§.2- Les inconvénients de la prescription des
peines
La prescription des peines est une entorse à la
réponse pénale (A). Le législateur a en outre gardé
un mutisme sur certaines mesures qui accompagnent la peine (B).
A- La prescription des peines, une entorse à la
réponse pénale
Tout procès pénal doit aboutir à une
décision de justice. Cette décision doit être
exécutée dans un délai prévue par la loi
pénale. A défaut, elle s'éteint. Il s'agit de la
prescription des peines qu`impose le droit pénal.
Prescrire une décision rendue par la justice
pénale n'est pas sans conséquence. En effet, elle constitue une
véritable entorse à la réponse pénale.
D'abord, la prescription des peines entraine
l'inexécution de la réponse pénale, l'absence de
répression. Il s'agit en conséquence de la privation de la
fonction normative du droit pénal. On constate dans ce cas
l'ineffectivité de la sanction pénale. Qu'est-ce que la sanction
pénale ? Selon Stéphan SCIORTINO-BAYART c'est « la
sanction qui ne peut être infligée que par un juge judiciaire,
à la demande du ministère public garant des intérêts
de la société»201.Elle permet d'attribuer la
qualité d'infraction à l'ensemble qu'elle constitue avec
l'incrimination202. Selon le vocabulaire juridique, la
sanction est une « punition, (une) peine infligée par
une autorité à l'auteur d'une infraction, (une) mesure
répressive destinée à le punir
»203.
Ensuite, la prescription des peines correspond à
l'abandon de la justice pénale de son devoir qui consiste à
sanctionner les infractions au Code pénal afin d'assurer la
stabilité de la paix sociale. A cet effet, le législateur
français distingue les objectifs des fonctions assignés à
la peine en ces termes : « Afin d'assurer la protection de la
société, de prévenir la commission de nouvelles
infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des
intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : «1°
De sanctionner le condamné» ; «2° De favoriser son
amendement, son insertion ou sa réinsertion»
»204. Cependant, en refusant d'appliquer la sanction
pénale en raison de sa prescription, l'Etat qui est le seul
détenteur de la « violence
201 SCIORTINO-BAYART (S.), Recherches sur
le droit constitutionnel de la sanction pénale, thèse
Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, 2000, p. 15.
202 BONIS-GARÇON (É.) et PELTIER (V.),
Droit de la peine, Paris, Lexis Nexis, 2ème
éd., 2015, p. 9.
203V°. « Sanction », in
G. CORNU et Association Henri CAPITANT (sous la direction de),
Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 10ème éd., 2014, p.
941.
204 Article 130-1 du titre III du livre Ier du CPF
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
50
légitime »205 crée une
double injustice : celle relative à l'infraction et celle portant sur
l'inaction du détenteur du pouvoir de punir. « Le risque est
alors que les cocontractants reprennent ce pouvoir qu'ils ont abandonné,
pour l'exercer eux-mêmes. Or, le pouvoir exercé par les
cocontractants de manière individuelle n'a pas la même
finalité que celui qui est reconnu à l'autorité
considérée comme légitime. Le pouvoir reconnu à
l'autorité légitime transcende les intérêts
individuels de chacun des cocontractants. Il n'est pas le résultat de
l'addition de toutes les parts de liberté qui ont été
abandonnées par les cocontractants. Il s'agit d'un pouvoir qui,
détaché des intérêts particuliers, tend à
maintenir la stabilité de la paix sociale et, partant, la
préservation de la société par la recherche du bien commun
»206.L'absence d'exécution de la sentence
pénale ou de la réponse pénale par le juge togolais
constitue un déni de justice. La prescription est alors perçue
comme un abandon par la justice de ses devoirs, un signe d'indifférence,
un déni de reconnaissance des victimes, un manquement à un devoir
de mémoire et une prime à la délinquance.
Enfin, la prescription des peines tend à favoriser
l'oubli d'autant plus que le législateur l'impose. Comment peut-on
oublier une infraction dont l'existence a été connue par la
justice et qui laisse très souvent une grande emprunte dans la
mémoire non seulement de la victime mais aussi de la police. D'ailleurs,
la doctrine a désapprouvé la prescription des peines. En effet
d'une part, BECCARIA qui traitait de la prescription, s'était
montré très hostile à l'institution lorsqu'elle permet
à l'auteur de « crimes affreux dont les hommes gardent
longtemps le souvenir » de rester impuni en considérant donc
que la prescription avait pour tendance, lorsqu'elle était acquise,
à favoriser le sentiment d'impunité du criminel et l'engageait
à commettre de nouveaux méfaits207. D'autre part,
Jérémie BENTHAM affirmait déjà en 1820 que
l'injustice née de l'impunité d'un malfaiteur est un mal aussi
fort pour la société que le méfait lui-même et
qu'aux criminels ayant accomplis de tels méfaits « le glaive
reste toujours suspendu sur leurs têtes »208.
Outre ces inconvénients précités, il faut
relever le silence du législateur sur certaines mesures qui accompagnent
la peine.
205 SUR (E.), « Violence et droit,
Remarques sur la distinction entre la violence légitime et la violence
pure », in Démocratie et liberté : tension, dialogue et
confrontation, Mélanges en l'honneur de Slobodan Milacic,
Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 1041.
206 TZUTZUIANO (C.), L'effectivité
de la sanction pénale, Thèse pour le doctorat en droit
privé et sciences criminelles, Université de Toulon, 2
décembre 2015, p.9
207 BECCARIA (C.), Des délits et
des peines (1764), GF Flammarion, 1991, §XXX, « Durée des
procès et prescription », p.139 et s.
208 BENTHAM (J.), Traité de
législation civile et pénale, trad. DUMONT (E.), Paris :
Boissange, père et fils, Paris : Rey et Gravier, 1820, Tome II, «
De la prescription en faits de peine », p. 149
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
51
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