1.2 Hypothèses
- Le marché de la sécurité privée
est favorisé par le désengagement de l'Etat des services publics
de sécurité.
- Le marché de la sécurité privée
à Cotonou est animé par des acteurs intervenant dans une
même activité avec des logiques différentes.
- La demande croissante des services de sécurité
rapprochée, favorise l'expansion du marché de la
sécurité privée.
A partir de ces hypothèses,
nous avons émis un objectif général décliné
en des objectifs spécifiques.
1.3 Objectifs
1.3.1 Objectif
général
« Comprendre les facteurs qui expliquent les
dynamiques observées autour de la sécurité dans la ville
de Cotonou».
1.3.2 Objectifs spécifiques
Ø Décrire l'historique de la constitution du
marché de la sécurité privée dans la ville de
Cotonou.
Ø Présenter les acteurs des entreprises de
sécurité privée et leurs logiques sur la scène
marchande de la sécurité.
Ø Etablir la relation entre les besoins de
sécurité et les services des entreprises de
sécurité privée.
1.4 Justification du choix du sujet
Le réflexe de ne pas rester les bras croisés
pendant les périodes de vacances nous a poussé à la
recherche d'un job de vacance dans les structures en place dans la ville de
Cotonou. Après maintes recherches vaines, les sociétés de
gardiennage en recherche croissante d'effectif s'offrent à nous comme
une solution. Après avoir porté le choix sur l'une de ces
sociétés, nous avons rempli les conditions d'accès afin
d'acquérir la qualité d'agent. Avec notre petite
expérience de chercheur en Sociologie-Anthropologie nous nous sommes
lancés dans une observation participante dont le but initial
n'était pas pour une fin heuristique. Mais vu la forte demande des
services de ces entreprises nous nous sommes rendu compte que la
sécurité représente l'une des aspirations majeure des
habitants de la ville de Cotonou. Le regard critique porté sur le mode
de recrutement ; la durée et la qualité de la formation des
agents devant assurer la sécurité de leurs clients, puis
« la plus-value » que prélèvent les
responsables de ces sociétés sur les contrats de
sécurité, nous ont amené à transformer ces
préoccupations en un sujet de recherche.
1.5 Délimitation
thématique et clarification conceptuelle
1.5.1 Délimitation thématique
Notre sujet porte sur le marché de la
sécurité privée dans la ville de Cotonou, et suscite
beaucoup d'interrogations qui interpellent notre curiosité pour mettre
en évidence les conditions dans lesquelles s'est constitué un
marché dans une zone de la vie sociale ou la marchandisation serait
apparu d'emblée improbable. A ce propos ce sujet se veut une
réponse scientifique en raison des connaissances accumulées dans
les disciplines comme : la Sociologie, l'Economie, l'Anthropologie, la
Criminologie.
1.5.2 Clarification conceptuelle
Le thème même de sécurité n'a pas
une signification unique. En effet, dans son sens général, il
signifie une situation dans laquelle aucun danger n'est à redouter.
Cependant, la distinction est souvent faite de la part de professionnels de la
branche entre la sécurité dite active aussi appelée
sûreté ou « security » en anglais et la
sécurité dite passive ou « safety ». Par
ailleurs, le terme de « sécurité » selon
GRAWITZ(2004) désigne un « besoin qui satisfait, provoque un
sentiment particulier de quiétude. Ce besoin est fondamental mais les
moyens de le satisfaire diffèrent suivant les individus, les situations,
les époques et les cultures ».
L'expression sécurité privéene
soulève pas de difficulté quand il est question d'une agence de
gardiennage chargée de la surveillance d'un centre commercial ou du
service de sécurité de la société
INTER-CONSECURITY, par exemple. Qu'ont en commun tous les organismes que
l'usage courant place sous le chapeau de la sécurité
privée ? La réponse pourrait être qu'ils offrent une
sécurité ciblée, une protection qui profite en
propre à un client particulier ou à un site
déterminé. Alors que la police publique a pour mission de faire
régner la sécurité partout, l'agence ou le service de
sécurité ne protège que les intérêts de son
client et ne rend compte qu'à lui. La sécurité
privée est donc une sécurité particulière :
elle ne s'intéresse qu'aux besoins du client tels qu'il les
définit lui-même. Elle se caractérise par un désir,
motivé par le profit, de répondre à ses souhaits et par
une mission circonscrite : assurer la sécurité de tel site,
de telles personnes ou de tel réseau, à l'exclusion de tout autre
site, personne ou réseau. De son côté, la
sécurité publique assume des responsabilités plus
étendues et plus diffuses ; elle étend son parapluie
protecteur à toute la collectivité et fait respecter partout les
lois en appréhendant les délinquants et en les traduisant en
justice.
