MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
ET DE LA RECHERCHE
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REPUBLIQUE TOGOLAISE Travail - Liberté -
Patrie
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INSTITUT DES HAUTES ETUDES DES RELATIONS
INTERNATIONALES ET STRATEGIQUES (IHERIS)
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AU COEUR DES DEFIS DE DEMAIN
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ADVANCED STUDIES
IN INTERNATIONAL RELATIONS AND STRATEGICAL
INSTITUTE
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QUES (IHERIS)
LICENCE EN DROIT ET SCIENCES POLITIQUES-SCIENCES
ECONOMIQUES ET DE GESTION
MASTER : DROIT - DIPLOMATIE - MARKETING
INTERNATIONAL - BANQUE-MONNAIE-FINANCE INTERNATIONALES Agrément
Ministériel : ARRETE N° 014 / MESR / SG du 1er juin
2011
MEMOIRE
De fin de formation en vue de l'obtention du Diplôme
de Master en Droit Privé Fondamental
OPTION : RECHERCHE
Thème :
LE TEMPS DANS LA JUSTICE PENALE AU TOGO
ANNEE ACADEMIQUE
2018 - 2019
Présentée et soutenue publiquement par :
Directeur de Mémoire
Solim Aimée SONDOU Professeur
Komi WOLOU
Agrégé des Facultés de droits
Président du Conseil Académique de IHERIS,
Directeur de l'Ecole doctorale de la Faculté de Droit de
l'Université de Lomé
REMERCIEMENTS
Tout d'abord, je tiens à remercier le bon Dieu, le tout
puissant et miséricordieux, pour m'avoir donné la force et le
courage de mener à bien ce modeste travail. Egalement je remercie mes
parents, qui m'ont encouragé et aidé à arriver à ce
stade de ma formation.
Je tiens à remercier très chaleureusement, Monsieur
Komi WOLOU, qui m'a permis de bénéficier de son encadrement. Ses
conseils et sa patience ont été déterminants dans la
réalisation de ce travail.
Mes remerciements s'étendent également aux membres
du jury pour l'intérêt qu'ils ont porté à mes
recherches en acceptant d'examiner ce travail et de l'enrichir par leurs
propositions.
Enfin, je tiens à remercier tous ceux qui, de près
ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce
travail.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019.
I
DEDICACE
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019.
II
Je dédie ce modeste travail :
A mes chers parents avec tout mon amour.
A mon père.
Aucun hommage ne pourrait être à la hauteur de tes
sacrifices et de ton dévouement. Tu as
toujours été à mes côtés pour
me soutenir et m'épauler. Que de ce mémoire, tu puisses
trouver
le fruit de tes efforts.
A ma chère mère.
Tous les mots ne pourraient témoigner de ma gratitude,
aussi je te dédie ce mémoire comme
le fruit de ton dévouement et l'expression de mon profond
amour.
A mon frère Kévin.
Je te remercie pour ton soutien continu. Puisses-tu trouver dans
ce travail le témoin de mon amour et de mon affection.
A mes soeurs Mauricia, Bernice et Faustine.
Vous avez rempli mes moments de joie et de bonheur. Je vous
souhaite tout ce qu'il y a de meilleurs en cette vie.
A mon Oncle David
Trouve en ce travail, le fruit de ton soutien infaillible. Je
souhaite santé et prospérité à toi et à ta
petite famille.
A Isidore avec tout mon amour
Je te remercie pour ton soutien inconditionnel durant ces
moments. Garde toujours le sourire comme tu sais si bien le faire. Je te
souhaite le succès dans tous tes projets.
A mon garçon chéri
Je te remercie pour avoir été gentil et patient
durant mes moments d'études. Ta présence m'apportait joie et
bonheur. Que Dieu te protège et te procure santé et longue
vie.
A Tous mes amis et Tous ceux qui m'estiment.
ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019.
III
Art. Article
§. Paragraphe
Cass.req., Chambre des Requête
Cass. Crim Cassation Criminelle
CE Conseil d'Etat
CESDHLF Convention Européenne de
Sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés Fondamentales
CEDH Convention Européenne des Droit
de l'Homme
CADHP Charte Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples
CPF Code Pénal de la France
CPT Code Pénal du Togo
CPPF Code de Procédure Pénale
de la France
CPPS Code de Procédure Pénale
du Sénégal
CPPT Code de Procédure Pénale
du Togo
CROP Centre de Recherche et de Sondage
d'Opinion
Dr. Droit
Ed. Edition
Ibidem Au même endroit dans l'ouvrage
déjà cité
Idem La même chose
N° Numéro
Op cit, Abréviation du latin
operecitato : tiré de l'ouvrage cité
P. Page
Pén. Pénal
PIDCP Pacte International relatif aux Droits
Civils et Politiques
Rev. Revue
RFAP Revue Française d'Administration
Publique
SOMMAIRE
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019.
IV
INTRODUCTION ..01
PREMIERE PARTIE : L'INEFFICACITE DU TEMPS DANS LA JUSTICE
PENALE
|
TOGOLAISE .
|
11
|
CHAPITRE PREMIER : LA LENTEUR DE LA JUSTICE
PENALE TOGOLAISE
|
...14
|
Section I : Les obstacles de droit à la
célérité de la justice pénale
|
...15
|
Section II : Les obstacles de fait à un jugement
pénal dans un délai raisonnable
|
23
|
CHAPITRE II : L'OBSOLESCENCE DES REGLES DE LA
PRESCRIPTION EN DROIT
PENAL TOGOLAIS 37
Section I : L'insuffisante réglementation de la
prescription de l'action publique en
droit pénal togolais 38
Section II : L'insuffisante réglementation de la
prescription des peines en droit pénal
togolais 45
PARTIE II : LE JUSTE TEMPS POUR UNE JUSTICE REPRESSIVE
EFFICACE AU
TOGO ..53
CHAPITRE PREMIER : L'AMENAGEMENT DU TEMPS POUR LE TRAITEMENT
DES
AFFAIRES PENALES DANS UN DELAI RAISONNABLE .56
Section I : Les exigences légales de la tenue du
procès pénal dans un délai
raisonnable 57
Section II : L'implication des acteurs au procès
pénal pour des décisions dans le délai
raisonnable 66
CHAPITRE II : LA NECESSITE DE REFORMER LA PRESCRIPTION
EN MATIERE
PENALE AU TOGO ..77
Section I : Une réforme plus efficace de la
prescription de l'action publique en droit
pénal togolais 78
Section II : Une réforme plus efficace de la
prescription des peines en droit pénal
togolais 86
CONCLUSION GENERALE . 93
INTRODUCTION
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
1
Pour tout Homme de tous les temps de l'histoire, la
quête de la justice, ce mot, fort de symboles est un idéal
fondamental pour la vie sociale et est une aspiration profonde. Le concept de
justice « est alternativement tiré du côté du bon
et du côté du légal »1, du
côté de la justice morale et de la justice légale. La
justice perçue du point de vue du droit se distribue en trois registres
à savoir : la justice commutative, la justice distributive et la justice
rétributive ou pénale. La justice commutative est un «
système crée par Aristote qui règle les
échanges entre les individus conformément au principe de
l'égalité arithmétique. Ainsi une personne doit recevoir
l'équivalent de ce qu'il donne »2. La justice
distributive est un « système crée par Aristote qui
règle la distribution des richesse ou des honneurs selon le
mérite donc dans la proportion géométrique
»3. La justice rétributive est une «
justice qui récompense ou châtie selon la valeur des actes,
sans tenir compte des circonstances »4. La justice
rétributive incarne une triple aspiration. D'abord, la victime de
l'infraction doit être considérée par la justice et non
abandonnée. C'est ainsi qu'elle souhaite légitimement être
entendue, dans sa volonté de voir punir le coupable afin de pouvoir
obtenir réparation du préjudice à elle subi. Ensuite, le
prévenu doit être protégé par la justice, laquelle
ne doit pas le laisser de manière indéterminée, dans
l'incertitude de son sort5 puisqu'il attend de la justice à
être innocenté. Enfin, la justice doit être effective ;
telle est l'aspiration de la société. Ces différentes
aspirations ne peuvent se concrétiser que si le procès
pénal se tient dans le respect du délai raisonnable. La plupart
des systèmes juridiques au monde tentent de répondre à
cette exigence. Même si la justice togolaise s'est inscrite dans cette
dynamique, elle reste désavantagée par plusieurs obstacles, ce
qui explique sa lenteur.
Ainsi, « L`amour de la justice n`est pour la plupart
des hommes que la crainte de souffrir de l`injustice »6.
En effet, tout citoyen se rend compte à présent que l'état
de la justice pénale est devenu déplorable au Togo en raison de
sa lenteur excessive. Selon le Professeur André VITU, « de
même que la vie des hommes, de leur naissance à leur mort,
s'inscrit dans la durée, le droit est lui-même assujetti à
la loi draconienne du temps » et d'après lui, « plus
que les autres branches de la science juridique, la procédure en subit
la marque puisqu'elle est successions d'actes ordonnés en vue d'un but
précis : la décision de justice »7. Au
regard de
1RICOEUR (P.), « Le juste entre
le légal et le bon », in Lectures 1, Autour du politique,
Paris, 1991, p. 178.
2www.linternaute.fr
Dictionnaire, consulté le 10 avril 2019.
3www.linternaute.fr
Dictionnaire, consulté le 10 avril 2019.
4www.cnrt.frdéfinitionrétributif,
5CEDH, Stögmüller c.
Autriche, 10 novembre 1969, Série A, n° 10, §
9.
6 La ROCHEFOUCAULD, Réflexions ou
sentences et maximes morales. L`Harmattan, 1989, p.56.
7 VITU (A.), Les délais des voies de
recours en matière pénale, Mélanges Chavanne, 1990,
p.179.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
2
ce qui précède et afin de mieux cerner l'enjeu,
nous orienterons notre réflexion sur l'épineuse
problématique du « temps dans la justice pénale au Togo
».
Etymologiquement, « le mot temps provient du latin
« tempus », de la même racine que le grec
ancienôåìíå?í (temnein), couper, qui
fait référence à une division du flot du temps en
éléments finis. temples (templum) dérive également
de cette racine et en est la correspondance spatiale (le templum initial est la
division de l'espace du ciel ou du sol en secteurs par les augures). Le mot
« atome » (« insécable »), du grec
?ôïìïò (atomos) (non coupé, indivisible)
dérive également de la même racine »8.
Historiquement, le temps est subdivisé en trois périodes : le
passé, le présent et le futur.
Du point de vue de la doctrine, le temps apparaît comme
une notion difficile à définir. En effet, déjà,
à la fin du IVème siècle de notre ère, Saint
Augustin a eu le mérite de reconnaitre cette difficulté en
s'interrogeant ainsi : « Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne
me le demande je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille
l'expliquer, je ne le sais plus »9. Nietzsche dira du
temps présent: « L'instant : il était là, et hop,
le voilà parti ; un néant le précède, un
néant lui succède »10. Le Doyen Carbonnier
parlait quant à lui de l' « abîme du temps
»11 tandis que, le Professeur MALAURIE qualifie
l'expression à la fois de forte et d'ambiguë, l'« abîme
» du Doyen Carbonnier serait le lieu de tous les possibles empruntes
d'angoisse et d'espérance12.
Par ailleurs, le Grand Robert recense douze sens au mot «
temps » et en donne une définition générale comme un
« milieu indéfini où paraissent se dérouler
irréversiblement les existences dans leur changement, les
évènements et les phénomènes dans leur succession
»13. Le temps est donc le milieu indéfini où
semble s'ordonner la succession irréversible des
phénomènes et des évènements14.
Relativement à l'expression américaine «
Time is money», le temps judiciaire15 est une
préoccupation majeure. En effet, il est constant que dans la
société togolaise comme ailleurs,
8Www.wikipédia.org/wiki/
« Temps », consulté le 28 février 2019.
9 SAINT AUGUSTIN, Confessions, Garnier
Flammarion, 1964, Livre XI, 14.
10 DUGAIN (M.), LABBE (C.), L'homme nu,
La dictature invisible du numérique, éd. Robert Laffont,
2016, p. 108.
11 CARBONNIER (C.), Flexible droit, Pour
une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10ème ed., 2001, Chap.
II, « Les temps du droit - Un an et un siècle », p.210.
12 MALAURIE (P.), Rapport de
synthèse, in Le temps et le droit. Actes du colloque
organisé par le Groupe de recherche en droit fondamental, international
et comparé (GREDFIC) à la faculté des affaires
internationales du Havre les 14 et 15 mai 2008, Litec, 2011, p.107 et s.
13 P.ROBERT, Le Grand Robert de la langue
française - Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
française, 2ème ed. par A. REY, 1985, v°« Temps
», I. L'ouvrage distingue cette acception du temps avec l'acception
météorologique. Dans la première acception, il est
distingué selon que ce milieu est considéré dans sa
durée (chronométrie), dans sa succession (chronologie) ou dans sa
nature (la notion de temps).
14 Dictionnaire Universel, édition Hachette 2008,
p.1228.
15GERARD (P.), OST (F.) et VAN DE KERCGOVE
(M.) (Dir.), « L'accélération du temps juridique
», publication des facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles,
2000 ; WIEDERKEHR (G.), « L'accélération
des procédures et les mesures provisoires », RIDC, 1998,
pp. 449 et s.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
3
la pression économique confère au temps une
valeur primordiale. Cependant, à l'heure de la concurrence des droits,
les modes d'évaluation des systèmes judiciaires ont fait
apparaître la justice pénale togolaise comme lente et
inefficace16. Cette lenteur est également observée
dans d'autres systèmes judicaires. Ainsi, Alexis MIHMAN relevait dans sa
thèse, que « le rythme des affaires civiles et pénales
est une préoccupation de l'opinion publique et qu'il n'est pas
satisfaisant aux yeux de cette dernière »17. Le
temps judiciaire est une problématique qui est débattue
fréquemment, tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur de l'institution judiciaire. Ces débats s'inscrivent
souvent dans le cadre d'une réflexion générale, sur la
qualité et l'efficacité de la justice18.
L'étymologie du mot « justice » est conforme
à l'histoire du droit romain. Le droit romain, créateur de la
première justice-institutionnelle de l'histoire est à l'origine
linguistique du mot19. En latin, la justice se dit «
justitia,ae » (écrit dans cette langue « iustitia
»), nom féminin provenant de « justus » qui
signifie « conforme au droit », ayant lui-même pour racine,
« jus - juris » « le droit » au sens de
permission, dans le domaine religieux20. Son étymon est
parent avec le verbe « jurare », « jurer » qui
désigne une parole sacrée, proclamée à haute voix.
Proche, le mot « juge » renvoie au latin « judex »
qui signifie « celui qui montre »21.
Selon le philosophe britannique John STUART MILL22,
le terme « justice » est dérivé du verbe latin «
jubere » - « ordonner, décréter » ; ce
qui permet d'établir un lien entre l'ordre qui énonce le
droit et le juste qui lui est conforme. La philosophie moderne porte
intérêt aux origines religieuses du terme ; il aurait pour racine
le sanskrit « ju », qui se retrouve dans des termes comme
« jugum » (le « joug ») ou le verbe «
jungere » (« joindre, unir »), notions où domine
le sème du sacré23.
Pour Blaise PASCAL, la justice est avant tout un sentiment
lié au sentiment de Dieu en le monde. Par ailleurs, il critique la
possibilité de l'existence d'une justice universelle qui au contraire,
est relative : « Vérité en-deçà des
Pyrénées, erreur au-delà »24
résume-t-il.
16WAMBUA (P.-M.) et LOGAN (C.), Le
système judiciaire togolais entre l'inconfiance populaire et les
perceptions de corruption ; Publication Afro Baromètre,
Dépêche n°147, 2017.
17 MIHMAN (A.), Contribution à
l'étude du temps dans la procédure pénale : pour une
approche unitaire du temps de la réponse pénale,
Thèse de doctorat en droit privé et science criminelle
à l'Université Paris Sud 11-Faculté Jean Monnet le 02
avril 2007N°3, p.19.
18 MAGENDIE (J.-C.), «
Célérité et qualité de la justice. La gestion du
temps dans le procès. », rapport au Garde des Sceaux, 15 juin 2004,
p.217.
19
Www.wikipédia.org/wiki/
« Justice », consulté le 30 février 2019.
20 Idem
21Oscar Bloch et WALTHER von Wartburg
(dir.), « Justice », Dictionnaire étymologique de
la langue française, PUF, coll. « Quadrige. Dicos poche
», Paris, 2008. (ISBN 2130566219).
22 Idem
23 BLAY (M.), « Justice »
(Dictionnaire des concepts philosophiques, p. 459 et 464)
24PASCAL (B.), Les
Pensées, Paris, Bureau de la Bibliothèque Economique, 1670 :
il insiste sur tous les éléments qui peuvent influencer les
différents perceptions de la vérité selon l'homme.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
4
FRICERO estime que « le terme de justice peut
être conçu comme recouvrant l`ensemble des institutions
chargées de trancher, selon une procédure équitable, les
litiges qui peuvent opposer des particuliers entre eux ou avec les
autorités publiques »25. Tandis que selon CORNU, la
justice consiste à rendre à chacun le sien et demander justice
signifie « réclamer son dû, son droit
»26. Jean-Jacques ROUSSEAU renchéri en
définissant la justice comme « un lien nécessaire pour
maintenir l`union des intérêts particuliers, lesquels sans lui
retomberaient dans l`ancien isolement social ».
Il va de soi que la justice est un principe à la fois
« philosophique, juridique et moral. C'est un fondement en vertu
duquel les actions humaines doivent être sanctionnées ou
récompensées en fonction de leur mérite au regard du
droit, de la morale, de la vertu ou autres sources normatives de comportements
»27. En réalité, la justice est une notion
polysémique. Elle est d'abord perçue comme étant un
idéal car, elle est assise sur des bases philosophiques dont le
développement témoigne de l'évolution de la pensée
et des systèmes. Ensuite, la justice est une norme parce qu'elle devient
une réalité pratique qui est le droit et non plus philosophique
comme dans la Rome antique. Enfin, la justice est une institution puisque par
extension, elle est assimilée au pouvoir judiciaire (l'ensemble des
tribunaux et magistrats qui jugent les infractions).
Du point de vue juridique, la justice est l'autorité
administrative chargée de définir le droit positif, de faire
appliquer les lois et de trancher les litiges. La justice désigne ce qui
est juste. Rendre la justice consiste donc essentiellement à dire ce qui
est légale en toute impartialité, loyauté et
équité dans l'espèce concrète soumise au
tribunal28. En conséquence, la justice est l'institution, le
pouvoir, l'autorité judiciaire, ou l'ensemble des juridictions d'un pays
donné qui permet de faire respecter les droits de chacun, en punissant
tout particulièrement ceux qui ont mal agi dans la
société.
La justice peut être civile, administrative ou
pénale29. La justice civile est celle qui tranche les
rapports entre particuliers tandis que la justice administrative a la vocation
de trancher les conflits impliquant l'Etat. La justice pénale est quant
à elle, l'autorité en charge de la sanction des infractions
à l'ordre public et aux bonnes moeurs c'est-à dire qu'elle juge
les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction.
25 FRICERO (N.) Les Institutions
Judiciaires, les principes fondamentaux de la justice ; les organes de
la justice ; les acteurs de la justice ; Mémentos LMD, 2ème
édition Lextenso année 2012, p.15.
26 CORNU (G.) Vocabulaire juridique
2011, association Henri Capitant,
p.590.
27Www.wikipédia.org/wiki/ « Temps », le 30
février 2019.
28 Lexique des termes juridiques, édition Dalloz 2017-2018
25e édition, p, 1217-1218.
29 L'autorité en charge de la sanction des
infractions à l'ordre public et aux bonnes moeurs.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
5
En droit togolais comme en droit français, la justice
pénale n'échappe pas à l'emprise du temps puisque le
procès pénal en est intrinsèquement
lié30. Cette acception se justifie pleinement en droit
français par les dispositions comme, la comparution immédiate, le
traitement en temps réel des plaintes, les délais de la
détention provisoire, la comparution sur reconnaissance préalable
de culpabilité31, l'enquête de police, la poursuite,
l'instruction préparatoire et le jugement32 et la
prescription en matière pénale. Ce sont autant de dispositions
destinées à gérer le temps dans le procès
pénal33.
La préoccupation du temps de la justice pénale
est ancienne. En effet, les abus de cette justice ne datent pas d'aujourd'hui.
Du temps colonial à l'indépendance du Togo jusqu'en 2019, la
justice pénale est une institution qui éveille majoritairement
chez les justiciables aussi bien nationaux34
qu'internationaux35, la défiance. Ceci dans la mesure
où ils se plaignent constamment de sa lenteur mais aussi de son
impuissance à répondre avec fermeté et efficacité
aux problèmes sociaux et de sa dépendance accrue au pouvoir
économique et surtout politique.
Selon ALIOUNE BADARA FALL, cette situation serait
justifiée par le fait que « rien n'a été
ménagé tout au long de la période coloniale et au
début des indépendances, pour que les États africains
soient dotés d'une justice moderne, avec des juges nantis de moyens
matériels et de garanties statutaires suffisants pour dire le droit.
Tout semblait alors aller dans le sens de l'institution d'un juge qui, tout en
tenant compte des coutumes et mentalités des populations
concernées, s'affirmerait comme un élément essentiel dans
l'instauration de l'État de droit, au sens où cette expression
est entendue dans les démocraties modernes »36.
L'actualité du sujet est frappante. En effet, cette
problématique est d'une grande sensibilité, dans la mesure
où le droit à un procès pénal dans le délai
raisonnable constitue un enjeu majeur à tel enseigne que sa
méconnaissance et son irrespect constant font perdurer la lenteur. Cette
actualité révèle aussi l'obsolescence de la prescription
en matière pénale. « Depuis 2005, la modernisation de la
justice togolaise peine à devenir une réalité.
Aujourd'hui, l'un
30 PONSEILLE (A) « La peine et le temps
», Archives de politique criminelle 2007/1 (n° 29) ISBN :
9782233005229, Éditeur : Editions A. Pédone(article), p.1.
31 Art.495-7 et s. CPPF, issus de la loi n°2004-204 du 9
mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité.
32 PRADEL (J.), Procédure
pénale, 13eme éd, Ed.Cujas, 2006 ; STEFANI (G.),
LEVASSEUR (G.) et BOULOC (B.), Procédure pénale, Dalloz,
20eme ed, 2006.
33 La gestion du temps dans le procès
pénal fut le thème central d'un rapport au Garde des Sceaux :
Jean-Claude MAGENDIE, Célérité et qualité de la
justice, Paris : La Documentation Française, 2004, p.211.
34 Selon les conclusions d'une enquête
initiée par le CROP en 2017, seul 37% ont confiance à la justice
togolaise.
35Freedom House, 2016 ;Département d'Etat
des Etats-Unis, 2015, « Les observateurs internationaux estiment que
le système judicaire togolais est en proie à des
difficultés du fait de l'influence politique de la présidence,
dont la détention prolongée et sans jugement des adversaires
politiques, et l'impunité dont jouissent les alliés politique
», cité par WAMBUA (P.-M.) et LOGAN (C.), Le système
judiciaire togolais entre l'inconfiance populaire et les perceptions de
corruption ; Publication Afro Baromètre, Dépêche
n°147, 2017.
36FALL (A.- B.), Le juge, le
justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation
concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en
Afrique, Edition Bruxelles Bruyant 2000, p. 310.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
6
des symboles des difficultés que trainent cette
justice est la lenteur des procédures. Descente dans les
réalités. La justice togolaise a été
souvent décriée, eu égard aux maux qu'elle traîne
depuis des lustres. Entre des magistrats véreux, le manque d'outils
techniques et des agents parfois peu qualifiés, les citoyens donnent
assez moins de crédit à cette justice. En effet, en 2017, selon
les conclusions d'une enquête initiée par le Centre de Recherche
et de Sondage d'Opinions (CROP), partenaire d'Afro baromètre, seul 37%
de togolais ont confiance aux tribunaux alors que 48% parlent de corruption.
48% se plaignent des longs délais; 44% déplorent la
complexité du système et 39% pointent du doigt le manque de
conseil ou d'assistance. Comme vous l'aurez constaté, les longs
délais qui sont la conséquence de la lenteur des
procédures découragent certains concitoyens à se tourner
vers la justice même quand l'occasion les y contraint. Selon l'avis des
spécialistes en la matière, la célérité
(dans le respect des parties) est un impératif pour une justice moderne
et efficace. Et pour cause, souhaiter que la justice soit bien rendue implique
non seulement que la décision du juge soit juridiquement correcte mais
aussi qu'elle intervienne dans un délai utile. Il suffit pourtant de
lire certains arrêts des juridictions pour constater que la revendication
d'une accélération du service public de la justice est devenue
générale »37.
Il est intéressant de comparer la législation
togolaise avec celle de la France en matière de temps dans la justice
pénale afin de comprendre et de constater où se situe l'Etat
togolais. Le constat amer qui se dégage est le retard du
législateur togolais par rapport à son homologue français.
En effet, le législateur n'a pas à l'heure actuelle
référencé le droit au délai raisonnable dans son
Code de procédure pénale. En matière de prescription de
l'action publique, le législateur n'a ni allongé les
délais ni prévu des délais dérogatoires. Son
homologue français a pris le soin d'intégrer ces dispositions
dans son Code de procédure pénale.
La justice s'exerce au nom d'un peuple dans le but d'assurer
le respect des lois aussi bien nationales, régionales
qu'internationales. Ce monopole est dévolu aux juges et leur permet de
mettre en exergue la place de la justice afin de juger le niveau d'un Etat de
droit.
Au Togo, la justice pénale a pour fonction de juger les
infractions au Code pénal, qui sont de trois ordres : les
contraventions, les délits et les crimes38. Trois
juridictions assurent cette tâche : le tribunal de police, le tribunal
correctionnel et la cour d'assise. Le juge pénal ne peut prononcer la
sanction pénale que si le fait délictueux poursuivi est
prévu et qualifié par la
37WWW. Info du pays La justice togolaise à Pas
de Tortue, « la modernisation », consulté le 15 mars 2019. 38
Article 3 CPT.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
7
loi39. Telle est l'exigence de la formule latine
qui exprime le principe de la légalité des délits et des
peines : « Nullum Crimen, Nulla Poena Sine Lege ».
La justice pénale assurée par les juges
répressifs ne les place pas au-dessus des lois. Et si les justiciables
s'inquiètent des problèmes qui minent cette justice, c'est en
partie à cause du traitement lent des dossiers40 ; ceci ne
garantit pas le droit à un procès équitable dans un
délai raisonnable41. Cette lenteur se ressent à
plusieurs niveaux. D'abord, la garde à vue bien que
règlementée dans le Code de procédure pénale par
les articles 52 et suivants42, n'est pas respectée puisque
que très souvent les Officiers de Police Judiciaire (OPJ)
dépassent largement ce délai avant de déférer la
personne mise en cause devant le procureur de la République. En droit
pénal, cette exception au-delà des 48 heures devient souvent la
règle, en violation de l'article 9 alinéa 4 du
PIDCP43. Quel regard le ministère public, le
législateur et plus précisément l'Etat portent-ils alors
sur cet état de chose ? Ensuite, des personnes sont souvent
arrêtées et détenues pendant des années sans
jugement. Cette situation entraine l'engorgement des prisons. Enfin,
l'indemnisation suite à des détentions préventives
aboutissant à des acquittements n'est souvent pas à la hauteur du
préjudice moral et social qui a été subi. Il se pose
dès lors la question de l'utilité de la prolongation inutile des
détentions préventives44. Il s'agit du temps dans la
justice pénale togolaise.
Dans la justice pénale, le temps constitue l'un de ces
problèmes majeurs qui défraient constamment la chronique et
contribue à donner d'elle une image négative aussi bien à
l'égard de la communauté nationale qu'internationale. Il est donc
certain que la conduite de la justice pénale est
irrémédiablement dépendante du temps. Vu l'importance du
temps dans la justice pénale, il urge de se demander : quelle
appréciation les juges togolais font-ils réellement de la notion
du temps ? Le temps est un droit subjectif pour les justiciables et une
obligation pour le juge. Mais, il y a lieu de reconnaitre que l'Etat en est le
principal débiteur dans la mesure où il lui incombe de s'assurer
que la justice soit rendue dans un délai raisonnable au risque de voir
sa responsabilité engagée45.
Selon la Cour Européenne des droits de l'Homme, le
délai de résolution d'un litige tient lieu de trois facteurs
à savoir, la diligence plus ou moins grande du juge, le comportement
des
39 Article 2 CPT.
40 Article 9 Paragraphe 3 du Pacte International relatif aux
droits Civils et politique.
41Article 14 alinéa 3-c Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
4248 heures, renouvelable une fois,
exceptionnellement ce délai peut aller au-delà, jusqu'à 15
jours, lorsqu'il s'agit d'affaires complexes (drogues avec des ramifications
étrangères).
43« Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des
droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'administration de
la justice au Togo », Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies
aux droits de l'homme au Togo, décembre 2013, p.27.
44 Articles 112,113 et suivant du Code de Procédure
Pénale du Togo (CPPT).
45 FRISON-ROCHE (M.-A.), « Les droits
fondamentaux des justiciables au regard du temps dans la procédure
», in J.-M. COULON et M.-A. FRISON-ROCHE (dir.), Le
temps dans la procédure, coll. « Thèmes et commentaires
», Dalloz, 1996, p.11s. ; DEGUERGUE (M.), « Les
dysfonctionnements du service public de la justice », RFAP 2008/1
(n°125), p. 151.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
8
parties au procès et la complexité juridique du
litige46. Dans la justice pénale, qui dispose
réellement de la maitrise du temps ? En droit pénal, l'emprise
des acteurs sur le temps du procès est-elle réellement effective
? Dans cette perspective, le temps peut-il revêtir une dimension aussi
bien objective que subjective ?
Etant à la fois un critère de qualité de
la justice et celui de l'évaluation du système
judiciaire47, le temps est essentiellement consubstantiel à
la procédure pénale comme à toute autre
procédure48. Il est donc évident que le temps est un
levier important dans la justice pénale. Le délai raisonnable
d'exécution des décisions pénales est un indice au droit
à un procès équitable. Malheureusement, la lenteur de la
justice est une préoccupation que dénonce
régulièrement les justiciables49 et certains
juges50. En effet, cette lenteur a pour corollaires l'insuffisante
célérité de la justice pénale, la lourdeur et la
lenteur des procédures pénales. Elle révèle surtout
le manque chronique de moyens matériels et humains, ce que la
modernisation de la justice n'arrive toujours pas à résoudre.
Par ailleurs, la lenteur de la justice pénale constitue
un obstacle à sa qualité et à son efficacité. C'est
dans ce contexte que fleurissent les adages « le temps qui passe,
c'est la vérité qui s'enfuit », « justice
tardive équivaut à injustice » ou encore «
justice delayed is justice denied »51. Il va de soi
que la modernisation de la justice pénale entamée, a
véritablement du mal à être effective. Comment peut-on
dès lors établir un nécessaire équilibre entre les
voies procédurales aux fins de parvenir à contenir efficacement
la justice pénale dans le respect scrupuleux du délai raisonnable
? De même, pour une accélération de la justice
pénale, quelles sont les mesures à prendre par le
législateur national pour aboutir à des réponses
pénales justes ? L'institution d'un délai raisonnable devient
impérative pour éviter la lenteur dans l'exercice de la justice
pénale.
Par ailleurs, le juge pénal avant de se pencher sur le
traitement de l'affaire qui lui est confiée, a l'obligation de
vérifier la possibilité de poursuivre l'acte délictueux.
Le Code de Procédure Pénale a prévu des délais de
prescription c'est-à-dire dix ans (10) pour les crimes, trois ans (03)
pour les délits et un an (01) pour les contraventions dont
l'écoulement entraine
46 CEDH, 24 octobre 1989, H. c/ France, RFDA
1990, p. 203, note O. DUGRIP et F. SUDRE, LPA 28 février
1990, p. 12, note L. RICHER.
47 MIHMAN (A.), « contribution à
l'étude du temps dans la procédure pénale : pour une
approche unitaire du temps de la réponse pénale »,
thèse pour le Doctorat en Droit privé et sciences criminelles
à l'Université Paris Sud 11, 02-04-2007, p.16
48 VITU (A.), « les délais des
recours des voies en matière pénale », in Mélanges
offertes à Albert CHAVANNE : droit pénal, propriété
industrielle, Litec, 1990, p. 179
49 WAMBUA (P.-M.) et LOGAN (C.), Le
système judiciaire togolais entre l'inconfiance populaire et les
perceptions de corruption ; Publication Afro Baromètre,
Dépêche n°147, 2017.
50 Le Président du Conseil Supérieur de la
Magistrature du Togo monsieur Patrice Akakpovi GAMATO a reconnu en ces termes
« lenteur, lenteur, c'est sous tous les cieux, la justice est lente
» le 14 février 2016 au cours de l'émission Plateau de
la Semaine « Hautes juridictions et facilitation de l'accès
à la justice ».
51 SARR (N.), le délai raisonnable
dans le procès pénal, mémoire de maitrise en science
juridique à l'Université Gaston eryersaint-Loui 2007, p.4
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
9
l'extinction de l'action publique et rend de ce fait toute
poursuite impossible52. Mais, cette prescription ne peut-elle pas
être considérée comme abusive dans la mesure où elle
serait une entorse à la réponse pénale ? D'ailleurs, la
prescription de l'action publique peut avoir pour conséquence non
seulement l'absence de répression mais aussi la remise en cause de
l'égalité devant la loi pénale. Dans cette perspective, la
prescription peut être perçue comme un abandon par la justice
pénale de ses devoirs ou le déni de la reconnaissance des
victimes.
La prescription de l'action publique est la grande loi de
l'oubli. Prévue par le Code pénal, la prescription de l'action
publique, à l'aune des évolutions, peut être remise en
cause, voire refusée et ce dans un double contexte à savoir : la
nécessité de préserver le devoir de mémoire
d'autant plus que la mémoire tend à supplanter l'oubli et la
volonté d'assurer plus efficacement la répression. En effet,
certains crimes ou délits ne peuvent pas passer tout simplement par
pertes et profits du fait qu'on doit les oublier pour avancer. Des sanctions
s'imposent pour décourager de potentiels criminels, auteurs ou complices
d'infraction. C'est ce qui pousse certains penseurs53 à
requérir une moindre indulgence envers les condamnés.
Le titulaire principal du droit de déclencher l'action
publique est le ministère public. Ainsi, il n'est pas
superfétatoire de rappeler qu'il est parfois bon que l'Etat poursuive
dans le temps le délinquant si cela peut aider la victime à se
décharger du poids qui pèse sur sa conscience. Une politique
pénale répressive qui met à nu la carrière
criminelle de l'individu permet aujourd'hui d'accroître
l'efficacité de la répression. Pour pallier la prescription de
l'action publique, le législateur ne doit-il pas songer à
instaurer une procédure judicieuse et alternative à celle-ci ?
Après l'écoulement d'un temps,
l'inexécution totale ou partielle de la décision de condamnation
prononcée par le juge pénal, entraine son extinction. Il s'agit
de la prescription de la peine. Cette situation actuelle du droit de la
prescription des peines en droit pénal ne devient-elle pas une source de
confusion et d'insécurité, à rebours de la vocation
fondamentale du principe fondé justement sur la primauté de la
sécurité ?
Parler du temps dans la justice pénale au Togo revient
finalement à se demander si la justice pénale s'exécute
dans le temps ? Quel temps faut-il pour le traitement des affaires
pénales ?
Les réflexions que nous menons sur « le temps
dans la justice pénale au Togo » présentent un
intérêt certain et ce, sur les plans théorique et
pratique.
52 Article 7 CPPT.
53 RENUCCI (J-F.), Infractions d'affaires et
prescription de l'action publique, DALLOZ. 1997, Chronique. P.23
:« Comment admettre l'oubli dès lors que la victime
réclame réparation, même si cette demande est tardive ?
» ; GARRAUD (R.), Traité théorique
et pratique du droit pénal français, préc., T.
II,§ 723, p.542.
Au plan théorique, cette étude met en exergue
les lacunes de la législation dans sa quête d'une juridiction
pénale qui s'inscrit véritablement dans le temps. Aussi, le
législateur, voire les constituants, doivent prévoir des
mécanismes permettant la distribution de la justice pénale dans
un délai satisfaisant tous les intérêts en cause.
Au plan pratique, l'importance de cette problématique
est évidente. En effet, dans l'intérêt d'une bonne
administration de la justice pénale, la personne poursuivie,
présumée innocente jusqu'à la condamnation
définitive ou réputée telle, ne doit pas demeurer trop
longtemps dans l'incertitude quant à l'issue des poursuites
engagées contre elle. La victime ou ses ayants-cause, doivent avoir dans
un délai optimal, la réparation du préjudice subi.
Généralement, la société verra l'auteur de ces
méfaits identifié, jugé et condamné. C'est à
ce prix que la paix sociale pourra être rétablie.
Il est évident que dans la justice pénale, le
temps constitue une préoccupation ininterrompue pour le policier, le
gendarme, le parquetier, le magistrat instructeur ainsi qu'à la
formation du jugement. Malheureusement, l'irrespect de ce temps demeure un
frein à une bonne administration de la justice pénale togolaise
(Première partie), et pour accélérer les procédures
pénales afin de garantir une bonne répression des infractions au
Code Pénal, il urge de réfléchir à instaurer le
juste temps (Deuxième partie).
Première Partie : L'inefficacité du
temps dans la justice pénale togolaise.
Deuxième Partie : Le juste temps pour une
justice répressive efficace au Togo.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
10
PREMIERE PARTIE
L'INEFFICACITE DU TEMPS DANS LA JUSTICE
PENALE TOGOLAISE
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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La commission d'une infraction pénale peut
déboucher sur plusieurs issues. Soit l'action publique n'est pas
déclenchée et est de ce fait prescrite après un certain
temps. Soit l'action publique est mise en mouvement et le procès
pénal parvient à un dénouement. Lorsque la sanction
pénale n'est pas exécutée dans les délais, elle est
prescrite. Dans tous les cas, tout se déroule sous le dictat du temps.
Puisque, pour trouver un dénouement au procès pénal, le
temps est mis en avant par les juges. Ainsi, ils usent des mois voire des
années selon la complexité de l'affaire en cause. Le temps joue
donc un rôle primordial dans la justice pénale togolaise.
Malheureusement, le temps est perçu comme un facteur
d'inefficacité de cette justice.
L'inefficacité est le fait de ne pas atteindre le
résultat escompté. Le facteur est un élément qui
participe à la réalisation de quelque chose. Ainsi, nous pouvons
dire que la justice togolaise a véritablement du mal à cerner le
temps.
Pourquoi le temps est-il considéré comme un
facteur d'inefficacité de la justice pénale togolaise ?
Au Togo, la lenteur est l'un des défauts de la justice
pénale. Dans ce système judiciaire, les entorses à la mise
en oeuvre des standards du procès pénal équitable
résultent essentiellement des textes législatifs ou
règlementaires insuffisants ou imprécis, voire attentatoires aux
libertés, et des comportements des acteurs du procès,
méconnaissant les règles ou les appliquant de manière
inappropriée. Ces situations entrainent la lenteur de la
procédure pénale et rendent de ce fait la décision peu
crédible. Dans cette perspective, la doctrine estime que «
Justice rétive, justice fautive »54 et «
le temps qui passe, c'est la vérité qui s'enfuit
»55. En France par exemple, lors de la rentrée
solennelle du TGI de Paris, le 12 janvier 2005, Jean-Claude MARIN, procureur de
la République, insistait sur les « nécessaires
équilibres entre les voies procédurales aux fins de parvenir
à contenir le temps de la justice pénale dans le respect du
délai raisonnable» et relevait « que la justice
[était] aussi malade de son anachronisme et du caractère souvent
historique de sa réponse aux agissements les plus graves, les plus
complexes ou les plus systémiques »56.
Outre le manque de rapidité dans le déroulement
du procès pénal, l'étude de la prescription en droit
pénal, permet de projeter un double regard sur le temps et l'espace. En
effet, le temps et l'espace illustrent parfaitement la prescription puisque, si
l'espace reste domestiqué par l'homme et réglementé par la
science des conflits des lois, l'homme n'a pourtant pas une
54KUTY (F.), Justice
pénale et procès équitable, délai raisonnable
- présomption d'innocence et autres droits spécifiques du
prévenu, Volume 2, Larcier, Bruxelles, 2006, p 1.
55 LOCARD (E.), Traité de
criminalité, tome VII, Desvignes Ed. Lyion 1940, p.282.
56 Cité dans Mission de recherche Droit et justice, Le(s)
temps judiciaire(s), p.2.
véritable emprise sur le temps dont l'écoulement
inexorable lui est tour à tour cruel et
réparateur57.
Pour mieux cerner la problématique de
l'inefficacité du temps dans la justice pénale togolaise, il urge
de s'atteler au retard excessif qu'accuse la justice pénale (chapitre I)
ainsi qu'aux problèmes que traversent la prescription en matière
pénale (chapitre II).
Chapitre premier : La lenteur de la justice
pénale togolaise.
Chapitre second : L'obsolescence des règles de
la prescription en droit pénal togolais.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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57 FAUVARQUE-COSSON, (B.), « La
prescription en droit international privé », édition
Pedone, Paris 2005, p. 23.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice
pénale au Togo », 17-04-2019. Page 14
CHAPITRE I
LA LENTEUR DE LA JUSTICE PENALE TOGOLAISE
Au Togo, la confiance que les citoyens peuvent avoir dans le
système judiciaire pénal est tributaire de l'idée qu'ils
se font de la rapidité avec laquelle les dossiers sont traités
par ce système judiciaire et de la mesure dans laquelle la
procédure est conduite d'une façon qui garantisse la protection
juridique de l'individu. Malheureusement, un sentiment de méfiance, de
désaffection anime certains justiciables à l'égard de
cette justice pénale58 à cause de sa lenteur qui est
un phénomène aussi bien fréquent que préoccupant.
En effet, face à la justice pénale togolaise, les plaideurs
s'arment de patience inouïe dans l'attente du jugement, et l'obtention de
la réparation.
La lenteur c'est ce qui manque de
célérité ou de vivacité. C'est également le
retard dans l'accomplissement ou le déroulement de quelque chose. Mais
qu'est-ce qui explique réellement la lenteur de la justice pénale
togolaise ?
Pendant longtemps, la justice pénale togolaise s'est
voulue hors du temps, détachée des évènements, sous
prétexte de prendre le recul nécessaire pour juger sereinement
les dossiers. Aujourd'hui, le recul d'autrefois est devenu aux yeux des uns et
des autres une perte de temps, d'où une modification progressive mais
radicale des cultures professionnelles. En même temps, la stagnation du
nombre de magistrats, à certaines époques, a maintenu de longs
délais de traitement des dossiers, en termes de mois mais aussi
d'années59 entrainant l'arriéré
judiciaire60.
La crédibilité du juge togolais est
sérieusement remise en cause. Il demeure à l'instar de certains
de ses collègues africains dans sa « fonction pratiquement
nulle » que Montesquieu avait assigné jadis au juge
français qui semble en sortir définitivement «
grâce à la hardiesse et à l'opiniâtreté
avec lesquelles il procède à la moralisation de la vie politique
(par des mises en examen successives d'hommes politiques de tous bords)
»61. Il est donc constant que le juge africain, et par
là même la justice au Togo, est « en panne
»62. Ce constat n'est pas récent puisque depuis
longtemps, de nombreux observateurs avertis l'ont établi par le biais
de
58 Selon les conclusions d'une enquête
initiée par le CROP en 2017, seul 37% ont confiance à la justice
togolaise. 59BASTARD (B.), DELVAUX (D), MOUHANNA (C.) et
SCHOENAERS (F.), Justice ou précipitation,
L'accélération du temps dans les tribunaux, Ed Presses
Universitaires de Rennes, 21 Janvier 2017.
60 Tant qu'un litige n'est pas tranché, il
encombre évidemment les rôles et empêche que les autres le
soient aussi.
61 FALL (A.- B.), Le juge, le justiciable
et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la
place du juge dans les systèmes politiques en Afrique, Edition
Bruxelles Bruyant 2000, p. 310.
62 MOUTÉKÉ (MM. R.) et LOCKO, (I.),
« Protection des droits et des magistrats au Congo. Pathologie
d'une justice exsangue »; dans Droits de l'homme en Afrique centrale,
colloque de Yaounde, 9-11 novembre 1994, éd. Ucac-Karthala, 1996,
p. 169), dresse un constat pathétique, mais assez objectif de la
situation de la justice au Congo. Une situation que connaît,
hélas, la grande majorité des États africains.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
15
remarquables études63, afin de
découvrir les causes et de tenter de trouver des remèdes à
ce phénomène.
La lenteur de la justice pénale qui est la violation du
droit d'être jugé dans un délai raisonnable découle
souvent de l'inutile complexité des procédures judiciaires, du
manque de moyens et de la « culture de la lenteur64 ». Il
est évident que les causes de cette lenteur, constituent des facteurs
d'injustice d'autant plus qu'on généralise le sentiment
d'impunité en ne réglant pas à temps les problèmes
posés.
L'observation, l'organisation, le fonctionnement du droit
pénal et certaines réalités du pays, permettent de
constater que le respect et la mise en oeuvre du droit au délai
raisonnable dans l'administration de la justice pénale ne sont pas
totalement effectifs. Les raisons sont diverses. A travers une observation
attentive, ces difficultés doivent être liées d'une part,
aux obstacles de droit à la célérité de la justice
pénale (Section I) et aux obstacles de fait à un jugement
pénal dans un délai raisonnable (Section II) d'autre part.
Section I : Les obstacles de droit à la
célérité de la justice pénale togolaise
Les difficultés légales à la
célérité de la justice pénale, sont liées
aussi bien à l'exclusion de la notion du délai raisonnable par le
droit pénal (§.1), qu'à l'inadéquation des
règles de procédures (§.2).
§.1- L'exclusion de la notion du délai
raisonnable par le droit pénal togolais
L'une des garanties d'un bon procès pénal est sa
tenue dans un délai raisonnable. Cependant, même si certaines
dispositions existantes65 font croire à la notion du
délai raisonnable, le constat nous révèle que le
législateur national n'a pas référencé la notion de
délai raisonnable (A) et n'a pas non plus daigné assurer une
protection pénale efficace du droit au délai raisonnable (B).
A- L'absence de référence de la notion
de délai raisonnable en droit pénal togolais Le
délai raisonnable est une notion juridique d'inspiration
anglo-saxonne66. Il est inclut à l'article 6§1 de la
Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés Fondamentales (CESDHLF)67. Selon cette convention,
le jugement des affaires
63 V. En particulier, les analyses faites sur la justice en
Afrique, dans Afrique contemporaine, numéro spécial,
1990 et l'importante bibliographie citée à la page 293; v.
également les articles publiés dans l'ouvrage de l'Aupelf-Uref,
L'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la
communauté francophone ; Colloque international des 29 et 30
septembre et 1er-10-1993 à Port-Louis (République de
Maurice), 1994; Le juge : une figure d'autorité, Actes du premier
colloque organisé par l'Association Française d'Anthropologie du
Droit, (A.P.A.D.),Paris, 24-25-26 novembre 1994, ed L'Harmattan, 1996; Les
Cours Suprêmes en Afrique, tome 2, Economica, 1989;
Encyclopédie Juridique de l'Afrique, tome V, NEA, Dakar,
1982.
64 LEHMAN (H.), Justice, Une lenteur coupable,
Presses universitaires de France, Paris, 2002. 65Art 52 CPT : Garde
à vue et art 112 CPT détention préventive.
66Www.wikipédia.org/wiki/,
« Délai raisonnable », consulté le 16 février
2019.
67 Ibidem
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
16
civiles et pénales par les juridictions doit intervenir
dans un « délai raisonnable » compte tenu du nombre des
parties, des textes invoqués, des preuves à apporter et de la
complexité de l'affaire68. Aussi, la détention des
personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être la
règle. Dans ce même ordre d'idées l'article 5 §.3 de
la C.E.D.H. édicte notamment « toute personne
arrêtée ou détenue a le droit d'être jugée
dans un délai raisonnable ou libérée pendant la
procédure ». Il s'agit de la reconnaissance du droit au
délai raisonnable par les traités internationaux.
La notion de délai raisonnable est une notion difficile
à définir. Le terme délai se rapporte à la
durée et peut s'entendre comme le temps accordé pour faire une
chose. Selon sa traduction littérale, le mot « raisonnable
» qui est un adjectif équivaut à « ce qui est
conforme au bon sens » ou « ce qui est conforme à la
raison » ou encore« ce qui se tient dans une juste mesure
». Il exprime la durée de temps qui sépare
deux instants.
L'obligation de respecter, de protéger et de mettre en
oeuvre le droit au délai raisonnable devant les juridictions
pénales est consacrée par plusieurs instruments internationaux
ratifiés par le Togo. Il s'agit à titre indicatif, du Pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) qui
prévoit en son article 9, §.3 que « Tout individu
arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale
sera traduit dans le plus court délai devant le juge ou une
autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions
judiciaires et devra être jugé dans un délai raisonnable ou
libéré » ; de la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples (CADHP) adoptée en 1981 qui dispose en son article 7 :
«Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce
droit comprend : [...] le droit d'être jugé dans un
délai raisonnable par une juridiction impartiale ». Ces deux
instruments internationaux ratifiés par l'Etat togolais font partie
intégrante de la Constitution de la IVème République du
Togo de 1992 révisée par les lois de 2002 qui dispose en son
article 19 alinéa 1erque « Toute personne a droit en
toute matière à ce que sa cause soit entendue et tranchée
équitablement dans un délai raisonnable par une juridiction
indépendante et impartiale ». Cette disposition fait
également partie intégrante du préambule de la
constitution sénégalaise de 2002.
Malheureusement une analyse approfondie nous permet de
constater que cette disposition du « droit au délai raisonnable
» est absente aussi bien du Code pénal que du Code de
procédure pénale. Cette absence, constitue la violation d'un des
aspects fondamentaux de la garantie du droit à un procès
équitable prévu par l'article 14 alinéa 3-c du PIDCP et a
pour corollaire la persistance de la lenteur de la justice pénale
togolaise. Elle constitue également une violation flagrante des
instruments internationaux ratifiés par l'Etat togolais. Pourtant son
homologue
68 Ibidem
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
17
français, a introduit dans l'article
préliminaire de son Code de Procédure Pénale un article
qui dispose qu' « il doit être statué,
définitivement sur l'accusation dont la personne fait l'objet dans un
délai raisonnable ».69 Il en est de même du
législateur marocain, qui a déterminé dans le
préambule de son Code de procédure pénale, de nouveaux
délais devant assurer la célérité des
procédures judiciaires. Les législateurs français et
marocain ont donc pris la mesure de la chose en incitant clairement au respect
du délai raisonnable. Ce qui nous motive à émettre ces
interrogations : pourquoi le législateur togolais a-t-il gardé un
mutisme en l'espèce ? Pourquoi le législateur n'a-t-il pas
référencé la notion du droit délai raisonnable dans
le droit positif togolais ? Il faut dire que le législateur national ne
reconnait pas le droit au délai raisonnable en droit pénal.
Le droit au délai raisonnable est un pilier d'une bonne
justice, un des aspects fondamentaux de la garantie du droit à un
procès équitable. Mais, Qu'est-ce que le droit au délai
raisonnable ? Comment peut-on l'identifier ? Comment peut-on le mesurer ? Des
interrogations difficiles à cerner aussi bien par les justiciables que
par les autorités judiciaires, en raison de l'absence de la notion du
délai raisonnable dans le droit pénal.
Toute justice doit être rendue dans de meilleurs
délais. Lorsque le délai raisonnable n'est pas respecté,
comme l'a souligné le Professeur Fabienne QUILLERE- MAJZOUB, il y a
entorse aux impératifs du procès équitable70.
C'est dans ce contexte que fleurissent ces adages louangeurs : « Le
temps qui passe, c'est la vérité qui s'enfuit » ;
« Justice delayed is justice denied » et selon Walter
Savage LANDOR« une justice tardive est une injustice
»71. Par ailleurs, EDEL affirme qu'une justice qui n'a pas
la capacité de rendre ces décisions dans un délai
raisonnable serait théorique et illusoire72. Dans ce contexte
et eu égard à la lenteur dont fait fille la justice pénale
togolaise, il faut dire qu'elle ne répond pas à
l'impératif de sécurité juridique.
Le « délai raisonnable », n'est pas
juridiquement définit par le législateur national. Pourtant,
c'est une composante essentielle du procès équitable et est un
véritable concept juridique, surtout en matière pénale
où les libertés fondamentales du justiciable sont en jeu,
grâce à l'émergence des droits de l'Homme
internationalement reconnus73.
Le respect du délai raisonnable dans un procès
pénal a pour but d'empêcher les effets néfastes de
l'écoulement du temps. A l'antipode, l'allongement des délais
pénaux à
69CPPF, article préliminaire, Edition :
13/09/2017, droit point org, Institut Français d'information Juridique,
p.10
70 QUILLERE-MAJZOUB (F.) La défense
du droit à un procès équitable, Bruylant, Bruxelles,
1999, p.319.
71 SIDIKI (K.), Les droits de l'homme au
Sénégal, collection xaam sa yoon, pp 104 et suivants.
72EDEL (F.), La durée
des procédures civiles et pénales dans la jurisprudence de la
CEDH, Editions du Conseil de l'Europe, 1 juin 2006, p .6.
73 QUILLERE-MAJZOUB (F.), La défense
du droit à un procès équitable, Bruylant, Bruxelles,
1999, p.319 note (9).
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
18
d'importants corollaires à savoir : la disparition
totale ou partielle des preuves, la perte de crédibilité des
témoins, l'augmentation des frais de justice et l'erreur
judiciaire74.
L'introduction du droit au délai raisonnable dans le
droit pénal togolais sera destinée à renforcer
l'unité de la législation pénale, systématiser et
si possible simplifier les formalités administratives au niveau de la
justice pénale. Ce qui permettra une meilleure gestion de
l'administration judiciaire pénale.
N'ayant pas référencé le droit au
délai raisonnable dans le code de procédure pénale, le
législateur a donc implicitement manqué d'assurer une protection
suffisante audit droit.
B- L'absence de protection du droit au délai
raisonnable
La protection du droit au délai raisonnable devant la
justice pénale est la prise de dispositions nécessaires,
suffisantes et adéquates pour garantir l'effectivité du
procès pénal dans le délai raisonnable. Au, Togo, la
protection du droit au délai raisonnable fait défaut. En effet,
les dispositions légales devant assurer le respect du droit au
délai raisonnable n'ont pas été prises dans les Code
pénal et de procédure pénale. Cette situation est de
nature à favoriser la lenteur de la justice pénale.
Cette absence de protection du droit au délai
raisonnable est donc contraire aux droits reconnus par l'article 19 de la
constitution togolaise et porte atteinte à la dignité humaine. Si
le droit au délai raisonnable est consacré par la loi
fondamentale togolaise, la pratique en est toute autre. En effet le principe de
la primauté des droits et surtout celui d'être jugé dans un
délai raisonnable sont fréquemment enfreints au nom du maintien
de l'ordre public et de l'existence de circonstances exceptionnelles. Selon
Julius NYERERE« il est préférable que quelques innocents
souffrent d'une détention temporaire plutôt qu'un seul
traître puisse détruire la nation»75. Pour
renchérir, feu Félix HOUPHOUËT-BOIGNY déclarait en
1963« Je préfère l'injustice au désordre : on
peut mourir de désordre, on ne peut mourir d'injustice. Une injustice
peut être réparée »76.
L'absence de protection du droit au délai raisonnable
devant la justice pénale entraine des violations de cette garantie. Ces
violations peuvent être relevées aussi bien au début qu'au
cours de la procédure pénale. S'agissant du début de la
procédure, il faut noter la garde à vue. Les délais
initialement prévus par le Code de procédure
pénale77 sont souvent l'exception
74 VERGES (J.), Les erreurs
judiciaires, Presses Universitaires de France, Paris, 2002, p.126.
75 Revue de droit contemporaine, n° 2, 1964, p.9.
76 MADIOT (Y.), Droits de l'homme et
libertés publiques, Edition Masson; cité par Gonidec, tome II, p
60
77Art. 52 du CPPT :« Si, pour les
nécessités de l'enquête, l'officier de police judiciaire
est amené à garder à sa disposition une ou plusieurs
personnes contre lesquelles il existe des indices graves et concordants de
nature à motiver leur inculpation, il ne peut les retenir plus de 48
heures. Le délai prévu à l'alinéa
précédent peut être prolongé d'un nouveau
délai de 48 heures par autorisation du Procureur de la République
ou du Juge chargé du Ministère public ».
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
19
dans la pratique. En effet, la personne poursuivie reste
plusieurs jours en garde à vue sans la prise en compte de son cas par
les autorités de poursuite. La violation du délai de la garde
à vue peut se justifier par la mauvaise foi ou la méconnaissance
du délai raisonnable par certains officiers de police judiciaire.
Au cours de la procédure, les violations s'observent au
niveau de la tenue des audiences. La mise en oeuvre tardive des audiences de
jugement, entraine la détention provisoire de la personne poursuivie
pendant des durées excessives. Un rapport établi en 2012 par
l'Inspection générale des services juridictionnels et
pénitentiaires du Togo, a révélé que plus de 70%
des détenus dans les prisons sont des détenus
préventifs78. En 2016, un autre rapport sur les droits de
l'Homme au Togo de United States Department of State, atteste que les personnes
en détention provisoire et préventive, sont au nombre de 2 800 et
représentaient 63 % de l'ensemble de la population
carcérale79. Cette réalité est en phase avec le
système juridique pénal ivoirien. Ainsi, « quelle que
soit la qualité des magistrats, il va sans dire que dans un pays
où l'essentiel des preuves recueillies consiste en des
témoignages, il est particulièrement difficile de juger des
criminels, 5 ou 10 ans après les faits, selon une procédure
accusatoire : les témoins et les parties civiles se
désintéressent des procès après tant de temps, ne
peuvent plus être retrouvés ou ne se souviennent plus des faits
avec précision. Dans ces conditions, la justice rendue ne peut
qu'être approximative et les risques d'erreurs judiciaires sont
énormes. Or, il s'agit de crimes dont les auteurs encourent les peines
les plus sévères »80.
Par rapport à ce qui précède, les
violations du délai raisonnable dans la pratique judiciaire
pénale togolaise sont dues à l'absence de protection du droit au
délai raisonnable.
Si le délai raisonnable a du mal à être
effectif en droit pénal togolais, c'est en partie parce certaines
règles de procédures en matière pénale ne sont pas
adaptées à l'heure.
§.2- L'inadéquation des règles de
procédures en matière pénale
Pour l'heure, on note une insuffisance des règles de
procédure pénale avant et pendant le jugement (A) et l'absence de
véritable sanction de la violation du délai raisonnable (B).
A- L'insuffisance des règles de procédure
pénale avant et pendant le jugement
Les règles de procédure pénale sont
l'ensemble des règles qui organisent le processus de répression
d'une infraction. Elles font le lien entre l'infraction et la peine, par le
biais de
78 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de
l'homme au Togo, op cit, p.26.
79 Rapport 2016 sur les droits de l'Homme-Togo,
United States Department of State · Bureau of Democracy, Human Rights
and Labor p.5.
80 L'unité de l'Etat de droit (rule of law),
ONUCI ; Etude d'évaluation du système judiciaire ivoirien,
l'organisation et le fonctionnement du système judiciaire en Côte
d'Ivoire ; Juin 2007.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
20
phases intermédiaires et nécessaires portant sur
la constatation des infractions, le rassemblement des preuves, les poursuites
et le jugement de l'autorité compétente.
Le législateur a prévu dans son Code de
procédure pénale, des règles pour diligenter la
procédure pénale. Cependant, ces règles sont insuffisantes
puisqu'il existe d'autres règles telles le « plaider coupable
», « le délai de rigueur » et la limitation du nombre de
renvoi qui facilitent aussi la procédure pénale mais qui ne
figurent pas parmi les règles prévues par le législateur.
Il faut noter que l'absence de ces règles handicape sérieusement
la célérité de la justice pénale.
D'abord, le « plaider coupable » : il est d'origine
anglo-saxonne et a été introduit en procédure
française sous le nom de « comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité » par la loi du 09 mars 2004. Cette
règle est un mode de traitement des infractions qui consiste à
l'issue d'une procédure alléguée, à proposer au
prévenu une peine inférieure à celle encourue en
échange de la reconnaissance de sa culpabilité. Initialement
réservée au jugement de quelques petits délits, cette
règle concerne depuis la loi du 13 décembre 2011 tous les
délits. Toutefois elle n'est pas applicable à certains
délits ou certaines accusations graves. En d'autres termes, elle n'est
applicable qu'aux délits punis à titre principal d'une peine
d'amende ou d'emprisonnement d'une durée égale ou
inférieure à 5 ans81. Le « plaider coupable
», est destiné à accélérer le cours de la
justice pénale en organisant un traitement plus rapide d'un nombre
important de délits.
Le « plaider coupable », est mentionné
à l'article 93 du Code pénal82 mais ne fait pas encore
partie intégrante du Code de procédure pénale. Pourtant,
le législateur renvoie au Code de procédure pénale, les
conditions d'application, la détermination des infractions, et les
modalités du recours à cette procédure83. Il
faut préciser que l'application du plaider coupable est courante dans
les pays anglo-saxons, environ 90 fois sur 100 aux Etats-Unis84. Au
niveau national par contre, l'application du plaider coupable se
révèle difficile en raison de sa non actualisation dans le Code
de procédure pénale par le législateur. En France, la
comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité a
été appliquée pour la première fois par la justice
le 1er octobre 200485 et a acquis très tôt
une notoriété dans la mesure où les premières
81 Article 455 CPPF.
82 « Le Procureur de la République peut, d'office
ou à la demande du prévenu qui reconnaît les faits qui lui
sont reprochés, ou de son avocat, recourir à la procédure
de reconnaissance préalable de culpabilité ».
83 Article 94 CPT.
84 PRADEL (J.), Procédure pénale,
Edition Cujas, 19e édition, 10-2017, p. 297.
85 DELAGE (P.J.), La Comparution sur
Reconnaissance Préalable de Culpabilité : quand la pratique
ramène à la théorie, Dalloz 28 juillet 2005,
n°29, pp. 1970-1973.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
21
statistiques attestent que deux tiers des juridictions
pénales appliquent le « plaider coupable
»86.
Ensuite, le délai de rigueur : cette règle n'est
pas encore consacrée par le législateur togolais. Son homologue
sénégalais dans la quête d'une justice pénale dans
le délai optimal, a introduit le « délai de rigueur »
en matière de détention provisoire à travers l'article 127
de son Code de procédure pénale87.
Enfin la limitation du nombre de renvoi : le
législateur, a de même gardé silence par rapport à
la limitation du nombre de renvoi. Ce n'est pas le cas du législateur
sénégalais qui, dans sa volonté de proscrire des
manoeuvres dilatoires dont fait souvent fi certains justiciables et leur
conseil, a disposé à son article 385 de son Code de
procédure pénale : « une affaire en état
d'être jugée ne peut faire l'objet de trois renvois successifs
pour quelque cause que ce soit ».
Relativement au silence du législateur togolais
concernant ces nouvelles règles de procédure, il faut estimer que
le Code de procédure pénale est dépassé. L'absence
de véritable sanction de la violation du délai raisonnable
entrave la bonne administration de la justice pénale.
B- L'absence de véritable sanction de la
violation du délai raisonnable
Les procédures pénales sont soumises à un
principe général de célérité qui implique le
respect d'un délai raisonnable. Mais, la réalité en est
tout autre. En effet, certaines personnes, partie ou non au procès
pénal font recours à des manoeuvres dilatoires ou abusives
à dessein dans le but de ralentir la procédure pénale. Il
s'agit de la violation du délai raisonnable. Des questions s'imposent :
Qu'est-ce qu'une procédure abusive ? Qu'est-ce qui constitue
véritablement une procédure dilatoire ? Ces interrogations
restent sans réponses car, le législateur ne les a pas
prévues dans les Codes pénal et de procédure
pénale.
La violation du délai raisonnable doit être
sanctionnée afin de dissuader d'éventuels contrevenants. Sur ce,
qu'il s'agisse d'un justiciable, de son conseil, des autorités
politiques, administratives, parlementaires, judiciaires ou militaires, la
rigueur de la loi pénale doit leur être appliquée. Le
législateur n'a regrettablement pas prévu de sanctions pour la
répression de la violation du délai raisonnable. Cette situation
se relève à plusieurs niveaux.
D'abord, le législateur n'a pas prévu de
sanctions pour réprimer l'interférence de l'Etat dans l'exercice
du travail du juge alors que certains responsables politiques font obstruction
à la justice pénale dans leurs intérêts.
L'interférence dans le travail du juge constitue une atteinte à
son indépendance.
86 ROUMIER (W.), Mise en oeuvre de la loi du
9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité, Droit pénal, avril 2005.
87 CPP Sénégal.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
22
Ensuite, le législateur n'a pas non plus prévu
de sanctions pour les justiciables et leurs conseils en cas de violation du
délai raisonnable. Dans ce cas, dans quelle mesure la
responsabilité pénale du justiciable ou de son avocat peut-elle
être engagée ?
Enfin, il est à noter l'absence de dispositions
pénales devant punir les juges complices de la lenteur de la justice
pénale. Certes, le Code de déontologie dans lequel, sont
envisagées des sanctions à l'encontre des magistrats
véreux existe, mais il reste insuffisant. Par ailleurs, le Code
pénal dispose en son article 506 : « les autorités
politiques, administratives, parlementaires, judiciaires, militaires et les
magistrats ou tous fonctionnaires détenteurs d'une parcelle de
l'autorité publique qui se seront concertés pour influencer,
détourner ou s'opposer à l'exécution des lois sont de ce
seul fait punis d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux
(02) ans et d'une amende de cent mille (100 000) à deux cent mille (200
000) francs CFA ou de l'une de ces deux peines ». Cette disposition
ne constitue pas pour autant une sanction de la violation du délai
raisonnable.
De la sanction découle la réparation du
préjudice subi. Dans l'affaire des incendies des marchés de de
Kara et de Lomé les 11 et 12 janvier 2013, il faut rappeler que certains
citoyens ont été arrêtés et détenus en prison
et relaxés six (6) ans après, sans procès. Aucune
indemnisation ne leur a été versée en réparation du
préjudice subi en raison de leur incarcération. Nombre de
togolais ont à l'époque, porté un regard accusateur
à l'encontre de l'Etat et estimé que les arrestations
orchestrées contre ces citoyens n'étaient que politiques. Au
regard de cette situation, la question à se poser est de savoir si la
justice togolaise a dit le droit ? Quelle est la responsabilité de
l'Etat dans cette affaire ? En tout état de cause, face à ce
fléau, il est impératif, comme c'est le cas au
Sénégal de trouver des voies et moyens pour
l'accélération des procédures.
On assiste de plus en plus à la condamnation des Etats
pour leur lenteur judiciaire. Dans cette perspective, le Professeur
François CHEVALLIER disait que « la France est
régulièrement condamnée à ce titre devant la Cour
Européenne des droits de l'homme »88. A
titre illustratif, un requérant a obtenu la condamnation de la France
pour violation du délai raisonnable89. Ce qui a d'ailleurs
valu à l'état français le qualificatif d'un des plus
mauvais élèves en la matière. Au Togo par contre, les
sanctions contre la violation du délai raisonnable sont
quasi-inexistantes.
88 CHEVALIER (F.), « le droit au
juge devant les juridictions administratives » in Joël RIDEAU,
Le droit au juge dans l'union européenne, 1998, p. 186.
89Cass. Crim, 3 février 1993,
n°92-83.443.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
23
En réprimant les entraves au bon fonctionnement de la
justice90, le législateur national a omis de sanctionner en
prévoyant des peines d'amendes et d'emprisonnement à l'encontre
des auteurs de la lenteur de la justice pénale. L'absence de sanction de
la violation du délai raisonnable constitue une véritable entorse
à son respect. Cette lacune du droit pénal togolais est de nature
à favoriser la violation permanente du délai raisonnable tout en
occasionnant l'impunité dans un pays où la lenteur dicte
inexorablement sa loi dans une justice ternie souvent par des maux dont elles
souffrent.
Il résulte de tout ce qui précède que le
délai raisonnable est un droit fondamental, un fondement d'une bonne
justice. Toutefois, il connaît dans la pratique des violations qui
constituent les obstacles de droit à la célérité de
la justice. D'autres obstacles à savoir, les obstacles de fait endiguent
considérablement l'exécution de la justice pénale dans un
délai optimal.
Section II : Les obstacles de fait à un jugement
pénal dans un délai raisonnable
En consacrant le droit au délai raisonnable à
l'article 19 alinéa 1er de la constitution togolaise, il va
s'en dire que le Togo dispose d'un environnement adéquat à
l'épanouissement des droits de l'homme et confère par voie de
conséquence la garantie à chaque citoyen, la faculté de
saisir un tribunal et de faire trancher son litige dans un délai
raisonnable. Malheureusement, la justice pénale a véritablement
du mal à s'exécuter dans le délai raisonnable en raison
des obstacles de fait qui lui sont aussi bien internes (§.1) qu'externes
(§.2).
§.1- Les obstacles internes à
l'effectivité de la justice pénale togolaise
La justice pénale, en l'occurrence le juge pénal
a la haute mission de trancher les conflits en protégeant les
intérêts en jeu contre leurs violations et contre tout arbitraire
de la part des pouvoirs publics. Cette justice est cependant accusée de
tous les maux mais aussi soupçonnée de partialité, de
laxisme, de corruption, de négligence et même très souvent
d'incompétence. Cette situation se justifie aussi bien par le manque de
personnel judiciaire au pénal et par la mauvaise organisation de la
justice pénale (A), que par le disfonctionnement lié aux
personnels judiciaires et à leurs conditions de travail (B).
A- La carence en personnel judiciaire au pénal
et la mauvaise organisation de la justice pénale
Au Togo, le secteur de la justice en général et
du pénal en particulier souffre d'un manque chronique de ressources
humaines, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif. Ce manque favorise
la lenteur excessive de la justice pénale.
90Article 515 CPT : « Constituent une entrave
au bon fonctionnement de la justice : 1) le bris de scellés ; 2) la
destruction, la dégradation, la soustraction de registres,
d'éléments de preuve, d'actes ou autres documents publics ; 3) le
refus de témoigner ; 4) le faux témoignage ; 5) le faux serment ;
6) la subornation de témoin ; 7) l'altération volontaire par un
interprète de déclarations faites en justice ; 8)
l'altération volontaire par un expert de résultats ou
d'observations apportés en justice.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
24
Le personnel judicaire au pénal est composé
essentiellement de magistrats, de greffiers et de secrétaires des
greffes et parquets. Au Togo, la formation des magistrats, des greffiers et des
secrétaires de parquet est dévolue au Centre de Formation des
Professions de Justice (CFPJ)91, créé par la loi 2009
- 024 du 30 Octobre 2009. Ils doivent être en nombre suffisant afin de
pouvoir accomplir leur mission avec efficacité. Mais, il est à
noter une absence considérable du personnel judicaire au pénal.
En effet, le système judiciaire togolais est, surchargé et en
sous-effectif92. En effet, le Togo ne compte au total que deux cent
quarante-huit (248) magistrats dont trente (30) femmes93 en
fonction. S'agissant des magistrats il faut distinguer : les magistrats du
siège, les magistrats du parquet, les juges d'instruction, juges des
libertés et de la détention et des juges de l'application des
peines.
La lenteur de la justice pénale togolaise se justifie
en partie par l'insuffisance de ces magistrats aux différentes
étapes du procès pénal. D'abord, le magistrat du
siège chargé de dire le droit en rendant des décisions de
justice dont le juge d'instruction94, est un magistrat du
siège du tribunal de grande instance. Il intervient avant
l'éventuel procès pénal en vue de réunir tous les
éléments permettant de déterminer si les charges à
l'encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour que celles-ci soient
jugées. Il instruit donc à charge et à décharge. Ce
qui justifie son rôle crucial dans le procès pénal. Mais un
regard porté sur le nombre des magistrats au Togo révèle
son étroite insuffisance.
Ensuite, le ministère public représenté
par le Procureur de la République en personne ou par ses substituts
près le Tribunal de première instance95, par le
Procureur General en personne ou par ses substituts près la Cour d'Appel
et auprès de la Cour d'Assises96 et par un juge chargé
du Ministère public auprès d'un Tribunal de première
instance exerce à effectif restreint97 l'action publique et
requiert l'application de la loi98. Les juges doivent être en
nombre suffisant vu leur importance dans le procès pénal.
Malheureusement c'est à effectif réduit qu'ils travaillent.
Enfin, le juge de l'application des peines reste absent dans
l'organisation judiciaire. Il s'agit d'un vide juridique qui a des
conséquences sur la situation des détenus puisque, cela limite
l'individualisation des peines et à terme, contribue à la
surpopulation carcérale99. La mise en oeuvre des peines
probatoires en milieu ouvert reste aussi paralysée. Il en est de
même de
91 Il est érigé en service à
compétence nationale dans le cadre du Programme National de
Modernisation de la Justice. Il
relève du Président de la République avec
délégation de tutelle administrative et technique au
Ministère chargé de la Justice.
92Rapport 2016 sur les droits de l'Homme-Togo, opcit,
p.6.
93
www.justice.tg, consulté le
04 avril 2019.
94Art. 39 CPPT
95Art. 31 CPPT
96Art. 26 CPPT
97Art. 35 CPPT
98Art. 22 CPPT
99 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de
l'homme au Togo, Op cit, p.34.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
25
l'aménagement des peines d'emprisonnement de courte et
de moyenne durée telles que le port de bracelet électronique, le
chantier extérieur, la semi-liberté et la libération
conditionnelle.
Le manque de magistrats dans le procès pénal a
pour conséquence immédiate la surcharge administrative. En effet,
si dans le Tribunal de Première Instance de Première Classe de
Lomé et dans quelques rares juridictions de l'intérieur du pays,
la formation est collégiale d'au moins trois magistrats, la plupart des
juridictions de l'intérieure du Togo fonctionne à juge unique. Le
juge unique cumule à lui seul les fonctions d'Officier de Police
Judiciaire, de juge d'instruction, de juge du siège et parfois
même de juge chargé du Ministère Public100, ceci
en violation de la règle de la séparation du Parquet et du
Siège. Cette confusion de rôle menace sérieusement
l'indépendance de la justice pénale togolaise. Il est
évident que cet état de chose est préjudiciable au bon
fonctionnement de la justice pénale togolaise. Ceci dans la mesure
où la tenue des audiences en la matière sont très rares et
l'instruction des affaires pénales reste problématique.
Face à la permanente pénurie de magistrats et de
greffiers due à d'importants départs la retraite, à des
décès, à des désertions et des affectations des
juridictions inférieures aux juridictions supérieures, on a du
mal à expliquer le mutisme du gouvernement. Nul concours n'est
organisé en vue de recruter et de former de nouveaux magistrats,
greffiers et secrétaires de parquet pour combler un tant soit peu le
grand vide judiciaire qui existe actuellement. D'ailleurs le dernier concours
de la magistrature lancé depuis septembre 2014 qui devrait se tenir le
03 décembre 2014 n'a été relancé que le 15
février 2019 que pour vingt (20) postes pour la magistrature et trente
et cinq (35) pour greffiers et secrétaire de parquet. On a l'impression
que l'Etat est complice de la situation retardant l'organisation du concours.
L'une des inquiétudes au sujet du concours de la magistrature au Togo
est l'absence de garantie de sa totale transparence. Puisque, chaque
recrutement des magistrats fait régulièrement resurgir des
soupçons sur certains candidats qui auraient été admis en
raison de leur appartenance ethnique ou au parti au pouvoir en place. Cette
question soulève bien évidement le problème de la
compétence effective desdits magistrats.
Quant aux greffiers, ce sont des fonctionnaires et des
auxiliaires de justice. La justice pénale togolaise fait face à
leur carence101 au regard du volume de travail à accomplir
par ceux-ci. Le greffier en chef est la « mémoire »
de la juridiction puisque, outre les fonctions d`administration, d'encadrement,
de gestion et d'assistance au Président dans les actes de sa
100 Dans l'interview accordé par le Président du
Tribunal de Troisième Classe de Tchamba dans le Reflets du Palais,
N°50 du mois de février 2018 à la page 4, il relevait
à juste titre par rapport à l'organisation et au fonctionnement
de leur juridiction que « Nous somme le Président du Tribunal,
nous exerçons à ce titre les attributions liées à
cette charge, nous exerçons les fonctions du juges du siège
(juger et instruire), le décret nous nommant dit que nous somme
chargé des fonctions de juge des enfants et chargé du
Ministère Public ».
101
www.justice.tg, consulté le
04 avril 2019 : Le Togo ne compte qu'environ 202 greffiers.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
26
juridiction, il veille à la bonne gestion du
matériel, des locaux et des équipements dont il a la charge. Les
greffiers sont sous l'autorité du Greffier en chef et ont la vocation
d'assister les magistrats dans l'exécution de leurs missions. A titre
indicatif, ils dressent et authentifient les actes de la procédure tout
au long du déroulement du procès pénal, délivrent
les casiers judiciaires. Souvent, un greffier peut assister deux voire trois
magistrats. Avec le nombre important de dossier que doivent gérer les
greffiers, on comprend dès lors le rôle qu'ils jouent dans la
lenteur de la justice pénale.
L'absence du personnel judiciaire aux différents stades
du procès pénal est une cause de la lenteur de la justice
pénale. Ce qui fait que la quasi-totalité des juridictions et de
Cours d'appel travaillent à effectif réduit. Dans ces conditions,
comment peut-on trouver un « homme neuf » (expression du
professeur Jean Carbonnier), afin qu'il assure l'impartialité,
l'indépendance judiciaire et dans le même temps, tenir le
procès pénal dans un délai raisonnable ?
Auxiliaires de justice, les avocats fournissent de nombreux
services à la population. L'absence de Barreau auprès de la Cour
d'Appel de Kara, handicape sérieusement l'accès à un
avocat à l'intérieur du pays. Ce qui justifie d'ailleurs la
concentration des cabinets uniquement à Lomé. Il se pose
dès lors la question de l'effectivité de la
décentralisation de la profession d'avocat à l'intérieur
du Togo.
La mauvaise organisation de la justice pénale contribue
à ralentir son efficacité. En effet, cela a une double
justification. D'une part, l'absence de décentralisation de la justice
pénale est l'une des causes de sa lenteur. Il existe que deux Cours
d'Appel : celle de Lomé et celle de Kara. La première desserve
les juridictions au Sud et la seconde les juridictions au Nord. Il est donc
évident qu'il s'agit de la concentration judiciaire qui constitue un
inconvénient majeur entraînant quasiment des lenteurs excessives
constatées dans la justice pénale togolaise. Contrairement au
Togo, l'état français à une Cour d'Appel par ville et
souvent, la mention du nom de la ville induit la Cour d'Appel de ladite
ville.
D'autre part, en prenant en compte les facteurs de croissance
démographique, de développement économique du Togo, il
faut relever que la carte judiciaire de la République togolaise est
complètement dépassée. En principe, à chaque
préfecture sa juridiction. Mais c'est avec consternation qu'on constate
que des préfectures comme Kougnowou, Agoè sont sans juridiction.
Ce qui fait que les détenus de ces préfectures sont
convoyés dans d'autre prison civile. La lenteur de la justice
pénale est également inhérente aux personnels judiciaires
et à leurs conditions de travail.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice
pénale au Togo », 17-04-2019. Page 27
B. Le disfonctionnement lié aux personnels
judiciaires et à leurs conditions de travail
Toutes les juridictions pénales sont confrontées
au problème de la lenteur qui est partiellement due au disfonctionnement
lié aux personnels judiciaires et à leurs conditions de
travail.
S'agissant du disfonctionnement lié aux personnels
judiciaires, il est question à titre principal des magistrats, et de
leurs collaborateurs. Relativement aux magistrats, d'abord la lenteur de la
justice pénale est souvent due à la non élucidation de
certaines affaires. C'est précisément le cas de l'affaire de
monsieur Atsutsè AGBOBLI (historien, politologue, journaliste, ancien
ministre et président du MODENA, un parti politique de l'opposition),
qui avait été retrouvé mort à la plage de
Lomé102.
Ensuite, la rétention d'informations et le refus
obstiné de certains Procureurs de la République de donner suite
à des plaintes qui portent sur une même affaire. Il s'agit
à titre illustratif du Procureur de la République près du
Tribunal de Première Instance de Lomé Monsieur Essolisam POYODI
qui refusent de donner suite aux nombreuses plaintes relatives aux mauvais
traitements infligés à un paraplégique103.
En outre, certaines juridictions inférieures refusent
d'exécuter les décisions rendues par les instances
supérieures. En exemple, dans l'affaire AGBA Bertin, le juge du
4ème cabinet d'instruction s'est refusé d'exécuter la
décision de la chambre judiciaire de la Cour suprême aux motifs
que : «Attendu que la Cour suprême dans son arrêt en
cassant partiellement l'arrêt de la Chambre d'Accusation a
prononcé deux décisions qui revenaient au procureur
Général d'appliquer : Procéder à la mise en
liberté provisoire de l'inculpé Sow Bertin AGBA contre payement
d'une caution de 150.000.000F CFA ; Auditionner et confronter les parties ;
Qu'il apparaît indéniable que toute confrontation après que
l'inculpé en détention ait été mis en
liberté est inutile du fait des connivences et subornations susceptibles
de se faire ; Que c'est pourquoi en toute logique le Procureur
Général a fait retour au Juge d'instruction afin que ces actes
indispensasbles soient pris avant toute libération ; Que le non
accomplissement à ce jour de ces auditions et confrontations est le fait
des conseils des personnes mise en cause qui, par des alchimies
procédurales bloquent l'avancée de l'information
»104.
Enfin, le refus de la justice d'exécuter un arrêt
rendu par une juridiction communautaire. Il s'agit à titre indicatif de
l'arrêt rendu par la Cour de Justice de la CEDEAO dans l'affaire
d'escroquerie internationale. En effet, La Cour de justice de la
Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO),
saisit par les avocats de l'ancien ministre Pascal
102 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de
l'homme au Togo, Op cit, p.32.
103 Abbé Faria, Liberté n°2871 du lundi 04
mars 2019.
104 Ordonnance de rejet de la demande de mise en
liberté provisoire (28 septembre 2012), Juge d'instruction du
4ème cabinet du Tribunal de 1ère instance de Première
Classe de Lomé.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
28
Akoussoulèlou BODJONA, avait le 24 avril 2015 rendu un
arrêt qui a souligné le caractère « illégal de
sa détention ». Elle a par ailleurs recommandé à la
justice togolaise de procéder à la libération ou au
jugement de M. Pascal BODJONA. Dans le prolongement de la même
décision de justice, le Conseil des droits de l'homme de l'Organisation
des Nations Unies (ONU) et Amnesty International avaient
réitéré les recommandations de la Cour de justice sous
régionale.
D'autre part, excepté le manque de magistrats, il faut
noter que la lenteur est également imputable aux greffiers et des
secrétaires de parquet. En effet, il est difficile d'obtenir des
décisions rendues puisque très souvent, ceux-ci conditionnent la
délivrance des copies de décision de justice à
exécuter au versement de pourboires. Ce qui constitue en fait une
corruption. Pourtant ils estiment que cela est dû à la
pénurie du matériel de travail et de personnel judiciaire.
La lenteur de la justice pénale est due à un
contrôle très insuffisant du personnel judicaire. En effet, peu de
contrôle sont effectués dans le système judiciaire
pénal togolais. Il s'agit du contrôle des magistrats, des
greffiers et même de la police judiciaire. Le nombre très
insuffisant des inspecteurs au Togo n'est pas de nature à rassurer. Ceci
au regard de la quantité des tâches qui leur incombent.
Le non-respect des délais pénaux est un
véritable obstacle à la célérité de la
justice pénale. Le non-respect de la procédure d'instruction rend
ladite procédure lourde et cause sa lenteur. Il en est ainsi du manque
de diligence dans l'envoi des dossiers après la clôture de
l'information et la prise de réquisitions écrites par le
Procureur Général. La lenteur imputable au juge d'instruction
procède des circonstances externes. En exemple, les dénonciations
calomnieuses, l'absence de délivrance de mandat de justice et la lenteur
du Procureur de la République dans l'accomplissement de certaines
formalités nécessaires à la suite de la procédure
pénale105. Le Ministère Public est donc auteur de la
lenteur de l'instruction lorsque le temps imparti pour la qualification des
faits se révèle trop long.
La réglementation de la garde à vue par les
articles 52106 et suivants du Code de procédure
pénale, a du mal à être respecté dans la pratique.
En effet, il est constant qu'au Togo, les Officiers de Police Judiciaire (OPJ)
ont l'habitude d'outrepasser largement le délai réglementaire de
la garde à vue avant de déferrer la personne mise en cause devant
le Procureur de la République. Cette situation constitue la violation de
l'article 9 alinéa 4
105 YAKE (P. B. A.), ibidem
106Voir supra, bas de page 72, p. 17.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
29
PIDCP107. Le respect des délais de la garde
à vue souffre d'un triple mal : primo, il faut relever l'absence
d'information du parquet par les OPJ ; cette situation justifie le fait que les
mesures de garde à vue échappent totalement au contrôle du
ministère public108. Secundo, il faut noter la violation des
principes de l'indépendance de la justice pénale à cause
de la constante « ingérence de la hiérarchie
policière, militaire, politique et administrative, qui complique le
travail des OPJ dans la mesure où ceux-ci sont parfois soumis à
des pressions ou reçoivent des ordres et instructions contradictoires
donnés, soit par le parquet, soit par leurs supérieurs
hiérarchiques »109. Tertio, il faut dire que
malgré la ratification du PIDCP par l'Etat Togolais, la violation de son
article 11110 continue en raison des détentions pour dettes
qui sont toujours courantes dans certaines brigades et certains postes de
police111.
Au Togo la violation permanente des règles de la
détention préventive est quasi récurrente. En effet,
étant une mesure exceptionnelle112, lorsque
la détention préventive est ordonnée certaines
règles doivent être observées113.
Malheureusement, l'irrespect de ces règles aussi bien en matière
correctionnelle que criminelle, fait perdurer la procédure
pénale114.
Les conditions de travail du personnel judiciaire se
rapportent, tant à l'exercice de leur profession qu'à leur
situation financière. Primo, il faut relever que les conditions
d'exercice des magistrats togolais sont particulièrement difficiles
puisqu'ils exercent le plus souvent dans des locaux pas assez propices. En
effet, malgré la modernisation de la justice togolaise entamée,
il est constant que certains tribunaux rencontrent d'importantes
difficultés matérielles et financières pour assurer une
justice rapide, efficace et accessible à tous les citoyens. Sur le plan
matériel, « on relève l'insuffisance et l'inadaptation
des infrastructures dans certaines juridictions du système judiciaire.
Ce phénomène est beaucoup plus visible au niveau de la police
judiciaire de même que dans des brigades de gendarmerie et des postes de
police »115. En dépit des palais de justices
construit à Atakpamé et à Sokodé, les Cours d'Appel
de Lomé et Kara et la rénovation du tribunal de première
instance de première classe de Lomé, on note l'absence de palais
de justice ou de locaux adéquats pouvant loger les services
administratifs judiciaires et de salles d'audiences adéquates puisque
ces juridictions sont abritées par des bâtiments de location qui
ne répondent aucunement aux exigences d'un palais de justice moderne.
Les équipements sont primordiaux pour un bon fonctionnement de
107 «Quiconque se trouve privé de sa
liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un
recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la
légalité de sa détention et ordonne sa libération
si la détention est illégale. »
108 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de
l'homme au Togo, Op cit, p. 27
109 Idem
110 Article 11 : «Nul ne peut être
emprisonné pour la seule raison qu'il n'est pas en mesure
d'exécuter une obligation contractuelle».
111 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de
l'homme au Togo, Op cit, p. 27 112Art. 112 CPPT
113 Articles 113-124 CPPT
114 Supra, p.19 ;
115 Idem, p. 37.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
30
la justice, or force est de constater que la justice
pénale togolaise fonctionne dans un état de pénurie. A cet
effet, à la liste d'insuffisances relevée plus haut il faut
ajouter le manque de connexions internet dans la plupart des juridictions.
Cette carence limite l'utilisation de la documentation juridique (textes de
loi, recueils de jurisprudence) en format numérique.
Secundo, la situation financière du personnel
judiciaire n'est pas tout à fait satisfaisante. En effet,
même si le salaire des magistrats a été
augmenté116, il ne répond pas aux besoins de plus
d'un. C'est d'ailleurs ce qui justifie leur grève de 04 jours du 12 au
15 juin 2018, pour réclamer notamment la conversion des trente (30)
mille FCFA que le gouvernement avait accordé aux employés
émargeant sur le budget de l'Etat, en points d'indice et des meilleures
conditions de vie et de travail. Pendant le débrayage, les audiences
correctionnelles et les actes d'instructions étaient suspendues ; de
même que les audiences civiles, commerciales, administratives. Ce qui
porte un véritable coup à la justice pénale et à la
justice dans son ensemble déjà minée par la lenteur. La
situation financière des greffiers n'a connu aucune évolue
notable jusqu'à ce jour ; ce qui justifie les constantes grèves
relevant de leur corporation. Cette situation financière des magistrats
et surtout des greffiers n'est pas de nature à leur permettre d'avoir un
niveau de vie décent. Ce qui constitue d'ailleurs une réelle
démotivation pour eux et l'une des causes principales de leur
vulnérabilité à la corruption. En effet, la corruption
gangrène la justice togolaise117 et tend à lui enlever
sa valeur éthique, voire son sens de troisième pouvoir dans
l'Etat comme disait Montesquieu. Ce phénomène de la corruption
résulte aussi de l'étroite dépendance de certains
magistrats du pouvoir exécutif et législatif et du
phénomène des intermédiaires de justice.
A l'instar des pesanteurs internes, la justice pénale
est également confrontée aux obstacles externes.
§.2- Les obstacles externes à une bonne justice
pénale togolaise
Une analyse approfondie de la pratique judiciaire togolaise
permet de constater que le comportement des parties au procès
pénal (A), ainsi que la complexité et/ou la nature de l'affaire
et l'augmentation constante des affaires pénales (B) peuvent expliquer
la lenteur de la justice pénale.
A- L'emprise des parties sur le temps
L'emprise des parties sur le temps pénal implique que
les parties aient une maitrise sur la gestion du procès pénal.
Cette emprise des parties sur le temps est une cause de la lenteur de
116 La loi organique n°2013-007 du 25 février 2013
est venue modifiée la loi organique n°96-11 fixant le statut des
magistrats. Cette loi organique et son décret d'application
n°2013-047/PR ont permis une révision des éléments de
rémunération des magistrats.
117Rapport 2016 sur les droits de l'Homme-Togo, United
States Department of State · ibidem.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
31
la justice pénale. Elle est relevée à
plusieurs niveaux.
D'abord, dans un procès pénal, l'emprise des
parties sur le temps est souvent relevée lorsque l'une des parties ou
son avocat mettent en oeuvre tous les artifices de procédure possibles
afin que l'issue du procès soit retardée118. Pour se
faire, les parties font recours à des manoeuvres dilatoires dans le but
de ralentir la décision du juge afin de nuire à l'autre partie.
Le temps contentieux est donc instrumentalisé119 à
dessein personnel. Ainsi, les recours et les procédures devant les
tribunaux motivés par la mauvaise foi, constituent des abus de
droit120.
Tout citoyen a le droit fondamental de saisir la justice pour
préserver ses droits et obtenir réparation lorsque ceux-ci ont
été lésés121mais, il ne doit pas en
abuser. Souvent, certains citoyens exercent des actions en justice,
dépourvues de tout fondement. Ces actions sont en réalité
vouées à des fins dilatoires, soit en différant, en
retardant, ou en suspendant l'issue du procès. Il est donc
évident que le procédé dilatoire est la plupart du temps
usité dans le seul but de ralentir la justice.
En outre, La prorogation de l'instance pénale ou son
renouvellement à la suite de l'exercice d'un appel ou d'un pourvoi en
cassation par l'une des parties au procès pénal peut être
perçu par l'autre partie comme trop longue. En effet, certaines parties
conscientes du caractère infondé de leur recours, l'initient
quand même dans le seul but d'avoir à exécuter le jugement
rendu en première ou deuxième instance. L'emprise d'une des
parties sur le procès pénal fait grandir le sentiment d'injustice
à l'égard de l'autre partie qui reprocherait au juge la
tardiveté de la sanction pénale122. Dans ces
conditions, il est évident que la lenteur est vécue comme une
attente interminable sur le sort de la victime de l'emprise.
Ensuite, l'emprise des parties sur le temps du procès
est due à l'interférence de certaines personnes dans l'exercice
de la fonction du juge. En effet, les magistrats rencontrent des
difficultés et obstructions à la procédure. C'est le cas
lorsque certains éléments des Forces Armées Togolaises
(FAT) sont impliqués dans la commission d'une infraction puisque «
la hiérarchie militaire retient l'intéressé pour des
sanctions disciplinaires avant de le mettre à la disposition de la
justice »123. A titre indicatif, « en 2009, les
juridictions de Kévé et de Dapaong ont eu de nombreuses
difficultés pour faire comparaître et interroger des
militaires,
118 ODENT (B.), « L'avocat, le juge et les
délais », Mélanges René Chapus, Paris,
Montchrestien, 1992, p. 483.
119 DE BECHILLON (D.), « Deux
caractères du temps contentieux », Justice & Cassation
2007, p. 134.
120 BAUDOUIN (J.L.) et DESLAURIERS (P),
La responsabilité civile, 5e éd., Cowansville (Qc), Les
éditions Yvon Blais, 1998 à la p. 137 ; LAROUCHE (P.), « La
procédure abusive » (1991) 70 R. du B. can. 650 à la p.
665.
121; BAUDOUIN (J-L) et DESLAURIERS (P.),
ibidem.
122 DANET (J.), « Le temps des parties.
Temps du litige ou du conflit et temps de la procédure », in S.
GABORIAU et H. PAULIAT (dir.), Le temps, la justice et le Droit,
op. cit., p. 128.
123 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de
l'homme au Togo, Opcit p. 33
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
32
présumés auteurs, respectivement dans une
bavure militaire ayant entraînée mort d'homme et dans un homicide
»124.
Enfin, il faut relever l'immixtion du pouvoir exécutif
dans l'exercice de la justice pénale togolaise125. En effet,
il est constant que le pouvoir politique togolais cherche à s'attirer
les grâces de sa justice pénale tout en la contrôlant. Face
à l'insuffisance de la démocratisation du pouvoir judicaire
togolaise, certains magistrats marquent leur reconnaissance à
l'égard du pouvoir exécutif dans la prise des décisions.
Ceux-ci, en agissant de la sorte ont le regard tourné vers leur fauteuil
puisque, la promotion des magistrats passe par le politique, la
fidélité à l'exécutif en place. En
définitive, l'intrusion de l'Etat dans la justice pénale
constitue une entorse à l'accélération du procès
pénal. Les décisions rendues, sont dépourvues de
crédibilité et remettent en cause l'indépendance effective
du pouvoir judicaire. Il se pose dès lors la question de la
subordination de la justice pénale à l'Etat, ce qui entrave
l'exercice de ce droit126. Au passé, certains « [---]
Ministres de la Justice togolaise ont imposé leur point de vue aux
juges sous la menace d'affectation ou de sanction. Ce sont des situations qui
sont observées et vécues par des magistrats ; elles ne
s'expriment pas ouvertement mais plutôt dans la discrétion et les
magistrats s'en plaignent »127.
A l'instar du Togo, l'immixtion de l'Etat dans la justice en
faisant complètement fi des principes constitutionnels
d'indépendance et d'impartialité des juges, est monnaie courante
en Afrique128 comme en témoignent ces quelques
illustrations.
Premièrement, en République Démocratique
du Congo (RDC), Madame Ramazani Wazuri Chantal, Juge Présidente du
Tribunal de Paix Lubumbashi/Kamalondo a multiplié des
déclarations selon lesquelles « messieurs l'Administrateur
Général de l'Agence Nationale des Renseignements (ANR), le
Premier Président de la Cour d'Appel de Lubumbashi et le Procureur
Général près cette Cour, l'avaient obligé de
condamner M. Katumbi Chapwe Moïse, dans l'affaire sous RP 7652 qui oppose
ce dernier à M. Emmanouil Alexandros Stoupis, à trois ans de
prison, avec arrestation immédiate et aux dommages et
intérêts d'un million de dollars américains, afin d'obtenir
son inéligibilité à la présidence de la
République »129. Il découle des
déclarations de madame la juge Ramazani Wazuri Chantal, l'immixtion
flagrante du Gouvernement de la RDC dans les affaires
judiciaires130.
124 Idem
125Rapport 2016 sur les droits de l'Homme-Togo, Op
cit, p.6.
126Ibidem
127 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de
l'homme au Togo, Op cit, p. 17
128FALL (A.- B.), Le juge, le
justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation
concrète de la place du juge dans les
systèmes politiques en Afrique, Edition Bruxelles
Bruyant 2000, p. 310.
129 Publié le 27 janvier 2017 par la Cité
Africaine, Maître Tshiswaka Masoka Hubert, Avocat au Bareau de
Lubumbashi/Directeur Général de l'Institut de Recherche en Droit
Humains (IRDH))
130 Idem
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
33
Deuxièmement, au Sénégal, le 27
février 2016 dans une déclaration faite en marge de
l'installation du Comité de ressort de Dakar, l'Union des Magistrats du
Sénégal (UMS) a dénoncé l'immixtion du pouvoir
Exécutif sur les décisions de justice. L'UMS déplore en
outre «la non -application des décisions rendues par les cours
et tribunaux ».
Troisièmement, au Niger, le 29 novembre 2015, les
magistrats Nigériens ont dénoncé les "immixtions" de
plusieurs membres influents du régime dans "le traitement de dossiers
judiciaires", dont la très sensible affaire de trafic de
bébés impliquant l'opposant Hama Amadou,
incarcéré.
Quatrièmement, au Bénin, l'Union Nationale des
Magistrats du Bénin (UNAMAB) réunie en Assemblée
Générale Extraordinaire le vendredi 04 mai 2018, constate que les
déclarations du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et de la
Législation, tenues sur Frissons Radio en marge de la
présentation du compte rendu du Conseil des Ministres du mercredi 02 mai
2018, mettent en cause les attitudes du Juge d'Instruction et du Juge des
Libertés et de la Détention relativement à
l'exécution de mandat d'arrêt décerné contre
l'honorable Atao Mouhamed. Il s'agit d'une interprétation inexacte des
dispositions du Code de procédure pénale mais aussi d'une
atteinte grave à l'office du juge et à l'indépendance de
la Justice131. Par ailleurs, l'UNAMAB fustige avec gravité
cette immixtion flagrante de l'exécutif dans la conduite de certaines
affaires. Cette attitude du Garde des Sceaux, dont le chef est le
Président de la République, garant de l'indépendance de la
Justice et Président du Conseil Supérieur de la Magistrature,
vise à intimider, voire terroriser les magistrats et caporaliser le
pouvoir judiciaire132.
Au demeurant, le rapport de l'Organisation Internationale de
la Francophonie de juillet 2015 évoque des difficultés qui
concernent les systèmes de justice de plusieurs États membres de
la Francophonie. Ainsi, les difficultés d'exécution des
décisions de justice sont parfois causées par l'obstruction de
l'Administration et de ses agents133. La justice,
élément constitutif de tout Etat de droit, ne semble donc pas
bénéficier en Afrique en général et au Togo en
particulier d'une grande confiance de la part de la population puisque
l'indépendance du juge vis-à-vis des autres pouvoirs est loin
d'être conquise.
Outre ce qui précède, la lenteur avec laquelle
les décisions de justice sont rendues est due également à
la complexité et/ou la nature de l'affaire ainsi qu'à la
constante augmentation des affaires pénales.
131 DADAGLO (M. R.), Président du
BE/UNAMAB, Cotonou expresse.
132 DADAGLO (M. R.), Président du
BE/UNAMAB
133Projet de rapport de l'Assemblée
Parlementaire de la Francophonie « L'accès à la justice dans
l'espace francophone : le rôle des parlements »
présenté par M. André DROLET, Député
(Québec), Rapporteur, Berne (Suisse) | 7-10 juillet 2015, p.3
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice
pénale au Togo », 17-04-2019. Page 34
B- La complexité juridique du litige et
l'augmentation constante des affaires pénales
Le temps pénal dépend de la nature du
procès. En effet, plus l'affaire pénale est complexe, plus il
dure. L'encombrement de la juridiction pénale, est autant un facteur de
la lenteur.
S'agissant de la complexité juridique et/ou la nature
du litige, il faut rappeler que le temps du procès pénal
dépend essentiellement de la matière sur laquelle porte celui-ci.
L'objet du procès pénal revêt donc une importance
considérable sur le temps processuel134 puisque toutes les
infractions ne sont pas soumises à la même contrainte temporaire.
En exemple, le vol d'un portable doit être réglé avec
promptitude, tandis que l'attentat contre la sureté de l'Etat
nécessite davantage de temps. Ainsi, le temps processuel s'adapte de
manière structurelle au fond du procès
pénal135. Le temps s'ajuste alors à la gravité
de l'infraction. En droit pénal interne, le temps dépend donc de
l'objet de l'infraction et de la nature de la réponse pénale.
En ce qui concerne l'augmentation constante des affaires
pénales au Togo, en dépit du programme de modernisation de la
justice lancé depuis 2005, les magistrats restent toujours sous le poids
de plusieurs dossiers du fait de leur traitement tardif. La surcharge est
synonyme du dépassement du seuil requis. La principale cause de cette
surcharge administrative est liée à l'insuffisance de magistrats.
« Si à Lomé et dans quelques villes du pays, on peut
avoir une formation collégiale d'au moins trois magistrats pour rendre
les décisions de justice, dans la plupart des tribunaux, surtout
à l'intérieur du pays, c'est la règle du juge unique qui
prévaut. Ce juge unique réunit tout à la fois, à
lui seul la fonction d'Officier de Police Judiciaire, de juge instructeur et de
juge du siège et parfois même de juge chargé du
Ministère Public »136. Il faut noter que le retard
constant dû à la surcharge du travail du système judiciaire
emporte la violation de la garantie du délai raisonnable
consacrée par l'article 19 de la constitution togolaise. Ce retard se
justifie par l'absence de dispositions devant contrer cette situation. Les
mesures prises sont inadéquates ou inopérantes. Il y a donc une
disproportion entre la capacité du système public de justice de
traiter les dossiers et l'augmentation du nombre de demandes qui lui sont
adressées137. Il va de soi que l'Etat togolais est
responsable des retards de la justice pénale.
134CIAUDO (A.), « La
maîtrise du temps en droit processuel »,Jurisdoctorian°
3, 2009 p.35.
135 AMRANI-MEKKI (S.), Le temps et le
procès civil, thèse, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de
Thèses, t. 11, 2002, pp. 415 et s.
136 Dans l'interview accordé par le président du
Tribunal de troisième classe de Tchamba dans Reflets du Palais N°
50 du mois de Février 2018, à la page 4, il relevait par rapport
à l'organisation et au fonctionnement de leur juridiction : «
Nous sommes le président du Tribunal, nous exerçons à
ce titre les attributions liées à cette charge, nous
exerçons les fonctions du juge du siège (juger et instruire), le
décret nous nommant dit que nous sommes chargé des fonctions de
juge des enfants et chargé du Ministère Public ».
137Projet de rapport de l'Assemblée
Parlementaire de la Francophonie, ibidem.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
35
Outre l'Etat, d'autres facteurs favorisent l'augmentation
constante des affaires pénales. Primo, la justice pénale a
souvent tendance à traiter des affaires qui ne méritent pas
véritablement une sanction pénale. C'est également le cas
en France138. Secundo, l'action publique est exercée de
manière abusive aussi bien par le Ministère public que par la
victime. Tertio, l'augmentation de la population togolaise serait
également l'une des causes de la hausse des affaires pénales. En
effet, plus la démographie évolue plus des problèmes se
posent. Quarto, la progression de la délinquance telle que rapporter par
A. MIHMAN dans sa thèse139, a pour origine la
dégradation de la situation socio-économique140 et
politique.
Au regard de ce qui précède, il faut noter que
la lenteur de la justice pénale à des corollaires aussi bien pour
la victime, le prévenu, la société que sur la justice
elle-même.
La victime, reste affectée par la lenteur de la justice
pénale. En effet, selon elle, le temps qui passe, c'est la
vérité qui s'enfuit. La lenteur de la justice est une
véritable injustice pour elle parce que durant la durée de
l'instruction, son préjudice reste entier et aucune réparation
n'est envisageable tant que le procès n'est pas achevé. Elle se
sentira également lésée en payant les différents
frais d'actes malgré tout ce qu'elle peut éprouver aussi
moralement, financièrement que juridiquement. La lenteur de la justice
pénale est souvent l'opportunité que saisissent certains
inculpés de mauvaise foi pour organiser leur insolvabilité afin
de pouvoir échapper à toute indemnisation en cas
d'éventuelle condamnation. Pour pallier la lenteur de la justice
pénale et les incertitudes sur la sincérité du verdict,
certaines victimes ont recours à des pratiques telles la vindicte
populaire, les règlements de comptes.
Le prévenu souffre également du non-respect du
délai raisonnable. En effet, il est très avilissant pour une
personne d'être incarcéré alors qu'elle est innocente. En
perdant sa liberté, le prévenu en détention provisoire ou
en maison d'arrêt peut perdre son emploi et être
déconsidéré socialement ; ce qui peut entraîner des
conséquences désastreuses pour sa famille en raison, du
discrédit porté à sa personne. La société
l'étiquette alors comme coupable des faits qui lui sont
reprochés. Aucune indemnisation ne pourrait compenser le
préjudice subi.
La société, n'est pas en marge de la lenteur de
la justice pénale puisque la justice est rendue en son
nom141. La lenteur rend la justice pénale inefficace et lui
fait perdre sa légitimité et sa crédibilité aux
yeux des justiciables. D'ailleurs, c'est pour prévenir cela sous
d'autres cieux,
138 CHIRAC (M.) déplore « la
pénalisation exercice de la vie publique », Le monde, 14
décembre 1999 ; DEMICHEL (A.), Le droit pénale en marche en
arrière, D. 1995 p.213.
139 MIHMAN (A.), Contribution à
l'étude du temps dans la procédure pénale :pour une
approche unitaire du temps de la réponse pénale, Thèse de
doctorat en droit privé et science criminelle à
l'Université Paris Sud 11-Faculté Jean Monnet le 02 avril
2007N°3, p.315.
140 KAMINSKI (D.), « Une
métonymie consensuelle : l'insécurité », Revue de
Science Criminelle et de droit pénal 2005, p. 415.
141Art.112 de la constitution togolaise, « Au
nom du peuple Togolais ». Cela signifie que du début jusqu'à
la fin de la procédure, les différents acteurs agissent sur
mandat du peuple togolais.
que la CEDH a consacré le principe de «
célérité » comme fondement de l'Etat de droit,
puisque « la lenteur excessive de la justice représente un
danger important, notamment pour l'Etat de droit »142.
CONCLUSION PARTIELLE
En tout état de cause, la lenteur de la justice
pénale togolaise est imputable à l'Etat. Une justice lente
équivaut à un déni de justice, ce qui est
prohibé143.
Il est évident dans les conditions matérielles,
statutaires, sociales et politiques existantes au Togo et dans la plupart des
Etats africains, qu'il est difficile qu'un juge, animé de la plus forte
conviction qui soit et d'une conscience professionnelle irréprochable,
puisse vivre son indépendance et assurer la neutralité.
Il faut relever malgré ces difficultés le sens
de responsabilité irréprochable de certains juges togolais. Il
s'avère nécessaire de mettre plus de moyens à leur
disposition afin qu'ils accomplissent avec succès les rôles qui
leur sont assignés.
S'il est admis aujourd'hui, que le temps est un facteur
d'inefficacité de la justice pénale togolaise en raison de la
lenteur de ladite justice, la prescription en matière pénale n'en
demeure pas moins une cause de cette inefficacité.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
36
142 CEDH, Di Mauro c. Italie, 28 juillet 1999, req.
n° 34256/96, § 23.
143 Constatations du Comité des droits de l'Homme,
Robert Casanova c. France, 27 décembre. 1990, req. n°
441/1990, A/49/40, annexe IX, sect.. U.
L'OBSOLESCENCE DES REGLES DE LA PRESCRIPTION
EN DROIT PENAL TOGOLAIS
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice
pénale au Togo », 17-04-2019. Page 37
CHAPITRE II
La prescription est un principe général de droit
qui fait référence à la durée au-delà de
laquelle une action en justice, civile , administrative, commerciale ou
pénale, n'est plus recevable. En matière pénale, la
prescription est un mode général d'extinction du droit de
poursuivre et du droit d'exécuter une peine. Elle est donc variable
puisqu'elle englobe deux notions. Il s'agit de la prescription de l'action
publique et de la prescription des peines, qui se distinguent aujourd'hui
nettement144 et sanctionnent l'ignorance de la commission d'une
infraction, la négligence de la partie poursuivante145 ou
l'inexécution de la sanction pénale. Ces deux mécanismes
sont intrinsèquement liés au temps. En effet, « le temps
à vocation à rendre illégitime la réponse
pénale à un comportement pourtant considéré comme
infractionnel aux yeux de la loi »146. Mais, ce temps se
présente aujourd'hui comme insuffisant et trop court dans la mesure
où « l'injustice née de l'impunité d'un
[---] malfaiteur serait un mal aussi fort pour la
société que le méfait lui-même
»147. Les règles régissant la prescription
en matière pénale au Togo sont aujourd'hui obsolescentes.
L'obsolescence d'une règle est la péremption de
celle-ci. Qu'est ce qui explique l'obsolescence des règles de la
prescription en matière pénale en droit pénal togolais
?
En matière pénale, on note une opposition
diamétrale des revendications de la doctrine et de l'opinion sur la
prescription. En effet, si « dans certains domaines, les uns
s'opposent à l'idée même de prescription ou
réclament du législateur l'allongement des délais,
suscitant d'ailleurs des oppositions notamment parmi les praticiens. En
d'autres domaines, certains reprochent aux juges leur hostilité à
la prescription, leurs jurisprudences reportant le point de départ du
délai de prescription et demandent une intervention législative
vigoureuse. Ils ont aussi leurs opposants. Le premier débat, mené
autour des infractions contre les personnes, ne rencontre guère le
second qui touche aux infractions contre les biens, et plus
précisément au droit pénal des affaires
»148.
144DANET (J.), « La
prescription de l'action publique, un enjeu de politique criminelle »,
Archives de politique criminelle, 2006/1 (n° 28), p. 73-93. URL:
https://www.cairn.info/revue-archives-de-politique-criminelle-2006-1-p.3.
145 RIDE (C.), « La réforme de la
prescription pénale, allongement des délais de prescription et
traitement particulier des infractions occultes et dissimulées »,
le Village de la justice, édité par legi team, 22 mars 2017.
146FOURMY (V.), Le
désordre de la prescription de l'action Publique, Mémoire
pour le Master II Droit Pénal et Sciences Pénales à la
Faculté de droit Université Paris II Panthéon-Assas,
Année universitaire 2010 - 2011, p.
147 Ibidem, p.16
148DANET (J.), opcit, p.80
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
38
Les deux notions qu'englobe la prescription en matière
pénale sont la prescription de l'action publique et la prescription des
peines. La prescription des poursuites ou de l'action publique est le
délai après lequel le ministère public ou une victime ne
peut plus porter plainte ou exercer des poursuites. La prescription des peines
est le délai après lequel la justice ne peut plus exécuter
une peine. Ces deux prescriptions se présentent comme une
problématique complexe et mouvante.
La prescription en matière pénale est
obsolescente, en raison de l'insuffisance des règles qui fixent le temps
nécessaire à la société pour que celle-ci estime,
soit qu'il n'est plus possible d'engager des poursuites (Section I), soit qu'il
n'est plus possible d'exécuter une peine (Section II).
Section I : L'insuffisante réglementation de la
prescription de l'action publique en droit pénal togolais
L'action publique, est l'action exercée au nom de la
société par le ministère public pour faire constater au
juge compétent le fait punissable, établir la culpabilité
du délinquant et obtenir le prononcé de la sanction pénale
établie par la loi149. Le ministère public est donc le
dépositaire légal de l'action publique qu'il exerce dans
l'intérêt de la société. L'action peut aussi
être mise en mouvement par la partie lésée, dans les
conditions déterminées par le Code de procédure
pénale150. Cette action doit être exercée dans
un délai légal, mais, lorsque ce n'est pas le cas, elle est
prescrite autrement dit éteinte et toute poursuite devient
impossible151.
La prescription de l'action publique est consacrée par
le droit positif togolais. Cependant, elle reste problématique en raison
des insuffisances liés à ses délais
(§1) et de ses limites (§2).
§.1-Les insuffisances liées aux délais
de la prescription de l'action publique
Le droit de la prescription de l'action publique
présente des carences aussi bien dans le Code pénal que dans le
Code de procédure pénale. Ces Codes sont inadaptés aux
exigences contemporaines de répression des infractions en raison de
délais courts de l'action publique et de l'absence d'une prise en compte
effective de la gravité de certaines infractions au regard de leur
délais de prescription.
Admettre la carence dans la limitation temporelle de la
prescription de l'action publique c'est reconnaitre que les délais
prévus par le législateur en matière de classification
tripartite des
149Article 1er CPPT.
150 Idem
151 PICOTTE (J.), Juridictionnaire Recueil
des difficultés et des ressources du français juridique,
réalisé pour le compte du Centre de traduction et determinologie
juridiques, 8 février 2018, p. 2272 ; GINCHARD (S.) et BUISSON (J.),
Procédure pénale, 8e ed, Litec, 2012, n°1122, p
;797.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
39
infractions sont courts (A), et que ce dernier n'a pas
daigné prévoir de délais dérogatoires aux
délais de la prescription de l'action publique (B).
A- Le caractère abrégé des
délais de la prescription de l'action publique
La prescription de l'action publique est « une cause
d'extinction de cette action par l'effet de l'écoulement d'une
période de temps depuis le jour de la commission de l'infraction
»152. Elle constitue un enjeu majeur de la politique
criminelle d'autant plus qu'elle touche la relation entre la justice
pénale et l'écoulement du temps153.
Le Code de Procédure Pénale a prévu des
durées de prescription de l'action publique. En effet, l'action publique
est prescrite si l'infraction n'a pas été
déférée à la juridiction de jugement par citation
ou ordonnance de renvoi dans un délai partant du jour où elle a
été commise.154 Ces délais sont fixés
à dix (10) ans pour les crimes, trois (03) ans pour les délits et
un (01) an pour les contraventions155. L'écoulement de ces
délais entraine l'extinction de l'action publique et rend de ce fait
toute poursuite impossible156. Il faut rappeler que ce délai
est prorogé d'un (01) an en matière criminelle et six (06) mois
en matière correctionnelle si l'instruction ouverte avant son expiration
n'est pas achevée157 : il s'agit de la classification
tripartite des infractions. Au regard de cette classification, il est à
remarquer la variation du délai de la prescription selon la
gravité de l'infraction. Par ailleurs, la même observation a
été relevée par Maître Valentin GUISLAIN à
propos du droit français158.
En droit français, le législateur a
opéré des réformes en matière de prescription de
l'action publique. Ces réformes ont doublé les délais de
la prescription en matière pénale. Ainsi, en matière
criminelle, le délai de prescription passe de dix ans (10) à
vingt (20) ans159 tandis qu'elle passe de trois ans (03) à
six (6) ans160 en matière délictuelle. Le
législateur marocain a également aménagé les
délais de la prescription en matière pénale. Il dispose
à cet effet : « Sauf dérogations résultant des
lois spéciales, l'action publique se prescrit : En matière
criminelle, par vingt années grégoriennes révolues
à compter du jour où le crime a été commis ; En
matière délictuelle, par cinq années grégoriennes
révolues à compter du jour où le délit a
été commis ; En matière de simple police, par deux
années grégoriennes révolues à compter du jour
où la contravention a été commise
»161. Ces réformes des délais de
la
152 DESPOTES (S.), LAZERGES-COUSQUER (L),
Traité de procédure pénale, Economica,
4e édition, 09-11-2015.
153 DANET (J), la prescription de l'action
publique, un enjeu de la politique criminelle, Archives de politique criminelle
2006/1, n°28, p.73.
154 Article 7 CPPT
155 Op cit
156 Op cit
157 Idem
158 GUISLAIN (V.), « Sujet de grand oral :
L'imprescriptibilité de l'action publique », 06/12/2014,
Léga Vox, p, 2.
159 Article 7 CPPF
160Article 8 CPPF
161 Article 4 du Nouveau Code de Procédure Pénale
du Maroc.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
40
prescription de l'action publique constituent une
véritable révolution pour les procédures pénales
française et marocaine et rétrograde la procédure
pénale togolaise.
En droit pénal togolais, les délais de
prescription de l'action publique apparaissent aujourd'hui courts. On peut donc
estimer que le législateur national n'évalue pas l'ampleur du
trouble causé par l'infraction avant de déterminer le temps qui
sera nécessaire à la société pour qu'elle se refuse
à poursuivre le comportement infractionnel. En conséquence, la
prévision législative ne permet pas une prise en compte effective
de la gravité inhérente à chaque type
d'infractions162. Les règles régissant la prescription
de l'action publique en droit pénal sont véritablement
inadaptées aux attentes de la société.
Quoi qu'on dise, la prescription de l'action publique est
réelle c'est-à-dire qu'elle concerne de façon
générale l'ensemble des infractions qui sont prévus par le
Code de procédure pénale. Toutefois, la prescription ne
s'applique pas aux crimes les plus graves: le crime de
génocide163, les crimes de guerre164 les crimes
contre l'humanité165et le crime d'apartheid166.
Ces crimes sont rendus imprescriptibles par le
législateur167. Il en est de même en droit
français en ce qui concerne les crimes contre
l'humanité168. Cette consécration du
législateur togolais constitue une innovation majeure car l'ancien Code
pénal ne contenait aucune disposition en la matière.
Les lacunes du droit pénal togolais en matière
de prescription ne se limitent pas uniquement aux délais courts que
prévoit le législateur en ce qui concerne la classification
tripartite des infractions. Ils s'étendent à l'absence de
délais de prescription dérogatoires.
162MIHMAN (A.), op cite 363
Contribution à l'étude du temps dans la procédure
pénale :pour une approche unitaire du temps de la réponse
pénale, Thèse de doctorat en droit privé et science
criminelle à l'Université Paris Sud 11-Faculté Jean Monnet
le 02 avril 2007N°3, p.363.
163Article 143 CPT : « Constitue le crime de
génocide l'un quelconque des actes ci-après, commis en temps de
paix ou en temps de guerre dans l'intention de détruire en tout ou
partie, un groupe national, ethnique, racial, politique ou religieux, comme :1)
meurtre de membres du groupe ; 2) atteinte grave à
l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; 3)
soumission intentionnelle de membres du groupe à des conditions
d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
; 4) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; 5)
transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ».
164Article 145 CPT : « Constitue un crime de
guerre, l'une quelconque des infractions graves ci-après, commises en
période de conflit armé international, lorsqu'elles visent des
personnes ou des biens protégés par les conventions de
Genève :1) l'homicide intentionnel... » ; Article 146 CPT : «
Constituent également des crimes de guerre, les autres violations graves
des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans
le cadre établi du droit international, à savoir, l'un quelconque
des actes suivants : 1) le fait de compromettre par un acte ou une omission
injustifiée la vie, la santé et l'intégrité
physique et mentale des personnes au pouvoir de la partie adverse ou
internées... » et l'Article 147 : « Constituent, en outre, des
crimes de guerre les violations graves de l'article 3commun aux conventions de
Genève et les autres violations graves aux lois et coutumes applicables
aux conflits armés non internationaux, à savoir l'un quelconque
des actes suivants :1) les atteintes à la vie et à
l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses
formes, les mutilations, les traitements cruels, inhumains et
dégradants, ainsi que la torture...»
165Article 149 CPT « : Constitue un crime
contre l'humanité, en temps de paix ou en temps de guerre, l'un
quelconque des actes suivants, commis en connaissance de cause dans le cadre
d'une attaque généralisée ou systématique
lancée contre toute population civile ou une population
désarmée en cas de conflit interne : 1) meurtre ; 2)
extermination ... »
166Article 152 CPT : « L'apartheid est tout
acte commis en vue d'instituer ou d'entretenir la domination d'un groupe racial
d'êtres humains sur un autre groupe racial d'êtres humains aux fins
de l'opprimer systématiquement » et l'Article 153 CPT : «
Constitue un crime d'apartheid, assimilé à un crime contre
l'humanité l'un quelconque des actes inhumains suivants :1) ôter
la vie à des membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux
... »
167 Article 164 CPT
168 Art. 211-1 à 212-3 CPPF
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice
pénale au Togo », 17-04-2019. Page 41
B- L'absence de délais de prescription
dérogatoires
Aujourd'hui, notre pays le Togo fait face à des
infractions qui méritent d'être assujetties à des
régimes dérogatoires de droit commun de la prescription de
l'action publique.
Les crimes tels : les crimes de nature
terroriste169, le trafic de stupéfiants, la
prolifération d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs,
l'eugénisme et le clonage reproductif et la disparition forcée
nécessitent que le législateur leur consacre un délai
dérogatoire au droit commun de la prescription. Ceci en raison de leur
gravité. Si le législateur français s'est
déjà inscrit dans cette dynamique en prescrivant tous ces crimes
précités à trente ans170, le législateur
togolais n'en est pas là. Le silence du législateur en
l'espèce sous-entend, qu'à ces crimes, s'applique la prescription
de droit commun. Il est clair que le législateur national a
véritablement du mal à classifier les différentes formes
de crimes.
En matière correctionnelles, les délits de
violences sur mineurs, les agressions et atteintes sexuelles sur mineurs sont
toujours prescrits après cinq ans. Cette situation est déplorable
parce que, ces infractions portent atteinte à l'intégrité
et à la dignité des mineurs et nécessitent de ce fait des
délais dérogatoires. Le législateur national a donc
manqué de proroger le délai de prescription de ses infraction. Il
n'a pas non plus reporté le point de départ de la prescription
des dites infractions à la majorité des victimes pour leur
permettre d'agir en toute quiétude.
En droit comparé, le législateur français
a réglé le problème en prévoyant des délais
de prescription dérogatoires pour ces trois délits contre les
mineurs. En effet, les délits de violences sur mineurs171,
les agressions172 et les atteintes173 sexuelles sur
mineurs se prescrivent par vingt ans à compter de leur majorité.
En prorogeant ces délais de prescriptions, le législateur
français a compris la nécessité de ces dérogations.
Tel n'est pas le cas de son homologue togolais qui a
préféré garder silence.
Le législateur togolais a aboli la peine de
mort174. Mais, il n'a pas pour autant fixé un délai
pour la prescription des infractions passibles d'une peine de réclusion
à vie.
169Art. 716 CPT « Aux fins du
présent code, les infractions de nature terroriste comprennent : 1) les
infractions relatives à la sécurité de l'aviation civile,
de la navigation maritime, du port et des plates-formes fixes; 2) la prise
d'otages et les infractions contre les personnes jouissant d'une protection
internationale; 3) les attentats terroristes à l'explosif et le
terrorisme nucléaire ».
170 Droit Pénal Français Crimes - délais
dérogatoires - Diverses exceptions sont prévues
par le législateur. Ainsi, l'action publique des crimes de nature
terroriste (CPF., art. 706-16), de trafic de stupéfiants (CPF., art.
706-26), relatifs à la prolifération d'armes de destruction
massive et de leurs vecteurs (CPF., art. 706-167), d'eugénisme et de
clonage reproductif (CPF., art. 214-1 à 214-4), de disparition
forcée (CPF., art. 221-12), se prescrit par trente ans.
171Art. 222-12 CPF
Art. 222-29-1 CPF
173Art. 227-26 CPF
174 Loi N°2009-011 du 24 janvier 2009 relative à
l'abolition de la peine de mort au Togo ; Le 23 juin 2009, les
députés togolais ont à l'unanimité abolit la peine
de mort.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
42
Il faut noter l'absence de délai dérogatoire du
point de départ des infractions répétées qui, en
raison de leur répétition ne devraient pas être
assimilées aux infractions de droit commun.
Cette absence de précision de délai de
prescription dérogatoire peut être considérée comme
une négligence de la part du législateur national. Aussi, peut-on
affirmer qu'il ne se rend pas compte de la gravité des infractions de
droit commun.
L'insuffisante réglementation de la prescription de
l'action publique en droit pénal, s'explique également à
travers ses limites.
§.2- Les limites de la règle de la prescription
de l'action publique
Considérée comme une alternative à la
sanction pénale, la prescription de l'action publique se retrouve
limitée en raison de l'ignorance des infractions occultes ou
dissimulées, l'absence de détermination de leur point de
départ(A), et des répercussions de la prescription de l'action
publique (B).
A- L'ignorance des infractions occultes et
dissimulées et l'absence de détermination de leur point de
départ
Qu'est-ce qu'une infraction occulte ou dissimulée ? Une
interrogation qui n'a pas sa réponse ni dans le Code pénal, ni
dans le Code de procédure pénale puisque, le législateur
n'en a pas fait référence. En effet, les infractions occultes et
dissimulées ne se retrouvent pas encore dans l'arsenal juridique
togolais. Par contre, son homologue français s'est
intéressé à la question en
référençant ces deux infractions dans son Code de
procédure pénale175.
En principe, une infraction est dite occulte lorsqu'en raison
de ses éléments constitutifs, elle ne peut être connue ni
de la victime, ni de l'autorité judiciaire176. Par contre une
infraction est qualifiée de dissimulée lorsque, son auteur
accomplit délibérément toute manoeuvre
caractérisée tendant à empêcher sa
découverte177.
Quel est le point de départ des infractions occultes ou
dissimulées ? Cette interrogation nous laisse perplexes en raison du
silence du législateur en la matière.
En droit pénal tout comme en procédure
pénale, on a véritablement du mal à déterminer les
points de départ de la prescription des infractions occultes et
dissimulées parce que le
175 Articles 9-1 al. 4 et. 9-1 al. 5 CPPF
176 Article 9-1al.4 CPPF
177 Article 9-1al.5 CPPF
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
43
législateur ne les a pas précisées. Ce
qui n'est toujours pas le cas du législateur français qui a pris
le soin de déterminer ces points de départ.178
Le législateur national n'ayant ni
référencé les infractions occultes et dissimulées,
ni défini leur point de départ, laisse l'acteur judicaire dans
une incertitude totale qui peut d'ailleurs être qualifiée de vide
juridique. Il s'agit en tout état de cause d'une difficulté
rédhibitoire.
Les infractions occultes et dissimulées sont des
infractions difficiles à déceler, et concernent la plupart du
temps les dossiers économiques et financiers. L'opacité du
législateur concernant ces infractions, empêche la poursuite des
dossiers de corruption, de détournement de deniers publics et des biens
mal acquis. En vertu du principe « nullumcrimen, nulla puena sine lege
»179, les infractions occultes et dissimulées ne
peuvent être réprimées, puisque le législateur ne
les a pas prévues. Cette lassitude du législateur entraine la non
poursuite des auteurs de ses infractions, une fois le délai de
prescription de droit commun expiré. D'aucuns diront que cette mission
incombe à l'autorité de lutte contre la corruption. Mais cette
autorité peine à accomplir cette obligation. Le Code pénal
réprime la corruption180, les soustractions et
détournements de deniers publics181 ; mais, cela ne
résout véritablement pas la question du
référencement des infractions occultes et dissimulées dans
le droit pénal. D'ailleurs, il faut noter l'absence de sanctions dans la
pratique judiciaire pénale des agents ou préposés de
l'Etat, qui sont auteurs de la corruption, de soustractions et
détournements de deniers publics. Pourtant, ce ne sont pas ces criminels
qui font défaut.
L'inertie du législateur au sujet des infractions
occultes et dissimulées pourrait laisser entrevoir qu'il est complice
des agissements de ses délinquants qui sont des puissants, souvent en
rapport avec des hommes politiques puisque l'impunité a
véritablement acquis une notoriété dans ces domaines.
Si la prescription de l'action publique est consacrée
en matière pénale, cela n'est pas sans répercussions sur
les justiciables.
B- Les conséquences de la prescription de
l'action publique
La prescription est une cause légale d'extinction de
l'action publique. Etant une mesure d'ordre public, elle doit être
relevée d'office par tout juge saisi même si personne ne
l'invoque.
178Art. 9-1 al. 3 CPPF
179 Formule latine qui exprime le principe fondamental de la
légalité des délits et des peines. « il n'y a pas
de crime, il n'y a pas de peine sans loi ».
180Arts. 594 - 596 CTT : la corruption des agents
publics nationaux ; Arts. 597- 599 CTT : la corruption des agents publics
étrangers et des fonctionnaires Internationaux ; Arts. 600- 606 CTT : la
corruption dans le secteur privé.
181Art. 586 bis CPT
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
44
Ainsi, lorsque l'action publique n'est pas mise en mouvement
dans les délais fixés par la loi, elle s'éteint. Des
conséquences découlent de ce fait.
D'abord, la prescription de l'action publique correspond
à l'extinction du droit de poursuivre après l'écoulement
d'un certain délai. Elle éteint l'action publique et constitue,
un handicap à son l'exercice. La prescription ôte en toute
évidence aux faits poursuivis tout caractère délicieux. Il
s'agit donc d'une irrecevabilité à agir. Cette dernière
suppose qu'aucun jugement de condamnation n'est encore intervenu puisqu' elle a
pour objet d'éteindre la poursuite, et se rattache donc à la
procédure182.
Ensuite, une fois l'action publique prescrite, les faits
commis ne peuvent plus donner lieu à condamnation. En effet, l'auteur
des faits ne peut plus être ni pénalement poursuivi ni jugé
sur sa culpabilité pénale183. Il est donc libre et
toute poursuite à son encontre est impossible. C'est le mécanisme
de la prescription extinctive qualifiée également de
libératoire puisqu'il libère l'auteur des faits. La prescription
de l'action publique se présente donc comme une institution favorable
non seulement à celui-ci mais aussi à tous ceux qui sont
intervenus dans la commission de l'infraction c'est- à-dire les auteurs,
les coauteurs et les complices. Il s'agit bien évidement du
caractère impersonnel de la prescription de l'action publique. Une fois
la prescription acquise, l'auteur de l'infraction ne peut prétendre y
renoncer. La loi proscrit alors toute poursuite initiée de son propre
chef. Il s'agit d'un caractère d'ordre public de la prescription de
l'action publique.
De plus, la prescription de l'action publique équivaut
au déni de la reconnaissance des victimes. La prescription est le temps
qui court irrévocablement contre la victime et finit par éteindre
son droit. L'infraction n'a donc pas existé car la loi ne reconnaitra
plus ni la victime ni le coupable. Finalement, ce n'est plus l'auteur de
l'infraction qui est puni mais plutôt la victime. La loi sanctionne donc
la négligence de la partie poursuivante en lui faisant perdre son droit
à agir. Toutefois, la victime, le ministère public ou toute
personne habileté peut soulever l'exception de prescription devant
toutes les juridictions. Dans ce cas, la partie poursuivante à
l'obligation de prouver que l'action judiciaire n'est pas éteinte.
Par ailleurs, la justice pénale juge les personnes
soupçonnées d'avoir commis une infraction : crime, délit
ou contravention qui sont des comportements interdits parce qu'ils sont
contraires soit à des valeurs essentielles de notre
société, soit à des règles fondamentaux du vivre
ensemble. La prescription de l'action publique handicape le juge dans son
rôle de poursuivre et de sanctionner les infractions à la loi
pénale en vue de mettre un terme au trouble causé à la
182 DONNEDIEU DE VABRES (H.), Traité de droit
criminel et législation pénale comparée Sirey, Paris,
01-01-1947, 3e éd. 183Gian-FrancoRaneri,
« La prescription, la fin du temps pénal », www.justice-
en-ligne.be, 31 mars 2009.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
45
société par celle-ci. La prescription
empêche ipso facto « le juge de dire la «
vérité judiciaire » au plan pénal : il ne peut pas,
même si la personne était en aveux, la déclarer coupable,
ni lui infliger une peine. Le juge n'est pas face à un choix mais
à une obligation, celle de constater d'office la prescription
»184.
Enfin, la prescription tend à favoriser l'oubli. Ainsi,
compte tenu de la durée écoulée depuis la commission des
faits, il n'y a plus lieu de poursuivre leur auteur parce que l'opinion a
oublié le trouble causé par leur commission et ne réclame
plus vengeance. Cependant, est-il légitime d'oublier le comportement
infractionnel qui laisse des traces dans les mémoires surtout que «
Le crime est souvent perçu comme un signe de bestialité. Il
caractérise la violation de la norme sociale édictée par
le peuple, pour le peuple. Le crime est également un signe
d'hominisation »185. A titre indicatif, les infractions
volontaires accompagnées de récidive, le viol des femmes et des
mineurs, la pédophilie, sont des infractions qui occupent une place
primordiale dans la mémoire non seulement des victimes mais aussi de la
société. Il est donc évident que les infractions, peu
importe leur gravité laissent une empreinte indélébile
dans la mémoire surtout avec leur médiatisation où les
réseaux sociaux sont devenus aujourd'hui la principale source de
propagande des informations. Il est clair qu'en droit togolais tout comme en
droit français, la prescription de l'action publique constitue « un
oubli annoncé »186. PRINS et GARRAUD, rejetant la
prescription de l'action publique se demandent, « comment le simple
écoulement du temps pourrait parvenir à l'amendement du
délinquant alorsque la peine ne peut pas toujours atteindre ce but.
»187
S'il est admis que la réglementation de la prescription
de l'action publique reste problématique, la prescription des peines
n'est pas du reste.
Section II : L'insuffisante réglementation de la
prescription des peines en droit pénal togolais
En droit pénal, la peine est un châtiment, une
punition, une sanction que prévoit la loi et qu'inflige le tribunal dans
le double but de prévenir et de réprimer
l'infraction188. Quand un certain temps c'est-à-dire un
délai fixé par la loi s'est écoulé depuis la
condamnation, sans que le ministère public ait fait exécuter la
peine, une dispense définitive de la subir se produit en faveur du
condamné : les peines sont prescrites et ne peuvent plus être
subies189.
184Gian-FrancoRaneri,,ibidem.
185 GUISLAIN (V.), « Sujet de grand oral :
L'imprescriptibilité de l'action Publique »,
LegaVox.fr, 06/12/2014, p.1.
186 COQUIN (C.), Deux aspects de
l'évolution du concept d'oubli en droit pénal, Arch. Pol. crim
1998, n°20, p.37. 187MIHMAN, (A.) op.
cit., N°257, p.289.
188PICOTTE (J.), Juridictionnaire
Recueil des difficultés et des ressources du français juridique,
réalisé pour le compte du Centre de traduction et de terminologie
juridiques, 8 février 2018, p. 2182.
189 CORNU, Vocabulaire juridique, Association
Henri Capitant, 9e ed, Paris, PUF,2011,
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
46
Au Togo, le législateur a réglementé la
prescription des peines, mais elle demeure incohérente, au regard des
règles qui la régissent (§.1) et
présente également des inconvénients
(§.2)
§.1- L'incohérence des règles de
prescription des peines consacrées
Les règles de prescription des peines consacrées
en droit pénal togolais sont incohérentes en raison de l'absence
de clarification de la notion de prescription des peines par le
législateur(A). Cette incohérence résulte également
de l'insuffisant délai imparti à la prescription des peines et
à l'absence d'imprescriptibilité des peines relevant des crimes
les plus graves (B).
A- L'absence de clarification de la notion de la
prescription des peines par le législateur Qu'est-ce que
la prescription des peines ? Au Togo, le législateur n'a pas
clarifié cette notion. Un constat se dresse : nulle part dans les Code
pénal et procédure pénale, ne figure la définition
de la prescription des peines. Est-ce un oubli de la part du législateur
ou c'est fait à dessein ? La notion de prescription des peines est
difficilement saisissable par le droit positif. Cette situation est de nature
à semer la confusion dans l'esprit des justiciables. Cet état de
choses crée donc un vide juridique. Elle ne permet pas de cerner et de
comprendre ce qu'est la prescription des peines. C'est ce qui nous amène
à émettre ces interrogations : quand peut-on parler de la
prescription des peines ?
A l'instar du législateur togolais, les
législateurs ivoirien et béninois ne clarifient pas non plus la
notion de la prescription des peines. On en déduit que ces
législations ont du mal à cartographier la prescription des
peines.
Le mutisme du législateur sur la clarification de la
prescription des peines laisse entrevoir un constat : certains justiciables
peuvent être amenés à la confondre avec la prescription de
l'action publique.
Il est difficile de cerner la notion de prescription des
peines parce qu'elle reste indéfinie. Le législateur qui est
censé indiquer la voie aux acteurs du monde judiciaire n'a pas eu une
telle hardiesse. Cette inertie du législateur qui est une lacune de la
loi pénale, constitue un handicap pour les acteurs du monde
judiciaire.
L'absence de clarification de la notion de la prescription des
peines par le législateur, révèle sa défaillance
à dessiner clairement les contours de ladite notion. En
conséquence, sa défaillance peut avoir pour corollaire
l'impossibilité pour les justiciables d'apprécier la prescription
des peines puisqu'il ne les informe pas utilement.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
47
Il est du devoir du législateur de définir
clairement la prescription des peines en vue de faciliter son
appréhension dans la pratique. Définir la prescription des peines
suppose sa détermination par une formule précise.
Parler de clarté dans la définition de la
prescription des peines, renvoie à la netteté, à l'absence
d'ambiguïté, à l'intelligibilité ou encore à
la simplicité dans la définition. La seule existence d'un texte
sera insuffisante ; il faut que ce texte soit d'une qualité
nécessaire pour sa bonne application par le juge.
En outre, la Cour Européenne des Droits de l'Homme,
dans son arrêt du 24 avril 1990190, a défini les deux
composantes de la qualité de la norme pénale à savoir, la
prévisibilité et l'accessibilité.
La prévisibilité renvoie aux exigences
constitutionnelles de clarté et de précision de la loi. En
d'autres termes, le citoyen à la lecture de la loi, doit connaître
les actes et les omissions engageant sa responsabilité pénale.
Tandis que l'accessibilité, tend à assurer une information
préalable suffisante des justiciables. Le citoyen doit pouvoir prendre
connaissances des règles applicables afin d'être prévenu
des conséquences de son comportement.
Lorsque les prévisions du législateur manquent
de clarté ou prêtent à confusion, très souvent, le
juge appelé à appliquer la loi en cas d'infractions, en fait une
interprétation et une application différente.
L'interprétation de la loi parait souvent fantaisiste et
partisane191. L'une des illustrations de cette application inexacte
est révélée par la célèbre affaire Bistel ;
affaire dans laquelle le tribunal correctionnel de Bruxelles décida que
l'introduction frauduleuse d'un mot de passe constituait un écrit et
donc, un faux ; alors que la cour d'appel de Bruxelles considéra qu'il
s'agissait en réalité de l'interception indue d'une
communication.
Le Code pénal prévoit la sanction des
infractions à travers des délais de prescription des peines. Ces
délais sont inadaptés aux exigences contemporaines de
répression des infractions. Ils sont donc insuffisants en raison de leur
caractère abrégé et de l'absence
d'imprescriptibilité des peines relevant des crimes les plus graves.
B- Le caractère abrégé des
délais de la prescription des peines et l'absence
d'imprescriptibilité des peines relevant des crimes les plus graves.
En droit pénal, la prescription de la peine correspond
à une durée au-delà de laquelle il n'est plus possible de
mettre une condamnation pénale à exécution. Le point de
départ de Ce délai est la date à laquelle la
décision de condamnation est devenue définitive.
190C.E.D.H. 24 avril 1990, Kruslin et Huvig c/
France, D. 1990, p. 353, note PRADEL J.
191 MATADI NENGA (G.), La question du
pouvoir judiciaire en RDC : Contribution à une théorie
de réforme, thèse, édition Droit et Idées
nouvelles, Kinshasa, 2001, p. 201.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
48
Le délai de prescription des peines est de vingt-cinq
(25) années révolues pour les peines criminelles192,
cinq (05) années révolues pour les peines
correctionnelles193 et deux (02) années révolues pour
les peines contraventionnelles194. Il faut rappeler qu'il s'agit
d'une évolution en matière criminelle car, le délai en
vigueur dans le Code de procédure pénale était de vingt
(20) années révolues pour les peines criminelles195.
Par contre, les autres délais n'ont pas été
modifiés. Les délais de prescription des peines, se
révèlent courts en raison de la nature des infractions et du
temps du jugement.
En droit pénal français, le délai de
prescription des peines prononcées pour un délit est
prorogé de cinq (05) à six (06) années révolues
à compter de la date à laquelle la décision de
condamnation est devenue définitive196. Les peines
prononcées pour un crime se prescrivent par vingt (20) années
révolues à compter de la date à laquelle la
décision de condamnation est devenue définitive197. Le
Code pénal et le Code de procédure pénale français
prévoient pour certains crimes, un délai de prescription
dérogatoire de trente (30) ans198.
Au Togo, les délais de prescription aussi bien pour les
crimes que les délits sont standards pour ces deux catégories.
Aucune disposition dérogatoire n'est envisagée. Pourtant
certaines infractions de par leur gravité devraient être soumises
à des régimes dérogatoires. C'est le cas, des crimes les
plus graves à savoir, le crime de génocide, les crimes de guerre
les crimes contre l'humanité et le crime d'apartheid. Le
législateur a rendu ces crimes imprescriptibles en matière de
l'action publique. Mais il n'en est pas de même en matière
d'exécution des peines. Il a tout simplement gardé le silence.
Faut-il dans ce cas considérer cela comme une imprescriptibilité
des peines inhérentes aux crimes les plus graves suscités ou non
? En droit pénal français, le législateur a par contre
pris le soin de rendre imprescriptibles les peines prononcées pour les
crimes contre l'humanité199 tout en leur consacrant un
alinéa distinct200. Le législateur togolais n'a donc
pas prévue l'imprescriptibilité des peines pour les crimes les
plus graves.
Pourquoi le législateur n'a-t-il pas daigné
rendre imprescriptibles les peines des infractions relevant des crimes graves
en raison de leur impact néfastes sur la société ? Il
s'agit d'un vide juridique qui est de nature à compromettre la
crédibilité de la justice pénale.
192Art. 105 CPT
193Art. 106 CPT et Art. 538 CPPT
194Art.106 CPT et Art. 539 CPPT
195Art. 537 CPPT
196Art. 133-3 al. 1.CPF
197Art. 133-2 al. 1.CPF
198Art.133-2 al. 2.CPF
199Art. 211-1 à 212-3CPF
200Art. 133-2 al. 3 CPF
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
49
La prescription des peines consacrées par le
législateur présentent réellement des incohérences.
A ces incohérences, s'ajoutent des inconvénients.
§.2- Les inconvénients de la prescription des
peines
La prescription des peines est une entorse à la
réponse pénale (A). Le législateur a en outre gardé
un mutisme sur certaines mesures qui accompagnent la peine (B).
A- La prescription des peines, une entorse à la
réponse pénale
Tout procès pénal doit aboutir à une
décision de justice. Cette décision doit être
exécutée dans un délai prévue par la loi
pénale. A défaut, elle s'éteint. Il s'agit de la
prescription des peines qu`impose le droit pénal.
Prescrire une décision rendue par la justice
pénale n'est pas sans conséquence. En effet, elle constitue une
véritable entorse à la réponse pénale.
D'abord, la prescription des peines entraine
l'inexécution de la réponse pénale, l'absence de
répression. Il s'agit en conséquence de la privation de la
fonction normative du droit pénal. On constate dans ce cas
l'ineffectivité de la sanction pénale. Qu'est-ce que la sanction
pénale ? Selon Stéphan SCIORTINO-BAYART c'est « la
sanction qui ne peut être infligée que par un juge judiciaire,
à la demande du ministère public garant des intérêts
de la société»201.Elle permet d'attribuer la
qualité d'infraction à l'ensemble qu'elle constitue avec
l'incrimination202. Selon le vocabulaire juridique, la
sanction est une « punition, (une) peine infligée par
une autorité à l'auteur d'une infraction, (une) mesure
répressive destinée à le punir
»203.
Ensuite, la prescription des peines correspond à
l'abandon de la justice pénale de son devoir qui consiste à
sanctionner les infractions au Code pénal afin d'assurer la
stabilité de la paix sociale. A cet effet, le législateur
français distingue les objectifs des fonctions assignés à
la peine en ces termes : « Afin d'assurer la protection de la
société, de prévenir la commission de nouvelles
infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des
intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : «1°
De sanctionner le condamné» ; «2° De favoriser son
amendement, son insertion ou sa réinsertion»
»204. Cependant, en refusant d'appliquer la sanction
pénale en raison de sa prescription, l'Etat qui est le seul
détenteur de la « violence
201 SCIORTINO-BAYART (S.), Recherches sur
le droit constitutionnel de la sanction pénale, thèse
Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III, 2000, p. 15.
202 BONIS-GARÇON (É.) et PELTIER (V.),
Droit de la peine, Paris, Lexis Nexis, 2ème
éd., 2015, p. 9.
203V°. « Sanction », in
G. CORNU et Association Henri CAPITANT (sous la direction de),
Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 10ème éd., 2014, p.
941.
204 Article 130-1 du titre III du livre Ier du CPF
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
50
légitime »205 crée une
double injustice : celle relative à l'infraction et celle portant sur
l'inaction du détenteur du pouvoir de punir. « Le risque est
alors que les cocontractants reprennent ce pouvoir qu'ils ont abandonné,
pour l'exercer eux-mêmes. Or, le pouvoir exercé par les
cocontractants de manière individuelle n'a pas la même
finalité que celui qui est reconnu à l'autorité
considérée comme légitime. Le pouvoir reconnu à
l'autorité légitime transcende les intérêts
individuels de chacun des cocontractants. Il n'est pas le résultat de
l'addition de toutes les parts de liberté qui ont été
abandonnées par les cocontractants. Il s'agit d'un pouvoir qui,
détaché des intérêts particuliers, tend à
maintenir la stabilité de la paix sociale et, partant, la
préservation de la société par la recherche du bien commun
»206.L'absence d'exécution de la sentence
pénale ou de la réponse pénale par le juge togolais
constitue un déni de justice. La prescription est alors perçue
comme un abandon par la justice de ses devoirs, un signe d'indifférence,
un déni de reconnaissance des victimes, un manquement à un devoir
de mémoire et une prime à la délinquance.
Enfin, la prescription des peines tend à favoriser
l'oubli d'autant plus que le législateur l'impose. Comment peut-on
oublier une infraction dont l'existence a été connue par la
justice et qui laisse très souvent une grande emprunte dans la
mémoire non seulement de la victime mais aussi de la police. D'ailleurs,
la doctrine a désapprouvé la prescription des peines. En effet
d'une part, BECCARIA qui traitait de la prescription, s'était
montré très hostile à l'institution lorsqu'elle permet
à l'auteur de « crimes affreux dont les hommes gardent
longtemps le souvenir » de rester impuni en considérant donc
que la prescription avait pour tendance, lorsqu'elle était acquise,
à favoriser le sentiment d'impunité du criminel et l'engageait
à commettre de nouveaux méfaits207. D'autre part,
Jérémie BENTHAM affirmait déjà en 1820 que
l'injustice née de l'impunité d'un malfaiteur est un mal aussi
fort pour la société que le méfait lui-même et
qu'aux criminels ayant accomplis de tels méfaits « le glaive
reste toujours suspendu sur leurs têtes »208.
Outre ces inconvénients précités, il faut
relever le silence du législateur sur certaines mesures qui accompagnent
la peine.
205 SUR (E.), « Violence et droit,
Remarques sur la distinction entre la violence légitime et la violence
pure », in Démocratie et liberté : tension, dialogue et
confrontation, Mélanges en l'honneur de Slobodan Milacic,
Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 1041.
206 TZUTZUIANO (C.), L'effectivité
de la sanction pénale, Thèse pour le doctorat en droit
privé et sciences criminelles, Université de Toulon, 2
décembre 2015, p.9
207 BECCARIA (C.), Des délits et
des peines (1764), GF Flammarion, 1991, §XXX, « Durée des
procès et prescription », p.139 et s.
208 BENTHAM (J.), Traité de
législation civile et pénale, trad. DUMONT (E.), Paris :
Boissange, père et fils, Paris : Rey et Gravier, 1820, Tome II, «
De la prescription en faits de peine », p. 149
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
51
B- Le mutisme du législateur sur la non
incidence de la prescription des peines sur certaines mesures accompagnant les
peines
La prescription des peines vise à sanctionner non
seulement le manque de diligences du ministère public, mais aussi de
protéger le justiciable contre la demande d'exécution d'une peine
intervenant à son détriment longtemps après la
condamnation209. Mais le législateur a gardé un
mutisme sur la problématique de savoir si la prescription des peines
emporte ou non les mesures accompagnant les peines. S'il en a fait cas au sujet
de certaines tel n'est pas le cas pour d'autre.
D'abord, s'agissant des mesures prises, il y a lieu de relever
d'office que la prescription des peines n'affecte pas les mesures de
sûreté qui accompagnent la peine. Dans ce contexte, la
prescription n'atteint pas l'interdiction de séjour, la peine accessoire
ou complémentaire. Ainsi, le condamné bénéficiaire
de la prescription, « ne pourra résider dans la circonscription
où demeuraient soit celui sur lequel ou contre la
propriété duquel le crime aurait été commis, soit
ses héritiers directs »210. Si le
législateur français a déterminé le nombre
d'année auxquelles sera banni le bénéficiaire de la
prescription en stipulant que « le condamné à une peine
perpétuelle, qui l'a prescrite, est frappé d'interdiction de
séjour pendant 20 ans à compter du jour où la prescription
est accomplie »211 , le législateur togolais
dispose seulement que, « la durée de l'interdiction de
séjour ne peut excéder dix (10) ans pour un fait qualifié
crime et cinq (05) ans pour un fait qualifié délit
»212 sans pourtant autant faire allusion à un fait
qualifié de contravention.
Ensuite, est-ce que la prescription des peines emporte
l'effacement de l'infraction du casier judiciaire du coupable ? Le
législateur togolais a consacré en ses articles 540 et suivants
du Code de procédure pénale la notion du casier judiciaire mais
ne la pas définie. La lecture de l'article 541 du Code Pénal
laisse paraître qu'il est fait mention, sur les bulletins n°1 de
grâces, commutations ou réductions de peines, des décisions
qui suspendent ou qui ordonnent l'exécution d'une première
condamnation sans toutefois évoquer de manière expresse la
prescription des peines. Pourtant, « cette trace a d'abord vocation
à informer les magistrats pour une application la plus juste possible de
la pénalité, en particulier comme élément de preuve
de la récidive, mais elle a aussi vocation à informer les tiers.
Les règles de divulgation des bulletins du casier judiciaire le
démontrent, il y a là comme un prolongement à la
209
Www.wikipédia.org/wiki/
« La prescription en matière pénale en droit français
», consulté le 28 mars 2019. 210Art. 537, al. 2 CPPT.
211 Art. 48, al. 4 et 5 ancien CPF.
212Art.115 CPT
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
52
publicité du jugement, à la publicité
de la décision de condamnation en l'occurrence
»213. Il va s'en dire qu'il s'agit de la négligence
du législateur de préciser cela.
Enfin, l'absence de précision du sort
réservé aux condamnations civiles et au paiement des frais envers
l'Etat. Il s'agit bien évidement des mesures qui accompagnent la peine.
Une fois de plus, le législateur a failli à son obligation en
s'abstenant d'éclairer les citoyens sur ces mesures qui accompagnent la
peine. Par contre, en droit français, la prescription est sans effet sur
les condamnations civiles214. Ainsi, la victime conserve son droit
d'agir pendant le délai de droit commun qui est de trente (30) ans.
Aussi, la prescription n'emporte pas les frais envers l'État puisqu'ils
subsistent215.
CONCLUSION PARTIELLE
Dans le souci de sécurité juridique, la
prescription en matière pénale fait perdre à la victime un
double droit : le droit d'ester en justice et le droit d'obtenir la
réparation du préjudice subi. L'auteur du fait délictueux
sera dispensé de poursuite pénale et de l'obligation
d'exécuter une peine.
La prescription en matière pénale varie en
fonction de la gravité de l'infraction. Cependant, les règles de
la prescription en matière pénale font l'objet d'importantes
critiques. Ces critiques sont liées à des insuffisances
relevées dans le droit pénal. Ce qui fait dire que la justice
pénale est effectivement au tournant de son histoire parce que la
stabilité de ces règles sont remises en cause aujourd'hui.
Au Togo, la justice pénale peine à trouver des
lettres de noblesse malgré, les bonnes intentions de l'Etat, de certains
acteurs du monde judicaires, des partenaires institutionnels et sociaux. Le
droit au délai raisonnable tel que reconnu et consacré dans la
loi fondamentale togolaise216, devient une gageure en raison de
plusieurs obstacles. Face à cette situation qui prévaut, il urge
de préconiser des voies, des stratégies et des moyens
adéquats pour permette à la justice pénale de
s'exécuter dans le délai raisonnable.
213 GRUNVALD (S.) et LETURMY (L.), Casier
judiciaire et fichiers de police, in M. DANTI-JUAN (dir.), La mémoire et
le crime, p.69
214 Art. 642 C.instr.crim français ; Article 133-6 Code
Pénal franc 215Cass.req., 28 février 1905: D. P.,
1905, 1, 176
216 Supra, P.16
DEUXIEME PARTIE
LE JUSTE TEMPS POUR UNE JUSTICE REPRESSIVE
EFFICACE AU TOGO
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
54
Aujourd'hui, l'urgence et la vitesse sont deux concepts qui
dominent les sociétés modernes. Notre époque s'inscrit
inexorablement dans une mutation radicale du rapport au temps qui reste
marquée par l'apparition de nouvelles conceptions du temporel à
savoir l'urgence, l'immédiateté ou l'instantanéité.
Ces urgences nouvelles doivent nécessairement s'étendre au
droit217. Dans une société en constante
évolution et face à des citoyens en forte demande sur la
sécurité des droits individuels, il importe que l'institution
judiciaire évolue et réponde de manière plus performante
aux attentes des justiciables.
Le juste temps est le délai raisonnable. Autrement dit,
la justice pénale doit être rendue dans un délai
raisonnable.
Quel peut être le juste temps au cours duquel doit se
dérouler la justice pénale ?
La revendication d'une accélération de la
justice pénale togolaise qui constitue un critère de
qualité, un principe d'une bonne administration de la justice, est
devenue générale et indiscutable. Cet objectif ne sera atteint
que par la recherche de l'efficacité de l'institution judicaire.
Il conviendrait de mettre en place une véritable
démarche de qualité en préconisant des solutions aux
facteurs de ralentissement de la justice pénale, en pérennisant
des procédures et des pratiques qui seront adaptées à
l'effectivité de l'accélération de ladite justice. Tout
cela ne peut se concrétiser qu'en considérant le rôle de
chaque acteur au procès pénal. Ce qui permettra au
législateur objectif et aux justiciables sérieux d'avoir un
procès qui n'est ni très lent, ni très
accéléré, mais un procès qui se déroule dans
un délai raisonnable de fond218. Ainsi, l'idée de
célérité doit constituer non seulement dans la
législation togolaise un principe directeur, mais aussi, l'examen de la
pratique doit révéler cette accélération.
Le temps étant un facteur indissociable de la
prescription en matière pénale, une attention particulière
doit y être portée afin d'envisager des réformes. Ces
réformes permettront aux acteurs de la justice pénale d'accomplir
efficacement leurs missions à savoir poursuivre et réprimer les
infractions à la loi pénale dans un délai
conséquent. Selon MIHMAN, la réponse pénale se
caractérise par deux périodes : la première est celle
pendant laquelle la réponse peut être apportée à un
comportement délictueux219. La seconde est celle de la mise
en oeuvre de la réponse pénale220. En effet, le
législateur a prévu des délais au terme desquelles
l'action
217 SRONVI (Y. O.), Reflets du Palais N°
28, septembre 2015, « Célérité et qualité : la
bonne mesure » p.2.
218 NDAM (I.), « La protection du droit
à un procès dans un délai raisonnable dans l'espace Ohada
», Revue de l'ERSUMA : Droit des affaires - Pratique
Professionnelle, N° 2 - Mars 2013, Doctrine.
219 MIHMAN (A.), Juger à temps: le juste
temps de la réponse pénale, Edition Harmattan, 2008, ISBN
229604302X.
220 Ibidem
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
55
publique et la non-exécution de la peine sont
prescrites. Ces délais, en raison de leur caractère
abrégé doivent être revus.
Pour instaurer le juste temps qui permettra de rendre la
justice pénale togolaise plus efficace, il urge non seulement
d'aménager le temps afin que les affaires pénales soient
traitées dans un délai raisonnable (chapitre premier) mais aussi,
de réformer la prescription en matière pénale au Togo
(chapitre second).
Chapitre premier : L'aménagement du
temps pour le traitement des affaires pénales dans un délai
raisonnable.
Chapitre second : La nécessité de
réformer la prescription en matière pénale au Togo.
L'AMENAGEMENT DU TEMPS POUR LE TRAITEMENT DES
AFFAIRES PENALES DANS UN DELAI RAISONNABLE
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice
pénale au Togo », 17-04-2019. Page 56
CHAPITRE I
Les instruments internationaux, régionaux ou nationaux
reconnaissent à toute personne à un procès, des droits qui
lui permettent d'être jugé dans un délai
raisonnable221. Ces droits relatifs à la
célérité du procès pénal sont exigibles
à l'Etat togolais, premier garant de leur effectivité.
Malheureusement, c'est la lenteur qui accule souvent la justice pénale
togolaise. Ce profond ancrage de ce principe conduit certains auteurs à
voir dans un dépassement de ce délai un « déni de
justice processuel »222. Pour y remédier, il faut
dès lors préconiser le juste temps.
L'aménagement consiste en l'ensemble des mesures ou
dispositions prises pour améliorer une situation donnée. Dans
quelles mesures peut-on aménager le temps pour que le traitement des
affaires pénales se déroule effectivement dans un délai
raisonnable ?
La lenteur de la justice, ce thème récurrent en
droit pénal togolais, est également fort ancien en droit
français. En effet, en se référant aux discours de
rentrée aux audiences solennelles des cours d'appel en France, il
apparaît que les magistrats se sont saisis dès le début du
XIXe siècle de cette thématique223, afin d'y
remédier. La doctrine n'est pas restée en marge de cette
inquiétude d'autant plus que, NANA É. E. affirmait que «
Le droit étant une recherche d'équilibre entre des
intérêts opposés, la justice ne doit pas être
administrée avec des retards propres à en compromettre
l'efficacité et la crédibilité
»224.
Pour contrer la lenteur qui sévit au sein de la justice
pénale togolaise, il serait juste de mettre en place des
mécanismes nationaux tendant à prévenir la lenteur et
à apporter un redressement approprié en cas de violation des
délais impartis. Mais, vu le caractère exponentiel du
221 Voir supra, A, pp. 15&16.
222 SAVADOGO (L.), Déni de justice et
responsabilité internationale de l'État pour les actes de ses
juridictions, JDI (Clunet), 03/2016, p. 827 s., cité par B. Nicaud,
Délai raisonnable et droit européen, AJ pénal 2017. 163
223 FARCY (J.-C.), Magistrats, Les discours de
rentrée aux audiences solennelles des cours d'appel XIXe- XXe
siècles, CNRS Editions, 1998, p. 798. On peut par conséquent
déduire de cette analyse que, dès1811, le Procureur
Général ROULHAC (CA Limoges) traitait de la question, dans une
intervention intitulée «L'activité et la
célérité dans l'expédition des affaires ». Il
fut suivi, en 1823, par l'avocat général LEBE (CA Agen), lequel
exprimait « La nécessité d'une étude approfondie des
lois de la part du magistrat et l'obligation d'impartirune bonne et prompte
justice », exigence confirmée, l'année suivante, par le
procureur général Blanquart DEBAILLEUL (CA Douai), dans son
discours consacré aux « Devoirs des magistrats dans l'instruction
criminelle : sagacité et célérité ». En
revanche, en 1828, l'avocat général SAVEROT (CA Dijon), mettait
en garde contre « Les dangers que représente l'amour de la
célérité chez les magistrats ». Seule note
discordante, semble-t-il, puisque le procureur général THOUREL
(CA Nimes) reprenait, en 1855, le thème sous un titre plus neutre «
De la célérité dans la distribution de la justice civile
», la même sobriété revenant, en 1862, dans le
discours de l'avocat général GAUTIER (CA Grenoble) « La
célérité dans la justice ». Etrangement,
peut-être, il a fallu plus d'un siècle pour que la question soit,
de nouveau, placée au premier plan des préoccupations des chefs
de cour, le conseiller Le Foyer DE COSTIL (CA Paris) centrant son propos, en
1986, sur « La justice et le temps ».
224NANA (É. E.), Droits de l'homme et
justice : le délai de procédure pénale au Cameroun,
L'Harmattan, 2010, p. 19.
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phénomène, une réaction vigoureuse du
personnel judicaire ainsi qu'une implication active des parties au
procès pénal s'imposent. Le respect du délai raisonnable
devant la justice pénale togolaise implique de revoir les moyens humains
au premier rang desquels figurent les magistrats chargés de rendre la
justice, tout en améliorant l'organisation de l'institution judiciaire
et des textes de nature à favoriser l'accélération des
procédures pénales.
La justice pénale togolaise doit nécessairement
se dérouler dans un délai raisonnable. Pour y arriver, il faut
dès lors consacrer des exigences légales (Section I), tout en
impliquant les acteurs de ladite justice pour que ceux-ci les mettent en
application (Section II).
Section I : Les exigences légales de la tenue
du procès pénal dans un délai raisonnable La
tenue du procès pénal dans un délai raisonnable pose le
problème des garanties d'un tel procès. Il s'agit des exigences
légales pour atteindre cet objectif afin que le justiciable qu'il soit
victime ou accusé en matière pénale, puisse avoir la
possibilité de faire valoir ses droits sans retard
excessif225.
Le délai raisonnable étant une condition
sine qua non pour réaliser un procès pénal dans
le temps (§.1), il faut revitaliser la procédure pénale
togolaise (§.2).
§.1- Le délai raisonnable, condition
sine qua non pour un procès pénal dans le temps
Le délai raisonnable est absent du droit pénal
togolais. Pour le consacrer, le législateur national doit
nécessairement le référencer, le clarifier (A) et
instituer des sanctions rigoureuses afin de dissuader d'éventuels
contrevenants (B).
A- Le référencement et la clarification
législative de la notion de délai raisonnable
Le procès pénal doit être rendu dans un
délai raisonnable. Pour se faire, le législateur national doit
faire mention de cette notion dans le droit pénal et la clarifier.
Le référencement de la notion du délai
raisonnable, devient aujourd'hui une nécessité d'autant plus
qu'on ne saurait évoquer le droit au délai raisonnable sans en
faire référence, soit au Code pénal, soit à au Code
de procédure pénal. Le législateur a donc l'obligation de
référencer le droit au délai raisonnable dans les textes
juridiques pénaux. Cela permettra et constituera un repère
incontournable aussi bien pour le personnel judiciaire que pour les
justiciables.
La clarification de la notion du droit au délai
raisonnable, doit également faire partie intégrante des Codes
pénal et de procédure pénale.
225 ALLIX (D.), « le droit au procès
pénal équitable », justice n° 10, 1998, p.19.
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Qu'est-ce que le droit au délai raisonnable ? «
La notion de délai raisonnable est une notion floue qui est
difficile à définir. Le terme délai qui se rapporte
à la durée peut s'entendre comme le temps accordé pour
faire une chose. L'ambiguïté et la difficulté proviennent de
l'adjectif raisonnable qui est accolé au "délai". Qu'est ce qui
est raisonnable et qu'est ce qui ne l'est pas? De prime abord, nous pouvons
dire qu'est raisonnable ce qui est conforme à la raison, au bon sens. Il
s'agit d'une notion qui fait appel à des appréciations du milieu
social. C'est ce qui est admissible dans une communauté à un
moment donné. Le raisonnable varie alors avec le temps et l'espace comme
l'ordre public »226.
Le droit au délai raisonnable sous-entend donc que la
justice soit rendue avec célérité. Ce délai doit
être en adéquation avec la situation à laquelle il
s'applique. En d'autres termes, il doit être acceptable au regard des
faits de la cause. En principe, le délai raisonnable se décline
en trois délais. En effet, selon la Convention Européenne des
Droits de l'Homme, l'aspect raisonnable s'attachant aux délais doit
être apprécié in concerto pour chaque phase de la
procédure. Ainsi, distingue t'elle d'abord, le délai raisonnable
de la détention provisoire227 ; ensuite, le bref délai
pour statuer en matière de détention228et enfin le
délai raisonnable de la procédure229.
Traditionnellement, le caractère raisonnable de la
durée d'un procès pénal s'apprécie au cas par cas
et au regard de trois critères à savoir, la complexité de
l'affaire, le comportement du requérant et la manière dont les
autorités judiciaires ont traité l'affaire230. Le
premier critère est « la complexité de l'affaire ». Il
inclut toutes les données de fait et de droit. A titre indicatif, il y a
la complexité de l'administration de la preuve qui résulte du
nombre de prévenus, du volume et de la difficulté de l'affaire ;
de même que l'incertitude de la règle de droit qui est très
souvent un élément important expliquant certaines lenteurs
procédurales231.Le deuxième critère est relatif
au « comportement du requérant ». Il est reconnu que la
personne inculpée ne dispose pas de moyens efficaces pour ralentir le
cours de la justice pénale en raison de son droit de garder le silence
que lui impose la loi pénale232.
226NATY (S.),
le délai raisonnable dans le procès
pénal, mémoire de maitrise en science juridique à
l'Université Gaston eryersaint-Loui 2007, p.7.
227 Art5.3 CEDH : « Toute personne arrêtée
ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c) du
présent article, doit aussitôt être traduite devant un juge
ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions
judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai
raisonnable, ou liberty pendant la procédure... ».
228 Art5.4 CEDH « Toute personne privée de sa
liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un
recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la
légalité de sa détention et ordonne sa libération
si sa détention est illégale. »
229 Art6 .1CEDH « Toute personne a droit à ce que
sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un
délai raisonnable,... ».
230 Posé dans un arrêt KöNIG vs RFA du 28
Juin 1988 : « le caractère raisonnable de la durée d'une
procédure s'apprécie eu égard notamment de la Co
complexité de l'affaire, du comportement du requérant, du
comportement des autorités compétentes et de l'enjeu du litige
» ; Observation no. 32 du Comité des Droits de l'Homme relative
à l'article 14 du PIDCP ; CEDH 6 mai 1981, n° 7759/77, Buchholz
c/ Allemagne;.25 mars 1999, n° 25444/94, Pélissier et
Sassi c/ France, D. 2000. 357, note D. Roets ; 15 juill. 1982, n°
8130/78,Eckle c/ Allemagne, § 73
231 Arrêt Preto et autres contre Italie, 8 decembre1983,
série A n° 7.
232 Article 14.3, g, du pacte international du 19 décembre
1966, relatifs aux droits civils et politiques.
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Cependant, il faut noter que certains requérants font
souvent recours à des manoeuvres dilatoires telles le refus volontaire
de communiquer à la justice les pièces qu'elle lui
réclame, le changement incessant ou tardif d'avocats, l'abus de
l'exercice des voies de recours, l'absence à l'audience, ou encore un
requérant qui adopte une stratégie pour retarder le
procès233.Le troisième critère qui est «
le comportement des autorités compétentes » doit être
entendu largement : les juges et l'Etat. Les juges doivent fournir des
diligences durant la durée consacrée à la réflexion
d'une analyse juridique. L'Etat ne doit pas compromettre la gestion de la
justice pénale. Il s'agit de l'obligation de résultat qui lui
incombe car il est le premier comptable en matière de respect du droit
au délai raisonnable. L'intérêt de ces critères
réside dans le fait qu'ils sont permanents et assurent la
prévisibilité et la sécurité juridique propres
à toute interprétation d'une règle de
droit234.
Outre ces trois critères précités, un
nouveau critère dit « l'enjeu du litige » est utilisé
par la Commission Européenne des Droits de l'Homme, afin de garantir et
de préserver la dignité du requérant235. Dans
ce contexte, l'appréciation de la durée du procès
pénal est plus stricte lorsqu'il est question d'un conflit de travail
qui met en jeux les conditions de travails et de vie du requérant.
Le calcul de la durée du délai raisonnable n'est
pas chose aisée. Il a tout de même pour point de départ le
moment où la personne fait l'objet d'une accusation en matière
pénale. Cette notification doit avoir « des
répercussions importantes sur la situation du suspect
»236 Ainsi, il peut s'agir de l'arrestation, de
l'inculpation, ou de l'ouverture de l'enquête
préliminaire237. Elle se termine avec la décision
définitive. En France par contre, ce point d'arrivée est
fixé soit à la date de l'arrêt de la cour de cassation ou
du conseil d'Etat soit au délai de deux mois après l'arrêt
d'appel.
Le législateur national doit référencer
le droit au délai raisonnable afin que sa violation soit
sanctionnée.
B- L'institution des sanctions de la violation du
délai raisonnable
La violation du délai raisonnable est le recours
à des procédures abusives pour retarder l'issue du procès
pénal. Selon Pierre Larouche, « [Est] abusive la
procédure faite avec intention de
233 NGONO (S.), le procès
pénal camerounais au regard des exigences de la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples, l'Harmatan, 2002.
234 PICARD (M.) et TITUIN (P.), commentaire
de l'article 5.3 C.E.D.H.
235CORTEN (O.), l'utilisation du
raisonnable par le juge international, Bruxelles, Bruylant, 1997, page 576 ;
Arrêt X vs France rendu le 31 Mars 1992 : « personne atteinte de la
maladie du SIDA suite à une transfusion, délai de quinze ans.
Déraisonnable en raison de la vie courte des requérants.
Effectivement, tous les requérants étaient déjà
décédés » ; Arrêt COTIEZ vs France de 1992.
« Salarié par payé : six ans avant de condamner l'employer
à payer le salaire. En effet caractère alimentaire de la somme
déclaré ». Arrêt CERIELO vs Italie en 1999 pour un
juge des référés.
236 CEDH Louerat c/ France §§29 et 30 du 13/02/2003.
237 CEDH Eckle c/ Allemagne §73 du 15/07/1982.
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nuire, esprit de chicane, témérité et
légèreté blâmable, ou celle entachée d'une
erreur grossière équipollente au dol »238 ou
selon BAUDOUIN « la mauvaise foi (c'est-à-dire l'intention de
nuire) ou la témérité (c'est- à-dire l'absence de
cause raisonnable et probable) restent donc les bases de l'abus de droit dans
ce domaine »239.
La justice pénale togolaise doit être la
réponse à un litige imminent, mais la décision se fait
largement désirer malgré la procédure pénale
togolaise soumise à un principe général de
célérité. Le délai raisonnable n'est donc pas
respecté. Pour pallier cette lacune, la sanction de la violation du
principe de célérité, doit être
préconisée par le législateur national afin que la justice
pénale togolaise cesse d'être constamment décriée,
et ne soit plus frappée de suspicion ou de ridicule.
Pour attester de la nécessité d'une sanction, le
délai doit être apprécié. Dans ce contexte, le
caractère dit « raisonnable » d'un délai
s'apprécie suivant les circonstances de la cause240.La
sanction de la violation du délai raisonnable devant la juridiction
pénale à un triple objectif : la prévention, la
répression et la réparation.
S'agissant de la prévention, elle vise à
dissuader les justiciables, le personnel judiciaire ou toute autre personne de
ne pas user de quelques moyens que ce soit pour ralentir le cours de la justice
pénale. Ainsi, toute personne désireuse de faire obstruction au
respect du délai raisonnable du procès pénal devrait en
principe s'abstenir afin de ne pas en subir les sanctions. Il s'agit donc de
mesures dissuasives qui amènent à renoncer à ses
intentions.
Quant à la répression, elle consiste à
punir tout fauteur du droit au délai raisonnable. Peu importe la
qualité de la personne reconnue coupable des entraves à la
célérité de la justice pénale, sa
responsabilité devra être engagée dans ce sens. Punir
dissuaderait d'ailleurs certaines personnes qui seraient tentées
d'outrager le droit au délai raisonnable. La répression permettra
de préserver l'indépendance, l'impartialité de la justice
pénale et les juges accompliront leurs missions dans un délai
optimal. Mais, les dysfonctionnements du service public de la justice
pénale doivent être davantage révélés par les
poursuites disciplinaires à l'encontre des magistrats.
En ce qui concerne la réparation, elle peut être
bénéfique à la victime ou à l'inculpé. D'une
part, la victime de la violation du droit au délai raisonnable obtiendra
la réparation du préjudice par elle subi. D'autre part,
l'inculpé victime de la violation du délai raisonnable
bénéficiera également de sa réparation qui peut
constituer en sa libération, à son
238 LAROUCHE (P), «La procédure
abusive» (1991) 70 R. du B. can. 650 à la p. 665.
239 BAUDOUIN (J.L.) et. DESLAURIERS (P), La
responsabilité civile, 5e éd., ibidem. 240CEDH,
26 octobre 1999, requête n° 31801/96.
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indemnisation, ou encore des deux. Par ailleurs, s'il est
établi que le délai entre la mise en accusation et le
procès est déraisonnable, la CEDH admet des sanctions telles que
: l'arrêt des procédures et la libération de la personne
mise en cause, l'acquittement, la réduction de peine,
l'irrecevabilité des poursuites et l'abandon des poursuites par le
parquet241. A cet effet, le dommage peut être
considéré comme établi alors même que le processus
judiciaire se poursuit242.
Au Togo, il est difficile de voir appliquer cette mesure
à l' endroit de l'accusé parce qu'il n'y a pas de texte
spécial dans la législation pénale pour réparer la
violation du délai raisonnable. En France par contre, cela est une
réalité d'autant plus que, le législateur français,
par le biais de l'article 149 du Code de procédure pénale qui
modifie la loi du 15 juin 2000 et celle du 30 septembre 2000, a introduit un
principe qui dispose que « [---J la personne qui a fait l'objet d'une
détention provisoire au cours d'une procédure terminée
à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à
réparation intégrale du préjudice moral et matériel
que lui a causé cette détention ( et que), Lorsque la
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement lui est
notifiée, la personne est avisée de son droit de demander
réparation ». Il s'agit de la réparation
intégrale du préjudice subi par la personne inculpée. Deux
décisions ont été rendues dans ce sens : en premier lieu,
Rajeswaran Paskaran accusé du meurtre d'un policier et condamné
à 20 ans de réclusion en 2011 a été remis en
liberté parce que son affaire n'était pas encore fixée
devant la cour d'Assises d'Appel au bout de quatre années243.
En deuxième lieu, une femme dite « la veuve noire »
condamnée à 30 années de réclusion criminelle, en
2010, pour homicide volontaire a été remise en liberté
parce que depuis plus de cinq (05) ans, l'appel n'avait pas encore
été programmé244. Cette décision de
réparation de la violation du droit au délai raisonnable devant
la justice pénale, bien que justifiée souffre de contestation au
regard de l'indignation des familles, des proches, de la police et
au-delà, l'émoi public devant ces décisions prenant acte
de la lenteur de certains jugements et en tirant les conséquences au
risque de provoquer ou de surprendre.
La réparation du préjudice subi, du fait de la
violation du droit au délai raisonnable, nécessite son
évaluation. Cette évaluation prendra en compte plusieurs
paramètres. Il s'agira : d'abord, de la perte de revenus subis pendant
la détention ou si un licenciement est intervenu en raison de
l'incarcération245. Ensuite, les salaires et les
congés payés ainsi que la perte de chance de
241 C.E.D.H., arrêt Eckle c/ Allemagne, 15 juillet 1982.
242 DOCQUIR (P.F.), « Délai
raisonnable: l'exigence d'un recours effectif en droit interne, CDPK, 2001,
p.274
243 Le Parisien, Cour d'assises : la lenteur au banc des
accusés, 27septembre 2015.
244 Ibidem.
245SARR (N.), Le délai
raisonnable dans le procès pénal, mémoire en
Maîtrise sciences juridiques, Université Gaston Berger de
Saint-Louis - 2007.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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retrouver un emploi à condition qu'elle soit
directement liée à la détention246. Enfin,
moralement, le préjudice peut être apprécié en
tenant compte de l'âge, des éléments de la
personnalité, de l'environnement familial et social247. Dans
ce cas, le préjudice devra être évalué par expertise
contradictoire.
Afin d'être efficace et d'atteindre le résultat
escompté, la sanction contre la violation du droit au délai
raisonnable doit respecter certaines conditions : elle doit être
adéquate, convenable et constituer une juste
réparation248. Pour obtenir la réparation, la partie
lésée peut saisir la Cour de Justice de la CEDEAO (CJCA) en
formulant un recours pour violation du droit au délai raisonnable afin
de voir l'Etat togolais condamné pour violation du principe de
célérité.
Pour que la justice pénale soit rendue dans un
délai raisonnable, il faut donner de la vitalité aux
règles de procédure pénale.
§.2- La nécessaire revitalisation de la
procédure pénale
Cette revitalisation passe par le renforcement des
règles de procédure pénale (A), et le renforcement des
garanties d'un bon procès pénal (B).
A- Le renforcement des règles de
procédure pénale
Une justice pénale qui s'inscrit dans le temps suppose
qu'elle a de règles de procédures qui sont assez efficaces. La
justice pénale togolaise doit donc s'inscrire dans cette perspective.
Pour être au diapason de l'actualité des
réalités procédurales, le législateur doit faire
une relecture de ses règles de procédure pénale afin de
les adapter aux réalités du moment. Ce qui nécessite
l'introduction de nouvelles règles dans le Code de procédure
pénal.
D'abord, il urge que le législateur institue le «
plaider coupable » encore connu sous le nom de procédure de «
reconnaissance de culpabilité » ou encore «comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité »249 en
droit pénal. Le plaider coupable est la procédure par laquelle,
le procureur de la République propose à un prévenu un
allègement de la peine encourue en échange d'une reconnaissance
des faits qui lui sont reprochés250. Dans le Code
pénal, le législateur dispose à l'article 93 que «
Le procureur de la République peut, d'office ou à la demande
du prévenu qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés,
ou de son avocat, recourir à la procédure de reconnaissance
préalable de culpabilité ». Elle concerne
essentiellement les délits passibles d'une amende ou d'une peine de
prison inférieure ou égale à cinq (5)
246 Ibidem
247 Ibidem
248 C.E.D.H., arrêt H c/ Allemagne 13 décembre
1984.
249 Article 495-7 du CPPF.
250 Dictionnaire de français Larousse.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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ans251. Elle supprime ipso facto tout
débat sur la preuve car l'auteur des faits a choisi de plaider coupable
après avoir été informé en présence de son
avocat dès son arrestation de son droit de se taire252. En
France, le plaider coupable permet au Procureur de la République de
proposer directement et sans procès, à une personne reconnaissant
les faits à lui reprochés253 une ou plusieurs peines
qui peuvent être des peines d'amende ou d'emprisonnement. En France, elle
a été créée par la loi du 09 mars 2004 portant
adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité dite
« Loi Perben II » et fait son entrée dans le palais de justice
le 1er octobre 2004254. Au Etats Unis, le choix de cette voie est,
parfois, lié à des réductions de peine255.
Pour une application efficace du plaider coupable, le
législateur doit l'entourer de gardes fous. Ainsi, le juge doit toujours
apprécier objectivement l'honnêteté des aveux du coupable
avant de statuer. Ce qui lui permettra de ne pas commettre d'erreurs.
L'intérêt de la reconnaissance de
culpabilité, est d'éviter la lourdeur d'un examen en audience,
lorsqu'une enquête n'est pas utile. Elle permet donc
d'accélérer le cours de la justice256, en jugeant
rapidement et efficacement des délits et crimes peu importants. En
réduisant les débats sur la culpabilité cette
procédure permet d'épargner non seulement du temps d'audience
mais également du temps de travail pour le juge. La reconnaissance de
culpabilité est une procédure de jugement qui est un moyen
alternatif au procès qu'il ne faut surtout pas confondre avec les
alternatives aux poursuites pénales.
Ensuite, il est impérieux que le législateur
togolais détermine des délais de rigueur en droit pénal.
Cela revient à ce que celui-ci introduise dans son Code de
procédure pénale une disposition spécifiant clairement
lesdits délais. Ces délais de rigueur seront
déterminés pour chaque phase de la procédure
pénale. Aussi bien avant qu'au cours jugement pénal.
Enfin, pour tenir le procès pénal dans le
délai raisonnable, il incombe au législateur de limiter le nombre
de renvoi. En s'inspirant de l'article 385 du Code de procédure
pénale du Sénégal, il pourra disposer q' « une
affaire en état d'être jugée ne peut faire l'objet de trois
renvois successifs pour quelque cause que ce soit ». La limitation du
nombre de renvoi a pour objectif
251 Article 455 CPPF
252 CASORLA (F.), Revue International de Droit
Pénal, 1995, p. 524, Sur le consensualisme en général
253 DILA, « Comparution sur reconnaissance
préalable de culpabilité (CRPC) sur service
-public.fr, 12-07-2012 ;
254 DELAGE (P.J.), La CRPC : quand la pratique
ramène à la théorie, Dalloz 28 juillet 2005.
255A ce sujet le système des pleas agreements
aux Etats-Unis (K.S. GALLANT, C. DENIS et C. MATHIEU, « La lutte
contre la criminalité en droit fédéral américain
», in. Les nouvelles méthodes de lutte contre la
criminalité : la normalisation de l'exception. Etude de droit
comparé (Belgique, Etats-Unis, Italie, Pays-Bas, Allemagne,
France), sous la direction de M.L. CESONI, Bruxelles, Bruylant, 2007, pp.
167 et 168
256 PRADEL (J.), Procédure pénale,
ibidem.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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de mettre la pression sur les conseils et leurs parties qui
souvent font du dilatoire en vue de ralentir le cour de la justice
pénale togolaise.
Au-delà du renforcement des règles de
procédures pénales, il faut aussi renforcer les garanties d'un
bon procès pénal.
B- Le renforcement des garanties d'un bon procès
pénal
Tenir le procès pénal dans un délai
raisonnable, implique nécessairement de renforcer ses principes
directeurs, qui se retrouvent dans la Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme, dans la Convention Européenne des Droits de l'Homme et dans
le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
Le premier principe est, l'intervention de l'autorité
judicaire dans un délai optimal. En effet, tout citoyen a droit au juge
dans un délai raisonnable en considération de la loi en vigueur
lorsqu'il est soupçonné d'avoir commis une infraction. Nonobstant
cela, souvent, des personnes sont détenues arbitrairement en garde
à vue et déposées en prison sans avoir vue le juge. Le
respect de la règle de l'intervention de l'autorité judicaire est
de mise pour accélérer le cours de la justice pénale.
Le deuxième principe est relatif à
l'indépendance de la magistrature. Cette indépendance se situe
aux niveaux institutionnel et individuel. L'indépendance
institutionnelle est consacrée à l'article 14 alinéa
1er du PIDCP257 et à l'article 113 al.
1er de la constitution togolaise qui dispose que « le
pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du
pouvoir exécutif ». Le juge doit également
préserver le principe d'indépendance. Pour cela, il urge de
prendre des dispositions idoines afin de sanctionner les juges
défaillants et toutes personnes qui seraient tenter de saboter ce
principe. La garantie du principe d'indépendance constituera un vivier
de la justice pénale.
Le troisième principe se rapporte à
l'impartialité. Il trouve son fondement juridique dans l'article 14
alinéa 1 du PIDCP258 et à l'article 2 des principes
fondamentaux relatifs à l'indépendance de la magistrature
(PFIM)259. Il s'agit de l'impartialité des juges et des
tribunaux. Selon ce principe, les juges ne doivent pas prendre parti, ni avoir
de préjugés concernant l'affaire dont ils sont saisis. Le
tribunal doit également donner une impression d'impartialité aux
citoyens.
257 « Tous sont égaux devant les tribunaux et les
cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement par un tribunal compétent,
indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera
soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle, [---]».
258 Idem
259« Les magistrats règlent les affaires dont ils
sont saisis impartialement, d'après les faits et conformément
à la loi, sans restrictions et sans être l'objet d'influences,
incitations, pressions, menaces ou interventions indues, directes ou
indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit
».
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
65
Le quatrième principe, porte sur le respect de la
dignité de la personne de l'inculpé. Ce principe exige que
l'inculpé ne soit pas détenu en prison ou en garde à vue
dans un délai déraisonnable. Pour cela, les officiers de police
judiciaire260 doivent être bien formés et
sensibilisés sur la nécessité de respecter et de
préserver l'intégrité physique et morale de la personne
mise en cause. En gardant la personne accusée de manière
arbitraire en détention, cela constitue un traitement inhumain et
dégradant à sa personne, qu'aucune raison ne saurait
justifier.
Le cinquième principe est relatif au respect du droit
à la défense. En vertu de ce principe, « nul ne peut
être jugé sans être mis en mesure de présenter ses
moyens défense »261 .L'accès à un
avocat est l'une des valeurs fondamentales du droit au procès
pénal. Les avocats ont libre accès devant toutes les
juridictions262. Cette liberté leur est
concédée dès le stade de l'enquête
préliminaire263. Mais, lorsque la mise en oeuvre de cette
disposition devient difficile, il y a violation du droit à la
défense. Cette violation a été observée lors des
enquêtes concernant les auteurs présumés des incendies des
grands marchés de Kara et Lomé où certains OPJ
étaient réticents à admettre les avocats dans les locaux
de la police judiciaire dès les premières heures de
l'enquête préliminaire264. La victime aussi a droit
à un avocat. Mais, lorsqu'elle traine à produire les preuves
puisque la charge de la preuve lui incombe, fait du dilatoire en changeant
constamment de conseil, dans l'unique but de retenir en détention la
partie accusée, cette assistance constitue bien évidemment un
abus.
Le sixième principe est la présomption
d'innocence. Il trouve son fondement dans l'article 7. b. du
CADHP265. Celle-ci consiste à considérer la personne
inculpée comme étant innocent jusqu'à la fin du
jugement266. Par contre, en le détenant pendant un
délai déraisonnable, il finit par être
considéré comme étant responsable des faits qui lui sont
reprochés. Il revient au législateur de prendre des dispositions
devant permettre de respecter véritablement la présomption
d'innocence de la personne inculpée. Ainsi, elle ne sera pas
condamnée par l'opinion avant son jugement. De même, les cours et
les tribunaux ne feront pas état de la culpabilité du
prévenu avant le prononcé d'un jugement définitif.
260Art. 15 CPPT « Ont qualité
d'Officier de police judiciaire : 1°) Le Procureur de la République
et ses substituts ; 2°) Les Juges chargés du Ministère
public ; 3°) Les Juges d'instruction ; 4°) Les Officiers de
gendarmerie, les Commandants de Brigade et les Chefs de poste de gendarmerie ;
5°) Le Directeur de la Sûreté nationale et son adjoint ;
6°) Les Préfets et Sous-Préfets ; 7°) Les Maires ;
8°) Les Commissaires de police et Chefs de poste de police 9°) Les
Sous-Officiers de Gendarmerie, les Officiers de Police et les Officiers de
police adjoints ».
261 Art. 11 de l'Ordonnance n° 78-35 du 7 septembre 1978
portant organisation judiciaire du Togo.
262 Idem.
263 Art. 16 al. 3 de la Constitution du Togo : « Tout
prévenu a le droit de se faire assister d'un conseil au stade de
l'enquête préliminaire ».
264 Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de
l'homme au Togo, op cit, p.30.
265 « Toute personne a droit à ce que sa cause
soit entendue. Ce droit comprend : le droit à la présomption
d'innocence, jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie
par une juridiction compétente ».
266 Article 18 de la constitution togolaise
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
66
Le rayonnement de la justice pénale togolaise ne peut
être le fait du seul législateur qui doit harmoniser ses textes
pour qu'ils soient en adéquation avec le droit au délai
raisonnable. Les acteurs aux procès pénal doivent
également unir leurs efforts afin de promouvoir la justice pénale
dans le délai optimal.
Section II : L'implication des acteurs au procès
pénal pour des décisions dans le délai raisonnable
La lutte contre la lenteur de la justice pénale
togolaise appelle à une conjugaison d'efforts de part et d'autre, il est
convenable que pour une meilleure gestion du temps judiciaire que chaque
acteur, puisse prendre conscience à son niveau, des enjeux. Ainsi, cela
nécessite non seulement une implication très active du personnel
judiciaire (§.1), mais aussi une implication accrue de l'Etat et des
parties au procès pénal (§.2).
§.1- Une implication très active du personnel
judiciaire
L'implication active du personnel judicaire nécessite
un renforcement dudit personnel (A), et un recours fréquent à des
alternatives aux poursuites pénales (B).
A- Le renforcement du personnel judiciaire
La justice togolaise doit être un corps composé
d'hommes expérimentés, d'une grande compétence, d'une
grande rigueur et d'une grande intégrité puisque, le juge, comme
le dit Montesquieu, incarne la « puissance de juger ». En
vérité, « La magistrature est une des institutions sur
lesquelles reposent la démocratie et l'État de droit
»267
La prise de conscience s'accompagne bien souvent d'actions
hardies. RABELAIS dira science sans conscience n'est que ruine de
l'âme268. C'est dire que sans réelle prise de
conscience du mal qui ronge, on ne peut aboutir à aucun résultat
probant. Le ministre de la justice du Pius AGBETOMEY, a affirmé au cours
de la rentrée judiciaire de la Cour d'appel en décembre 2015 que
« le juge doit inspirer confiance ; il doit être un recours, un
secours et une source d'espérance, un artisan de paix, car avec de bons
juges, on peut changer la société ». C'est dans cette
même dynamique que, dans la conclusion d'un entretien passé dans
le Reflets du palais, numéro 37, le procureur général
près la Cour d'appel de Lomé, monsieur KODJO Garba Gnambi
lançait un appel aux togolais : « Je voudrais demander à
nos compatriotes de faire un peu confiance à notre justice qui, je crois
s'améliore de jour en jour même si ce n'est pas au rythme qu'ils
auraient souhaité. Aucun magistrat n'est insensible aux
267 DEMBA SY « La condition de juge en
Afrique l'exemple du Sénégal »,Etablissements EMILE
BRUYLANT, société anonyme, Bruxelles Prés.-Dir.
gén.: JEAN VANDEVELD, av. W. Churchill, 221, 1180 Bruxelles, 03-06-2003,
p. 349
268 Dans son oeuvre Pantagruel, 1532.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
67
critiques et chacun de son côté fait ce qu'il
peut pour combler les attentes de nos citoyens »269.
Les juges tout comme les greffiers doivent
nécessairement recevoir une formation axée sur le droit au
délai raisonnable. Pour ce faire, lors de leur formation en tant
qu'auditeurs de justice, un cours intitulé « le droit au
délai raisonnable » doit leur être dispensé afin
qu'ils acquièrent la façon dont une affaire doit être
rendue dans le délai raisonnable. Quant aux magistrats et greffiers en
fonction, ceux-ci doivent régulièrement être
recyclés sur la problématique du droit au délai
raisonnable.
La justice doit être rendue dans un délai
raisonnable. Il urge à cet effet d'augmenter les ressources humaines.
Autrement dit, le nombre des magistrats et des greffiers doit être revu
à la hausse. Ce recrutement permettra de pourvoir au manque de personnel
judicaire et d'assurer leur indépendance et leur impartialité par
rapport à toute influence aussi bien interne qu'externe.
L'instauration du juge des libertés et de la
détention et du juge de l'application des peines en nombre suffisant
pour remédier à la lenteur judiciaire. Il est opportun de mettre
en place des juges qui seront habiletés à suivre
l'évolution des dossiers afin d'éviter la lenteur dont la justice
pénale se prévaut en permanence. En instituant des juges des
libertés et de la détention en procédure pénale,
ceux-ci devraient d'abord être « spécialement
chargé de statuer sur la mise en détention provisoire d'une
personne mise en examen, et sur ses éventuelles demandes de mise en
liberté »270. Ensuite, Ils seront également
chargés d'autoriser éventuellement le Parquet à accomplir
certains actes dans certains types d'enquêtes. Enfin, Ils seront
chargés de statuer sur la rétention administrative des
étrangers et sur les demandes de prolongation d'hospitalisations
psychiatriques sous contrainte. Les juges de l'application des peines seront
eux, des juges spécialisés du tribunal de grande instance
chargés de suivre les condamnés à l'intérieur et
à l'extérieur de la prison.
Concernant les conditions de vie et de travail, les magistrats
et les greffiers doivent disposer d'un environnement convenable, des moyens de
travaux suffisants voire performants et surtout d'une
rémunération raisonnable. Balzac ne disait-il pas
déjà au dix-neuvième (19ème)
siècle la même chose lorsqu'il écrivait :
«Aujourd'hui, le magistrat, payé comme un fonctionnaire, pauvre
pour la plupart du temps a troqué sa dignité d'autrefois contre
une morgue qui semble intolérable à tous les égards qu'on
lui fait ; car la morgue est une dignité
269 Reflets du Palais, N° 37, janvier 2017, p.7.
270 Professeur Jean-Paul DOUCET, « Juge
des libertés et de la détention [archive] », in
Dictionnaire de droit criminel [archive].
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
68
qui n'a pas de point d'appui. La gît le vice de
l'institution actuelle »271. En les privilégiant
par rapport aux autres fonctionnaires de l'Etat, cela les motiverait davantage
et les protégerait contre les tentations liées à la
corruption.
Pour une justice dans un délai raisonnable, les juges
doivent être indépendants et impartiaux. Ils doivent travailler
afin d'atteindre l'effectivité de l'indépendance et de
l'impartialité du pouvoir judiciaire. Ils ont le devoir de faire
respecter le droit et d'affirmer l'indépendance de la justice
pénale à travers l'exercice de leurs fonctions. Il leur incombe
de s'émanciper. Il leur revient d'user de moyens juridiques mis à
leur disposition pour condamner juridictionnellement toute tentative de
subordination du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif, parlementaire
ou de venant de tout bord. Afin de consolider l'indépendance du juge
vis-à-vis du pouvoir exécutif, celui-ci pourra saisir la Cour
Constitutionnelle pour violation du principe constitutionnel de son
indépendance. Cependant, la Cour Constitutionnelle doit être
elle-même impartiale afin que, l'indépendance qu'elle garantit au
pouvoir judiciaire ne soit plus considérée comme une coquille
vide.
La célérité des jugements permet de vider
les affaires pendantes devant les juridictions et de punir au besoin les
auteurs d'infractions et leurs complices. Néanmoins, le juge SRONVIE
Yaovi Olivier relève que la célérité est devenue le
leitmotiv qui caractérise, dans la conception du togolais, une
justice efficace et performante272. Mais, il prévient qu'elle
ne doit pas fasciner au point de perturber l'équilibre des pouvoirs et
le déroulement judicieux du procès en bâclant les garanties
du procès équitable et qu'au contraire, elle doit être
poursuivie avec mesure, pour que le gain de temps ne se traduise pas par une
perte de qualité273. En plus, doit-on formuler le voeu que,
du fait de l'encombrement de nos juridictions, ou pour toute autre raison, ce
temps ne soit pas exagérément prolongé274.Le
personnel judiciaire togolais ne peut rendre la justice dans un délai
raisonnable que si réellement, ils usent des alternatives aux poursuites
pénales.
B- Le recours à des alternatives aux poursuites
pénales
La justice pénale a pour rôle de régler
les litiges entre les hommes. Mais face à son perpétuel
engorgement, elle est devenue lente et il est constant qu'elle seule ne peut
tout résoudre. D'autres alternatives de règlements doivent
être développées. Il faut dès lors préconiser
le règlement non juridictionnel de certains differends. Il s'agit des
alternatives aux poursuites pénales. Une alternative aux poursuites
pénale « consiste dans le choix offert de ne pas saisir une
juridiction de jugement, de ne pas renvoyer l'auteur d'une infraction devant un
juge mais
271C.Cass. Audience solennelle de Rentrée des
Cours et Tribunaux, année 1992-1993, droits et responsabilité des
2juges.
272 Reflets du Palais N° 28, septembre 2015, «
Célérité et qualité : la bonne mesure »
p.2.
273 Idem
274 Idem
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
69
d'y préférer une autre réponse
»275.
Pour accélérer la justice pénale, le
législateur national a consacré deux alternatives aux poursuites
pénales. Il s'agit de la médiation pénale et la
composition pénale276.
La médiation pénale est selon le
législateur « [---] un mécanisme qui vise à
conclure une conciliation entre l'auteur d'une infraction ou son
représentant légal et la victime ou son représentant
légal ou ses ayants droit. Elle a pour objectif d'arrêter les
effets des poursuites pénales, d'assurer la réparation du dommage
causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de
l'infraction et de contribuer au reclassement de l'auteur de l'infraction
»277.La médiation pénale est
pratiquée lorsque l'infraction est portée à la
connaissance du parquet. Il s'agit d'une alternative aux poursuites
pénales, qui consiste essentiellement pour la personne
sélectionnée par les antagonistes, de proposer à ces
deniers un projet de solutions, sans se borner à rapprocher les
positions278. Il y a lieu de rappeler que la médiation
pénale doit avant tout être considérée comme une
alternative aux poursuites pénales et non comme une alternative au
classement sans suite279. Sauf exception, le ministère public
ne devrait recourir à la médiation pénale que dans les
hypothèses où, précédemment, il n'aurait pas
décidé de classer sans suite280. Etant le
dépositaire légal de la médiation pénale, le
ministère public dispose du droit de l'initier ou pas et il n'a pas
à motiver sa décision de ne pas y recourir. Il s'agit bien
évidement de la manifestation de son pouvoir de juger
l'opportunité des poursuites281.
De la définition de la médiation pénale
proposée par le législateur togolais, on déduit la
conciliation qui elle aussi est une alternative aux poursuites pénales.
Selon l'ancien Président de la République du
Sénégal M. Abdou DIOUF, lors de la rentrée des cours et
tribunaux de 1997: « la conciliation est un mode traditionnel de
règlement des litiges dans nos sociétés. L'art de la
concertation fait le génie africain. Pourquoi ne pas cultiver nos
traditions, lorsqu'il se trouve, qu'elles répondent
précisément à un besoin des sociétés...il
faut favoriser
275 LAURENT (R), Les alternatives aux poursuites
et droit au juge, Master II recherche, droit pénal et sciences
pénales, Université Panthéon-Asass Paris II, 2010-2011,
p.11.
276 Article 58 CPT 277Article 59 CPT
278 CORNU (G.), vocabulaire juridique,
association Henri Capitant, P.U.F.
279 DEMANET (G.), « La médiation
pénale », Rev. dr. pén., 1995, pp. 887-921 ;
VAN DE KERCHOVE (M.), « Médiation pénale et
travaux d'intérêt général - Réflexions et
commentaires relatifs aux lois du 10 février 1994 », J.T.,
1994, pp. 61-67; ANDRIES (J.-B.), « La médiation
pénale », Act. dr., 1996, p. 537 et s.; JACOBS
(A.), « Les nouveaux pouvoirs du ministère public »,
in Doit pénal, C.U.P., vol. 7, 1996, pp. 75-95 ; DE
NAUW (A.), « Les modes alternatifs de règlement des
conflits en droit pénal belge », Rev. dr. pén.,
1997, p. 357 et s. ; MARY (Ph.), « Travail
d'intérêt général et médiation pénale
- Socialisation du pénal ou pénalisation du social ? »,
Actes du colloque international organisé pour le60ème
anniversaire de l'Ecole des sciences criminologiques Léon Cornil,
Bruxelles, 1997 ; MINCKE (C.), « Vers un nouveau type
d'utilisation du ministère public. L'exemple de la médiation
pénale et de la procédure accélérée
», Rev. dr. pén., 1998, p. 644 et s. ; DE VROEDE
(N.), « La médiation pénale », J.T.,
1999, p. 258 et s. ; DE RUYVER (B.) et VAN IMPE (C.), «
De minnelijkeschikking en de bemiddeling in strafzaken », R.W.,
2000-2001, p. 445 et s. ; MINCKE (C.), « La
médiation pénale », in Droit pénal et
procédure pénale, Kluwer, 2002, p.40.
280Ibidems.
281 BOSLY (H.-D.), VANDERMEERSCH (D.) et BEERNAERT
(M.-A.), op.cit, p. 223.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
70
chaque fois que c'est possible le règlement non
juridictionnel des litiges »282. Mais, devons-nous
considérer la conciliation comme une alternative aux poursuites
pénales ou simplement comme un élément entrant dans le
champ de définition de la médiation pénale ?
Quant à la composition pénale, le
législateur dispose que « le procureur de la République,
tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, peut
proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personne
habilitée, une composition pénale à une personne physique
qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à
titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement,
ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions
connexes »283. Ces deux alternatives aux poursuites
pénales qui doivent être privilégiées par le
ministère public, sont insuffisantes et il urge que le
législateur les complète.
Aujourd'hui, on distingue de nouvelles alternatives aux
poursuites pénales à savoir, la transaction pénale, le
rappel à la loi ou l'avertissement, le classement sous condition, la
réparation du dommage causé et la probation prétorienne.
Ces nouvelles alternatives sont plus usitées et doivent être
prises en compte par le législateur.
La « transaction pénale » est un processus
extrajudiciaire de règlement des conflits pénaux284.
Elle est un mode d'extinction de l'action publique qui se matérialise
par le paiement préalable, par la personne présumée des
faits, d'une somme d'argent, dont le montant est déterminé par le
procureur de la république285. La particularité de la
transaction pénale est le fait pour le ministère public de la
proposer « même si l'action publique a déjà
été initiée à la suite de la saisine d'un juge
d'instruction ou d'une juridiction pour autant que celle-ci n'ait pas rendu de
jugement ou d'arrêt ayant acquis force de chose jugée
»286. Pour sa nature, il faut retenir
qu'elle est un moyen administratif bilatéral d'extinction des
poursuites287 et non un contrat civil de transaction, ni une
peine.
Le « rappel à la loi ou l'avertissement»
consiste pour le Procureur de la république de rappeler à
l'auteur des faits les obligations résultant de la loi. Cette mesure est
utilisée dans le but de protéger la jeunesse. Elle est
consacrée aussi bien par le législateur des Pays-Bas, qui
évoque le classement conditionnel288 que par le Code de
procédure pénale français289. «
Plusieurs
282 Cour de Cassation, audience solennelle de rentrée des
cours et tribunaux, vol.3 année 97-98. 283Article 61 CPT
284 FERNANDES-BERTIER(M.) et LECOCQ (A.),
« L'extension de la transaction pénale en droit belge :
une évolution en demi-teinte », Revue de droit pénal de
l'entreprise, 2011, pp. 219-238, spéc. p. 220.
285 FERNANDES-BERTIER (M.), « Analyse
critique de l'extension du régime de la transaction pénale en
droit belge », in Actualités de droit pénal,
C.U.P., vol. 128, Anthémis, Limal, 2011, p. 202.
286Voy. E. DE FORMANOIR, «
L'extension de la transaction pénale par les lois des 14 avril et 11
juillet 2011, Rev. dr. pén., 2012, pp. 245-276 ; K. VAN
CAUWENBERGHE, « La nouvelle transaction devient la
"jurisprudence" du ministère public », Vigiles, 2011, pp.
117-118 ; G. SCHOORENS, « La transformation de la
transaction », Vigiles, 2011, pp. 113-116. 287
FRANCHIMONT (M.), JACOBS (A.) et MASSET (A.),
op.cit., p. 105 ; DE RUYVER (B). et VAN IMPE (C.), « De
minnelijkeschikking en de bemiddeling in strafzaken », R.W.,
2000-2001, p. 445 et s.
288Art. 167 Wetboekvoorstrafvordering.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
71
travaux criminologiques ont, [ainsi],
montré que pour des primo-délinquants un rappel de la norme
correctement adressé pouvait entraîner une prise de conscience de
la portée de l'acte commis et prévenir une récidive future
pour autant que l'interaction établie, à cette occasion soit de
qualité »290. Cependant, cette mesure peut
également être appliquée aux personnes âgées
en fonction de la nature de l'infraction commise.
Le « classement sous condition » consiste pour le
Procureur de la République de classer sans suite une infraction lorsque
l'auteur des faits consent à exécuter une obligation. Cette
obligation peut être, l'orientation vers une institution sanitaire,
sociale ou professionnelle, l'accomplissement d'un stage ou d'une formation
dans un service ou un organisme sanitaire social ou professionnel, à ses
propres frais.
La « réparation du dommage causé ou la
demande de régularisation au regard de la loi ou du règlement
» consiste pour la personne coupable de réparer le dommage
causé ou de régulariser sa situation vis-à-vis de la
loi.
La « probation prétorienne » est
définie comme « La décision circonstanciée du
parquet en vue de classer sans suite en fonction de la motivation
affichée par l'intéressé pour adapter son comportement en
répondant à certaines conditions telles que, par exemple,
l'absence de récidive, la non-fréquentation du milieu toxicomane,
la désintoxication »291.
L'inscription dans la loi pénale togolaise de ces
alternatives aux poursuites pénales et leur pratique, permettraient de
faire économie du procès pénal, de déjudiciariser
de nombreux contentieux. Ce déchargement de la justice pénale,
permettra donc de répondre au problème de sa lenteur qui est la
principale critique. Il faut relever que ces alternatives aux poursuites
pénales doivent être réservées à des conflits
de moindre gravité c'est-à-dire d'une peine d'emprisonnement de
zéro à cinq ans.
A l'instar du personnel judicaire, d'autres acteurs aussi
doivent s'activer pour l'accélération de la justice pénale
togolaise.
§.2- Une implication accruede l'Etat et des parties au
procès pénal
Pour rendre une justice pénale dans le délai
raisonnable, l'implication de l'Etat togolais premier comptable de
l'accélération de ladite justice(A) ainsi que des parties au
procès pénal et de leurs conseils (B) s'imposent.
289Art. 41-1, 1° du CPPF (« Procéder
au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant
de la loi. »).
290Voy. à ce sujet, D. TAIT, The
effectiveness of criminal sanctions : anatural experiment, report 33/96-7 to
the criminologyresearchconncil, University of Camberra, DMT Subdivision
Management and Law, n° 2001/1, pp. 7 et 8 qui synthétise plusieurs
travaux sur cette question.
291Monit, 2 juin 2003.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice
pénale au Togo », 17-04-2019. Page 72
A- L'Etat togolais, principal débiteur des
exigences de célérité du procès pénal
L'Etat togolais est le premier responsable qui doit oeuvrer
à ce que les jugements en matière pénale, soient rendus
dans un délai optimal. Conscient de cette obligation qui incombe
particulièrement à l'Etat togolais, le ministre de la justice
Pius AGBETOMEY, réaffirmant la volonté du gouvernement de
promouvoir le traitement des dossiers judiciaires dans un délai
raisonnable, croit fermement que : « Si une affaire est soumise
à une juridiction, et que cette affaire est réglée dans
les meilleurs délais, tout le monde s'en sort heureux
»292.
En adhérant au Pacte International relatif aux Droits
Civils et Politiques, l'Etat s'oblige à son caractère «
self executing ». Le « self executing » trouve
son origine dans le droit constitutionnel des Etats Unis
d'Amérique293 et a été précisé
par la doctrine en droit international. Selon M. SORENSEN, « une
disposition d'un traité serait self executing, c'est-à -dire auto
exécutoire, si elle est conçue en des termes qui permettent de la
considérer comme s'adressant non seulement aux Etats contractants, mais
aussi, sans modification de texte, aux sujets de droit interne. Elle se
prêterait alors à une application immédiate par les
tribunaux internes »294.
En n'adhérant à la charte africaine des droits
de l'homme, l'Etat du Togo s'est engagé à établir une
organisation judiciaire répondant aux exigences de
célérité. Pour respecter cet engagement, il lui incombe
impérativement d'oeuvrer afin que les affaires ne s'enlisent pas. A cet
effet, l'organisation du service de la justice pénale doit se faire.
Cette organisation garantira à tout justiciable, le droit d'obtenir une
décision définitive sur les contestations relatives à ses
droits et obligations dans un délai raisonnable. Cette exigence se
rattache au principe de bonne administration. En tout état de cause, il
s'agit d'une obligation de résultat qui incombe à l'Etat. Pour se
faire, il doit fournir des Hommes et du matériel.
S'agissant des Hommes, l'Etat doit recruter en nombre
suffisant des magistrats et des greffiers compétents, en leur offrant
aussi bien des formations que des sensibilisations axées sur « le
droit au délai raisonnable ». Quant aux matériels, l'Etat a
l'obligation de mettre les juges et les greffiers dans de meilleures conditions
de travail en leur fournissant les moyens requis pour assurer une justice
pénale dans le délai escompté. Il s'avère
nécessaire de créer de nouvelles Cours d'appels dans les
régions d'Atakpamé, de Sokodé et de Dapaong ; des
292 Reflets du Palais N° 28, septembre 2015, «
Célérité et qualité : la bonne mesure »
p.2.
293 . Dansl'affaire Forster etElainEnlilson, le Chief Justice
Marshall affirmait « Our Constitution declares a treaty to be the law of
the land. It is, consequently, to be regarded in Courts of justice as
equivalent to an act of the legislature, whenever it operates of itself without
the aid of any legislative provision. But when the terms of the stipulation
import a contract, when either of the parties engages to perform a particular
act, the treaty addresses itself to the political, not to the judicial
department; and the legislature must execute the contract before it can become
a rule for the Court». Cité par ERADES ET GOULD, «The relation
between international law and municipal law in the Netherland and in the United
States», Leyde, 1961.
294 SORENSEN (M.), « Obligations d'un Etat partie à
un traité sur le plan de son droit interne ».
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
73
tribunaux dans chaque préfecture du Togo et d'un
Barreau près la Cour d'appel de Kara pour décongestionner celui
de Lomé. Ce qui entrainera la décentralisation de la justice
togolaise. Il faut également songer à multiplier les assises, du
moins à chaque trimestre de l'année judiciaire.
La responsabilité de l'Etat doit être
engagée lorsqu'un dommage a été causé à un
justiciable, en raison de la lenteur de la procédure pénale.
L'Etat doit donc rendre des comptes sur la célérité de sa
justice pénale puisqu'il en est le principal débiteur. Ces
exigences de célérité du procès pénal sont
prévues par le Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques et consacré à l'article 19 de la loi fondamentale
togolaise. Le dysfonctionnement de la justice pénale devient donc un
vecteur de l'objectivation de la responsabilité de l'État. En
France par exemple, le législateur a montré la « voie
d'une objectivation de la responsabilité du fait des dysfonctionnements
de la justice en prévoyant la responsabilité sans faute de
l'État pour deux dysfonctionnements, à la fois particuliers et
extrêmes dans leurs conséquences dommageables, à savoir les
erreurs judiciaires et les détentions provisoires injustifiées.
Cette objectivation peut s'expliquer par la privation de liberté
qu'entraînent ces dysfonctionnements, dont l'importance des
préjudices induits justifie qu'ils soient réparés
automatiquement, ce qui ne signifie pas qu'ils le soient sans conditions
»295. Cependant,«
Indépendamment de cette objectivation ancienne, un récent
mouvement dans le même sens est perceptible, tant dans l'évolution
de la jurisprudence relative à la réparation des
conséquences dommageables du dépassement du délai
raisonnable de jugement [---] en effet, le juge administratif a
estimé dans [---] son raisonnement que la méconnaissance
du délai raisonnable de jugement, même dans une affaire qui est
encore pendante, peut avoir occasionné aux justiciables « un
préjudice moral consistant en des désagréments qui vont
au-delà des préoccupations habituellement causées par un
procès » 296.
Le Professeur VUNDWAWE plaide pour l'effectivité d'une
indépendance de la Justice à l'égard du pouvoir
exécutif. Pour cela,« il estime qu'il faudrait que le
Gouvernement qui a le monopole de la puissance publique s'interdise de refuser
d'appliquer les décisions judiciaires ou de faire obstruction à
leur exécution et d'interférer dans les nominations et promotions
des magistrats en gênant le fonctionnement normal du Conseil
supérieur de la magistrature [---
295 Voir sur ces questions qui ne seront pas traitées
ici, la contribution de Munoz (F.), « L'indemnisation des
détentions provisoires injustifiées : du secours à la
garantie sociale », Fauvelet (E.), « La jurisprudence de la
commission nationale d'indemnisation des détentions »,
inDeguergue (M.) dir.,Justice et responsabilité de
l'État, PUF, coll. Droit et justice, 2003, p. 11 7 et 139.
296 CE, 25 janvier 2006, SARL Potchou,.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
74
] »297. En se remettant à la bonne foi
du Gouvernement et de l'Administration, il faut rappeler que le respect de
l'indépendance de la justice relève de leur obligation.
L'Etat togolais doit prendre en compte certaines dispositions,
afin que sa justice pénale soit rendue dans le délai raisonnable.
L'Etat doit en premier lieu adopter « le principe d'équilibre et de
qualité globale de la justice pénale ». D'une part, il
revient à l'Etat d'équilibrer et de contrôler les
ressources tant humaines que matérielles, qu'il est censé mettre
à la disposition de la justice pénale. D'autre part, afin
d'atteindre l'objectif de rendre la justice pénale togolaise dans un
délai optimal, l'Etat doit nécessairement rendre compatibles les
principes dont il assure le respect, avec le souci légitime
d'efficacité de la justice.
En second lieu, l'Etat doit se doter d'« ambitieux outils
de mesure et de connaissances »toujours dans le but d'améliorer la
célérité de la justice pénale. La mise au point des
statistiques sur les durées des procédures de cette justice et
des systèmes simples d'information de gestion, s'impose. Cette mesure
figure parmi les priorités affichées au Programme des Nations
Unies pour la prévention du crime dans la justice pénale depuis
de nombreuses années298. Cela permettra de mieux
contrôler le déroulement de la procédure pénale, en
prenant connaissance de l'état d'avancement des dossiers, en recadrant
les affaires en retard et en sanctionnant les juges récalcitrants au
délai raisonnable.
En outre, l'Etat doit faire l'effort de « concilier
toutes les exigences qui contribuent à un procès équitable
dans un délai raisonnable ». Il convient dès lors de
mettre tout en oeuvre afin que les garanties procédurales soient
réellement respectées. Ceci permettra à la justice
pénale d'être diligente.
La participation effective des parties et de leurs conseils
s'avère nécessaire pour parvenir à une justice rendue dans
un délai raisonnable.
B- L'engagement plus actif des parties et de leurs
conseils
Les parties au procès pénal et leur conseil
doivent réellement faire diligence en jouant avec fermeté leur
rôle dans la quête de l'efficacité de la justice
pénale.
On ne peut nullement bâtir une justice efficace sans
l'implication des justiciables au nom de qui elle est rendue. Critiquer la
justice est un droit du citoyen, mais formuler une critique objective est son
devoir299. Il n'est donc plus un secret que les justiciables ont
leur partition à
297 FICET (J.), Indépendance et
dépendance de la justice, le concept d'indépendance de la justice
comme enjeu des luttes politiques en France, doctorat en science
politique, Université de Grenoble, décembre 2005, pp 7-8.
298NATIONS UNIES OFFICE CONTRE LA DROGUE ET LE
CRIME Vienne NATIONS UNIES Informations sur la justice pénale,Printed in
Austria V.07-86368--February 2008--500p.1.
299 SRONVI (Y. O.), Reflets du Palais N°
31, janvier 2016, « La contribution du justiciable » p.2.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
75
jouer pour une meilleure administration de la
justice300. Selon Monsieur GAMATHO, les justiciables «[---]
ont le droit à la justice, le droit au règlement rapide de
leurs affaires, etc., il n'en demeure pas moins qu'ils ont aussi le devoir
d'aider les acteurs judicaires à mieux les servir en respectant
eux-mêmes les principes fondamentaux d'indépendance et
d'impartialité. Ils doivent éviter de pousser les juges à
la dépendance ou à la partialité dans le règlement
des litiges en exerçant sur eux toutes formes de pressions
hégémonique, économique, financière, familiale, ou
relationnelle »301.
Devant la justice pénale, le plaideur doit avoir un
comportement exemplaire. Il est tenu à cet effet d'accomplir avec
diligence les actes le concernant.
Le plaideur ne doit pas user de manoeuvres dilatoires dans le
but de voir la personne inculpée être détenue en prison
pendant des mois et des années sans jugement. Ainsi, il lui est interdit
de soudoyer les juges pour qu'ils ne détiennent plus arbitrairement les
détenus. Il doit pouvoir communiquer à la justice les
pièces qu'elle lui réclame dans le délai optimal puisque
la charge de la preuve lui incombe. En s'abstenant de procéder au
changement sans cesse ou tardif de conseil, il apportera donc sa pierre
à l'édifice d'une justice pénale qui s'inscrit dans le
délai raisonnable. Les voies de recours bien que relevant de ses
prérogatives doivent être exercées dans les normes pour
qu'elles ne soient pas préjudiciables à la partie adverse et au
bon fonctionnement de la justice pénale. Le requérant
présent à l'audience et n'ayant aucune intention malveillante
pour retarder le procès pénal, agira ainsi pour la bonne marche
de l'institution judiciaire.
Le plaideur ne doit pas exploiter les possibilités
offertes par le droit interne pour abréger la procédure
pénale en voulant nécessairement opter pour certaines
alternatives au procès pénal lorsque cela n'est pas requis.
Le respect du droit au délai raisonnable devant la
justice pénale doit être le cheval de batail des justiciables
puisque, cela produit des intérêts pour chaque partie. Lorsque la
justice est rendue dans le délai raisonnable, la vérité
surgit tôt et la victime obtient réparation du préjudice
à elle subi. Le prévenu de l'infraction quant à lui, est
situé sur son sort : il sera libéré s'il n'est pas reconnu
coupable ou condamné si la justice le reconnait coupable et dans ce cas
il exécutera sa sentence. Pour la société, l'image de la
justice pénale sera redorée si celle-ci est rendue dans un
délai raisonnable. Ceci constituera pour les citoyens, une motivation
à saisir la justice au lieu de vouloir recourir à d'autre
alternative de règlement illégal des litiges tel le verdict
populaire.
300 KODJO (G. G.), Reflets du Palais N° 42,
juin 2017, « Aidez-nous à mieux vous servir » p.2.
301 Reflets du Palais N° 42, juin 2017, « Aidez-nous
à mieux vous servir » p.2.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
76
Un avocat est un expert en droit qui défend ou assiste
une partie dans un procès. Mais que serait la justice sans avocat ? A
cette interrogation soulevée par KODJO G. Gnambi, il est répondu
que « les avocats forment avec les magistrats un couple
nécessairement désuni mais auquel le divorce est interdit
»302. Un avocat pénaliste a plusieurs
qualités à savoir, la bonne aptitude à la communication et
les capacités de raisonnement cohérent sur le cas qu'il
défend. Face à ses éminentes qualités dont il peut
se prévaloir, l'avocat pénaliste doit pouvoir réagir avec
promptitude dans l'exécution des tâches qui lui sont
confiées. Il doit en vertu de son serment faire preuve de probité
morale et d'honnêteté professionnelle en conseillant efficacement
ses clients. L'avocat a donc l'obligation d'influencer objectivement le rythme
du temps pénal. C'est à juste titre que Maître Kokou ANANI,
avocat à la Cour martelait que « ce qui importe à
l'avocat, c'est qu'il puisse voir ses dossiers être traités dans
un délai assez court et que juste après que la décision
ait été rendue, qu'il puisse en obtenir copie
»303.
Relevant de la corporation de juristes, l'Ordre des avocats du
Togo, doit pouvoir mettre en place des lois et des stratégies idoines
permettant aux avocats de travailler au respect stricte des délais
pénaux.
Pour une bonne administration de la justice pénale, les
justiciables et leur conseil doivent cesser d'instrumentaliser le temps
pénal.
CONCLUSION PARTIELLE
Les problèmes posés par la lenteur de la justice
pénale togolaise ne sont pas rédhibitoires. En effet, comme l'a
martelé la Cour Européenne des Droits de l'Homme, le délai
de résolution d'un litige ne dépend pas uniquement de la plus ou
moins grande diligence du juge, mais également du comportement des
parties et de la complexité juridique du litige304.
La célérité de la procédure ne
dépend pas du comportement d'un seul des acteurs du
procès305. Pour une justice pénale dans un
délai raisonnable, les acteurs doivent incontestablement
juxtaposés leurs actions.
Afin de trouver le juste temps pour une justice
répressive efficace au Togo, on ne saurait aménager le temps pour
parvenir au traitement des affaires pénales dans un délai
raisonnable sans réformer la prescription en matière
pénale.
302 KODJO (G. G.), Reflets du Palais N° 46,
octobre 2017, « Aidez-nous à mieux vous servir » p.2.
303 Reflets du Palais N° 28, septembre 2015, «
Célérité et qualité : la bonne mesure »
p.2.
304 CEDH, 24 octobre 1989, H. c/ France, RFDA
1990, p. 203, note O. DUGRIP et F. SUDRE, LPA 28 février
1990, p. 12, note L. RICHER.
305 CHOLET (D.), La
célérité de la procédure en droit processuel,
Paris, thèse, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, t. 466,
2006, pp. 150 et s.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la justice
pénale au Togo », 17-04-2019. Page 77
CHAPITRE II
LA NECESSITE DE REFORMER LA PRESCRIPTION EN
MATIERE PENALE AU TOGO
Héritier du droit français, le droit
pénal togolais a toujours admis le principe de la prescription en
matière pénale à l'antipode des pays de Common Law qui
l'excluent. La jurisprudence française considère la prescription
comme une règle d'ordre public et le juge doit veiller à son
respect. La prescription en matière pénale au Togo suscite des
interrogations variées en raison de ses imperfections. En effet, les
règles légales et jurisprudentielles qui régissent aussi
bien la prescription de l'action publique que la prescription des peines sont
peu à peu devenues inadaptées aux attentes de la
société et souffrent aujourd'hui d'une incohérence et
d'une instabilité préjudiciables à l'impératif de
sécurité juridique. Il incombe dès lors au
législateur national de réformer la prescription en
matière pénale.
La réforme est définie comme des mesures prises
ou des changements apportés pour affermir, améliorer et
consolider une situation donnée. Ainsi, le droit positif togolais
relatif à la prescription en matière pénale
nécessite d'être reformée.
Quelles sont les innovations qu'il faut apporter pour combler
les insuffisances constatées au niveau des textes de lois afin de rendre
perfectible la prescription en matière pénale ? Aussi, quel
équilibre peut-on établir entre la nécessité de
poursuivre et de sanctionner les infractions à la loi pénale afin
de pouvoir mettre un terme au trouble causé à la
société par celle-ci et la volonté d'oublier les
agissements commis par le délinquant, assurant par-là même
l'impunité de ce dernier ?
Si le droit pénal togolais qui incrimine et qui punit
est évolutif, il est évident que la fonction du temps
apparaît essentielle dans l'application qui en est faite. En
matière pénale, la prescription est un mode général
d'extinction du droit de poursuivre et du droit d'exécuter une peine.
Réformer la prescription en matière
pénale revient à « assurer un meilleur équilibre
entre l'exigence de répression des infractions et l'impératif de
sécurité juridique et de conservation des preuves, principalement
en allongeant les délais de prescription de l'action publique en
matière criminelle et correctionnelle, tout en unifiant ces
délais avec ceux de la prescription
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
78
de la peine, et en consacrant, précisant et
encadrant les règles jurisprudentielles relatives aux causes
d'interruption et de suspension de la prescription »306
Pour un droit de la prescription en matière
pénale moderne et cohérent, il est opportun que le
législateur réforme aussi bien la prescription de l'action
publique (section I), que la prescription des peines (section II).
Section I : Une réforme plus efficace de la
prescription de l'action publique en droit pénal togolais
Pour réformer la prescription de l'action publique en
droit pénal, il est important d'étudier la
nécessité de préserver ce principe (§.1), tout en
songeant à le revaloriser (§.2).
§.1- La préservation du principe de la
prescription de l'action publique
La prescription de l'action publique est un impératif
qui existe pour imposer une limite à la possibilité d'engager des
poursuites pénales. Cependant elle reste une institution discutée
dans la mesure où si certains ont proposé son maintien, d'autres
par contre estiment qu'elle doit être abolie307.
L'étude de la prescription en droit pénal permet de constater
qu'elle doit être maintenue. La préservation de la prescription de
l'action publique passe par une analyse de ses fondements (A), et de ses
critiques (B).
A- Les fondements du maintien de la prescription de
l'action publique
Le maintien de la prescription de l'action publique en droit
pénal se justifie par une double acception. Il s'agit des fondements
traditionnels et des principes du droit contemporain.
S'agissant des fondements traditionnels au maintien de la
prescription de l'action publique, ils sont de trois ordres.
D'abord « l'intérêt de la paix et la
tranquillité sociale », ce fondement social de la
préservation de la prescription de l'action publique entraine la
cessation des poursuites après un certain délai. La prescription
de l'action publique répond donc à des considérations
évidentes de bonne administration judiciaire. Avec le temps, l'impact de
l'infraction sur la société s'atténue, et ses effets sont
oubliés308, la paix sociale se rétablit
d'elle-même et il ne serait pas nécessaire de recourir à la
sanction pénale309. Dans cette perspective, le Professeur
306Circulaire du 28 février 2017
présentant les dispositions de la loi n° 2017-242 du 27
février 2017 portant réforme de la prescription en matière
pénale.
307 LARGUIER (J), note sous CA Rouen,12 juillet
1954, D.1955, J.p.261.
308 Voir COSTAZ, « Le droit à l'oubli », Gaz ;
Pal. 1995, t2, Doctrine, p.961
309FOURMY (V.), Le
désordre de la prescription de l'action publique, Master de Droit
Pénal et Sciences Pénales, UNIVERSITÉ PARIS II
PANTHÉON-ASSAS, 2011, p.21.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
79
BOULOC, affirmait qu' « au bout d'un certain temps,
mieux vaut oublier l'infraction qu'en raviver le souvenir
»310.
Ensuite, on a le « dépérissement des
preuves ». En effet, l'écoulement du temps trop
long, mène à des preuves souvent fragilisées. En d'autres
termes, les indices ou les traces matériels disparaissent et les
témoignages tant à charge qu'à décharge deviennent
plus fragiles. Ce qui accroît de ce fait le risque d'erreur
judiciaire311. A juste titre, HELIE affirmait qu' « il y a
lieu de présumer que les indices des crimes, comme ceux de l'innocence,
se sont peu à peu effacés, qu'ils ont peut-être
entièrement disparus, que la vérité n'apparaît que
voilée ou altérée, que les juges, statuant sur des
éléments mutilés par le temps n'arriveraient à un
jugement qu'en s'appuyant sur des erreurs.»312 Ce qui
oblige dès lors à renoncer à l'exercice de l'action
publique.
Enfin, la prescription apparaît comme « la sanction
de la négligence de la société ou du ministère
public à exercer les poursuites ». Elle est la sanction de la
négligence des autorités judiciaires qui n'ont pas
été capables d'agir en découvrant l'infraction et en
identifiant l'auteur dans un délai raisonnable. La société
a pour tâche de poursuivre les délinquants. Lorsqu'elle s'abstient
d'agir, elle subit selon PRINS « les inconvénients de son
inertie ou de son impuissance »313. A cet effet, Mme
Dominique-Noëlle COMMARET, avocat général à la Cour
de cassation, soulignait : « parce que tout temps mort excessif laisse
présumer le désintérêt de la victime ou du
ministère public et leur renoncement, dans un système
marqué par le principe d'opportunité des poursuites, la
prescription apparaît nettement comme la réponse
procédurale apportée à l'inaction ou l'oubli, volontaire
ou involontaire »314.
Par ailleurs, il faut relever les principes du droit
contemporain en faveur de la conservation de la prescription de l'action
publique. Ils sont doubles.
En fait, la notion de procès équitable implique
en particulier le recours à un système de preuve rigoureux tel
que l'exige article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La prescription de l'action publique se fonde également
sur le droit pour chacun d'être jugé dans un délai
raisonnable, imposé aussi bien par l'article 9, paragraphe 3 du Pacte
International relatif aux Droits Civils et Politiques que par l'article 7 de la
Charte africaine
310 BOULOC (B.), Procédure
Pénale, Dalloz, Coll. Précis, 22ème ed, 2010,
N°203, p.173.BOULOC, Procédure Pénale, Dalloz,
Coll. Précis, 22ème ed, 2010, N°203, p.173.
311 JACOBS (A.).), « La prescription en
matière pénale », in , Formation Permanente
C.U.P-U.., Liège, 1998, p.115-155
312 HELIE (F.), Traité de
l'instruction criminelle ou théorie du Code d'instruction criminelle,
Paris, 2ème ed., T.III, 1860, N°675 et s. cité par
A.MIHMAN, op. cit., N°257, p.290.
313 PRINS (A.), Science pénale et
droit positif, Bruxelles : Bruyant- Christophe, Paris : A. Marescq 1898,
§ 960. 314COMMARET (D.-N.),
« Point de départ du délai de prescription
de l'action publique : des palliatifs jurisprudentiels faute de réforme
législative d'ensemble », Revue de science criminelle,
2004.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
80
des droits de l'homme et des peuples faisant partie
intégrante de la Constitution de la IVème République du
Togo de 1992 révisée par les lois de 2002.
La conservation de la prescription de l'action publique dans
l'arsenal juridique togolais est impérative. Toutefois, « Il en
ressort que la prescription de l'action publique n'apparaît plus tant
comme une « loi sociale » qui justifierait une règle de droit
mais plutôt comme une règle de droit, fondée par le souci
de tenir, à l'intérieur de la justice pénale, un quadruple
équilibre :- un équilibre entre le droit à la
sécurité et celui du procès équitable ;- un
équilibre entre le droit des victimes d'obtenir réparation
après une déclaration de culpabilité de l'auteur d'une
infraction et celui de chacun d'être jugé dans un délai
raisonnable ;- un équilibre entre la mise en oeuvre des moyens
techniques d'élucidation des infractions, en constante évolution
et la nécessité de délimiter le champ du travail de la
police, de fixer des priorités pour éviter la paralysie, la
dispersion des moyens, l'arbitraire de choix laissés aux forces de
police ;- et enfin, un équilibre entre les différents foyers de
sens de la peine, entre le rappel de la loi et la défense de la
société d'une part qui n'impliquent pas la prescription et le
sens éducatif, le principe de proportionnalité, la
nécessité et l'utilité de la peine qui eux la justifient
»315
En définitive, « Le choix de maintenir la
prescription de l'action publique peut être fait en raison de ce que des
arguments adaptés aux réalités contemporaines la fondent
parfaitement. Mais aussi parce que l'institution de la prescription
apparaît, à bien des égards, comme une pièce logique
d'un système juridique et le choix de sa suppression ne permet pas de
trouver dans ce contexte juridique et culturel les mécanismes
nécessaires qui s'y substitueraient »316.
Il ressort de ces fondements que le coupable est le
véritable gagnant. C'est ce qui motive d'ailleurs GARCON à
définir la prescription comme « le privilège pour le
coupable de n'être plus poursuivi lorsqu'une certaine durée s'est
écoulée »317.
Toutefois, ces fondements de la préservation de la
prescription de l'action publique font l'objet de critiques.
B- Les critiques des fondements du maintien de la
prescription de l'action publique
Les critiques sont des jugements portés sur
l'efficacité aux fondements du maintien de la prescription de l'action
publique.
Premièrement, en matière de fiabilité de
la preuve, les progrès scientifiques permettent de conserver la preuve
de l'infraction aussi tardivement qu'il soit. Aujourd'hui, de nouveaux
315DANET (J.), « La
prescription de l'action publique, un enjeu de politique criminelle »,
Archives de politique criminelle 2006/1 (n° 28), p. 87.
316DANET (J.), « La
prescription de l'action publique, un enjeu de politique criminelle »,
Archives de politique criminelle 2006/1 (n° 28), p.89.
317 GARCON « De la prescription »,
Le Monde 03 février 1960.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
81
moyens de preuve ont vu le jour. Il s'agit en particulier du
recours aux empreintes génétiques et de la meilleure conservation
des scellés qui permettent de rendre tardivement la justice
pénale. Il est donc indéniable que l'évolution des
techniques scientifiques pour la collecte des preuves oblige le
législateur à repenser aux délais de prescription de
l'action publique318.
Deuxièmement, il est inadmissible de sanctionner la
négligence de la société de n'avoir pas poursuivi le
délinquant parce que, quoi qu'on dise, le contentieux de certaines
infractions telles que les infractions sexuelles ou des violences conjugales
témoigne d'ailleurs des difficultés des victimes à
dénoncer les faits dans le temps de la prescription : « La
sanction de la négligence de la victime ne peut être aujourd'hui
acceptée comme fondement général de la prescription
»319.
Troisièmement, l'argument de la préservation de
la paix sociale n'est pas du tout édifiant dans la mesure où le
coupable bénéficiaire de la prescription de l'action publique
n'ayant pas été sanctionné pour être moralisé
ou être ramené à la raison, il est fort probable qu'il
récidive surtout quand il n'a pas eu de remord ou de repentance. C'est
ainsi que RASSAT renchérit en considérant que «
l'absence de poursuites des premières infractions d'un individu a pu
le renforcer dans un sentiment d'impunité et l'inciter, au contraire,
à en commettre de nouvelles [et que,] l'absence de poursuite a
empêché d'appliquer tout de suite à
l'intéressé les mesures qui auraient été propres
à le détourner de la délinquance »320.
Ainsi la paix sociale tant convoitée serait une utopie, une
chimère. Cependant s'il est probable que certains primo
délinquant peuvent se repentir en se ressaisissant, les
délinquants professionnels, les criminels nés et les criminels
d'habitudes qui sont incorrigibles n'y sont pas susceptibles. C'est d'ailleurs
le raisonnement du Professeur PRADEL qui estime que « la prescription
est pernicieuse (...) Elle nuit à la protection de la
société en profitant aussi bien aux grands malfaiteurs qu'aux
petits délinquants alors que le temps ne saurait atténuer les
dangers des premiers »321. C'est dans le même
contexte que s'inscrit GARRAUD lorsqu'il jugeait la théorie du repentir
du coupable d'être surannée car la quasi-totalité des
délinquants ne se repend pas et ne s'amendent pas par l'effet du
temps322.
Quatrièmement, on aurait passé sous silence la
théorie de la présomption d'oubli qui fort malheureusement est
discutable. En effet, si la victime venait à demander la
réparation du préjudice qu'elle a subi bien que tardivement, cela
sous-entend incontestablement qu'elle ne
318 Voir sur le sujet de la preuve scientifique :
J-R.DEMARCHI, La preuve scientifique et le procès pénal,
Thèse, Université de Nice Sophia-Antipolis, 2010.
319DANET (J.), GRUNVALD (S.), LE GALL (Y.)
et HERZOG-EVANS (M.), Prescription, amnistie et grâce en
France, Université de Nantes (recherche subventionnée par le GIP
« Mission Recherche Droit et Justice »), mars 2006, p. 125.
320 RASSAT (M-L.), Procédure
Pénale, PUF, 2ème éd., 1995, p. 469.
321 PRADEL (J.), Procédure
Pénale, Cujas, 15ème ed., 2010, N°236, p.184 mais aussi
R.MERLE et A.VITU, op. cit.,N°50, p.184.
322 GARRAUD (R.), Traité
théorique et pratique du droit pénal français,
préc., T. II,§ 723, p.542.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
82
l'a pas oublié et que on ne saurait oublier une
infraction aussi facilement que cela. Le temps n'a donc pas vocation à
accorder un certain pardon moral à l'auteur d'une infraction et on ne
saurait renoncer à la quête de la sanction. Ce qui motive le
professeur RENUCCI à s'interroger en ses termes : « Comment
admettre l'oubli dès lors que la victime réclame
réparation, même si cette demande est tardive ?
»323.
Au regard de ces critiques, il urge de procéder
à l'allongement des délais de la prescription de l'action
publique.
§.2- La prorogation des délais de la
prescription de l'action publique
La prescription de l'action publique à cette
époque où nous en sommes, a besoin d'être
revalorisée. Pour y parvenir, il incombe au législateur non
seulement d'allonger les délais de la prescription de l'action publique
de droit commun existant (A)mais également, vue la gravité de
certaines infractions, d'instaurer certains délai dérogatoire au
régime de droit commun à la prescription de l'action publique
(B).
A- L'allongement des délais de la prescription
de l'action publique de droit commun
Selon l'honorable Georges FENCH, les délais de
prescription de l'action publique c'est à dire dix ans (10) pour les
crimes et trois ans (03) pour les délits en vigueur avec le Code
d'instruction criminelle promulgué le 16 novembre 1808 en France et
modifié aujourd'hui mais toujours d'actualité dans le Code de
Procédure Pénale Togolais n'est plus du tout adapté
à la société actuelle en raison d'une part de
l'augmentation permanente de l'espérance de vie et d'autre part des
nouvelles méthodes et techniques d'investigation de recueil et de
conservation de preuves qui permettent justement de clarifier de très
anciennes affaires 324.
Il est évident que les délais de prescription de
l'action publique apparaissent aujourd'hui excessivement courts. Pour les
adapter à la société qui évolue de jours en jours,
il urge de les allonger.
L'allongement des délais de la prescription de l'action
publique porte sur la révision des dispositions relatives à la
classification tripartite des infractions à la loi pénale.
D'abord, les crimes qui se prescrivent initialement
après dix (10) ans doivent désormais être fixés
à vingt-cinq (25) ans.
Ensuite, les délits qui se prescrivent initialement
après trois (03) ans doivent passer à six (06) ans.
323 RENUCCI (J-F.), Infractions d'affaires et
prescription de l'action publique, DALLOZ. 1997, Chronique. P.23.
324 FLEURIOT (C.), « Proposition de loi
portant réforme de la prescription en matière pénale
», DALLOZ actualité, 17 février 2017 ; Circulaire
du 28 février 2017 présentant les dispositions de la loi
n°2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la
prescription en matière pénale, p. 2
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
83
Enfin, les contraventions qui se prescrivent initialement
après un (01) an doivent passer à un an et demi (01,5) ou
à deux ans (02).
Ces modifications des délais de la prescription de
l'action publique de droit commun visent à dissuader d'éventuel
contrevenant à la loi pénale et à mieux protéger
l'intérêt des victimes en leur accordant plus de droit de
manoeuvre d'autant puisque l'avènement des nouvelles méthodes et
techniques d'investigation, de recueil et de conservation des preuves est
devenu une réalité.
Aussi, y a -il lieu de rappeler que cet allongement des
règles de la prescription de l'action publique préconiser aura le
mérite d'assurer un meilleur équilibre entre l'exigence de
répression des infractions et l'impératif de
sécurité juridique en matière pénale.
S'agissant du point de départ de la prescription de
l'action publique, le législateur doit les maintenir au jour de la
commission de l'infraction à l'exception des infractions occultes et
dissimulées.
L'aménagement des délais de la prescription de
l'action publique nécessite de prévoir des délais
dérogatoires au régime droit commun.
B- L'instauration de délais de prescription
dérogatoires
Pour conférer plus de crédibilité au
régime de la prescription de l'action publique, des délais
dérogatoires doivent être envisagés dans trois domaines:
certaines infractions de droit commun, les infractions
répétées, les infractions occultes et
dissimulées.
S'agissant de certaines infractions de droit commun dont il faut
prévoir des délais dérogatoires à la prescription
de l'action publique, il s'agit de certains crimes et délits. D'abord,
le législateur national doit prescrire à trente (30 ) ans les
crimes de nature terroriste, le trafic de stupéfiants, a
prolifération d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs,
l'eugénisme et de clonage reproductif et la disparition forcée en
raison de leur gravité.
Ensuite, le législateur doit fixer à trente-cinq
(35) ans le délai de la prescription des infractions qui sont passibles
d'une peine de réclusion à vie.
Enfin, en matière délictuelle, le
législateur doit prescrire à trente (30) ans à compter de
la majorité des mineurs trois types de délits à savoir :
des délits de violences sur mineurs, d'agressions et atteintes sexuelles
sur mineurs à titre indicatif la pédophilie et le viol des
mineurs. La prescription de l'action publique est donc suspendue pendant la
minorité de l'enfant et elle ne commencera à courir
qu'après sa majorité. Ce délai aura pour objectif
d'être
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
84
adapté au traumatisme des victimes, à une
procédure douloureuse et complexe en s'attachant à
l'identité de la souffrance ressentie par la victime et en lui donnant
le temps nécessaire à la dénonciation des
faits325. Puisque, pour porter plainte contre son agresseur ou son
violeur, la victime doit être physiquement et psychiquement en
état de le faire326. Dans le même contexte, on se rend
compte que de grands dignitaires de l'église catholique sont aujourd'hui
reconnus coupables, soit de pédophile à l'égard des
mineurs327, soit d'avoir gardé le silence sur les actes de
pédophilie perpétrés dans le temps par certains
prêtres.
Quant aux infractions « occultes328,
et dissimulées329 » parler d'elles, revient
à s'intéresser à leur référencement, au
point de départ de leur prescription ainsi que de leur délai.
Primo, il revient au législateur d'intégrer ces
deux catégories d'infraction dans l'arsenal juridique pénal
togolais. Cela aura pour conséquence leur reconnaissance et une prise en
charge efficace par les juges lorsqu'ils en seront saisis.
Qu'est-ce qu'une infraction occulte ou dissimulée ?
Comment peut -on les reconnaitre ou les identifier ? Référencer
ces infractions suppose de les clarifier immédiatement afin de ne pas
laisser aussi bien les juges que les justiciables dans un flou total. Par
définition, « est occulte l'infraction qui, en raison de ses
éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime
ni de l'autorité judiciaire »330d'une part et
d'autre part « est dissimulée l'infraction dont l'auteur
accomplit délibérément toute manoeuvre
caractérisée tendant à en empêcher la
découverte »331.
Secundo, au regard du point de départ de la
prescription des infractions occultes ou dissimulées, le
législateur doit les faire courir non pas à la date de leur
commission, mais à la date de leur découverte par la justice.
