Section 1. Conditions de recevabilité de
requête devant le juge international
Il serait à ce niveau réducteur, après
avoir analysé les différentes consécrations du droit
d'accès à la justice environnementale au niveau de chaque
région, de se limiter seulement, d'une part, aux conditions de
recevabilité des requêtes portant sur ce droit dans une seule
région puisque les conditions de recevabilité son presque
identique, et d'autre part aux seules affaires portant sur les conventions
consacrant le droit d'accès à la justice. Ainsi, dans le cadre de
cette section sur les conditions de recevabilité nous ferons un
parallélisme entre les conditions retenues au niveau des juridictions de
chaque région (Afrique, Amérique et Europe, pas forcément
dans cet ordre), avec une certaine préférence au système
européen et africain qui offrent une jurisprudence aussi riche que
varié et facile d'accès.
De façon générale, l'action en justice
est soumise au principe du libre accès au prétoire. Mais ce
principe n'est pas absolu, à cela s'ajoute d'autres conditions que le
requérant devra remplir. Le requérant qui veut soumettre ses
prétentions devant le juge international doit remplir un certain nombres
conditions. Parmi lesquelles avoir qualité et intérêt dans
la cause (§1) et du respect de la procédure devant le juge
(§2).
§1. Qualité d'agir et
intérêt
La recevabilité d'une requête par une juridiction
est soumise au respect d'un certain nombre d'élément de
procédure tel que la qualité (A) et l'intérêt
à agir (B). Ces deux éléments constituent le socle
même de toute action en justice que ce soit au niveau national ou
international. S'il est vrai que ces éléments ne posent pas trop
de problème dans la revendication des droits civils et politiques, il
n'en est pas de même pour ce qui concerne la protection de
l'environnement car comme le disait Christopher Stone, la nature, pas plus que
ses éléments, ne peut communiquer avec les instances
judiciaires.
A. Qualité d'agir
En règle générale, la qualité
à agir s'entend comme le pouvoir d'agir en justice appartenant à
toute personne intéressé qui a un intérêt direct et
personnel à la reconnaissance du bien-fondé de sa
prétention133.
133 Serge Guinchard, Lexique des termes juridiques,
Paris, éd. Dalloz, 19ème édition, 2012, p.
706.
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Quoique la question sur l'accès à la justice
soit un sujet à la fois actuel et fondamentale, on constate qu'il est
diversement assuré selon les Etats134. L'accès le plus
large est assuré par l'actio popularis135 d'un
côté, et à l'autre extrême du spectre seules
personnes pouvant se prévaloir d'une atteinte à un droit
subjectif, à savoir la lésion d'une norme adoptée pour
protéger spécifiquement l'intérêt
lésé. Et enfin, sous l'empire d'une troisième approche, un
recours sera déclaré recevable si le requérant justifie
d'un intérêt « suffisant » à agir, ce qui en soi
ne règle pas encore définitivement la question, dès lors
que l'intérêt du demandeur doit, dans certains ordres juridiques,
être strictement « direct et personnel », alors que, dans
d'autres, une interprétation plus libérale prévaut,
pouvant aller jusqu'à la prise en compte de l'intérêt
collectif poursuivi statutairement par une association.
Face à cette diversité d'approche au niveau
national, l'outil principal d'harmonisation, d'uniformisation ou même de
rapprochement des règles appliquées par les différentes
nations est le droit international de l'environnement, qui se traduit par
l'élaboration et l'adoption de traités internationaux et de
textes non obligatoires.
Ainsi, l'art. 34 de la CEDH dispose que : « La Cour
peut être saisie d'une requête par toute personne physique, toute
organisation non gouvernementale ou tout autre groupe de particuliers qui se
prétend victime d'une violation par l'une des Hautes Parties
contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles ».
Alors que le Protocole de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples, en son article 5, se limite à énumérer les
personnes ayant qualité parmi lesquelles figurent les individus et les
ONG dotées du statut d'observateur auprès de la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples mais seulement contre les Etats
ayant fait la déclaration acceptant la compétence de la Cour au
regard de l'art. 34. 6 du Protocole de la Cour. Et l'art. 6 du Protocole de la
Cour poursuivant en conditionnant la recevabilité de requêtes au
respect de l'art. 56 de la CADHP qui énumère entre autre
condition la compatibilité de la requête avec la Charte, l'absence
de termes outrageant et ne pas se limiter à rassembler exclusivement des
nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse.
134 La Commission européenne s'était
déjà penchée sur cette question. Ainsi, le Conseil
européen du droit de l'environnement en collaboration, avec
l'Association européenne de droit de l'environnement, avait
procédé à une étude comparée sur le droit
d'applicable dans les quinze Etats membre d'alors. Voir à ce propos
Pirotte Charles, « L'accès à la justice en matière
d'environnement en Europe : état des lieux et perspectives d'avenir
», in Revue Juridique de l'Environnement, numéro
spécial, 2009, pp. 25-29.
135 Au Portugal, par exemple, la Constitution de 1976
amandée consacre une telle action en son article 52, paragraphe 3.
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En matière de protection de l'environnement, le
rôle des associations est primordial en ce qu'elles sont à
l'origine d'une part importante du contentieux environnementale. C'est pourquoi
la Cour européenne se livre à une interprétation
plutôt souple de l'art. 34 de la CEDH quand il s'agit de l'appliquer
à ces associations136. Ces interprétations se situent
dans la droite ligne du Statut particulier que la Cour reconnait aux
organisations non gouvernementales qui attirent l'attention de l'opinion sur
des sujets d'intérêt public, exerçant un rôle de
chien de garde public semblable par son importance à celui joué
par la presse. A noter également que ces associations peuvent intervenir
également devant la Cour européenne au regard de l'art. 36. 2 de
la CEDH qui prévoit la possibilité pour le président de la
Cour d'inviter toute personne intéressée autre que le
requérant à présenter des observations écrites ou
à prendre part aux audiences.
Seul la qualité pour agir devant une juridiction
qu'elle soit nationale ou internationale ne suffit pas pour pouvoir soumettre
ses prétentions de droits devant le juge, il faut encore à cela
faire montre d'un intérêt à agir pour voir sa requête
être déclarée recevable par le juge.
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