Une autre manière de saisir la
spécificité de la sécurité privée est de la
comparer à la police. LOUBET (1992) définit cette dernière
en ces termes : il y a fonction policière lorsque des aspects
majeurs de la régulation sociale sont assurés par une institution
agissant au nom du groupe et ayant la possibilité « d'user en
ultime recours de la force physique ». Il ajoute, que cette fonction
est consubstantielle à l'organisation politique. Par opposition, trois
caractéristiques de la sécurité privée sautent aux
yeux :
1) elle n'agit pas au nom du groupe, mais de son client ;
2) elle ne dispose qu'exceptionnellement du pouvoir d'user de
la force, avant tout elle surveille et prévient ;
3) elle ne relève pas du politique, étant
régie principalement par les lois du marché.
Ces considérations débouchent sur une
définition : par sécurité privée ou
particulière, nous entendons l'ensemble des biens et services servant
à la protection des personnes, des biens et de l'information que des
spécialistes motivés par le profit offrent à des
organisations en vue de répondre à leurs besoins particuliers.
Dans sa définition la plus générale, un
marché désigne le point de rencontre entre une offre et une
demande ; son existence est enregistrée dès qu'un certain
nombre de fournisseurs d'un bien ou d'un service particulier trouve les
consommateurs adéquats. Abstraitement on caractérisera dans le
temps un marché selon le type des biens échangés Ce
concept présente une matrice qui explique le phénomène de
la sécurité privée dans un contexte nouveau de pluralisme,
de compétition, de concurrence où l'offre et la demande, la
circulation, la production et la consommation de biens et services, la
recherche du profit, le système de prix sont autant d'aspects
manifestes.
1.6 Présentation du cadre
d'étude
1.6.1 Les contrastes issus du cadre
physique
Cotonou est la ville la plus attrayante du Bénin. Elle
est la capitale économique et grand centre politico-administratif. Elle
est située à 6°20 latitude Nord et 2°26 longitude Est
et se trouve à 30km de la frontière du Nigéria à
90kmde la frontière du Togo et à 610km de celle de Niger. Elle se
trouve au Sud du Bénin dans le département du Littoral. La ville
est limitée au Nord par le lac Nokoué, au Sud par l'Océan
Atlantique, et à l'Est par l'agglomération de Godomey (11km) et
à l'Ouest par Agblangandan (7 km) du centre-ville.
Cotonou est un microcosme de la société
béninoise. Elle abrite une population de 678874 habitants avec un taux
de croissance de 0,18%(RGPH4 INSAE 2013). D'une densité de
8593 habitants par km2, Cotonou abrite plusieurs groupes ethniques
et apparentés ; on y rencontre de nombreux ressortissants
étrangers. Etant non loin de la mégapole Lagos connue pour
être une ville de grand banditisme ; elle subit par effet de
diffusion ce système de grand banditisme sur son sol à cause de
la porosité de sa frontière.
Source : PDC Cotonou, 2008
Figure 1 : Découpage
administratif de la commune de Cotonou, 2008
1.6.2Les caractéristiques
socio-anthropologiques
Du fait de la dynamique de la population de Cotonou, selon les
données obtenues à l'Institut Nationale de la Statistique et de
l'Analyse Economique (INSAE, 2013) sur des enquêtes démographiques
et de fécondité, une compréhension peut être faite
en ce qui concerne les problèmes engendrés par la
précarité urbaine et qui entraine sur la psychologie de
l'individu un nombre inquiétant de traumatismes et de séquelles.
Le citadin, du fait de cette précarité retrouve son mental
entamé et développe lui-même de ce fait des comportements
propres à l'homme de la ville. C'est dans cette optique que nous
parlerons des données socio-économiques, des données
sociodémographiques et des données socioculturelles qui
favorisent l'insécurité dans la ville de Cotonou.
1.6.2.1. Données
socio-économiques
Cette première variable que nous avons
considérée est celle qui réside dans ce que nous pouvons
appeler le taux d'activité de la ville de Cotonou. Etant la capitale
économique, elle représente ainsi un grand levier
économique pour le pays à travers sa main mise sur les centres de
décisions économiques. La ville abrite plus de 57,6% des
établissements industriels et commerciaux (INSAE, 2008) du pays avec un
taux d'activité largement au-dessus de la moyenne. La population active
occupée représente près de 70,7% de la population de 10ans
et plus (INSAE, EMICoV, 2011). Pourtant la proportion des personnes sans
qualification des diplômes sans emploi et autres personnes au
chômage augmente invariablement. Dans la mesure où cette «
armée » de chômeurs et de sans emploi est celle qui alimente
les réseaux de banditismes et les acteurs s'y retrouvent parce que
n'ayant aucune occupation, la facilité pour eux de tomber sous le coup
de la tentation devient grande. L'absence de pouvoir d'achat amène les
populations à s'enfermer dans des zones de logement insalubres facteur
potentiel de la violence du fait des traumatismes vécus. Le
régime foncier amène un nombre important de population rurale
à vivre des problèmes d'insalubrités.
Or la caractéristique fondamentale du régime
foncier à l'origine de la ville est la coexistence de
propriétés collectives et des propriétés
individuelles. Ces dernières sont les plus nombreuses aujourd'hui compte
tenu de l'évolution des propriétés qui perdent peu
à peu leur caractère familiale, gage de sécurité
pour l'individu. La catégorie socioprofessionnelle et le revenu sont les
critères qui définissent aujourd'hui l'habitat à Cotonou.
Cette organisation de l'espace urbain à Cotonou qui impose au citadin
une place ou un logement du fait de son statut ou de ses ressources
limitées, sera à l'origine des disparités urbaines
observées. Cette répartition de fait, va créer une sorte
de `'ghetto'' d'enferment dans lequel sont catégorisées
certaines tranches de la population. Cela va entrainer d'ailleurs des tensions
tacites où l'autre n'est perçu qu'en fonction de sa zone de
résidence. Cette discrimination spatiale combinée avec d'autres
difficultés de chances scolaires et sociales constituant les indicateurs
d'une transformation générale de la société qui
favorisent l'approfondissement des inégalités sociales ayant pour
conséquence une violence urbaine exacerbée.
1.6.2.2.Données
sociodémographiques
Des données fournies par l'Institut National de la
Statistique et de l'Analyse Economique (INSAE) sur des enquêtes
démographiques et de fécondité et sur les recensements
généraux de la population et de l'habitat de février 2002
nous informent sur le mouvement de la population de Cotonou, zone de forte
sensibilité.
En 2002, Cotonou comptait 665100 habitants soit 11% de la
population nationale. Au quatrième recensement général de
la population et de l'habitat cette population est estimée à
678874 habitants soit un taux d'accroissement de 0,18%(INSAE, RGPH4,
2013). Il en résulte que l'augmentation de la population de Cotonou
entraîne une difficulté dans la maîtrise des couches les
plus vulnérables en précarité urbaine. Elle est surtout
alimentée par les migrations rurales. Cotonou étant aussi une
ville assez cosmopolite où cohabite la plupart des groupes ethniques du
Bénin avec de nombreuses communautés étrangères,
son choix permet de rendre compte d'un phénomène de la
sécurité privée vu la recrudescence de la
criminalité et la forte demande de sécurité dans cette
ville.
1.6.2.3. Données
socioculturelles
Pour mieux comprendre comment les facteurs socioculturels ont
une incidence sur l'émergence et l'accroissement de
l'insécurité dans la ville de Cotonou, il faudrait remonter
à la famille de base et voir comment celle-ci assure l'éducation
des enfants. De tout temps, la famille a été l'instrument
privilégié du conditionnement socioculturel. C'est elle qui
transmet de génération en génération la tradition
et c'est elle qui donne la première éducation. Elle a toujours
joué son rôle structurant dans la personnalité de base de
tout un chacun. Plus particulièrement la famille dite traditionnelle
éduquait les enfants dans un cadre tel que les valeurs inculquées
à l'enfant lui permettaient d'affronter la société. Ce
pouvoir éducatif qui pesait sur l'enfant tout au long de sa vie,
l'aidait à mieux intégrer la société et à
fuir ce qui peut l'en écarter. Les valeurs enseignées sont
essentiellement : l'honnêteté, le courage, le respect des biens
d'autrui. Mais avec les nouvelles façons de vivre influencées de
l'extérieur, avec la modernisation et l'urbanisation
accélérées que connaissent les sociétés
d'aujourd'hui, on observe le relâchement dans ce pouvoir éducatif
traditionnel. Le processus d'urbanisation et de modernisation ainsi que la
pauvreté qui sévir dans les campagnes ont poussé les
jeunes à un exode massif de leur localité vers les grandes
villes. Coupés des réalités culturelles de leur milieu et
abandonnés à eux-mêmes, les jeunes cherchent une porte de
sortie à travers les petits boulots, le commerce informel.
Les mauvaises fréquentations auxquelles ils sont soumis
entraînent forcement des comportements déviants ou se
mélangent à la fois délinquance, tabagisme, alcoolisme.
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