
de purs produits du milieu, des natifs du village établis en ville qui
descendent jusqu'au village pour alimenter la machine. Du fait du
caractère temporaire de l'activité, il est toujours possible de
faire des permutations et de nouveaux placements. C'est ainsi que les filles
qui viennent sont placées sous l'autorité de soeurs, de tantes et
d'oncles qui reconstituent en ville l'espace familial et l'univers villageois.
Par
conséquent, on constate une phosphorescence de
mouvements associatifs basés sur l'appartenance à un
même terroir contribuant à l'entraide et au développement
du village d'origine. Tous ces aspects apparaissent à travers ce
témoignage :
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
59
« Nous nous retrouvons le soir avec les
garçons du village dans le même quartier. Chaque samedi, nous
organisons des soirées pour trouver de l'argent pour la caisse de notre
association. Avec ça, on prépare nos voyages pendant les
fêtes ou à l'approche de l'hivernage pour ceux qui doivent
rejoindre les parents pour les travaux champêtres.
Egalement, nous cotisons pour la construction du foyer des
jeunes du village et nous donnons quelque chose cette année pour
l'école du village. Ce sont les garçons qui assurent notre «
surveillance en ville». Quand nous avons des problèmes (paiement,
accusations de vols...), ce sont eux qui nous défendent ».
Nous percevons à travers cette confession le rôle
crucial que joue le repos à travers l'immersion dans un milieu affectif
et amical qui permet de puiser la force morale nécessaire pour faire
face aux nombreuses tribulations liées à l'activité
domestique. Et pourtant beaucoup d'employeurs persistent à leur denier
ce droit au repos si fondamental.
Les employeurs ont à peu près la même
réticence par rapport au chômage des jours fériés ;
cependant, l'importance de grandes manifestations culturelles et des
fêtes religieuses telles que la Tabaski, la Korité, Pâques
qui se passent en famille, ont eu raison de cette mauvaise volonté. Mais
il se pose toujours des conflits car les employeurs ont tendance à les
remplacer très vite alors que pour beaucoup ce sont les seules
opportunités de retour au village. Aujourd'hui beaucoup
n'hésitent pas à rester longtemps pour conserver leur emploi :
« C'est difficile de partir comme tu veux. Il est
très facile de se faire remplacer car il y'a trop de bonnes qui
chôment. Nos patrons ne se soucient même pas de notre place. Une
fois que tu quittes, c'est fini. On renonce souvent à partir car une
fois que tu gagnes bien ta vie, tu cherches à maintenir ta place
».
« Partir au village ! Non ! Nous restons presque deux
à trois ans car les patrons n'attendent pas. Nous ne sommes pas comme
vous qui avez des congés et qui avez des permissions. Si on part,
personne au niveau de la famille ne fera le travail et tout de suite on te
remplace par une autre. Souvent quand on quitte, c'est pour aller chercher
ailleurs. C'est pourquoi nous restons et envoyons quelque chose à la
famille ».
« Durant les fêtes de Tabaski, Korité,
nous allons au village, mais nous revenons juste après. Car nos patrons
ne nous attendent pas. D'ailleurs, ça c'est pour nous qui habitons
à coté de Dakar.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
60
Mais pour nos amies du même quartier qui sont des
Diolas et des Sérères de Fatick ou Thiés, c'est difficile
de partir ».
« La Casamance, c'est trop loin ; une fois que tu es
là-bas, tu ne retournes pas vite, car quelquefois ça
coïncide avec l'hivernage et il faut aller dans les rizières. Mais
maintenant les parents commencent à nous laisser longtemps. On y va
quand les frères doivent entrer dans le bois sacré ou pour
certaines à l'occasion de décès ».
« Nous avons une association de tous les
ressortissants de notre village, et nous organisons des voyages à
l'occasion des fêtes religieuses ou de grandes cérémonies
traditionnelles au village. Sinon nous rentrons presque tous à
l'approche de l'hivernage, si les parents nous obligent à venir pour les
travaux champêtres ou pour le mariage ».23
Ces différents témoignages permettent de
percevoir l'importance du lien ombilical liant les employés à
leur milieu d'origine qui est en fait l'une de leurs principales
préoccupations. Ce lien tend de plus en plus à se distendre, cela
d'autant plus que les employeurs rechignent à respecter les dispositions
relatives aux congés.
B. Le congé principal
Rendu obligatoire par l'article L. 148 du Code du Travail qui
dispose que le travailleur a droit à 2 jours ouvrables de congé
par mois de travail, à la charge de l'employeur, à condition que
celui-ci totalise au moins 12 mois de travail effectif, correspondant à
la période de référence.
Le caractère saisonnier de l'emploi au
Sénégal qui intéresse 40 % chez les hommes et contre 48 %
chez les femmes,24 rend la prise de congé presque impossible
pour beaucoup. Cependant, l'article L151 du Code du travail prévoit ce
cas de figure avec le versement de l'indemnité compensatrice en lieu et
place du congé. Ces retours périodiques se font surtout à
la veille de l'hivernage pour les besoins de l'agriculture qui se fait de
manière extensive avec une très faible mécanisation ; de
ce fait elle est dévoreuse de main d'oeuvre. D'autres occasions de
retour restent les manifestations culturelles et les fêtes religieuses ou
familiales qui sont des sortes de grand'messes de tous les fils et filles du
terroir. A noter que ces retours, même s'ils subsistent toujours se font
sur des périodes plus longues, deux à trois ans, à cause
notamment de la
23 Mbindaan sans mbindou, mars 1994, annexe 2 p. 44
24 2eme Enquête Sénégalaise
Auprès des Ménages (ESAM) DPS/ 2004
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
61
dislocation de la filière arachidière et de la
grande volonté de sauvegarder leurs emplois, car comme le disait une
fille : « si on quitte c'est pour après chercher ailleurs, les
patrons n'attendent pas... ».
Par rapport à la prise de congé, elle n'est
effective que chez quelques rares privilégiés au service
d'employeurs expatriés qui font souvent coïncider ces congés
avec leurs vacances. L'écrasante majorité pense même que
les congés payés sont l'apanage des autres travailleurs, «
ceux qui travaillent dans les usines et les bureaux » disent-elles, «
nous ne sommes pas comme vous qui avez des congés et des
permissions. Si on part, personne au niveau de la famille ne fera le travail et
tout de suite on te remplace par une autre ». Ce caractère
incontournable de la travailleuse domestique au sein de nos familles pose la
question de sa véritable place, est-ce qu'elle doit se
substituer totalement à la maîtresse de maison ou
doit-elle effectuer des tâches complémentaires ?
En principe, sauf dans de rares cas, la
complémentarité doit être de rigueur, sinon on risque de
tomber dans les schémas de type « bonnes à tout faire
» corvéables alors que le mode de traitement allant dans le
sens de la reconnaissance de leur apport fait défaut. Ces modes de
traitements qui dépendent du niveau d'intégration peuvent
être de manière décroissante inclusifs, exclusifs,
stigmatisants voire dégradants25.
On peut même se poser la question à savoir si les
complaintes sont fondées car 72,6 % des employeurs considèrent
leurs domestiques comme faisant partie intégrante de la
famille26. Pourtant la situation exprimée lors des
réunions de groupes ne corrobore pas ces dires. Pour la majorité,
les rapports sont de types maître à servante « bonne
à tout faire », (situation reconnue par 17,7 % seulement des
employeurs). Lesquels se traduisent par des traitements discriminatoires dont
les plus courants sont les suivants. Les employeurs refusent de partager le
repas familial avec leurs employées qui mangent dans la cuisine ou dans
une autre pièce, alors que dans beaucoup de cas ce sont
elles-mêmes qui ont cuisiné, les très jeunes domestiques
déplorent le mépris dont elles font l'objet de la part des
enfants de l'employeur confortés par l'attitude des parents qui donnent
souvent raison à leurs enfants, pour celles qui logent chez l'employeur,
la marginalisation se fait sentir le soir, où il ne leur est permis de
regarder la
25 Entretien avec M. Mamadou Ndiaye, Coordonnateur
Enda Graf Golf Sud Dakar.
26 Mbindaan sans mbindou, mars 1994, p. 32
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
62
télévision. Si la possibilité leur est
accordée, elles doivent prendre garde à se tenir à
l'écart de la famille. Deux autres doléances sont relatives
à l'espace exigu qui leur est attribué, aussi bien pour le repos
que pour le rangement des effets vestimentaires et de manière
générale la manie qu'on les employeurs de les accuser, la plupart
du temps injustement, de vol.
Cependant il existe bel et bien des employeurs qui donnent aux
termes « faisant partie intégrante de la famille » tout son
sens, ce qui se traduit par une prise en charge médicale, des cadeaux en
nature et en espèces. Cette assistance est particulièrement
appréciée en cas de grossesse.
C. Le congé de maternité
L'enquête a montré que tous les statuts
matrimoniaux (célibataires, mère-célibataires,
mariées, divorcées et veuves) se retrouvent chez la population
étudiée. Néanmoins, le statut de célibataire qui
concerne 75 % d'entre elles chez les 15 à 18 ans est le plus
fréquent, ce qui les expose à des grossesses précoces. Au
demeurant, la proportion de grossesses chez elles restent assez
élevée, ce qui pose la question de leur prise en charge durant la
période de congé de maternité par la Caisse de
Sécurité Sociale comme tous les autres travailleurs, car
l'attitude bienveillante de l'employeur durant cette période et
même ses cadeaux, ne sont en rien équivalents à la prise en
charge médico-sociale de la Caisse. Mais la question de fond reste le
défaut d'immatriculation dont elles font l'objet de la part de leurs
employeurs, en violation de la loi 73-37 du 31 Décembre 1973 portant
Code de la Sécurité Sociale qui institue un régime de
protection sociale au profit des travailleurs salariés dont le personnel
domestique permanent, à travers l'octroi de prestations telles que les
indemnités journalières de congé de maternité, les
prestations familiales... Il n'est pas rare de voir certaines cacher leur
état pour travailler et garder leur source de revenus, beaucoup
d'employeurs n'hésitant pas à les licencier dès
l'apparition des premiers signes.
V. Les motifs de rupture du contrat
Absa Gassama disait à propos des travailleuses
domestiques : « Ne jouissant que d'une liberté formelle et
étant obligées de travailler, les domestiques s'engagent
très vite mais n'hésitent pas à rompre leurs contrats
tacites, non écrits et peu avantageux, dès qu'elles trouvent de
meilleures conditions de travail ou une rémunération plus
élevée27 ». Cela montre d'une part, la
substituabilité qui existe dans les segments aux niveaux de
qualifications faibles caractérisés par
27 Gassama A., Les marchés du travail
domestique au Sénégal, p. 171-184
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
63
les bas salaires et d'autre part, l'existence de griefs
formulés de part et d'autre qui ont tendance a mettre fin aux contrats
prématurément.
En d'autres termes, s'il arrive souvent que les employeurs
licencient leurs domestiques sans coup férir, ce pouvoir est quelque peu
contrebalancé par le recours de celles-ci à la démission
dans les mêmes conditions, sauf qu'ici l'employeur peut user du moyen de
pression que constitue le salaire en le versant tardivement, dans le meilleur
des cas.
« Vous savez nous ne pouvons rien contre celles qui
nous emploient. Elles sont des patrons ou connaissent les circuits mieux que
nous. Si on les emmène à la police parce qu'elles ne nous ont pas
payé, elles vont nous laisser là-bas.
