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La francophonie et son expression dans la poésie de Léopard Sédar Senghor


par Adou Valery Didier Placide Bouatenin
Université Félix Houphouet-Boigny  - Doctorat  2019
  

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III. L'ART AFRICAIN

Revenons à l'Homme, centre actif de l'univers. Sa fonction essentielle est de capter toutes les forces éparses qui sous-tendent la matière, plus exactement, tous les aspects, les formes et couleurs, odeurs et mouvements, sons et bruits de l'univers. Il lui appartient de les animer au sens étymologique du mot, de renforcer leur vie en renforçant leur force. Voilà lâché le mot, Vie, qui, en dernière analyse, explique la philosophie africaine, mais aussi la religion. C'est donc dans le cadre de sa religion, l'Animisme, que l'Africain exerce sa fonction d'animateur, de créateur de vie, car son art n'a pas d'autre fonction. C'est dans le rituel des cérémonies religieuses, depuis la simple prière jusqu'à l'initiation, que l'art africain s'accomplit en accomplissant sa mission, en renforçant la force de Dieu, en recréant Dieu. D'où l'adage selon lequel « Dieu a besoin des hommes ».

Nous ne retiendrons, ici, pour ne pas être trop long, que les principaux arts de l'Afrique : la poésie, la musique et la sculpture, qui, souvent, vivent en symbiose pour former un art intégral. Il est vrai que tous les arts sur notre continent, du poème au théâtre, participent peu ou prou à cette intégralité, sans oublier la sculpture. Ils expriment

1443 La Pensée et le Mouvant, P.U.F., p. 216.

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la même esthétique, qui procède de la philosophie que voilà et que j'ai définie : « une image ou un ensemble d'images analogiques, mélodieuses et rythmées ».

Nous commencerons par la poésie, qui, dans presque toutes les civilisations, est l'art majeur. Majeur surtout en Afrique parce qu'elle capte les forces de l'univers et les exprime sous leur forme la plus active, la plus créatrice, qui est la parole humide, comme l'a montré Madame Calame-Griaule. Les Peuls du Sénégal définissent le poème : « Des paroles plaisantes au coeur et à l'oreille ». Et, de fait, nul art n'exprime mieux l'esthétique que voilà. C'est ici que la distinction entre Afrique du Nord et Afrique subsaharienne est le moins justifiée, si, du moins, on remonte à l'Ur-Afrika, pour parler comme Leo Frobenius. Je l'ai montré dans un texte sur la poésie africaine, intitulé « Négritude et Berbéritude ».

Il y a, d'abord, que, dans le poème africain, l'idée-sentiment se présente toujours sous la forme d'une image, d'images analogiques, symboliques, comme dans les deux kim njom ou chants gymniques -- mot à mot, « chants de lutte » -- de mon village natal, que je vais vous dire. Il s'agit de courts poèmes de deux à quatre vers, à la manière des haïkus japonais.

Voici le premier, où une jeune fille chante l'athlète son fiancé, Lang Saar, qui, « noir élancé », exprime l'idéal de la beauté sénégalaise :

Lang Saar a lipwa pay'baal

O fes o genox nan fo soorom,

« Lang Saar s'est drapé dans un pagne noir : Un jeune homme s'est levé, tel un filao ».

Le filao est un conifère au feuillage sombre.

Dans le deuxième poème, une autre jeune fille, qui a vu triompher son « champion » aux luttes, qui ont lieu le soir, après le dîner, dit sa joie dans une belle métaphore :

`Daankim, ngel m'feeka ;

Lam la mi caala a yuube,

« Je ne dormirai point, sur la place je veillerai ; « Le tam-tam de moi est paré d'un collier blanc ».

Après les images analogiques, car tout est analogie dans l'univers, voici l'harmonie, plus précisément, la mélodie. Je précise qu'un gim njom -- c'est le singulier -- peut être récité, psalmodié. Le poète emploie l'assonance et, plus encore, l'allitération pour faire ses vers « plaisants à l'oreille ». Plus subtilement, la poétesse, dans le premier vers du premier poème et dans le second du dernier, joue sur les voyelles des syllabes qui portent l'accent d'intensité, et que j'ai soulignées en ne les soulignant pas. Je signalerai, pour en terminer avec la mélodie, que la même voyelle a exprime, là, la peau noire et, ici, la blancheur du collier.

Le troisième élément de la beauté poétique est le rythme. Je parle d'un rythme vivant, qui rompt l'équilibre, la monotonie apparente du poème africain. Si le rythme, qui techniquement définit la poésie, est indiqué par le nombre des mètres comme dans les anciennes poésies grecque et latine, il ne l'est pas, comme dans la poésie classique française, par le nombre des syllabes, mais par celui des accents d'intensité, c'est-à-dire des syllabes accentuées, qui, ici, sont trois dans chaque vers. Je les ai notés, encore une fois, en ne les soulignant pas. Mais le poème africain est souvent plus complexe, avec des contretemps et des syncopes, que nous retrouverons dans le chant : dans la musique.

Il reste que le rythme du poème en Afrique n'est pas seulement dans la succession, ordonnée, des syllabes accentuées et atones ; il est aussi dans la répétition qui ne se répète pas de certaines expressions, de certains mots, voire de certaines syllabes ou voyelles. C'est le cas d'un poème-défi, composé par un champion wolof, Pahté Diop, pour provoquer à la lutte ses adversaires. J'en extrais ce vers, qui est un tétramètre :

Kuluxum lu jigeen aukë jur 1 -- Dëgë lë

« Béni soit ce que femme à genoux met au monde ! -- C'est vrai. »

Les trois premières syllabes accentuées de ce vers ont une voyelle u, qui revient dans d'autres syllabes.

Du poème psalmodié, nous passons au chant : à la musique. En effet, si les poèmes peuvent être récités, ils sont, le plus souvent, chantés. En sérère, c'est le même mot, gim, « chant », qui désigne le chant et le poème. Comme l'a écrit André Gide, le chant en Afrique est traditionnellement polyphonique. Je précise : avec accompagnement à la tierce, à la quinte ou à l'octave.

Autrefois, ce chant polyphonique couvrait, non seulement le « continent noir », mais encore tout le Bassin méditerranéen. Un ami sarde et un ami corse m'ont signalé cette polyphonie dans l'une et l'autre de leurs îles. Et le dernier le fait venir d'Afrique : du Maghreb berbère, où les poèmes sont chantés comme en Afrique noire (1444). Et j'ai entendu, pendant ces vacances, des chants berbères polyphoniques, dont une sorte de plain-chant, également polyphonique. Avant d'aller plus loin, je souligne que cette musique est, comme la poésie, plus complexe qu'on ne le croyait. Au lieu de la gamme européenne à sept tons ou demi-tons, il y a, en Afrique, des modes plus subtils avec des tons, demi-tons et quarts de ton.

Mais, plongeons au-dessous du chant, dans la musique instrumentale, avant de revenir au gim. Écoutez, au Maroc, en Algérie ou en Tunisie, ce qu'on appelle « de la musique andalouse ». Écoutez le rythme de base donné par une sorte de tam-tam : 1234, 1234, 1234. Au-dessus de ce rythme monotone, despotique, vous entendrez, s'appuyant sur lui, un autre plus léger, marqué par un autre instrument à percussion et se livrant, comme librement, à des contretemps et syncopes. C'est cette polyrythme, singulièrement ces contretemps et syncopes qui constituent la seconde caractéristique de la musique africaine. Il reste qu'il y a encore, au-dessus de ces instruments à

1444 Cf. Jean Amrouche : Chants berbères de Kabylie, Éditions Charlot, Paris, 1974.

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percussion, des instruments à cordes ou à vent. Sans parler des voix humaines qui chantent, et qui, elles aussi, soutenues par le rythme profond de l'Afrique-Mère, peuvent se livrer, plus librement encore, à leurs fantaisies créatrices : aux vibratos et autres glissements expressifs.

On me demandera : « Où sont, dans tout cela, les images analogiques ? » Je répondrai qu'elles sont dans les éléments caractéristiques de cette musique : dans la mélodie et le rythme ; plus précisément, dans la polyphonie, les contretemps et syncopes. Elles sont surtout, outre le mode employé, dans les altérations aussi bien des voix que des instruments, qui expriment, qui suggèrent les images-sentiments inspirent les oreilles, et le coeur avec : l'âme.

Si, maintenant, nous retournons à la poésie psalmodiée, nous découvrirons qu'elle est, elle aussi, comme le chant et la musique instrumentale, animée par des contretemps et syncopes. Surtout quand elle est à plusieurs voix ou entrecoupée de silences.

Nous finirons par les arts plastiques en nous arrêtant sur la sculpture. Je prendrai, ici, comme exemples, deux sculptures en bois qui ornent mon bureau.

Ce sont, au premier abord, des images analogiques. L'une représente la tête d'un bovidé avec ses cornes ; l'autre, un oiseau, une sorte de calao. Mais c'est moins simple. Nous voyons, d'une part, alignés au milieu du front et des naseaux du bovidé, un léopard, un oiseau et un petit ruminant ; d'autre part, sur les ailes déployées du calao, deux tortues. Il y a là, exprimée par une imagerie complexe, toute une philosophie, une théologie. Traditionnellement, en effet, le calao et le bovidé sont des images-symboles de la fécondité et de la force ; de la Vie. Et celle-ci est, une fois de plus, animée aussi bien par la mélodie des formes et des couleurs que par les mouvements du rythme.

La tête du bovidé est un masque dont la mélodie des couleurs tient au fait que celles-ci sont complémentaires : du jaune et de l'orange sur fond noir. Quant au calao, dressé sur ses pattes et les ailes ouvertes, il est peint d'une couleur d'ébène claire, uniforme en apparence, mais que le temps a patinée, non sans nuances.

Le plus expressif, c'est, de nouveau, comme toujours en Afrique, le rythme. Sur la tête du bovidé, il y a deux plans qui se coupent. À l'horizontale se présentent des courbes allongées : une corne, une joue, puis une corne, une joue. À la verticale, ce sont successivement, de haut en bas : une pointe noire, triangulaire, un léopard jaune, tacheté de noir, un oiseau noir, jaune et orange, enfin, un ruminant jaune. Bref, des répétitions qui ne répètent pas, et que nous allons retrouver sur la sculpture du calao, mais sous les apparences, premières, de la monotonie. Ici aussi, nous avons, d'abord, le plan horizontal des ailes, déployées en carrés, que coupe un plan vertical, formé de courbes, qui sont : l'excroissance cornée de la tête, le bec, présenté comme en double, et le ventre. Il y a mieux : sur chaque aile est sculptée une tortue, surmontée d'un oiseau de paradis, les ailes également déployées et ayant, pour ainsi dire, la même tête que la tortue. Qu'on y regarde plus attentivement, et l'on verra, bientôt, qu'il s'agit d'une fausse monotonie parce que d'une fausse symétrie. Le calao, de grande taille, de plus d'un mètre, se présente avec un léger déhanchement. C'est le coup de reins du contretemps, que l'on trouve, ici, sur toutes les parties du corps : sur la tête, le bec, les pattes, comme aux ailes, sur les deux tortues et les deux oiseaux de paradis.

Il est temps que je m'achemine vers ma conclusion.

*

* *

LA RÉVOLUTION DE 1889

C'est Pierre Teilhard de Chardin, qui, au milieu de ce siècle, fut l'un des premiers paléontologues, après Darwin, à conseiller de rechercher les origines de l'Homme en Afrique. Il fut surtout, je le rappelle, le premier à annoncer, pour l'aube du deuxième millénaire, « la Civilisation de l'Universel ». C'est que, comme il avait pu le constater lui-même, depuis ce que j'appelle « la Révolution de 1889 », les emprunts des cultures les unes aux autres et, partant, leur fécondation réciproque avaient commencé.

1889, c'est une grande date, et double. C'est, en effet, cette année-là qu'Henri Bergson a publié l'Essai sur les Données immédiates de la Conscience. C'est cette même année que Paul Claudel a écrit sa première pièce de théâtre, Tête d'Or. Cette révolution, que je vais définir, avait été préparée, sinon annoncée, par La Saison en Enfer d'Arthur Rimbaud. Mais revenons à Bergson et à Claudel, que nous expliquerons par Rimbaud.

La philosophie d'Henri Bergson se présente, essentiellement, comme « un retour conscient et réfléchi aux données de l'intuition », dont nous avons fait la vertu majeure de la philosophie négro-africaine. Quant à Paul Claudel, il avait noté, pour la représentation de Tête d'Or sur scène : « avec accompagnement de tambours ou de tam-tams ». Mais c'est Arthur Rimbaud qui, pour ainsi dire, annoncera la couleur. En effet, dans Une saison en Enfer, il n'hésite pas à se présenter comme « un nègre ». Il fait mieux en présentant une esthétique, que nous avons découverte quand nous avons lancé le mouvement, comme l'esthétique même de la Négritude. En effet, il préconise l'usage d'un « verbe poétique accessible... à tous les sens ». Et cela, grâce à un « dérèglement de tous les sens », c'est-à-dire toutes barrières renversées, à leur communication analogique, symbolique.

C'est donc sous l'influence de la révolution culturelle de 1889 que ce qu'on appelle l'Art nègre, qui est, plus véritablement, l'art africain, a commencé d'influencer l'art français, mais aussi l'art américain, et, par ces deux voies, l'art mondial.

Je partirai des arts plastiques, qui ont le plus fait parler d'eux grâce à l'École de Paris. Quand, jeune professeur, je fréquentais les peintres, Picasso m'a dit, un jour, en me reconduisant à la porte de son atelier : « Il nous fait rester des sauvages ». Ce n'était pas hasard. D'autre part et s'agissant de littérature, singulièrement du Surréalisme,

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je vous signale la thèse de doctorat de Jean-Claude Blachère, un enseignant français de Dakar, sur le Surréalisme, intitulée « Le Modèle nègre » (1445). Enfin, last but not least, il y a l'influence de la musique négro-américaine, héritée de l'Afrique et qui s'étend de plus en plus sur le monde, comme en témoigne la place qu'occupe le jazz dans les festivals organisés en Europe pendant l'été.

Depuis la civilisation aurignacienne, la première du Paléolithique supérieur, l'Afrique n'a cessé de jouer un grand rôle dans la civilisation humaine. L'interruption, pendant deux mille ans, de son influence -- depuis l'épanouissement de la civilisation grecque, au Ve siècle avant J.-C., jusqu'à la Renaissance -- ne l'a pas fait disparaître pour autant. C'est pourquoi je conclurai par la réflexion que m'a faite Pierre Soulages, le grand peintre français, après avoir lu mon article intitulé « L'Esthétique négro-africaine »(6) : « C'est l'esthétique même du XXe siècle ».

OBSERVATIONS présentées à la suite de la communication de M. le président Léopold Sédar Senghor

M. Jean CAZENEUVE dit d'abord son adhésion à la communication de M. Léopold Sédar Senghor, notamment sur les rapports de la philosophie africaine avec la philosophie grecque. Il rappelle ensuite l'importance des ouvrages de Placide Tempels, tel que La Philosophie bantoue, et de ceux de Pierre-Maxime Schuhl sur la pensée grecque. Cependant c'est surtout chez Platon, que l'on peut observer des analogies avec les traditions originaires de l'Afrique Noire dont les conceptions philosophiques ont cheminé par l'Égypte et la Crète, gagnant la Grèce naissante. N'y aurait-il donc pas lieu de mettre la philosophie africaine en relation avec la philosophie platonicienne plutôt qu'avec la philosophie aristotélicienne ?

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M. Jean STOETZEL, après s'être félicité de l'audience recueillie par l'ouvrage d'Alassane Ndaw qu'il a encouragé dans ses travaux, aimerait que le président Senghor, de confession catholique et qui fut le président d'un pays essentiellement musulman, lui explique pour quelles raisons le christianisme a, semble-t-il, moins d'emprise que l'Islam dans les pays d'Afrique Noire. C'est un problème qui lui paraît essentiel pour mieux appréhender la nature profonde de la culture africaine.

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M. Pierre CHAUNU constate avec les préhistoriens sondant les lointains obscurs de l'hominisation que de -- 2 millions d'années à -- 10 000 ans la moitié des objets, des traces relevées, des signes perçus... viennent du continent africain, berceau de l'humanité.

Le premier biface lointain archétype d'un outil et d'une arme, ancêtre donc du micro-ordinateur et de la fusée thermonucléaire à têtes multiples, vient de la vallée de l'Omo, de la Rift Valley en Afrique orientale (peut-être hasard heureux, cadeau de la tectonique -- je l'accorde).

D'autre part, depuis quinze ans, alors que la fécondité des autres Tiers Mondes a reflué massivement (d'un tiers en moyenne, de près de moitié en Chine), la fécondité africaine s'est maintenue. Il s'en suit qu'après une parenthèse de 10 millénaires à peine la part de l'Afrique, sa part biologique, sera beaucoup plus considérable au début du 3e millénaire, c'est une absolue certitude, le coup est parti.

Un bien modeste verre d'eau à ce puissant fleuve en simple témoignage de grande et respectueuse admiration. *

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M. Maurice LE LANNOU demande, au cas où l'on devrait comparer négritude et celticité, s'il ne serait pas préférable de choisir le terme de celtitude. Une analyse affinée montre qu'il faut prêter à la désinence udo une valeur exprimant l'intuition plus que l'analyse, tandis que le suffixe itas serait plutôt abstrait. Dire celticité, c'est donc attribuer au groupe celte des qualités rationalistes, discursives, analytiques, opposées à l'intelligence africaine, alors qu'on pouvait penser le contraire. Qu'en est-il de l'interposition de l'humanisme rationaliste gréco-latin avec la berbéritude et la négritude d'une part, et l'ensemble celte d'autre part ? Cette celticité apparaît-elle très différente des structures mentales africaines et des approches du réel qui les caractérisent ?

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M. Jean FOURASTIÉ demande à M. le président Senghor s'il estime que la poésie occitane populaire présente une similitude avec la poésie sénégalaise dans le domaine de la prosodie ? celle-ci est-elle par ailleurs spécifique au Sénégal ou répandue dans toute l'Afrique ? M. Fourastié serait également heureux si le président Senghor donnait quelques indications sur la genèse des langues africaines.

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1445 Les Nouvelles Éditions africaines, Dakar, 1981. 6 Revue Diogène, octobre 1956.

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Le général Fernand GAMBIEZ tient à faire part à M. le président Senghor de l'admiration qu'il avait éprouvée lors d'un séjour au Sénégal, en 1963, organisé par le général de Gaulle, à l'égard des structures sociales et économiques de ce pays. L'image de la France y était toujours vivante et le Sénégal était un modèle africain envié de ses voisins. Mais quel contraste avec les autres pays d'expression française ! Les chefs d'État vivaient dans l'insécurité, dans l'angoisse d'un changement politique imminent, favorisé par la prolifération des ethnies. La philosophie leur a-t-elle apporté la sagesse ou le Sénégal demeure-t-il un cas isolé ?

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M. François LHERMITTE tient à présenter une remarque, à poser une question et à exprimer une conviction. La remarque est la suivante : biologie et culture font ensemble l'individu, la communauté, le peuple, le continent, l'humanité. Elles sont tout à fait inséparables et l'on ne pourra jamais isoler le facteur culturel du facteur biologique, aussi bien chez l'homme que chez les animaux. Limiter les phénomènes biologiques à quelques pourcentages de groupe sanguin est trop simple. Nous avons en nous-mêmes des centaines de milliers de gènes différents les uns des autres : au regard de cette diversité, celle des groupes sanguins est une mince affaire. La question : les analogies mythiques et esthétiques que l'on constate entre différentes cultures s'expliquent-elles seulement par des migrations ou n'ont-elles pas plutôt pour origine l'évolution normale de tout homme et de toute collectivité de la naissance à la maturité ? L'analogie est, en effet, un concept très dangereux si l'on oublie de prendre en compte la réalité indiscutable des différents stades de maturation et de structures psychologiques dans l'évolution des groupes. Le président Senghor peut-il donner quelques indications sur le poids respectif de ces deux facteurs : les migrations d'une part, l'évolution de la collectivité africaine d'autre part ? M. Lhermitte exprime enfin sa conviction qu'à l'idéalisme du président Senghor, il convient malheureusement d'opposer le poids des idéologies qui commandent les comportements humains et qui relèguent loin derrière elles les comportements de raison.

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Réponse de M. le président Senghor

M. le président Léopold Sédar Senghor admet avec M. Jean Cazeneuve que la philosophie platonicienne est plus proche de la philosophie africaine que celle d'Aristote. En effet, même si Aristote accorde la primauté à l'intuition, il symbolise l'esprit européen d'organisation et de méthode, opposé à l'esprit africain, intuitif et créatif, que l'on découvre chez Platon. Les Européens font preuve de rationalité alors que les Africains privilégient la sensibilité. Mais le plus important n'est-il pas ce fond commun qui existe dans toute civilisation possédant les quatre facultés primordiales, à savoir la sensation, la raison discursive, la raison intuitive et la volonté ?

En réponse à la question de M. Jean Stoetzel, M. le président Senghor précise que les musulmans et les chrétiens sont en nombre sensiblement égal en Afrique, les musulmans étant plus nombreux en Afrique du Nord et soudan-sahélienne, alors que les chrétiens sont majoritaires en Afrique tropicale et équatoriale. Toutefois il est évident que le Christianisme et l'Islam africains sont également inspirés par l'Animisme. Aussi, dans cette perspective, ne s'agit-il pas d'interpréter le dogme chrétien mais de le vivre en Africain. C'est ainsi qu'aujourd'hui, au Sénégal, des chants polyphoniques et grégoriens s'élèvent pendant la messe.

M. le président Senghor s'accorde avec MM. Pierre Chaunu et François Lhermitte, pour constater que le facteur culturel l'emporte sur le facteur biologique. Le message de l'Afrique est, en effet, fondé sur le sens de la vie et l'art, donnant naissance à une esthétique de la vie, réconciliant religion, philosophie et même politique. Il est évident que l'influence de la civilisation française a été déterminante pour concilier religion et culture.

Répondant à M. Maurice Le Lannou, M. le président Senghor fait observer que l'existence d'un fond irrationnel chez les Celtes ne crée pas d'opposition entre celtitude et celticité : il y a une celtitude au sein même de la celticité. C'est une erreur de croire que la langue anglo-saxonne est vouée à la rationalité et à la scientificité. On pourrait en trouver une preuve dans la sensibilité des poètes celtes, le métissage faisant la richesse de la celticité. Si l'on considère les tableaux numériques des groupes sanguins, le groupe A est le plus représenté en Europe occidentale. Cependant deux exceptions apparaissent : en Grèce et en Angleterre. Chez les Grecs le métissage fut méthodique avec le Proche-Orient et l'Égypte, et les Celtes se sont métissés avec des négroïdes méditerranéens refoulés dans les îles britanniques. Ce métissage biologique et culturel fait la richesse des Celtes.

M. le président Senghor, répondant à M. Jean Fourastié, rappelle l'importance de Paul Rivet, fondateur de l'anthropologie française, qui a mis en évidence la Méditerranée comme terre privilégiée de métissage. En effet, les populations méditerranéennes sont parmi les plus métissées, et, à ces latitudes, de grands foyers de civilisations se sont développés. Les ethnocaractérologues mettent dans l'ethnotype du Fluctuant les Méditerranéens, les Africains et les Japonais. Aussi bien faudra-t-il distinguer plusieurs types de langues : d'une part, les langues à flexions indo-européennes et sémitiques, d'autre part, les langues agglutinantes de l'Afrique et du Sud de l'Asie, enfin, les langues à tons des Chinois et les langues à clics des Khoïsans. Les écritures des grandes civilisations noires sont l'égyptien ancien, le sumérien et le dravidien de la vallée de l'Indus (déchiffré récemment par Asko Parpola).

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L'Afrique est le berceau des grandes civilisations depuis deux millions sept-centmille ans jusqu'à l'Homo Sapiens. Après la découverte de l'écriture par les Égyptiens, les langues agglutinantes se sont répandues en Afrique. Mais qu'est-ce qu'une langue agglutinante ? Le français est une langue analytique, de logicien, présentant une syntaxe de subordination, alors que le sénégalais est une langue fondée sur l'intuition, la juxtaposition ou la coordination.

En français, nous dirions : « Comme j'allais puiser à la fontaine, un jeune homme, m'ayant atteinte, me dit « je t'aime ».

En sénégalais, on dira : « J'allais à la fontaine, un jeune homme me suivit, il m'atteignit, il me dit « je t'aime ».

Voilà un exemple de syntaxe de juxtaposition.

M. le président Senghor tient à rappeler que le Sénégal a été la plus ancienne colonie française et qu'elle s'est imprégnée, alors, des apports de la métropole. C'est pourquoi l'enseignement, la justice, la politique, avec le pluripartisme, n'ont pas échappé aux vertus du métissage. Si la récente réforme scolaire a privilégié les mathématiques et les langues classiques, elle a, cependant, introduit l'enseignement de six langues nationales sénégalaises, mais la civilisation sénégalaise n'est pas figée dans le passé. Depuis l'indépendance, elle s'est tournée résolument vers l'avenir, créant une nouvelle littérature métisse de langue française, un nouvel art plastique, une chorégraphie et une architecture basée en particulier sur les parallélismes asymétriques. Le pouvoir créateur du métissage serait-il encore à démontrer ?

En réponse à M. François Lhermitte, M. le président Senghor cite l'exemple des Bantous, qui sont allés jusqu'en Afrique du Sud au moment de la désertification. Au cours de cette migration, ils se sont mêlés aux Pygmées et aux Khoïsans. À cela s'ajoute le phénomène culturel : le milieu de la forêt tropicale a produit d'autres mythes et d'autres habitudes, alors que pourtant les Bantous conservaient leur langue, venue du Nord, la migration facilite le métissage. Qu'on se rappelle la formule de Paul Rivet « Quand deux peuples se rencontrent, ils se combattent souvent, ils se métissent toujours ». Reste qu'à la longue, c'est le métissage culturel qui est déterminant.

Séance du lundi 26 septembre 1983.

M. Léopold Sédar Senghor, premier agrégé africain de l'Université, fut de 1939 à 1945 professeur de lettres à Tours puis à Paris. Après la Libération, il est professeur à l'École nationale de la France d'Outre-mer. Député du Sénégal en 1945, Secrétaire d'État à la présidence du Conseil en 1955, plusieurs fois délégué de la France à l'UNESCO et à l'O.N.U., député à l'Assemblée législative du Sénégal, puis ministre et enfin de 1960 à 1980 premier président de la République du Sénégal. Léopold Sédar Senghor est docteur honoris causa des Universités de Paris, Strasbourg, Ibadan, Louvain, Fordham, Howard, Laval, Beyrouth, Le Caire, Alger, Bordeaux, membre associé étranger de l'Académie des Sciences morales et politiques (1969) et membre titulaire de l'Académie française (1983). Il est l'auteur de nombreux poèmes, d'une Anthologie de la Nouvelle poésie nègre et malgache (P.U.F., 1948, préface de J.-P. Sartre) et d'essais (Libertés I, Négritude et humanisme, Seuil, 1961 ; Libertés II : Nation et voie africaine au socialisme, Seuil, 1971).

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Léopold Sédar SENGHOR

Allocution de Monsieur le Président Léopold Sédar Senghor lors de
l'inauguration de l'Espace culturel qui porte son nom

"Chers Amis,

Il y a 18 mois, lors de la pose de la première pierre de ce magnifique ensemble, je vous disais combien ma femme et moi-même ressentions, avec fierté, l'honneur qui m'était fait en dénommant ce lieu : ESPACE LEOPOLD SEDAR SENGHOR.

En ce 18 mars 1995, c'est un Versonnais qui partage, avec vous, cet événement qui fera date dans la vie de notre cité.

En effet, dans ma retraite normande, le poète sérère, qui chantait jadis son sine natal aux verts bolongs, vit pleinement sa "normandité" aux verts pâturages.

Je serai bref. Je voudrais non pas faire un discours, mais simplement délivrer deux messages à l'attention des jeunes qui vont fréquenter cet Espace.

Le premier est celui de la Culture que votre Municipalité a voulu matérialiser ici même. "La Culture, c'est une certaine façon, propre à chaque peuple, de sentir et de penser, de s'exprimer et d'agir. C'est un langage commun, qui rapproche et unit les hommes, une prise de conscience et une expression de la complexité du réel : elle est un style, une manière d'éclaircir les choses et les évènements".

A travers ces définitions, vous percevrez, je n'en doute pas, toute l'importance de la Culture, tout son poids, pour véhiculer les idées, révéler les talents, unir les hommes les uns aux autres.

La Culture est, en un mot, l'âme même de la société. Et vous comprendrez peut-être mieux si je vous explique qu'elle s'étend d'un auteur classique qui m'est familier, Hérodote, jusqu'à un artiste que les jeunes connaîtront mieux : M.C. Solar.

Pour ma part, j'ai essayé d'être le porte-parole de la culture négro-africaine, que j'ai appelé la Négritude, et de son expression dans la Poésie et dans les Arts.

Je me veux également le chantre de la Langue et de la Culture française. Je crois, pour l'avenir, à la Francophonie, plus exactement à la Francité, intégrée dans un grand ensemble, et par-delà, dans une civilisation de l'Universel.

La civilisation de l'Universel, voilà le second message que je vous livre.

Aujourd'hui, les hommes se communiquent leurs idées, leurs sentiments, leurs techniques, d'un bout à l'autre du monde, par des moyens qui ignorent les distances.

Pour se développer, les civilisations doivent se respecter, s'enrichir de leurs différences pour converger vers l'Universel que Teilhard de Chardin annonçait à l'aube du troisième millénaire.

Cependant, nous devons reconnaître qu'actuellement, pour une grande partie de l'humanité, l'échelle des valeurs a perdu toute signification. Il vous appartient, à vous les jeunes, d'élaborer cette Civilisation de l'Universel, qui sera faite des valeurs complémentaires de tous les continents et de tous les peuples. Gardez à l'esprit qu'il n'y a pas de civilisation sans culture car l'effort culturel est lui-même la principale valeur de la civilisation.

Je souhaite que cet Espace Léopold Sédar Senghor (puisque c'est ainsi qu'il faut l'appeler à présent) soit un lieu de rencontres, d'échanges, qui vous permette de trouver le bonheur culturel et de vous ouvrir aux autres civilisations.

Je voudrais, en terminant, vous remercier sincèrement, Monsieur le Maire, ainsi que tout votre Conseil Municipal du plaisir que vous m'avez apporté aujourd'hui."

Léopold Sédar Senghor, 18 mars 1995.

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LA FRANCOPHONIE COMME CULTURE
Léopold Sédar Senghor

Qu'est-ce que la Francophonie ? Ce n'est pas, comme d'aucuns le croient, une «machine de guerre montée par l'Impérialisme français». Nous n'y aurions pas souscrit, nous Sénégalais, qui avons été parmi les premières nations africaines à proclamer et pratiquer, nous ne disons pas le «neutralisme positif», mais le non-alignement coopératif. Voilà exactement 20 ans, qu'en 1946, je proclamais, en France, notre volonté d'indépendance, au besoin «par la force», mais, en même temps, notre volonté d'entrer dans une communauté de langue française. Si nous avons pris l'initiative de la Francophonie, ce n'était pas non plus pour des motifs économiques ou financiers. Si nous étions à acheter, il y aurait, sans doute, plus d'un plus offrant que la France. Et si nous avons besoin de plus d'assistants techniques francophones de haute qualification, c'est qu'avant tout, pour nous, la Francophonie est culture. C'est un mode de pensée et d'action : une certaine manière de poser les problèmes et d'en chercher les solutions. Encore une fois, c'est une communauté spirituelle: une noosphère autour de la terre. Bref, la Francophonie, c'est, par-delà la langue, la civilisation française; plus précisément, l'esprit de cette civilisation, c'est-à-dire la Culture française. Que j'appellerai la francité. Je le rappelle avant d'aller plus avant, la Francophonie ne s'oppose pas; elle se pose, pour coopérer. Nous avons été, parmi les nations francophones d'Afrique noire, la première république unitaire à rendre /'anglais obligatoire, dans l'enseignement du second degré et dans les écoles techniques. Comme langue et civilisation de complémentarité -- et pour ne pas parler franglais. Pour en revenir à la Francophonie, le seul principe incontestable sur lequel elle repose est l'usage de la langue française. Vous le devinez, cependant, notre attachement à la langue ne serait pas si tenace s'il ne signifiait pas attachement à la culture française. Voilà les deux points que je me propose de traiter.

Attachement à la Langue française, pourquoi?

C'est, tout d'abord, pour deux raisons historiques : de fait. La première est que, ne voulant pas nous renier, nous ne voulons rien I renier de notre histoire, fût-elle «coloniale)), qui est devenue un I élément de notre personnalité nationale. Si je prends l'exemple de I mon pays, la présence française y date de plus de 300 ans. Pour I notre malheur, mais encore plus, en définitive, pour notre bonheur I parce que pour notre efficacité dans l'action. Les épreuves nous I ont trempés. Et puis, il y a le français, qui est une langue inter- S nationale de communication. C'est notre deuxième raison de fait. Il y a d'autres raisons, plus profondes, qui tiennent aux qualités même de la langue. Qu'il s'agisse de morphologie ou de syntaxe, le français nous offre, à la fois, clarté et richesse, précision et nuance. Clarté du vocabulaire, qui tient à la clarté des procédés de dérivation et de composition, des procédés de dérivation en particulier, à partir des mots grecs et latins. Ce qui n'empêche pas des procédés plus populaires et, partant, plus spontanés et vivants. Ce qui provoque, surtout, une prodigieuse richesse de mots. Pour prendre un S exemple, on a discuté sur le point de savoir si nous étions des I francophones ou des franco-lingues. On s'est même disputé. Le peuple aurait pu nous mettre d'accord en faisant, de nous, des parlant-français. On eût crié au franglais. Mais le Dictionnaire Robert avait déjà consacré l'usage en optant pour « francophone ». Parfois deux mots synonymes nous restent, voire trois. Ce qui fait la richesse de la langue. D'où vient sa précision et ses nuances. On a donc discuté, gravement, sur la propriété du mot « francophone)); on ne risquait pas de se blesser grièvement. Car les francophones --je ne dis pas les « français » --, qui ont l'habitude de ces discussions grammaticales, les poussent rarement jusqu'à la dispute, et jamais jusqu'aux coups.

Les mots français sont clairs et précis. C'est qu'ils ont tendance à /'abstraction, qui en fait un merveilleux outil du raisonnement. Et il n'est pas vrai que l'abstraction ignore le réel; elle le réduit à son squelette, à son réseau de relations, qui est son essence. Du moins pour l'homme d'action. Il est temps de revenir à Descartes. Car le concret et les détails dans lesquels on nous noie, maintenant, trop souvent, s'ils nous font sentir la vie, nous empêchent de la penser ; de seulement voir la forêt. À cause des feuilles et des branches ...

Des formes du français, de la morphologie proprement dite, je ne retiendrai que les formes verbales. M. Robert Le Bidois écrit, dans le journal le Monde du 24 octobre 1962: «/.a gamme des temps français est d'une étonnante richesse. Quand il s'agit d'exprimer le passé, notre langue dispose, pour le seul mode indicatif, de cinq temps principaux : imparfait, passé simple, passé composé, passé antérieur et plus-que-parfait; à quoi if faut ajouter trois < temps surcomposés > ». Nous retrouvons, ici, associée à la richesse des formes, la même tendance à l'abstraction : à la clarté plus qu'à la précision. Il y a, en wolof -- une des langues du Sénégal--, une vingtaine de formes correspondant à l'indicatif imparfait du français. C'est dire que cette langue ne manque pas de précision. Mais c'est une précision vécue. Le wolof insiste, en le précisant, sur /'aspect ; la manière concrète dont se fait l'action. D'où, parmi d'autres singularités, l'existence de cinq sous-modes de l'indicatif. Tandis que le français, lui, insiste sur fa notion abstraite de temps. // s'intéresse moins à la manière dont se fait l'acte qu'au moment exact où il s'accomplit, en s'insérant dans le déroulement de /'action.

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La syntaxe du français est, comme celle de la plupart, mais plus que celle de la plupart des langues européennes, une syntaxe de subordination; de logique. Grâce à ses nombreux mots-outils, comme

disait mon maître Ferdinand Brunot, aux mots-gonds que sont les conjonctions, le français lie les

propositions entre elles ou les subordonne l'une à l'autre. Les propositions et, partant, les idées. C'est ainsi que la phrase française présente un ensemble synthétique, où nul élément n'est isolé, mais où les

conjonctions de coordination et de subordination, qui sont signes de relation entre les idées, facilitent /'analyse. C'est ainsi que, se faisant analyse et synthèse à la fois, elle se présente comme l'instrument efficace du raisonnement. « On ne raisonne justement qu'avec une syntaxe rigoureuse et un vocabulaire exact », affirme Anatole France dans le Génie latin. «Je crois que le premier peuple du monde est celui qui a la meilleure syntaxe. »

J'ai parlé de la phrase classique : de la période. Depuis Descartes, la langue française s'est enrichie par les procédés indiqués plus haut. Et elle s'est assouplie jusqu'à faire jaillir la subordination d'une

simple juxtaposition. À la syntaxe de la subordination et du continu, tend à se substituer une syntaxe de la coordination et de la juxtaposition du discontinu, dont ont usé et abusé les surréalistes. Cette évolution s'est réalisée grâce au large clavier, à la souplesse que nous offre, à côté des relatives circonstancielles, les phrases nominales, surtout le jeu subtil des participes et des appositions ou celui des modes et des temps. En voici un exemple, qui n'embrasse pas, j'en conviens, tous les tours :

«En toi mouvante, nous mouvant, nous te disons Mer Innommable: muable et meuble dans ses mues, immuable et même dans sa masse; diversité dans le principe et parité de l'Être, véracité dans le mensonge et trahison dans le message; toute présence et toute absence, toute patience et tout refus -- absence, présence; ordre et démence -- licence ! ...»

C'est un poète, me direz-vous. Mais voici le texte d'un philosophe : «De notre libre choix? Qu'allons-nous donc choisir? Il y a quatre attitudes possibles, nous dit le Père. La première, c'est celle du

pessimisme. Tout est mauvais, l'être même est mauvais, if faut résistera la vie, il faut résister à

l'évolution, maintenant précisément que nous en comprenons la duperie. Comment le Père va-t-il juger les tenants de cette opinion, ces traîtres à la vie? Laissons-les, dit-il. Ceci est caractéristique -- et j'y

reviendrai tout à l'heure -- de l'attitude du Père Teilhard. Ce n'est pas un discoureur, il ne va pas essayer

de démontrer, il veut faire prendre des attitudes, il veut nous inviter à voir les choses dans une certaine perspective, et je le redirai quand je montrerai la place que tient l'attitude phénoménologique dans la

pensée de Teilhard de Chardin. Ces traîtres à l'existence, ces hommes fatigués, qui sont infidèles à la

vie et qui se détournent d'elle avec lassitude, il n'y a qu'à les laisser, à prendre les autres et à continuer». C'est entre ces extrêmes que se meut, actuellement, la phrase française avec une extrême liberté. La

langue se plie à toutes les exigences de la pensée et au sentiment, voire de la sensation, passant de la rigueur du diamant aux troubles fulgurances de la tornade, du mouvement large et lent de la mer à la brièveté soudaine du coup de poignard.

Je vous ai cité, tout à l'heure, le verset d'un poète : il s'agit de Saint-John Perse. Et le paragraphe d'un philosophe : il s'agit de Gaston Berger. Ce n'est pas hasard. Saint-John Perse est le plus grand des

poètes français vivants, et Gaston Berger, mort il y a quatre ans, a été Directeur de l'Enseignement supérieur en France. Ce n'est pas hasard puisqu'ils sont tous les deux d'outremer: le créole guadeloupéen et le métis franco-sénégalais.

C'est dire que nous voilà au-delà de la grammaire: dans la stylistique de la langue française. Née du développement de la linguistique, la stylistique étudie, comme vous le savez, d'une part, les rapports

de la pensée avec sa traduction, ceux de l'individu avec son expression d'autre part. C'est un problème

de stylistique que pose Rivarol, à propos de la clarté, dans son fameux Discours de l'universalité de la langue française. Cette clarté de la langue, selon lui, servirait le philosophe et le diplomate, mais

gênerait le poète et le musicien. Je ne le crois pas, et je l'ai dit ailleurs. Relisez donc les poètes du XVIe siècle : de la langue française encore dans la jeunesse de sa maturation avant quelle n'eût atteint sa maturité. Les grands poètes d'alors, ils sont tous musiciens: Maurice Scève et Louise Labé, Joachim du Bellay et Pierre de Ronsard, Agrippa d'Aubigné comme François de Malherbe. Est-il rien de plus musical que les vers que voici:

Toute ma Muse, ma Charité Ma toute où mon penser habite,

Toute mon coeur, toute mon rien,

Toute ma maistresse Marie, Toute ma douce tromperie,

Toute mon mal, toute mon bien.

On dirait d'Aragon à moins que d'Éluard; ces vers sont de Ronsard. Comment expliquer la beauté de la prose, singulièrement de la poésie française quand nous n'avons découvert, dans la langue, malgré sa richesse, que rigueur et abstraction, clarté et précision. Certes sa beauté est dans ses qualités

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intellectuelles; je dis : encore plus dans ses qualités sensibles, voire sensuel/es. Je me le rappelle, quand je découvris le français, à sept ans, c'était, pour moi, musique et charme. La beauté du français, sa poésie, ne vient pas du pouvoir imaginant des mots, qui se sont dépouillés du concret de leurs racines; elle vient de la musique des mots et des phrases, des vers et des versets : de leur rythme et de leur mélodie.

Je le sais, la netteté des consonnes françaises, si elle donne, aux mots, une mélodie plastique, provoquerait vite une impression de pauvreté. Mais il y a le rythme des mots. Et le jeu harmonieux des voyelles, nombreuses et nuancées: voyelles longues ou brèves, orales ou nasales, ouvertes ou fermées ou moyennes, sans parler des semi-voyelles, des diphtongues ni des triphtongues. Mais je parlerai du jeu des e muets, qui achève de donner, au mot, à la phrase, au vers, avec ses nuances, fa palpitation même de la vie.

Puissance d'expression de la musique parce que puissance de suggestion. Originalité merveilleuse de l'ouïe. C'est le plus abstrait des sens après la vue. Mais elle plonge encore dans le sensible, bien qu'émergée du sensuel. Ce qui fait que la musique n'exprime pas une pensée, comme certains l'ont affirmé à tort, mais traduit des sentiments en évoquant des images. On a parlé du «stupéfiant image » aux beaux temps du Surréalisme. C'est le charme musique qui fait la beauté de la langue, en tout cas de la poésie française. L'apport des poètes ultramarins, dans ce domaine, a été remarquable: d'Évariste-Désiré de Parny à Saint-John Perse. Plus près des forces cosmiques, c'est par la puissance musicale de leurs vers qu'ils font lever les images. Comme des colombes, comme des sauterelles, comme d'ardentes laves. C'est la voix d'Aimé Césaire :

à même le fleuve de sang de terre à même le sang de soleil brisé à même le sang d'un cent de clous de soleil à même le sang du suicide des bêtes à feu à même le sang de cendre le sang de sol le sang des sangs d'amour, à même le sang d'incendie d'oiseau feu ...

Ce long arrêt à la Poésie. Pour dire que la langue française est culture, c'est-à-dire esprit de civilisation, fondement d'un humanisme qui ne fut jamais plus actuel qu'aujourd'hui. Ce sera la seconde partie de mon propos.

Or donc, comme je le disais en commençant, la Francophonie -- plus précisément, la francité --, c'est une façon rationnelle de poser les problèmes et d'en rechercher les solutions, mais toujours, par référence à l'Homme. Comme j'aime à le dire à mes compatriotes, tout ce que j'ai appris en France, au Quartier latin, c'est la méthode.

« Toujours votre rationalisme français, si abstrait », m'a lancé un ami africain. «Nous, nous nous en tenons au pragmatisme, qui est une méthode d'action ». Charmant ami I... Comme si ce n'était pas le fondateur du rationalisme moderne qui avait écrit le Discours de la Méthode.

Abstrait, le rationalisme cartésien ? Sans doute et nous le soulignerons bientôt. Mais s'il n'est pas essentiellement, il est, d'abord, enracinement dans le réel, du moins dans la vie. On oublie, trop souvent, qu'avant de faire métier de la philosophie, Des cartes s'était engagé dans l'armée et à l'étranger. Au demeurant, le Discours commence par une autobiographie.

Pas pratique, le rationalisme cartésien ? Mais Descartes fait, de la physique, le fondement de sa métaphysique, qui, retournant à ses origines, est bien l'au-delà de la physique, non sa négation. Et puis les mathématiques ne sont-elfes pas, dans le monde technocrate et pratique d'aujourd'hui, la base de la science et, partant, de la puissance matérielle ? Or Descartes se signala, pour la première fois, en découvrant les lois de la mathématique universelle.

Ce souci de la pratique s'exprime dans l'objectif que Descartes assigne à ses recherches philosophiques : « procurer, de la sorte, le bien de ses semblables». Et voilà que transparaît, en même temps, le souci éthique: le souci de l'Homme.

Mais tout cela, j'en conviens, ne fait pas l'essence du Cartésianisme. Celle-ci est, comme le dit Gaston Berger, dans la recherche d'une «science absolue», fondée sur une «certitude inébranlable ». Elle est dans la rigueur d'une méthode de recherche, qui commence par douter de tout, qui n'accepte que l'évidence et qui, d'évidence en évidence, aboutit à la seule évidence incontestable: celle du cogito, qui voit, «dans la subjectivité transcendantale, l'origine de l'objectivité elle-même'* ». Il est donc vrai que Descartes ne fonde la réalité ou, plus exactement, la vérité que dans la raison discursive. Dans la logique, c'est-à-dire la cohérence qui relie les évidences l'une à l'autre, comme une chaîne de relations, mieux: les unes aux autres, comme un réseau, une toile d'araignée, dont le centre est le cogito.

Démodé, le rationalisme cartésien ? Je le crois plus actuel que jamais. C'est Gaston Berger, le philosophe de l'action, l'inventeur de la Prospective, qui préconisait le retour à Descartes. C'est Edmund Husserl, le créateur de la Phénoménologie, qui disait, à celui-là, tout ce qu'il devait à Descartes, comme en témoignent les Méditations cartésiennes du philosophe allemand. Le Rationalisme nous paraîtra encore plus actuel si nous l'étudions en relation avec /'empirisme des uns et /'intuitionnisme des autres.

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Empirisme ou pragmatisme, les tenants de cette philosophie se sont toujours basés sur /'expérience. Mais, c'est l'évidence, pour que l'action y soit possible, il faut que le monde de l'expérience soit rationnel : il faut que la raison discursive y découvre les structures des objets d'expérience, c'est-à-dire leurs relations réelles. Il n'y a pas d'action sans méthode: sans logique. Dans un article intéressant, intitulé Idéologie et Expérience, Arthur Schlesinger écrit: «Les abstractions ne sont pas nécessairement à écarter. En fait, nous ne pourrions pas raisonner sans elles. » Et comment agir d'une façon efficace sans raisonner ?

Quant aux relations du rationalisme et de /'intuitionnisme, ce sera l'occasion, pour moi, d'essayer de montrer comment le rationalisme cartésien s'est enrichi de la pensée de Pascal, qui est, en réalité, une double symbiose de la théorie et de l'expérience, de la raison discursive et de la raison intuitive. Et cette symbiose est éminemment française, qui s'exprime, aujourd'hui, dans l'oeuvre de Pierre Teilhard de Chardin.

Pascal est, incontestablement, un rationaliste. Qu'il s'agisse des Provinciales ou des Pensées, ce qui frappe d'abord, c'est la force parce que la rigueur du raisonnement. S'agissant des Provinciales, leur originalité est, précisément, que, pour la première fois en Europe, dans une oeuvre destinée à un large public, on ne fasse appel qu'à la raison la plus commune: le bon sens. Quant à l'Apologie de la Religion chrétienne, elle est d'une logique serrée qui tend à démontrer que non seulement la religion n'est pas contraire, mais qu'elle est conforme à la raison : qu'elle est vraie.

Pourtant, l'originalité de Pascal n'est pas là. Elle est dans ceci, qu'il ne se contente pas de la théorie et de l'argument; il étaye son raisonnement par des faits. // ne se contente pas de l'expérience ; expérimente. Comme Descartes il commence par une oeuvre scientifique: non par la mathématique, qui fait comprendre l'univers, mais par la physique, qui le démontre par les faits. Dans les Pensées, les faits d'expérience, ce sont les faits historiques: les faits sociaux, comme nous disons aujourd'hui. Cependant Pascal est, également, /'homme de foi qui a, le plus vigoureusement au siècle de Descartes, assigné des limites à la raison discursive et fait appel à la foi, c'est-à-dire au coeur, à /'intuition ; « c'est le coeur qui sent Dieu, non la raison ». Je souligne le mot. Sentir, c'est le mot clef de l'épistémologie des peuples noirs : des peuples de raison intuitive. Sautons trois siècles d'histoire de France, trois siècles pendant lesquels les Français restent, malgré bien des brassages, métissages et influences, des rationalistes impénitents, qui défendront romantisme, symbolisme, surréalisme, en définitive /'intuition, à coups de raisonnement. Comme en témoignent les Manifestes d'André Breton, tout de passion, mais de passion lucide. Partant donc de Pascal, sautons trois siècles pour nous arrêter à Pierre Teilhard de Chardin. La comparaison n'est pas hasardeuse, elle est nécessaire. Ce sont même race celtique, même esprit scientifique, même foi ardente, même style. Mais de Pascal à Teilhard, le rationalisme français s'est élargi et approfondi grâce au progrès de la science, au développement subséquent de la technique et de l'industrie, à la multiplication des relations interraciales et inter-continentales. La synthèse s'est faite symbiose entre théorie et pratique, argumentation et expérimentation, raison discursive et raison intuitive ; bref, la logique analytique est devenue logique dialectique.

L'oeuvre de Pierre Teilhard de Chardin, qui marquera, de son sceau, le XXe siècle, est le signe le plus manifeste de cette révolution si nous partons de Descartes. Je préfère parler d'évolution en partant de Pascal. La juxtaposition de l'argument et de l'expérience, de la raison et du coeur chez Pascal est devenu, chez Teilhard, pour résumer, conjonction de la raison discursive et de la raison intuitive par-delà la dialectique marxiste. Mais distinguons le dialogue de la raison discursive avec elle-même de cet autre dialogue où elle s'est engagée avec la raison intuitive depuis la fin du XIXe siècle.

Au niveau de la seule rationalité, l'oeuvre de Teilhard repose sur les deux seuls critères irrécusables de la vérité: la cohérence théorique et la fécondité pratique. C'est une dialectique véritable parce que non trahie par le dogmatisme qui n'est qu'un retour à la linéarité de la logique classique. Toujours à ce niveau, cette logique dialectique s'appuie sur une science totale, en quoi elle achève d'être dialectique. Teilhard s'appuie non seulement sur les mathématiques comme Descartes, sur la physique comme Pascal, mais aussi sur les sciences naturelles et sociales comme Marx et Engels. Il fait encore mieux, qui intègre, dans sa recherche, la chimie et la biologie, voire la paléontologie et la préhistoire, qui sont, précisément, ses spécialités. Car Teilhard, comme Descartes et Pascal, est un savant avant que d'être un philosophe. Il le précise dans son ouvrage le plus important, le Phénomène humain, qu'il présente comme «un mémoire scientifique». «Rien que le Phénomène. Mais aussi tout le Phénomène », précise-t-il.

C'est ici que le rationalisme français se fait, à la fois, intégral et universel. Teilhard part, en effet, de «tout le phénomène»: d'une manière matérielle, et non métaphysique, d'une «manière totale», dont toutes les propriétés sensibles -- physiques et chimiques, mécaniques et biologiques -- sont examinées et mesurées avec les derniers instruments d'analyse scientifique. Eh bien, c'est au cours de cette analyse que le savant perçoit les traces de /'esprit. C'est alors que, dans une intuition géniale,

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Teilhard, faisant un retournement dialectique audacieux, introduit l'esprit comme hypothèse, non plus au bout, mais au début, au centre même de la matière, animant la matière d'une vie en expansion -- éternellement. L'intuition avait permis la synthèse scientifique, qui est d'une fécondité incommensurable puisqu'elle nous donne, au XXe siècle, la seule vision du monde qui nous permette de tout comprendre. Mais surtout de tout oser pour agir.

Découvrir l'esprit, c'est découvrir /'Homme sinon Dieu. Le titre du Phénomène humain est significatif. En Francophonie, il s'agit toujours de l'Homme : à sauver et à perfectionner, intellectuellement avec Descartes, moralement avec Pascal, intégralement avec Teilhard.

On m'objectera, à propos de ce dernier: il s'agit toujours d'un théoricien. Je réponds: il s'agit d'un savant. Doublé d'un philosophe, qui a révolutionné jusqu'à l'économie. On ne se moque plus de l'économie française; on parle du miracle du Plan français. Pourtant la planification française répugne à /'économétrie pour intégrer I'humanisme. Économie et Humanisme, c'est le mouvement économique français du regretté Père Lebret, qui a pour ambition de réaliser, non seulement par la «croissance économique», mais par le développement intégral, le plus-être que Pierre Teilhard de Chardin assigne à l'Homme comme fin.

Je vais conclure. Encore une fois, si comme complément et accomplissement de Descartes, j'ai choisi Pascal et Teilhard de Chardin, I ce n'est pas hasard. J'ai choisi deux Auvergnats, qui ont gardé, Il sinon le sang, du moins le tempérament des Celtes. J'ai défini, il j y a quelques années, la culture française comme la greffe du génie I latin sur le génie celtique; de la clarté méditerranéenne sur la I passion alpine. J'ai été frappé, l'autre année, en visitant /'Exposition d'Art gaulois, des affinités de cet art et de l'Art nègre. Comment expliquer S cette ressemblance si ce n'est par le substrat passionnel de la raison intuitive ? J'ai fait ce jour-là deux découvertes. La première S est que, si les Gaulois ne sont pas nos « ancêtres », à nous, les S Nègres, ils sont nos cousins. La deuxième est que, comme eux, I nous pouvons, au «rendez-vous du donner et du recevoir» que I constitue la Francophonie, rendre, au génie méditerranéen, une partie au moins de ce qu'il nous a donné.

La Francophonie ne sera pas, ne sera plus enfermée dans les limites de l'Hexagone. Car nous ne sommes plus des « colonies » ; des filles mineures qui réclament une part de l'Héritage. Nous sommes devenus des États indépendants, des personnes majeures, qui exigent leur part de responsabilités : pour fortifier la Communauté en l'agrandissant.

Je n'entrerai pas dans les détails de l'organisation de la Francophonie. Les États membres en décideront dans une libre confrontation. L'essentiel est que la France accepte de décoloniser culturellement et qu'ensemble nous travaillions à la Défense et expansion de la langue française comme nous avons travaillé à son illustration. Et elle l'accepte si elle n'en a pas pris l'initiative. Je sais combien cet éloge est au-dessous de son objet. Mon excuse est que notre attachement à la langue et à la culture française est au-dessus de tout éloge.

LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR
Pour un humanisme de la francophonie

Les difficultés avec lesquelles sont confrontés les gouvernements et leurs peuples -- je l'ai souvent dit, ces dernières années, en sentant

venir la crise actuelle -- sont moins d'ordre économique que politique, et moins d'ordre politique que culturel. Il s'agit d'une crise de civilisation. Et ce n'est pas hasard si, le 15 novembre dernier, l'éditorialiste du Monde, parlant du succès de M. Yasser Arafat à l'ONU, commençait ainsi : « L'événement montre à quel point les différends tenant à la race, aux nationalités et aux religions transcendent, en quelque sorte, les querelles politiques. » J'aurais entièrement souscrit à ces lignes si l'on avait terminé l'énumération par la culture, en y mettant l'accent.

Qu'est-ce donc que la francophonie ?

Nombre d'esprits distingués ont trouvé le mot laid. S'il s'est maintenu, c'est qu'il s'était imposé par sa nécessité.

Il a été, d'abord, très régulièrement formé, avec le suffixe -ie, pour désigner une collection : l'ensemble des pays où l'on parle français, c'est-à-dire une des grandes réalités du monde contemporain, à côté des mondes anglophone, russophone, sinophone, lusophone, hispanophone.

Examinons de plus près cette réalité, en partant de l'extérieur. À l'ONU, par exemple, cette année, c'est quelque trente délégations, sur cent trente-huit, qui s'expriment en français. Et l'accession à l'indépendance des anciennes colonies portugaises, comme des Comores et des îles Seychelles, va en

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augmenter le nombre. L'ambassadeur d'une démocratie populaire m'en faisait la remarque, le phénomène n'a pas été sans aider au maintien, voire à la diffusion du français dans le monde.

Mais que représentent, réellement, ces chiffres si l'on descend des gouvernements et des élites aux peuples qui sont concernés ? Je parle des pays qui composent la francophonie. En Europe ils sont quatre, vingt-six en Afrique, cinq en Amérique, sept en Asie. Si l'on y comprend les peuples de la péninsule indochinoise, le français est, aujourd'hui, la langue d'avenir de quelque 231 millions de francophones en puissance, répandus sur les cinq continents.

Mais que signifient « francophones en puissance » et « langue d'avenir » ? Cela signifie qu'actuellement seuls quelque 75 millions d'hommes ont le français, ou un patois français, comme langue maternelle. Cela signifie surtout que, pour la majorité des autres, le français est une langue officielle, une langue d'usage ou une langue de communication internationale, je veux dire une langue de travail. L'enjeu est de faire de cette dernière langue, de scientifique qu'elle est, une langue d'expression : une

langue du coeur, mais aussi une langue littéraire, qui exprime l'âme intégralement. Du moins, pour les 231 millions de francophones en puissance.

La francophonie ainsi présentée dans ses dimensions géographiques et humaines, nous devons évoquer le lien qui unit ces quarante-deux pays : la langue française. Mais il est moins question de cette langue que de la civilisation dont elle est le véhicule, plus exactement de son

esprit : de la culture française. Cependant, s'il n'était question que de cela, comment pourrions-nous l'accepter sans renoncer à notre identité, nous Négro-Africains, nous Arabo-Berbères, Indochinois, Papous et Polynésiens, voire nous Belges, Suisses, Canadiens ? Si nous acceptons comme objectif majeur de la francophonie la défense et réalisation de la francité, c'est qu'elle est liée, dans notre esprit, comme dans la réalité historique, à la défense et réalisation de nos cultures respectives.

Il nous faut nous arrêter à ces cultures diverses, mais complémentaires, avant d'examiner par quels moyens nous devrons les défendre et les réaliser. Et d'abord la francité. Je m'étonne que le mot soit, aujourd'hui, moins employé que celui de francophonie. En effet, comme l'a dit Maurice Piron dans une communication de 1970 intitulée Francophonie et francité, le dernier mot daterait de 1943 tandis que le premier serait de 1962. C'est encore très régulièrement que le mot francité a été forgé avec le suffixe - ité, qui provient du latin -itas. Comme le note une étude de l'université de Strasbourg que m'a envoyée, en son temps, le professeur Robert Schilling, le suffixe, qui est très productif, « sert à former des substantifs exprimant une qualité désignée par l'adjectif de base ». Je préciserai : « une qualité » ou « des qualités ». La francité, c'est donc l'ensemble des qualités exprimées par la langue et, d'une façon plus générale, par la culture française. On aurait pu tout aussi bien dire « francitude », comme nous disons négritude ; mais, précisait Robert Schilling, le suffixe -itude introduit une nuance moins abstraite. Et cela justifie le choix d'Aimé Césaire, qui, en forgeant le mot, préféra « négritude» à « négrité ».

Dans une conférence intitulée Anglophonie et Francophonie, que j'ai prononcée, le 26 octobre 1973 à l'université d'Oxford, j'ai essayé de définir, face à l'anglais, les vertus de la langue et de la culture françaises. Je me contenterai de résumer mes propos d'alors. Si tous -- Français, francophones, étrangers -- sont d'accord pour reconnaître dans la clarté la principale vertu de la langue française, ils divergent sur les causes de cette clarté. D'aucuns, à commencer par Rivarol, invoquent le style direct », d'autres la « précision » du vocabulaire, d'autres encore la « ponctuation ». Souvent les mêmes personnes avancent les mêmes arguments. Et ils n'ont pas tort. À Oxford, j'ai développé cette idée que la clarté du français, langue intelligente s'il en fut, lui venait, essentiellement, de son abstraction. Rappelons, avant d'aller plus avant, la définition que le Robert donne du mot : « Fait de considérer à part un élément (qualité ou relation) d'une représentation ou d'une notion, en portant spécialement l'attention sur lui et en négligeant les autres. » On ne saurait mieux dire, sauf qu'on peut abstraire non pas une seule qualité, mais quelques qualités, en nombre toujours limité. La première preuve de l'abstraction du français est non pas précisément la pauvreté, mais la richesse tempérée de son vocabulaire, qui est d'environ 93 000 mots en face des 347 720 mots de l'anglais. C'est ainsi que le français est l'une des plus pauvres des langues romanes : parce qu'issu du latin, qui était pauvre, il a reçu moins d'apports exotiques que ses voisines ibériques.

Il est, cependant, l'une des langues les plus précises qui soient. C'est d'abord que l'abstrait, étant plus pauvre en qualités, est plus intelligible que le concret. C'est aussi que le français, grâce à l'abondance de ces gonds de la pensée que sont les conjonctions de subordination, insiste sur les relations des êtres et des choses plus que sur leurs qualités sensibles. C'est encore que le français est pourvu d'une grande variété de préfixes et de suffixes, qui lui permet de former des familles de mots parfois très étendues, mais surtout que ces affixes, parce que venus, pour la plupart, du latin ou du grec, sont, par là, plus intelligibles, même aux non-francophones pourvu qu'ils aient une culture générale. C'est, enfin, que le français, peu sensible aux aspects de l'action verbale qui soulignent ses

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modalités concrètes, a préféré multiplier les temps, qui marquent les relations temporelles, donc de causalité et, partant, d'intelligibilité.

Je pourrais continuer l'énumération. Je m'en tiendrai là pour en tirer une première conclusion. Langue d'intelligence grâce à sa clarté et à l'équilibre de sa phrase qui met toute chose à sa place, le français est une langue tonique. C'est ce que je disais, à Oxford, en ces termes : « Et pourtant, au risque de paraître paradoxal, j'avancerai que ce qui me frappe, dans le français, c'est moins la clarté que l'équilibre de la langue. Je ne l'ai jamais autant senti que pendant ma captivité. Fait prisonnier de guerre le 20 juin 1940, je vous laisse à deviner quel devait être mon moral pendant ce sinistre été. Eh bien, mon plus grand réconfort, je l'ai trouvé dans la lecture des prosateurs français -- pas des poètes. Je parle de Bossuet et Pascal, Stendhal et Flaubert, Gide et Colette. Cela me remettait dans mon assiette.

»

Le français est aussi, quoi qu'on en ait dit, une langue poétique. Bien sûr, il n'a pas les ressources phonologiques de l'allemand ni surtout de l'anglais, mais l'absence des laryngales, la richesse moyenne du vocalisme, la présence dans celui-ci de Vu, de Ye muet et des nasales, en font une langue harmonieuse. C'est cela surtout qui me frappait, à sept ans, quand j'ai commencé de l'apprendre, et le mangeais, délicieusement, comme une confiture.

En combinant toutes ces ressources dans une symbiose du concret et de l'abstrait, du populaire et du précieux, en mêlant l'inversion et la rupture de construction, la simple nomination et l'image, l'assonance et l'allitération, les grands poètes français du xx° siècle -- un Claudel, un Péguy, un Saint-John Perse -- ont porté la poésie française au niveau des plus grandes poésies du monde et des temps, sans lui faire perdre son équilibre.

C'est cet équilibre qui résume les vertus de la francité : entre la chair et l'intelligence, le coeur et l'esprit. Descartes le disait déjà, notre raison, qui est la marque propre de l'homme, se compose du « penser », du « vouloir » et du « sentir ». Au moment que les passions, mais surtout les appétits collectifs, se déchaînent, que les sciences et les techniques se mettent à leur service au lieu de les freiner, risquant, par là même, de nous conduire à la catastrophe finale, jamais ces vertus que voilà de la francité n'ont été si nécessaires au monde.

Mais aussi les vertus des autres civilisations différentes : pour réaliser, au niveau de l'universel, un équilibre supérieur. D'autres pourraient parler avec pertinence des apports arabes, indiens, indochinois à la civilisation de l'universel. Je pourrais moi-même décrire longuement les apports de la civilisation négro-africaine, puisque je suis négro-africain et que l'Afrique noire francophone comprend quelque 80 millions d'âmes. Je me résumerai, ici encore, en renvoyant aux travaux des africanistes, des « négrologues » comme disent nos jeunes gens, que furent, en France, Maurice Delafosse, Marcel Griaule et Lilias Homburger, que sont, aujourd'hui, des professeurs comme Georges Balandier, Louis-Vincent Thomas, Dominique Zahan et une cohorte de chercheurs, pour ne pas les citer tous. Que, depuis cent ans, les Négro-Africains aient beaucoup apporté à la civilisation humaine, c'est l'évidence, comme l'ont montré, outre les négrologues, les écrivains, mais surtout les artistes et critiques de l'Ecole de Paris. Parmi les apports culturels, ceux de l'art nègre sont les plus connus. La « révolution nègre », pour parler comme Emmanuel Berl, n'a pas exercé son influence seulement sur les arts plastiques, mais encore sur la musique, le chant et la danse, voire sur les moeurs. Hermann von Keyserling le faisait remarquer, les Américains chantent et dansent, marchent et rient maintenant comme les Nègres. Et le monde est en train de s'américaniser. Pour son mal et son bien en même temps.

En attendant, les apports nègres à l'art universel se sont révélés fécondants, en développant chez l'artiste et l'écrivain le sens de l'image analogique et d'un rythme dynamique parce que vital, fondé qu'il est sur des parallélismes asymétriques. Cependant, si la contribution négro-africaine est telle -- souvent, au demeurant, par le détour des Amériques -- c'est que, derrière ces apports artistiques et littéraires, il y a avec une philosophie tout un art de vivre. C'est cette philosophie et cet art de vivre que nos jeunes chercheurs sont en train de définir en coopération avec les négrologues français. On peut dès maintenant en tracer les valeurs, qui se résument dans l'unité des contraires. C'est l'opposition et en même temps la complémentarité par symbiose du monde visible et du monde invisible, de l'un et du multiple, de la matière et de l'esprit, de la vie et de la mort, comme du mâle et de la femelle. D'un mot, la pensée négro-africaine est dialectique comme la réalité avec laquelle elle se confronte.

Ce qui explique son art de vivre dans une société où l'individu s'intègre dans la communauté, l'art dans la religion, la religion dans l'appréhension d'un Dieu saisi aux dimensions de l'univers, c'est-à-dire dans l'intégration de l'homme à Dieu. Et réciproquement, car, pour prendre ce dernier exemple, Dieu dépend aussi de nous, qui le faisons plus Dieu en l'humanisant. D'où une société où la vérité est dans le dialogue, la prospérité dans le travail communautaire, la beauté dans les formes accordées.

J'évoque une négritude, comme je l'ai fait de la francité, ramenée à ses valeurs essentielles. Bien sûr, je n'ai pas la naïveté de croire que ces deux cultures sont parfaites : l'une et l'autre ont leurs défauts et leurs lacunes. Il en serait ainsi si, restant dans la francophonie, l'on avait parlé de l'arabité ou de

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Yindo-sinité. À la réflexion, toute culture contient l'ensemble des valeurs humaines, mais chacune n'a mis l'accent que sur telles valeurs, en négligeant les autres. D'où, à la longue, une distorsion du visage humain sur chaque faciès de la civilisation humaine. D'où encore la nécessité, pour chaque culture, de se ré-humaniser en empruntant tel trait, presque effacé chez elle, du visage humain. D'où, enfin, la nécessité d'élaborer, s'étendant sur les cinq continents, une symbiose culturelle comme celle de la francophonie, qui est d'autant plus humaine, parce que d'autant plus riche, qu'elle unit les valeurs les plus opposées.

La francophonie s'incarne donc dans l'ensemble des pays qui ont la langue française comme instrument de communication et d'échanges non seulement économiques, mais surtout socio-culturels. Et c'est un fait que, dans ces échanges, les cultures du tiers monde ne viennent pas les mains vides. Il reste que cette francophonie ne serait pas réelle si elle n'était pas subjectivement sentie comme telle. Or elle l'est, et plus longtemps et plus vigoureusement qu'on ne le croit. Déjà, le 15 avril 1789, dans les Très humbles Doléances et Remontrances des habitons (sic) du Sénégal aux citoyens français tenant les états généraux, des Négro-Africains se proclamaient, sans complexe, « Nègres » et « Français ». Nous disons aujourd'hui francophones. L'idée est la même : au-delà d'un possible métissage biologique -- qui était réel à Gorée et Saint-Louis du Sénégal, mais là n'est pas l'important --, il est question essentiellement d'un métissage culturel. C'est ce sentiment communautaire qui prévaut dans toutes les rencontres francophones -- congrès, conférences, colloques, séminaires, biennales --, et qui a tout simplement explosé cette année à la « Superfrancofête » des jeunes à Québec.

Il y a aujourd'hui toute une littérature sur la francophonie, dont je ne citerai ici que trois ouvrages parmi ceux qui m'ont paru les plus importants-: la Francophonie par M. Auguste Viatte, la Francophonie en marche par M. H. de Montera et la Francophonie en péril par M. Gérard Tougas. Il y a surtout de nombreuses associations, dont l'objet est de réunir, sur les cinq continents, les francophones d'une même profession -- parlementaires, médecins, juristes, etc. --, mais le but réel de défendre, avec la langue, la culture française. Les plus actives et les plus significatives de ces associations sont la Fédération du français universel, qui groupe une quinzaine d'organismes, et le Conseil international de la langue française. Je voudrais m'arrêter à celui-ci, non parce que j'en suis membre, mais qu'il me permettra de poser, par-delà la défense de la langue française, le problème de l'humanisme contemporain. Le Conseil international de la langue française, fondé en 1967 à l'initiative du président Georges Pompidou, alors premier ministre, « a pour but la sauvegarde et l'unité de la langue française dans le monde. Il rassemble, à cet effet! des linguistes, des grammairiens, des chroniqueurs de langage et, d'une manière générale, les défenseurs du français, à l'oeuvre dans les divers Etats où le français est langue nationale, officielle, de culture, de travail ou d'usage ». Ainsi parle l'article premier des statuts du C.I.L.F. C'est dire ses ambitions, mais aussi ses limites, car il ne s'agit, ici, que de la seule langue française. Ces limites, le Conseil les a senties, qui envisage d'organiser, en 1976, un colloque sur les « Relations entre la langue française et les langues africaines ». Anticipons donc sur ce futur colloque pour poser le problème globalement.

On a mis l'accent sur le renouvellement et l'enrichissement de la langue. A juste titre. C'est une singularité de ce temps, si fertile en paradoxes, que la langue la plus claire et la plus précise, la plus scientifique, ait pu sembler incapable de traduire la science moderne. Faute d'un vocabulaire approprié. Un chef d'État africain me disait, l'autre année, la consternation de chercheurs de son pays découvrant, dans un laboratoire du C.N.R.S., que la liste des mots scientifiques appropriés était dressée en anglais. Je donne l'information pour ce qu'elle vaut, avec cette précision qu'en Afrique les mots ont un pouvoir.

C'est encore dans le domaine du vocabulaire que la Fédération, le Conseil, et l'Académie, avec qui il nous faut compter, ont fait le travail le plus efficace. Je voudrais seulement insister sur cette idée, chère au regretté Robert Le Bidois, que les pires ennemis du français ne sont pas forcément les mots venus de l'anglais, mais ceux-là, quelle que soit leur origine, dont la forme ne permet pas de créer, au moyen d'affixes, une famille de mots aux sonorités françaises parce que familières. Cette dernière exigence ne doit pas s'appliquer seulement aux mots scientifiques et techniques, notamment à ceux traduits de l'anglais. Nous, les francophones d'au-delà l'Hexagone, nous devons être tout aussi sévères pour les néologismes que nous sommes amenés à inventer. À l'intérieur des limites ainsi tracées, notre liberté doit être réelle, car nos besoins sont réels, de forger, quand la nécessité s'en fait sentir, des mots nouveaux, voire des expressions nouvelles, pour exprimer des faits et des réalités nouvelles. C'est ainsi qu'au Sénégal nous avons, pour les besoins de notre administration, créé des mots comme primature, primatorial, gouvernance, et qu'à côté des harpistes, guitaristes et pianistes de France, nous avons nos koristes, khalamistes et balafongistes. Cependant toute la grammaire ne se réduit pas à la lexicologie, loin de là, surtout dans l'enseignement des premier et second degrés, qui doivent en priorité retenir notre attention si nous voulons édifier, sur des bases solides, un humanisme de la francophonie. Dans le laxisme général qui sévit actuellement, les enseignants ont tendance à sacrifier l'étude raisonnée de la grammaire à la méthode audio-visuelle, qui favorise intuition et spontanéité. Le mal s'est répandu en

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larges flots au delà de l'Hexagone, où les commissions de réforme nous ont proposé 1'« essai littéraire » de préférence à l'analyse de texte et à la dissertation d'autrefois. Et il a inondé jusqu'aux ministères et aux palais présidentiels. Il m'arrive souvent de relire une page d'un rapport pour en comprendre le sens.

Le grave n'est pas, en effet, dans les fautes de syntaxe, surtout si elles n'obscurcissent pas le sens de la phrase ; il est dans cette fausse élégance où l'on abuse des clichés à la mode, souvent formés de manière irrationnelle. Les Anglais eux-mêmes la dénoncent sous le nom de genteelism. Comme le français n'est pas notre langue maternelle et que, partant, nous n'en avons pas l'intuition, l'on en arrive parfois, en Afrique et en Asie, à dire le contraire de ce qu'on voudrait.

Que l'Europe, après deux mille ans de corset rationaliste, s'ouvre à la spontanéité, sinon au spontanéisme, rien de plus naturel, voire de plus nécessaire. Mais nous, qui vivons sur la terre de l'intuition, de l'émotion, si nous voulons éduquer nos enfants au sens étymologique du mot, il nous faut chercher une autre voie. Il nous faut, après les moiteurs et torpeurs de l'hivernage, les ouvrir à la fraîcheur des alizés : à la règle et au compas, à l'esprit d'organisation et de méthode. Je suis d'autant plus libre de l'écrire qu'avec les philosophes grecs, qui ont fondé le rationalisme européen, je crois la raison intuitive supérieure à la raison discursive. Or donc au Sénégal -- ce n'est qu'un exemple parmi d'autres --, nous avons réagi : des instructions ont été données et une commission ministérielle travaille, en ce moment même, à amender, avec les manuels, les programmes du français pour l'enseignement du second degré. La très grande majorité de nos enfants étant destinés à exercer non pas des carrières littéraires ou artistiques, mats des activités de recherche ou de production, on commencera par favoriser l'étude de la grammaire. Dans cette perspective, on mettra l'accent dans le premier cycle sur la lexicologie, la morphologie et la syntaxe, tandis que dans le second on le fera sur la syntaxe de nouveau et sur la stylistique. Encore une fois, dans ce monde livré aux appétits collectifs, et qui vacille sur la faiblesse de ses jambes, ce dont ont besoin les générations futures, c'est de savoir penser réellement, en intégrant la logique dans la dialectique de la vie ; c'est aussi de savoir s'exprimer clairement, en mettant tout fait et toute idée à sa place : en équilibre. Alors elles pourront vouloir refaire le monde. Pour l'homme. Mais elles ne le pourront pas dans les limites étroites de l'Europe.

Pour élaborer un « humanisme intégral », tel que le voulait Jacques Maritain, il faut comprendre toute notre planète, avec ses cinq continents, ses ethnies et ses civilisations différentes. C'est une chance qu'après les soldats, les colons, les missionnaires, l'Université française ait, à son tour, exploré les continents et les civilisations pour en extraire les « substantifiques moelles ». C'est avec toutes celles-ci, rassemblées et harmonieusement mêlées, que nous pourrons élaborer un humanisme intégral. À quoi doit tendre le grand dessein de la francophonie. Notre chance, c'est que l'Université, du moins la pensée française, ait commencé l'entreprise depuis le XVII e siècle : depuis Montesquieu et l'abbé Grégoire. Et l'on compte, au XX e siècle, nombre de Français parmi les plus grands spécialistes des civilisations non européennes. J'ai cité quelques négrologues. Pour continuer d'employer le même vocabulaire, je citerai maintenant, parmi les arabologues, Massignon, Blachère, Pérès, Laoust, Berque et Monteil ; parmi les sinologues et indianologues, Maspero et Granet, Grousset, Renou et Lévi. Naturellement, j'en passe, et d'éminents. Ce sont ces humanistes, puisqu'il faut les appeler par leur nom, qui nous ont aidés à mieux connaître nos langues et civilisations différentes. Je ne dirai jamais assez, par exemple, ce que je dois à Lilias Homburger, qui enseignait à l'Ecole pratique des hautes études. C'est grâce à elle que nous nous sommes, aujourd'hui, engagés dans l'étude comparée des langues négro-africaines et dravidiennes, qui se révèle particulièrement féconde. Cependant, il ne faut pas se le cacher, l'ethnologie et, plus généralement, la science française des civilisations sont menacées. Après les indépendances africaines de 1960, l'opinion publique française s'est, peu ou prou, désintéressée des autres, et surtout de l'Afrique. On s'est replié sur l'Europe ou, au mieux, sur l'Euramérique, tandis que l'Amérique, elle, s'intéressait de plus en plus à l'Afrique. Presque toutes les grandes universités américaines ont chacune son African Studies Center, où l'on enseigne la négritude dans ses versions française et anglaise aussi bien qu'africaine. J'ai interrogé le conservateur en chef des Archives nationales du Sénégal. Il m'a répondu que la moitié des chercheurs qui venaient y travailler étaient américains. Et de fait, chaque année, les ouvrages sur l'Afrique publiés par les universités américaines sont de plus en plus nombreux et meilleurs.

Évidemment, nous nous en réjouissons tout en regrettant la baisse des études africaines, asiatiques, amérindiennes et océaniennes en France. J'ai, en son temps, saisi les autorités françaises du problème, qui m'ont écouté, je le reconnais, avec intérêt. Il s'agit essentiellement dans le cadre de la francophonie de développer, en France même, les études que voilà. Ce n'est pas seulement une question budgétaire, encore que celle-ci soit primordiale ; c'est aussi une question d'organisation et de coordination de toutes ces études. Pourquoi n'organiserait-on pas, par exemple, des séminaires et colloques sur les langues et civilisations ultramarines, comme en a organisé le Centre d'études francophones de l'université de

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Paris-Nord sur les littératures nègres d'expression française ? C'est une question de volonté politique. Pas au sens de la politique politicienne, bien sûr, mais de la politique culturelle.

Nous sommes en pleine crise mondiale. Je l'ai souvent dit depuis un an, et même avant, derrière la crise économique il y a une crise morale. En effet, dans la crise économique qui menace de nous entraîner, tous ensemble, vers une troisième guerre mondiale, ce qui est en question, ce ne sont pas des techniques, ni même des théories économiques, mais un problème de justice sociale, c'est-à-dire un problème de civilisation et, partant, de culture. Il s'ensuit qu'en définitive les solutions ne peuvent être que culturelles.

Vouloir la justice pour les autres, c'est, auparavant, penser dans les pensées des autres pour s'identifier aux autres. Ce qui est un moyen efficace de connaissance réciproque. Ce sont les guerres de culture qui provoquent les guerres économiques, qui, à leur tour, provoquent les guerres d'autodestruction humaine.

Un humanisme comme celui de la francophonie est encore le meilleur moyen de combattre celles-ci en s'enrichissant mutuellement. Dans notre cas, il s'agit d'enrichir un humanisme déjà riche et qui provient lui-même d'une «greffe», comme l'écrivait Paul Valéry dans Images de la France.

Il n'y a rien de moins aristocratique que cet idéal d'homme complet, puisque au fond il est celui de toutes les civilisations des hautes époques, parvenues à la conscience de leur rôle. Et d'abord de la Grèce ancienne, à laquelle il faut toujours revenir. Comme on le sait, beaucoup des héros mythiques qui fondèrent ses cités venaient, significativement, d'Afrique ou d'Asie, comme Danaos et Cadmos. C'est Herbert Morrison, alors ministre des Affaires étrangères, qui proclamait, à l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe, que la civilisation britannique était une civilisation de métissage. Et encore plus, ajouterai-je, celle du Commonwealth. C'est pourquoi je ne vois pas une ennemie dans l'anglophonie, mais une culture complémentaire de la francophonie. Il s'agit, ici et là, dans une même émulation, comme je l'ai dit à Oxford, de proposer un idéal d'homme à la civilisation de l'universel. Nous pensons, simplement, que le nôtre est plus complet.

Dans le dernier chapitre de son livre, chapitre intitulé They know how to live, Gérard Tougas parle de « cette alliance du goût, de la sensibilité et de l'intelligence qui résume les manifestations les plus hautes de l'art français ». Il s'agit, dans la nouvelle entreprise de la francophonie, d'allier le goût à la force, la sensibilité à l'émotion, l'intelligence à l'intuition. Pour être, encore une fois, un homme ultra-humain parce qu'intégralement humain.

LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR

de l'Institut

Contributions de Léopold Sédar Senghor à la revue
DE LA FRANCOPHONIE
Léopold Sédar Senghor
Éthiopiques. Spécial centenaire.
Contributions de Léopold Sédar Senghor à la revue 1er semestre 2006

DE LA FRANCOPHONIE [1]

Je suis heureux de me retrouver, une fois de plus, au Québec. Et j'ai la chance d'avoir été invité, de nouveau, par l'Université Laval et pour vous parler de la Francophonie. J'en suis, d'autant plus heureux que, Vice-président du Haut Conseil de la Francophonie, c'est également l'occasion, pour moi, de participer, comme conseiller, au Second Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Last but not least, comme disent vos compatriotes anglophones, j'arrive de Normandie, où j'ai laissé ma femme, une Normande de vieille souche. Et à vous entendre, avec vos noms et votre accent normands, j'ai un peu l'impression d'être chez moi.

Or donc, je vais vous entretenir de la Francophonie, mais surtout, de la Francité. Et pourtant, c'était l'objet de mon discours quand, le 22 septembre 1966, vous m'avez fait Docteur honoris causa de votre Université. C'est qu'avec le Second Sommet, nous sommes non seulement au coeur du problème, mais encore à la dernière étape, majeure, où il faut réussir ou renoncer. Et vous savez bien que renoncer en succombant n'est pas français, non plus que québécois. Et vous l'avez prouvé. C'est l'occasion, pour moi, de rendre l'hommage qu'ils méritent aux premiers québécois, singulièrement à René Levesque et Pierre Eliott Trudeau, avec lesquels j'ai discuté, en son temps, du problème. Je n'oublierai pas Jean Lesage ni Jean-Marc Léger, non plus que Jean Drapeau, qui fut maire de Montréal, sans oublier le

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Premier Ministre actuel Brian Mulroney. C'est que nous avons reçu celui-ci à l'Académie française. En sa présence, nous avons introduit, dans le Dictionnaire, le mot canadien « foresterie », que j'ai défini. Et le Premier Ministre canadien, qui est d'origine celtique, vous le savez, comme « nos Ancêtres les Gaulois », a créé le « Grand Prix de la Francophonie ».

Cela dit en manière d'introduction j'aborderai le problème de la Francophonie en faisant, pas trop longuement, son historique ou, plus précisément, sa préhistoire.

Ce n'est pas hasard, si nous avons été les deux premiers, un Canadien et le Sénégalais que je suis, à lancer le néologisme de francité. Il est vrai que, depuis quelque 100 ans, Onésime Reclus, un géographe français, avait inventé les deux mots de « francophone » et « francophonie ».

* *

*

On a souvent contesté, et la formation, et la signification des deux derniers mots. A tort. En effet, comme le disait mon maître Ferdinand Brunot, l'un des fondateurs de la Grammaire moderne, la loi fondamentale de la Grammaire n'est pas la rationalité cartésienne, mais l'analogie. D'où il résulte qu'aujourd'hui, et pour les lecteurs francophones, la Francophonie peut signifier :

- l'ensemble des Etats, des pays et des régions qui emploient le français comme langue nationale, langue de communication internationale, langue de travail ou langue de culture ;

- l'ensemble des personnes qui emploient le français dans les différentes fonctions que voilà ;

- la communauté d'esprit qui résulte de ces différents emplois.

Quant à la francité, on peut la définir comme l'ensemble des valeurs de la langue et de la culture, partant, de la civilisation française. Nous y reviendrons quand nous la comparerons à la négritude. Mais pourquoi, me demandera-t-on, dire « francité », comme « latinité », « germanité », « arabité » et non pas « francitude » comme « négritude », « berbéritude », « slavitude », « sinitude ». Qu'on se rassure. Ce n'est pas une question de supériorité ni d'infériorité, mais de civilisation différente. Ce n'est surtout pas un auto-mépris culturel chez les militants de la Négritude que nous étions dans les années 1930, que nous sommes toujours, Aimé Césaire et moi. C'est simplement que les mots en-itude ont un sens plus concret ou, ad libitum, moins abstrait que les mots en -ité, comme l'a prouvé un mémoire de diplôme d'études supérieures soutenu à l'Université de Strasbourg.

Je ne voudrais pas faire, ici, encore une fois, tout l'historique de la Francophonie. Vous le trouverez dans l'ouvrage, remarquable, du professeur Michel Tétu, intitulé « La Francophonie » et que je viens précisément de préfacer. Je voudrais rappeler, simplement, que nous avons été trois Africains, Habib Bourguiba, Hamani Diori et moi, à lancer, plus que le mot, l'idée de Francophonie. On oublie, trop souvent, le rôle, majeur, que joua le Général de Gaulle dans la naissance et l'organisation de la Francophonie. Il est vrai qu'homme de culture et de courtoisie, homme de pudeur par excellence, Charles de Gaulle voulut, toujours, laisser les Africains prendre les initiatives, après Brazzaville.

Or donc, après l'échec de Dakar, où le Gouverneur général Boisson avait refusé de le suivre dans la Résistance, en septembre 1940, le Général de Gaulle fut plus heureux, quatre ans après, à la Conférence de Brazzaville, en janvier 1944, où il prononça son fameux discours, dont voici l'essentiel :

« Mais en Afrique française comme dans tous les autres territoires où des hommes vivent sous notre drapeau, il n'y aurait aucun progrès si les hommes, sur leur terre natale, n'en profitaient pas moralement et matériellement, s'ils ne pouvaient s'élever, peu à peu, jusqu'au niveau où ils seront capables de participer, chez eux, à la gestion de leurs propres affaires. C'est le devoir de la France de faire en sorte qu'il en soit ainsi ».

C'est clair. C'est donc en janvier 1944, et par la volonté de Charles de Gaulle, que survint non seulement l'idée, mais surtout la volonté, de la Francophonie. Qu'on relise seulement la fameuse phrase. De Gaulle aurait pu dire : « Où ils seraient capables ». Il a préféré employer le futur de l'indicatif pour bien marquer la possibilité, mieux, la certitude de la Francophonie. C'est ainsi du moins que nous l'avions compris, Bourguiba, Diori et moi. Et nous avons agi dans ce sens.

Après de Gaulle, j'arriverai à Hamani Diori, l'ancien Président de la République du Niger, dont on ne parle pas assez dans l'historique de la Francophonie, comme je l'ai dit au professeur Tétu. Pour mieux faire comprendre son rôle, récapitulons les étapes qui, depuis le Discours de Brazzaville, marquent la marche, avec la France, des anciens peuples colonisés vers la Francophonie. Ce fut, d'abord, l'Union française, en 1946, à laquelle succède la Communauté, en 1958. Puis, au début de la décennie des indépendances, en 1961, fut créée, entre États africains, l'Union africaine et malgache (UAM), à laquelle succéda l'Organisation commune africaine et malgache (OCAM).

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C'est ici que, parmi d'autres étapes, vers la Francophonie, se distingua tout particulièrement Hamani Diori. C'était en mars 1968. C'est alors que l'OCAM, sous la Présidence d'Hamani Diori, conçut le projet d'une Agence de Coopération culturelle et technique, qui réunirait « les États utilisant la langue française ». Il s'agissait, grâce à cette agence, de « compléter et diversifier la coopération existante et non pas de la remettre en cause ». C'est pourquoi Hamani Diori adressa, entre autres, au Premier Ministre du Québec, Jean Jacques Bertrand, une invitation, qui suggérait l'envoi, à Niamey, du Ministre de l'Éducation nationale du Québec. L'initiative d'Hamani Diori est d'autant plus importante que la culture reste le problème essentiel de la Francophonie, comme nous allons le voir.

Quant au Président Habib Bourguiba, homme de culture à la tête du pays maghrébin le plus moderne, le plus francophone, il était tout désigné pour jouer un rôle de premier plan dans la naissance de la Francophonie, comme auparavant, dans le mouvement des indépendances. Il restera, avec le Roi Hassan II, le chef d'État arabe qui a le mieux compris la valeur du métissage culturel que la Francophonie nous permettrait de réaliser. C'est ainsi que, pèlerin de la Francophonie, il déclarait, en 1968, à Montréal : « Nous avons conscience, non seulement d'avoir enrichi notre culture nationale, mais de l'avoir orientée, de lui avoir conféré une marque spécifique que rien ne pourra plus effacer. Nous avons conscience d'avoir pu forger une mentalité moderne ».

On s'étonnera, sans doute, que le militant de la Négritude, que j'ai été au Quartier latin, soit tombé, par la suite, dans la Francophonie. Pourtant, j'ai souvent signalé le fait. En même temps que certains militants, comme Césaire et moi, suivaient des cours de français, latin et grec à la Sorbonne, Léon Damas et encore moi nous intéressions à ce que nous appelions « les Humanités négro-africaines ». C'est que nous étions, déjà, pour le métissage culturel, l'essentiel étant qu'il fallait, d'abord, s'enraciner dans les vertus de la Négritude avant de s'ouvrir aux apports fécondants des autres civilisations, singulièrement de la civilisation française. Lecteurs assidus des écrivains et théoriciens négro-américains, sans oublier les Antillais, nous rappelions, souvent, cette phrase du poète Claude Mac Kay : « Plonger jusqu'aux racines de notre race et bâtir sur notre propre fonds, ce n'est pas retourner à l'état sauvage. C'est la culture même ».

C'est cette fidélité à la Négritude qui explique la double action que j'ai menée, pendant les 35 ans - de 1945 à 1980 - où j'ai été, en même temps ou successivement, professeur de Négritude à l'École nationale de la France d'Outre-Mer et député du Sénégal au Parlement français. Par « Négritude », j'entends, ici, les langues et civilisations négro-africaines. Je n'y reviendrai pas, mais sur la Francophonie.

Or donc, si, en 1945, « je suis tombé dans la politique », comme j'aime à le dire, ce fut malgré moi. En effet, le Parti socialiste du Sénégal cherchait un second candidat, à côté du doyen Lamine Guèye, pour sa liste aux élections à la Première Assemblée nationale constituante. Et il porta son choix sur moi, alors que je ne briguais aucune fonction politique. Je finis par accepter à la condition qu'on me laissât poursuivre, en même temps, ma double oeuvre de professeur et de poète. C'est ainsi que, pendant les quinze années de mon mandat, renouvelé, j'ai continué à me battre, et pour la Négritude, et pour la Francophonie.

Comme député du Sénégal, j'ai appartenu aux deux commissions qui, en 1946 et en 1958, ont préparé des constitutions pour la France. C'est ainsi, entre autres, que mon amendement au texte qui allait devenir la Constitution de 1958 fut rejeté. Il proposait, pour les peuples colonisés, « le droit à l'autodétermination », c'est-à-dire à l'indépendance. Et c'est le Général de Gaulle qui, passant outre à l'avis de la Commission de la Constitution, reprit l'amendement dans le texte qui fut approuvé par référendum. Après que le projet de Constitution eut été approuvé par le Peuple de France et les peuples des Départements et Territoires d'Outre-Mer, je fus le premier à demander, au Général de Gaulle, l'indépendance de mon pays, le Sénégal. Fait remarquable, l'entretien n'avait pas duré une demi-heure quand le Président de la République, qui m'avait écouté sans m'interrompre - c'était son habitude -, me donna son accord.

Précisément, parce qu'il en avait été ainsi et que je gardais intacte, au fond de mon âme, ma passion pour la Négritude, j'apportai une nouvelle ardeur, avec de nouveaux arguments, à l'autre combat, pour la Francophonie. C'est le moment de rappeler que, depuis la Constitution de 1946, qui avait créé « l'Union française », on avait beaucoup avancé, et rapidement. Entre autres États, le Vietnam était devenu indépendant en 1949, le Maroc et la Tunisie en 1956. Enfin, la « Communauté », « rénovée », était créée en 1960. Et pendant toute cette décennie, les différents peuples d'outremer, sauf les Antillais et les Océaniens du Pacifique, avaient, à tour de rôle, obtenu, chacun, son indépendance. C'est dans ce contexte d'espoir et, partant, de coopération, que mourut Charles de Gaulle.

Quand Pompidou fut élu Président de la République, le 15 juin 1969, un nouvel espoir, mêlé, c'est-à-dire plus riche, se leva en moi. C'est que, depuis les bancs de la « Première supérieure » du Lycée Louis-le-Grand, dans les années 1920, jusqu'à sa mort, en 1974, Pompidou fut toujours mon meilleur

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ami en France, et le plus fidèle. Je lui dois l'essentiel, non pas de mon éducation, mais de ma culture française. Le jeudi ou le Dimanche, il m'emmenait souvent avec lui, non pas à Montmartre, mais au théâtre ou aux expositions d'art, plus rarement au cinéma. Surtout, nous lisions beaucoup, nous discutions beaucoup, et sur tous les problèmes : depuis la poésie grecque jusqu'à « l'Art nègre ».

Dès lors, on ne s'étonnera pas que, disciple politique du « Grand Charles » et homme de culture, Pompidou se soit intéressé à la Francophonie et, pour ainsi dire, de l'intérieur, sous tous ses aspects. C'est ainsi qu'il créa une nouvelle institution, si je puis m'exprimer ainsi : les « Conférences franco-africaines ». Dans le cadre d'une Francophonie de fait, celles-ci furent, en réalité, les premiers « Sommets ». En effet, ces conférences réunissaient les chefs d'État francophones ou leurs représentants. À la mort de Pompidou, Monsieur Valéry Giscard d'Estaing, le nouveau Président de la République française, eut le mérite de continuer la Francophonie de fait que Pompidou avait créée.

Plus exactement, avec le Président Giscard d'Estaing, on essaya, conférence après conférence, de cerner le problème. C'est ainsi qu'en deux sessions, en 1979, puis 1980, je parvins, comme rapporteur, à faire adopter un projet de Francophonie. Il ne restait plus qu'à réunir un sommet de tous les chefs d'État avec, si possible, chacun en personne. C'est alors que je fus chargé de recevoir, à Dakar, en novembre 1980, une Conférence des Ministres des Affaires étrangères, qui préparerait le Premier sommet des Chefs d'État, par lequel serait créée, officiellement, la Francophonie. Il était entendu que le Président de la République française réglerait, avec les gouvernements d'Ottawa et du Québec, l'affaire dite « du Québec ». Mais voilà qu'en octobre, je lus un communiqué du ministère français des Affaires étrangères annonçant que la France ne serait pas représentée à la Conférence de Dakar. Aux journalistes qui se précipitèrent pour m'interroger, je répondis simplement : « C'est une querelle entre Grands Blancs. _ Quand ils se seront mis d'accord, on tiendra le Sommet ».

Enfin, les « Grands Blancs » se sont mis d'accord, après six ans de pourparlers, non seulement entre Paris et le Québec, sans oublier Ottawa, mais aussi entre Paris et les anciens territoires ou protectorats d'Outre-Mer, devenus États indépendants. C'est dans ces conditions que fut réuni à Paris, en février 1986, le Premier Sommet francophone des Chefs d'État ou de Gouvernement. Ce Premier Sommet, ce n'est pas étonnant, n'a pas beaucoup fait avancer le problème, les problèmes. On s'est perdu dans les détails en parlant surtout Économie, Finances et Techniques, sans oublier les ordinateurs ni les minitels, alors qu'il fallait traiter des problèmes politiques, mais, d'abord discuter le problème culturel majeur : la Francophonie, mais sous son aspect culturel de francité. J'entends par là l'enseignement et l'usage de la langue française dans tous les pays - plus de 40 - qui feraient partie de la Francophonie.

Ne nous le cachons pas, le problème de fond, ce sont les valeurs culturelles de la langue française, y compris leurs aspects scientifiques et techniques. Il faut commencer par rappeler certains faits et, pour cela, remonter au Moyen Age. Or donc, c'est au début du Moyen Age, à la chute de l'Empire romain, mais surtout, avec Charlemagne, à la création de l'Empire d'Occident, au début du IXe siècle de notre ère. C'est alors que le français commence d'être parlé dans toute l'Europe, hors des frontières françaises. Ce fut, plus exactement, dans les cours et parmi la bourgeoisie. Arrêtons-nous un moment sur ce fait pour en dire les raisons, qui tiennent essentiellement à la francité.

Il y a, d'abord, que le français parlé, à côté du latin, dans les universités, était une langue savante, au vocabulaire riche et précis en même temps : technique. C'est ainsi qu'au XIIIe siècle, sur 3.000 mots du français élémentaire, 25 %, c'est-à-dire le quart, étaient des mots savants, tirés du latin ou, mieux, du grec. Si le français, depuis l'Empire d'Occident, mais surtout les XIIIe-XIVe siècles est devenu, en Europe, la langue des cours, de la bourgeoisie et de la diplomatie, c'est, bien sûr, pour les raisons politiques que voilà. Elle l'est devenue surtout pour ses qualités propres, qui tiennent au latin, mais surtout au grec. C'est la raison pour laquelle il a fallu huit siècles ainsi que la puissance économique et spatiale, financière et technique des États-Unis d'Amérique pour que l'anglais remplaçât le français comme langue de communication internationale, après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Last but not least, ce sont les mêmes États-Unis d'Amérique, qui, après avoir redécouvert le latin, mais surtout le grec, après la Deuxième Guerre mondiale, l'ont fait du français depuis quelques années, depuis, précisément qu'on parle de la Francophonie.

Il n'est que temps d'arriver aux valeurs de la Francité, et d'abord de la langue française. Comme j'ai l'habitude de le dire, le français est « le grec des temps modernes ». J'ai développé cette idée ici même, lorsque, encore une fois, le 22 septembre 1966, j'ai été fait Docteur honoris causa de l'Université Laval. Je la résumerai aujourd'hui.

Bien sûr, la langue française est née de la langue latine : du latin vulgaire ou, plus précisément, de celui de la vulgate. Il reste que, depuis la Renaissance et l'enseignement des Humanités gréco-latines en France, la langue de Descartes s'est enrichie de nouveaux mots : de mots savants, empruntés au latin, mais surtout au grec. Je vous renvoie à un document significatif du « Ministère français de la Recherche et de l'Enseignement supérieur », qui est intitulé : « Listes terminologiques, relatives au vocabulaire de la télédétection aérospatiale ». Ce qui frappe d'abord, c'est que presque tous ces mots, scientifiques ou

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techniques, sont formés sur des racines ou des mots latins, mais, le plus souvent, grecs. Il est vrai que le latin avait, lui-même, beaucoup emprunté à la langue d'Aristote.

Le premier avantage de ces nouveaux mots, outre leur précision, est que l'homme de culture, qui a fait ses humanités gréco-latines, les comprend sans peine. Il y a surtout qu'une fois qu'on les lui a traduits, il n'en oublie plus les diverses significations. Quand j'ai lu pour la première fois, dans un journal, le mot « Mirapolis », j'ai compris : « Cité des merveilles ». En effet, la racine mir signifie, en grec, « ville, cité ». De même, quand l'autre mois, on m'a présenté une « orthophoniste », j'ai, tout de suite distingué les trois éléments grecs du mot : orthos, qui signifie « droit », phonè, « langue », et - istos, qui est un suffixe indiquant le caractère ou la fonction. Ce sont ces emprunts du français scientifique ou technique qui expliquent, en partie, le retour en force des humanités gréco-latines, non seulement en France, mais encore dans les autres pays de la Francophonie, singulièrement en Afrique noire.

Il reste que le phénomène culturel va beaucoup plus loin. Il dépasse le simple emprunt ou fabrication de mots savants : scientifiques ou techniques. Au demeurant, comme on le sait, les deux tiers au moins des mots de l'anglais, y compris l'anglo-américain des U.S.A., viennent du français, du latin ou du grec. Si paradoxal que cela puisse être, l'apport majeur de la civilisation latine, mais surtout grecque à la francité, on le trouve, non pas dans le vocabulaire, mais dans la syntaxe et, par-delà, dans la stylistique de la prose française. D'un mot, dans la littérature gréco-latine, prose et poésie. Pourquoi je n'ai pas été étonné en lisant, dans le Figaro du 14 août 1987, un article intitulé « Le latin revient en force ». Et, de joie, j'ai chanté l'introït du 15 août : « Gaudeamus, omnes in Domino ». Je m'en suis d'autant plus réjoui que le phénomène s'étend aux deux langues, car le sous-titre de l'article précise : « Les effectifs des latinistes et des hellénistes progressent chaque année ».

Mais pourquoi ce retour en France ? C'est, d'un mot, que les vertus du latin, mais surtout du grec, dépassent le vocabulaire pour s'étendre à la phrase et, par-delà, au paragraphe, au poème, à toute l'oeuvre écrite. Ce qui mérite explication. Quand, pour parler de ce que j'ai étudié et enseigné, je compare les langues agglutinantes d'Afrique aux langues à flexion d'Europe, ce qui me frappe le plus, c'est moins leurs vocabulaires, voire leurs morphologies, que leurs syntaxes. A la syntaxe de coordination ou de juxtaposition des langues africaines, si propre à la poésie, s'oppose la syntaxe de la subordination des langues européennes. C'est dire que celles-ci sont essentiellement des langues scientifiques parce que de raisonnement - je ne dis pas de philosophie.

* *

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Données ces précisions et à partir de mes rapports faits aux conférences franco-africaines de 1979 et 1980, je voudrais vous dire ce que pourraient être les structures politiques et la vie de la Communauté organique de la Francophonie. Il est entendu que ce dernier titre, que j'avais proposé en 1980, peut être modifié sans inconvénient, et surtout les structures, mais pas l'esprit de la Francophonie, c'est-à-dire la francité, pour les raisons que je viens d'exposer. C'est dire que nous allons, maintenant, entrer en politique, mais au sens le plus élevé.

La Francophonie couvrira donc les cinq continents. Mais pourquoi faire exactement ? Je répondrai : « Pour réaliser l'oeuvre que font les communautés culturelles que l'on désigne, aujourd'hui, sous les noms d'Hispanophonie et de Lusophonie. Précisément, il n'est pas indifférent qu'on n'ait pas pris l'habitude d'appeler le « Commonwealth » « Anglophonie». À cause des États-Unis d'Amérique, bien sûr, mais surtout parce que le wealth, l'économie, caractérisé le Commonwealth. Cela ne signifie pas que, dans la Communauté organique de la Francophonie, les problèmes économiques ou financiers seront négligés. Que non pas ! Cela veut dire qu'ils seront, non même pas subordonnés à, mais conditionnés par la solution humaniste des problèmes culturels. Cependant, ce ne sera pas dans le sens de l'impérialisme, encore moins du colonialisme culturel.

En effet, depuis le professeur Paul Rivet, qui était à la fois un biologiste et un linguiste, c'est-à-dire un homme de haute culture, l'option de la symbiose biologique et culturelle, pour ne pas parler de « métissage », s'est confirmée en France et dans les pays francophones. C'est ce que prouve, entre autres et sous le Général de Gaulle, le fameux Rapport Jeanneney du 19 juillet 1963 sur « La Politique de Coopération avec les pays en Voie de Développement ». Je n'en citerai que ces lignes :

« La France peut aussi attendre de sa coopération des avantages économiques indirects et un enrichissement culturel... Que la France imprègne d'autres pays de ses modes de pensées, elle tisse des liens dont l'intimité les incitera à lui apporter, à leur tour, le meilleur d'eux-mêmes. La culture française s'est épanouie, au cours des siècles, grâce à des apports étrangers constamment renouvelés. Si les pays qui auront reçu d'elle une initiation à l'esprit scientifique lui font connaître des modes

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nouveaux d'expression artistiques ou des conceptions philosophiques, sociales ou politiques originales, notre civilisation s'en trouvera enrichie ».

Ce texte est essentiel. Il est d'autant plus important que, même parmi les pays latins, il est rare d'entendre, non pas des professeurs ou des écrivains, mais des hommes politiques ou officiels tenir de tels propos. Sauf au Portugal, où j'ai présidé précisément, en 1980, un « Colloque sur le Métissage » à l'Université d'Evora.

Vous aurez noté : « Notre civilisation s'en trouvera enrichie ». A la page précédente, le Rapport Jeanneney avait présenté la culture française comme « prétendant à l'universalité ». C'est là une idée empruntée à Pierre Teilhard de Chardin, qui, dans une vision globale et prophétique du monde, nous présentait les différentes civilisations humaines multipliant leurs échanges dans un dialogue réciproquement fécondant, pour aboutir à « la Civilisation de l'Universel ». C'est dire qu'au « rendezvous du donner et du recevoir » que constitue la Francophonie, pour parler comme Aimé Césaire, les peuples des quatre autres continents, non européens, ne viendront pas les mains vides. Ceux qui, avec Césaire, ont, dans les années 1930, lancé le mouvement de la Négritude ont beaucoup insisté sur ce dernier point : il s'agit, pour chaque continent, pour chaque peuple, de s'enraciner profondément dans les valeurs de sa civilisation propre pour s'ouvrir aux valeurs fécondantes de la civilisation française, mais aussi des autres civilisations, complémentaires, de la Francophonie. Ce que la France nous a apporté d'essentiel, d'irremplaçable, plus qu'aucun autre pays d'Europe, c'est « l'esprit de méthode et d'organisation », comme j'aime à le dire, ou, pour parler comme le Rapport Jeanneney, « un mode d'expression et une méthode de pensée ». Pour m'en tenir à l'Afrique, celle-ci a, depuis le début du siècle, beaucoup apporté, singulièrement dans les domaines des Arts plastiques, de la Musique et de la Poésie, sans oublier la Danse, qu'a renouvelée Maurice Béjart, dont le père, Gaston Berger, créateur de la Prospective, était un métis franco-sénégalais.

C'est dire que, comme les pays du Maghreb, qui, dans ce domaine, sont exemplaires, les pays d'Afrique noire, d'Asie et d'Océanie commenceront par choisir, chacun, une ou plusieurs langues « originaires » ou continentales pour en faire des « langues nationales ». Il n'est pas question d'écarter le français, pas même d'en faire une « langue étrangère », mais bien une « langue officielle » ou de « communication internationale ». C'est le cas au Sénégal. C'est dire qu'ici, les langues d'origine authentiquement africaine y sont étudiées selon les méthodes scientifiques les plus modernes, soit à l'Institut Fondamental d'Afrique noire, qui est un vieil Institut de recherche, soit au Centre de Linguistique appliquée de Dakar.

Ainsi justifiée la Francophonie, comme « un projet de civilisation humaine » -, dixit le Rapport Jeanneney -, il est temps d'en venir à sa réalisation au plein sens du mot, mais d'abord à son organisation structurelle, politique.

Il nous faut partir de la « Conférence franco africaine » tenue à Nice, du 8 au 10 mai 1980. Un projet cohérent en était sorti, qui était une synthèse des propositions du rapporteur que j'avais été, des apports des experts et des amendements des chefs d'État ou de gouvernement. Il s'agissait de créer une « Communauté organique de la Francophonie ». Il reste que le titre importe peu. Ce qui compte, c'est le nom, mais surtout la notion de Francophonie.

Tout en nous inspirant, parmi d'autres communautés, des structures et du fonctionnement du Commonwealth nous entendions faire oeuvre neuve, à la française. Il s'agissait, il s'agit toujours, en ce dernier quart du XXe siècle, de préparer, pour notre ensemble francophone, voire latinophone, nous allons le voir, une communauté de peuples différents, mais solidairement complémentaires. Et partant, une communauté solide pour la réalisation de la Civilisation de l'Universel, qui sera celle du troisième millénaire. Bref, une communauté créatrice parce que de droit écrit, rationnellement organisée, à la française, je le répète.

Voici ce que pourraient être les organismes de la Francophonie :

- la Conférence des Chefs d'État ou de Gouvernement,

- le Secrétariat général,

- les Conférences ministérielles,

- la Fondation internationale pour les Échanges culturels.

Que tous ces organismes doivent avoir, chacun, leur siège à Paris, cela va de soi. Parce que le modèle de la langue française est celle parlée à Paris par les hommes de culture, et non plus « par la bourgeoisie », comme on nous l'enseignait en Sorbonne. Mais surtout pour cette raison majeure, que l'Europe est devenue le centre de la civilisation humaine depuis 2.500 ans que l'Afrique lui a passé le flambeau. Depuis lors, elle continue de s'enrichir des apports de l'Asie et de l'Océanie à l'Est, des deux

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Amériques à l'Ouest. Et voici, de nouveau, que l'Afrique, en ce XXe siècle, est rentrée dans le jeu, et souvent par le détour des deux Amériques.

La Conférence des Chefs d'Etat ou de Gouvernement sera la plus haute instance. Elle se réunira à intervalles réguliers, tous les deux ans par exemple, étant entendu qu'il y aura, à l'occasion, des réunions extraordinaires. Il est entendu également que ce sera, autant que possible, soit à Paris, soit, à tour de rôle, dans une autre capitale. Ces réunions au sommet seront toujours précédées, préparées par une conférence des ministres des Affaires étrangères. Il reste que la plus grande liberté les caractérisera, qu'en particulier, au début de la Conférence, tout chef d'Etat ou de gouvernement pourra la saisir de tout problème qu'il lui paraîtra opportun de soulever. Il s'agira, en effet, pour faire de la Francophonie le modèle et le moteur de la Civilisation de l'Universel, de favoriser les échanges d'idées en respectant la personnalité originaire, mais surtout originale de chaque nation.

Le Secrétariat général, comme l'indique son nom, assurera des fonctions d'étude, de préparation d'exécution, mais aussi de coordination. Encore que situé à Paris, comme les autres organismes, son titulaire pourra ne pas être français. Enfin, le Secrétariat général sera chargé d'animer les divers organismes de la Francophonie.

Les Conférences ministérielles seront générales, techniques ou régionales. Les ministres des Affaires étrangères, qui auront un rôle prépondérant, se réuniront au moins une fois par an. Ils commenceront par un tour d'horizon des problèmes mondiaux, puis ils examineront les rapports qui leur auront été soumis par les ministres spécialisés, pour en retenir ce qui devra être présenté aux chefs d'État ou de gouvernement.

Quant aux conférences des ministres spécialisés, et d'abord des ministres de l'Éducation, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, elles seraient ouvertes à tous les États membres. Cependant, en dehors des ministres chargés de l'Éducation ou de la Culture, la participation ne serait pas obligatoire. Ainsi serait laissé plus de souplesse et, partant, d'efficacité au système.

S'agissant, enfin, de la Fondation internationale pour les Échanges culturels, elle commencera par absorber l'actuelle Agence de Coopération culturelle et technique. C'est dire que les problèmes scientifiques et techniques ne seront pas négligés, tout au contraire. Ni les problèmes artistiques. La Fondation aura pour objectif majeur de réaliser l'oeuvre culturelle de compréhension et d'enrichissement réciproques qui est le but ultime de la Francophonie. C'est ainsi que la Fondation aurait trois départements :

_- un Conseil des Langues et Cultures,

- une Agence de Coopération culturelle et technique, - un Centre d'Information.

Le Conseil des Langues et Cultures aura pour tâche essentielle l'identification, la protection, le développement et la diffusion des différentes expressions culturelles de nos nations respectives, voire des régions au sein d'une nation. Il serait utile d'y créer diverses sections, dont :

- un section des Langues de Communication internationale (je songe au français et à l'arabe entre

autres),

- une section du latin et du grec,

- une section des Langues africaines,

- une section des Langues asiatiques.

L'Agence de Coopération culturelle et technique existe déjà. Elle serait élargie aux dimensions de la Francophonie. Elle aura surtout, non pas un rôle d'études, comme le Conseil scientifique, dont je propose la création, mais un rôle concret d'exécution pour les initiatives et projets de coopération culturelle.

Quant au Centre d'Information, sa fonction sera de favoriser, voire, auparavant, d'organiser les communications entre les nations de la Francophonie. C'est dire qu'il aura d'abord, un rôle d'information sur la vie de la Francophonie. Il aura aussi à faire connaître les travaux des différents organismes de la Communauté organique, sans oublier les nombreuses associations francophones qui existent depuis plusieurs années. Le centre, en outre, aidera à réaliser, entre les pays intéressés :

_- la libre circulation des oeuvres des créateurs : écrivains, artistes, professeurs, savants et techniciens

;

- les traductions ou reproductions d'oeuvres littéraires ou artistiques, scientifiques ou techniques ;

- les échanges des expériences les plus significatives en matière culturelle, scientifique et technique ;

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- la participation francophone, enfin, à la vaste et profonde révolution culturelle qui, en ce dernier quart du XXe siècle, prépare la Civilisation de l'Universel.

Où en est-on aujourd'hui, me demanderez-vous, dans l'édification de la Francophonie ? Comme je vous l'ai dit, un incident juridique entre « Grands Blancs », entre les gouvernements canadien, québécois et français, a fait renvoyer sine die la conférence des ministres des Affaires étrangères que je devais réunir à Dakar, en novembre 1980, pour préparer la « Conférence des Chefs d'État ou de Gouvernement », qui, elle, aurait définitivement arrêté la charte de la Francophonie. _Ce retard n'aura pas été inutile. Outre que, depuis lors, le nombre des membres de l'A.C.C.T. s'est accru, le Président François Mitterrand a prouvé, mieux réalisé le mouvement en marchant. Il a, en effet, créé, l'autre année, un Haut Conseil de la Francophonie, qui est composé de 27 membres, « représentatifs des grandes composantes de la Francophonie ». Il s'y est ajouté un Commissariat général de la Langue française auprès du Premier Ministre et un Comité consultatif de la Langue française, qui remplace l'ancien « Haut Comité de la Langue française ». _Il y a surtout que le Président de la République française a réuni, l'an dernier, du 17 au 19 février, le Premier Sommet francophone des chefs d'État et de gouvernement francophones. Pour une fois et par souci d'efficacité, on a procédé à l'anglaise. Ce furent, en effet, des discussions ouvertes où tous les problèmes ont été abordés, mais surtout des problèmes économique et financiers. Dès lors, n'est-il pas temps, aujourd'hui, d'aborder les problèmes essentiels de la Francophonie, les problèmes culturels ? C'est d'autant plus nécessaire, et naturel, que, nommé Premier Ministre après les élections du 16 mars 1986, Monsieur Jacques Chirac a nommé, non seulement un Ministre de la Coopération en la personne de Monsieur Michel Aurillac, un spécialiste des problèmes africains, mais encore un Secrétaire d'État à la Francophonie, Madame Lucette Michaux-Chevry, originaire des Antilles.

Nous avons profité de ce sommet, Monsieur Stélio Farandjis, le Secrétaire Général du Haut Conseil de la Francophonie, et moi, le Vice-président, pour tenir une conférence de presse au Grand Palais, dans le cadre d'Expolangue. C'était, pour moi, l'occasion de proposer, pour la Francophonie, des langues classiques à enseigner dans les collèges, lycées ou facultés. Je proposai donc cinq langues : le latin, le grec, l'arabe classique, l'égyptien ancien et le chinois. Le latin et le grec, langues indo-européennes, pour le rôle qu'ils jouent encore dans l'enseignement du français, comme nous l'avons vu tout à l'heure ; l'arabe classique parce que plus de la moitié des Arabes vont entrer dans la Francophonie, l'égyptien ancien parce que c'est une langue agglutinante et que, près de la moitié des langues africaines sont construites sur son modèle : le chinois, enfin, parce qu'à son tour, c'est le modèle des langues à tons d'Asie, comme le vietnamien. _C'est l'occasion de vous parler de la Latinophonie. Il s'agirait d'insérer la Francophonie dans un ensemble plus vaste, qui comprendrait toutes les nations qui ont vocation à se servir d'une langue néo-latine ou du grec comme langue nationale, langue classique ou langue de communication internationale. Toutes ces nations réunies représenteraient près d'un milliard d'hommes.

Il s'agirait donc, une fois réalisée la Francophonie, de l'insérer, à son tour, dans une association des pays ou groupes de pays de langue néo-latine. Je songe à l'Espagne, à l'Italie, au Portugal et aux 22 pays d'Amérique latine, sans oublier, naturellement, la Belgique, ni le Luxembourg, la Suisse gardant... son isolement. Ce n'est pas hasard si, au « Premier Congrès des Orthopédistes de Langue française », que j'ai ouvert, à Monaco, le 26 mars 1986, on compta des orthopédistes espagnols, italiens, voire latino-américains.

En vous exposant le projet de Francophonie version 1987, j'ai presque toujours employé l'indicatif. J'aurais dû toujours employer le présent du conditionnel, car le projet de 1980 sera amélioré. Ce que je souhaite du moins.

*

* * _

Il reste qu'avant de conclure, il me faut répondre à une question majeure, qu'on nous pose souvent. « C'est une belle idée, et grandiose, votre projet de Francophonie, entendons-nous souvent dire à l'étranger, parfois même en France. Mais pourquoi ne pas adopter, simplement, l'anglais comme langue de communication internationale, puisqu'il est, aujourd'hui, la langue la plus répandue à travers tous les continents et dans tous les domaines ? Et puis, c'est tellement plus facile à apprendre ! » Ce sont là, en effet, deux faits que l'on ne peut nier. Cependant le problème est mal posé. Celui-ci, en effet, est de savoir si, aujourd'hui que nous sommes, nolentes volentes, poussés vers la Civilisation de l'Universel, l'intérêt de l'humanité se trouve dans le choix du français ou de l'anglais. Pour être plus précis, si, en 1986, deux ans après l'année où nous avons fêté le bicentenaire du Discours sur l'Universalité de la Langue française, les arguments de Rivarol, mais aussi du Professeur Schwab, l'Allemand, sont toujours valables.

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Le premier argument contre l'anglais est que, si, au début du XXe siècle, après la Première Guerre mondiale, il est devenu la première langue de communication internationale, il ne le doit ni à l'étendue, ni au rôle du Commonwealth sur notre planète, mais bien à la superpuissance économique, militaire et politique des États-Unis d'Amérique. C'est d'autant plus vrai qu'à côté de la morphologie et de la syntaxe, qui sont simples, trop simples, la langue de Shakespeare nous présente une orthographe et une prononciation qui ne le sont pas. Je dis « trop simples », car le problème est de choisir moins une langue de facilité que de ressources. Je parle d'une langue qui soit la plus belle, tout en nous permettant de mieux exprimer toutes les richesses, et de l'univers, et de la sensibilité comme de l'esprit humain. C'était là le sens du concours organisé par l'Académie de Berlin sous la forme des trois questions que voici :

- qu'est-ce qui a rendu la langue française universelle ? _- pourquoi mérite-t-elle cette prérogative ? - est-il à présumer qu'elle la conserve ?

Ainsi partait-on d'un jugement de fait pour aboutir à un jugement de valeur, étant entendu que c'est ce dernier qui est le fond du problème. C'est lui que nous allons examiner brièvement avant de dire comment se présente, aujourd'hui, à nous Francophones, le problème, non plus précisément de l'universalité de la langue française, mais de la Francophonie. Le professeur Schwab, dans son discours, nous a fait remarquer que, de toutes les langues vivantes, la langue française était la plus répandue, au Moyen Age, parmi les nations de l'Europe. Elle le fut, comme je l'ai dit, dès le XIIIe siècle, et elle le resta jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale. Il s'y ajoute, argument majeur, que les qualités qui l'imposèrent à l'Europe subsistent encore aujourd'hui.

Je ne reprendrai pas, ici, tous les arguments de Rivarol contre les plus grandes langues européennes qu'étaient, que sont encore, l'allemand, l'espagnol et l'italien. Tout en reconnaissant, à chacun, ses mérites et il fait, en passant, l'éloge du métissage biologique et culturel -ce que Rivarol leur reproche, c'est, à l'allemand, sa « prononciation gutturale », à l'espagnol, « l'enflure » du style et, à l'italien, « la préciosité ». Naturellement, il a laissé l'anglais pour la fin.

Pour l'anglais, plus qu'il ne l'a fait précédemment, il note, avec les invasions, les emprunts culturels faits aux Français et, par eux, aux Latins et aux Grecs. Encore que la langue anglaise ait été ainsi adoucie et enrichie, précise Rivarol, elle a gardé, dans sa prononciation, les rudesses de l'allemand et, dans sa littérature, le désordre du génie germanique. Il ne lui restait plus, il ne nous reste plus qu'à rappeler les vertus de la langue et de la littérature : du « génie » français. Je l'ai fait ici et je n'y reviendrai pas.

*

* * _

C'est pourquoi je voudrais m'acheminer vers ma conclusion en vous disant quels me paraissent être nos devoirs pour la défense et illustration de la langue française parce que de la francité et, partant, de la Francophonie. Je vous renvoie, à ce propos, au volume 2, numéro 1 de Perspectives universitaires, la nouvelle revue de l'Association des Universités partiellement ou entièrement de Langue française. Ce numéro est significativement intitulé Le français, langue internationale de la Communication scientifique et technique. _Il s'agit de savoir comment, tout ensemble, les États de la Francophonie, bien sûr, mais aussi les universitaires en général, singulièrement les savants et chercheurs, ingénieurs et techniciens, écrivains et artistes, nous enrichirons la langue française. Ce qui est encore le meilleur moyen de la défendre et de l'étendre sur toute notre planète Terre. Aux suggestions que j'ai faites tout au long de cet exposé, singulièrement pour le maintien ou la création d'une section des langues classiques dans l'enseignement du second degré, j'ajouterai des propositions pratiques.

Tout d'abord, dans les conférences internationales, en commençant par l'ONU et ses organismes spécialisés, il nous faut parler en français. Pour le moment, ce sont surtout les francophones d'Outre-Mer qui respectent cette règle. Comme le souligne l'incident que m'a raconté, l'autre année, le président de l'Association des Professeurs africains de Mathématiques. Il rentrait d'un congrès mondial de mathématiciens tenu à New York. Présidant une séance, il s'était exprimé, naturellement, en français. Et voilà que des Américains, furieux, se répandaient dans les couloirs en vitupérant : « Il a du culot, ce Nègre ! Présider en français quand les Français eux-mêmes interviennent en anglais ! ».

La deuxième règle sera toujours dans les conférences internationales, d'exiger, et la traduction simultanée, et les documents, ronéotypés ou imprimés, dans les langues officielles, dont le français. Ce que font, au demeurant, les délégations francophones d'Afrique. La troisième règle sera, au niveau des organisations internationales francophones, dont l'AUPELF et l'ACCT, mais aussi au niveau de chaque État ou région francophone, de faire porter notre effort sur la publication en français d'ouvrages fondamentaux dans les domaines des sciences et des techniques.

La quatrième, enfin, sera, dans la rédaction des articles comme des ouvrages scientifiques et techniques en français, de faire un autre effort. Celui-ci consistera à cultiver les vertus majeures du

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génie français, qui sont l'ordre logique dans la clarté et la précision dans la nuance. C'est la raison pour laquelle, dans la réforme de l'enseignement en Afrique francophone, nous avons mis l'accent sur les deux disciplines traditionnelles de l'École française : l'explication de texte et la dissertation.

Un mot d'espoir pour finir, car rien n'est perdu. L'Agence de Coopération culturelle et technique de la Francophonie réunit, aujourd'hui, quelque 40 États, et l'Association internationale des Parlementaires de Langue française, autant de délégations. Sans oublier qu'à l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations-Unies, 33 délégations soit plus de 20 %, s'expriment en français. Sans oublier surtout le nombre d'États qui, aujourd'hui, participent dans la ville de Québec au Second Sommet de la Francophonie. Non, rien n'est perdu. Tout dépend de notre courage, mieux de notre esprit de méthode et d'organisation : de notre Francité.

[1] Ethiopiques. Revue de culture négro-africaine, n°50-51. Conférence prononcée à l'Université Laval de Québec, le 2 septembre 1987.

533

534

L. S. SENGHOR

Comment expliquer cette faveur, cette ferveur, singulièrement cette dissociation de la politique et de la culture françaises ? C'est l'objet de mon propos.

Je ferai une première remarque. Cette dissociation est plus apparente que réelle. La décolonisation, poursuivie avec constance par le Général de Gaulle, achevée avec éclat en Algérie, n'a pas été pour rien dans cette faveur. En Afrique, l'esprit ne succombe pas à la dichotomie. On n'y sépare pas, comme en Europe, la culture de la politique. Le conflit de Bizerte a failli chasser le français des écoles tunisiennes.

Donc, si on introduit ou maintient l'enseignement du français en Afrique, si on l'y renforce, c'est, d'abord, pour des raisons politiques. En Afrique anglophone plus qu'ailleurs. A la raison que voilà, s'ajoute celle que voici : la majorité des Etats africains sont francophones et, à l'O.N.U., le tiers des délégations s'exprime en français. En 1960, après l'entrée massive de nouveaux Etats africains dans l'Organisation internationale, Habib Bourguiba en tira la conclusion Iogique : il faut renforcer l'enseignement du français en Tunisie. Dans les faits, Hassan II n'a pas appliqué une autre politique. Le Maroc, à lui seul, compte huit mille enseignants français : plus de la moitié de ceux qui servent à l'étranger.

04111.0

Cependant, la principale raison de l'expansion du français hors de l'hexagone, de la naissance d'une Francophonie est d'ordre culturel. C'est le lieu de répondre à la question que m'a posée, personnellement, Esprit : a Que représente, pour un écrivain noir, l'usage du français ? ». Bien sûr, je ne manquerai pas d'y répondre plus loin. On me permettra seulement d'élargir le débat : de répondre au nom de toutes les élites noires, des politiques comme des écrivains. Ce faisant, je suis convaincu qu'une partie de nos

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535

LANGUE DE CULTURE

raisons vaudra, également, pour les Maghrébins -- je songe, en particulier, au regretté Jean Amrouche -- encore que ceux-ci soient mieux qualifiés que moi pour parler en leur nom propre.

Il y a, d'abord, une raison de fait. Beaucoup, parmi les élites, pensant en français, parlent mieux le français que leur langue maternelle, farcie, au demeurant, de francismes, du moins dans les villes. Pour choisir un exemple national, â Radio-Dakar, les émissions en français sont d'une langue plus pure que les émissions en langue vernaculaire. Il y a mieux : il n'est pas toujours facile, pour le non initié, d'y distinguer les voix des Sénégalais de celles des Français.

Deuxième raison : la richesse du vocabulaire français. On y trouve, avec l'a série des doublets -- d'origine populaire ou savante --, la multiplicité des synonymes. Je le sais bien, contrairement à ce que croit le Français moyen, les langues négro-africaines sont d'une richesse et d'une plasticité remarquables. Là oit le Français emploie un mot latin pour désigner un arbre, une périphrase pour désigner une action, le Négro-africain emploie un seul nom ou un seul verbe populaire. Comme l'écrit André Davesne, dans Croquis de Brousse, on compte en wolof sept mots pour désigner la femme de mauvaise vie quand e chercher se traduit par onze mots et chanter par vingt D. Ainsi la version wolof de l'Imitation de Jésus-Christ est plus nuancée, plus belle, parce que plus rythmée, que la version française. Mais ce qui, à première approximation, fait la force des langues négro-africaines fait, en même temps, leur faiblesse. Ce sont des langues poétiques. Les mots, presque toujours concrets, sont enceints d'images, l'ordonnance des mots dans la proposition, des propositions dans la phrase y obéit à la sensibilité plus qu'a l'intelligibilité : aux raisons du coeur plus qu'aux raisons de la raison. Ce qui, en définitive, fait la supériorité du français dans le domaine considéré, c'est de nous présenter, en outre, un vocabulaire technique et scientifique d'une richesse non dépassée. Enfin, une profusion de ces mots abstraits, dont nos langues manquent.

Troisième raison : la syntaxe. Parce que pourvu d'un vocabulaire abondant, grâce, en partie, aux réserves du latin et du grec, le français est une langue concise. Par le même fait, c'est une langue précise et nuancée, donc

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L. S. SENGHOR

claire. Il est, partant, une langue discursive, qui place chaque fait, chaque argument à sa place, sans en oublier un. Langue d'analyse, le français n'est pas moins langue de synthèse. On n'analyse pas sans synthétiser, on ne dénombre pas sans rassembler, on ne fait pas éclater la contradiction sans la dépasser. Si, du latin, le français n'a pas conservé toute la rigueur technique, il a hérité toute une série de mots-pierre d'angle, de mots-ciment, de mots-gonds. Mots-outils, les conjonctions et locutions conjonctives lient une proposition à l'autre, une idée à l'autre, les subordonnant l'une à l'autre. Elles indiquent les étapes nécessaires de la pensée active : du raisonnement. A preuve que les intellectuels noirs ont dû emprunter ces outils au français pour vertébrer les langues vernaculaires. A la syntaxe de juxtaposition des langues négro-africaines, s'oppose la syntaxe de subordination du français ; à la syntaxe du concret vécu, celle de l'abstrait pensé : pour tout dire, la syntaxe de la raison à celle de l'émotion.

Quatrième raison : la stylistique française. Le style français pourrait être défini comme une symbiose de la subtilité grecque et de la rigueur latine, symbiose animée par la passion celtique. Il est, plus qu'ordonnance, ordination. Son génie est de puiser dans le vaste dictionnaire de l'univers pour, des matériaux ainsi rassemblés .--- faits, émotions, idées --, construire un monde nouveau : celui de l'Homme. Un monde idéal et réel en même temps, parce que de l'Homme, où toutes les choses, placées, chacune, à son rang, convergent vers le même but, qu'elles manifestent solidairement.

C'est ainsi que la prose française -- et le poème jusqu'aux Surréalistes -- nous a appris à nous appuyer sur des faits et des idées pour élucider l'univers ; mieux, pour exprimer le monde intérieur par dé-structuration cohérente de l'univers.

Cinquième raison : l'humanisme français. C'est, précisément, dans cette élucidation, dans cette re-création, que consiste l'humanisme français. Car il a l'homme comme objet de son activité. Qu'il s'agisse du droit, de la littérature, de l'art, voire de la science, le sceau du génie français demeure ce souci de l'Homme. Il exprime toujours une

840

537

LANGUE DE CULTURE

morale. D'où son caractère d'universalité, qui corrige son goût de l'individualisme.

Je sais le reproche que l'on fait à cet humanisme de l' honnête homme : c'est un système fermé et statique, qui se fonde sur l'équilibre. Il y a quelques années, j'ai donné une conférence intitulée L'Humanisme de l'Union française. Mon propos était de montrer comment, au contact des réalités « coloniales », c'est-à-dire des civilisations ultra-marines, l'humanisme français s'était enrichi, s'approfondissant en s'élargissant, pour intégrer les valeurs de ces civilisations. Comment il était passé de l'assimilation à la coopération : à la symbiose. De la morale statistique à la morale de mouvement, chère à Pierre Teilhard de Chardin. Comme le notait Jean Daniel, à propos de l'Algérie, dans l'Express du 28 juin 1962, colonisateurs et colonisés se sont, en réalité, colonisés réciproquement : « Il (le pays de France) s'est imprégné si fort des civilisations qu'il a entendu dominer, que les colonisés lui font, aujourd'hui, un sort à part, voyant, dans ce bourreau, une victime en puissance, dans cet aliénateur, un aliéné, dans cet ennemi, un complice D. Je ne veux retenir, ici, que l'apport positif de la colonisation, qui apparaît à l'aube de l'indépendance. L'ennemi d'hier est un complice, qui nous a enrichis en s'enrichissant à notre contact.

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Mais il me faut, avant de finir, répondre à la question qui m'a été, personnellement, posée. Car les raisons que voilà sont, tout aussi bien, celles des politiques, qui veulent mener de front le développement économique et le développement culturel de leurs peuples respectifs pour, au-delà du bien-être, leur assurer le plus-être.

Que représente pour moi, écrivain noir, l'usage du français? La question mérite d'autant plus réponse qu'on s'adresse, ici, au Poète et que j'ai défini les langues négro-africaines « des langues poétiques ».

En répondant, je reprendrai l'argument de fait. Je pense en français ; je m'exprime mieux en français que dans ma langue maternelle.

841

538

L. S. SENGHOR

Il y a aussi le fait que n'importe quel enfant, placé assez jeune dans un pays étranger, en apprend aussi facilement la langue que les autochtones. C'est dire la placidité de l'esprit humain et que chaque langue peut exprimer toute l'âme humaine. Elle met seulement l'accent sur tel ou tel aspect de cette âme en la traduisant, de surcroît, à sa manière.

Or il se trouve que le français est, contrairement à ce qu'on a dit, une langue éminemment poétique. Non par sa clarté, mais par sa richesse. Certes, il fut, jusqu'au XIXe siècle, une langue de moralistes, de juristes et de diplomates : a une langue de gentillesse et d'honnêteté ». Mais c'est alors que Victor Hugo vint, qui, bouleversant la noble et austère ordonnance de Malherbe, mit « ...un bonnet rouge au vieux dictionnaire ». Il libéra, du même coup, une foule de mots-tabous : pêle-mêle, mots concrets et mots abstraits, mots savants et mots techniques, mots populaires et mots exotiques. Et puis vinrent, un siècle plus tard, les Surréalistes, qui ne se contentèrent pas de mettre à sac le jardin à la française du poème-discours. Ils firent sauter tous les mots-gonds, pour nous livrer des poèmes nus, haletant du rythme même de l'âme. Ils avaient retrouvé la syntaxe nègre de la juxtaposition, où les mots, télescopés, jaillissent en flammes de métaphores : de symboles. Le terrain, comme on le voit, était préparé pour une poésie nègre de langue f rançaise.

Bien sûr, me dira-t-on, mais quel était l'avantage du français pour ceux qui avaient la maîtrise d'une langue négro-africaine. L'avantage, c'était, essentiellement, la richesse du vocabulaire et le fait que le français est une langue d'une audience internationale. Nous laisserons de côté ce dernier fait, qui est assez patent pour ne pas mériter explication. L'avantage du français était, est de nous offrir un choix : « Le Noir, écrit André Davesne dans Croquis de Brousse, est ainsi préparé, par ses traditions verbales, à distinguer, dans les mots que lui présente la langue française, deux valeurs : l'une abstraite et intellectuelle, la signification ; l'autre concrète et sensuelle, la musicalité. Si donc il aborde, sans précaution, l'apprentissage de notre langue, il y puisera une double collection de mots : les uns, qui désignent quelque chose de tangible, un objet, par exemple, et qui ne peuvent être détournés de leur sens ;

842

539

LANGUE DE CULTURE

les autres d'un usage moins constant, dont la signification est trop mystérieuse ou trop a intellectuelle » pour devenir déterminante dans l'emploi qu'on en doit faire, mais qui méritent d'être utilisés à cause de leur tonalité et de leur résonance ».

De ce qui est instinctif chez les illettrés, nous avons pu faire une polesis, une méthode délibérée de création. Le problème, au demeurant, est plus complexe que ne le dit Davesne, Ce sont tous les mots français qui, par viol et retournement, peuvent allumer la flamme de la métaphore. Les mots les plus a intellectuels », il suffit de les déraciner, en creusant leur étymologie, pour les livrer au soleil du symbole.

Comme nous l'avons vu, le vocabulaire n'épuise pas les vertus du français. La stylistique, en particulier, est occasion de pêches miraculeuses. Pour en revenir à la musique des mots, le français offre une variété de timbres dont on peut tirer tous les effets : de la douceur des Alizés, la nuit, sur les hautes palmes, à la violence fulgurante de la foudre sur les têtes des baobabs. Il n'y a pas jusqu'aux rythmes du français qui n'offrent des ressources insoupçonnées. Au demeurant, le rythme binaire du vers classique peut rendre le halètement despotique du tamtam. Il suffit de le bousculer légèrement pour faire surgir, au-dessus du ryhme de base, contre-temps et syncopes.

.a.

Que conclure, de tout cela, sinon que nous, politiques noirs, nous, écrivains noirs, nous sentons, pour le moins, aussi libres à l'intérieur du français que de nos langues maternelles. Plus libres, en vérité, puisque la liberté se mesure à la puissance de l'outil : à la force de création.

Il n'est pas question de renier les langues africaines. Pendant des siècles, peut-être des millénaires, elles seront encore parlées, exprimant les immensités abyssales de la Négritude. Nous continuerons d'y pêcher les images-archétypes : les poissons des grandes profondeurs. Il est question d'exprimer notre authenticité de métis culturels, d'hommes

843

540

L. S. SENGHOR

du XXe siècle. Au moment que, par totalisation et socialisation, se constriut la Civilisation de l'Universel, il est, d'un mot, question de nous servir de ce merveilleux outil, trouvé dans les décombres du Régime colonial. De cet outil qu'est la langue française.

La Francophonie, c'est cet Humanisme intégral, qui se tisse autour de la terre : cette symbiose des « énergies dormantes » de tous les continents, de toutes les races, qui se réveillent à leur chaleur complémentaire. « La France, me disait un délégué du F.L.N., c'est vous, c'est moi : c'est la Culture française D. Renversons la proposition pour être complets : la Négritude, l'Arabisme, c'est aussi vous, Français de l'Hexagone. Nos valeurs font battre, maintenant, les Iivres que vous lisez, la langue que vous parlez : le français, Soleil qui brille hors de l'Hexagone.

Léopold Sédar SENGHOR.

XI- Annexe 11

LES AFRICANISMES DANS LA POÉSIE DE SENGHOR

Pour le lexique (la signification des mots), nous vous prions de vous référer au « Lexique de Senghor » donné à la fin de son oeuvre poétique. À l'instar de ce lexique, vous pouvez également consulter l'article de Jean-René Bourrel (Lexique de L.S. Senghor : Chants d'ombre, Hosties noires, Éthiopiques, Nocturnes, in : L'information Grammaticale, N.33, 1987, pp. 27-34) ou le glossaire proposé par Sylvia Washington Bâ dans son travail sur The concept of Negritude in the poetry of Léopold Sédar Senghor.

Albiziazygia

Almadie

Almamy

Arfang de Siga

Askias (du Songhoï)

Atar

Bakel

Balangar

Balafong(s)

Bambara

Banakh

Bandafassy

Baobab(s)

Baol

Baoulé

Belborg

Beleup de Kaymôr

Bengali

Berre

Biram-Dénegn-ô

Biram Déguen

Bir Mougrein

Bobo

Bolong

Boundou

Bouré

Bour-Sine Salmonn

Cactées

Cafre

Caïcedrat (kaïcedrat)

Canas

Cassia(s)

Cauris

Cayor

Chaka

Chéchias

541

Combassou

Congo

Couscous

Dan(s)

Dang

Darbouka

Dargui

Demba-Dupont

Dêti

Diakhâw (Djakhâw)

Diombeutt Mbodj

Diogoye (Dyogoye)

Dior

Djenné

Dyâli

Dyallo

Dyêri

Dyilôr

Dyôbène

Dyônewâr

Dyong

Dyouf-le-Tutoyé

Dyoung-dyoung

Draa

Élé-yâye

Eléyâi bisimlâi

Eléyâye bisimlâye

Elissa

Fadyoutt

Fall

Fân

Fa'oye

Ferlo

Fimla

Fôn

Fongolimbi

Fouta

Fouta-Danga

Fouta-Djallong

Gâbou

Galam

Gandyol

Glasgow

Gongo

Gongo-Moussa

Gonolek

Gorong

Grand-Dyarâf

Gretas

Grimaldi

Griot(s)

Guélowâr

Guelwars (Guelwârs)

Guimm

Harmattan

Hivernage

Issanoussi

Joal

Kabyle

Kaïcedrat (Caïcedrat)

Kam-Dyamé

Kâna Mâyâi féla-x-am

Kaolack

Kaso faé nyapógma dyèganum

Katamague

Kaya-Magan

Kaymôr

Keïta

Khakhams

Khalams

Khasonkee

Kilimandjaro

Kintar

Kôba

Kola

Koli Ngom

Komenjahs

Kôra(s)

Kori

Kôriste

Kor Sanou

Kor Siga

Kotye-Barma

Koufountine

Koumba

Koumba-Betty

Koumba N'Dofène

542

Koumba Ndofène Diouf

Koumba Tam

Kouss

Koyaté

Kraals

Ksour

Lamarque

Lêlés

Lilanga

Mâbo

Mahé-kor

Malinké

Mamanguedj

Mamelles

Mandiago

Mângi

Maska

Maure

Mayâï

Mbalakhs

Mbaye Dyôb

Mbarodi

Mbissel

Mbogou

Méhari

Ming

Mithkals

Mogador

Mogho-Naba

Moundé

Moussoro

Mûsê-mbûban

Naï

Nânio

Ndeïsane

N'deissane

N'deïssane

Ndeundeus

Ndedâ'k tamâ'k sabar-ê

Ndessé

Ndialakhar

Ndiongolor

Ndyaga-bâss

Ndyaga-rîtî

Ndyâye

Ndyûlê mômé

Ngâ

Ngâbou

Ngal

Ngalam

Ngas-o-bil

Ngasobil

Ngom

Niombato

Niger

Nolivé

Nyaoutt Mbodye

Nydyulê mômé

Nyominka

Oud

Ouzougou

Paragnessés

Peul

Pobéguin

Poèré

Pongwé

Poto-poto (potopoto)

Poullo

Pulel hokku soko haraani

Quanoun

Rebabs

Rip

Rîti

Rokhaya

Saba

Sabars

Saïte

Sall

Saloum

Samba Dyouma

Saras

Satang

Saudades

Séco

Sérères

Sèvre-Babylone

Siga Diouf Guignane

Signares

Simal

Simoun

Sine

Siny

Sîra-Badral

Sitôr

Shiva

Somali

Soni Ali

543

Sopè

Sorong

Soyan

Tabalas

Taga

Tagant

Tâgu-gûtut

Taj Mahal

Talbé

Talmbatts

Tama(s)

Tamsir

Tamtam (tam-tam)s

Tanns

Tata(s)

Tar

Teddungal

Tening-Ndyaré

Tokor

Tokô'Waly

Tondibi

Toubab

Toubab-Djalaw

Toutankhamon

Trarza

Tyagoum-Ndyaré

Tyâné

Tyaroye

Tyédo

Viguelwar de Kolnodick

Waï

Wâlo

Wa-wa-wâ

Warf

Woi

Woï

Wôi

Wolof

Woy

Yâram bi

Yêlas

Yokohama

Zambèze

Zoulou

544

INDEX DES THÈMES

 
 
 

322, 337, 338, 342, 349, 362, 383, 384,

385,

A

 
 

386, 459

 

Accueil · 11, 16, 17, 157, 356,

456

 
 
 

C

 
 
 
 

Acculturation · 215, 219, 355,

356,

366,

 
 

367, 372, 374, 392, 454, 460

 
 

Civilisation 16, 17, 18, 24, 25, 26, 29,

40,

Acculturée · 29, 116, 330, 356, 365, 366,

367, 368, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 455, 460

Africanité · 86, 184, 299, 306, 463 Assimilation 42, 43, 47, 48, 50, 64, 65, 80,

41, 48, 61, 62, 67, 69, 70, 74, 76, 77, 78, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 104, 105, 108, 109, 111, 113, 114, 115, 116, 117, 122, 125, 130, 131, 132, 133, 136, 139, 140, 142, 143, 146, 147,

81, 87, 101, 109, 113, 1185, 129,

135,

163,

149,

157,

160,

164,

166,

167,

168,

172,

164, 169,

205,

213,

256,

259, 262,

283,

300,

173,

184,

186,

188,

189,

198,

199,

200,

316, 318,

319,

320,

355,

356, 366,

367,

369,

201,

202,

204,

208,

209,

212,

219,

221,

370, 371,

372,

374,

415,

425, 426,

427,

458

229,

230,

241

243,

244,

251,

254,

255,

Assimilé 43,

115,

120,

134, 161,

164,

176,

256,

257,

258,

259,

260,

261,

262,

263,

261, 297,

346,

356,

371,

372, 374,

375,

400,

264,

265,

266,

272,

277,

279,

283,

284,

416, 460

 
 
 
 
 
 

285,

287,

288,

294,

295,

296,

297,

299,

 
 
 
 
 
 
 

300,

301,

302,

303,

304,

305,

306,

310,

B

 
 
 
 
 
 

311,

312,

313,

314,

315,

316,

317,

318,

 
 
 
 
 
 
 