Elle est justificative dans la mesure où si on laissait ses infractions
courir au jour de leurs commissions, la justice laisserait impunie la
majorité de ces infractions faute de pouvoir en prendre connaissance
avant l'expiration de leur délai de prescription. En droit
français, le législateur a déjà prévu cette
disposition selon laquelle le délai de prescription de toute infraction
occulte ou dissimulée court à compter du jour où ces
325 L'exposé des motifs de la proposition de loi °
368 du 13 février 2014 en France visant à modifier le
délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles,
https://www.senat.fr/leg/ppl13-368.html
326 Ibidem
327 Le cardinal australien George PELL, numéro trois du
Vatican, reconnu coupable de pédophilie le 11 décembre 2018 pour
des faits commis dans les années 1990 dans la sacristie de la
cathédrale Saint- Patric Melbourne où il était
archevêque. 328Occulte par nature, les délits d'abus de
confiance, de tromperie, de publicité trompeuse, etc.
329 Comme exemple citer par l'ancienne magistrate
financière Eva Joly, aujourd'hui eurodéputée
écologiste on peut énumérer : les abus de biens sociaux
dans les administrations ou les grandes entreprises qui ne sont
généralement découverts qu'en cas d'alternance politique
ou de changement d'actionnaire ; Certains abus de faiblesse sur des personnes
âgées ne sont découverts par les héritiers que
longtemps après les faits ; des malversations sur des
rétrocommissions en marge d'un contrat de vente.
330Art. 9-1 al. 4 CPPF
331Art. 9-1 al. 5 CPPF
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
85
infractions sont apparues et ont pu être
constatées « dans des conditions permettant la mise en
mouvement ou l'exercice de l'action publique »332.Ainsi,
selon Mme Dominique-Noëlle COMMARET, avocat général à
la Cour de cassation, la clandestinité doit être un
élément constitutif de l'infraction333.Cependant, afin
d'éviter comme prévu en France l'imprescriptibilité de ces
infractions, le législateur togolais doit nécessairement encadrer
le point de départ de la prescription des infractions occultes ou
dissimulées par des délais butoirs, qui courent cette fois ci
à compter de la date de la commission de l'infraction. D'aucun pourront
considérer cette mesure comme constituant une imprescriptibilité.
L'introduction de cette disposition pourra permettre à la justice
pénale de poursuivre plusieurs délinquants financiers qui
autrefois y échappaient.
Les infractions dissimulées sont souvent
rattachées aux infractions à caractère financier ou
économique. Toutefois, en raison de leur bien fondé, le
législateur, peut les étendre aux autres domaines du droit
pénal. En particulier aux crimes dissimulés qui souvent sont des
meurtres déguisés en mort naturelle ou le fait de
dissimulé le corps334. .
Tertio, en ce qui concerne la durée de la prescription
des infractions occultes ou dissimulées, le législateur doit
fixer leur délai pour trente (30) ans en matière criminelle,
quinze (15) ans en matière délictuelle et cinq (05) en
matière de contravention.
En ce qui concerne les infractions
répétées, ce sont des infractions qui constituent des
actes répétés relevant d'une même résolution
criminelle. Tout comme la jurisprudence française, le législateur
togolais doit s'évertuer pour reporter le point de départ de la
prescription de ses infractions au dernier acte délictueux. A titre
indicatif, il y'a « d'abord [---] l'escroquerie, infraction
instantanée entièrement consommée par la remise de fonds.
Cependant, lorsque l'escroquerie prend la forme de remises successives, la
prescription ne commence à courir qu'à compter de la
dernière remise335. Ensuite [---] la corruption,
consommée dès la conclusion du pacte de corruption, la
prescription ne court qu'à compter du dernier acte d'exécution
dudit pacte336. Enfin, [---] l'usage de
faux337et, plus récemment, au délit d'abus de
l'ignorance ou de l'état de faiblesse d'une personne338
»339. Ces solutions concourent, à l'évidence,
à allonger le délai de prescription pour les cas d'infractions
précitées.
332Art. 9-1 al. 3 CPPF.
333Article cité in Revue de
science criminelle, 2004, p. 897.
334Les difficultés auxquelles les
magistrats sont confrontés pour donner une suite judiciaire à
certaines enquêtes -comme
dans les affaires des « disparues de l'Yonne » ou
du « tueur à l'oreiller » (-qui aurait assassiné 23
femmes entre 1989 et
2006)- pourraient être plus aisément
surmontées.
335Chambre criminelle de la Cour de cassation, 3
décembre 1963.
336Chambre criminelle de la Cour de cassation, 6
février 1969.
337Chambre criminelle de la Cour de cassation, 30
mars 1999.
338Chambre criminelle de la Cour de cassation, 4
octobre 2000.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
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Afin de pouvoir actualiser le droit de la prescription en
matière pénal, il revient au législateur en outre de
réformer la prescription de l'action publique mais aussi la prescription
des peines.
Section II : Une réforme plus efficace de la
prescription des peines en droit pénal togolais
Selon DONNEDIEU DE VABRES, la préservation de la
prescription des peines a trois fondements qui justifient le fait que la
prescription de la peine est un précieux moyen de politique criminelle :
d'abord, l'extinction des peines en raison de la négligence du
ministère public de les avoir fait exécuter ; ensuite, la
non-conformité des exigences de la justice avec une sanction non
exécutée après un délai raisonnable ; enfin,
l'impunité du coupable en échange de son
repentie340.
Vue la prééminence de la prescription des peines
en matière pénale au Togo et afin de la rendre plus moderne et
plus cohérente, le législateur national doit s'efforcer de la
renforcer (A) tout en aménageant certaines de ses règles (B).
§.1- Le renforcement de la prescription des peines
Pour renforcer la prescription des peines, il s'avère
important de la clarifier (A) et de procéder à l'allongement de
ses délais (B).
A- La clarification de la notion de la prescription des
peines
La clarification est l'explication ou une précision qui
permet de mieux comprendre une inquiétude. Clarifier une chose, c'est
donc l'expliquer, faire connaître sa nature, enlever les zones d'ombre en
vue de la faire apprécier. C'est ce à quoi nous allons
essentiellement nous atteler ici.
Clarifier la prescription des peines, reviens à se
demander : qu'est-ce que la prescription des peines ? C'est au
législateur de répondre dorénavant à cette
interrogation qui constitue aujourd'hui, une préoccupation majeure.
Répondre sous-entend d'introduire la définition dans le Code de
procédure pénal. En effet, définir la prescription des
peines suppose sa détermination par une formule précise.
En se référant à DANET, « la
prescription est un mode d'extinction qui, affectant l'exécution d'une
condamnation pénale, empêche que celle -ci soit
exécutée lorsqu'elle n'a pu l'être pendant un certain laps
de temps déterminé par la loi »341.
339
https://www.sénat.fr
rap.r06-338-syn ; Pour un droit de la prescription moderne et cohérent,
commission des lois du Sénat, rapport d'information de 20 juin 2017
340 DONNEDIEU DE VABRES (H). La prescription de
la peine « Traité de droit criminel » Sirey, Paris
1947, 3e éd.
341 DANET (J.), « La prescription de
l'action publique, un enjeu de politique criminelle », Archives de
politique criminelle 2006/1 (n° 28), p. 74.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
87
Selon DONNEDIEU DE VABRES (H.), « quand un certain
temps s'est écoulé depuis la condamnation, sans que le
ministère public ait fait exécuter la peine, une dispense
définitive de la subir se produit en faveur du condamné
»342. En d'autres termes, lorsque le délai
prévu pour l'exécution d'une peine s'écoule, le
condamné est exempté de subir la peine. Il s'agit de l'extinction
des peines.
Cependant, il y a lieu de rappeler qu'il ne faut surtout pas
confondre la prescription des peines avec la grâce343 qui est
aussi un mode d'extinction directe de la peine. Par ailleurs, deux autres
mécanismes juridiques emportent disparition de la possibilité de
mettre à exécution la peine. Il s'agit de
l'amnistie344 et de la réhabilitation345 qui font
disparaitre non seulement l'exécution de la peine mais aussi la
condamnation dans son ensemble346.
Cette clarification de la notion de la prescription des peines
permettra aux justiciables ainsi qu'aux juges de mieux l'appréhender.
Elle enlèvera toute équivoque qui pourra exister entre elle et la
prescription de l'action publique. On gardera donc de les confondre. La
prescription de l'action publique est le principe selon lequel
l'écoulement d'un délai entraîne l'extinction de l'action
publique et rend de ce fait toute poursuite impossible. L'auteur d'une
infraction ne pourra plus être poursuivi.
Examinée de manière approfondie et critique la
prescription des peines doit permettre aux acteurs du monde judiciaire
d'être plus outillés et aguerris. Les justiciables sauront
finalement à quoi s'en tenir et surtout comment s'y prendre pour qu'elle
n'advienne pas. Ce qui leur permettra de ne plus demeurer dans l'obscurantisme
de cette notion.
Parler de la prescription des peines implique d'inviter le
législateur à porter un regard correcteur sur les délais
qu'il a initialement prévu.
B- L'allongement des délais de la prescription
des peines
Une fois la sentence pénale prononcée, son
exécution doit en principe être immédiate. A l'antipode, un
délai est accordé afin qu'elle le soit. Nonobstant,
l'inexécution de la peine, elle devient prescrite au terme du
délai prévu. La non-exécution des peines est une cause
d'extinction en principe applicable à toutes. Les délais
octroyés pour l'exécution des peines en droit pénal
togolais doivent être conséquents de la gravité de
l'infraction telle que le définit
342 DONNEDIEU DE VABRES (H.), La prescription de
la peine, « Traité de droit criminel », Sirey, Paris
1947, 3e éd 343Article 103 CPT : « La
grâce accordée par décret du Président de la
République emporte seulement dispense totale ou partielle,
définitive ou conditionnelle, d'exécuter une peine ou une mesure
de sûreté devenue définitive ».
344Article 102 CPT : « L'amnistie
éteint l'action publique. Elle efface toutes les condamnations
prononcées et met fin à toute peine et mesure de
sûreté à l'exception de l'internement dans une maison de
santé et de la confiscation, mesure de police ».
345Article 110 CPT : « La réhabilitation efface la
condamnation et fait cesser pour l'avenir toutes les incapacités et
déchéances qui en résultent ».
346
www.wikipédia.org/wiki/
« Prescription de la peine en droit français »,
consulté le 28 février 2019.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
88
ledit droit. Ainsi, ils doivent être allongés
afin de ne plus laisser des peines inexécutées. L'allongement des
délais de la prescription des peines doit porter essentiellement sur les
peines criminelles, les peines correctionnelles et les peines
contraventionnelles.
S'agissant des peines criminelles qui se prescrivent
initialement après vingt-cinq (25) années révolues, ils
doivent être rallongés à trente (30) ans.
Quant aux peines correctionnelles, qui se prescrivent
initialement après cinq (05) années révolues doivent
désormais être fixés à sept (07) ans.
En ce qui concerne les peines contraventionnelles, qui se
prescrivent initialement après (02) années révolues, ils
doivent être rallongés à quatre (04) ans.
Toutefois, il y a lieu de rappeler que le législateur
est censé prévoir des délais dérogatoires à
la prescription de certaines infractions jugées graves. Ainsi, en
matière délictuelle, le législateur doit prescrire
à vingt (20) ans des peines prononcées contre les infractions
suivantes perpétrées sur les mineurs : des délits de
violences sur mineurs, d'agressions et atteintes sexuelles sur mineurs à
titre indicatif la pédophilie et le viol des mineurs.
Parler de la date à laquelle, la prescription des
peines commence à courir revient à évoquer un principe et
une exception.
Ainsi, par principe, le délai de prescription de la
peine en matière pénale au Togo commence par courir à
l'instar du droit français à partir de la date où la
condamnation est devenue définitive347. Cela à une
double connotation : soit au terme du délai de recours lorsque ce droit
n'a pas été exercé, soit au moment où les voies de
recours ont été épuisées. Par voies de recours, il
faut entendre : l'appel ou l'opposition.
Cependant, une triple exception est à envisagée.
D'abord, dans le cas où la peine est assortie d'un sursis, deux
possibilités sont à retenir. D'une part, le délai de
prescription court à compter du terme du sursis. Ou d'autre part le
délai de prescription commence à courir à compter du
moment où une éventuelle décision révoquant ce
sursis est elle-même devenue définitive348.
Ensuite, lorsque l'exécution de la sanction a
commencé mais a été interrompue, la prescription court
à compter du jour de cette interruption. C'est le cas par exemple
lorsqu'une personne s'évade de la prison.
347Article 107 CPT ; Cass. crim. 27 octobre 1998.
348Cass. crim. 17 juillet 1985 ; Cass. crim. 27
octobre 1998.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
89
Enfin, en cas de force majeur, telle la démence de la
personne emprisonnée, le délai de prescription peut être
suspendu.
L'intérêt de l'allongement des délais de
la prescription des peines est de prévenir l'impunité en
prorogeant l'exécution des peines dans un délai
conséquent.
On ne peut réformer la prescription des peines sans pour
autant évoquer son aménagement.
§.2- L'aménagement des règles de la
prescription des peines
La prescription étant la règle, il est
nécessaire pour lui concéder sa modernité que le
législateur tient véritablement compte de toutes les mesures qui
accompagnent une peine et qu'elle ne peut emporter (B) sans toutefois oublier
de référencer l'imprescriptibilité des peines les plus
graves en droit pénal togolais (A).
A- L'imprescriptibilité des peines les plus
graves
Les crimes les plus graves sont : le crime de
génocide349, les crimes de guerre350 les crimes
contre l'humanité351 et le crime d'apartheid352.
Ces crimes sont rendus imprescriptibles par le législateur
togolais353. En parlant d'imprescriptibilité, le
législateur évoque les poursuites. L'imprescriptibilité en
question se fonde sur le caractère particulièrement odieux des
actes commis par leur auteur. Toutefois, l'imprescriptibilité des
infractions porte aussi bien sur les poursuites que les
peines354.
Cependant, qu'est-ce que l'imprescriptibilité des
peines prononcées contre les crimes les plus graves ? C'est le
défi auquel, le législateur doit relever.
Il est temps pour le législateur de formaliser
expressément l'imprescriptibilité des peines prononcées
contre les crimes les plus graves dans le Code de Procédure
Pénale puisque, actuellement, il ne s'agit que d'une
imprescriptibilité de fait. En légalisant
l'imprescriptibilité de ces infractions, il sera au diapason des
conventions internationales et de son homologue français qui a
déjà rendu imprescriptibles les peines prononcées pour les
crimes contre l'humanité355.
Cependant, il est important de chercher à connaitre la
définition de l'imprescriptibilité des peines. En effet,
l'imprescriptibilité des peines signifie que la sanction pénale
peut être exécutée aussi longtemps que vit le criminel.
349Article 143 CPT 350Article 145 CPT
351Article 149 CPT 352Article 152 CPT 353 Article 164 CPT
354Conv. des Nations Unies, art. IV ; conv. du Conseil de l'Europe,
art. 1er 355Art. 211-1 à 212-3CPF .
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
90
De manière générale,
l'imprescriptibilité veut dire ce qui n'est pas soumis à la
prescription. C'est le « Terme de droit signifiant qui n'est pas
susceptible de prescription [...], c'est-à-dire que n'atteint
ou n'altère aucune condition de temps ou de lieu
»356.
On peut expliquer l'imprescriptibilité par des motifs
partielle à en croire Christophe HUBERT en se basant sur deux pistes :
d'une part, selon lui, pour DURKHEIM, les règles pénales ne sont
que le reflet en négatif des valeurs d'une société humaine
puisque le droit pénal a pour vocation de réprimer les actes qui
ont un effet nuisible ou préjudiciable à ces valeurs qui sont
collectives357. D'autre part, Pierre LEGENDRE attristé par
exemple par le crime contre l'humanité révèle qu'il
relève de l'indicible358.
Avec l'imprescriptibilité des peines prononcées
contre les crimes les plus graves, il n'y aura ni point de départ ni
point d'arriver puisque ces deux notions ne sont applicable qu'à la
prescription afin de pouvoir calculer le délai requis soit pour
l'exercice de l'action publique soit pour l'exécution de la peines
prononcées par le juge.
Consacrer l'imprescriptibilité des peines veut dire
qu'aucun oubli ni pardon ne devra être tolérée à
l'antipode de la prescription. C'est dans ce sens que c'était inscrit
Francis RICHARD lorsqu'il écrivait que «
L'imprescriptibilité me semble donc caractéristique de notre
époque : pas d'oubli, pas de pardon, donc, également, pas de
rédemption possible, pas de miséricorde, qui semblent
réservées au seul Tout-Puissant et à l'Au-delà
»359. Il est clair que grâce à
l'imprescriptibilité, les peines prononcées contre les crimes
graves peuvent être exécutées sans être
paralysées par le seul écoulement du temps. Ce qi veut dire
qu'ils ne sont donc pas soumis à la prescription
extinctive360.
Au regard de leur caractères odieux, les peines
encourues par les auteurs des crimes les plus graves ne peuvent en aucun cas
s'éteindre par le seul écoulement du temps. C'est à juste
titre que MERTENS affirmait qu'« On ne conçoit pas
d'application de la 'loi de l'oubli' pour des crimes qui ont été
perpétrés contre la communauté des nations et
l'humanité en tant que telles. Ces crimes sont imprescriptibles par
nature »361.
On ne saura parler de la prescription des peines sans pour
autant intercéder pour une précision
356CALVO (Ch.), Dictionnaire
de droit international public et privé, Paris/Berlin,
Pédone, Guillaumin Rousseau/Puttkammer&Mühl-brecht, 1885, tome
I, p. 387.
357HUBERT (C.), « Le temps de
l'imprescriptibilité », Revue Juridique de l'Ouest, 202,
p.342.
358LEGENDRE (P.), Le
désir politique de Dieu (Leçon VII) et le crime du
caporal Lortie (Lecon VIII), Edition FAYARD 1988 et 1989.
359 RICHARD (F.), «
L'imprescriptibilité en matière pénale ne devrait pas
exister »,
www.francisrichard.net,26
novembre 2008.
360 LA ROSA (A.-M.), Imprescriptible,
Dictionnaire de droit international pénal, p.50
361 MERTENS (P.),
L'imprescriptibilité des crimes de guerre et contre
l'humanité. Ed. de l'Université de Bruxelles, 1974, p.
226.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
91
claire de l'absence d'effet de la prescription des peines sur
certaines mesures qui accompagnent les peines.
B- La prise en compte de la non incidence de la
prescription des peines sur les mesures accompagnant les peines
En parlant de la prescription des peines, il faut remarquer
qu'elle est assortie de mesures qui frappent le bénéficiaire. En
droit pénal togolais le législateur n'a consacré que
quelques-unes de ces mesures. C'est ainsi qu'il prévoie en
matière de mesure de sureté l'interdiction de séjours qui
« consiste dans la défense faite au condamné de
paraître dans les lieux dont la liste lui est administrativement
notifiée »362. Par voie de conséquence,
celui qui viendra à violer cette disposition sera puni d'une peine
d'emprisonnement de deux (02) mois à un (01) an et en cas de
récidive, ces peines sont portées au double sauf à obtenir
du ministère public un laissez-passer spécial363.
D'abord, le législateur doit clairement énoncer
dans le Code de procédure pénal que la prescription des peines
n'emporte pas la condamnation puisqu'elle subside dans le casier judiciaire du
bénéficiaire. Ainsi, si le bénéficiaire venait
à commettre plus tard une infraction à la loi pénale, il
sera considéré comme récidiviste dans la mesure où
la condamnation antérieure existe. Il s'agit en réalité
d'une mesure de préservation sociale. On voit clairement,
l'indépendance qui existe au regard de la prescription en matière
pénale entre la mesure de sûreté et la peine.
Ensuite, la prescription des peines est sans incidence sur
deux condamnations à savoir, les condamnations civiles et les
condamnations aux frais de l'État. D'une part, la prescription des
peines est sans effet sur les condamnations civiles parce qu'elle ne cause pas
de préjudice à la victime ; les condamnations civiles subsistent.
La victime conserve toujours le monopole d'agir pendant le délai qui
résulte du droit commun et qui est de trente (30) ans.
D'autre part, la prescription des peines n'emporte pas la
condamnation aux frais de l'État. Celle-ci subsiste et le
bénéficiaire de la prescription est dans l'obligation de
l'exécuter364. Il s'agit d'une obligation à laquelle,
il ne peut se soustraire.
Par ailleurs, toute personne qui a été
condamnée par une juridiction à une peine soit criminelle, soit
correctionnelle ou contraventionnelle peut être
réhabilitée365 depuis la Loi n° 2015-10 du 24
novembre 2015 portant nouveau Code Pénal du Togo. En effet, «
la
362Art. 113 CPT 363Art.116 CPT
364Cass.req., 28 février 1905: D. P., 1905, 1, 176
365Art. 109 CPT
réhabilitation efface la condamnation et fait
cesser pour l'avenir toutes les incapacités et déchéances
qui en résultent »366.
Le législateur doit toujours être explicite dans
sa démarche afin que toute personne qui utiliserait la loi puisse la
comprendre aisément.
CONCLUSION PARTIELLE
Il est évident que La prescription en matière
pénale constitue un grand enjeu de politique criminelle dans la mesure
où elle est concomitante à la relation entre la justice
pénale et le temps.
Afin de parvenir à une prescription efficace en
matière pénale, une prise de conscience effective du
législateur sur sa réforme de manière globale est
incontestable.
Pour mieux garantir la lisibilité de l'échelle
de gravité des crimes, des délits et des contraventions
établie par le législateur togolais, il est primordial que toute
réforme dans le cadre de la prescription en matière pénale
puisse prendre en considération le lien entre la gravité des
infractions et la durée du délai des prescriptions.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
92
366Art. 110 CPT
CONCLUSION GENERALE
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
93
« La nature n'a rien donné à l'homme de
précieux que le temps. Mais, ce bien précieux, et le seul qui
soit véritablement à nous, est aussi celui qui nous
échappe le plus promptement »367.
Cette citation forte de symbole illustre parfaitement nos recherches. Par
ailleurs, LABRUYERE affirmait que « le devoir des juges est de rendre
la justice, leur métier est de la différer. Certains connaissent
leur devoir. Beaucoup font leur métier »368.
En effet, en Afrique, la justice serait à la fois
« un service public sans services » compte tenu de
l'indigence des moyens, « une justice sans juge » en raison
de la façon dont ils exercent leur office et « des tribunaux
sans justiciables » car ceux-ci s'abstiennent de saisir des
juridictions d'accès difficile dont ils se
méfient369.
Aujourd'hui, nul ne peut ignorer que la justice pénale
togolaise se trouve dans l'obligation de rendre des comptes sur la
manière dont elle s'exerce quotidiennement. Si certaines avancés
ont pu être réalisées grâce à sa
modernisation, il n'en demeure pas moins qu'il reste beaucoup à faire.
Afin d'obtenir un résultat probant, il urge d'avoir un regard critique
sur le fonctionnement de cette justice, ce qui permettra de l'évaluer
constamment à travers une remise en question utile de ses pratiques.
En vertu du principe de la légalité criminelle,
le législateur national ne pourra aucunement dérober à sa
responsabilité des enjeux légaux que traverse cette justice
pénale. Il doit veiller à ce que la justice soit bien rendue
c'est-à-dire, que la décision du juge soit juridiquement correcte
et qu'elle intervienne dans un délai raisonnable. Pour ce faire,
l'existence des règles permettant de rendre les décisions
pénales dans un temps optimal et de rendre la prescription en
matière pénale beaucoup plus moderne et cohérente,
s'avère nécessaire. Il incombe donc au législateur de
mettre en place des lois de qualités parce que, « un texte
normatif mal écrit, est une menace supplémentaire à la
sécurité juridique. Ce constat est d'autant plus vrais que les
pathologies dont souffre la norme, quelle que soit la forme sous laquelle elle
se présente, sont de plus en plus nombreuses, et leur
dénonciation d'actualité »370.
367 D'AGUESSEAU (H.-F.), L'emploi du temps,
TOME PREMIER, Paris, 1714, p.199.
368 PRADEL (J.), Procédure pénale,
10ème édition 2000-2001, éd. CUJAS, p. 303
369 DE GAUDUSSON (J.-du B.), « La justice :
nouveau défis, nouveau acteurs », in Afrique contemporaine 2014,
(n°250), p.14.
370 KOKOROKO (K.D.), Préface de l'ouvrage
Légistique de BELEI Bediani B., 2eme édition, Editions
Awoudy, Collection
U.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
94
Pour atteindre cet idéal qui est une décision
bien motivée, intervenue dans un délai raisonnable, à
l'issue d'un procès où toute la matière litigieuse s'est
trouvée dans le débat et où tout a été
loyalement et contradictoirement discuté, chaque acteur doit jouer sa
partition. Ainsi, les magistrats, les parquetiers, les greffiers ainsi que les
secrétaires de parquet, le policier, le gendarme, les conseils, doivent
tout en gardant une parfaite maîtrise de leur temps, parvenir à
distinguer le« temps utile » du «temps gaspillé
».
S'il faut résolument inscrire la justice pénale
dans la modernité et l'efficience, les autorités judiciaires
doivent impérativement mettre en garde le monde politique et la
société contre les dangers d'une obstruction de ladite
institution. Et afin de répondre à l'impératif de
sécurité juridique, la justice pénale doit être
rendue dans les meilleurs délais. La solution du litige qui en
découlerait pourrait conserver tout son intérêt pour le
justiciable et la justice serait ipso facto équitable.
Concernant la prescription en droit pénal, il revient
au législateur d'établir l'équilibre entre la
nécessité de poursuivre et de sanctionner les infractions
à la loi pénale afin de pouvoir, mettre un terme au trouble
causé à la société et à la volonté
d'oublier les agissements commis par le délinquant, assurant
par-là même l'impunité de ce dernier.
Selon F. OST, la matière pénale s'inscrit aussi
bien dans un temps résolument orienté vers l'avenir que dans un
temps de l'instantané371. Dans cette perspective, A. ELAABD
disait : « [---] les branches du droit, s'inscrivent effectivement,
dans un temps résolument orienté vers l'avenir, et la norme
pénale ne fait pas exception, car elle a comme les autres branches,
vocation à régir l'avenir : elle naît de l'analyse du
passé, de l'observation du présent et surtout de la
volonté de préserver le futur »372.
La célérité, selon PRADEL, ne signifie
pas précipitation, mais plutôt promptitude. Elle vise à
donner au procès pénal « un rythme aussi rapide que
possible, sans porter atteinte aux principes fondamentaux de l'ordre juridique,
comme la présomption ou les droits de la défenses
»373.
Il faut donc dissocier une justice pénale à
vocation expéditive de celle qui intervient dans le délai
raisonnable. La justice à vocation expéditive, porte atteinte aux
droits des justiciables dans la mesure où elle ne leur laisse pas un
délai conséquent pour s'organiser. Le respect du temps de
déroulement du procès pénal est d'une évidence
incontestable pour la personne présente audit procès d'autant
plus qu'ils participent à une modification importante de sa
371 OST (F.), « Les multiples temps du
droit », inLe droit et le futur, Paris, Edition PUF, 1985,
p.126.
372 ELAABD (A.), « La
célérité du procès pénal dans le cadre d'une
justice équitable »
recil.grupolusofona.pt,
2013, p.121. 373PRADEL (J.), La
célérité de la procédure pénale en droit
comparé, édition RIDP, 1995, p.
situation374. Dans cette perspective, Jean PRADEL
affirmait que « toute affaire pénale doit s'étaler sur
une certaine durée. Le travail de décantation des preuves exige
du temps pour que la vérité se dégage
»375.
Le temps doit être plus que jamais
l'élément primordial pour garantir les droits de la
défense et assurer une justice équitable à toutes les
parties au procès pénal. Même si les acteurs au
procès pénal à savoir, le magistrat, le policier ou le
gendarme, le coupable et la victime, ont chacun leur propres logiques et leurs
propres perceptions du temps376, le législateur national doit
parvenir à les harmoniser afin de donner plus de
crédibilité à l'institution judiciaire.
Toutefois, il faut relever comme l'a retenu Monsieur Yaovi O.
SRONVI qu'il est impérieux d'accoler au terme de
célérité de la justice, celui de la qualité des
procédures afin de se préserver des excès ou manquements
qui pourront en résulter377.
En élaborant les textes de lois relatives au droit
à un délai raisonnable, ainsi qu'à la prescription en
matière pénale, le législateur doit indéniablement
prendre en compte l'emprise que le temps à sur ces normes. La
définition temporelle effective de ces normes contribuera à leur
gestion efficiente.
Le droit étant reconnu comme la recherche
d'équilibre entre des intérêts qui sont opposés, une
prise de conscience générale s'impose pour que la justice
pénale togolaise cesse de s'administrer avec des retards de nature
à en compromettre véritablement son efficacité et sa
crédibilité. Dans le souci d'aboutir à un procès
juste et équitable et ce dans un délai raisonnable, les acteurs
de la justice et les justiciables doivent unir leurs efforts. La partition de
chacun rendra efficace la justice tout en l'imposant comme un véritable
rempart du plus faible et du plus vulnérable378.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
95
374 GUINCHARD (S.), Le temps et la
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criminalité.
Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la
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Textes internationaux
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Code de Procédure Pénal du
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Droit togolais
Code Pénal du Togo du 24 novembre 2015.
Code de Procédure Pénal du Togo.
Constitution de la IVème République du Togo de 1992
révisée par les lois de 2002.
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
104
Loi N°2009-011 du 24 janvier 2009 relative à
l'abolition de la peine de mort au Togo.
La loi organique n°2013-007 du 25 février 2013 est
venue modifiée la loi organique n°9611 fixant le statut des
magistrats.
Ordonnance n° 78-35 du 7 septembre 1978 portant organisation
judiciaire du Togo.
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Cass.req., 28 février 1905: D. P., 1905, 1, 176.
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liberté provisoire.
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TABLES DES MATIERES
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
105
REMERCIEMEMTS ..I
DEDICACE II
ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ...III
SOMMAIRE IV
INTRODUCTION...01
Première partie : L'inefficacité du temps
dans la justice pénale togolaise 11
Chapitre premier : La lenteur de la justice pénale
togolaise .14
Section I : Les obstacles de droit à la
célérité de la justice pénale togolaise 15
§.1- L'exclusion de la notion du délai raisonnable
par le droit pénal togolais 15
A- L'absence de référence de la notion de
délai raisonnable en droit pénal togolais
.15
B- L'absence de protection du droit au délai
raisonnable....18
§.2- L'inadéquation des règles de
procédures en matière pénale 19
A- L'insuffisance des règles de procédure
pénale avant et pendant le jugement 19
B- L'absence de véritable sanction de la violation du
délai raisonnable 21
Section II : Les obstacles de fait à un jugement
pénal dans un délai raisonnable 23
§.1- Les obstacles internes à l'effectivité
de la justice pénale togolaise 23 A-La carence en personnel
judiciaire au pénal et la mauvaise organisation de la justice
pénale 23
B- Le disfonctionnement lié aux personnels judiciaires et
à leur condition de travail 27
§.2- Les obstacles externes à une bonne justice
pénale togolaise 30
A- L'emprise des parties sur le temps 30
B- La complexité juridique du litige et l'augmentation
constante des affaires pénales 34
Conclusion partielle 36
Chapitre II : L'obsolescence des règles de la
prescription en droit pénal togolais .37
Section I : L'insuffisante réglementation de la
prescription de l'action publique en droit
pénal togolais 38 §.1-Les insuffisances
liées aux délais de la prescription de l'action publique...38
A- Le caractère abrégé des délais de
la prescription de l'action publique 39
B- L'absence de délais de prescription
dérogatoires 40
§.2- Les limites de la règle de la prescription de
l'action publique 42
A- SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
106
L'ignorance des infractions occultes et dissimulées et
l'absence de détermination
de leur point de départ 42
B- Les conséquences de la prescription de l'action
publique .43 Section II : L'insuffisante réglementation de la
prescription des peines en droit pénal
togolais .45
§.1- L'incohérence des règles de prescription
des peines consacrées . 46
A- L'absence de clarification de la notion de la prescription
des peines par le
législateur .46
B- Le caractère abrégé des délais de
la prescription des peines et l'absence
d'imprescriptibilité des peines relevant des crimes les
plus graves ..47
§.2- Les inconvénients de la prescription des peines
.49
A- La prescription des peines, une entorse à la
réponse pénale .49
B- Le mutisme du législateur sur la non incidence de la
prescription des peines sur
certaines mesures accompagnant les peines 51
Conclusion partielle 52
Partie II : Le juste temps pour une justice
répressive efficace au Togo 53
Chapitre premier : L'aménagement du temps pour
le traitement des affaires pénales
dans un délai raisonnable ..56 Section
I : Les exigences légales de la tenue du procès pénal dans
un délai raisonnable.....57
§.1- Le délai raisonnable, condition sine qua non
pour un procès pénal dans le temps......57
A- Le référencement et la clarification
législatives de la notion de délai raisonnable.57
B- L'institution des sanctions de la violation du délai
raisonnable .59
§.2- Une meilleure gestion du temps judiciaire 62
A- Le renforcement des règles de procédure
pénale 62
B- Le renforcement des garanties d'un bon procès
pénal 64 Section II : L'implication des acteurs au procès
pénal pour des décisions dans le délai
raisonnable ...66
§.1- Une implication très active du personnel
judiciaire 66
A- Le renforcement du personnel judiciaire 66
B- Le recours à des alternatives aux poursuites
pénales .68
§.2- Une implication accrue de l'Etat et des parties au
procès pénal ..71
A- L'Etat togolais, principal débiteur des exigences de
célérité du procès
pénal 72
B- L'engagement plus actif des parties et de leurs conseils
74
Conclusion partielle .76
SONDOU Solim Aimée : « Le temps dans la
justice pénale au Togo », 17-04-2019. Page
107
Chapitre II : La nécessité de reformer la
prescription en matière pénale au Togo 77
Section I : Une réforme plus efficace de la prescription
de l'action publique en droit pénal
togolais 78
§.1- La préservation du principe de la prescription
de l'action publique 78
A- Les fondements du maintien de la prescription de l'action
publique 78
B- Les critiques des fondements du maintien de la prescription
de l'action
publique ..80
§.2- La prorogation des délais de la prescription de
l'action publique 82
A- L'allongement des délais de la prescription de
l'action publique de droit
commun 82
B- L'instauration de délais de prescription
dérogatoires 83
Section II : Une réforme plus efficace de la prescription
des peines en droit pénal togolais 86
§.1- Le renforcement de la prescription des peines 86
A- La clarification de la notion de la prescription des peines
86
B- L'allongement des délais de la prescription des peines
87
§.2- L'aménagement des règles de la
prescription des peines 89
A- L'imprescriptibilité des peines les plus graves 89
B- La prise en compte de la non incidence de la prescription des
peines sur les mesures
accompagnant les peines .91
Conclusion partielle 92
CONCLUSION GENERALE 93
BIBLIOGRAPHIE 96
TABLE DES MATIERES .....105
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