Dès que tu fais la plus petite faute, elles te
grondent, et si ça va loin, elles te mettent à la porte en te
demandant de cesser le travail et de revenir à la fin du mois pour
être payée. Quelquefois, tu peux faire un mois à courir
sans recevoir ton argent qui souvent t'est remis de manière
fractionnée.
La seule voie de recours, c'est de faire venir le tuteur
pour qu'il insiste. Parmi nos frères, il y'a des gens qui s'occupent du
recouvrement. C'est vraiment facile de quitter son employeur parce que
simplement, il ne peut pas payer ou il utilise ta paie pour autre chose et le
mari l'emmerde au point qu'elle croit que tu es à l'origine de tout
ça ».
« Moi, mon dernier contrat a pris fin parce que ma
patronne m'a accusée de vol. Un jour, de retour d'une
cérémonie d'une de ses copines, elle à
déclaré avoir perdu 7.500 FCFA qui étaient sous
l'oreiller. Rapidement pendant que je faisais la vaisselle, elle s'agrippa
à moi pour me demander l'argent. Je déclarais n'avoir rien vu et
tout de suite elle prit la décision de m'emmener à la
police.
Nous nous y sommes rendues et après les
explications, le policier nous a demandé de repasser en m'invitant de
venir avec mon tuteur car j'avais 17 ans. Ainsi prenait fin mon contrat. Par la
suite on lui a demandé de bien chercher chez elle ».
Aujourd'hui, avec la grande mobilité verticale et
ascendante dans le secteur, les exigences des employeurs sont telles qu'elles
ont de moins en moins de temps pour former des domestiques, elles recrutent
directement des filles expérimentées, si leurs moyens le
permettent. En effet, il y'a lieu de souligner la formation qualifiante que
dispensent les employeurs sans aucune contrepartie en ce qui concerne des
aptitudes particulières, le contenu des tâches n'étant pas
homogène diffère d'une famille à l'autre. Cet aspect
ressort
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
64
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
dans ce témoignage : « Si on te confie des
travaux, c'est à toi de voir si tu as toutes les aptitudes requises ; tu
es libre de refuser. Si on te confie des tâches que tu ne sais pas faire,
il faut le dire pour qu'on te l'apprenne. C'est comme la cuisine, il existe
plusieurs façons de la faire. Chaque femme a sa manière
particulière ».
Cette valeur ajoutée difficilement quantifiable
à l'actif des employeurs qui n'intègre aucune clause de
fidélité est à la base de la mobilité
professionnelle, puisqu'elle est réinvestie dans la recherche d'un
meilleur emploi comme l'a affirmée A. Gassama : « les
compétences s'acquièrent par apprentissage et par cumulations
d'expériences, dans les familles urbaines. Le cumul de savoir-faire et
de savoir-être permet aux travailleuses de passer des familles
employeuses les plus modestes à celles qui peuvent offrir un salaire
plus élevé, d'où l'instabilité des domestiques,
surtout en période de tension du marché. A la stabilité
des bas salaires, la travailleuse domestique semble préférer
l'instabilité provoquée par la recherche d'un salaire
élevé28 ». Plus loin, elle mentionne les
principales causes de rupture des contrats : « Parmi celles-ci, nous
pouvons noter la maladie et les conflits liés aux horaires et à
l'ampleur du travail. Nous trouvons également des motifs
stratégiques comme les départs pour trouver un meilleur emploi ou
des motifs plus graves comme le harcèlement sexuel29
». Les témoignages recueillis confortent cette thèse et
ajoutent d'autres motifs non moins importants.
A. Les raisons avancées par les employées de
maison
Diverses raisons sont avancées mais les plus importantes
sont les suivantes :
- Salaire insuffisant, fractionné ou non perçu
- Disputes fréquentes
- Maladies
- Grossesses
- Traitements dégradants
- Jalousie excessive des patronnes
- Mariages
En ce qui concerne les employeurs les causes de rupture sont
diverses, mais celles-ci sont
28 Ibidem p. 62
29 Ibidem p. 63
plus fréquentes.
65
B. Les motifs de licenciement
- L'incompétence
- Le vol (la perte de confiance)
- Les absences répétées
- Les grossesses
- La paresse
- La maladie
- Le (long) séjour au village
Ainsi, comme nous venons de le voir, les motifs de rupture
sont variés et souvent sujets à contestation par l'autre partie,
mais les voies de recours ne mènent pas plus loin qu'au poste de police
que d'aucuns estiment être de connivence avec les employeurs. Par
conséquent, la procédure de règlement des conflits
individuels gérée par l'Inspection du travail est parfaitement
ignorée, sauf dans les segments restreints impliquant des employeurs
expatriés ou libano-syriens.
VI. L'état du contentieux dans ce domaine
A ce niveau, il faut rappeler que les conflits (qui ne peuvent
être qu'individuels dans ce secteur d'activité) survenant à
l'occasion du contrat sont pris en charge, à l'initiative de l'une ou
l'autre des parties, non pas par la police, mais par l'Inspection du Travail et
de la Sécurité Sociale et par les tribunaux du travail en vertu
des dispositions des articles L 241 et L 229 du Code du Travail.
Cependant, beaucoup de différends concernant des
employés de maison sénégalais et la catégorie
d'employeurs mentionnée plus haut ont été effectivement
pris en charge par l'Inspection régionale du travail de Dakar avec des
fortunes diverses. Ces recours portés devant l'inspection du travail
sont moins le résultat d'une nouvelle conception du rôle de
l'inspection du travail de la part des employés de maison que l'action
de syndicalistes véreux , qui se préoccupent plus de commissions
que du respect des droits des travailleurs domestiques.
A. A l'inspection régionale
De nombreux conflits individuels ont été
réglés avec succès et ont fait l'objet de
procès-verbaux de conciliation de janvier 2008 à février
2009.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
66
Les réclamations ont généralement
porté sur la prime de transport, le défaut de bulletin de
salaire, la non prise de congé, l'indemnité de congé,
l'indemnité compensatrice de congé, la prime d'ancienneté,
la régularisation aux institutions de prévoyance sociale, les
rappels différentiels de salaire, la non prise du repos hebdomadaire.
Pour les cas où la relation de travail ne s'est pas poursuivie, les
chefs de réclamation ont porté sur des dommages et
intérêts, l'indemnité compensatrice de préavis,
l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de
congé et la remise du certificat de travail.
Plus de la majorité des 55 cas
répertoriés durant cette période
intéressaient des domestiques travaillant pour le compte d'employeurs
non sénégalais ayant bafoué les droits de leurs
employées pour l'une ou l'autre des raisons évoquées
ci-dessus.
Ils se répartissent de manière inégale selon
les mois comme on peut le voir sur le tableau.
Mois
|
Nbre
conciliation
|
Mois
|
Nbre
conciliation
|
Mois
|
Nbre
conciliation
|
janvier
(2008)
|
2
|
juin
|
4
|
novembre
|
2
|
février
|
1
|
juillet
|
6
|
décembre
|
6
|
mars
|
4
|
août
|
0
|
janvier
|
0
|
avril
|
9
|
septembre
|
2
|
février
|
9
|
mai
|
2
|
octobre
|
8
|
|
|
Cependant, l'exercice des bons services de l'Inspection
régionale de Dakar s'est souvent heurté à
l'incivilité et la mauvaise volonté de certains employeurs de
régler les conflits à l'amiable. En effet ; ce ne sont pas moins
de 26 procès-verbaux de non-conciliation qui ont
été dressés et transmis au tribunal du travail, de janvier
à décembre 2008, d'après le tableau ci-dessus :
67
Les employés de maison dans le droit social
|
|
présenté par Ibra Ndoye
|
|
|
|
|
|
|
Mois
|
Nbre p.-v.
|
Mois
|
Nbre p.-v.
|
Mois
|
Nbre p.-v.
|
janvier(2008)
|
1
|
mai
|
4
|
septembre
|
1
|
février
|
2
|
juin
|
0
|
octobre
|
5
|
mars
|
3
|
juillet
|
0
|
novembre
|
3
|
avril
|
4
|
août
|
1
|
décembre
|
2
|
B. Au tribunal régional
Au niveau du tribunal du travail, la procédure de
règlement des conflits individuels est à peu près la
même qu'à l'inspection du travail, puisque la tentative de
règlement à l'amiable y est également une formalité
substantielle. L'article L. 251 du Code du Travail que : « lorsque les
parties comparaissent devant le président du tribunal du travail, il est
procédé à une tentative de conciliation ». C'est
seulement en cas d'échec que le président déclare ouverte
la phase contentieuse. Malheureusement, cette phase est
caractérisée par la lourdeur de la procédure qui peut si
elle perdure porter préjudice au requérant ; d'autant plus que
les jugements rendus en dernier ressort et les arrêts de la cour d'appel
sont susceptibles de recours devant la chambre sociale de la cour
suprême. C'est pour dire comme le dit l'adage un mauvais accord vaut
mieux qu'un bon procès. Cependant, l'on doit se garder à
l'étape de l'inspection du travail d'entériner un accord
susceptible de porter atteinte aux intérêts irréfragables
du travailleur.
A noter qu'en cas d'urgence, la formation de
référé peut permettre d'abréger les délais
au niveau du tribunal.
Chaque année de nombreux procès-verbaux de non
conciliation sont transmis au tribunal du travail par l'inspection
régionale du travail et de la sécurité sociale, dont elle
ignore la suite qui leur sera réservés. En effet il n'y a
à ce jour aucun feedback en direction de l'inspection, ce qui
dénote de l'absence de collaboration entre ces deux maillons du
système. Par ailleurs, la réglementation sur le travail
domestique que nous avons revisité dans la première partie
connaît une application marginale au Sénégal ; d'où
la nécessité de voir dans ce qui suit les principales causes de
cette situation qu'on peut qualifier de paradoxale.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
68
Chapitre II Les principales causes de la
non application des dispositions légales
En Afrique, il n'y a pas eu de droit du travail pendant une
bonne partie de la colonisation, et des drames comme « la traite
négrière et le travail forcé étaient même une
négation du droit du travail30 ». Ce ne fut
finalement qu'après les années trente et surtout à la fin
de la seconde guerre mondiale que les premières bribes de
législations virent le jour. Cette lente évolution arriva
à terme en ce qui concerne les pays francophones en 1952 avec le Code du
travail d'outre-mer, largement inspiré des textes métropolitains.
Est-ce que ce n'est pas cette référence initiale qui a
engendrée des écarts entre le droit et le fait comme beaucoup
d'auteurs le pensent ?
Ousmane Oumarou Sidibé est de ceux-là ; il
soutient que la cause de ces écarts est liée aux deux conceptions
différentes qui subsistent toujours en Afrique. D'une part la
conception, décalée de la réalité selon laquelle,
il existe un cadre formel des relations de travail englobant une
minorité de travailleurs, les salariés des villes qui usent de
leurs droits à la négociation collective et à l'action
revendicative à travers la grève et la protestation. D'autre
part, le second modèle correspondant davantage aux
réalités africaines puisqu'il concerne à la fois les
travailleurs du secteur formel et du secteur non structuré,
agriculteurs, artisans, commerçants etc. Malheureusement, les Codes du
Travail ne tiennent compte que des travailleurs du cadre formel, classique,
plus proches des réalités des pays du Nord. Ce qui milite en
faveur de la thèse selon laquelle, « le formalisme excessif des
textes inadaptés au contexte africain, ajouté à
l'insuffisance notoire des administrations du travail sur le plan logistique et
organisationnel font que l'essentiel du monde du travail échappe en
pratique à la législation du travail 31». En
ce qui concerne les employées de maison, cette exclusion de fait du
champ des relations sociales est accentuée par de nombreuses
particularités propres à l'activité domestique.
I. Un contrat de type particulier
30 Ousmane Oumarou Sidibé,
réalités africaines et enjeux pour le droit du travail, Afrilex
2000/00
31 Ibidem
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
69
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
70
La première particularité du contrat des gens de
maison c'est que dans l'écrasante majorité il n'y a pas de
contrat, comme on a eu à le constater lors de nos entretiens. Tout au
moins, tout ce qu'il y'a c'est un contrat oral dont les clauses sont
imprécises se limitant souvent au montant du salaire. L'oralité
qui reste un grand trait de notre civilisation subsiste dans plusieurs domaines
et relègue toujours l'écrit au second plan. Cet héritage
culturel conjugué à l'analphabétisme endémique chez
les femmes, malgré les percées notoires du Programme
Décennal pour l'Education et la Formation avec ses composantes
accès, qualité et gestion, éloigne de plus en plus le voeu
de voir l'adoption de contrats écrits. En dépit des efforts
importants réalisés dans le cadre des campagnes
d'alphabétisation, seuls 37,8% des adultes (âgés 15 ans et
plus), ont la capacité de lire et écrire dans une langue
quelconque. C'est dire que le fléau de l'analphabétisme persiste
encore surtout chez les femmes avec plus de 70%, d'après les chiffres de
2005 repris dans le DSRP II. Par conséquent l'absence de contrats
écrits coule de source ; aucune des parties n'en perçoit la
pertinence étant donné que pour établir un contrat de
travail il faut au moins savoir lire. Même l'absence de contrat n'entame
en rien la validité de la relation de travail, « la preuve de
son existence pouvant être apportée par tout
moyen32 » il se pose le problème du respect des
clauses orales du contrat, le respect de la parole donnée auquel nos
anciens tenait beaucoup n'a plus la même importance de nos jours.
Une autre particularité est à rechercher dans
les parties en présence, qui sont toutes deux exclusivement des
personnes physiques ; l'employeur et le travailleur unis par un lien de
subordination fortement personnalisé que le premier exerce sur le
second. Cette ascendance démesurée de l'employeur s'explique par
la dépendance matérielle33 voire l'assujettissement de
l'employé ; celle-ci est accentuée et devient même
psychologique lorsque l'employé est logé par son patron. Le
caractère invisible du travail domestique rend difficile toute
organisation des travailleurs domestiques en vue de revendiquer leurs droits.
La conséquence en est, et cela reste la troisième
singularité, que le taux de syndicalisation est très faible car
l'isolement rend difficile la constitution de syndicats tout comme
l'établissement de contacts entre eux.
En outre, la cohabitation avec l'employeur entretient chez le
travailleur domestique l'idée qu'il « fait partie de la famille
», situation ambiguë dans laquelle la frontière entre les
relations
32 Loi 97-17 du 1er Décembre 1997,
article L. 32
33 BIT : S'organiser pour plus de justice sociale,
rapport du directeur général (Genève, 2004)
professionnelles et les relations affectueuses n'est pas
clairement tracée, si bien qu'il est difficile à l'employeur de
reconnaître les droits de son employé et à ce dernier de
les faire valoir34. En d'autres termes, le travail domestique «
occupe aujourd'hui une zone floue entre les relations marchandes et les
relations non marchandes »35
Enfin, on peut noter le silence de la législation qui
s'est fait sentir dans ce secteur plus que dans tout autre au nom du principe
de non-ingérence de l'Etat dans la vie privée qui gêne
surtout en ce concerne l'application qui passe forcément par un
contrôle.
C'est ce caractère invisible de l'emploi domestique
susmentionné qui fait dire qu'il « dissimule36 »
ses travailleurs parmi lesquels on compte de nombreuses fillettes qui sont
recherchées pour leur docilité, car n'ayant pas encore
contracté « de mauvaises habitudes » comme l'ont
affirmé certains employeurs et leur coût moindre. Malheureusement,
ce travail réalisé à l'abri des regards indiscrets fait le
lit de beaucoup d'abus graves tels que les violences physiques, le
harcèlement sexuel et même des viols qui finissent rarement en
justice car les victimes restent convaincues que la loi les
déprotège. Sans compter qu'il est souvent difficile de fournir
des preuves du fait que les membres de la famille de l'employeur ne vont jamais
témoigner à charge contre leur père, tante ou soeur. A ces
caractéristiques du contrat de travailleur domestique se sont
ajoutés d'autres facteurs bloquants de divers ordres qui feront l'objet
d'une étude minutieuse ci-après, lesquels ont tous
contribué à son essor sans que l'encadrement juridique ne
suive.
A. Des raisons socioculturelles
Conformément à une tradition répandue en
Afrique, il n'était pas rare de voir des familles élargies,
pauvres, « prêter » une ou deux jeunes filles à un
parent citadin qui avait besoin d'un coup de main dans les tâches
domestiques. En retour, ce dernier les soulageait des charges liées
à la subsistance et à l'éducation qui est censée
être de meilleure qualité en ville, dans la famille d'adoption.
Cette pratique appelée aussi « confiage » se faisait dans un
contexte où le rôle des filles et des femmes étaient
limité à ceux d'épouse et de mère. C'est ainsi que
les filles grandissaient avec leur famille d'accueil qu'elles connaissaient
bien et étaient plus ou moins acceptées. Il se pose la question
de savoir si on était bien en présence d'un contrat proprement
dit,
34 Ibidem
35 B. Anderson, Migration policies and vulnerabilities
of domestic workers, Hong Kong fév. 2003 p. 16
36 Document de travail ACP-UE sur le travail des
enfants, 14 février 2008
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
71
on est tenté de répondre par la négative
du fait du caractère ambigu de la relation, lié au fait que le
placement de la fille dans une famille d'accueil visait d'une part à
préparer la jeune fille à ses futures tâches de
maîtresse de maison, d'autre part il relevait d'un processus de
socialisation37. De surcroît, la fille qui s'intégrait
bien dans sa famille d'accueil en devenait un membre, ce qui excluait toute
revendication ou réclamation au risque de se voir « renvoyé
». Face à l'incertitude relative aux rapports de type familial et
ceux de simples échanges marchands chez les employeurs, nous pouvons
constater que « plus le salaire est élevé moins on
traite les domestiques comme des membres de la famille38
». Néanmoins, dans d'autres cas l'adulte qui accueillait la fille
jouait le double rôle de tuteur et d'employeur paradoxalement, ce statut
hybride ne la mettait pas à l'abri d'éventuelles maltraitances,
d'autant moins que le non respect de ses droits était mis sur le compte
de l'éducation et de la socialisation.
Plus tard, avec le développement de l'exode rural suite
aux vagues de sécheresse du début des années quatre-vingt
qui ont eu pour conséquence le dépeuplement des campagnes, il a
été noté un important flux migratoire saisonnier de jeunes
des deux sexes qui était l'unique réponse face aux nombreuses
contraintes de la campagne. C'est ainsi que des jeunes filles sans moyen et
même sans aucune qualification parvenaient à se procurer un revenu
synonyme de nouvelles perspectives dans la vie. Cette nouvelle
opportunité économique qui s'offrait à des milliers de
jeunes filles a progressivement sonné le glas de l'assistance
ménagère intrafamiliale, sans transition, ce qui augurait de
l'impréparation dans laquelle les employeurs étaient pour
s'acquitter de manière adéquate des nouvelles obligations qui
pesaient sur eux. D'autant plus que le déséquilibre dans la
relation de travail employeur-employé en défaveur de ce dernier,
s'accentue dans le travail domestique, le transfert de main-d'oeuvre se faisant
des ménages pauvres vers les foyers riches. Bref, c'est une nouvelle
division du travail qui s'instaure entre des citadines souvent
éduquées et femmes migrantes dont l'emploi tout comme les
conditions de travail sont souvent précaires.
B. Précarité de l'emploi
D'abord il faut dire qu'on choisit rarement d'être
domestique, mais c'est à la suite de problèmes tels que la
négligence des parents qui prive les enfants de leurs droits
fondamentaux ou de drames familiaux (décès du père qui
subvenait aux besoins de la famille, divorce, décès du
37 « Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes
à Dakar, mars 1994
38 Gassama A., Les marchés du travail
domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p.
171-184
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
72
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
73
mari ; les hommes étant beaucoup plus âgés
que leurs épouses) qui plongent les filles et jeunes femmes dans cette
activité.
Dans ce même ordre d'idées, l'appartenance
à une famille nombreuse dont le chef ne peut subvenir aux besoins
primaires de sa progéniture est également
considérée comme un facteur d'impulsion.
Il y'a également des facteurs d'attraction tels que la
reproduction sociale et l'influence des pairs qui se sont opérés
dans un contexte de mutation sociale. En effet, « le processus
d'urbanisation a été à l'origine d'un changement social
qui a modifié le rôle des femmes et des mères qui doivent
à présent trouver des solutions pour s'occuper de leurs foyers et
de leurs enfants39 ».
La précarité du travail domestique se mesure
à l'aune du marché essentiellement informel où il
s'échange, des termes des contrats implicites qui s'y nouent et enfin
des motifs de rupture dont nous avions parlé dans les
développements précédents.
L'examen des conditions de travail nous a permis de voir que
les journées de travail sont longues et qu'il n'y a presque pas de
congés hebdomadaires ni annuels. Et pis encore, il n'y a pas de
congé de maternité ni de maladie. Par conséquent, la
pénibilité du travail engendre une dégradation
précoce de la santé.
Par ailleurs, on remarque aussi que « la
rémunération du travail domestique est aussi affectée par
le manque de prise en charge médicale, des risques du travail et de la
vieillesse qui influent directement sur la reproduction et sur le travail des
enfants qui prennent la relève en cas d'incapacité des parents,
pour assurer la retraite ou pour améliorer le revenu, suivant le
modèle de solidarité familiale des communautés
domestiques40 ».
La seule note d'espoir réside dans le fait que le
marché non qualifié des travailleuses domestiques se structure ;
une identité professionnelle et des causes communes à
défendre ensemble sont nées, bref une prise de conscience grosse
de perspectives. Toutefois, la structuration du marché du travail
domestique est loin d'être homogène, on n'y a noté une
dichotomie ; ce qui vient confirmer la thèse défendue par les
tenants de la segmentation du marché de l'emploi.
39 Travail domestique des enfants en Ouganda,
Tanzanie, Zambie et au Kenya : bonnes pratiques innovantes pour le combattre,
Dakar, BIT, 2007
40 Gassama A., Les marchés du travail
domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p.
171-184
C. La segmentation du marché de l'emploi
domestique
La théorie de la segmentation du marché du
travail si chère à P. B. Doeringer et M. J. Piore fait
référence au mythe d'un système inégalitaire.
Ainsi, on est non plus en présence d'un mais de deux marchés du
travail. Sur le premier, on trouverait les emplois stables, relativement bien
payés avec à l'appui une possibilité de carrière.
Dans ce compartiment, les travailleurs sont nantis d'une certaine valeur
ajoutée qui reste l'élément décisif. A contrario,
sur le marché secondaire, on trouve des entreprises confrontées
à des contraintes conjoncturelles et concurrentielles qui
répercutent l'incertitude sur leurs salariés.
Une autre variante de cette segmentation au sein des grandes
entreprises se manifeste par le dualisme qui permet de distinguer un
marché interne où les salariés bénéficient
de nombreuses garanties avec des perspectives de promotion, et un marché
externe sur lequel retombent les contraintes de la flexibilité. C'est
ainsi que par le biais de l'externalisation, le gardiennage et les services
d'entretien sont effectués par des entreprises recourant à une
main-d'oeuvre déprotégée.
Le marché du travail domestique41 au
Sénégal n'échappe pas à cette donne, sauf qu'ici
les segments sont multiples. « Nous avons pu remarquer que le groupe
professionnel précaire des travailleuses domestiques est
constitué de plusieurs segments caractérisés par le niveau
de qualification et de salaire qu'il induit. Les segments aux niveaux de
qualification les plus faibles connaissent les plus bas salaires et sont
majoritaires dans les marchés les plus ouverts et les plus instables.
Les segments avec un haut niveau de qualification sont les plus nombreux dans
les marchés les plus fermés et les plus stables ».
Au Sénégal, dans ce segment plus qualifié
où les emplois sont stables, on trouve les domestiques qui sont au
service des employeurs expatriés ou Libano-syriens dans une certaine
mesure, plus attentifs à la législation car échappant aux
pesanteurs socioculturelles. La qualification passe, entre autres, par une
certaine maîtrise de la langue française, de certains appareils
électroménagers, une certaine ouverture d'esprit, des aptitudes
culinaires. De ce fait, les traitements salariaux sont proches de ceux
convoités, la protection sociale est garantie ; bref leurs
compétences sont reconnues et valorisées. Cependant, il faut
noter que ces segments, bien qu'échelonnés, ne sont pas
cloisonnés, ce qui génère une certaine
précarité de l'emploi étant donné que certaines
travailleuses mécontentes de leur sort, sont à l'affût et
n'hésitent pas à
41 Ibidem
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
74
s'engager pour le compte d'un plus-offrant, car la non
application de la réglementation, par delà les manifestations
liées à la sociologie des professions, s'explique
également par de multiples causes dont la vulnérabilité
qui frappe ce groupe professionnel.
D. La vulnérabilité des employés de
maison
Les travailleuses domestiques sont vulnérables en ce
sens qu'elles sont entre l'enclume d'une réglementation qui peine
à leur forger un statut véritable dans l'univers des travailleurs
et le marteau du diktat des employeurs qui retardent encore leur aspiration
à gagner leur vie avec dignité. Cette situation découle de
la conjonction de plusieurs facteurs notamment leur situation de femmes
(filles) migrantes issues du milieu rural, analphabètes ou
déscolarisées dont l'unique espoir reste le louage de leur
savoir-faire et leur savoir-être dans un marché du travail
saturé, très ouvert car n'exigeant pas de qualification
poussée, d'autant moins que c'est « un travail de femme
42». Cette vulnérabilité est accentuée par
l'absence de leurs parents biologiques surtout chez les plus jeunes, et
l'absence de réseaux de soutien à même de faire un lobbying
à leur faveur, donc elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes.
La non prise en compte du travail domestique dans beaucoup de pays, le fait
qu'il ne peut pas encore se départir d'une dimension servile qui avait
prévalu à une certaine époque, l'absence de protection
sociale, bref tout ces « déficits de droits » sont liés
à une question de genre : les femmes étant toujours victimes de
discriminations nonobstant les campagnes tapageuses pour l'émancipation
et la parité. On avait évoqué l'isolement, la
dépendance et le cloisonnement qui caractérisent
l'activité domestique qui font de ces travailleuses des proies faciles
face à des employeurs malintentionnés en ce qui concerne des abus
physiques, psychologiques, sexuels ou moraux. Le journal,
Walf'Grand-place43 est revenu sur l'affaire
opposant une domestique à son employeur, polygame vivant seul à
Ouest-Foire, qu'elle a accusé de viol. Ce dernier l'avait trouvée
au rond-point Liberté 6 et ils étaient tombés d'accord sur
un salaire de 30.000 FCFA. Le plus grave c'est que ce monsieur est un
récidiviste puisqu'il avait été condamné à
six mois de prison ferme en septembre 2008 pour une accusation de viol sur une
domestique. Dans cette seconde affaire, il a expliqué que
c'étaient des rapports consentants pour flouer le tribunal. Des
scandales pareils ne sont pas rares au niveau des familles employeuses mais
l'on opte souvent pour le règlement à l'amiable ou la
dénégation, ce qui rend la fourniture de preuve très ardue
pour les victimes qui finissent par ne plus se perdre
42 Travail domestique des enfants en Ouganda,
Tanzanie, Zambie et au Kenya, op cit p. 71
43 Walf'Grand-place, N° 1015, vendredi 24 avril
2009
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
75
dans les dédales de la justice. C'est dire que quand
une affaire s'ébruite, il y'en a des dizaines tues. Ainsi, il faudrait
nécessairement qu'une structure d'assistance judiciaire soit mise en
place pour que de tels abus cessent.
Ce n'est donc pas un hasard si l'on constate au niveau des
domestiques une proportion élevée de
mère-célibataires, de grossesses précoces et une forte
propension à l'infanticide voire l'avortement clandestin car un enfant
sur le dos ne rime pas avec un bon rendement dans le travail, si l'on se met
à la place de l'employeur. Celles qui, malgré tout, trouvent du
travail doivent se contenter d'un salaire dévalué.
Peut-être qu'une éducation à la santé de la
reproduction, sur la prévention du VIH serait tout à fait
indiquée pour cette cible pour éviter ces déboires.
A coté des conditions de travail peu enviables, il faut
souligner que les conditions de vie sont aussi déplorables. Plus de 3/4
des travailleuses domestiques logent par groupe de 11 personnes, en moyenne.
Elles s'entassent dans des pièces mal aérées sommairement
équipées, loin de sanitaires, sans accès directe à
l'eau courante, dans des quartiers mal famés, puisque ce sont les seules
habitations à portée de leurs maigres avoirs. C'est pourquoi
beaucoup préfèrent habiter chez l'employeur, ce qui leur permet
de faire des économies sur le transport, le loyer et la nourriture,
même si le travail n'y connaît pas de répit.
En outre, s''il est vrai que le harcèlement sexuel est
courant dans le monde fermé du travail domestique, il ne faudrait pas
toujours jeter l'anathème sur les employeurs, car il existe de filles,
une minorité je présume, qui sèment le trouble dans de
paisibles ménages par des pratiques moralement détestables, si
l'on en croit aux dires de Tata Michelle, une intermédiaire qui a pignon
sur rue au rond-point Liberté 6. Cela nous emmène à nous
interroger sur la connaissance des prescriptions légales incombant aux
deux parties.
E. L'ignorance des droits et obligations liés
à l'activité domestique
L'employée de maison n'a pas que des droits, même
si beaucoup d'entre ceux qui lui sont reconnus par la législation
sociale ne sont pas encore tombés dans son escarcelle, elle a aussi des
devoirs. Ceux qui relèvent des clauses du contrat de travail, aussi
implicites soient-elles, et des principes moraux qui doivent régir son
comportement dans la gestion et le respect du bien d'autrui. Durant les
entretiens, certaines ont insisté sur « le double rôle de
domestiques et de gardiennes qu'elles jouent durant la journée, ce qui
les expose à de nombreuses difficultés, car
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
76
leur responsabilité est engagée pour tout
dommage ou toute disparition 44». Ce qui leur vaut parfois
d'être amenées au commissariat et interrogées sans
ménagement.
Les domestiques doivent veiller à :
- S'acquitter consciencieusement de leur travail et à
respecter les biens de l'employeur
- Ne pas outrepasser leurs prérogatives
- Ne pas mettre en péril l'équilibre des couples -
Ne pas perturber l'harmonie familiale
Les employeurs ont beau détenir le pouvoir de
direction, de sanction mais pourvu qu'ils s'acquittent normalement des
obligations qui pèsent sur eux, ne serait-ce qu'en reconnaissant le
rôle central que joue les travailleuses dans l'équilibre de leur
foyer. « Nous aspirons aux mêmes idéaux que nos
employeurs qui sont des femmes comme nous. Nous assumons les tâches
domestiques, nous les libérons en leur donnant le temps de se mesurer
à d'autres ou de monnayer leur talent pour que respect et admiration
leur soient dus45 ». Par conséquent, il
est aujourd'hui impérieux que :
- Les employeurs aient une meilleure considération de
leurs employées de maison, et plus de respect pour elles.
- Les tâches et les horaires de travail tiennent compte
de leurs capacités, de leurs compétences et de leurs aspirations
légitimes.
- La parole donnée lors des négociations en vue
d'établir le contrat de travail soit respectée.
II. Le caractère temporaire de
l'activité Ce caractère découle de plusieurs
facteurs :
A. La conception traditionnelle de l'activité
C'était une activité qui n'était qu'une
parenthèse dans la vie de la jeune fille, en ce sens qu'elle lui
permettait de gagner sa vie pour subvenir à ses besoins immédiats
(habillement, nourriture etc.), à aider ses parents en attendant de
trouver un mari et rentrer au village.
La finalité de ce « modèle marchand »
était la même qu'avec le système du placement dans une
famille d'accueil connu aussi sous le vocable de « prêt social
». Ce dernier, dont on a déjà parlé,
44 « Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes
à Dakar, ENDA, 1993, p. 29
45 Ibidem
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
77
consistait à transférer la responsabilité
de l'éducation, de la socialisation qui incombait aux parents
biologiques vers une tierce personne, souvent un parent. Dans les deux cas, le
travail prenait fin avec le mariage et l'ex-employée rejoignait le
domicile conjugal nantie d'une expérience durement acquise qu'elle va
mettre à son propre profit.
B. Les conditions de travail difficiles
Aujourd'hui, celles-ci sont souvent
caractérisées souvent par une certaine pénibilité
à cause de la durée de la journée de travail, de l'absence
de repos, de la non prise en charge de la maladie et de la maternité qui
génèrent un surmenage physique et psychologique, bref une
dégradation précoce de la santé qui mènent beaucoup
vers une retraite anticipée tout aussi incertaine. Heureusement, le
phénomène de la reproduction aidant, il arrive souvent que ces
vaillantes dames encouragent ou obligent leurs enfants à suivre leur
trace. Cela est d'autant plus facile que leur connaissance du milieu leur
permet de placer leurs filles, nièces qui peuvent malheureusement
être retirées de l'école si elles font l'affaire.
En réalité, cette retraite doit être
relativisée car celles qui ne retournent pas au village se
reconvertissent dans d'autres activités pour pallier la perte de
revenu.
C. La mobilité verticale
Elle se traduit par une reconversion partielle ou totale dans
une autre activité ; celle-ci dépend de plusieurs facteurs
notamment l'âge, la situation matrimoniale, l'état physique de la
personne. La reconversion partielle, puisque la sphère de travail reste
la maison ou sa périphérie, se fait par des contrats de
prestations de service qui concernent principalement le lavage du linge et le
repassage une fois par semaine au profit de plusieurs familles,
rétribués journalièrement ou mensuellement. Une femme
reconvertie, qui s'est lancée dans ce « filon » évalue
ses aspects positifs en termes d'autonomie, donc absence de lien de
subordination fort, de temps de repos suffisant et de gains corrects. «
Nous pouvons gagner autant ou plus pour un travail moindre » dit-elle.
Seulement, le problème qui se pose reste la fidélisation des
clients pour avoir d'importantes commandes. Mais il faut dire que la
reconversion concerne aussi de jeunes filles avec peu d'expérience.
D'autres femmes choisissent d'être des pileuses ou
vendeuses d'eau et opèrent dans les quartiers en construction. A
celles-là s'ajoutent les intermédiaires ou courtiers qui
encadrent et placent de
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
78
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
79
jeunes domestiques aux niveaux des aires de regroupement
moyennant commissions.
La reconversion totale se fait dans le secteur du petit
commerce : vente de céréales, de couscous qui nécessite un
petit capital. Cependant d'autres projets plus ambitieux tels que les salons de
coiffure, la couture germent dans la tête de ces travailleuses car le
travail domestique ne leur offre pas les opportunités dont elles ont
rêvées.
D. Absence de perspectives d'avenir du travail
domestique
Le contexte de crise économique durement ressenti par
les familles employeuses qui s'est traduit par des conditions de travail
difficiles n'a pas infléchi le flux migratoire qui alimente le
marché qui a atteint son seuil de saturation. L'enquête
publiée dans le DSRP2 a montré que les ménages ruraux sont
plus pauvres que ceux urbains d'où ce phénomène d'appel
d'air qui a fini par désorganiser les structures villageoises avec le
départ des bras valides.
Par ailleurs, la saisonnalité de l'activité est
un autre des traits particuliers du travail domestique au
Sénégal.
E. La saisonnalité de l'activité
Elle empêche le passage à un stade de
professionnalisation de l'activité, synonyme d'une marchandisation de
services domestiques, stable qui romprait avec son informalité. Cette
précarité « a plongé les relations entre
employeurs et employées dans une crise latente qui affecte les femmes
employeuses alors qu'elles comptent de plus en plus sur la participation des
domestiques aux tâches ménagères pour pouvoir s'en
libérer elles-mêmes46 ». Le marché a
beau être saturé mais les départs cumulés durant
certaines périodes telles que la saison des pluies sont synonymes de
fluctuations du marché qui entrainent la diminution de l'offre.
Néanmoins il faut relativiser l'impact de cette « morte-saison
», car c'est le moment choisi par une autre catégorie de
travailleuses à temps partiel pour prendre la relève. Il s'agit
essentiellement d'élèves qui contrairement aux autres sont
toujours dans le circuit scolaire et dont la principale motivation est de
mettre de l'argent à de côté pour faire face aux futures
dépenses scolaires : frais de scolarité, effets vestimentaires
etc.
Au vu de tous ces aspects sociologiques qui empêchent
l'appropriation des textes réglementaires
46 Gassama A., Les marchés du travail
domestique au Sénégal, INNOVATIONS 2005/2, n° 22, p.
171-184
par les deux parties car n'étant pas en phase avec les
us et coutumes du milieu, ce qui permet de tirer la conséquence suivante
: «bien qu'il existe des textes de loi sur le personnel domestique, le
marché de l'emploi reste « informel » et échappe
largement aux régulations officielles47 ».
III. Des dispositions irréalistes
« La réglementation ne cadre pas avec les
réalités socio-économiques ; si la situation perdure et,
est tolérée, c'est parce que la masse s'y
complait48».
Du coté des employeurs, on dénonce les
prescriptions du droit social, car certains se disent aussi victimes
d'écarts par rapport au SMIG par exemple, ou qu'ils sont
étrangers à toute sorte de régulation car évoluant
dans le secteur informel. Mais nous savons bien que cet argumentaire ne saurait
prospérer, la loi étant impersonnelle et s'imposant à
tous. Le SMIG (209,10 FCFA /heure) du fait qu'il remonte à 1996 est
largement dépassé aujourd'hui, d'autant plus que, même le
salaire conventionnel hiérarchisé du manoeuvre première
catégorie, c'est-à-dire sans qualification est à 317,94
FCFA.
En outre, si la réglementation donne à
l'employeur le droit de déduire du salaire de son employé la
valeur de la nourriture et du logement, si ceux-ci sont fournis, force est de
constater qu'il est de coutume chez la quasi-totalité des employeurs
sénégalais d'accorder ces éléments du salaire
indirect gratuitement. Cette prédisposition chez beaucoup d'employeurs
est significative car elle montre que la loi, si elle va à l'encontre de
nos valeurs culturelles a du mal à s'imposer. Ainsi, les salaires
quelque modiques qu'ils soient pourraient même dépasser le salaire
minimum si on évaluait toutes ces libéralités
octroyées.
Craignant d'être perdantes si les employeurs mettaient
en oeuvre cette prérogative, retenues fiscales et salariales, les
intéressées elles-mêmes, paradoxalement doit-on dire,
préfèrent le statu quo et militent plutôt pour une
application progressive et non aveugle de la loi.
Malgré le fait que la pilule des salaires ne puisse pas
encore être avalée par les employeurs, les autorités
compétentes (le ministre du Travail par voie réglementaire) n'ont
de cesse de rehausser les salaires des employés de maison. Ce fût
le cas depuis la dévaluation du franc CFA où de nombreuses
augmentations de salaires ont été consenties dans l'optique
d'indexer les salaires sur le coût de la vie. De ce fait, les salaires
minima prévus par l'arrêté ministériel n° 1609
du 7
47 Ibidem
48 Entretien avec Mamadou Ndiaye, coordonnateur ENDA
Graf, Golf Sud Dakar
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
80
février 2000 qui consacrait la dernière hausse
enregistrée ont été revalorisés par celui n°
1036 du 9 avril 2002. Seulement, ces avancées sont d'autant plus
incongrues que dans la pratique les salaires hiérarchisés
prévus par l'arrêté 974 du 23 janvier 1968 ne sont pas
respectés par la grande masse des employeurs qui semble
anesthésiée ou dépassée par ces conquêtes
virtuelles. Cela renforce le caractère irréaliste de ces
dispositions réglementaires qui se heurtent à un mur
d'incompréhension au soubassement culturel voire socioéconomique.
Ainsi, on peut bien se demander pour qui cette réglementation est-elle
faite ? Sûrement pas pour les seuls employeurs expatriés ou la
poignée de sénégalais nantie qui y prête attention.
L'indifférence des autres découle d'une ignorance des textes dont
la teneur et la portée ne sont connues que des seuls spécialistes
du droit du travail. Par conséquent, un large travail de sensibilisation
doit être mené dans le cadre des stratégies à mettre
en place par les différents intervenants qui se préoccupent du
devenir des employées de maison qui aspirent aussi au mieux-être,
à la dignité, pour une jouissance effective du fruit de leur
labeur.
Autant, le dire toute de suite, cette lutte n'est pas
gagnée d'avance et les employées auront à compter sur
leurs principales alliées ... elles-mêmes, car ne sont-elles pas
les mieux placées pour parler et agir pour la défense de leurs
droits ?
Les défis interpellant les différents
intervenants et
recommandations
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
81
Chapitre I Les stratégies des acteurs pour
l'amélioration des conditions de vie et de
travail des employées de maison
I. Efforts d'organisation des travailleurs domestiques et
actions en leur faveur
A. De la communauté au syndicat
1. DE TIMIDES DEBUTS
Malgré leur condition de vie et de travail, les
employées de maison se sont organisées entre elles, par
affinité ethnique (Diolas, Sérères, Wolofs),
c'est-à-dire en fonction de leur lieu d'origine. C'est ainsi que
nombreuses associations ont été mises en place, tournées
essentiellement vers la gestion de situations d'urgence (décès,
maladies, autres problèmes) mais également de modestes
investissements au village (réfection salles de classes,
réparation de forages etc.).
Elles vivent en groupes solidaires dans les quartiers
populaires des grandes villes du pays. Cette vie communautaire obéit
très souvent aux traditions du village. L'ainée joue le
rôle de protectrice de toutes. Elle représente ses camarades
auprès du propriétaire de la maison. C'est encore elle qui
effectue la médiation en cas de conflit entre un membre du groupe et son
employeur, son action est aussi décisive pour recouvrer un salaire non
versé.
A l'origine, ces associations d'entraide par carré
communautaire ne se focalisaient pas sur l'amélioration de leurs
conditions de travail. Il a fallu le contact avec d'autres personnes ou groupes
de personnes et structures pour mettre sur pied de manière formelle des
associations
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
82
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
83
pouvant transcender les clivages ethniques et régionaux
qui prennent en charge la lutte pour de meilleures conditions de vie et de
travail. L'association des « Dames de Coeur » s'est illustrée
dans ce domaine.
B. L'association des Dames de Coeur
1. ORIGINE
Soucieux de participer au développement humain et
à l'épanouissement des couches déshéritées,
il a été créé cette association aux HLM grand
Médine, conformément aux dispositions statutaires de la loi
n° 61-09 du 15 janvier 1961. C'est une association de femmes unies et
animées d'un esprit de bénévolat et d'entraide, apportant
ainsi leur modeste contribution à l'amélioration des conditions
de vie et d'existence des populations. Cette association a des objectifs
d'ordre général, mais consacre une part importante de son action
aux employées de maison.
2. OBJECTIFS
Entre autres objectifs, l'association vise à :
- Contribuer à l'émancipation sociale et à
la formation civique des femmes,
- Lutter contre la pauvreté et l'analphabétisme,
- Sensibiliser les femmes sur des fléaux tels que le
paludisme, le VIH/ Sida, les IST, les
viols et les harcèlements sexuels, les grossesses
précoces, le refus de paternité,
l'avortement provoqué (sic)...,
- Offrir des formations aux membres dans des activités
génératrices de revenus,
- Créer une mutuelle d'épargne et de crédits
plus particulièrement pour les domestiques,
- Sensibiliser le grand public sur les droits des enfants,
- Contribuer à l'amélioration des instruments
juridiques de protection de la femme et de
l'enfant.
Pour réaliser cet ambitieux programme,
l'association compte sur plusieurs partenaires. 3. PARTENAIRES
Ce sont : ? Enda Tiers monde ? Tous les media
confondus
? Le Ministère de la santé ? Les
Daaras
4. ACTIVITES
L'association « Dames de Coeur » a eu à mener
diverses activités touchant des domaines variés.
a. Aide et assistance aux talibés
A ce jour 20 (vingt) Daaras bénéficient du soutien
de l'association qui concerne 1250 enfants.
b. Aide et assistance aux filles domestiques
Plus de 500 filles domestiques sont assistées,
encadrées et suivies sur le plan sanitaire. Parmi celles-ci, certaines
ont été prises en charge à cause des problèmes
personnels qu'elles ont rencontrés dans le cadre de leur travail. C'est
ainsi que deux bonnes émigrées, l'une au Liban et l'autre en
Angola, ont été rapatriées et rétablies dans leur
droit, sans oublier la prise en charge médicale d'une domestique
engrossée par son patron qui a refusé la paternité.
En quinze ans d'existence, l'association a relevé une
augmentation des abus liés au droit du travail et surtout la
prédominance de l'exploitation sexuelle des employées de maison
(viols, harcèlement sexuel etc.). Quarante-sept cas de grossesses non
reconnues ont été signalés.
Dans la même veine, l'association s'active
particulièrement autour de l'affaire M. D. qui est toujours pendante
devant la justice.
Agée de 16 ans, M.D. est une employée de maison,
fille d'employée de maison. Sa vieille mère travaille depuis 17
ans pour la famille Sarr au Parcelles Assainies comme lingère. Le chef
de famille vit avec son frère et tous deux sont polygames. Le premier a
3 épouses, son frère en a deux. La dame travaille cinq jours sur
sept pour la famille Sarr. Elle se fait aider par deux de ses filles toutes
employées de maison, qui une fois revenues du travail, prêtent
main forte à leur vieille maman. Un des fils de M. Sarr, à force
d'harcèlement finit par engrosser la petite M. D. Interpellé sur
les faits, le garçon refuse d'assumer son forfait au grand dam de la
fille. Aujourd'hui, elle a accouché d'une petite fille qui n'aura
peut-être pas la chance d'être reconnue par son père.
L'association espère bien que la justice tranchera l'affaire en faveur
de M. D.
Malgré les nombreuses contraintes, « Dames de Coeur
» voit l'avenir avec confiance.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
5. PERSPECTIVES
84
- Construction et équipement d'un centre d'accueil pour
enfants en situation difficile et filles domestiques,
- Formation des filles domestiques dans des activités
génératrices de revenus,
- Parrainage des enfants talibés et appui des marabouts
pour l'amélioration de leurs conditions de vie,
- Diversification des partenaires,
Ces actions notoires de l'association visent entre autres
à regrouper les employés de maison pour qu'elles puissent aller
en ordre serré dans le sens de poser leurs revendications. C'est
d'ailleurs la raison d'être du syndicat des employés de maison.
C. Le syndicat des gens de maison
En vertu des dispositions des conventions 87 et 98 de l'OIT,
portant respectivement sur les principes de liberté syndicale et de
protection du droit syndical et du droit d'organisation et de
négociation collective, qui soit dit en passant, font partie des huit
conventions fondamentales, lesquels sont repris par la constitution
sénégalaise en son article 25, le syndicat national des
domestiques et gens de maison a été mis sur pied, et, est
affilié à la CNTS. Son secrétaire général M.
Aliou Tandian, est revenu sur les difficultés auxquelles ils sont
confrontés ; elles ont pour noms : « salaires non
conventionnels, harcèlements sexuels, longues heures de travail, absence
de bulletin de paie ». En outre, ce syndicat plus que tout autre,
doit relever de nombreux défis à commencer par la massification
qui reste le premier argument d'un syndicat alors que le recrutement se heurte
à plusieurs écueils : le caractère
hétérogène de ce groupe, son caractère informel, la
faiblesse des niveaux de qualification, la répartition ethnique,
géographique et l'analphabétisme. En sus de ces contraintes de
nature socioculturelle, d'autres liés à l'exercice de la
profession concourent à plomber la montée en puissance de ce
syndicat. On peut citer pêle-mêle l'isolement, l'ampleur des heures
de travail, la non appréhension du véritable rôle du
syndicat, comme en atteste le faible nombre d'adhérents.
C'est pour inverser cette tendance défavorable que le
syndicat a mis en place un centre de formation et une mutuelle. Il s'agira
d'abord d'assurer la formation des membres dans le domaine
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
85
de la teinture et de la couture. Ensuite, il leur permettra de
connaître davantage leurs droits. Le centre se propose d'être un
outil de vulgarisation à la disposition des employeurs pour leur fournir
toutes les informations utiles sur les modalités d'embauche et les
dispositions réglementaires. Le syndicat national des domestiques et
gens de maison peut compter sur l'expertise de la CNTS pour atteindre ses
objectifs, entre autres la massification. « C'est dans cette politique
de rassemblement de tous les domestiques que nous essayons de renforcer les
capacités de leurs différentes déléguées
pour leur permettre d'accroître la sensibilisation » a
déclaré Mme Fatou Binetou Yafa, présidente du
comité national des femmes de la CNTS. En lui emboitant le pas, Mme
Véronique Niouky, présidente des domestiques dit tout l'espoir
qu'elle porte sur ce centre de formation, « la démarche est
salutaire, elle permet la formalisation de notre travail et
l'élimination des sévices auxquels nous sommes confrontées
», ajoute-t-elle. C'est dire que beaucoup reste à faire pour
que le syndicat des gens de maison occupe sa place dans l'univers syndical
sénégalais.
Par rapport à la Convention Collective Nationale
Interprofessionnelle dont ce syndicat était signataire,
déjà en 1982, elle dispose en son article premier,
quatrième alinéa que « des annexes par branche ou groupe
de branches professionnelles tenant compte des particularités de chaque
branche, notamment en ce qui concerne les catégories professionnelles
dans lesquelles sont classés les travailleurs seront conclus entre les
employeurs et les travailleurs représentant les branches
considérées ». Il n'a pas été
donné de suite favorable à cette disposition, faute d'avoir une
organisation patronale représentative. Par conséquent, les
employeurs des gens de maison ne sont aucunement liés par ses
dispositions qui sont plus favorables. De ce fait, le secteur domestique tout
comme le secteur agricole sont déshérités par rapport aux
autres secteurs régis par des annexes de la Convention Collective
nationale interprofessionnelle. Il appartiendra au syndicat des gens de maison
et d'autres qui suivront plus tard , à travers une action
éducative d'envergure, de lobbying et de plaidoyer d'aboutir à
moyen terme à une organisation forte susceptible d'infléchir dans
le sens souhaité la situation des employés de maison. D'où
la nécessité de faire appel à d'autres acteurs
étatiques ou non qui par leurs actions contribuent à rendre
l'avenir beaucoup plus radieux.
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
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D. L'action des acteurs impliqués
1. LES ACTEURS ETATIQUES
a. Le Ministère de la Fonction Publique, du Travail
et des Organisations Professionnelles
Il appartient à l'Etat de par ses fonctions
régaliennes de veiller entre autres à la bonne tenue de l'ordre
public social ou du climat social, comme on a coutume de dire à travers
ses structures compétentes. Ce travail exaltant est dévolu
à ce ministère à travers son bras armée, la
Direction du Travail et de la Sécurité Sociale qui chapeaute les
onze Inspections Régionales, toutes mises à contribution dans
l'élaboration des projets de loi et de règlements dans le domaine
social et le suivi de leur application, la prévention et le
règlement des différends, pour ne citer que ces missions.
La loi 97-17 du 1er décembre 1997 portant
Code du travail, déclinait ses ambitions dans l'exposé des motifs
en ces termes ; il s'agit d'adapter le Code du Travail « aux
réalités sociales et économiques de notre pays, en faire
un vecteur dynamique de la croissance et assurer à notre pays un
développement durable, dans l'équité et la justice
». Au nom du principe d'équité et de justice il doit
davantage contribuer à changer les mentalités et les
comportements par la dénonciation des abus et violation de toutes
sortes. Contrairement à beaucoup de pays où les employés
domestiques évoluent dans une zone de non-droit, les dispositions
légales prévues par le ministère de tutelle sont une
volonté manifeste du législateur sénégalais de
mettre fin à l'illégalité, un engagement pour la justice
sociale. C'est par des actions conjointes impliquant d'autres ministères
que cette question transversale pourra être résolue.
b. Le Ministère de la Femme de La Famille et de
l'Entreprenariat Féminin
Le Ministère de la Famille, de la Solidarité
Nationale, de l'Entreprenariat féminin et de la Micro finance, en tant
que point focal de la lutte contre la traite et les pires formes de travail des
enfants développe des stratégies consistant à intervenir
au niveau des zones de départ. Une étude menée dans le
département de Nioro a permis de juger de l'ampleur du mal. Selon ses
résultats, 42 % des 400 000 enfants recensés dans la rue y
prennent leur départ pour s'infiltrer dans les différentes
régions. Pis encore, 37 000 jeunes filles de 7 à 19 ans
travaillent comme employées de maison. Fort de ce constat, la
délégation ministérielle qui s'est déplacée
sur Nioro s'est engagée à
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
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présenté par Ibra Ndoye
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Les employés de maison dans le droit social
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mettre en oeuvre toutes les stratégies idoines pour
rester en conformité avec la convention 182 de l'OIT dont l'un des
principaux axes consiste à lutter contre la pauvreté et à
protéger les enfants.
C'est pour soutenir cette lutte que le gouvernement italien a
mis à la disposition du Sénégal, en décembre 2008,
un fond d'urgence de 117 millions de franc CFA pour le financement d'une
cinquantaine de microprojets en faveur des enfants et des familles
vulnérables. « En touchant les familles vulnérables, nous
touchons les enfants vulnérables. C'est dans ce cadre que des
activités génératrices de revenus seront mises à la
disposition des familles pour qu'elles fixent les enfants dans les foyers et
éviter ainsi les travaux domestiques précoces, les abus et la
mendicité », a confié le ministre de la famille.
Dans la même lancée, nous pensons que ce
ministère pourrait s'investir davantage dans le conseil puis le
financement de projets de reconversion d'employées de maison dans le
maraîchage, la restauration, le commerce etc. Cependant, la question des
employées de maison intéressent au premier chef d'autres acteurs
qui se sont déjà illustrés sur la scène
nationale.
2. LES ACTEURS NON ETATIQUES
a. Enda Tiers Monde
Environnement et développement du Tiers Monde
peut-être considérée comme l'un des partenaires
privilégiés des femmes en général et de la cause
des travailleuses domestiques en particulier.
Un des axes stratégiques majeurs en chantier s'intitule
: « l'égalité femmes! hommes, le genre en question ? »,
propositions pour susciter questionnements et débats, et croiser le
regard de la diversité des visions, des acteurs et actrices d'Enda et de
ses partenaires sociaux.
Enda a intégré la perspective de genre dans sa
mission institutionnelle lorsqu'elle s'est rendue compte :
- de l'importance du travail invisible et gratuit des femmes
(2!3 des heures travaillées dans le monde si l'on prend en compte les
travaux domestiques et les soins à la famille non comptabilisés
dans le PIB mondial,
- de la féminisation croissante de la pauvreté
(70% des personnes vivant avec moins d'un dollar par jour sont des femmes),
- de l'injuste surexposition des femmes aux violences, aux
mutilations, aux conséquences des conflits armés, aux MST,
à tous les types de discrimination.
Des entités et programmes d'Enda mettent en oeuvre des
actions en direction des femmes pour soutenir, valoriser, améliorer,
transformer leurs activités notamment traditionnelles dans le domaine
:
du micro crédit féminin (commerce, artisanat,
agriculture...) de la santé communautaire et de la reproduction
soutien aux organisations féminines offrant des
services à leurs communautés (jardins d'enfants, tontines,
caisses de crédit, restaurants communautaires, coopératives,
gestion d'équipements sanitaires, recyclage, maraîchage...)
Intervention auprès des femmes en situation
vulnérable (travailleuses domestiques, filles de la rue).
Au niveau national, Enda a mis en place plusieurs programmes
d'accompagnement des enfants travailleurs et d'organisation des travailleuses
domestiques qui ont connu beaucoup des succès. On peut citer à
titre d'exemple, la coordination des enfants travailleurs qui regroupe une
dizaine d'associations (Dakar, St Louis, Kolda, Fatick), les caisses populaires
des femmes, les mutuelles de santé féminines, la lutte contre la
déscolarisation des filles et les mariages précoces. On peut
également souligner les initiatives prises par des privées pour
la professionnalisation de l'activité domestique.
b. Les GIE de placement
Dans le sillage de la première génération
d'intermédiaires ou courtiers qui opèrent au niveau des aires de
regroupement, a suivi une seconde génération à cols blancs
plus soucieuse de rompre avec l'informalité et prônant la
professionnalisation des relations de travail. Les techniques de recherche de
travail consistant à faire du porte-à-porte ou l'attente au
niveau de certaines places stratégiques portent de moins en moins leurs
fruits, ainsi l'on se tourne vers des canaux plus modernes tels que la presse
écrite avec les petites annonces. Cependant, les clients qui deviennent
de plus en exigeants ne se fient plus aux annonces tout comme ils ne veulent
plus recruter directement une personne dont ils n'ont aucune
référence.
C'est justement pour combler ce vide que l'agence Oxo, sise
à l'avenue Blaise Diagne, a été
mise sur pied, il y'a juste deux mois. Cette nouvelle agence
de placement qui recrute dans tous les secteurs avec ou sans diplômes a
fait des émules puisque une autre agence, Touch'Atout s'est
lancée dans la même activité. Les secteurs dont il s'agit
sont : le travail domestique, le gardiennage, la restauration, la fourniture de
chauffeurs, les agents commerciaux etc.
Oxo a lancé sa première phase qui consistait
à recueillir une base de données de personnes chercheuses
d'emploi par une campagne agressive de publicité à travers divers
canaux médiatiques. C'est ainsi que des prospectus ont été
distribués dans tous les bus de Dakar (DDD). A l'issue de cette phase
les objectifs escomptés ont été largement atteints puisque
l'agence disposait d'un fichier de plus de 200 personnes.
Les fiches d'inscription individuelles permettent d'avoir les
différents profils ; on y trouve la photo d'identité, le niveau
d'instruction, la situation matrimoniale, les aptitudes, l'emploi
souhaité, les prétentions salariales etc. Les frais de dossier
s'élèvent à 2000 FCFA et la commission pour un placement
simple est de 10 000 FCFA à la charge de l'employeur. La commission est
beaucoup plus onéreuse pour un placement intérimaire car l'agence
souscrit à une police d'assurance pour rembourser le client en cas de
dommage, mais ici la relation devient tripartite ; le salaire étant
versé indirectement par l'agence.
La clientèle de l'agence va des
sénégalais ordinaires aux expatriés qui spécifient
exhaustivement leurs besoins ; certains s'attachent même à des
détails qui violent toutes les dispositions relatives à la non
discrimination à l'embauche : ethnie, religion...
Un autre problème relevé est relatif au non
respect du SMIG, car autant des employeurs proposent des salaires en dessous du
SMIG, autant les employées elles-mêmes ne font pas de fixation sur
le salaire-plancher, et prétendent parfois à des salaires de 30
000 FCFA alors qu'un employeur n'a pas le droit de payer en deçà
du SMIG, même d'accord partie. Face à ce dilemme, l'agence appelle
toujours les employeurs à se conformer à la réglementation
tout comme elle les incite à déclarer leurs travailleurs aux
institutions de prévoyance sociale (la Caisse de sécurité
sociale et l'Ipres). Cependant, le directeur reconnaît que le salaire
minimum au niveau de l'agence est de 30 000 FCFA.
Le travail de facilitation que fait l'agence sur la base des
dossiers fournis se base sur des critères objectifs de compétence
et il n'est pas rare qu'elle fasse des redressements, c'est-à-dire
renégocier
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
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des contrats plus avantageux sur la base du profil
présenté. C'est le cas d'une fille bachelière qui
cherchait un emploi domestique qui a été réorientée
dans le secteur des services avec une meilleure rémunération.
Aujourd'hui, le succès de la première phase est
tel que l'agence a du mal à satisfaire toutes les sollicitations de ses
clients, alors que la deuxième phase va débuter bientôt
avec des objectifs beaucoup plus ambitieux.
Ainsi, comme nous venons de le voir, la question d'un meilleur
devenir pour les employés de maison implique différents acteurs
à divers niveaux. Elle justifie la prise d'initiatives hardies que nous
avons passées en revue plus haut et dont l'évaluation nous
permettra de formuler des recommandations à la lumière de
l'aspiration des parties et des exigences du travail décent.
Chapitre II Les nouveaux concepts de
l'OIT
L'action normative de l'OIT qui s'est manifestée
pendant plusieurs décennies par la prise d'instruments, de conventions,
recommandations et protocoles en l'occurrence, s'est orientée de plus en
plus vers l'adoption de déclarations. Celles-ci traduisent de nouvelles
préoccupations fondamentales pour l'OIT qui sont contenues dans la
déclaration sur les principes et droits fondamentaux au travail et celle
sur le travail décent dont l'objectif final reste la justice sociale
pour tous.
I. Le défi de la justice sociale
Cette aspiration suprême de l'OIT passe par
l'appropriation par tous de la Déclaration sur les principes et droits
fondamentaux au travail et celle relative au travail décent.
A. La Déclaration sur les principes et droits
fondamentaux au travail
Elle date de 1998 et consiste en une obligation «de
respecter de bonne foi et conformément à la Constitution de
l'OIT, les principes concernant les droits fondamentaux qui sont l'objet
desdites conventions», à savoir :
? La liberté d'association et la reconnaissance effective
du droit de négociation collective (C 87 & C 98),
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
91
? L'élimination de toute forme de travail forcé ou
obligatoire (C 29 & C 105), ? L'abolition effective du travail des enfants
(C 138& C 182),
? L'élimination de la discrimination en matière
d'emploi (C 100& C 111).
Il demeure certain que la mise en oeuvre de la
déclaration dans le monde du travail permettra de mettre en place les
jalons d'une justice sociale essentielle pour assurer une paix universelle
durable, dans la mesure où la croissance économique n'est pas une
condition suffisante d'équité et de progrès social.
Cependant, l'atteinte des objectifs demeure un sérieux challenge en
général et particulièrement dans le domaine de
l'activité domestique où beaucoup de conquêtes restent
à faire.
C'est pour pallier cette difficulté que l'OIT a mis en
place un mécanisme promotionnel relatif aux principes et droits
fondamentaux au travail par l'assistance technique, le suivi annuel et la
publication d'un rapport global quadriennal sur la prise en charge de chaque
catégorie de principes et droit dans le monde. L'ampleur de la
tâche et les résultats qui sont en deçà de ceux
escomptés ont poussé l'OIT, huit ans plus tard à formuler
une autre déclaration.
B. La déclaration sur le travail décent
« Le concept de travail décent a
été formulé par les mandants tripartites de l'OIT comme un
moyen d'identifier les priorités majeures de l'organisation et de
moderniser son approche pour le 21eme siècle. Il est fondé sur
l'acception du travail comme source de dignité personnelle, de
stabilité familiale, de paix dans la communauté, de
démocratie au service des peuples et de croissance économique qui
augmente les possibilités d'emplois productifs et de
développement de entreprises49 ».
Dans ce que l'OIT appelle l'agenda social, économique
et politique pour le travail décent, qui doit être une sorte de
tableau de bord, qui doit mobiliser à la fois les principales
institutions du système multilatéral et les acteurs majeurs de
l'économie mondiale, nous avons quatre objectifs stratégiques
:
La création d'emploi pour lutter contre le chômage
qui est à la base de la détresse sociale ;
La garantie des droits au travail, c'est-à-dire obtenir
la reconnaissance et le respect des droits des travailleurs. Tous les
travailleurs, et en particulier les travailleurs défavorisés ou
pauvres,
49 Travail, N° 57, septembre 2006, p. 5
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
92
ont besoin de représentation, de participation et de
lois justes qui soient appliquées et servent véritablement leurs
intérêts ;
L'extension de la protection sociale qui passe par la
promotion de l'intégration et la productivité en s'assurant
qu'hommes et femmes jouissent de conditions de travail sûres, qui leur
accordent suffisamment de temps libre et de repos, qui prennent en
considération les valeurs familiales et sociales, fournissent une
indemnisation adéquate en cas de perte d'emploi ou de salaire et donnent
accès à un système de soins appropriés ; et
La promotion du dialogue et la résolution des conflits
pour les régler pacifiquement. Le dialogue social, impliquant des
organisations de travailleurs et d'employeurs fortes et indépendantes,
est primordial pour augmenter la productivité, éviter les
conflits au travail, et construire des sociétés
cohésives.
Comme nous allons le voir par la suite, les employés de
maison ne veulent rien d'autre que des conditions de travail décentes
conformément à leurs aspirations. Nous nous efforcerons enfin de
formuler quelques recommandations dans l'optique d'un meilleur devenir pour les
employés domestiques.
Chapitre III Aspirations des employés de
maison et recommandations
Ces aspirations ont été présentées
le 1er mai 1994 où l'on vit pour la première fois les
employées de maison manifester pour la reconnaissance de leurs droits et
l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail.
I. la lutte s'organise A. Doléances
Dans leur cahier de doléances adressé à
Monsieur le Président de la République du Sénégal,
on pouvait lire : « Nous, employées de maison, venons faire
part à Monsieur le Président de la République, nos
doléances et propositions pour l'amélioration de nos conditions
de travail.
Vu : - L'insécurité dans l'exercice de notre
travail - Les abus dont nous sommes victimes, - Le peu de
considération et de respect envers nos personnes, demandons :
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
93
-Une meilleure considération sur le plan
humain et professionnel ; - Un cadre de vie et de travail décent
;
- Le respect par les employeurs des clauses
négociées lors de l'engagement ;
- La consignation par écrit des accords et
engagements avec les employeurs, afin d'engager un recours en cas de remise en
en question de ces accords ;
- La fin des harcèlements et violence physique
pour pouvoir travailler en paix ;
- Des horaires de travail respectueux des besoins
de repos de notre organisme et de nos besoins d'éducation de base et de
formation professionnelle ;
- Que nos tâches et responsabilités
tiennent compte de notre âge et de notre force de travail
;
- Que nos salaires soient en réelle
conformité avec les tâches et responsabilités
assumées effectivement et qu'ils soient régulièrement
payés et sans fractionnement ;
- Des congés annuels
payés
- Que les employeurs et l'Etat nous prennent en
charge en cas de maladie et surtout pendant et après une grossesse
;
- Des opportunités de formation et
d'éducation de base pour accéder à d'autres emplois
;
- Des mesures de formation et d'accompagnement en
vue de notre retour définitif au village. - Qu'on soit associé
à la formulation de mesures en notre faveur.
B. Recommandations
Ce cri de coeur poussé pour la première fois il
y'a 15 ans est resté un voeu pieux, autrement dit les doléances
sont restées entières mêmes si des efforts notoires ont
été réalisés par les employées de maison
pour porter leur combat au grand jour. Cependant, au vu de l'ampleur de la
tâche, seule une synergie d'actions pourra venir à bout des
nombreuses difficultés d'ordre structurel, conjoncturel et socioculturel
qui freinent les velléités de changement. Pour avoir
prêté une oreille attentive aux plaintes et complaintes des
employés domestiques durant ces mois de recherche, nous demeurons
convaincus qu'ils méritent tout notre respect afin qu'ils retrouvent
toute leur dignité. Les quelques recommandations que nous formulerons
serons présentées sous forme de tableau pour une meilleure
lisibilité. Il est évident que les mesures
préconisées ci-
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
94
dessus n'ont pas la prétention d'être absolues
quant à leur efficacité, ni exhaustives dans leur
énumération.
Il s'agira de décliner les principaux objectifs
à atteindre à moyen terme ainsi que les stratégies
à adopter, lesquelles seront traduites en actions concrètes
interpellant les différents acteurs.
OBJECTIFS
|
STRATEGIES
|
ACTIONS
|
ACTEURS
|
Développer une
politique socio-
économique à
l'endroit du monde rural
|
Créer un
environnement propice au maintien
des populations- cibles dans leur lieu d'origine
Baisser le flux
migratoire
|
Mise en place ou
redynamisation des structures d'éducation ou de
formation
L'organisation de loisirs,
d'activités récréatives et d'animation
Information et sensibilisation des parents
|
Pouvoirs publics
Associations locales
Partenaires au
développement
Associations d'employées ...
|
Améliorer les
conditions de travail des domestiques
Promouvoir une
nouvelle approche du travail domestique
|
Procéder au réexamen des textes
régissant le travail domestique
Veiller ensuite à leur application
effective
Eduquer et former les
domestiques sur les procédures en cas de conflit
|
parents
Sensibilisation des
employeurs pour
l'allègement de la charge de
travail Limitation des horaires au minimum
requis
Adoption d'un code de
conduite des employeurs en faveur du SMIG.
Formation et placement
des domestiques Relation
triangulaire employeurs/ gens de maison/
Agences de placement
|
Agences de
placement
Partenaires sociaux
Autres
associations concernées
Associations
d'employés de maison
ENDA BIT
Ministère du
Travail
|
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
95
Améliorer les
conditions de vie
|
Influer sur les
conditions des domestiques en milieu urbain
Promouvoir l'alphabétisation
fonctionnelle
Faciliter l'accès à la
formation
professionnelle
|
Les pouvoirs publics
doivent se soucier de cette
catégorie de travailleurs,
dans le cadre de la politique de l'habitat
Financement des projets de reconversion
Meilleure organisation et structuration
domestiques
|
Ministère de
l'habitat
Ministère de la femme
Ministère de
l'alphabétisation
ONGs
partenaires
|
Lutter contre le
|
Appliquer les
|
Large sensibilisation des
|
Ministère du
|
travail des jeunes filles
|
dispositions sur l'âge
|
parents
|
travail
|
domestiques
|
minimum d'admission
|
Politique de
|
Ministère de
|
|
à l'emploi
|
discrimination positive à
|
l'Education
|
|
Renforcer la politique
|
l'endroit des filles
|
BIT UNICEF
|
|
pour un meilleur accès puis maintien à
l'école des filles
|
Bon maillage de la carte scolaire
|
Parents d'élèves Ministère de la
|
|
|
|
Femme
|
A
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
96
u terme de ce travail de recherche dont le fil d'Ariane a
été une tentative de mieux comprendre les raisons de la
disqualification, de fait, dont sont frappés les employés de
maison du champ social, il nous a été donné de constater
que les causes de ce « déficit de droit » tant au niveau
national qu'international sont principalement d'ordre socioculturel et
économique.
Au niveau international, le front de la résistance pour
le respect des droits sociaux et de la dignité humaine s'organise, avec
aux avant-postes les plus vulnérables d'entre les employés de
maison, celles migrantes. Elles souffrent doublement d'autant plus qu'elles
sont exposées au travail forcé, aux abus de toutes sortes.
Par exemple, à l'heure actuelle, 235 000 femmes
immigrées travaillent comme employées de maison à Hong
Kong, la plupart venant des Philippines et d'Indonésie. Tant dans leur
pays qu'à Hong Kong, elles font l'objet d'une exploitation
éhontée, principalement de la part des agences de recrutement.
Même en Suisse, pays modèle en matière de
droits de l'homme en général et qui abrite le Bureau
International du Travail (BIT), on y foule aux pieds les droits des
travailleuses domestiques qui sont pour l'essentiel issues de l'immigration.
Elles sont employées par des ménages privées, sans
assurances sociales ni protection en cas de maladie ou d'accident.
C'est pour essayer de juguler ce mal un peu partout à
travers le monde qu'une conférence internationale a été
organisée du 8 au 10 novembre 2006 au Pays Bas. Cette conférence
a été un tournant décisif au vu du nombre de participants
et de la pertinence des thèmes débattus. En effet, elle
regroupait quelque 60 représentants de syndicats d'employées de
maison, d'associations et de réseaux régionaux, internationaux de
travailleuses domestiques, du groupement Global Unions et d'ONGs de soutien du
monde entier.
Les participants à ce forum ont exprimé leur
indignation commune devant :
·
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
97
L'exploitation de nombreuses travailleuses domestiques
à travers le monde, et particulièrement des travailleuses
migrantes très vulnérables ainsi que des enfants qui font ce
travail ;
· Le manque de reconnaissance de la contribution des
travailleuses domestiques sans laquelle les sociétés et les
économies ne pourraient fonctionner ;
· L'absence continue de la reconnaissance du travail des
domestiques en tant que « travail » par les législations du
travail de beaucoup de pays, ce qui prive ces travailleuses des droits et du
respect qu'elles méritent.
Par conséquent, les participants exigent le travail
décent pour les employées domestiques. Elles n'ont pas
manqué de formuler des recommandations dont la première sera la
constitution d'un groupe de travail intérimaire qui comprendra des
membres du groupe leader de la conférence, plus des représentants
des organisations de travailleuses domestiques de toutes les régions du
monde. Les tâches de ce groupe de travail consiste entre autres à
:
Explorer les besoins et le potentiel d'un réseau
international de défense des droits des travailleuses domestiques, en
prenant garde de ne pas reproduire les réseaux internationaux qui
existent déjà, mais d'y apporter une valeur ajoutée ;
D'explorer, en collaboration avec le groupement « Global
Unions », la possibilité d'obtenir une convention de l'OIT
concernant les droits des travailleurs domestiques, qu'ils soient nationaux ou
migrants.
De soutenir l'organisation des travailleuses à tous les
niveaux local, national, régional et international, à travers
:
= une plus grande implication des syndicats à tous les
niveaux dans le soutien des employées de maison et de leurs
organisations ;
= un inventaire des organisations de travailleuses domestiques
ou de leurs groupes de soutien à travers le monde, afin de promouvoir
leur visibilité, de se représenter l'ampleur de l'effort
déjà entrepris en faveur de ces travailleuses domestiques, et
d'encourager leur implication dans un réseau ;
= l'échange d'informations et de stratégies, par
une plus grande implication exemple à travers un nouveau site Internet
consacré aux droits des employées de maison ;
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
98
? un développement plus important de programmes de
formation et d'éducation en faveur des groupes, syndicats, associations
et réseaux d'employées de maison, et ce dans des domaines comme
la définition de stratégies, l'organisation, l'accès aux
fonds, la comptabilité, etc.
? un développement du potentiel de financement des
organisations de travailleuses domestiques ;
? un mécanisme d'appel urgent dans les cas d'abus et
d'exploitations extrêmes de travailleuses domestiques/employées de
maison ;
? de plus amples recherches dans le rôle des
travailleuses domestiques/employées de maison (y compris sur la vaste
migration de personnes devenant des travailleuses domestiques) en tant que (a)
soutien à la mondialisation néolibérale et (b)
mécanisme de perpétuation de la discrimination basée sur
le genre dans le travail ménager, afin d'aider à promouvoir le
développement de politiques plus fortes aux niveaux international et
national pour la protection des travailleuses employées de maison et de
leurs droits.
Il faut bien comprendre que pour être efficace, la lutte
des employées de maison doit s'inscrire dans un cadre
sous-régional, régional voire global. En effet, le
Sénégal, comme nous avons eu à en a parler dans la
première partie, exporte de la main-d'oeuvre domestique essentiellement
vers le Liban où leurs conditions de travail sont peu enviables, et
où beaucoup de domestiques sans-papiers sénégalaises
croupissent en prison. L'association Dames de Coeur s'est illustrée
récemment malgré ses modestes moyens en rapatriant deux
employées de maison, l'une du Liban et l'autre d'Angola.
Au niveau national, les entretiens menés
çà et là au niveau des aires de rassemblement permettent
de juger des conditions de travail préoccupantes des domestiques qui
peinent à s'imposer aux yeux de l'opinion comme des travailleurs
à part entière. Les droits inaliénables que leur
confère la réglementation en vigueur sont ignorés parce
que les employées de maison sont souvent jeunes, très jeunes
même, analphabètes ou déscolarisées, de sexe
féminin, déqualifiées et désunies incapables de se
projeter dans l'avenir pour engager sérieusement la lutte. « La
condition des bonnes est davantage compliquée par le milieu de travail :
la famille, dans son intimité. L'évolution du monde ne s'est pas
encore insinuée jusque dans les foyers et les attitudes. Le
métier de domestiques est encore marqué par l'asservissement.
Pourtant, la société actuelle, à
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
99
travers différentes formes d'expression (chants,
théâtre) ne cesse de dénoncer cette injustice et de
réaffirmer que le travail domestique n'est ni une vie, ni un statut
social mais un métier comme un autre50 ».
Mais comme on le dit souvent, les préjugés ont
la vie dure et il faudrait qu'on dépasse l'étape des voeux pieux
et des déclarations d'intention pour changer les mentalités.
L'heure est à l'action comme l'ont compris la poignée de
structures, organisations, associations caritatives qui s'investissent de
manière directe ou indirecte pour le respect des droits des
employées de maison. Il s'agit notamment du droit au travail
décent et à une formation qualifiante pour pouvoir
prétendre à d'autres emplois. Enda TM, l'association Dames de
Coeur, l'Agence de placement Oxo sont toutes au coeur de l'action. On peut
également citer toutes les réalisations d'autres structures non
moins importantes qui opèrent au niveau des zones de départ en
actionnant deux leviers ; à savoir, la lutte contre l'exode rural par
des projets structurants et l'éducation par un système de
parrainage d'enfants engagés dans le cycle primaire. Plan International,
CARITAS Sénégal, le Centre Emmanuel etc. oeuvrent dans ce
sens.
On est en droit de se demander si l'Etat
sénégalais joue sa partition ? On ne saurait dire le contraire ;
cependant on peut déplorer un certain attentisme des autorités
compétentes qui se manifeste par un manque de volonté politique
ne serait-ce que pour promouvoir le respect des dispositions
réglementaires que la majorité viole, y compris
elles-mêmes. Peut-être que cet immobilisme provient du fait que
l'Etat veut se cantonner à son rôle d'arbitre en ce qui concerne
les partenaires sociaux d'autant plus que la structuration des organisations
d'employées de maison a été tardive, ce qui pose un
problème de légitimité et de
représentativité afin que les actions et revendications soient
fédérées. Au niveau interne, l'impact d'organisations
d'employées de maison fortes à envergure nationale sera
décisif dans ce sens tout comme le sera au niveau externe les agences de
placement qui jettent les bases d'une nouvelle forme de contractualisation,
susceptible de bannir l'informalité et le paternalisme, tous
générateurs d'abus.
Nous n'avons pas d'autre ambition à travers cette
étude que de soumettre à l'ensemble de la communauté des
décideurs, des employeurs et du public en général,
à un ultime questionnement sur le quotidien des employés de
maison. Nous avons fait ressortir dans ce travail le hiatus net qui
50 « Mbidaan sans mbindou », les petites bonnes
à Dakar, ENDA, 1993, p. 47
Les employés de maison dans le droit social
présenté par Ibra Ndoye
100
subsiste entre les principes légaux et la pratique afin
que tous ceux qui voudront bien le lire s'emploient à soutenir, en toute
objectivité leur combat pour la dignité et un meilleur
devenir.
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