319,

320,

321,

322,

334,

341,

342,

343,

Barrière 126,

245,

311,

312, 313,

317,

321,

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

354,

373,

392,

393,

409,

412,

415,

418,

375

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

420,

421,

422,

427,

429,

432,

435,

436,

Blanc 43, 47, 60,

68,

95, 102,

104,

132,

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

437,

450,

451,

455,

458,

459,

460,

461,

150, 153,

156,

160,

161,

162, 163,

164,

165,

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

462,

463,

464,

465

 
 
 
 

166, 168,

172,

173,

178,

180, 181,

183,

185,

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Civilisation de l'Universel ·

17, 18, 24,

186, 189,

191,

192,

200,

201, 203,

204,

210,

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

25, 26, 26, 29,

41,

61, 67, 69,

70, 76, 77,

212, 214,

215,

216,

221,

222, 244,

257,

262,

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

78, 89, 91, 94,

95,

96, 97, 98,

99,

109, 114,

280, 289,

304,

306,

308,

309, 310,

313,

318,

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

115, 116, 122,

125, 130, 131,

132, 136,

139, 140, 142, 143, 146, 147, 149, 168, 188, 189,200, 201, 202, 204, 221, 229, 230, 241, 243, 244, 245, 251, 254, 256, 257, 258, 259, 260, 263, 264, 266, 272, 277, 283, 284, 285, 287, 288, 295, 297, 300, 301, 302, 304, 305, 306, 310, 311, 312, 313, 314, 315, 316, 317, 319, 320, 321, 322, 341, 342, 343, 354, 393, 409, 412, 420 432, 450, 455, 458, 459, 460, 462, 463, 464

Civilisation universelle · 24, 131, 279, 287,

296, 299, 303, 312, 313, 314, 316, 317, 320

Civilisé · 44, 128, 135, 161, 163, 303, 346, 368, 369

Colonisation · 13, 16, 17, 24, 28, 42, 51, 59, 61, 78, 79, 113, 117, 118, 127, 150, 151, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 159, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 184, 198, 203, 205, 206, 210, 214, 223, 227, 245, 256, 257, 259, 262, 315, 318, 319, 333, 339, 354, 366, 369, 407, 409

Colonisé · 48, 49, 54, 59, 60, 61, 62, 69, 71, 77, 78, 79, 80, 84, 86, 101, 127, 132, 153, 163, 164, 285, 346, 369, 373, 426, 427

Communauté · 11, 12, 14, 27, 28, 33, 35, 36, 39, 40, 41, 47, 48, 50, 52, 55, 56, 57, 58, 60, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 70, 71, 76, 79, 80, 82, 83, 84, 85, 86, 88, 98, 98, 100, 111, 114, 133, 135, 138, 139, 148, 169, 175, 180, 184, 185, 186, 200, 203, 210, 221, 224, 225, 249, 258, 261, 266, 269, 270, 284, 287, 298, 299, 305, 309, 310,

545

311, 312, 314, 316, 317, 318, 319, 321, 325, 328, 329, 332, 342, 365, 390, 410, 455, 458, 459, 462, 463, 465 Complémentaire · 89, 92, 121, 122, 145, 200, 208, 231, 256, 304, 305, 357, 432, 448, 458, 459, 460, 463

Complémentarité · 40, 56, 62, 66, 75, 86, 89, 99, 111, 188, 202, 264, 279, 281, 300, 305, 313, 316, 321, 375, 442, 443, 457, 461

Concept · 9, 10, 11, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 22, 23, 27, 30, 31, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 50, 51, 58, 63, 66, 68, 69, 70, 72, 74, 75, 76, 78, 80, 101,107, 110, 113, 114, 117, 119, 120, 122, 123, 131, 135, 136, 139, 142, 146, 149, 150, 151, 168, 169, 172, 178, 185, 188, 200, 204, 207, 223, 227, 237, 245, 255, 261, 285, 300, 311, 313, 316, 321, 332, 333, 342, 343, 354, 358, 374, 379, 404, 407, 409, 410, 412, 425, 429, 439, 433, 452, 454, 457, 458, 462, 463, 464, 465

Conception · 10,11, 16, 19, 26, 27, 28, 35, 54, 66, 71, 72, 74, 84, 86, 87, 88, 90, 97, 98, 107, 109, 115, 116, 118, 127, 130, 131, 133, 134, 135, 136, 138, 148, 152, 167, 169, 180, 187, 188, 197, 204, 207, 213, 221, 222, 236, 242, 259, 260, 261, 263, 264, 266, 267, 269, 270, 271, 285, 287, 288, 303, 328, 329, 333, 345, 410, 413, 417, 431, 433, 434, 435, 447, 454, 455, 457, 461, 462

Culture · 11, 14, 16, 17, 18, 19, 24, 25, 26,

27, 28, 29, 33, 35, 39, 49, 54, 55, 56, 57,

546

58, 59, 60, 61,

72, 73, 74, 75,

90, 91, 92, 95,

62, 64, 65, 67,

76, 77, 84, 85,

96, 97, 98, 99,

68, 69, 70,

86, 88, 89,

100, 101,

Culture d'origine · 17, 28, 109,

139, 366, 367, 368, 371, 372,
Culture française · 51, 54, 55,

112, 121, 376, 402

56, 70, 76,

102,

103,

104,

105,

106,

107,

108,

109,

101, 104, 106,

109, 113, 115,

122, 124,

110,

111,

112,

113,

114,

115,

116,

117,

125, 138, 148,

164, 202, 203,

238, 322,

118,

119,

120,

121,

122,

123,

124,

125,

328, 369, 371,

373, 392, 404,

415, 419,

126,

127,

128,

129,

130,

131,

132,

133,

422, 423, 425,

426, 429, 452

 

134,

135,

136,

137,

138,

139,

140,

142,

Culturelle · 9,

10, 11, 16, 27,

29, 37, 40,

 

143,

146,

147,

148,

149,

153,

159,

160,

53, 56, 57, 58,

59, 61, 63, 64,

65, 67, 68,

161,

163,

164,

166,

168,

177,

180,

185,

69, 72, 73, 75,

77, 78, 79, 83,

84, 85, 86,

186,

187,

189,

199,

200,

202,

203,

204,

87, 88, 89, 90,

91, 92, 93, 94,

95, 96, 97,

207,

208,

209,

212,

218,

219,

221,

226,

98, 99, 100, 101, 102, 103, 105, 106, 108,

227,

228,

229,

230,

236,

238,

239,

240,

111, 112, 113,

114, 117, 118,

119, 120,

241,

245,

250,

251,

254,

255,

256,

257,

121, 122, 124,

125, 126, 127,

129, 132,

258,

259,

260,

261,

262,

263,

264,

265,

133, 134, 135,

136, 137, 138,

139, 140,

266,

267,

269,

270,

271,

272,

273,

275,

142, 143, 146,

147, 148, 149,

150, 164,

276,

279,

280,

281,

282,

283,

284,

285,

166, 167, 168,

172, 185, 186,

202, 205,

286,

287,

288,

289,

294,

295,

296,

297,

208, 209, 210,

220, 221, 222,

227, 230,

298,

299,

300,

301,

303,

304,

305,

307,

236, 240, 241,

245, 251, 254,

255, 256,

311,

312,

313,

314,

315,

316,

317,

319,

257, 258, 259,

262, 264, 266,

272, 281,

320,

321,

322,

325,

328,

329,

339,

353,

283 284, 286,

287, 288, 289,

294, 295,

355,

356,

361,

364,

366,

367,

369,

370,

296, 297, 298,

299, 300, 302,

305, 311,

371,

372,

373,

374,

375,

376,

380,

389,

312, 313, 314,

315, 316, 317,

318, 320,

391,

392,

393,

399,

402,

403,

404,

411,

321, 325, 327,

328, 330, 341,

345, 355,

412,

415,

419,

422,

423,

425,

426,

428,

354, 355, 356,

357, 358, 363,

367, 370,

429,

451,

452,

454,

455,

456,

458,

459,

371, 373, 374,

375, 376, 379,

380, 390,

460,

461,

462,

463,

464,

465

 
 

391, 392, 393,

399, 400, 402,

403, 405,

Culture africaine · 17, 24, 25, 29, 85, 1047,

406, 408, 415,

416, 418, 420,

425, 426,

115,

117,

118,

122,

131,

132,

138,

138,

427, 428, 431,

450, 454, 455,

458, 459,

147,

202,

227,

228,

238,

259,

260,

262,

460, 461, 462,

465

 

263,

264,

265,

266,

267,

269,

270,

272,

 
 
 

273,

275,

276,

279,

280,

281,

282,

285,

 
 
 

315,

320,

322,

339,

373,

374,

375,

422,

 
 
 

454

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

D

Décolonisation · 9,33, 34, 37, 80, 129, 138,

154, 163, 245, 407, 131, 462

Déculturation · 150, 215, 219, 355, 373, 375

Déculturé · 150, 164, 165, 223, 228, 375 Déraciné 113, 150, 228, 230, 272, 275, 355

E

Énonciation · 28, 144, 145, 152, 209, 214,

227, 246, 250 264, 330

Enraciné · 112, 116, 270, 271, 332, 335, 371, 399, 424, 456

Enracinement · 26,

98, 104, 105, 106, 107,

27, 35, 50, 91, 92, 97,

109, 110, 111, 112,

113,

114,

117,

119,

120,

121,

122,

123,

129,

139,

146,

281,

282,

283,

284,

285,

286,

294,

301,

305,

320,

321,

322,

333,

371,

423,

424,

426,

457,

458

 
 

Ethnie · 263, 269, 301,

332,

345,

350,

352,

389, 424, 455

 
 
 
 

Exil · 57, 58, 176, 177,

214,

215,

267,

331,

353, 367

 
 
 
 

F

 
 
 
 

Françafrique 467, 468

 
 
 
 

Français africanisé · 28,

29,

147,

224,

225,

226,

227,

230,

231,

232,

235,

236,

238,

239,

240,

241,

258,

259,

319,

321,

322,

377,

432

 
 
 
 
 
 

Francité · 18, 27, 34, 40, 69, 70, 74, 75, 77,

85, 86, 87, 89, 91, 93, 94, 95, 96, 98, 99,

109,

114,

115,

119,

129,

132,

136,

138,

139,

143,

146,

149,

299,

306,

328,

390,

392,

415,

423,

424,

425,

426,

427,

429,

430,

432,

435,

452,

455,

458,

459,

460,

461,

463

 
 
 
 
 
 

Francophone · 9, 10, 18, 29, 30, 32, 33, 36,

38, 39, 40, 43, 49, 50, 51, 53, 54, 57, 59,

61, 63, 64, 65, 66, 68, 73, 76, 78, 85, 90,

95, 105, 106, 107, 113, 115, 119, 121, 122,

123,

125,

126,

127,

129,

133,

134,

135,

136,

138,

148,

160,

169,

207,

208,

224,

230,

236,

239,

240,

242,

259,

263,

264,

299,

301,

312,

313,

314,

315,

316,

317,

318,

319,

320,

321,

322,

324,

326,

327,

328,

329,

330,

331,

342,

343,

350,

351,

352,

353,

355,

356,

358,

360,

361,

370,

371,

372,

373,

374,

375,

376,

377,

378,

379,

380,

387,

388,

389,

390,

392,

393,

400,

401,

402,

403,

404,

405,

406,

407,

408,

409,

410,

411,

412,

413,

414,

415,

416,

417,

418,

419,

420,

421,

422,

423,

424,

425,

427,

429,

430,

431,

432,

433

434,

435,

436,

437,

438,

439,

441,

442,

443,

444,

446,

447,

449,

450,

451,

452,

453,

454,

455,

456,

457,

459,

460,

461,

462,

463

 
 
 
 
 
 
 

Francophonie · 9,

10,

11,

12,

13,

14,

15,

16,

17,

18,

19,

22,

23,

26,

27,

28,

29,

30,

31,

32,

33,

34,

35,

36,

37,

38,

39,

40,

41,

42,

43,

47,

48,

49,

50,

51,

52,

53,

54,

55,

56,

57,

58,

59,

60,

61,

62,

63,

64,

65,

66,

67,

68,

69,

70,

71,

72,

73,

74,

75,

76,

77,

78,

79,

80,

82,

83,

84,

85,

86,

87,

88,

89,

90,

91,

92,

93,

94,

95,

96,

97,

98,

99,

100,

547

101,

102,

103,

104,

105,

106,

107,

108,

109,

110,

111,

112,

113,

114,

115,

116,

117,

118,

119,

120,

121,

122,

123,

124,

125,

126,

127,

128,

129,

130,

131,

132,

133,

134,

135,

136,

137,

138,

139,

140,

141,

142,

143,

144,

146,

147,

148,

149,

150,

151,

152,

153,

154,

155,

156,

157,

158,

159,

160,

161,

162,

163,

164,

165,

166,

167,

168,

169,

170,

171,

172,

173,

174,

175,

176,

177,

178,

179,

180,

181,

182,

183,

184,

185,

186,

187,

188,

196,

198,

199,

200,

201,

202,

203,

204,

205,

206,

207,

208,

209,

211,

212,

215,

216,

217,

218,

219,

220,

221,

222,

223,

224,

225,

226,

228,

229,

230,

235,

236,

237,

238,

239,

240,

241,

242,

244,

250,

252,

253,

254,

255,

256,

257,

258,

259,

260,

261,

262,

263,

265,

266,

276,

280,

282,

283,

285,

286,

287,

294,

295,

296,

297,

298,

299,

300,

303,

304,

310,

311,

312,

313,

314,

315,

316,

317,

318,

319,

320,

321,

322,

325,

326,

327,

328,

331,

340,

341,

342,

349,

350,

351,

352,

353,

372,

373,

376,

378,

379,

380,

381,

384,

386,

387,

388,

389,

391,

392,

401,

402,

403,

405,

406,

407,

408,

409,

410,

411,

424,

425,

426,

430,

433,

453,

454,

456,

457,

458,

459,

460,

461,

463,

464,

465

 

Fraternel · 68,

94, 149, 165, 166, 168,

170,

174,

177,

194,

195,

196,

220,

248,

304,

307,

309,

382,

402,

457

 
 
 

Fraternelle · 11, 28, 68,

168,

175,

180,

184,

185,

193,

195,

220,

276,

277,

281,

305,

306,

309,

312,

313,

320,

461

 

Fraternité · 24, 30,

95, 148, 149, 153, 164,

49, 61, 68, 69,

169, 173,

75, 86,

175, 179,

180,

182,

183,

184,

185,

186,

187,

189,

190,

191,

192,

194,

196,

200,

201,

203,

205,

216,

221,

260,

278,

289,

299,

303,

305,

307,

310,

316,

318,

320,

321,

327,

383,

384,

385,

387,

388,

389,

390,

411,

463

 
 
 
 
 
 
 

Frontière · 62, 105,

126,

299,

306

310,

312,

313,

314,

317,

321,

327,

403,

411,

459,

461,

463,

464

 
 
 
 

H

 
 
 
 
 
 
 

Humanisme · 29, 40, 56, 73, 74, 75, 76,

77, 78, 79, 84,

86, 88, 89, 90,

91, 92, 93,

94, 95, 97, 99,

101,

129,

130,

133,

139,

159,

186,

187,

199,

200,

204,

209,

212,

213,

216,

219,

221,

255,

257,

258,

259,

261,

263,

267,

270,

273,

276,

279,

281,

283,

284,

286,

287,

297,

298,

305,

306,

313,

314,

315,

316,

317,

319,

320,

321,

322,

329,

241,

342,

379,

382,

385,

386,

388,

389,

390,

392,

402,

420,

438,

455,

460,

461

 
 
 
 
 
 

Humaniste · 9, 79,

85, 90, 98,

99,

100,

111,

125,

133,

146,

164,

174,

222,

223,

256,

257,

258,

272,

285,

288,

301,

313,

316,

319,

320,

330,

379,

380,

381,

382,

383,

384,

385,

386,

387,

388,

389,

390,

402,

403,

421,

451,

455,

456,

459,

460,

462

 
 
 
 
 
 
 

548

I

Identité · 12, 16, 24, 29,

88, 90, 92, 94, 96, 101, 102,

30, 45, 59, 61, 79,

103, 105, 106,

108,

109,

113,

115,

116,

119,

120,

121,

136,

138,

139,

149,

160,

163,

165,

167,

168,

199,

202,

205,

206,

207,

225,

230,

231,

240,

242,

256,

259,

262,

283,

284,

286,

294,

295,

299,

304,

313,

314,

315,

316,

317,

320,

322,

324,

325,

326,

327,

328,

329,

330,

331,

332,

333,

334,

335,

336,

340,

341,

342,

343,

344,

345,

346,

347,

348,

349,

350,

351,

352,

353,

354,

355,

356,

357,

358,

359,

360,

361,

362,

363,

364,

365,

366,

367,

368,

371,

372,

373,

374,

375,

376,

377,

378,

379,

380,

381,

382,

383,

386,

387,

388,

389,

390,

391,

392,

393,

399,

400,

402,

403,

404,

405,

406,

409,

428,

454,

455,

456,

458,

460,

462

 
 
 
 
 
 

Identité acculturée · 29, 330, 356, 365,

366, 367, 368, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 455, 460

Identité constituée · 29, 353, 363, 375, 460 Identité culturelle · 27, 79, 90, 94, 106, 113, 119, 120, 121, 230, 240, 256, 262, 283, 294, 295, 299, 316, 317, 320, 328, 355, 356, 373, 374, 375, 379, 380, 390, 391, 392, 393, 399, 400, 402, 403, 405,

406, 455, 456

Identité francophone · 29, 30, 242, 259, 322, 326, 327, 328, 329, 330, 342, 343, 350, 351, 356, 358, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 380, 387, 390,

400, 402, 403, 404, 405,

454,

455,

456,

460, 462

 
 
 

Identité humaniste · 380,

381,

382,

383,

386, 387, 388, 389, 402,

403,

455

 

Identité rhizomique · 29, 329,

331,

332,

333, 334, 340, 341, 343,

344,

345,

346,

349, 350, 351, 352, 454,

460

 
 

L

 
 
 

Langue · 9,

10,

111, 14, 15, 16, 18, 24, 27,

28,

30,

32,

33,

35,

36,

37,

38,

39,

40,

41,

42,

43,

44,

45,

46,

47,

48,

49,

50,

51,

52,

53,

54,

56,

57,

58,

59,

60,

61,

63,

64,

65,

69,

72,

73,

74,

76,

77,

78,

79,

83,

84,

85,

86,

89,

90,

91,

92,

93,

95,

96,

97,

98,

99,

100,

101,

102,

103,

104,

105,

106,

107,

109,

110,

111,

112,

113,

114,

115,

117,

 

119,

120,

121,

122,

124,

125,

126,

127,

128,

129,

130,

132,

133,

134,

135,

136,

138,

140,

142,

145,

146,

147,

148,

149,

150,

153,

158,

160,

161,

163,

165,

168,

185,

203,

205,

206,

207,

208,

209,

210,

212,

213,

214,

215,

216,

217,

218,

219,

220,

221,

222,

223,

224,

225,

226,

227,

228,

229,

230,

231,

232,

233,

234,

235,

236,

237,

238,

239,

240,

241,

245,

246,

249,

258,

259,

260,

264,

274,

287,

297,

307,

311,

312,

314,

319,

321,

322,

326,

327,

328,

329,

349,

351,

353,

369,

370,

375,

377,

378,

379,

392,

395,

398,

399,

400,

402,

406,

407,

408,

409,

410,

411,

412,

414,

415,

416,

418,

419,

420,

421,

422,

424,

425,

426,

427,

429,

430,

431,

549

432, 433, 434, 453, 455, 456, 464, 465

441, 442, 446,

458, 459, 461,

451,

462,

452,

463,

Langue française · 10,

14,

16,

18,

24,

27,

28,

33,

35,

38,

39,

40,

41,

42,

43,

44,

45,

46,

47,

48,

49,

50,

51,

53,

54,

56,

57,

58,

59,

60,

61,

63,

64,

65,

69,

72,

73,

74,

76,

77,

78,

79,

84,

85,

86,

88,

89,

90,

91,

92,

93,

96,

97,

98,

99,

101, 102, 103,

104, 105,

106,

110,

112,

113,

115,

119,

120,

121,

122,

124,

125,

126,

128,

129,

130,

132,

133,

134,

135,

136,

138,

142,

146,

147,

148,

149,

153,

185,

203,

205,

206,

207,

208,

209,

210,

212,

213,

215,

217,

218,

219,

220,

221,

222,

223,

224,

225,

236,

237,

239,

241,

245,

246,

258,

264,

312,

319,

321,

327,

328,

351,

369,

370,

377,

378,

379,

399,

402,

406,

407,

408,

409,

411,

412,

414,

415,

416,

419,

420,

421,

422,

424,

425,

427,

429,

430,

431,

432,

433,

434,

441,

451,

452,

453,

455,

456,

 

458,

459,

461,

462,

464,

465

 
 

Langue maternelle · 9, 73, 78,

79,

103,

122,

207,

208,

215,

216,

219,

223,

224,

227,

228,

230,

430

 
 
 
 

Langues africaines · 28, 61, 89, 91, 98, 99,

102,

104,

106,

115,

117,

121,

136,

205,

207,

208,

209,

210,

217,

226,

228,

229,

230,

231,

232,

236,

240,

241,

319,

426

M

 
 
 
 
 
 
 

Métis · 29, 40, 72, 105, 219, 220, 222, 239,

240, 241, 245, 257, 330, 334, 335, 339,

340,

341,

342,

343,

347,

348,

349,

351,

352,

371,

373,

374,

375,

376,

378,

423,

454,

455,

460

 
 
 
 
 

Métissage · 14, 30,

76, 88, 92, 93,

100,

107,

131,

133,

142,

149,

160,

172,

173,

186,

203,

241,

298,

300,

301,

305,

311,

326,

329,

330,

334,

338,

339,

341,

342,

343,

344,

346,

349,

350,

351,

352,

356,

372,

373,

374,

378,

421,

427,

428,

430,

458,

459,

463,

464

 
 
 
 

Musique · 73,

116,

117,

131,

163,

206,

212,

214,

218,

219,

223,

226,

244,

263,

273,

275,

276,

277,

278,

395,

397,

398,

399,

401,

403,

404,

428,

436,

441,

443,

444,

446,

448,

450,

453,

464

 
 

Mythe · 21, 22, 30, 116,

117,

142,

144,

150,

282,

330,

400,

436,

446,

447,

448,

449,

450,

451

452,

453,

455,

463,

464

Mythe personnel · 21,

22,

30,

144,

330,

400, 455, 463, 464

 
 
 
 
 

N

 
 
 
 

Négritude · 11, 12, 13,

17,

18,

27,

35, 63,

67, 70, 71, 72,

92, 93, 94, 95,

84, 85, 86, 87,

96, 97, 98, 99,

88, 90, 91,

102, 104,

105,

106,

109,

114,

115,

119,

120,

129,

130,

132,

133,

135,

136,

138,

139,140,

142,

143,

146,

149,

160,

172,

173,

174,

184,

186,

190,

191,

199,

204,

213,

226,

251,

254,

255,

256,

279,

280,

284,

288,

299,

306,

318,

338,

348,

354,

359,

387,

390,

393,

397,

407,

409,

415,

416,

417,

423,

424,

426,

427,

428,

429,

430,

432,

550

551

433,

459, Noir

435,

460,

13,

446, 452, 453,456, 457, 458,

461, 462, 463, 464

24, 25, 43, 47, 60, 68, 78, 79, 87,

90, 93, 94, 96,

115,

129,

130,

132,

146,

147,

151,

153,

154,

160,

163,

164,

165,

166,

167,

168,

169,

171,

174,

175,

177,

178,

179,

180,

181,

182,

183,

184,

185,

186,

187,

189,

190,

191,

193,

195,

196,

197,

198,

199,

200,

201,

202,

203,

204,

205,

208,

209,

210,

211,

219,

221,

222,

237,

241,

242,

243,

244,

245,

246,

247,

248,

249,

250,

253,

254,

255,

256,

258,

259,

262,

263,

264,

304,

306,

308,

309,

310,

313,

314,

318,

319,

320,

322,

338,

342,

349,

359,

362,

369,

373,

385,

396,

420,

426,

442,

459,

466

 
 
 

Noosphère · 40, 76,

221,

304,

305,

313,

 

314

O

Ontologique · 255, 261, 273, 330, 378,

401, 403, 433, 436, 438, 441, 450, 451, 452, 453, 456, 461

Ouverture · 11, 24, 26, 27, 29, 35, 40, 49,

50, 55, 92, 97, 98, 99, 101, 104, 105, 107, P

109,

110,

112,

113,

114,

117,

119,

120,

121,

122,

123,

130,

139,

140,

146,

147,

168,

201,

205,

210,

248,

260,

261,

264,

283,

284,

286,

287,

288,

289,

294,

295,

296,

297,

298,

299,

300,

301,

305,

315,

316,

320,

321,

322,

326,

329,

341,

351,

356,

371,

423,

424,

458

 
 
 
 

Paix · 173, 180, 186, 189, 191, 192, 193,

194,

195,

196,

197,

235,

268,

289,

306,

308,

310,

318,

381,

383,

387,

389,

395,

397,

398

 
 
 
 
 
 
 

Panafricanisme 468

Pardon 142, 146, 149, 151, 187,

191, 192, 195, 196, 197, 198, 201,

204, 318, 379, 387

Poésie · 14, 15, 16, 17, 18, 19, 22,

189, 190,

202, 203,

23, 26,

28, 29, 30, 44,

68, 88, 93, 94,

117,

121,

140,

141,

142,

143,

145,

146,

148,

149,

150,

151,

189,

195,

197,

208,

209,

212,

 

214,

224,

226,

231,

232,

239,

242,

244,

246,

258,

266,

267,

286,

288,

294,

295,

296,

299,

301,

306,

312,

313,

315,

321,

322,

326,

329,

330,

331,

332,

334,

342,

343,

346,

352,

364,

365,

367,

379,

380,

387,

390,

393,

396,

398,

399,

400,

401,

402,

403,

404,

405,

406,

412,

413,

414,

415,

416,

417,

418,

419,

420,

421,

422,

423,

424,

425,

426,

427,

429,

430,

431,

432,

433,

435,

436,

437,

438,

439,

440,

441,

442,

443,

444,

446,

447,

448,

449,

450,

451,

452,

453,

454,

456,

457,

458,

460,

461,

462,

463,

464,

466

 
 
 

Poésie africaine 421, 423, 456

Poésie française · 415, 416, 417, 418, 419,

420, 421, 422, 423, 426, 446, 452, 456,

461, 462

Poésie francophone · 18, 29, 30, 148, 330,

400,

402,

403,

404,

405,

406,

412,

413,

414,

415,

416,

417,

418,

419,

420,

421,

552

422,

 

423,

424,

425,

429,

430,

431,

432,

433,

434,

435,

436,

437,

438,

439,

442,

443,

444,

446,

447,

450,

451,

452,

453,

454,

456,

457,

460,

461,

462,

463

 

Poésie humaine · 435, 450

Poésie mystique 453

Poésie mythopoétique 436, 450

Poésie négro-africaine · 433, 446

Poésie rythmique...450

Poésie senghorienne · 16, 17, 18, 19, 28,

29, 88, 140, 143, 149, 150, 151, 224, 226,

239,

266,

267,

286,

294,

296

(297), 299,

301,

306,

315,

333,

344,

346,

379, 390,

400,

401,

439,

450,

457,

458,

461, 463,

466

 
 
 
 
 
 
 

Poésie symbolique · 435,

450

 
 

Poète · 10, 15, 18, 19, 20,

24,

25,

28, 33,

43, 44, 45, 68, 77, 82, 93,

95,

99,

100, 142,

144,

145,

148,

150,

158,

168,

169,

171,

176,

177,

178,

185,

186,

189,

191,

200,

207,

210,

215,

218,

220,

222,

233,

234,

247,

249,

250,

251,

252,

255,

271,

279,

280,

294,

295,

296,

298,

307,

312,

330,

331,

348,

349,

368,

379,

385,

390,

392,

393,

394,

395,

396,

397,

398,

399,

400,

401,

402,

403,

404,

406,

407,

413,

414,

 

416,

417,

418,

419,

420,

421,

423,

424,

425,

426,

427,

432,

433,

436,

437,

438,

444,

447,

448,

449,

450,

451,

452,

453,

455,

456,

461,

464

 
 
 
 

Psychocritique · 19, 20,

21, 22, 23,

28,

144,

145,

146,

150,

151,

186,

209,

246,

264,

330,

334,

346,

358,

359,

380,

386,

461,

464

 
 
 
 
 
 

R

Rythme · 26, 44, 73, 91,

93, 94, 107, 130,

194,

198,

200,

212,

214,

217,

218,

225,

226,

229,

234,

237,

241,

250,

251,

255,

256,

259,

275,

276,

277,

278,

279,

290,

299,

394,

395,

397,

398,

399,

408,

412,

414,

415,

416,

418,

419,

420,

421,

436,

437,

439,

441,

442,

443,

444,

446,

450,

451,

452,

453,

459,

464

 
 
 

Rythmique · 158, 253, 274, 276, 277, 446,

450,

451, 456, 461

S

 
 
 

Sang · 29, 151,

171, 172, 173, 174, 175,

179,

180,

181,

182, 183, 184, 186, 190,

191,

193,

194,

196, 210, 216, 217, 228,

229,

244,

269,

274, 275, 279, 288, 291,

304,

306,

308,

330, 332, 334, 335, 337,

338,

339,

341,

342, 343, 344, 345, 346,

347,

348,

349,

350, 351, 352, 358, 362,

374,

384,

393,

396, 420, 439, 442, 445,

446,

453,

454,

460

Stratégie · 11,

12, 13, 237,

255, 371, 372,

373, 374, 424,

465

 
 
 
 
 

Symbiose · 12,

13, 16,

18,

26,

40,

56,

69,

75, 77, 86, 89,

93, 94,

95,

98,

99,

114,

115,

129,

132,

142,

146,

187,

219,

221,

256,

263,

269,

270,

273,

278,

287,

298,

311,

314,

317,

320,

348,

355,

363,

402,

411,

421,

423,

424,

425,

432,

446,

450,

452,

458,

459,

463,

464

 
 
 
 

Symbiose culturelle · 69, 89, 93, 98, 142, 146, 314, 425, 459

Symbole · 16, 30, 74, 103, 245, 273, 328, 344, 369, 416, 418, 419, 436, 438, 439, 440, 441, 446, 448, 450, 452, 453 Symbolique · 21, 83, 145, 205, 265, 324, 435, 439, 447, 448, 449, 450, 451, 452, 453, 456, 461

Unité · 26, 29, 38, 50, 62, 79, 93, 98, 103,

108, 127, 131, 132, 142, 150, 179, 180,

185,

190,

216,

224,

261,

284,

304,

310,

311,

315,

316,

317,

318,

320,

321,

325,

329,

348,

351,

362,

375,

378,

386,

387,

388,

389,

423,

434,

433,

435,

452,

453,

456,

459,

462,

463

 
 
 
 

V

 
 
 
 
 
 
 

Voyage · 282,

290,

294,

295,

296,

299,

353, 354, 463

U

553

INDEX DES AUTEURS

A

A. Kibédi Varga 439

Abdillahi Aouled 9, 32, 39, 46, 47, 49

Abdoul Diouf -- 11, 64, 100, 222, 252, 253, 254, 389, 436

Abdoulaye Diawara 26, 304, 305, 317

Abib Sene 342

Adama Ndao 24, 25, 171

Adama Ouane 199, 405

Adama Samaké 387

Adou Bouatenin - 13, 14, 16, 18, 22, 27, 61,

69, 88, 118, 142, 185, 187, 207, 239, 270,

295, 381, 387, 402, 404

Ahmadou Kourouma 93, 225, 269

Ahmed Sékou Touré 60, 61

Aimé Adopo Achi 227

Aimé Césaire -- 87, 88, 119, 157, 165, 169, 171, 185, 208, 243, 297, 390, 406, 417, 419, 422, 425, 428, 429, 430, 438, 453, 454

Aïssata Soumana Kindo - 6, 12, 90, 93, 207

Alain Juppé 64, 240
Alain Mabanckou --- 36, 100, 329, 412, 413

Alain Ménil 430, 432

Alain Vaillant 415

Alassane Ndwa 108

554

Albert Christiane 326 Albert Tevoedjré 118

Alexandra Aizier 12, 126

Alexis Kagamé 108

Alexis Vassilis 111

Alice Goheneix -- 27, 39, 41, 42, 47, 48, 52, 54, 79, 213, 214

Alioune Mbaye 226, 227, 232

Alioune Sall 163

Alioune Sène 91

Alpha Condé 169

Alpha Ibrahim Sow 108, 109, 117, 121

Amadou Hampâté Bâ 283, 284

Amadou Koné 62, 244, 245

Ambroise Kom 12, 69

Amilcar Cabral 285

Amin Maalouf 324, 363, 365, 411, 412

Amina Meziani 205, 324

André Malraux 263, 425

André Maurois 301

Anne Hamidou 198

Anne Judge 68, 160

Anne-Rosine Delbart ---- 53, 115, 229, 406, 409

Anne-Lisse Gallay 24, 25

Annette Boudreau 377, 378

Antionette Liechti 340

Antoine Rivarol 222

Antoine Saint-Exupéry 284, 314

Armand Guibert 209, 355, 356

Arnaud Bernadet 19

Arthur Rimbaud -- 417, 418, 419, 421, 425, 427, 436, 452, 461

Assa Syntyche Assa 324

Assane Seck 391, 393

Atsain François N'cho 233

Aude Béliveau 129

Aurélien Yannic 75, 134, 328

B

Babacar M'baye 172

Babacar Ndiaye 125

Babacar Sédikh Diouf 217

Bara Diouf 220

Béatrice Majza 33

Béatrice Turpin 9, 10, 34

Bégong-Bodoli Betina -- 12, 35, 36, 37, 70, 71, 78, 79, 133, 207

Bena Djangrang Nimrod 327

Bénézet Bujo 262, 265

Bernard Magnier 335, 360

Bernard Pöll 68

Bernard Wallon 36,39, 212, 236

Bernard Zadi Zaourou 206, 207

Bi Trazié Serge Bli 15

Birago Diop 269

Blaidy Dioum 96

Bruno Bourg-Broc --- 10, 55, 134, 189, 301

C

Camille Bourniquel - 34, 52, 53, 57, 59, 60, 63

Carmen S. Stoean 145

Catherine Coquery-Vidrovitch 154

Catherine Kerbrat-Orecchioni - 23, 28, 144,

145, 207, 210, 214, 227, 330, 384, 461

Cécile B. Vigouroux 35, 36

Cecile Dolisane-Ebosse

 

270

Cecile Thomas

 
 

164

Celina Scheinowitz

 

18,

263

Charles Baudelaire ----

-417, 418,

419,

421,

437, 441, 461

 
 
 

Charles Bonn

406, 408,

411,

412

Charles Mauron ---- 19,

20, 21, 22,

28,

143,

144, 146, 152, 330, 386, 400, 461

 
 

Charles Taylor

 
 

340

Cheikh Hamidou Kane

166,

215,

290

Christian Philip

 

110,

126

Christian Vandendorpe

 
 

410

Christophe Premat

 
 

11

Claire Riffard 112,

405, 406,

407,

408,

409, 412

 
 
 

Claire Tréan 13,

34, 40, 41,

153,

160

Claude Caitucoli

 

225,

412

Claude Morin

 
 

85

Claudia Moisei

 

10, 11, 14

Clément Mbom

 
 

62

D

 
 
 

Daniel Garrot

202, 260,

277,

447

Daniel Maximin

68, 148,

326,

327

Daniel Pasquier

 
 

366

D'Arcy Hayman -- 331,

435, 436,

437,

438,

439

 
 
 

David Adamou Dongo

 
 

144

 
 
 

555

David Gakunzi 223, 285, 371

Deli Zra 262, 285

Didier Lamaison 144

Djian Jean Michel 346

Djibril Tamsir Niane 176

Dominique Combe 103, 375, 405

Dominique Wolton 59, 101, 165, 328,

351, 402

Driss Khrouz 125

E

Ébénézer Njoh-Mouelle 41, 149

Edema Atibakwa-Boboya 100

Edgar Faure 80, 311, 421

Edmond-Marc Lipiansky 325, 372

Édouard Glissant 325, 332, 333, 349,

352, 427, 428, 429, 430, 431

Edward Tylor 261
Emmanuel Macron ---- --39, 135, 159, 166, 198, 229, 230,

Emmanuel Mounier 342, 373

Étienne Smith 370

Eugène Tavares 11, 12, 354

F

Félix Guattari 332, 333

Félix Houphouët Boigny - 62, 82, 167, 464

Fernando Lambert 18, 143

Fétigué Coulibaly 231

Florent Parmentier 133, 134

François Crouzet 345

François de Closets 303

556

François Hollande 125 François Fillon 166

François Pire 144

François Provenzano 10, 74, 127, 405

François-Xavier Verschave 464

Françoise Argod-Dutard 230

Fulgence Manirambona 342

G

Gabriel Calaya 436

Gabriel de Broglie 132, 212

Gaston Bachelard 294, 413, 453

Gaston Berger 266, 294, 305

Genevière Vinsonneau 331, 349

Georges Balandier 266, 302, 303

Georges Bastide 302

Gérard Dessons 19

Gilles Vigneault 105

Goly Mathias Irié Bi 235

Gustave Lanson 4

Guy Allix 288, 301

H

Hamidou Dia 304, 330

Henri Lopès 26, 105, 326, 349, 385

I

Ibrahim Baba Kake 261, 263

Ibrahim Diop-- --14, 16, 17, 34, 41, 67, 69,

90, 114, 132, 142, 207, 220, 221, 242, 287, 288, 311

Ingse Skattum 10

Irène Gayraud 448

Irina Bokava 381

Isabelle Constan 431

Issa Sangaré Yeresso 119

J

J. et M. J. Derive 119

J. Tshisunguwa Tshisungu -- 13, 15, 34, 72,

73, 77, 78, 89, 98, 132, 404, 405

Jacqueline Sorel 390

Jacques Barrat 10, 11, 14

Jacques Chevrier --- 49, 74, 77, 88, 92, 130, 155, 213, 265, 295

Jacques Dufresne 382

Jacques Godbou 410

Jacques Maquet 266, 302, 303

Jacques Rabemananjara - 96, 163, 187, 206, 207

Janet G. Vaillant 17, 67, 215, 251

Jean Bernabé 429, 430

Jean Bernard Kouadio 240, 241

Jean Foucault 224, 236, 327

Jean Lacouture 62

Jean Maisonneuve 149

Jean Michaëlle ---- -55, 101, 102, 103, 110, 124, 241

Jean Pruvost 45

Jean Tardif 324, 327

Jean-François Dortier 287

Jean-Georges Prosper 195

Jean-Jacques Konadjé 32, 103

Jean-Jacques Rousseau 382

Jean-Louis Joubert 377, 448

557

Jean-Louis Bédouin 433 Jean-Marc Léger-- -- 34, 36, 37, 53, 54, 55, 61, 62, 64, 69, 85

Jean-Marie Adiaffi 350

Jean-Marie Borzeix 36, 134

Jean-Marie Domenach -- 34, 52, 53, 57, 59, 60, 63

Jean-Marie Guyau 442
Jean-Nicolas de Surmont -- 36, 89, 90, 129, 133, 164, 379

Jean-Paul Pougala 272
Jean-Paul Sartre -- 185, 207, 209, 211, 414, 428

Jean-Paul Warnier 369
Jean-Pierre Asselin de Beauville 312, 313, 324, 326

Jean-Pierre Biondi 355

Jean-Pierre Hoss 36

Jean-Pierre Makouta-Mboukou 225

Jean-René Bourrel 87, 90, 91, 149

Joël Clerget 15, 16, 145, 150

Joëlle Farchy 324

John Kristian Sanaker 10

John W. Berry ---- 355, 356, 366, 367, 371, 372, 374

José Fontaine 69

Josefina Bueno Alonso 327, 351

Joseph Roger de Benoist 189

K

Kahiudi C. Mabana 256

Kameni Alain Cyr Pangop 357

Karim Holter 10

Karim Traoré 12

Katia Haddah

Ken Bugul

Kouamé Kouamé

Koutchoukalo Tchassim

114, 116, 129, 131

 

105,

49, 239 327 385 106, 113,

L

 
 
 

L. Duponchel

 
 

121

Laurence Arrighi

 
 

377, 378

Laurent Gbagbo

 

80, 84, 105

Laurier Turjeon

 

339

Léandre Sahiri

 

20

Léo Férré

 

444

Léon Nadjo

 

92

Léon-Gontran Damas

87,

348, 423, 426

Léopold Sédar Senghor ---

9,

10,

12, 13, 14,

15, 16, 17, 18, 19, 22, 23,

24,

25,

26, 27,

28, 29, 30, 32, 33, 34, 35,

37,

40,

41, 51,

53, 54, 55, 56, 59, 61, 62,

63,

64,

65, 66,

67, 68, 69, 70, 71, 72, 73,

74,

75,

76, 77,

78, 79, 80, 81, 82, 83, 84,

85,

86,

87, 88,

89, 90, 91, 92, 93, 94, 95,

96,

97,

98, 99,

100,

101,

102,

104,

106,

108,

109,

111,

113,

114,

115,

116,

117,

119,

119,

120,

121,

122,

126,

129,

130,

131,

132,

135,

136,

138,

139,

140,

141,

142,

143,

146,

147,

148,

149,

150,

151,

152,

153,

154,

155,

156,

157,

158,

159,

161,

164,

165,

166,

167,

168,

169,

170,

171,

172,

173,

174,

176,

177,

178,

180,

182,

184,

185,

186,

187,

189,

190,

191,

195,

197,

198,

199,

200,

201,

202,

203,

204,

205,

206,

207,

208,

209,

210,

212,

213,

214,

215,

558

216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 226, 227, 231, 233, 234, 236, 237, 238, 239, 240, 241, 243, 244, 245, 251, 253, 254, 255, 256, 258, 260, 262, 263, 264, 265, 267, 270, 272, 273, 276, 277, 278, 279, 280, 281, 283, 284, 286, 287, 289, 293, 297, 298, 299, 300, 301, 304, 305, 310, 311, 312, 313, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 326, 329, 330, 331, 333, 335, 336, 338, 339, 340, 341, 342, 343, 347, 349, 350, 351, 352, 353, 354, 356, 358, 359, 363, 364, 365, 366, 367, 368, 370, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 380, 382, 384, 385, 387, 388, 390, 392, 393, 399, 400, 401, 402, 403, 404, 405, 406, 407, 409, 412, 413, 414, 415, 416, 417, 418, 419, 420, 421, 422, 423, 424, 426, 427, 429, 433, 435, 436, 437, 438, 439, 441, 442, 443, 446, 447, 449, 450, 451, 454, 455, 457, 459, 460, 461, 463, 464, 466, 468, 469

Liano Petroni 226

Liliane Fo°alãu 331, 349, 350

Lilyan Kesteloot ---- 18, 102, 208, 225, 226, 236, 237

Linton Ralph 366, 367

Lise Gauvin 154, 410

Loïc Depecker 16

Louis de Broglie 240

Louis Martin-Chauffer 224

Luc pinhas ---- -32, 33, 40, 42, 43, 48, 126, 128, 160

Lucien Febvre 345

Lucy Baugret

 

325

M

 
 

Magloire Somé

 

265

Makhily Gassama

93, 414,

415

Mamadou Bani Diallo 7,

17, 37, 67,

95,

142

Mamadou Cisse

 

208

Mamadou Cissé

369,

370

Mangoné Seck --- 91, 92, 93,

106, 107,

115,

116, 117

 
 

Marc Edmond

 

325

Marc Gontard

11, 12,

160

Marcien Towa ---- 167, 174,

176, 177,

197,

305, 349

 
 

Mariana Ionescu

 

358

Marie-Claire Gousseau

 

261

Mariétou Diongue

 

263

Maurice Druon

Méo Guy Di

38, 39,

167

356

Michael Hammer

 

345

Michel Beniamino 154,

225, 405,

407

Michel Dupouey

 

56

Michel Guillou 11,

124, 135,

136

Michel Hausser

88,

426

Michel Tétu

 

68

Mihaela-Alexandra Acatrinei

 

408

Moussa Fall

 

227

Moustapha Samb

 

298

Moustapha Tambadou

153,

256

Muriel Placet-Kouassi

 

330

Myriam Louviot

325,

366

N

 
 
 

Nadia Yala Kisudiki

 

142,

288

Nelson Mandela

 
 

5

Ngalasso Mwatha Musanji

 
 

15

Nicolas Sarkozy

 

16,

135

Niels Planels

 

407,

431

Nsame Mbongo

 

276,

280

O

 
 
 

Odile Hardy

381,

382,

388

Olga Balogun

 

116,

287

Onésime Reclus -- 9, 10, 14,

17, 27, 32,

33,

34, 35, 37, 38, 39, 41, 42, 43,

44,

45, 46,

47, 48, 49, 50, 51, 54, 58, 63,

65,

72, 99,

100, 101, 103, 106, 112, 113,

121,

122,

 

126, 127, 128, 129, 133, 135,

136,

138,

 

139, 140, 223, 245, 345, 410,

412,

425,

 

457, 458, 463

 
 
 

Oumar sankhare

 
 

251

P

 
 
 

Pabé Mongo

 

207,

224

Paola Puccini - 9, 15, 41, 52,

53, 56, 63, 75

Papa Gueye N'diaye

 
 

279

Papa Samba Diop --- 24, 25,

158,

171,

191,

359

 
 
 

Pape François

 
 

389

Passou Lundula

 
 

12

Pathé Diagne

 

113,

287

Patrick Chamoiseau

 
 

429

Patrick Charaudeau

 
 

391

Patrick Sultan

 

26, 37

 
 

559

Paul Claudel - 399, 404, 412, 421, 433, 443

Paul Drezet 407, 408

Paul Dumont 10, 11, 39, 89, 111, 226

Paul Friedrich 413, 446, 448, 449

Paul Ricoeur 303, 315, 316, 325

Paul Sabourin 84, 91

Paul Verlaine 443

Paulin Hounsounon-Tolin --- 106, 107, 108

Petr Vurm 36, 130, 143, 226
Philipe Lavodrama --- 7, 17, 34, 67, 68, 69, 142

Pierre Renauld 449

Pierre Soubias 217

R

Raphaël Confiant 429

Rebecca Ursula Brønnum Scavenius 101

Redfield Robert 366, 367

René de Lacharrière 81, 82, 83

René Despestre

 
 
 

333

René Gnaléga

-12,

18, 34, 67,

83,

131,

132, 171, 191, 207,

226,

238, 273,

276,

 

277, 278, 279, 280,

285,

298, 300,

317,

 

326, 329, 330, 332,

341,

344, 351,

354

 

René Makounkolo

 
 
 

366

Robert Chaudenson

 
 
 

7

Robert Sabatier

 

44, 46,

425,

433

S

 
 
 
 

Saïda Belouali

102,

208, 224,

229,

400

Salman Rushidie

 
 
 

325

Samba Diakité

 
 
 

286

Samira Boubakour

Samuel Huntington

205,

326

316

Sana Camara 26,

171,

390

Sandra Glatigny

448,

449

Serge Arnaud

 

11

Seydou Badian

 

272

Sigmund Freud

 

20

Slimane Benaïsa

230,

231

Snauwaert Maïte

 

145

Sophie Croiset 53, 115, 229,

406,

409

Stanislas Adotevi

132,

185

Stella M. A. Johnson

Stélio Farandjis 11, 13, 37,

13,

299,

129

301

Stéphane Mallarmé

418,

419

Sylvia Washington Bâ

 

416

Sylvie Coly 283, 285,

286,

287

T

 
 

Tahar Ben Jelloun

327,

453

Tanella Boni 10, 26, 36,

130

Thérèse Djilane Diob 93,

Thi Hoai Trang Phan 9, 101, 103,

295,

126,

296

127,

134, 149

 
 

Toader Saulea 273,

Toba Misuzu --- 79, 80, 101, 104,

294,

105,

330

131,

298

 
 

V

 
 

Véronique Gély

 

449

Véronique le Marchand

 

34

Véronique Porra 409,

411,

431

Véronique Tadjo

326,

390

Vihelmina Vitkauskienè

 

33

 
 

560

561

Victor Hugo

 

418,

419, 421, 436,

443

Virgilio Elizondo

 

341, 357,

364

Virginie Marie

 

33, 68, 128,

189

Voltaire

 

44,

385

X

 
 
 

Xavier Deniau

11,

12, 14, 33, 58,

106

Xavier Garnier 406, 408, 411, 412

Y

Yao Assogba 76, 86

Yves Benot 197

562

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand