A. ENVIRONNEMENT BANCAIRE DE L'UEMOA
Le système bancaire du Sénégal évolue
à l'intérieur de l'Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine (UEMOA) constituée d'un espace économique relativement
homogène, caractérisé notamment par une unité
monétaire commune, le Franc de la Communauté Financière
Africaine (FCFA), dont l'émission est confiée à la Banque
Centrale des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), une centralisation des
réserves de change, ainsi que par une réglementation bancaire et
financière uniforme.
1. PRESENTATION DU SYSTEME FINANCIER DE
L'UEMOA
Le système financier de l'UEMOA est constitué, pour
l'essentiel, d'un réseau de banques et d'établissements
financiers, de compagnies d'assurance, de caisses d'épargne et de
centres de chèques postaux, d'institutions de microfinance,
d'institutions de prévoyance et d'une Bourse Régionale des
Valeurs Mobilières (BRVM).
Figure 1 : Bilan 2000 Banque UEMOA
Figure 2 : Bilan 2009, Banque UEMOA
Source : BCEAO
L'effectif des établissements de crédit
agréés dans l'Union a régulièrement
progressé ces dernières années, pour atteindre 112
unités à fin 2009 (95 banques et 17 établissements
financiers), contre 116 en 2008 (96 banques et 20 établissements
financiers). Le réseau bancaire (agences et bureaux) s'est élargi
dans l'ensemble des pays, atteignant 1 385 unités contre 1 258 en 2008,
soit une progression de 10,1%. La plus forte augmentation a été
enregistrée au Mali avec 32 nouveaux guichets. Le nombre de comptes de
la clientèle s'établit à 4 480 548 en 2009, en progression
de 8,1% par rapport à 2008. Les comptes de particuliers ont
progressé de 8,3% en 2009, contre 39,3% en 2008 et ceux détenus
par les personnes morales de 5,2%, contre 17,7% un an plus tôt. Le taux
de bancarisation de l'Union ressort à 4,18% en 2009.
Le montant cumulé du capital social des
établissements de crédit s'est établi à 684,8 Mds
à fin décembre 2009, en progression de 24,5% sur un an, du fait
essentiellement de l'implantation de nouveaux établissements et de la
recapitalisation de certaines unités. Ce capital est détenu
à hauteur de 59,5% (407,4 Mds) par des nationaux et de 40,5% (277,4 Mds)
par des non nationaux. La répartition des établissements par
spécialité montre que, sur les 95 banques en activité, 76
sont généralistes ou à vocation universelle et 19 sont
spécialisées, notamment dans le financement de l'agriculture (3),
de l'habitat (6) et de la microfinance (10). En dépit du renforcement de
la concurrence ces dernières années, lié à
l'implantation de nouveaux établissements, l'activité bancaire
reste marquée par la présence de sept (7) grands groupes et par
leurs importantes parts de marché : ECOBANK (ETI), Société
Générale, BOA GROUP, ATTIJARIWAFA BANK, BNP Paribas, Atlantic
Financial Group (AFG) et IUB Holding (Groupe Crédit Agricole).
Ces groupes représentent 39 établissements de
crédit, concentrant 65,3% du total des bilans et contrôlant 62,8%
des guichets. Ils emploient 61,6% du personnel et détiennent 66,7% des
comptes de la clientèle.
Il convient également de souligner la récente
diversification du secteur bancaire, suite à l'apparition sur le
marché d'institutions bancaires créées par des groupes de
la sous-région d'origine anglophone (United Bank for Africa - UBA et
Diamond Bank) ou du Maghreb (Attijari Wafa Bank-AWB).
S'agissant d'AWB, elle a d'abord acquis la Banque
Sénégalo-Tunisienne puis a racheté la Compagnie Bancaire
de l'Afrique Occidentale (CBAO) ainsi que d'importants établissements de
l'UMOA précédemment sous le contrôle du Crédit
Lyonnais, dont la filiale sénégalaise.
2. DISPOSITIF PRUDENTIEL
Les règles prudentielles adoptées dans l'UMOA
tiennent compte des exigences internationales en matière de supervision
bancaire et sont conformes aux normes édictées par le
Comité de Bâle. Elles prennent également en compte le stade
de développement des pays caractérisé notamment par la
faible diversification de la base économique ainsi que par la faiblesse
des modes alternatifs de financement malgré les initiatives prises au
cours des dernières années en matière de promotion des
titres de créances négociables (TCN) et de création d'un
marché financier régional.
Les normes actuellement en vigueur sont celles issues du
dispositif de « Bâle1 » défini dans l'accord de capital
de 1988. Le Comité de Bâle a proposé en 2004 un nouvel
ensemble de recommandations, au terme duquel sera définie une mesure
plus pertinente du risque de crédit, avec en particulier la prise en
compte de la qualité de l'emprunteur, y compris par
l'intermédiaire d'un système de notation financière
interne propre à chaque établissement (dénommé
« IRB » pour Internal Rating Based). Ainsi, La
réforme Bâle III fait partie des initiatives prises pour renforcer
le système financier à la suite de la crise financière de
2007 (« Crise des subprimes »), sous l'impulsion du FSB (Financial
Stability Board) et du G20, pour garantir un niveau minimum de capitaux
propres, afin d'assurer la solidité financière des banques.
En définitive, dans l'espace monétaire de
l'UEMOA, les normes prudentielles portent sur les domaines suivants :
Conditions d'exercice de la profession
· le montant du capital social minimum,
précédemment fixé à un (1) Md pour les banques et
à 300 millions pour les établissements financiers, a
été relevé à 5,0 Mds et 1,0 Md respectivement. Il
est prévu de le porter prochainement à 10,0 Mds pour les banques
et à 3,0 Mds pour les établissements financiers ;
· le capital social d'une banque ou d'un
établissement financier agréé dans un Etat donné
doit être employé dans l'Union. Toutefois, les dotations des
implantations doivent être employées, au moins à
concurrence du seuil minimum fixé par la loi portant
réglementation bancaire, dans le pays d'accueil ;
·
40
les banques et les établissements financiers doivent
justifier, à tout moment, de Fonds propres effectifs (FPE) au moins
égaux au capital minimum fixé dans la décision
d'agrément ;
· les banques et les établissements financiers sont
tenus de constituer une réserve spéciale, dont le taux est
fixé à 15%, incluant toutes réserves éventuellement
exigées par les lois et les règlements en vigueur. La
réserve spéciale est alimentée par un
prélèvement annuel sur les bénéfices
réalisés, après imputation, le cas échéant,
du report à nouveau déficitaire. Sa dotation est obligatoire,
quel que soit le niveau atteint par son montant cumulé ;
· la comptabilité des banques et des
établissements financiers doit être organisée selon les
dispositions prévues par le plan comptable bancaire de l'Union ;
· les banques et les établissements financiers
doivent se doter d'un système de contrôle interne permettant
notamment de vérifier le respect des dispositions et usages en vigueur
dans la profession et de garantir la qualité de l'information
financière et comptable.
3. Réglementation des opérations
effectuées par les banques.
· Il est interdit aux banques et aux
établissements financiers de détenir, directement ou
indirectement, dans une même entreprise, autre qu'une banque, un
établissement financier ou une société immobilière,
une participation supérieure à 25% du capital de l'entreprise ou
à 15% de leurs Fonds Propres de Base (FPB) ;
· le montant global des concours (y compris les
engagements par signature) pouvant être consentis par les banques et les
établissements financiers aux personnes participant à leur
direction, administration, gérance, contrôle ou fonctionnement, ne
doit pas dépasser 20% de leurs Fonds Propres Effectifs (FPE) ;
· le montant global des immobilisations hors
exploitation et des participations dans des sociétés
immobilières, dont les banques et les établissements financiers
peuvent être propriétaires, est limité à un maximum
de 15% de leurs FPB ;
· l'ensemble des actifs immobilisés des banques
et des établissements financiers, hormis ceux spécialisés
dans les opérations de capital risque ou d'investissement en fonds
propres, doit être financé sur des ressources propres.
Normes de gestion
·
41
La règle de couverture des risques est définie
par un rapport minimum à respecter dit "rapport fonds propres sur
risques" ou "ratio COOKE". Ce ratio comporte au numérateur le montant
des FPE de la banque ou de l'établissement financier et au
dénominateur les risques nets, pondérés selon la
qualité ou la catégorie des contreparties. Le pourcentage minimum
à respecter est fixé à 8% ;
· les banques et les établissements financiers
doivent financer au moins 75% de leurs actifs immobilisés et de leurs
autres emplois à moyen et long terme par des ressources stables ;
· le montant total des risques pouvant être pris
sur une seule et même signature est limité à 75% des FPE
d'une banque ou d'un établissement financier. Par ailleurs, le volume
global des risques, atteignant individuellement 25% des FPE d'une banque ou
d'un établissement financier, est limité à huit (8) fois
le montant des FPE de l'établissement concerné ;
· la règle de liquidité fait obligation
aux banques et aux établissements financiers de disposer d'actifs
disponibles, réalisables ou mobilisables à court terme (trois
mois maximum) couvrant au moins à hauteur de 75% le passif exigible
à court terme et les engagements par signature susceptibles d'être
exécutés à court terme (trois mois maximum) ;
· le ratio de structure du portefeuille, rapport entre
l'encours des crédits bénéficiant d'un label de
qualité délivré par l'Institut d'émission (accord
de classement) à la banque déclarante et le total des
crédits bruts portés par l'établissement concerné,
doit être, à tout moment, égal ou supérieur à
60%.
Actes Uniformes de l'OHADA
Les banques et les établissements financiers doivent
être constitués sous forme de société (articles 20
et 21 de la loi bancaire). A ce titre, les formalités relatives à
leur création, à l'évolution de leur forme juridique ou
à la réalisation d'opérations spécifiques, telles
que les fusions, les cessions partielles d'actifs, etc., relèvent de
l'Acte Uniforme de l'OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires) relatif au droit des Sociétés Commerciales et
du Groupement d'Intérêt Economique. Les établissements sont
en
outre assujettis aux quatre (4) autres textes uniformes
suivants de l'OHADA pour certains de leurs actes ou opérations :
V' Acte Uniforme portant sur le droit commercial
général ;
V' Acte Uniforme portant organisation des sûretés
;
V' Acte Uniforme portant organisation des procédures
collectives d'apurement du 24
passif ;
V' Acte Uniforme portant organisation des voies
d'exécution.
Il convient de préciser que les dispositions
prévues par ces différents textes ne s'appliquent aux
établissements de crédit que dans la mesure où elles
régissent des questions n'ayant pas fait l'objet d'une
réglementation expresse des autorités de supervision du secteur
bancaire. A ce titre, l'article 916 de l'Acte Uniforme relatif au droit des
Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt
Economique précise que le texte n'abroge pas les dispositions
législatives auxquelles sont assujetties les sociétés
soumises à régime particulier.
B. LE SYSTEME BANCAIRE SENEGALAIS
1. COMPOSITION
Historiquement structuré autour de 3
établissements, à savoir la Société
Générale de Banques au Sénégal (SGBS), la Banque
Internationale pour le Commerce et l'Industrie du Sénégal (BICIS)
et la BIAO, devenue la Compagnie Bancaire de l'Afrique Occidentale (CBAO)
rachetée en 2008 par le Groupe Attijariwafa Bank, le paysage bancaire
sénégalais a connu une forte évolution depuis 2004, suite
à l'installation de 6 nouvelles banques :
V' la Banque Régionale de Solidarité (BRS -
Sénégal) ;
V' la Banque des Institutions Mutualistes d'Afrique de
l'Ouest (BIMAO),
créée par la Confédération des
Caisses Mutualistes d'Afrique de l'Ouest ; V' Attijariwafa Bank
Sénégal, filiale d'Attijariwafa Bank Maroc, créée
suite
au rachat de la Banque Sénégalo Tunisienne
(BST) ;
V' la Banque Atlantique Sénégal, une filiale
d'Atlantic Financial Group ; V' l'International Commercial Bank
Sénégal (ICB) ;
V' la United Bank for Africa UBA.
A fin 2009, le nombre d'établissements de crédit
agréés se chiffrait à 21 unités, soit 18 banques et
3 établissements financiers, contre 14 établissements de
crédit en 2000, en augmentation de 50%.
Il s'agit notamment de :
y' Trois banques affiliées à de grands groupes
internationaux : SGBS (Société Générale), BICIS
(BNP-Paribas) et Citibank (Citigroup) ;
y' Trois banques adossées à des groupes de moindre
envergure, présents sur l'international
:
CDS (précédemment Crédit Agricole
France, dorénavant Attijariwafa Bank), Attijari Bank
Sénégal (Attijariwafa Bank Maroc), International Commercial Bank
(Groupe ICB);
y' Cinqs banques affiliées à des groupes
africains : ECOBANK, UBA Nigeria, Banque Atlantique, Bank of Africa (BOA) et
Banque Sahélo-Saharienne pour l'Investissement et le Commerce (BSIC)
;
y' Quatres banques spécialisées : la Banque de
l'Habitat du Sénégal (BHS), la Caisse Nationale de Crédit
Agricole du Sénégal (CNCAS) et deux banques intervenant dans la
microfinance (BRS et BIMAO) ;
y' La Banque Islamique du Sénégal (BIS), dont
les 3 principaux actionnaires sont DMI, la BID et l'Etat du
Sénégal, peut également être
considérée comme un établissement spécialisé
dans le financement islamique ;
y' Deux autres banques, à savoir la Banque
Régionale de Marchés (BRM) et le Crédit
International (CI). Nonobstant les efforts accomplis, le
nombre d'agences et de bureaux du système bancaire ne s'établit
en décembre 2009 qu'à 278 unités pour 11.840.000
habitants. Ainsi, le réseau bancaire reste relativement étroit et
caractérisé par une position oligopolistique de quelques grands
groupes. En effet, quatre groupes détiennent 65.8% du marché,
67.2% du réseau bancaire, 62.8% des effectifs et 66.2% des comptes de la
clientèle.
Cette situation traduit une faible atomicité du
système bancaire et est habituellement considérée comme
constituant un frein à la concurrence optimale recherchée par les
autorités monétaires, à travers la libéralisation
des conditions de banque.
44
C. Présentation et évolution du secteur
bancaire au Sénégal 1. Généralité du secteur
bancaire
Traditionnellement, les systèmes bancaires
étaient organisés selon un système comprenant un Institut
d'émission (la banque centrale) faisant figure d'autorité
suprême, et un ensemble d'établissements constitués par les
banques dites de second rang.
Les banques centrales ont pour rôle l'émission
de monnaie et jouissent d'une autonomie particulière vis-à-vis
des pouvoirs publics. Elles participent aussi à la stabilisation des
relations monétaires entre un pays et ses partenaires commerciaux
étrangers en assurant la gestion des réserves de change. Elles
interviennent à cet effet sur le marché des changes à
travers l'achat de devises étrangères lorsque la monnaie
nationale s'apprécie ; et à travers la vente de devises lorsque
lorsque la monnaie se déprécie. Aussi est-il que la banque
centrale participe à la définition de la politique
monétaire, et par la même occasion à la politique
économique générale d'un pays car elle a une action non
négligeable sur la croissance de la masse monétaire et sur le
niveau des prix.
Par ailleurs, il est important de noter que les banques
centrales imposent des règles de fonctionnement plus ou moins
restrictives visant à couvrir des risques d'insolvabilité avec la
politique des réserves obligatoires, et des règles d'encadrement
du crédit visant à contrôler le volume des concours
financiers. Les banques de second rang regroupaient les banques de
dépôt et les banques d'affaires. Le rôle des
premières consistait à collecter des fonds auprès du
public et accorder des prêts aux entreprises et aux ménages afin
de financer leurs activités (acquisitions de biens ou opérations
d'investissement). Les secondes se caractérisaient de banques
spécialisées dont l'activité principale était,
outre l'octroi de crédit, la prise et la gestion de participations des
affaires existantes ou en formation.
Au Sénégal et presque partout ailleurs
aujourd'hui, cette vision du système bancaire n'est plus tout à
fait valable du fait de la concurrence accrue entre les banques qui dans leurs
quêtes de rentabilité, tendent vers une plus grande
diversification. Ainsi le système bancaire sénégalais est
constitué par un ensemble de banques et autres établissements
financiers en interaction avec la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de
l'Ouest (BCEAO), qui entretiennent des relations de créance et
d'engagement les uns vis-à-vis d'autres agents non financiers.
45
1. le secteur Bancaire.
La taille et la profondeur du système bancaire et
financier au Sénégal se sont considérablement
améliorées au cours de la dernière décennie.
Toutefois, le secteur est toujours caractérisé par un manque de
sophistication, une asymétrie d'information sur les demandeurs de
crédits, et par des taux élevés de défauts de
remboursement (prêts non productifs par rapport au total des prêts
bruts). Par ailleurs, le cadre réglementaire jugé peu attractif
est associé à un accès limité et des coûts
élevés du crédit au secteur privé,
particulièrement aux petites et moyennes entreprises.
Le système bancaire et financier d'un pays est un
important levier de productivité qui met à la disposition des
entreprises les ressources financières dont elles ont besoin pour
innover et améliorer leur production. Il fournit également aux
PME le capital dont elles ont besoin pour démarrer ou s'agrandir.
L'accès au financement a été identifié par les
dirigeants d'entreprises au Sénégal comme la contrainte majeure
de l'environnement des affaires. Le secteur bancaire du Sénégal
occupe la deuxième place au sein de l'UEMOA, après celui de la
Côte d'Ivoire, avec 20 banques en 2009 et plus de 25% des actifs du
système financier de l'Union.
Le système financier du Sénégal s'est
beaucoup amélioré durant la dernière décennie avec
une masse monétaire (M2) qui est passée de 22,5% du PIB en 2000
à 33,4% du PIB en 2008. De plus, à fin décembre 2009,
l'offre de monnaie a augmenté de 10,9% par rapport à
l'année précédente. Cela est principalement dû
à une augmentation de 13,6% des dépôts bancaires et
à une augmentation de 4,3% dans la circulation de la monnaie.
Néanmoins, la monétisation de l'économie
demeure relativement faible comparée à celle de la Tunisie, de la
Corée du Sud, de l'Afrique du Sud, de la Malaisie et de la plupart des
pays de l'OCDE à revenu élevé. En revanche,
l'économie du Sénégal est plus monétisée que
celle de la Côte d'Ivoire, du Costa Rica, de la plupart des pays de la
CEDEAO et de la majorité des pays d'Afrique subsaharienne à
revenu moyen inférieur.
2. Evolution des banques
46
Le paysage bancaire sénégalais a connu une forte
évolution entre 2004 et 2006 avec l'ouverture de cinq (05) nouvelles
banques notamment la Banque Régionale de Solidarité (BRS -
Sénégal), la Banque des Institutions Mutualistes d'Afrique de
l'Ouest (BIMAO), créée par la Confédération des
Caisses Mutualistes d'Afrique de l'Ouest, Attijariwafa Bank
Sénégal, une filiale de Attijariwafa Bank Maroc, de la Banque
Atlantique Sénégal, une filiale de Atlantic Financial Group et de
International Commercial Bank Sénégal. Ces cinq (05) nouvelles
banques portent le nombre total de banques en activité à 19
Banques et établissements financiers et 2 Institutions de
Crédit-bail, le taux de bancarisation reste faible, soit environ 6%.
Très schématiquement, on distingue deux groupes
de banques au Sénégal. Celles qu'on peut appeler les
«traditionnelles», soit les filiales actuelles ou anciennes des
banques françaises (SGBS/SG, BICIS/BNP, CBAO, anciennement Banque du
Sénégal, créée en 1853). Elles se
caractérisent par des points forts comme : leur ancienneté sur le
marché qui leur garantit une base de clientèle solide et une
certaine expertise ; un réseau d'agences étendu ; une
disponibilité des ressources (dépôt des clients)
quasi-gratuite leur permettant d'octroyer des crédits à des taux
défiant toute concurrence ; l'avantage du parrainage par leur
maison-mère pour conquérir la clientèle Corporate Banking,
en particulier les multinationales.
Mais elles ont aussi des points faibles comme : une
qualité de service déficiente, la taille du portefeuille de leurs
gestionnaires est souvent trop importante. Ce qui ne permet pas à ces
derniers d'assurer à leurs clients une prestation de qualité et
une bonne gestion de la relation-client. Ensuite, le niveau des salaires est
bas, comparé à leurs homologues de la concurrence et des
possibilités d'avancement assez limitées. La conséquence
logique étant un faible niveau d'engagement et de motivation chez le
personnel.
Quant aux «nouvelles banques» (BAS, BIS, BOA, UBA,
Diamond Bank, etc.), elles cumulent des avantages comparatifs assez
élevés, ce qui les place de facto dans le pool des banques
performantes. On les remarque par la flexibilité de leur processus qui
leur permet plus de souplesse avec la clientèle du fait de leur petite
taille. De même, la possibilité de syndiquer, en interne, certains
gros tickets de financement en mettant à contribution plusieurs filiales
de leur groupe. Ce qui leur permet de gagner un temps considérable dans
le traitement des dossiers de
47
financement. Généralement, elles offrent
à leurs clients un service de qualité supérieure. Enfin,
le délai de traitement des dossiers est souvent plus rapide.
Mais, elles sont désavantagées par le fait que
ce sont des banques de petite taille, qui n'ont pas vraiment un large
accès aux dépôts des clients. Leur principale ressource
étant les Dépôts à Terme (DAT), il leur est de plus
en plus difficile d'accéder à ces dépôts pour la
raison suivante que les intérêts perçus sur ces DAT sont
désormais taxés. De ce fait, le gouvernement devient un
concurrent indirect pour ces banques dans la mesure où les taux
proposés pour ses emprunts obligataires sont devenus plus
intéressants. Aussi, une partie importante des déposants des DAT
provient du secteur public, à savoir les agences et directions qui ont
tendances à choisir les émissions d'obligations étatiques
parfois même, de manière obligée.
En termes de perspectives, il faut savoir que malgré
une apparence de saturation, le secteur bancaire peut encore accueillir de
nouveaux entrants, en raison des besoins manifestes d'une plus large
bancarisation des populations sans compter que la multiplicité des
banques est un avantage certain pour le client. Il faut compter avec le
repositionnent en perspectives de la Banque Régionale de
Solidarité (BRS), suite à l'acquisition de 51% de ses actions par
Oragroup, un groupe bancaire africain contrôlé par Emerging
Capital Partners, présent dans 12 pays. À la fin, de 2013, suite
à la crise financière, les banques ont réussi à
poursuivre leur politique de densification du réseau, à maintenir
le dynamisme de leur activité, à améliorer leur
résultat net et à renforcer leur participation au financement de
l'économie.
Le paysage bancaire sénégalais s'est enrichi en
2013 d'une nouvelle banque avec l'obtention de l'agrément de la Banque
Nationale pour le Développement Economique (BNDE) qui constitue un
important instrument financier pour la cible des PME mis en place par l'Etat en
partenariat avec des privés nationaux et des institutionnels. La BNDE
porte le nombre d'établissements de crédit à vingt-deux
(22) dont vingt (20) banques et deux (2) établissements financiers
à caractère bancaire contre 21 établissements de
crédit en 2012.
Celle-ci n'ayant toutefois déployé ses
activités de manière effective qu'au premier trimestre 2014. La
poursuite de la politique d'extension du réseau bancaire est
caractérisée par la hausse du nombre de guichets (agences et
bureaux) qui, selon les chiffres provisoires, est passé de cinq cent
trente-huit (538) en 2012 à cinq cent cinquante-sept (557) en 2013, soit
4% en valeur relative.
48
Figure3. Répartition des guichets de banque par
région
Source : Rapport annuel 2013 du MEF
L'analyse du graphique révèle que la
région de Dakar concentre 64% des guichets bancaires contre 36% pour les
autres. Kolda, Fatick et Tamba dispose chacune de 2%.
En termes de bancarisation, notre pays dispose de 2,5 guichets
pour 100 000 habitants.
IV. Description de la situation financière
des banques 1. Politique monétaire
Le Sénégal est membre de l'UEMOA,
composée de huit pays, partageant une monnaie commune, le franc CFA. La
politique monétaire, dont l'objectif principal est d'assurer la
stabilité des prix pour sauvegarder le pouvoir de la monnaie, s'inscrit
dans ce contexte communautaire.
Poursuivant sa politique monétaire accommodante, la
Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a baissé
ses taux directeurs en septembre 2013 de 25 points de base. Ainsi, le taux
minimum de soumission aux opérations d'appels d'offres d'injection de
liquidités a été réduit de 2.75 % à 2.50
%.
49
La diminution des taux directeurs a entraîné une
tendance à la baisse des taux d'intérêt à toutes les
maturités. L'évolution de la situation monétaire au
Sénégal est caractérisée en 2013 par un
accroissement de la masse monétaire, mesuré par l'agrégat
M3, de 3.197.6 milliards XOF en 2013 contre 2.894.7 milliards XOF en 2012.
Cette évolution s'est traduite par une augmentation du crédit
intérieur de près de 5 % et des avoirs extérieurs nets
d'environ 4 %. La masse monétaire a augmenté de 40 % du P11B en
2012 à 43 % en 2013 et le crédit à l'économie est
resté autour de 30% du P11B en 2012 et 2013. La liquidité globale
de l'économie a été projetée à environ 44 %
du P11B en 2014. Les taux d'intérêt débiteurs se situent
à fin octobre 2013 en moyenne entre 5.98 % et 11.04 % selon les
emprunteurs :
· avec un taux moyen de 6.45 %. Quant à
l'inflation, mesurée par l'indice harmonisé des prix à la
consommation, elle devrait tourner autour de 0.7 % en 2013, un niveau
inférieur au seuil communautaire de 3%.
2. Etablissements financiers à caractère
bancaire
Globalement, les établissements financiers à
caractère bancaire (EFCB) affichent une santé financière
au cours des dernières années. En effet, leurs résultats
d'exploitation se sont établis respectivement à 48,9 milliards en
2007, 44,2 milliards en 2008 et 50,8 milliards en 2009. Les coefficients de
rentabilité des fonds propres sont de l'ordre de 13% en moyenne. Le
ratio de transformation communément appelé coefficient de
couverture des emplois à moyen et long terme par des ressources stables
est fixé à un minimum de 75%, autorisant ainsi ces
établissements à utiliser 25% de leurs ressources courtes pour
financer des emplois longs.
Tableau 3 : dépôts au niveau des
établissements financiers à caractère bancaire suivant le
terme
50
Des marges de progression importantes persistent dans ce
secteur, en raison du faible nombre de comptes de la clientèle
estimé à 750 678 en 2009 dont 676 744 (90,2%) sont des comptes de
personnes physiques. A cet égard, la culture de bancarisation doit
être développée.
Les dépôts effectués auprès des
EFCB ont été dynamiques au cours des dernières
années et ils tournent autour de 30% du PIB, malgré un taux
d'épargne nationale plus faible. Cette situation s'explique
essentiellement par l'importance des dépôts à vue qui
représentent en moyenne 49% du total des dépôts, induisant
des difficultés de transformation en crédits.
Les crédits accordés par les
établissements financiers à caractère bancaire ont ralenti
en 2009, en raison essentiellement des crédits à court terme qui
représentent l'essentiel du crédit accordé. Les
crédits à long terme valent en moyenne 5% du total du
crédit ; ce qui constitue une contrainte pour le financement de
l'activité économique. Au total, les crédits
accordés représentent 83% des dépôts bancaires.
Toutefois, ces établissements font face à des
crédits en souffrance en progression (environ 10% du total des
crédits en 2009 contre 7,4% dans l'UEMOA), qui méritent une
attention particulière.
Tableau 4 : Crédit accordé par les
établissements financiers à caractère bancaire suivant le
terme
En pourcentage du PIB, le financement de l'économie
(hors Etat) par ces établissements de crédit tourne autour de 25%
en 2008-2009, soit à un niveau bas. Cette situation s'explique, en
partie, par le montant limité des dépôts à terme.
51
Figure 4: Evolution de la part des
crédits bancaire sur l'économie
Source : calcul de l'auteur, d'après
donnée BCEAO
Le graphique ci-dessus suscite des interrogations sur
l'éventualité d'éviction financière du
crédit à l'économie par les crédits à
l'Etat, particulièrement depuis 2008 avec des émissions de titres
publics qui ont atteint 225 milliards en 2010.
3. Réglementation du secteur bancaire
La loi portant réglementation bancaire en vigueur dans
l'Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) :
Selon les définitions données par la loi
sénégalaise de 1990, reprenant la loi portant
réglementation bancaire au sein de l'UMOA, sont
considérées comme banque « les entreprises qui font
profession habituelle de recevoir des fonds dont il peut être
disposés par chèque ou virement et qu'elles emploient, pour leur
propre compte ou le compte d'autrui en opérations de crédit ou de
placement ». Selon les mêmes instruments, les établissements
financiers sont « les personnes physiques ou morales, autres que les
banques, qui font profession habituelle pour leur propre compte des
opérations de crédit, de vente à crédit ou de
change, ou qui reçoivent habituellement des fonds qu'elles emploient en
opérations de placement, ou qui servent d'intermédiaires en tant
que commissionnaires, courtiers ou autrement dans ces opérations
».
En fin de compte, il est possible de constater que les banques
et établissements financiers effectuent quasiment les mêmes types
d'opérations exception faite de celle de vente à crédit
que la loi semble réserver aux établissements de crédit.
Par ailleurs, ces opérations sont effectuées pour le compte de
ces institutions elles- mêmes ou au contraire pour le compte de leurs
clients. Aussi, les fonds servant au financement de ces activités
peuvent provenir aussi bien de la clientèle que de ressources propres.
Pourtant, la définition de
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l'institution bancaire fait ressortir un élément
que l'on ne trouve pas du tout dans celle des établissements financiers.
Les banques sont seules à pouvoir mettre à la disposition de leur
clientèle des chéquiers et à procéder à des
virements concernant les fonds déposés par leurs clients.
A l'exclusion des établissements financiers, les
banques sont donc seules à pouvoir mettre à la disposition de
leur clientèle des moyens de paiements. Par ailleurs ne sont pas
considérés comme banques ou établissements financiers, les
entreprises d'assurance, les organismes de retraite, les agents de change ainsi
que les notaires.
L'agrément en qualité de banque ou
d'établissement financier est prononcé par arrêté du
Ministre des Finances, après avis conforme de la Commission Bancaire.
Au plan réglementaire, il n'existe aucune distinction
entre les banques en fonction de la nature de leurs activités. En effet,
c'est le concept de banque universelle qui fonde le cadre réglementaire
dans l'UEMOA. Toutefois dans la pratique, certaines institutions bancaires se
sont spécialisées notamment dans le financement de l'habitat, de
l'agriculture ou du commerce extérieur.
Par contre, la loi portant réglementation bancaire pose
le principe de la spécialisation des établissements financiers,
et un décret réglemente les opérations des diverses
catégories d'établissements financiers.
Dix-neuf (19) établissements, soit 68% de l'effectif
des établissements financiers, sont spécialisés dans le
financement de la vente à crédit et/ou le Crédit-bail. Six
sont spécialisés dans la promotion de l'épargne et des
investissements, deux dans la vente à crédit et un dans
l'affacturage.
La loi bancaire prévoit des dérogations
relatives à la forme juridique concernant les banques et
établissements financiers publics à statut spécial dont la
liste est arrêtée par le Conseil des Ministres de l'UEMOA. Des
dispositions dérogatoires sont également prévues en faveur
des institutions islamiques ne recourant pas au taux d'intérêt
dans leurs relations avec la clientèle.
S'agissant des opérations effectuées, il n'est
pas prévu pour les banques de restriction à l'exercice des
activités de crédit et de collecte de l'épargne.
Par contre, il est expressément interdit aux banques et
établissements financiers de se livrer à des activités
commerciales, industrielles, agricoles ou de service, sauf lorsque ces
opérations sont connexes à l'activité bancaire ou
nécessaires au recouvrement de leurs créances.
S'agissant des établissements financiers, la loi
bancaire énumère les activités pouvant être
exercées (opérations de crédit, de placement, de change,
d'intermédiation). Ils sont répartis en trois (3) groupes
comportant chacun plusieurs catégories d'activités. Chaque
établissement financier exerce les activités relevant de la
catégorie pour laquelle il a obtenu un agrément.
Ø Dans le premier groupe, figurent ceux d'entre eux
qui font profession habituelle d'effectuer pour leur propre compte des
opérations de prêts (prêts à l'acquisition de meubles
corporels, prêts à l'acquisition d'un immeubles ou de parts de
société donnant droit à l'attribution ou à la
jouissance d'un immeuble, prêts à la construction ou pour tous
autres travaux immobiliers, crédits différés,
crédit-bail mobilier, crédit- bail immobilier) , d'escompte, de
prise en pension, d'acquisition de créances, de garantie (par
cautionnement, aval ou autrement), de financement de vente à
crédit ou de crédit -bail ;
Ø Dans le second groupe, on trouve les
établissements qui reçoivent habituellement des fonds qu'ils
emploient pour leur propre compte en prises de participation dans des
entreprises existantes ou en formation ou en acquisition de valeurs
mobilières (autres que les actions) émises par des personnes
publiques ou privées ;
Ø Enfin, dans le troisième groupe, figurent les
établissements qui font profession habituelle d'effectuer, pour leur
propre compte , des opérations de vente à crédit ou de
change ou qui servent habituellement d'intermédiaires en tant que
commissionnaires, courtiers, ou autrement dans des opérations de
crédit, de placement, de vente à crédit ou de change.
En définitive, nous aborderons le chapitre qui suit, en
discutant les résultats, dans le but de l'élucider.
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CHAPITRE 5. LA DISCUSSION DES RÉSULTATS
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