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Enfant naturel en droit tchadien, étude à  la lumière du projet de code des personnes et de la famille


par Modeste BESBA
Université de Ngaoundéré. - Master 2016
  

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Paragraphe deuxième : L'absence d'assimilation de l'enfant naturel à la famille de ses auteurs

L'attribution aux autres enfants naturels la part successorale d'un enfant légitime, à l'exclusion de l'enfant incestueux ne suffit pas à proclamer qu'ils lui sont assimilés. C'est ce qui pousse à parler d'une insuffisante assimilation. L'insuffisance ne réside pas seulement dans le fait que l'enfant incestueux est exclu de cette assimilation, mais encore que ces enfants prétendus assimilés à l'enfant légitime n'en font pas partie des familles de leurs parents. Cette affirmation est juste puisque même avec l'APCPFT, les enfants naturels tchadiens ne peuvent pas hériter de leurs grands-parents (A), ni représenter leurs parents prédécédés (B).

A- Le refus de l'attribution à l'enfant naturel reconnu des droits successoraux sur les biens des grands-parents

Contrairement à l'enfant légitime qui est assimilé dans la famille de ses auteurs, l'enfant naturel n'a pas ce privilège en droit tchadien des successions.

Lorsque la filiation de l'enfant naturel n'est pas établie (cas de l'enfant incestueux), il ne bénéficie non plus des droits successoraux. Une fois la filiation établie, l'enfant naturel acquiert des droits envers ses père et mère. Ces droits qui ne représentent que la moitié de la part d'un enfant légitime dans le Code civil, ont augmenté avec l'avènement du PCPFT. Selon l'alinéa1 de l'article 668 du PCPFT : « Les enfants naturels reconnus par leur père ou mère et ceux dont la filiation maternelle est juridiquement établie sont appelés à la succession de leur père et mère dans les mêmes conditions que les enfants légitimes sous réserve des dispositions de l'article suivant ». Ici, la réciprocité joue puisque les parents de l'enfant naturel reconnu héritent de lui. C'est ce qui ressort des dispositions de l'article 765 du Code civil. Cet article dispose : « La succession de l'enfant naturel décédé sans postérité est dévolue au père ou à la mère qui l'a reconnu, ou, par moitié, à tous les deux, s'il a été reconnu par les deux ». Le parent qui a reconnu l'enfant naturel a droit à sa succession. Si les deux l'ont reconnu, ils succèdent à l'enfant par moitié chacun, en application du mécanisme de la fente. Mais pour que les parents succèdent l'enfant, il faut qu'il soit décédé sans postérité. Ce qui signifie que la présence d'un descendant fera obstacle à la successibilité des parents parce que la ligne descendante écarte tous les autres ordres d'héritiers.

Bien que l'enfant naturel hérite de ses auteurs et vice-versa, il n'entre pas dans la famille de ces derniers. Par conséquent, il ne peut, au sens de l'article 757224(*) du Code civil, hériter les membres des familles de ses auteurs, y compris les grands-parents. Ainsi s'affirme une supériorité successorale de l'enfant légitime dans le Code civil. Cette supériorité est exprimée par l'article 745 de ce code comme suit : « Les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère, aïeuls, aïeules, ou autres ascendants, sans distinction de sexe ni de primogéniture, et encore qu'ils soient issus de différents mariages ». De surcroit, cet article ne limite pas les droits successoraux de l'enfant légitime à ses grands-parents, mais les étend à d'autres ascendants. Reste à voir ce que l'enfant naturel aura dans la succession de ses grands-parents dans le droit prospectif.

Puisque le droit évolue dans le temps et dans l'espace, le législateur français a, depuis la loi du 3 janvier 1972, assimilé l'enfant naturel à l'enfant légitime sur le plan des successions. Ceci étant, tous les enfants, à l'exclusion de l'enfant incestueux, ont droit à la succession de leurs grands-parents. Cette assimilation de l'enfant naturel dans la famille de ses auteurs n'est pas propre à la France.

Une dizaine d'années après la loi française de 1972, la Belgique fut condamnée par la Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH) dans son arrêt Vermeire du 29 novembre 1991, parce qu'une femme, née d'un père célibataire qui l'avait reconnue, avait été exclue par les juridictions belges de la succession de son grand-père paternel, décédé le 21 juillet 1980 soit après l'arrêt Marckx mais avant la réforme du droit de la filiation, au motif que la parenté naturelle n'établissait pas, à l'époque, de lien de filiation avec les aïeuls225(*). La Cour a affirmé ne pas discerner ce qui pouvait empêcher les juridictions belges de se conformer aux conclusions de l'arrêt Marckx226(*) en ce qui concerne la suppression de la discrimination entre les enfants naturels et légitime. Pourtant, la règle qui interdisait d'opérer une discrimination fondée sur le caractère naturel du lien de parenté qui unissait Astrid Vermeire au défunt, par rapport à ses cousins nés dans le mariage n'était en effet ni imprécise, ni incomplète. Cette condamnation de la Belgique par la CEDH a opéré en droit belge des successions l'égalité tant cherchée entre les enfants par un bon nombre d'Etats.

Bien que soucieux de l'égalité entre les enfants, le législateur tchadien n'a pas atteint ce but, puisque même avec le Projet de Code des Personnes et de la Famille en cours d'adoption, seul l'enfant légitime hérite de ses grands-parents. Cette affirmation découle de l'article 654227(*) de ce Projet consacré aux droits successoraux des descendants légitimes. L'assimilation de l'enfant naturel à l'enfant légitime évoquée dans le PCPFT ne concerne que la succession des père et mère. L'article 668 de ce Projet est claire là-dessus, lorsqu'il dispose : « Les enfants naturels reconnus par leur père ou mère et ceux dont la filiation maternelle est juridiquement établie sont appelés à la succession de leurs père et mère dans les mêmes conditions que les enfants légitimes sous réserve des dispositions de l'article suivant. Les enfants naturels prédécédés, codécédés dans les conditions prévues à l'article 548228(*), indignes, présumés ou déclarés absents, sont représentés par leurs descendants légitimes ». Cet article précise même que les enfants naturels ne peuvent être représentés que par leurs descendants légitimes.

Le législateur tchadien milite pour la tendance qui sous-tend qu'il n'y a pas de « grands-parents naturel229(*) », c'est pourquoi l'enfant naturel ne peut pas prétendre avoir de ceux-ci des droits successoraux. Le lien de filiation naturelle est donc sans conteste personnel et n'engage que les parents, auteurs de la naissance de l'enfant. Le législateur exige aux termes de l'article 307230(*) du PCPFT que l'enfant naturel reconnu soit légitimé pour bénéficier de l'assimilation totale, pourtant la reconnaissance en elle-même est un acte produisant des effets de droit.

Il serait bon que les rédacteurs du PCPFT laissent l'idée de la légitimation de l'enfant naturel (comme ce fut en France avec l'ordonnance du 4 juillet 2005) et que la reconnaissance valle assimilation totale de celui-ci à l'enfant légitime, avec pour conséquence la succession des grands-parents. Si tel n'est pas encore le cas, il faut se demander si l'enfant naturel tchadien bénéficie du mécanisme de la représentation.

* 224Art.757 C.civ.: « la loi n'accorde aucun droit aux enfants naturels sur les biens des parents de leur père ou de leur mère ».

* 225 TAINMONT (F.), Le droit successoral belge, vol. 14.2 Electronic Journal Of Comparative Law, (october 2010), http://www.ejcl.org/142/art142-10.pdf, p.14.

* 226 CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique. C'est l'arrêt par lequel, la CEDH a condamné la Belgique pour discrimination entre les enfant et qui est à l'origine de la loi du 31 mars 1987, qui règle aujourd'hui bien d'autres aspects que le seul droit successoral En l'espèce, la Cour avait notamment estimé qu'Alexandra Marckx, fille naturelle de Paula Marckx, avait été victime d'une violation de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combiné avec l'article 8, du fait tant des restrictions à sa capacité de recevoir des biens de sa mère que de son absence complète de vocation successorale à l'égard de ses proches parents du côté maternel. En ce qui concerne Paula Marckx, la Cour a également retenu une violation de l'article 14 de la Convention, combiné avec l'article 8, parce que les mères célibataires et les mères mariées n'ont pas la même liberté de donner ou de léguer leurs biens à leurs enfants.

* 227 Art. 654 PCPFT : « Les enfants et les autres descendants légitimes succèdent à leurs père et mère et autres ascendants sans distinction d'origine de la filiation, ni de sexe ». La compréhension de cet article semble difficile. Le législateur a bien évoqué qu'il s'agit des « enfant et autres descendants légitimes », mais pourquoi revenir dire « sans distinction d'origine de la filiation » ? Où c'est de la non distinction de l'origine de la filiation des descendants à succéder qu'il s'agit ici ?

* 228 Art.548PCPFT : « Par le seul effet de l'ouverture de la succession, tous les biens du défunt sont transmis à ses héritiers, qui sont ténus de toutes ses dettes et charges. Les héritiers peuvent, dès l'instant du décès, exercer les droits et actions du défunt. Les titres exécutoires contre le défunt sont pareillement exécutoires contre l'héritier personnellement, néanmoins les créanciers ne peuvent en poursuivre l'exécution que huit jours après la signification de ces titres à la personne ou au domicile de l'héritier ».

* 229ANOUKAHA (F.), op.cit., p.47.

* 230 Art. 307 PCPFT : « L'enfant a la qualité d'enfant légitime, lorsque l'union de ses parents intervient après l'établissement de sa filiation à l'égard de l'un et de l'autre. Il en est de même, lorsque le père vient à reconnaitre, après son mariage avec la mère, l'enfant dont la filiation paternelle n'était pas établie ».

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand