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La prise en charge des mineurs non accompagnés marocains.


par Nadia Violain
Université Paris Est Creteil - Master expertise ingénierie et projets internationaux 2019
  

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PARTIE II : PROBLÉMATISATION

En 2015, près de 90 000 mineurs non accompagnés ont demandé l'asile dans des pays de l'union européenne, ce chiffre n'a cessé de diminué depuis. Selon les statistiques communautaires sur la migration et la protection internationale des États membre. Eurostat publie un nombre de 20000 MNA en 2018 sollicitant une protection internationale dans les États membres de l'union européenne, dont 1285 en Suède et 590 en France. Cependant, il existe d'autre statut pour les MNA. En France, la cellule de la mission des mineurs non accompagnés comptabilise environ 17000 personnes s'étant déclarés comme mineurs en 2018.

En Europe, les mineurs non accompagnés sont définis selon l'article 1er de la résolution du Conseil de l'Europe du 26 juin 1997 comme étant « tous les nationaux de pays tiers de moins de 18 ans qui entrent dans le territoire des États membres sans être accompagnés d'un adulte qui soit responsable d'eux par effet de la loi ou de fait, et [É] (les) mineurs ressortissants de pays tiers qui ont été laissés seuls après être entrés sur le territoire des États membres »2. Tel que, la notion de « mineur non accompagné » a été posé par la directive européenne lors d'un conseil traitant des protections internationales, le définissant comme « un mineur entré sur le territoire français sans être accompagné d'un adulte et privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, ou un mineur laissé seul sur le territoire français ». Il faut savoir que les institutions européennes excluent de cette définition les mineurs ressortissants d'États membres de l'Union Européenne.

Dans la même lignée, on observe d'autres dénominations dans le domaine juridique français, le code de l'action sociale et des familles, utilise les termes de « mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille ». Ces deux notions appuient la privation de la protection de la famille pour le jeune, c'est-à-dire que sur le territoire donné aucune personne

2 Conseil de l'Europe, Résolution concernant les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, 26 juin 1997, Journal officiel n° C 221 du 19/07/1997, p. 0023 - 0027, document 397Y0719(02), [en ligne], disponible sur < http://eur-lex.europa.eu EUROPA EU law and publications EUR-Lex>, (consulté le 07.07.2019).

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majeure n'a légalement la responsabilité de cet enfant, que personne ne le prend ou ne veut le prendre en charge durablement, ce devoir revient donc au juge des enfants. « Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit àÌ une protection et une aide spéciales de l'Etat. »3 .

En effet, le fait que ceux-ci se voient représentés dans deux catégories différentes : mineurs et étrangers, deux catégories ayant des politiques et des droits totalement différents, rendant la terminologie de leur catégorie sociale floue4. Cette terminologie ayant un véritable sens politique varie en fonction de son utilisation, et de l'institution qui l'emploie. Par exemple, dans le document rédigé par la sénatrice des Hauts-de-Seine « Dans ce rapport sera plutôt préféréì l'emploi du terme « mineurs isolés étrangers » (MIE) pour marquer la primautéì de la notion d'isolement du mineur sur le fait qu'il soit étranger. »5. « Mineur isolé étranger » n'est pas donc pas la seule dénomination que l'on peut retrouver, mais aussi « mineurs étrangers non accompagné, mineurs étrangers séparés ». Le choix de ces différentes dénominations n'est pas neutre, il met l'accent sur les approches et les traitements6, plus précisément on décide de mettre l'accent sur l'une des conditions du mineur, sa qualité d'étranger, sa situation d'isolement ou sa qualité de mineur.

3 Loi du 5 mars 2007

4 Etiemble, A. (2008). Parcours migratoire des mineurs isolés étrangers, catégorisation et traitement social de leur situation en France, Revue e-migrinter, (numéro 2)

5 Debré, I.(2010). Les mineurs isolés étrangers en France. Repéré à http://www.justice.gouv.fr/_telechargement/rapport_mineur_20100510.pdf

6 Masson, B. (2010). « Mineurs isolés étrangers : le sens d'une appellation », Migrations et société, n°131, pp.115-128

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Selon le plan d'action du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants réfugiés et migrants en Europe 2017-20197, tous les États membres du Conseil de l'Europe sont touchés par les flux migratoires de réfugiés, que ce soit directement ou indirectement, en tant que pays d'origine, de transit, de destination ou de réinstallation. Ces dernières années la migration des mineurs et leur prise en charge est au coeur du débat public dans différents pays européens, que ce soit dans le domaine juridique où se pose la question de la catégorie sociale ; doit-on appliquer le code juridique étranger ou le code social lié aux droits des enfants. Dans le domaine politique où se pose la question du financement, plus précisément, à quel corps de l'État revient le financement et la prise en charge des mineurs isolés étrangers, ou encore dans le domaine éthique, avec de nouveaux questionnements, peut-on accepter l'aide des particuliers (hébergement) avec toutes les dérives que cela peut engendrer ? La problématique reste effectivement au coeur des débats, puisqu'on observe une augmentation considérable du phénomène ces dernières années8.

En France les mineurs isolés étrangers tels que définit l'article L.112-3 du code de l'action sociale comme « des jeunes privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille » conformément au cadre juridique définit par le code de l'action sociale et des familles ainsi qu'à la circulaire du 31 mai 2013, qui formulent que leur prise en charge relève de la compétence des départements comme la stipule les textes de référence de l'Union Européenne plus précisément la convention internationale des droits de l'enfant ( CIDE) », « Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciale de l'Etat

7 Conseil de l'Europe. (2017). Plan d'action du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants réfugiés et migrants en Europe (2017-2019). Repéré à https://edoc.coe.int/fr/droits-des-enfants/7361-plan-daction-du-conseil-de-leurope-sur-la-protection-des-enfants-refugies-et-migrants-en-europe-2017-2019.html

8 Nisrine Eba Nguema, « La protection des mineurs migrants non accompagnés en Europe », La Revue des droits de l'homme [En ligne], 7 | 2015, mis en ligne le 22 mai 2015, consulté le 06 juillet 2019. URL : http://journals.openedition.org/revdh/1147 ; DOI : 10.4000/revdh.1147

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» , ils doivent donc normalement être considérés comme des mineurs en danger et ainsi bénéficier des droits à la protection et à l'assistance de l'Etat, c'est-à-dire une prise en charge immédiate par l'aide sociale à l'enfance pour accéder à un hébergement dans des familles mandatées ou des institutions spécialisées, au système de santé publique, à l'éducation... Ces protections peuvent notamment dans le cadre d'un « contrat jeune majeur » se prolonger à sa majorité.

La Suède, à travers les lois 2005-716 sur les étrangers et les lois 2005-429 sur les représentants temporaires pour mineur accompagnés. Comme une majorité de pays européen à décider d'adopter la dénomination «mineur non accompagné, et le définit comme étant « un enfant n'ayant pas de représentant détenteur de l'autorité parentale «

Au vu de la catégorisation floue des mineurs isolés étrangers, du fait qu'ils sont mineurs mais à la fois étrangers, s'appliquent à eux des dispositifs de droit lié aux étrangers. Par exemple, au moment de franchir les frontières, il arrive souvent qu'ils soient interpellés et placés en « zones d'attente » pendant une période plus ou moins longue, 20 jours maximum pour les mineurs isolés avant le rapatriement de celui-ci vers son pays d'origine. Cependant dans l'article 37 de la «CIDE» il figure que « l'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible », et l'article 2 insiste sur le fait qu'il est nécessaire de permettre l'accès au territoire où se trouve le mineur et que le retour dans le pays d'origine ne peut être envisagé qu'après une évaluation complète des risques et de sa situation par des personnes compétentes qui conviendraient que le retour serait dans l'intérêt de l'enfant, et que celui-ci est bien renvoyé vers sa famille, ou dans un cadre sécurisant.

Mais si le mineur réussit à accéder au territoire français, que ce soit par avion comme évoqué au-dessus, ou par un système de passeur sa situation n'est pas stabilisée, puisqu'on lui demandera de prouver sa minorité et son isolement pour pouvoir bénéficier d'une prise en charge quelle qu'elle soit.

Il est question ici de comparer deux systèmes de prise en charge totalement différents dans la catégorisation puis dans les prises en charge de ce même groupe de MNA. En effet, en France

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un mineur non accompagnés est catégorisé par sa minorité et son isolement sur le territoire européen, ce qui amène à une prise en charge sociale exclusivement orienté vers la protection de l'enfance. En suède, le système se veut catégoriser ce même groupe par sa qualité d'étranger et donc sa prise en charge est gérée par le système de migration. Notre recherche s'appuie sur un groupe de mineur précis, les mineurs non accompagnés d'origine marocain. En effet, ce sont un groupe de mineurs cumulant les caractéristiques spécifiques. Tout d'abord, ils sont identifiés comme des enfants des rues, ils sont poly consommateurs, avec un profil délinquant, très jeunes, très méfiants, souffrants de signes post-traumatique, en situation d'errance continue. Pour terminer, ils sont reconnus pour leur mobilité européenne.

Ainsi, nous nous interrogerons sur la question de départ suivante :

Dans quelles mesures, les mineurs non accompagnés Marocains (MNA) sont-ils pris en charge par les institutions étatiques et les institutions associatives en Europe ? Zoom sur les villes de Paris et Stockholm.

La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant de 1989 constitue le cadre général de protection des enfants en Europe. Toutefois, cet instrument ne prévoit pas de disposition s'appliquant directement aux mineurs migrants non accompagnés. Ce constat est le même au regard de la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 et de la Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants de 1996. Cette absence de disposition s'explique sans doute par la découverte et la médiatisation récentes de ce phénomène. Selon l'article 2 de la convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) « Les États parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation ».

Le haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés, définit « Un enfant non accompagné est une personne âgée de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu

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de la législation qui lui est applicable, qui est séparée de ses deux parents et n'est pas prise en charge par un adulte ayant, de par la loi ou la coutume, la responsabilité de le faire »9.

Face à l'augmentation conséquente du nombre de mineur non accompagnés ces dernières années, et les nouveaux défis que cela comporte. En 2016, l'assemblée parlementaire à adopter la résolution « harmoniser la protection des mineurs non accompagnés en Europe «. L'Assemblée parlementaire avait déjà exprimé des préoccupations quant à la situation des mineurs migrants non accompagnés en Europe. A travers des recommandations et des résolutions proposant une série de quinze principes communs pour veiller à respecter la qualité d'enfant. Dans cette nouvelle résolution, l'Assemblée rappelle les principes des droits de l'enfants par une protection sociale et une assistance sociale. Enfin, elle appelle les États membre à travailler aux niveaux nationaux, et internationales pour améliorer la protection des mineurs non accompagnés.

En quoi l'uniformisation européenne des politiques sociales est un facteur déterminant dans la prise en charge des mineurs non accompagnés d'origine marocaine.

Cette uniformisation est d'autant plus difficile à mettre en oeuvre qu'elle est conditionnée par les différentes politiques sociales et politiques migratoires des états membres. Ainsi, on est contraint de partir de l'hypothèse que les politiques migratoires et les politiques sociales différenciés au sein de l'Europe rendent difficile l'uniformisation des politiques d'accueils et de prise en charge des mineurs non accompagnés marocains.

9 UNHCR. (1997). Notes sur les politiques et les procédures à appliquer dans le cas des enfants non accompagnés en quête d'asile. Repéré à https://www.infomie.net/IMG/pdf/index.pdf

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore